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Article de revue

Edward Said (1935-2003). Un comparatiste dans le monde

Pages 241 à 252

Notes

  • [1]
    Sa mère avait perdu un premier fils à l’hôpital du Caire. Voir l’autobiographie d’Edward Said, Out of Place. A Memoir [1999], Londres, Vintage, 2000, p. 20.
  • [2]
    Son père, Wadie (William) Ibrahim, a acquis la nationalité américaine par des séjours aux États-Unis et son engagement dans le Corps expéditionnaire commandé par Pershing pendant la première guerre mondiale.
  • [3]
    Reflections on Exile and Other Literary and Cultural Essays, « Between Worlds » [1998], Londres, Granta Books, 2012, p. 565.
  • [4]
    Cambridge (Mas.), Harvard University Press, 1966.
  • [5]
    Said évoque son malaise linguistique : « Arabic was forbidden and “wog” ; French was always “theirs” not mine ; English was authorized, but unacceptable as the language of the hatred British », dans Out of Place, op. cit., p. 198.
  • [6]
    Voir Alexis Tadié, « Edward Said et Joseph Conrad : la critique de l’illusion coloniale », Sonia Dayan-Herzbrun (éd.), Edward Said théoricien critique, Tumultes, n° 35, Paris, Kimé, novembre 2010, p. 67-80. L’aspect colonial sera surtout abordé dans des textes ultérieurs.
  • [7]
    Beginnings : Intention and Method [1975], New York, Columbia University Press, 1985, p. 5.
  • [8]
    Ibid., p. 316.
  • [9]
    « Husserl tries to seize the beginning proposing itself to the beginning as a beginning in a beginnnig », ibid., p. 49.
  • [10]
    Cité par Bruce Robbins (ed.), Intellectuals : Aesthetics, Politics, Academics, Minneapolis, University of Minneapolis Press, 1990, p. 145.
  • [11]
    « Representing the Colonised : Anthropology’s Interlocutors », dans Reflections on Exile and Other Literary and Cultural Essays [2000], Londres, Granta, 2012, p. 301.
  • [12]
    The World, the Text and the Critic, Cambridge (Mas.), Harvard University Press, 1983, p. 19.
  • [13]
    Ibid., p. 117-118. Voir l’essai « Speaking Truth to Power », dans Representations of the Intellectual [1994], Londres, Vintage, 1996.
  • [14]
    Reflections on Exile and Other Literary and Cultural Essays, op. cit., p. 173.
  • [15]
    « Intellectual Exile : Expatriates and Marginals », dans Representations of the Intellectual, op. cit., p. 62.
  • [16]
    Robert J. C. Young, « The Legacies of Edward W. Said in Comparative Literature », Comparative Critical Studies, Edinburgh University Press, 7.2-3, 2010, p. 357-366.
  • [17]
    Voir Pierre Brunel, Claude Pichois et André-Michel Rousseau, Qu’est-ce que la littérature comparée ?, Paris, Armand Colin, 1983, rééd. 2000, p. 27-28.
  • [18]
    Orientalism [1978], Londres, Penguin, 2003, p. 291.
  • [19]
    « Traveling Theory » in The World, the Text and the Critic, op. cit., p. 226-247. Voir aussi un essai de 1994, « Traveling Theory Reconsidered », dans Reflections on Exile and Other Literary and Cultural Essays, op. cit., p. 436-452.
  • [20]
    Culture and Imperialism [1993], Londres, Vintage, 1994, p. 36.
  • [21]
    « as affiliated with the empire », ibid., p. 59.
  • [22]
    « Faut-il réviser la notion de Weltliteratur ? », Essais de littérature (vraiment) générale, Paris, Gallimard, 1974.
  • [23]
    René Wellek et Austin Warren, La Théorie littéraire, traduction Jean-Pierre Audigier et Jean Gattégno, Paris, Le Seuil, « Poétique », 1971.
  • [24]
    Voir Muriel Detrie, « Connaissons-nous Étiemble ? », Revue de Littérature comparée, 2000/3, p. 413-425.
  • [25]
    Salman Rushdie, Imaginary Homelands : Essays and Criticism 1981-1991, Londres, Granta Books, 1991, p. 19.
  • [26]
    The Question of Palestine [1979], Londres, Vintage, 1992, p. 159. Il a été membre du Conseil national palestinien, parlement en exil, de 1977 à 1991, année où il a démissionné.
  • [27]
    C’est ainsi que Said présente la succession de ses trois œuvres au début de Covering Islam [1981], Londres, Vintage, 1997, p. xlix.
  • [28]
    The Question of Palestine, op. cit., p. 138. Golda Meir parle de « South Syrians », Yitzhak Rabin de « “so-called” Palestinians ».
  • [29]
    Ibid., p. 86.
  • [30]
    Covering Islam, op. cit., p. 42.
  • [31]
    On Late Style : Music and Literature against the Grain [2006], Londres, Vintage, 2007, p. 6.
  • [32]
    Ibid., p. 8.
  • [33]
    Humanism and Democratic Criticism, New York, Columbia University Press, 2004, p. 51 et 48.
  • [34]
    Woodstock/New York, The Overlook Press, 2006. Le chapitre 9 « An enquiry into a certain twentieth-century polemic » est consacré à une critique systématique d’Orientalism.
  • [35]
    C’est le cas notamment des historiens indiens comme Gyan Prakash qui veulent écrire des histoires « postorientalistes » à partir de l’expérience des subalternes.
  • [36]
    « The Question of Orientalism », New York Review of Books, vol. 29, n° 11 (24 june 1982), p. 49-56.
  • [37]
    Edward Alexander, « Professor of Terror », Commentary, vol. 88, n° 2 (august 1989), p. 49-50.

