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Article de revue

L'appropriation de la littérature germanique en Catalogne (1895-1938)

Pages 311 à 331

Notes

  • [1]
    Voir Michel Espagne et Michael Werner, « La construction d’une référence culturelle allemande en France : genèse et histoire (1750-1914) », Annales ESC (juillet-août) 4, 1987, p. 969-992, et Michel Espagne, Les transferts culturels franco-allemands, Paris, Presses Universitaires de France, 1999.
  • [2]
    Yves Chevrel s’est intéressé à la réalité du texte traduit : comment et pourquoi prend-il sa place dans un système littéraire, quelle fonction y occupe-t-il, ou quelle modification de ce système entraîne-t-il. Voir « Le texte étranger : la littérature traduite », dans Yves Chevrel et Pierre Brunel (dir.), Précis de littérature comparée, Paris, Presses Universitaires de France, 1989, p. 57-83. Voir aussi le numéro spécial de la RLC, « Le texte étranger. L’œuvre littéraire en traduction », 63/2 (avril-juin), 1989.
  • [3]
    L’année 1895 fait référence à la traduction d’Intermezzo de Heine, chez Llibreria Espanyola ; l’année 1938 fait référence à la traduction de Dues ànimes de Paul Heyse, chez « La Rosa dels Vents ».
  • [4]
    Voir John W. Kronik, « La Abeja of Barcelona and German literature in Spain, 1862- 1870 », dans C. Kent, Th. K. Wolber et C.M.K. Hewitt, The Lion and The Eagle, New York-Oxford, Bregan Books, 2000, p. 235.
  • [5]
    Mouvement culturel catalan qui a vu le jour au cours du XIXe siècle, après la publication du poème l’Oda a la Pàtria de Bonaventura Carles Aribau en 1833. Ce mouvement reflète la volonté de faire renaître la culture catalane et de légitimer sa langue comme langue littéraire.
  • [6]
    A.-M. Thièsse, La Création des identités nationales. Europe XVIIIe-XIXe, Paris, Éditions du Seuil, 2001 [1999]. Voir aussi M. Espagne et M. Werner, Qu’est-ce qu’une littérature nationale ? Approches pour une théorie interculturelle du champ littéraire, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1994.
  • [7]
    Les données proviennent de Kronik, op. cit., p. 243-246.
  • [8]
    Pour la réception de la littérature germanique en Catalogne dans les années précédentes voir M. Jorba, « El coneixement de la literatura alemanya en l’àmbit català (1833-1847) », dans B. Raposo et J.A. Calañas (dir.), Paisajes románticos : Alemania y España, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 2004, p. 53-71.
  • [9]
    Pour une recherche plus approfondie sur cette maison d’édition voir M. Llanas, L’edició a Catalunya : el segle XX (fins a 1939), Barcelone, Gremi d’Editors de Catalunya, 2005, p. 123-128.
  • [10]
    Bergnes de las Casas fut le directeur de la « Colección selecta y económica de las mejores obras antiguas y modernas nacionales y extranjeras ». Sous sa direction, on a publié, parmi autres, le Faust de Goethe en 1876.
  • [11]
    Voir Llanas, op. cit., 2005, p. 256.
  • [12]
    Ibid., p. 256-260.
  • [13]
    L’analyse quantitative qu’on présente ici a été basée sur les données de TRILCAT (http:// trilcat.upf.edu/recursos/), groupe de recherche que dirige le professeur Enric Gallén à l’Université Pompeu Fabra de Barcelone. Nous avons vérifié et corrigé quelques-unes des données, surtout pour ce qui est des dates des traductions de littérature allemande, manquantes dans quelques cas. Nous avons aussi ajouté de nouvelles références que nous avons confrontées au catalogue de la Bibliothèque de la Catalogne et à l’ouvrage classique d’A. Palau i Dulcet, Manual del librero hispanoamericano : bibliografía general española e hispanoamericana, Barcelone, Llibreria Palau, 1948-1977. Il faut aussi admettre une marge d’erreur.
  • [14]
    Voir Kronik, op. cit., p. 235.
  • [15]
    Nous avons axé notre étude sur les récits de fiction, romans et nouvelles.
  • [16]
    La division chronologique que nous proposons ici s’est imposée par des raisons historiques et littéraires : 1906 est l’année de la publication du Glosari d’Eugenio d’Ors, qui signale le début du Noucentisme ; 1915 est l’année du premier numéro de la revue La Revista, de J.M. López-Picó, qui montrera un énorme intérêt pour la traduction ; 1925 signifie l’éclosion de la polémique autour de la crise du roman, autant en Catalogne que dans le reste de l’Espagne, 1936 est, comme on le sait, le début de la Guerre civile espagnole.
  • [17]
    Voir J.-F. Botrel, « Le commerce des livres et imprimés entre l’Espagne et la France (1850-1920) ». Dans J.-P. Étienvre et J.R. Urquijo, España, Francia y la Comunidad Europea, Madrid, Casa de Velázquez, 1989, p. 129.
  • [18]
    Après l’ascension au pouvoir du nazisme, le PEN Club allemand sera rejeté du PEN Club international et il n’y participera pas à nouveau jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale.
  • [19]
    Voir Kronik, op. cit., p. 236.
  • [20]
    Voir J. Maragall, Obres Completes, vol. 1, Obra catalana, Barcelone, Selecta, 1970, p. 1110. Sur l’idée mythique du Nord de l’Europe voir M. Espagne, Le Prisme du Nord : Pays du Nord, France, Allemagne. 1750-1920, Tusson, Du Lérot, 2006.
  • [21]
    Voir J. Tur, Maragall i Goethe. Les traduccions de Faust, Barcelone, Universitat de Barcelona, 1974, p. 17-41.
  • [22]
    Maragall a importé le Classicisme goethéen dans sa propre poésie et la présence du Faust dans le Cant Espiritual est connue. Ses modèles germaniques ont été analysés par Ll. Quintana, La veu misteriosa. La teoria literària de Joan Maragall, Barcelone, Publicacions de l’Abadia de Montserrat, 1996.
  • [23]
    Voir Llanas, op. cit., 2004, p. 275. Voir aussi J. Massó i Torrents, Cinquanta anys de vida literària, 1883-1933, Barcelone, Tipografia Empòrium, 1934.
  • [24]
    Voir Llanas, op. cit., 2004, p. 273.
  • [25]
    Joan Maragall était le petit frère de sa mère, Eulàlia Maragall.
  • [26]
    De ce voyage la famille Lleonart conserve une lettre de Joan Maragall dans laquelle le poète écrit : « Apprends beaucoup et rentre tôt. La Catalogne marche bien, il ne manque que des hommes ». Je remercie pour ces données Carolina Lleonart, fille de Josep Lleonart, qui m’a reçu gentiment le 4 octobre 2010.
  • [27]
    Malgré la consultation des archives Lleonart, chez sa fille, on n’a pas pu éclaircir la date exacte de la publication de cet ouvrage.
  • [28]
    Les secrétariats de l’IICI et de la SDN ont inauguré à Francfort une rencontre annuelle qui devait réunir pendant deux ou trois jours les hommes les plus remarquables de l’époque. Le centenaire de la mort de Goethe a été pris comme prétexte, et la réunion a été programmée pour le mois de mai. Parmi les conférenciers, Valéry ou Mann, mais aussi Helène Vaccaresco, Gilbert Murray, Georges Oprescu ou Salvador de Madariaga, qui a présenté un exposé sur le Faust et les Européens de l’esprit.
  • [29]
    On n’a pas inclus cette traduction dans le comptage car il s’agit d’une œuvre non littéraire.
  • [30]
    Voir A. Janés, L’obra de Richard Wagner a Barcelona, Barcelone, Fundació Salvador Vives Casajuana/Ajuntament de Barcelona, 1983. Sur l’Associació Wagneriana, encore vivante, on peut consulter son site : http://www.associaciowagneriana.com/.
  • [31]
    Les travaux sur l’histoire de l’Associació Wagneriana sont nombreux, mais il manque l’analyse du phénomène comme un objet de transfert culturel. Voir le numéro de la revue Wagneriana, publié l’année du centenaire ; le volume 100 Years of Wagner in Catalonia, Barcelone, Associació Wagneriana, 2001, ou le numéro de la collection « Terra Nostra », El Wagnerisme a Catalunya, nº 42, 2001, mis à part du livre de Janés, op. cit.
  • [32]
    Le « Teatre Líric Català » fut lancé par des musiciens catalans tels qu’Enric Morera, Enrique Granados ou Jaume Pahissa.
  • [33]
    Voir Janés, op. cit., p. 176 et sq.
  • [34]
    Pena fut secrétaire de l’Orchestre Pau Casals, fondé en 1920, et il a représenté Barcelone à l’agence de concerts Daniel à Madrid. Il a fait aussi partie de la commission de l’Orfeó Català, et il a participé à la Revista de Música de Buenos Aires. En 1937 Pena fut nommé bibliothécaire de l’Institut du Théâtre de la Generalitat de Catalunya. Voir M. Infiesta, « Joaquim Pena », Wagneriana, nº 40, janvier-mars, p. 36-43.
  • [35]
    On n’a pas inclus cette traduction dans le comptage car il s’agit d’une œuvre non littéraire.
  • [36]
    Ont été aussi publiés en catalan les Cants de Pietat (s.a.) et la Passió del Nostre Senyor Jesucrist (1921). On n’a pas inclus ces traductions dans le comptage car il s’agit d’œuvres non littéraires.
  • [37]
    Viader est surtout connu comme éditeur du Manual del Librero Hispano-Americano, de Palau i Dulcet, et par l’édition du Quichotte, imprimé en 1906.
  • [38]
    Pour ce qui est du Heimatkunst et du mouvement français régionaliste on peut consulter l’article d’A.-M. Thiesse, « Les petites patries et la grande nation. Le mouvement littéraire nationaliste français et la Heimatkunstbewegung à la Belle Époque », dans M. Espagne et M. Werner (dir.), op. cit., 1994, p. 339-362.
  • [39]
    Voir A.-M. Thiesse, op. cit., 2001, p. 111.
  • [40]
    Voir D. Sassoon, « On cultural markets », New Left Review II, nº 17, 2002, p. 118.
  • [41]
    Voir Diana Sanz Roig, « Los proyectos editoriales de Mario Verdaguer : la revista Mundo Ibérico y las editoriales Lux y Apolo », Revista de Literatura, à paraître.
À Carolina Lleonart et Michel Espagne, avec amitié