1 Edward Wadie Said est né à Jérusalem le 1er novembre 1935, de parents chrétiens protestants, mis au monde par une sage-femme juive, dans une Palestine sous mandat britannique. Il aurait pu naître au Caire, mais les hôpitaux de Jérusalem offraient de meilleures garanties sanitaires [1]. Toute la vie de Said se lit dans ce chassé-croisé entre Le Caire et Jérusalem, la tutelle coloniale, le sionisme et la Palestine, au carrefour des grandes religions monothéistes et dans la rencontre de l’Est et de l’Ouest. Le partage se lit aussi dans son identité oxymorique : un prénom anglais donné par sa mère en l’honneur du Prince de Galles et un patronyme typiquement arabe. Said ne parvient pas à dire quelle fut sa première langue, puisque sa mère lui parlait en anglais et en arabe [2]. Produit du système éducatif anglo-saxon, il a fait toutes ses études dans des établissements britanniques ou américains, au Caire et à Jérusalem, puis aux États-Unis à partir de l’âge de seize ans. Diplômé des plus grandes universités américaines (Princeton, Harvard), Said a été nommé en 1967 professeur de littérature anglaise et comparée à Columbia University, qui fut d’ailleurs l’une des premières universités américaines à reconnaître la littérature comparée en tant que discipline.

2 Si Said a franchi le seuil qui sépare le relatif anonymat des travaux universitaires de la reconnaissance publique, c’est sans doute par son engagement dans la cité : « For myself, I have been unable to live an uncommitted or suspended life. » [3] Articulant sa pratique littéraire sur le politique, Said a produit une œuvre abondante et éclectique (théorie et critique littéraire, musicologie, essais historiques et politiques). Ce sont les textes politiques qui ont été traduits les premiers en français et, depuis la mort de Said, le mouvement s’est accéléré pour rendre accessible aux lecteurs francophones la plupart de ses livres. La réception de Said a sans doute été biaisée, sinon faussée par le succès planétaire d’Orientalism, dont on a fait l’Ur-texte des études postcoloniales. Le sujet au départ spécialisé des études orientalistes s’est élargi en une vaste question de géopolitique, qui scrute les rapports d’hégémonie dans le monde contemporain et la manière dont les cultures extra-occidentales sont représentées, dont l’« Autre » est subordonné. Intégré d’office à la « trinité postcoloniale » (Said-Spivak-Bhabha), dans laquelle il joue le rôle du père, désigné de droit comme héritier de Foucault alors qu’il revendique constamment une position antidynastique en multipliant les affiliations (Adorno, Auerbach, Gramsci, Vico…), Said s’est trouvé totalement identifié à son troisième essai, Orientalism.

Worldliness

3 La figure fondatrice de l’œuvre de Said est l’écrivain Joseph Conrad, sujet de sa thèse de doctorat, Joseph Conrad and the Fiction of Autobiography[4]. Conrad, l’exilé écrivant dans une langue acquise, entre en résonance avec Said, qui s’identifie à cet écrivain de l’instabilité et de l’étrangeté, constitué par son exil d’une patrie asservie, la Pologne. Tout comme Conrad évolue entre polonais, français et anglais, Said se trouve pris entre trois langues dans lesquelles il se juge capable d’écrire et de parler, « almost but never quite with the fluency of a native » [5]. À partir de la correspondance et des nouvelles, Said analyse les images que Conrad construit de lui-même au filtre d’une approche inspirée de Sartre et de l’école de Genève, à la fois existentialiste et phénoménologique. S’il perçoit à l’occasion la vanité des entreprises coloniales et la corrélation entre culture savante et pouvoir, Conrad ne peut, selon Said, passer de l’autre côté, celui des victimes de l’impérialisme, qu’il n’imagine pas accéder à l’indépendance. Écrivant du dedans, il ne saisit pas la nature complexe de ces ténèbres étrangères à l’Europe [6].

4 Grâce au volume Beginnings : Intention and Method (1975), qui se présente comme une réflexion philosophique appliquée à l’analyse littéraire et à l’interprétation de l’histoire littéraire, Said propose une étude théorique sur les commencements, terme qu’il définit comme « the first point (in time, space or action) of an accomplishment or process that has duration and meaning », « the first step in the intentional production of meaning » [7]. Beginnings constitue une première approche des thèmes appelés à connaître des développements importants dans l’œuvre de Said comme la figure de l’intellectuel public et laïc. Said distingue l’origine, divine ou mythique, et le commencement, séculier et produit par l’humain, la passivité d’un côté, l’action de l’autre [8]. Il oppose, en outre, l’intransitivité du commencement chez Husserl [9] à la transitivité d’un début qui laisse prévoir des prolongements chez Marx ou Auerbach. Said, penseur séculier, privilégie les commencements laïcs en prise avec le monde par rapport aux origines transcendantes ou anhistoriques. Cet essai théorique est bien reçu par les instances académiques, mais connaît une audience limitée.

5 Said est persuadé que l’homme, comme l’œuvre d’art, se situe dans son temps, tout en entrant en interaction avec d’autres lieux et d’autres époques. Cet ancrage appelle un autre concept-clé, celui de « worldliness » : « Worldliness originally meant to me, at any rate, some location of oneself or one’s work, or the work itself, the literary work, the text, and so on, in the world as opposed to some extra worldly, private, ethereal context. » [10] La notion de « worldliness », qui évoque l’irréductible immédiateté de la réalité empirique, l’équivalent du Dasein de Heidegger, et peut se traduire, faute de mieux, par « mondanité », comporte deux sens principaux : l’appartenance au monde séculier par opposition au détachement ou au retrait, l’idée d’un savoir-vivre exercé et légèrement blasé (empruntée à l’expression française « du monde ») [11]. Le texte fondateur de cette position est le volume The World, the Text, the Critic, publié en 1983, à une période où le conservatisme fait retour sous Reagan, ce qui explique une tonalité moins neutre que celle adoptée dans Beginnings. The World, the Text, the Critic constitue une révision critique du paysage académique et médiatique et réhabilite la figure du critique et de l’intellectuel en général. Pour Said, il existe deux modes d’appartenance du texte et du critique au monde : la filiation et l’affiliation, d’un côté un processus quasi génétique, qui implique une descendance et une loyauté au groupe d’appartenance, de l’autre, un processus dynamique d’identification par la culture fondé sur des convictions communes [12].

6 La mission de l’intellectuel consiste pour Said à « dire la vérité au pouvoir », mais son rôle ne se limite pas à dire « non » : il doit réfléchir soigneusement aux alternatives pour contribuer au changement qui s’impose [13]. L’intellectuel, le critique, doit vivre dans le siècle et dans le monde, loin de l’univers aseptisé de la pure théorie, mais de quel monde s’agit-il ? L’extra-territorialité est en passe de devenir une des conditions de l’homme contemporain, voué à la diaspora et à la dislocation brutale. Toutefois, l’exil constitue aussi une source de la créativité grâce à la dualité, voire la pluralité de visions qu’il implique. La condition exilique peut même apparaître comme la condition nécessaire d’une mondanité véritablement critique — le sens de la perte joue un rôle d’aiguillon — tandis que le canon moderne occidental est souvent constitué d’œuvres de l’exil [14]. Auerbach, qui écrivit Mimèsis depuis Istanbul, apparaît comme un des paradigmes de l’intellectuel exilé, au même titre qu’Adorno, autre victime des Nazis. Le monde de l’exil est le lieu d’où parle Said car les Palestiniens ont connu un sort peu commun : avoir été exilé par un peuple diasporique. L’exil, qui vaccine contre toute attitude chauvine ou nationaliste, devient alors une éthique pour Said, d’autant plus qu’il offre la chance d’un nouveau commencement [15].

Said et la littérature comparée

7 Une des branches les plus importantes de la littérature comparée américaine se trouve être la théorie littéraire, que Robert Young identifie globalement à l’ACLA (American Comparative Literature Association) [16]. Ainsi, l’essai initial, Beginnings : Intention and Method, présente une démarche comparatiste puisqu’il met en relation une série d’écrivains et de philosophes européens, tout en s’inscrivant dans la tradition théorique américaine par sa réflexion épistémologique sur les conditions de la littérature et de la critique. Même si le volume The World, The Text, The Critic comporte encore une dimension théorique par sa portée métacritique, Said renonce vite au monde de l’ACLA pour se tourner vers la culture et la politique. Il reproche d’ailleurs à la critique américaine d’être pratiquée par une petite coterie académique, hyperspécialisée et soi-disant apolitique, qui en oublie d’être critique.

8 On sait que la littérature comparée n’est pas strictement comprise de la même manière aux États-Unis et en France. Si l’école française a longtemps affiché une prédilection pour l’histoire littéraire et les études d’influences au risque d’être taxée de scientisme, l’école américaine s’est singularisée par la revendication d’une ouverture à toutes les cultures étrangères — manière de s’émanciper de la tutelle européenne — et l’affirmation d’une pluralité de méthodes pour éprouver les valeurs humaines et esthétiques de la littérature [17]. Ce qui pourrait situer Said dans la tradition d’un comparatisme européen (même s’il fut importé aux États-Unis, précisément par des émigrés européens), c’est le rôle imparti à la philologie. La littérature comparée est un champ disciplinaire qui a été fortement influencé par les travaux des philologues des langues romanes comme Auerbach, auquel Said voue une grande admiration, notamment pour Mimèsis, où l’exilé retrace, avec la conscience que c’est peut-être la dernière fois, l’évolution de la littérature européenne depuis Homère jusqu’à Virginia Woolf. Cette affiliation à la tradition philologique illustrée par Auerbach peut surprendre car c’est précisément cet héritage qu’il attaque dans Orientalism. Pourtant, étudier les textes dans la langue d’écriture apparaît comme un but essentiel du comparatiste et, dans Covering Islam, Said n’a de cesse de fustiger les « experts » américains qui jugent de la culture du Moyen-Orient sans connaître un mot d’arabe. Faute d’une véritable implantation de la tradition philologique aux États-Unis, l’étude des langues tend à devenir un simple outil des sciences sociales et n’est plus tournée vers la lecture des textes littéraires [18].