Préface

1 Prenant appui sur le concept de transfert culturel[1] et l’idée d’étudier les traductions comme un objet d’histoire [2], ce travail se propose d’analyser l’appropriation de la littérature germanique en Catalogne entre la fin du XIXe siècle et la Guerre Civile espagnole [3]. En effet, la traduction favorise la consécration d’auteurs et d’œuvres, et mobilise une partie fondamentale des agents qui participaient au circuit culturel : éditeurs, traducteurs, commentateurs ou critiques. Cependant, et à la différence de ce qui arrive dans l’importation de la littérature française, qui dans la période analysée répond pleinement aux propos de diversification de l’offre devant l’insuffisante production locale, à l’élargissement du public et à l’impulsion de l’autonomie progressive de la littérature catalane, la traduction de la littérature allemande et l’accès à sa culture paraît répondre à d’autres paramètres. L’accès à la littérature et à la culture germanique (beaucoup moins fréquent, la classe catalane cultivée ayant une connaissance seulement étroite de la langue) fournira des modèles d’une culture d’élite qui non seulement contribuent à consacrer un genre mais aussi à le créer et à l’adapter à la langue catalane. C’est ce qui se produisit, par exemple, pour l’entrée de l’œuvre de Wagner dans la culture catalane puisqu’elle favorisera en Catalogne la création d’un genre de musique savante.

2 En ce sens, l’importation de la culture germanique en Catalogne, au moins jusqu’à la moitié des années 1920, paraît être un produit restreint. Comme le signale Kronik, des raisons géographiques, historiques et géopolitiques expliquent que la culture allemande ne puisse pas être à la hauteur de la culture française concurrente, pour ce qui est de sa diffusion au-delà des Pyrénées, mais les transferts et l’échange culturel entre l’Espagne et le monde germanique sont assez importants, surtout pour ce qui concerne la circulation des objets matériels qui correspondent au goût des élites [4].

3 La consolidation de la culture catalane et la récupération de l’espace public de la part des éditeurs catalans reposait sur sa résistance à la culture et à la littérature en espagnol, lesquelles imposaient leur hégémonie depuis plusieurs siècles. Ainsi, alors que la traduction de la littérature française (surtout du théâtre de boulevard, des romans historiques, sentimentaux et d’aventures) arrivera à détourner certains lecteurs des publications en espagnol, l’accès à la culture germanique servira comme un point de référence pour les écrivains catalans à la fin du XIXe siècle et jouira d’une projection sociale qui dépasse le simple phénomène artistique. C’est ce qui se passe, par exemple, dans le cas de la musique de Wagner, dont la popularité s’utilisera pour s’opposer à la tendance en vogue de la musique de Verdi et implanter en Catalogne un opéra sérieux en langue catalane. C’est aussi le cas des écrivains de la Renaixença[5] et du Modernisme, qui s’identifieront avec les auteurs du Romantisme allemand. Ces deux exemples illustrent le phénomène de la circulation culturelle et peuvent être tout à fait révélateurs des questions sous-jacentes en termes de goûts mais aussi de représentation de la société, aussi bien pour son rejet que pour l’identification et la reconnaissance qu’ils permettent. Car, comme l’a déjà signalé Anne-Marie Thiesse, la culture participe de manière très efficace à la définition des identités nationales [6].