9 La position de Said au carrefour des traditions comparatistes américaine et européenne est illustrée par Orientalism, dans lequel il exploite un corpus plurilingue de textes de genres différents (littéraires ou non), qu’il aborde selon une perspective transdisciplinaire, tout en empruntant à l’imagologie par son étude des stéréotypes attachés à l’Orient et à l’Oriental. Son ouvrage s’inspire également de modèles théoriques poststructuralistes d’inspiration française — la fameuse French Theory —, sous les espèces des théories foucaldiennes sur le discours et le savoir-pouvoir. Said n’apprécie les systèmes théoriques que dans la mesure où ils « voyagent » entre les auteurs et les époques, comme l’attestent ses articles sur les avatars de la théorie de la réification de Lukacs [19]. Said transfère des méthodologies comparatistes dans le domaine des études culturelles tout en rendant poreuses les limites entre études littéraires et culturelles. Académiquement, il traverse et transgresse les frontières disciplinaires, ce qui le conduit dans des domaines situés hors de sa spécialité et entraîne en retour des procès en incompétence chez ses détracteurs, — l’éclectisme, souvent attaché à la figure du comparatiste, valant comme péché capital. C’est ainsi que Said a travaillé sur l’opéra de Verdi, Aida, en tant qu’exemple de l’orientalisme en musique, ou sur des compositeurs novateurs tels qu’Arnold Schoenberg et Glenn Gould. À partir des travaux d’Adorno, il a développé un modèle théorique dans lequel la musique forme la base d’un théorie plus large des relations culturelles, qui fonctionne selon le motif du contrepoint, d’une manière dialogique et dialectique. Le contrepoint devient précisément un fondement théorique de la lecture et de la critique chez Said, qui l’assimile dans Culture and Imperialism à une pratique comparatiste : « A comparative, or better, a contrapuntal perspective is required. » [20] Le modèle musical sert ainsi à Said de paradigme théorique et heuristique pour une lecture différente du discours occidental.

10 Said met en relation le développement de la littérature comparée et l’émergence de la géographie impériale, le savoir des grands érudits et le pouvoir de la cartographie européenne, ce qui le conduit à considérer la littérature comparée « comme affiliée à l’empire » [21]. La conception idéaliste de l’histoire qui a nourri le projet comparatiste de « littérature universelle » se trouve alors dénaturée par la carte du monde majoritairement impériale de la même époque. L’esprit d’ouverture qui a présidé à la Weltliteratur chez Goethe a dégénéré en universalisme eurocentré. Pour Said, la littérature comparée conçue exclusivement d’un point de vue européen présente des analogies avec le système impérialiste dans le fait même qu’elle assujettit la périphérie et satellise le monde non-européen : à la primauté du canon européen répond celle du pouvoir européen sur le monde. C’est pourquoi Said souhaite donner au corpus traité par la littérature comparée une tournure plus nettement extra-européenne, qui se trouve à l’origine chez Goethe, même si ce dernier maintient la centralité du canon européen. Dans son souhait de renouveler la bibliothèque universelle et donc de revitaliser la Weltliteratur, il rejoint Étiemble [22], qui avait reproché à Wellek et Warren de s’être cantonnés à l’espace littéraire de l’Europe occidentale [23]. Là où Said se sépare d’Étiemble, c’est qu’il ne croit guère en un homme universel, ni en sa théorie des invariants, des lois générales à valeur universelle régissant les littératures du monde [24], point de vue frappé d’eurocentrisme selon lui.

11 Le concept de « mondanité » (« worldliness ») peut devenir un principe du comparatisme littéraire : contre les écueils du nationalisme et de la radicalisation identitaire, la littérature doit s’aborder dans une perspective mondiale à l’ère de la World Literature. Alors que les catégories transnationales supplantent le national, la littérature comparée peut et doit être à même d’analyser les ressorts et les manifestations de la globalisation, dont Said est partie prenante par son statut même d’exilé. Le modèle de littérature comparée que Said privilégie conteste l’autorité de l’observateur occidental, la centralité culturelle de l’Europe à travers un discours qui est celui du subalterne, du non-Européen (quoique parfois occidentalisé). Ce modèle entre donc dans un rapport étroit avec le modèle interprétatif postcolonial, qui interroge sur la capacité du colonisé à s’exprimer en tant que sujet et insiste sur la nécessité de réévaluer des littératures trop longtemps perçues comme « périphériques ». Said propose finalement une réinvention post-impérialiste de la Weltliteratur de Goethe, à la mesure d’une « mondanité » élargie sous l’effet d’un double regard, celui d’un Palestinien exilé aux États-Unis, le fameux « regard stéréoscopique » dont parle Rushdie à propos des écrivains migrants [25].

La question palestinienne

12 Said a toujours refusé l’image double qu’on donnait de lui, l’universitaire érudit, d’une part, l’activiste politique au service de la cause palestinienne, d’autre part, car l’activité critique ne peut exister qu’en prise avec le monde, enracinée. À partir de 1967 et de la guerre des Six jours, désastreuse pour les Arabes, la Palestine devient la principale préoccupation de Said, pour la cause de laquelle il combattra inlassablement. Et son engagement très marqué, notamment en faveur d’Arafat et du Fatah [26], a été la cible des attaques les plus violentes aux États-Unis et même dans le monde arabe. Les accords d’Oslo de 1993 ont été un « Versailles palestinien » aux yeux de Said, qui prend alors ses distances avec Arafat, dont il accuse par ailleurs l’administration de corruption. Après avoir soutenu l’idée de deux États séparés, solution qui paraît de plus en plus irréalisable avec la multiplication des colonies et le morcellement des territoires par la « clôture de sécurité » édifiée par Israël, il préconise la coexistence de deux peuples égaux et réconciliés sur le territoire de la Palestine historique.

13 Said a écrit plusieurs essais sur les relations modernes entre l’islam, l’Arabe et l’Orient, d’une part, et la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis, l’Occident d’autre part. Le premier, déjà cité, Orientalism retrace les grandes étapes qui vont de l’expédition de Bonaparte en Égypte à l’émergence de l’hégémonie américaine après 1945, en passant par l’ère coloniale et l’élaboration du savoir orientaliste en Europe au XIXe siècle. The Question of Palestine décrit l’évolution de la lutte entre les habitants, majoritairement musulmans, de la Palestine, et le mouvement sioniste, que Said considère comme profondément occidental. L’ouvrage permet de mettre au jour ce qu’occulte la vision occidentale de l’Orient, à savoir la lutte que mène le peuple palestinien pour exercer son droit à l’autodétermination. Enfin, Covering Islam traite d’un sujet contemporain : les réactions occidentales, et plus spécifiquement américaines, face au monde islamique perçu comme une zone à la fois stratégique et sensible depuis le début des années 1970 [27]. Cette trilogie peut-être considérée comme fondatrice des études postcoloniales.

14 The Question of Palestine apparaît d’abord comme une application des théories d’Orientalism à une région et une histoire particulières, un transfert du colonialisme au sionisme. L’objet de cet essai est, en effet, d’articuler une position palestinienne par rapport à l’Occident et aux États-Unis, en particulier, d’exemplifier une stratégie de résistance contre un discours de domination, — une forme de « writing back ». Said précise sa cible : ce sont les sionistes et non les Juifs et il s’oppose vivement à l’équation selon laquelle l’antisionisme équivaut à l’antisémitisme. Le processus à l’œuvre en Palestine est finalement comparable au phénomène décrit par Orientalism : les Palestiniens sont réduits à l’état d’objet, niés et rendus invisibles par la propagande israélienne [28]. La création d’un État juif en Palestine reprend certains principes de la colonisation européenne, une domination qui ne s’est pas arrêtée avec la création d’Israël, mais qui s’est au contraire intensifiée. La spécificité de cette colonisation réside dans le fait qu’elle est associée à l’accomplissement d’une promesse de Dieu (la « terre promise »), d’une occupation quasi messianique (le travail des Juifs doit « racheter » cette terre) et à une forme de restauration : il s’agit non d’établir, mais de « rétablir » un foyer juif en Palestine, selon les propos de Chaim Weizmann repris par Said [29]. Le sionisme vise à créer une société qui ne peut être qu’autochtone, sans métropole dont elle dépendrait — à moins de considérer que les États-Unis et son importante communauté juive ne jouent ce rôle. Said insiste sur un paradoxe et une injustice : afin d’accueillir tous les Juifs exilés, on déplace les Palestiniens du territoire d’Israël et on en fait des « réfugiés ». En suggérant un parallèle entre sionisme et colonialisme européen, Said tend à transformer un soi-disant mouvement de libération en une invasion mue par une idéologie conquérante.

15 Le troisième volume de la trilogie, Covering Islam, élargit la question à la représentation de l’islam dans les médias occidentaux, surtout américains, à partir des années 1970. Said affirme que tout discours sur l’islam tend, de manière plus ou moins prononcée, à affirmer une autorité et un pouvoir, mais comme dans Orientalism, il remet en cause l’authenticité du savoir sur l’islam, conditionné par la position de celui qui le produit. Le terme « islam » constitue pour les Occidentaux une appellation réductrice, qui tient de la chimère et du label idéologique. Depuis la crise pétrolière du début des années 70, l’islam est devenu un bouc émissaire associé à des États répressifs et moyenâgeux. L’étiquette apposée à l’islam est donc saturée idéologiquement comme en témoigne l’article de Samuel P. Huntington, « The Clash of Civilizations », qui fait de l’islam — figé dans une posture d’anti-modernité — l’ennemi numéro 1 de l’Occident depuis la chute de l’Union soviétique [30]. Said marque cependant une nette différence entre Europe et États-Unis : les pays européens ont une expérience directe du monde islamique (colonies, immigration) dont sont dépourvus les États-Unis, pour lesquels l’islam n’a pas d’existence en dehors des médias, qui le représentent quasi exclusivement comme étrange/étranger et menaçant. De telles représentations constituent une part essentielle de la question palestinienne dans la mesure où elles ont pour conséquence de disqualifier les Palestiniens et de les condamner au silence.

16 L’autobiographie, Out of place : A Memoir, publiée en 1999 permet de relier les commencements et la fin de la vie de Said, marquée par l’exil et l’écart. Amorcée en 1994, la rédaction de l’autobiographie coïncide avec le diagnostic de la leucémie de Said et constitue une sorte d’écriture contre la mort, qui tente à la fois d’opérer une reconstruction du moi et une restauration historique — celle de la patrie perdue, la Palestine. Ce qui frappe, c’est que Said relit ses années de formation d’une manière très politique, au filtre d’une conscience supposée précoce d’une résistance à l’impérialisme européen déclinant : jouer les cancres et mépriser les professeurs britanniques devient alors un acte de rébellion contre le colonialisme.