4 Dessinée à grand traits, la circulation culturelle entre l’espace catalan et l’espace germanique se fonde, selon nous, sur trois points définis : la philosophie et la psychologie (surtout à travers l’introduction de la psychanalyse et des théories de l’École viennoise) ; la littérature (à travers la traduction), et la musique, avec, d’abord, l’importation de livrets aptes à la représentation ; ensuite, avec le suivi de la musique allemande d’avant-garde (Schöenberg, surtout). Dans ce travail, nous nous concentrerons sur le deuxième point.

La traduction de la littérature allemande

5 Si la philosophie et la pensée esthétique allemandes — de Kant à Hegel — se diffusèrent en Espagne après 1860 grâce à la médiation des krausistes et de Julián Sanz del Río, l’accès à la littérature allemande fut, cependant, postérieur et est dû en grande partie à l’effort des éditeurs, des traducteurs et aux journaux. Le grand intérêt pour la philosophie allemande par rapport à la française s’inverse dans le cas de la littérature, dont l’influence fut significativement moindre. À la différence de ce qui arrive dans le cas de la littérature française, dont la langue est connue par les couches les plus cultivées, l’accès à la littérature allemande se réalise à travers la traduction. Certaines revues barcelonaises comme La abeja (1862-1866), à laquelle l’éditeur Bergnes de las Casas, professeur de grec à l’Université de Barcelone, participe activement, publient en castillan des textes de Herder, Richter, Feuerbach, Schleiermacher ou Klopstock, mais aussi de nombreuses œuvres des romantiques allemands. Parmi eux, certains titres de Tieck, Hoffmann, Novalis, Immerman, Heine ou des morceaux du Faust, de Werther ou de Maria Estuard de Goethe et Schiller [7]. La abeja, qui traduisit de l’allemand, et non pas à travers le français, sous-titrée « Revista Científica y Literaria Ilustrada », se proposait de faire connaître les “bons écrivains allemands” d’un grand éventail de disciplines [8].

6 De manière succincte, les maisons d’éditions barcelonaises Labor et Gustavo Gili [9] (Bergnes de las Casas le fit bien avant [10]) se chargèrent de traduire en catalan des traités musicaux, des œuvres d’histoire de l’art, des livres d’économie, de politique, d’histoire, de droit ou d’éducation, mais aussi des volumes de disciplines scientifiques. Comme l’explique Llanas, au début de la Grande Guerre, Georg Wilhelm Pfleger, un Allemand de Leipzig qui travaillait à Paris dans la maison d’édition Quillet, fuit la France et s’installa à Barcelone où il s’associa avec Juli Gibert, de la Sociedad General des Publicaciones, pour éditer des livres techniques et scientifiques [11]. De cette union surgira en avril 1915 la société anonyme Editorial Labor dont Pfleger fut nommé directeur gérant et Gibert directeur littéraire. Labor se consacra surtout à l’élaboration des contrats pour l’obtention des œuvres étrangères, principalement allemandes, qui étaient traduites par des spécialistes accrédités [12]. En 1927, Carles Riba traduisait Historia de la Literatura Alemana de Max Koch. Espasa-Calpe traduisait en 1932 le Compendio de Historia Literaria de Europa, desde el Renacimiento de Paul Van Tieghem. La « Biblioteca Sociológica Internacional » de Manuel Henrich comptait aussi de nombreuses traductions parmi ses 80 titres ; dans la « Biblioteca Ilustrada », furent publiées des traductions d’Andersen et de Perrault, mais aussi des Frères Grimm. La collection « Diamante », publiée à Barcelone par la Librería Española et l’éditeur Antoni López, fit également connaître certaines traductions comme Las amarguras de Werther (1900).

7 Si nous analysons la liste des auteurs et des œuvres qui furent traduits en catalan nous pouvons distinguer trois groupes bien définis : 1) des écrivains classiques, essentiellement romantiques (Goethe, Schiller et Novalis) ; 2) des compositeurs d’opéra (Wagner, surtout, mais aussi Mozart et Richard Strauss), et 3) des ouvrages de grande consommation, pour la plupart contemporains, écrits à destination d’un public plus large (Hauptmann ou Sudermann, mais aussi Remarque et Zweig, et certains romans sentimentaux) [13]. Dans ce groupe il faut aussi inclure la littérature d’enfance et de jeunesse avec diverses traductions des Frères Grimm. Cependant, et avec l’exception notable des œuvres de Remarque, Zweig et Grimm, la traduction de la littérature allemande connut, contrairement à la française, une moindre viabilité commerciale, que les éditeurs compensèrent en choisissant des auteurs classiques ou consacrés (Goethe, Schiller, Wagner), auréolés également du prestige des traducteurs ou critiques qui entreprirent le travail de traduction (les écrivains catalans Joan Maragall, Joaquim Pena, Josep Lleonart ou Carles Riba). Comme nous l’avons signalé, la traduction de la littérature germanique se caractérisa par un type d’appropriation élitiste qui semblait répondre aux intérêts des écrivains et des intellectuels catalans, avides de trouver des modèles de culture d’élite comme ceux que fournissaient la musique et le théâtre de Wagner ou la littérature des Romantiques allemands. L’intérêt moindre pour la littérature pour grand public s’explique par le grand poids de la littérature française, dont les traductions en catalan sont beaucoup plus nombreuses, variées et hétérogènes.

8 Evidemment, la différence numérique entre les traductions de littérature française et de littérature germanique ne répond pas à une différence dans la production et l’exportation, au moins jusqu’en 1913. En ce sens, et comme le signale Kronik [14], les motifs géographiques et historiques paraissent justifier la grande présence en Catalogne (et dans le reste de l’Espagne) de la littérature française, mais il faut aussi tenir compte du faible nombre de traducteurs de l’allemand vers le catalan (et même vers le castillan), et également d’une tendance générale visant à importer depuis l’espace germanique des produits de type élitiste qui convenaient aux écrivains, traducteurs et éditeurs catalans. D’un autre côté, le système éducatif espagnol encourageait l’apprentissage du français comme deuxième langue, fait qui suscitait un plus grand intérêt pour cette culture chez les lecteurs.