Late Said

17 Attachement aux commencements, nécessité d’être en prise avec la réalité du monde, la philosophie de Said accorde une importance particulière aux moments terminaux et tardifs, « lateness », comme dans son essai, On Late Style : Music and Literature against the Grain, publié en 2006, après sa mort. Si le style tardif de Shakespeare dans La Tempête traduit « a new spirit of reconciliation and serenity often expressed in terms of a miraculous transfiguration of common reality » [31], c’est loin d’être le cas chez tous les artistes. Le point de départ de l’analyse d’Adorno, dont s’inspire Said, est le Spätstil de Beethoven qui dramatise une époque très particulière de l’histoire culturelle : « a moment when the artist, in full control of his medium, nevertheless abandons communications with the bourgeois order of which he is a part and achieves a contradictory alienated relationship with it. » [32] Loin d’atteindre une forme de sérénité ou de sagesse, le style tardif de Beethoven n’est pas résumé ou apothéose de l’œuvre, mais se construit dans un rapport d’étrangeté et d’aliénation par rapport au public, dans la mesure où il renvoie à la pensée de la mort. Le style tardif est à la fois une fin — on ne peut guère aller plus loin — et une survivance : il n’existe pas d’unité, ni de transcendance dans les œuvres tardives de Beethoven, mais leur absence même est le signe du succès du compositeur. Le style tardif joue à contre-temps (« untimeliness ») et pose une maturité vulnérable et problématique, parfois associée à une forme de décadence comme chez Lampedusa et Visconti. Finalement le style tardif participe d’une perspective en contrepoint, relevant d’une production qui va délibérément à contrefil de l’écriture attendue.

18 Ainsi, les dernières œuvres de Said, notamment Humanism and Democratic Criticism (2004), semblent prendre le lecteur à contre-pied en manifestant le désir de réinstaurer l’humanisme au centre des humanités et d’en faire un processus critique démocratique. Le style tardif chez Said n’est pas celui de la miraculeuse réconciliation, mais comporte quelque chose de régressif à travers ce désir même de retourner à l’humanisme, qui semble aux antipodes des objectifs de la théorie contemporaine. L’humanisme de Said n’a rien de fédérateur ni d’utopique : il est parfaitement « séculier » — le mot clé est, ici comme ailleurs, « worldly » [33] — et se fonde sur la pratique de la lecture critique. Said promeut un humanisme transnational, qui s’inscrit dans un espace post-européen libéré de l’expérience impériale et s’adapte à un monde globalisé et hétérogène au prix d’une révolution copernicienne. Cette plaidoirie vibrante et décalée en faveur de l’humanisme, non la philosophie qui s’est disqualifiée tout au long du XXe siècle, mais une véritable éthique de l’action et de la résistance chez le citoyen, apparaît comme la signature prophétique du « style tardif » de Said, empreint d’une énergie turbulente et insolente, bien davantage que d’une sagesse assise et définitive. Jusqu’au bout, son geste critique reste marqué d’une méthode oppositionnelle et dialectique, à la fois généalogique et prospective, « a technique of trouble ».

19 La réussite de Said réside sans doute moins dans le fait d’avoir ébranlé les représentations de l’Orient que d’avoir problématisé l’Occident et ses discours. Son œuvre — surtout Orientalism qui a posé la stature internationale de son auteur — a connu un retentissement immense, mais a également suscité des réserves de toute nature, comme en témoigne la critique méthodique établie par Robert Irwin dans Dangerous Knowledge : Orientalism and its Discontents[34]. Si Said a fait école avec son concept d’orientalisme [35], qui a fini par constituer un terme générique pour désigner la manière dont les cultures dominées sont traitées et représentées, ses positions idéologiques et polémiques ont suscité des réactions d’une rare violence. L’un de ses détracteurs les plus virulents est Bernard Lewis, classé par Said dans la « guilde » honnie des orientalistes contemporains, et dont les critiques se multiplient : amateurisme et incompétence, esprit excessivement polémique et par là offensant, y compris pour les Arabes, idéologie proche du fondamentalisme musulman [36]. Dans le même registre, Edward Alexander a fait de Said « a professor of terror » [37], l’accusant de partager la fascination des intellectuels pour le terrorisme. À toutes ces attaques et malgré les menaces de mort, Said a toujours répondu avec une inlassable énergie que d’aucuns ont prise pour de la rage.

Bibliographie

Bibliographie d’Edward Said

  • Essais
    • Joseph Conrad and the Fiction of Autobiography [1966], New York, Columbia University Press, 2008.
    • Beginnings : Intentions and Method [1975], New York, Columbia University Press, 1985.
    • Orientalism [1978], Londres, Penguin, 2003 ; L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident [1980], traduction Catherine Malamoud, Paris, Seuil, 2005.
    • The Question of Palestine [1979], Londres, Vintage, 1992 ; La Question de Palestine, traduction Jean-Claude Pons, Paris, Sindbad/Actes Sud, 2010.
    • Covering Islam : How the Media and the Experts Determine How We See the Rest of the World [1981], Londres, Vintage, 1997 ; L’Islam dans les médias, traduction Charlotte Woillez, Paris, Sindbad/Actes Sud, 2011.
    • The World, the Text and the Critic, Cambridge (MA.), Harvard University Press, 1983
    • After the Last Sky : Palestinian Lives, with photographs by Jean Mohr [1986] New York, Columbia University Press, 1999.
    • Nationalism, Colonialism and Literature — Yeats and Decolonization, Dublin, Field Day, 1988 ; Nationalisme, Colonialisme et Littérature, traduction Sylviane Troadec, Ginette Emprin, Pierre Lurbe et Jacqueline Genet, Lille, Presses Universitaires du Septentrion, « Études irlandaises », 1994.
    • Musical Elaborations, Londres, Chatto and Windus, 1991.
    • Culture and Imperialism [1993], Londres, Vintage, 1994 ; Culture et Impérialisme, traduction Paul Chemla, Paris, Fayard/Le Monde diplomatique, 2000.
    • The Politics of Dispossession : The Struggle for Palestinian Self-Determination 1969-1994, Londres, Chatto & Windus, 1994.
    • Representations of the Intellectual : The 1993 Reith Lectures [1994], Londres, Vintage, 1996 ; Des intellectuels et du pouvoir, traduction Paul Chemla revue par Dominique Eddé, Paris, Seuil, 1996.
    • Peace and its Discontents : Gaza-Jericho 1993-1995, Londres, Vintage, 1995 ; Peace and its Discontents : Essays on Palestine in the Middle East Peace Process, Londres, Vintage, 1996.
    • Entre guerre et paix : retours en Palestine-Israël, traduction Béatrice Vierne, préface de Tzvetan Todorov, Paris, Arléa, 1997 [deux récits de voyage publiés originellement dans The Observer d’octobre-novembre 1992, pour le premier, et dans The London Review of Books de septembre 1996 pour le second].
    • Israël-Palestine : l’égalité ou rien, traduction Dominique Eddé et Éric Hazan, Paris, La Fabrique, 1999 [réunion de 26 essais publiés entre 1993 et 1999].
    • Out of Place. A Memoir [1999], Londres, Vintage, 2000 ; À Contre-voie, traduction Brigitte Caland et Isabelle Genet, Paris, Le Serpent à plumes, 2002.
    • The End of the Peace Process : Oslo and After, Londres, Granta, 2000.
    • Reflections on Exile and Other Literary and Cultural Essays [2000], Londres, Granta, 2012 ; Réflexions sur l’exil et autres essais, traduction Charlotte Woillez, Paris, Actes Sud, 2008.
    • Freud and the Non-European, Londres, Verso, 2003 ; Freud et le monde extra-européen, traduction Philippe Babo, Paris, Le Serpent à Plumes, 2004.
    • From Oslo to Iraq and the Roadmap, Londres, Bloomsbury, 2004 ; D’Oslo à l’Irak, traduction Paul Chemla, Paris, Fayard, « Documents », 2005.
    • Humanism and Democratic Criticism, New York, Columbia University Press, 2004 ; Humanisme et démocratie, traduction Christian Calliyannis, Paris, Fayard, « Documents », 2005.
    • On Late Style : Music and Literature against the Grain [2006], Londres, Vintage, 2007 ; Du Style tardif, traduction Michelle-Viviane Tran Van Khai, Paris, Actes Sud, 2012.
    • Music at the Limits, New York, Columbia University Press, 2008.
  • Entretiens, ouvrages collectifs

    • Avec Christopher Hitchens, Blaming the Victims : Spurious Scholarship and the Palestinian Question, Londres, Verso, 1988.
    • The Pen and the Sword, Conversations with David Barsmian, Monroe (ME), Common Courage Press, 1994.
    • Avec Noam Chomsky et Ramsey Clark, Acts of Aggression : Policing « Rogue » States, New York, Seven Stories Press, « Open Media Pamphlet », 1999 (édition révisée en 2002) ; La Loi du plus fort : la mise au pas des États voyous, traduction Guy Ducornet, Paris, Le Serpent à plumes, 2002.
    • Power, Politics, and Culture : Interviews with Edward Said, Gauri Viswanathan (ed.), New York, Pantheon, 2001 [Traduction partielle par Léa Gauthier dans Dans l’ombre de l’Occident et autres propos, Seloua Luste Boulbina (ed.), Paris, Black Jack Éditions, « Pile ou face », 2011].
    • Avec Daniel Barenboim, Parallels and Paradoxes : Explorations in Music and Society, Aria Guzelimian (ed.), New York, Pantheon, 2002 ; Parallèles et Paradoxes. Explorations musicales et politiques, traduction Philippe Babo, Paris, Le Serpent à plumes, 2003.
    • Culture and Resistance : Conversations with Edward Said, David Barsamian (ed.), Cambridge (MA), South End Press, 2003 ; Culture et résistance : Entretiens avec David Barsamian, traduction Christian Calliyanis, Paris, Fayard, « Documents », 2004.
    • Interviews with Edward W. Said, Amritjit Singh and Bruce G. Johnson (eds.), Jackson, University Press of Mississipi, 2004.
    • Conversations with Edward Said, Tarik Ali (ed.), Londres, Seagull Books, 2006.