9 Ainsi, pendant que la littérature catalane, souffrant d’un marché auto-suffisant, couvrait le champ de la littérature destinée au grand public avec l’importation de théâtre de boulevard français et de romans sentimentaux, la littérature germanique contribuait à la consolidation de la culture catalane avec l’importation de la musique de Wagner, la traduction de livres scientifiques et philosophiques et les versions d’écrivains classiques (romantiques pour la plupart). Cet objectif de doter la culture catalane d’une plus grande autonomie rassemblait les revendications nationalistes de l’intelligentsia de la fin du siècle.

10 Le faible volume de traductions explique aussi que pour la littérature germanique il existe un plus grand nombre de maisons d’éditions spécialisées, cette stratégie commerciale permettant ainsi d’atténuer la pression de la concurrence. C’est ce qui se passe par exemple pour les traductions de Wagner, éditées presque en totalité par l’Association Wagnérienne ; pour la traduction de pièces de théâtre et de livrets d’opéra, publiés par la « Bibliothèque d’Opéra Classique » d’Henrich y Cía ; dans la traduction en castillan des romans de Zweig, publiées par Apolo, ou dans la traduction d’œuvres théâtrales dans « La Escena Catalana » ou dans « De tots colors ». Cette dernière collection publia aussi des pièces de théâtre d’autres origines.

11 Si nous prêtons attention désormais aux genres littéraires, nous ne pouvons nous empêcher de remarquer la prééminence du genre théâtral jusque dans les années 1920, bien que le faible nombre de traductions soit significatif entre 1912 (date de publication des Œuvres complètes de Goethe par Gustavo Gili) et 1925-1926, quand l’importation de la littérature allemande, au moins jusqu’à la Guerre Civile espagnole, récupère sa position sur le marché éditorial catalan. Au milieu des années 1920, la domination du genre théâtral s’éclipsera derrière la prééminence du roman, dont la traduction en castillan acquiert une notoriété spéciale avec les œuvres de l’Autrichien Stefan Zweig. La mode de la biographie favorisera aussi la traduction de nombreuses œuvres d’Emil Ludwig et de Zweig lui-même.

Nombre

des traductions catalanes de littérature allemande entre 1898-1939 : par genres

Poésie Prose [15] Théâtre Divers
1898-1906 [16] 1 2 19
1907-1915
(1912)
3 25 1
1916-1925 2 (1916-1920) : 1
(1921-1925) : 5
(1916-1920) : 5
(1921-1925) : 6
1926-1935 32 9 1
1936-1939 2 2
figure im1

des traductions catalanes de littérature allemande entre 1898-1939 : par genres

12 L’absence de traductions en 1913, 1914 et 1915 s’explique sans aucun doute par des raisons de types historique et géopolitique. L’impact de la Première Guerre mondiale et le penchant francophile de plusieurs écrivains et intellectuels catalans justifient ce vide. En Catalogne, entre 1914 et 1918, on ne publiera que deux traductions de Schiller et de Goethe réalisées par les élèves de l’École des Bibliothécaires de la Mancomunitat (1916 et 1918, respectivement) ; la réédition de Joventut de príncep de Meyer-Forster, en 1917, le volume Poesies (1918) de Richard Dehmel, aux éditions élitistes, associées à « La Revista ».

13 Par rapport à l’importation en Espagne de livres et d’imprimés en langue étrangère, J.-F. Botrel fait remarquer que dans les trois années qui précèdent la Grande Guerre les importations qui provenaient d’Allemagne en arrivèrent à représenter 22,4 % du volume total d’importation [17]. Pendant le conflit, en revanche, le chiffre 3.098 en 1916 diminua jusqu’à 36 en 1917 ; 0 en 1918, et 1.393 en 1919, ce qui démontre un relèvement assez rapide (57.325 en 1920 et 34.525 en 1921). Cependant, une étude quantitative des traductions (dans ce cas littéraires et en langue catalane) ne paraît pas confirmer cette ouverture de l’Espagne à la culture allemande, surtout après le débat qui opposa les « germanophiles » aux partisans de la Triple Entente. Au contraire, et à défaut d’une étude plus complète sur les traductions littéraires de l’allemand au castillan, la faible représentativité de la littérature germanique dans la première moitié des années 1920 paraît s’expliquer par des motifs similaires. Les aspérités provoquées par la Grande Guerre ne s’atténueront qu’à partir de 1926 (et encore pas complètement), quand l’Allemagne entre dans la Société des Nations : se constitue alors le « Comité permanent des Lettres et des Arts » de l’« Institut International de Coopération Intellectuelle », et le IVe Congrès du PEN Club international est organisé à Berlin [18]. La participation de Thomas Mann au « Comité » et la nouvelle génération d’écrivains qui assiste au IVe Congrès du PEN Club (Bertolt Brecht, Joseph Roth, Robert Musil, Ernst Töller ou Alfred Döblin) paraissent compenser le malaise que provoquait la vieille génération -Gerhard Hauptmann en tête.

Le Classicisme et le Romantisme allemand : les traductions de Joan Maragall et Josep Lleonart

14 En effet, l’intérêt manifeste des écrivains catalans de la fin du XIXe siècle pour le Classicisme et le Romantisme allemands, surtout pour l’œuvre et la figure de Goethe, explique qu’une partie très significative des traductions de ses œuvres se réalisera au tournant du siècle. Comme le précise Kronik « these northern influences […] reached to the heart of the peninsula, and Madrid did contribute to their dissemination ; but, for reasons both historical and geographic, Catalonia, particularly in the years of the Renaixença, absorbed earlier and with greater intensity […] the New European artistic schools and the transformations that were occurring in England, France and Germany » [19]. En ce sens, la tâche décidée des écrivains et des professeurs, et le rôle de la ville de Barcelone, plateforme des importations des modes venues de l’étranger, furent fondamentaux dans le processus de diffusion entrepris à travers le travail collectif des éditeurs, des traducteurs et de la presse.

15 Le poète Joan Maragall (1860-1911) exprimait dans une lettre de 1893 à Antoni Roura le sentiment qu’il éprouvait, ainsi que plusieurs de ses contemporains, par rapport aux activités culturelles, littéraires, politiques et philosophiques qui avaient cours par-delà les Pyrénées : « c’est toujours du Nord que nous vient la lumière » [20]. En effet, Paris, l’Allemagne et l’Angleterre exerçaient une puissante attraction sur les écrivains et les intellectuels catalans à la fin du XIXe siècle qui, dans le contexte du Modernisme, revendiquèrent des liens étroits avec le Romantisme allemand. Maragall subit l’influence de Goethe, Nietzsche et Novalis (non seulement comme auteur mais aussi comme critique), et traduisit certaines de leurs œuvres malgré une faible maîtrise de la langue [21]. Parmi ces dernières, il convient de mentionner Ifigènia a Tàurida (1898) de Goethe, publié par la « Biblioteca Dramàtica de l’Avenç », que représenta le dramaturge Adrià Gual dans les jardins du Labyrinthe d’Horta à Barcelone ; La Margarideta : escenes del Faust (1904) et Pensaments (1910), dans la « Biblioteca Popular de l’Avenç » ; Eridon i Amina (1909), dans la « Biblioteca Teatralia » ; Les disperses (1904), une anthologie de poésie de Goethe publiée chez Joventut ; Tristany i Isolda de Wagner, publiée dans la revue Catalunya, en mai 1904, ou Enric d’Ofterdingen (1907), de Novalis, publiée dans la « Biblioteca Popular de l’Avenç ». Ces versions, peu rigoureuses du point de vue philologique, sont cependant très importantes pour comprendre la pénétration de la littérature allemande dans la littérature catalane [22].

16 La « Biblioteca Popular de l’Avenç » (1903-1915), avec des tirages de 3000 exemplaires selon le témoignage de Jaume Massó i Torrents [23], publia en catalan des œuvres originales et traduites, de différentes disciplines : art, science, philosophie et histoire, mais surtout littérature. Selon Llanas [24], la traduction occupait 45 % de la production, qui dans le cas de la littérature germanique se limitait, cependant, aux œuvres de Goethe et de Novalis traduites par Maragall, et aux contes de Sacher-Masoch. En ce sens, le faible intérêt commercial que pouvait avoir la publication des œuvres mentionnées — Enric d’Ofterdingen (1907) de Novalis, ou Pensaments (1910) de Goethe — était compensé par la traduction d’un écrivain prestigieux. La « Biblioteca Dramàtica de l’Avenç » (1894-1900), collection qui alternait la publication des dramaturges catalans avec la traduction des œuvres d’Ibsen ou de Maeterlinck, commanda aussi à Maragall la traduction d’Ifigènia a Tàurida (1898) de Goethe. Auparavant, la « Biblioteca Arte y Letras » de Daniel Cortezo avait publié les Dramas de Schiller et le Faust de Goethe, traduit en vers par le Valencien Théodore Llorente en 1882.

17 Pour la traduction des œuvres de Goethe et des classiques allemands en langue catalane, fut également remarquable le rôle de Josep Lleonart (1880-1951), écrivain et critique du Noucentisme, poète d’un Modernisme évolué selon les dires de Carles Riba, et neveu de Joan Maragall [25]. Joan Lleonart i Llunell, père de Josep Lleonart, était propriétaire sur la Plaça Reial de Barcelone d’une bijouterie au nom intrigant, « La Isla de Cuba », qu’il dirigeait aux côtés d’un certain López que nous n’avons pas réussi à identifier. Le seul garçon de la famille, Josep Lleonart i Maragall voyagea à Heidelberg vers 1898, où son père Joan Lleonart voulait qu’il se formât au métier de bijoutier et d’horloger. C’est dans ce but que le jeune Lleonart vécut aussi un an à la Chaux-de-Fonds, en Suisse, lieu reconnu comme étant la « métropole horlogère » [26].

18 Son goût pour les lettres fut, cependant, plus fort que celui pour l’horlogerie et le jeune Lleonart abandonna le négoce familial pour se consacrer à la littérature. La maîtrise de l’allemand, peu courante à l’époque, favorisa sa tâche de traducteur qui, grâce à ses collaborations dans la presse (Joventut, Revista de Catalunya ou, surtout, La Veu de Catalunya), lui permit de se consacrer complètement à la littérature. Lleonart, traducteur aussi de l’anglais, maîtrisait aussi le français et l’italien.

19 À la différence des versions de Maragall, les traductions de Lleonart sont aujourd’hui considérées comme des modèles. Parmi ses traductions il faut signaler Tannhauser i el torneig dels cantayres a la Wartburg (1904) et Lohengrin (1905) de Wagner, élaborées en collaboration avec Antoni Ribera, musicien et directeur artistique de l’Associació Wagneriana (sur laquelle nous reviendrons plus loin) ; le Drama de Torquato Tasso (ca. 1909), de Goethe, publié par la Tipografía Riera ; Poesies (1918) de Dehmel, dans les Publicacions de « La Revista », qui comprenaient une préface de Manuel de Montoliu, probablement le premier catalan germaniste ; Herman i Dorotea (ca. 1920) [27] de Goethe, publié par l’Editorial Catalana ; Contes (1925) et Dues ànimes (1938) de Paul Heyse, dans la collection « La Novel·la Estrangera » et la « Biblioteca la Rosa dels Vents », respectivement, et le Faust (1927) de Goethe dans la « Col·lecció Popular Barcino » et dans Proa en 1938.

20 Goethe fut considéré comme un maître pour des auteurs situés à des époques différentes et dans des mouvements distincts, depuis le romaniste Milà i Fontanals jusqu’à Maragall ou Carles Riba. L’intérêt pour l’écrivain allemand renaîtra avec force en 1932, lors de la célébration du centenaire de sa mort. Cette date coïncide, de plus, avec le prochain anniversaire de l’Oda a la Pàtria (1833) d’Aribau, qui marque le début du mouvement de la Renaixença. L’importance de Goethe en Catalogne est mis aussi en évidence dans la Revue de Littérature Comparée, qui publie en 1932 (dans le numéro de janvier-mars) un article de J.J. Achille Bertrand, directeur de l’Institut Français de Barcelone, intitulé « Goethe en Catalogne ». La Generalitat républicaine publiera en 1933 une anthologie de textes de l’écrivain allemand pour les collèges (Goethe : 1832-1932. Antologia que la Generalitat dedica a les escoles de Catalunya), traduits par Maragall et accompagnés d’une préface de Lleonart (« Notes per una biografia de Goethe ») et d’une affiche commémorative du 150e anniversaire de sa mort. En 1932, Ricardo Baeza traduisait pour la maison d’édition barcelonaise Juventud la biographie d’Emil Ludwig Goethe : Historia de un hombre (1932). Lors des activités commémoratives qui s’organisèrent en Catalogne, le philologue allemand Karl Vossler fut invité par le Comité Organisateur comme représentant de l’Allemagne et délégué des universités allemandes. L’Instituto de Cooperación Intelectual Hispano-Alemán collabora également à l’édition des actes de la commémoration. Et justement, c’est de 1932 que date le livre Entretiens sur Goethe à l’occasion du centenaire de sa mort qui réunissait les conférences prononcées lors de la première rencontre de l’Institut International de Coopération Internationale qui eut lieu à Francfort en 1932 [28]. La célébration du centenaire comptera comme clou de la fête la publication de Goethe i la literatura catalana (1935) de Manuel de Montoliu, qui recevra le prix délivré par le Comité hispano-allemand de Barcelone.