Date de mise en ligne : 26/12/2013.

https://doi.org/10.3917/rlc.346.0241

Notes

  • [1]
    Sa mère avait perdu un premier fils à l’hôpital du Caire. Voir l’autobiographie d’Edward Said, Out of Place. A Memoir [1999], Londres, Vintage, 2000, p. 20.
  • [2]
    Son père, Wadie (William) Ibrahim, a acquis la nationalité américaine par des séjours aux États-Unis et son engagement dans le Corps expéditionnaire commandé par Pershing pendant la première guerre mondiale.
  • [3]
    Reflections on Exile and Other Literary and Cultural Essays, « Between Worlds » [1998], Londres, Granta Books, 2012, p. 565.
  • [4]
    Cambridge (Mas.), Harvard University Press, 1966.
  • [5]
    Said évoque son malaise linguistique : « Arabic was forbidden and “wog” ; French was always “theirs” not mine ; English was authorized, but unacceptable as the language of the hatred British », dans Out of Place, op. cit., p. 198.
  • [6]
    Voir Alexis Tadié, « Edward Said et Joseph Conrad : la critique de l’illusion coloniale », Sonia Dayan-Herzbrun (éd.), Edward Said théoricien critique, Tumultes, n° 35, Paris, Kimé, novembre 2010, p. 67-80. L’aspect colonial sera surtout abordé dans des textes ultérieurs.
  • [7]
    Beginnings : Intention and Method [1975], New York, Columbia University Press, 1985, p. 5.
  • [8]
    Ibid., p. 316.
  • [9]
    « Husserl tries to seize the beginning proposing itself to the beginning as a beginning in a beginnnig », ibid., p. 49.
  • [10]
    Cité par Bruce Robbins (ed.), Intellectuals : Aesthetics, Politics, Academics, Minneapolis, University of Minneapolis Press, 1990, p. 145.
  • [11]
    « Representing the Colonised : Anthropology’s Interlocutors », dans Reflections on Exile and Other Literary and Cultural Essays [2000], Londres, Granta, 2012, p. 301.
  • [12]
    The World, the Text and the Critic, Cambridge (Mas.), Harvard University Press, 1983, p. 19.
  • [13]
    Ibid., p. 117-118. Voir l’essai « Speaking Truth to Power », dans Representations of the Intellectual [1994], Londres, Vintage, 1996.
  • [14]
    Reflections on Exile and Other Literary and Cultural Essays, op. cit., p. 173.
  • [15]
    « Intellectual Exile : Expatriates and Marginals », dans Representations of the Intellectual, op. cit., p. 62.
  • [16]
    Robert J. C. Young, « The Legacies of Edward W. Said in Comparative Literature », Comparative Critical Studies, Edinburgh University Press, 7.2-3, 2010, p. 357-366.
  • [17]
    Voir Pierre Brunel, Claude Pichois et André-Michel Rousseau, Qu’est-ce que la littérature comparée ?, Paris, Armand Colin, 1983, rééd. 2000, p. 27-28.
  • [18]
    Orientalism [1978], Londres, Penguin, 2003, p. 291.
  • [19]
    « Traveling Theory » in The World, the Text and the Critic, op. cit., p. 226-247. Voir aussi un essai de 1994, « Traveling Theory Reconsidered », dans Reflections on Exile and Other Literary and Cultural Essays, op. cit., p. 436-452.
  • [20]
    Culture and Imperialism [1993], Londres, Vintage, 1994, p. 36.
  • [21]
    « as affiliated with the empire », ibid., p. 59.
  • [22]
    « Faut-il réviser la notion de Weltliteratur ? », Essais de littérature (vraiment) générale, Paris, Gallimard, 1974.
  • [23]
    René Wellek et Austin Warren, La Théorie littéraire, traduction Jean-Pierre Audigier et Jean Gattégno, Paris, Le Seuil, « Poétique », 1971.
  • [24]
    Voir Muriel Detrie, « Connaissons-nous Étiemble ? », Revue de Littérature comparée, 2000/3, p. 413-425.
  • [25]
    Salman Rushdie, Imaginary Homelands : Essays and Criticism 1981-1991, Londres, Granta Books, 1991, p. 19.
  • [26]
    The Question of Palestine [1979], Londres, Vintage, 1992, p. 159. Il a été membre du Conseil national palestinien, parlement en exil, de 1977 à 1991, année où il a démissionné.
  • [27]
    C’est ainsi que Said présente la succession de ses trois œuvres au début de Covering Islam [1981], Londres, Vintage, 1997, p. xlix.
  • [28]
    The Question of Palestine, op. cit., p. 138. Golda Meir parle de « South Syrians », Yitzhak Rabin de « “so-called” Palestinians ».
  • [29]
    Ibid., p. 86.
  • [30]
    Covering Islam, op. cit., p. 42.
  • [31]
    On Late Style : Music and Literature against the Grain [2006], Londres, Vintage, 2007, p. 6.
  • [32]
    Ibid., p. 8.
  • [33]
    Humanism and Democratic Criticism, New York, Columbia University Press, 2004, p. 51 et 48.
  • [34]
    Woodstock/New York, The Overlook Press, 2006. Le chapitre 9 « An enquiry into a certain twentieth-century polemic » est consacré à une critique systématique d’Orientalism.
  • [35]
    C’est le cas notamment des historiens indiens comme Gyan Prakash qui veulent écrire des histoires « postorientalistes » à partir de l’expérience des subalternes.
  • [36]
    « The Question of Orientalism », New York Review of Books, vol. 29, n° 11 (24 june 1982), p. 49-56.
  • [37]
    Edward Alexander, « Professor of Terror », Commentary, vol. 88, n° 2 (august 1989), p. 49-50.
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