21 En dehors de l’œuvre de Goethe, Guillem Tell, de Schiller sera une des œuvres les plus rééditées. La première édition en langue catalane est de 1907. Joan Perpinyà, son traducteur, la fera connaître à travers La Renaixensa, qui publiera peu après El campament de Wallenstein (1911). Guillem Tell sera réédité par les Sucesores d’Henrich y Cía. en 1916 ; par la maison d’édition Proa, dans une édition pour enfants de 1929, et par la « Col·lecció Popular Barcino » en 1931. Josep Pous i Pagès traduira aussi l’Història de la revolta dels Països Baixos, publiée en 1910 par la « Biblioteca de El Poble Català » [29]. En effet, les auteurs du Romantisme allemand avaient des affinités avec les écrivains de la Renaixença, mais aussi avec les prétentions nationalistes de la génération suivante.

22 Entre le classicisme et le Romantisme allemand, la collection « Quaderns Literaris. Novel·les i Novel·listes » fait connaître Miquel Koolhaas (1935) d’Heinrich von Kleist, traduit par Ernesto Martínez Ferrando. Editorial Catalana publiera La gent de Seldwyla (1925) de Gottfried Keller, alors que la « Col·lecció Popular Barcino » fera état de Tres honrats pintaires (1932). Ces deux œuvres seront traduites par Carles Riba.

23 Cependant, nous n’avons pas trouvé de traductions en volume des auteurs réalistes allemands (Gustav Freytag en tête), pas plus que de représentants de la « Jeune Allemagne » (Joven Alemania). Seul l’Intermezzo (1895) de Heine sera publié au sein de la Llibreria Espanyola. Apel·les Mestres sera son traducteur. Nous verrons que l’intérêt des éditeurs catalans pour le modèle naturaliste se centrera sur les dramaturges, ignorant ainsi presque complètement le roman d’observation allemand.

Du texte à la musique : la traduction des livrets d’opéra

24 Parmi les traductions de livrets, il faut prêter une attention toute particulière au penchant que les écrivains et intellectuels catalans développèrent à l’égard de l’œuvre de Richard Wagner. Cet intérêt, qui dépasse l’atmosphère musicale et s’étend à tous les domaines artistiques, se perçoit non seulement à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, mais il se prolonge également au-delà de la Grande Guerre. Parmi les éditeurs qui manifestèrent le plus grand intérêt pour la traduction de ces textes, il faut faire une place spéciale à Henrich y Cía., créée en 1889, mais surtout à l’Associació Wagneriana, fondée en 1901 autour de « Els Quatre Gats » et de la revue Joventut en vue de diffuser son œuvre, favoriser la traduction et organiser des concerts et des conférences [30].

25 À ce propos, et malgré la dense bibliographie déjà disponible sur ce sujet [31], nous aimerions rappeler quelques aspects. L’importation de l’œuvre de Wagner en Catalogne (surtout à travers la traduction et la mise en scène) servit non seulement à créer un genre de musique d’élite (l’opéra) en langue catalane mais aussi à légitimer un Théâtre National (le Drama Líric Català) [32], et à standardiser la langue catalane, en dotant sa culture d’une solidité et d’un prestige certains. C’est afin de s’imposer face à l’opéra italien que l’Associació Wagneriana tenta de faire connaître l’œuvre du compositeur allemand et dénonça les déficiences de sa représentation. L’œuvre du compositeur allemand fit en sorte de donner une vision de ce que devait être le Gesamtkunstwerk, idée qui intéressa surtout ceux qui étaient dans la mouvance du Teatre Líric Català et qui mettra en rapport la littérature, la musique et la mise en scène.

26 Selon Janés [33], la traduction en catalan des œuvres de Wagner permit que son œuvre ne fût pas restreinte à un public privilégié. De plus, la traduction des textes les plus significatifs devenait un événement marquant dans le processus de catalanisation de la culture, car le wagnérisme en Catalogne était une façon de s’imposer à la mode musicale de Madrid, beaucoup plus proche de l’opéra italien que de l’opéra germanique, à peine connu, mais aussi à la mode de la zarzuela, genre lyrique populaire. Comme on l’a mentionné précédemment, Maragall établit la version de certaines œuvres de Wagner. Cependant, la principale contribution à la traduction, adaptation et diffusion de l’œuvre de Wagner, fut le résultat du travail de Joaquim Pena (1873-1944). Reçu en droit à l’Université de Barcelone, Pena se consacra professionnellement au journalisme et à la critique musicale [34]. Dans la revue Joventut, Pena publia des critiques et des commentaires des concerts du Prinzregententheater dans la capitale bavaroise et des Festivals de Bayreuth. Il ne s’intéressa pas, au contraire, à l’opéra italien dont on ne recense dans son œuvre aucune critique. Pena présida l’Associació Wagneriana entre 1901 et 1904. L’impact de la Grande Guerre freina l’activité de l’Association Wagnérienne, même si on compte quelques traductions à la fin de la guerre. On peut voir également des raisons de type politique à la perte d’intérêt pour l’œuvre du compositeur allemand dans la mesure où l’image internationale de l’Allemagne fut profondément affectée après 1914.

27 Mises à part les traductions de Lleonart, Antoni Ribera, Jeroni Zanné, Xavier Viura ou Maragall, Pena traduisit La flauta màgica (1925) de Mozart, d’après un texte de J. Joseph Emanuel Schikaneder, et Les noces de Fígaro (1927), Així fan totes (1930) et Don Joan (1931), d’après les livrets de Lorenzo da Ponte. La « Biblioteca l’Òpera Clàssica » des successeurs d’Henrich y Cía, prendra en charge l’édition de toutes celles-ci. De Mozart, Pena adaptera également El rapte del serrall (1928), d’après le livret de Gottlieb Stephanie. Millàs-Raurell, de son côté, sélectionne et traduit la correspondance de Beethoven, publiée par l’Associació de Música « De Càmera » en 1928 [35]. De Bach, Francesc Clascar traduit les Lieders i Chorals en 1924 chez la Llibreria Subirana [36].

28 Parmi les compositeurs contemporains, Henrich y Cía. publiera les livrets adaptés pour la musique de Cain i Abel (1925) et L’escola del poblet (1925) de Félix Paul Von Weingartner, directeur du Philharmonique de Vienne, et de la célèbre Mona Lisa (1928) de Max Von Schillings, sur un livret de Beatrice Von Dovsky. La traduction comptera également avec le travail de Pena. De même, on adapte sur scène les livrets d’Electra (1909) et du Cavaller de la rosa (1911) de Hofmannsthal, sur une musique de Strauss et avec une traduction de Pena.

La littérature allemande contemporaine

29 Hauptmann sera avec Zweig l’écrivain de langue allemande le plus traduit en catalan, même si l’intérêt pour ses pièces de théâtre se limite aux années précédant la première guerre mondiale. L’analyse de leur réception en Catalogne met en évidence l’intérêt que suscita leur œuvre pendant les années glorieuses du Modernisme (Adrià Gual s’inspira de leur style) et la position « francophile » que montrèrent les écrivains catalans dans le débat qui émergea avant la Grande Guerre. Prix Nobel en 1912, l’œuvre dramatique de Hauptmann, que l’on attribue au dogme naturaliste, pénètre en Catalogne relativement tôt. Ainsi, Joventut publie en 1906 Ànimes solitàries, traduit par Oriol Martí ; la collection théâtrale « La Escena Catalana » publie L’ordinari Henschel (1908), traduit par August Pi i Sunyer ; la bibliothèque « De tots colors » La campana submergida (1908), traduit par Salvador Vilaregut, L’Assumpció de Hannele Mattern (1908), traduit par Carles Capdevila, et El pobre Enrich (1909) et Rosa Bernd (1909), traduit par Marc Jesus Bertran et Martí Alegre, et la « Biblioteca Teatralia » publiera Els teixidors de Silèsia (1909), traduit par Josep Maria Jordà et Carles Costa. Le choix de certaines légendes germaniques comme celle qui était représentée dans El pobre Enrich est aussi révélateur de la volonté des écrivains catalans (Gual, entre autres) de toucher un public plus large à travers des mythes et des chansons populaires. Après la Grande Guerre, les pièces de Hauptmann tomberont complètement dans l’oubli et nous pouvons attribuer cette perte de popularité à son comportement chauvin face au conflit armé et à l’attitude « francophile » précédemment mentionnée de l’élite intellectuelle catalane.

30 L’œuvre dramatique d’Hermann Sudermann, éternel concurrent d’Hauptmann, compte aussi avec les traductions de La felicitat en un recó (1911) et de Magda (env. 1911), chez « De tots colors », dans une traduction, respectivement, de Manuel Montoliu et Josep Maria Jordà. Magda sera rééditée en 1920 par « La Escena Catalana ». Joventut de príncep (1908) de Meyer-Forster sera aussi traduite par l’imprimeur Bartomeu Baxarias, dans la Bibliothèque « De tots colors », par Jordà et Carles Costa. En novembre 1909, Margarita Xirgu l’interprète avec un grand succès lors de la représentation qui est donnée au Teatro Principal de Barcelone. La pièce sera rééditée par l’Imprimerie Ràfols dans la collection « La Novel·la Nova », en 1917 (deux ans après l’adaptation cinématographique de John Emerson), et par la Llibreria Italiana en 1924, date de l’opérette célèbre The Student Prince de Sigmund Romberg.

31 D’Arthur Schnitzler on ne traduira aucun texte dramatique mais seulement quelques-uns de ses romans. La maison d’édition Proa publie en catalan La senyoreta Berta Garlán (1930), traduite par Ernest Martínez Ferrando, alors que La senyoreta Elsa (1931) paraît dans la « Biblioteca Univers », dans une traduction de Joan Alavedra. Cette œuvre sera particulièrement intéressante pour le renouvellement du roman catalan moderne puisqu’elle utilise la technique du monologue intérieur.

32 Le roman d’érudition restera bien représenté par l’œuvre de Georg Ebers, égyptologue allemand dont un éditeur de province (Octavi Viader) [37] traduit Les dues germanes (1907). Viader se spécialisa dans les livres de bibliophiles et les facsimiles d’œuvres anciennes, mais aussi dans l’impression en liège, comme cela se manifeste dans Les dues germanes (1907), le Quixot (1906), Bernardo del Carpio (1914) ou Tirant lo Blanch (1920). Finalement, la littérature catalane se fait l’écho de la Heimatkunst[38]. Le germaniste Manuel de Montoliu traduit en 1910 l’œuvre de Gustav Frenssen Jörn Uhl publiée chez El Poble Català. Les Historietes galizzianes (1903), de Sacher-Masoch, publiées dans la « Biblioteca Popular de l’Avenç » et rééditées en 1935 à la Llibreria Catalònia sont aussi un exemple de folklore et de régionalisme.

33 Mis à part Hauptmann, la réception de la littérature germanique contemporaine ne devient effective que dans les années vingt, et même alors partielle et incomplète. Les auteurs connus de l’époque manquent de traductions en volume : c’est le cas pour Broch, Däubler, Döblin, Hesse, Jünger, Kafka, Heinrich Mann, Musil, Rilke, Roth, Toller, Trakl, Werfel et, surtout, Thomas Mann et Brecht, lesquels seront, en revanche, mentionnés dans la presse. Parmi les auteurs les plus commerciaux il faut signaler la traduction de Res de nou a l’oest (1929) et Una Generació destruïda (1935) de Remarque, publiée chez Proa dans une traduction de Joan Alavedra ; Hell al llac de les dames (1935), de Vicki Baum, dans la maison d’édition Atena traduite par Francesc Payarols ; Golovin (1932), de Jakob Wasserman, dans la bibliothèque « A tot vent » et traduite par Pau Cirera, et plusieurs romans de Zweig : Amok, històries curtes (1929) et Nit fantàstica (1932), traduits dans la collection « A tot vent » ; la biographie Tolstoi (1930), traduite chez Proa, et L’ovella del pobre (1932) aux éditions Patuel. Du Prix Nobel Paul Heyse, Josep Lleonart traduit Contes (1925), dans la collection « La Novel·la Estrangera », et Dues ànimes (1938), dans la « Biblioteca La Rosa dels Vents ».

34 La visibilité commerciale de la littérature germanique est remarquable particulièrement pour ce qui est de sa littérature d’enfance et de jeunesse, représentée presque en exclusivité par l’œuvre des Frères Grimm. À l’exception de Ton i Guida (1901), publié par Joventut dans une traduction de Maragall, Contes d’infants i de la llar, traduits par Carles Riba dans la « Biblioteca Literària » en 1919 et 1921, et réédité chez Joventut en 1935 sous le titre Rondalles de Grimm, ce sera la maison d’édition commerciale Mentora qui se chargera de publier en 1932 presque toutes leurs œuvres. Parmi elles, Caputxeta vermella i altres contes, En Patufet i altres contes, Els prínceps encantats i altres contes, La sabateta d’Or i altres contes et Toni i Guideta i altres contes. Tous ces ouvrages sont traduits par Valeri Serra i Boldú. Le choix dans ce cas d’un traducteur de moindre reconnaissance (Serra i Boldú était folkloriste et un collaborateur assidu de certains quotidiens comme La Vanguardia) révèle le capital symbolique dont jouissent les Frères Grimm, légitimité qui, jointe à leur succès commercial, facilitait la participation d’un traducteur moins réputé.

35 Parmi les écrivains germaniques de littérature d’enfance et de jeunesse, il convient également de signaler Christoph Von Schmid, dont la « Biblioteca Virolet » chez Editorial Catalana confie la traduction de Genoveva de Brabant (1926) aux mains de Joaquim Ruyra ; Erich Kaestner, auteur de Emili i els detectius (1929), est publié par la maison d’édition Joventut, dans une traduction de Melcior Font ; A. Müller, écrivain de En Compta-Naps : el gegant de les muntanyes (1930), est aussi traduit chez Joventut par Josep Navarro Costabella, avec une préface de María Luz Morales. Guillem Tell, de Schiller, aura aussi sa traduction dans une édition spéciale « jeunesse » de Melcior Font, publiée en 1929 dans la « Biblioteca Grumet » de Proa. En effet, l’idée de littérature d’enfance se modifie au cours de la période que nous étudions, compte tenu du fait que l’on négligeait la littérature didactique et morale au profit d’ouvrages de lecture plus attirants. À cette affirmation, on pourrait ajouter l’idée du loisir, qui s’impose de plus en plus. En rapport avec ce domaine, nous pouvons signaler les traductions des conte populaires et de romans d’aventures, qui essaieront de séduire une partie du public adolescent. Nous pouvons donc signaler la collection « Llibres per a nois i jovenets », chez Mentora.

36 Les éditions populaires de Políglota et la « Biblioteca Neus de Novel·les Blanques » seront aussi très connues. La première traduit Mr. Fins a Sant Moritz (1927) d’Arthur Neustadt par J.M. Armengol Vives ; la deuxième fait paraître El talismà de la princesa (1927) de H. Courths-Mahler, dans une traduction de Joan Parellada Segura, et les œuvres de la populaire Eugenie Marlitt (pseudonyme d’Eugenie John) -Els secrets de la tieta (1927), traduites par M. Valls Martí, et La minyona del mas (1928), dans une traduction de Cèsar A. Jordana. Les éditions populaires des années 1920 s’intéresseront surtout aux œuvres des écrivains romantiques allemands. La collection « Les Ales Esteses » publie La meravellosa història de Pere Schlèmil (1930) d’Adalbert von Chamisso, dans une traduction de Gustau Llobert, pendant que « La Novel·la Estrangera » publie El duc i la dogaressa (1924) de Hoffmann, dans une traduction de Carles Riba. Du même auteur, la bibliothèque « A tot vent » traduit en catalan L’olla d’or (1938) dans une version de Mª Teresa Pujol et L. Ferran de Pol. Si l’on observe l’allure de ce type de livres on peut constater que par rapport aux originaux allemands ou français les traductions en catalan ont un aspect plus soigné. Par exemple, le papier qu’on considère comme mauvais pour le cas de la Catalogne sera pire dans les autres pays mentionnés.

37 Moins connues sont les œuvres de l’écrivain allemand expressionniste Leonhard Frank et d’Heinrich Hausser. La bibliothèque « A tot vent » traduit respectivement Carles i Anna (1933), dans une traduction élaborée par Josep Climent à partir d’une version que l’auteur lui-même avait adaptée pour le théâtre en 1929, et Aigua salada (1933), dans une traduction de Carles Magrinyà. On peut signaler en outre un roman qui eut son adaptation cinématographique : celui de l’écrivaine homosexuelle Christa Winsloe, Manuela (1935). Le texte, publié par la maison d’édition Atena dans une traduction de Pau Cirera, fut la base du premier film lesbien Mädchen in Uniform (1931). Hell al llac de les dames (1935) de Baum fut aussi adapté au cinéma par Marc Allégret en 1934. Il va sans dire que le succès du film favorisa aussi la traduction du roman.

38 En termes de réception de la littérature germanique, la libéralisation du marché de l’édition catalane ne contribua pas à une plus grande importation mais, eut pour effet, en revanche, d’intensifier la traduction de la littérature contemporaine, des œuvres de grande consommation et des romans spécifiques. La diversification de la production confirmera l’hypothèse de Thiesse, pour qui le libéralisme économique bénéficie à la construction de marchés nationaux [39]. En ce sens, la littérature de grande consommation répondait mieux aux besoins et aux changements qu’expérimentait le lectorat dans les années postérieures à la Grande Guerre puisque, comme le précise, Donald Sassoon « the marketing of cultural products consists in offering the public more of the same, but not exactly » [40]. Jusqu’à la fin de la Grande Guerre, il paraît probable que l’importation de littérature/culture allemande doive beaucoup aux intermédiaires (les critiques, écrivains ou traducteurs), et au rôle, en rien méprisable, de la presse ou des maisons d’éditions, comme le mit en évidence le rôle de l’Associació Wagneriana. Au contraire, à partir de 1918 il semble que ce soit la diversification du public qui marque la réception d’une littérature déterminée.

39 Parmi les auteurs germaniques de littérature contemporaine, l’autrichien Zweig est l’écrivain le plus traduit. La plupart de ses œuvres furent, cependant, traduites en castillan, et la maison d’édition Apolo monopolisa la traduction : La curación por el espíritu : Mesmer, Mary Baker- Eddy, Freud (1932), La Lucha contra el demonio (1934), Tres poetas de su vida : Casanova, Stendhal y Tolstoi (1934), Veinticuatro horas en la vida de una mujer (1935), Los ojos del hermano eterno (1936), Momentos estelares de la humanidad : cinco miniaturas históricas (1937), Calidoscopio : novelas (1937) ou Amok (1938). C’est chez Apolo également que paraissent La montaña mágica (1934) et Los Buddenbrook (1936) de Thomas Mann, dans les traductions, respectivement, de Mario Verdaguer et de Francesc Payarols ; La última aventura del caballero Casanova (1935) d’Arthur Schnitzler et certaines œuvres du populaire Wassermann.

40 Il ne semble pas que l’œuvre de Mann trouve sa niche sur le marché éditorial catalan d’avant-guerre puisqu’il ne sera pas traduit avant 1955, quand la maison d’édition de Majorque, Moll, publiera Tonio Kröguer ; en 1966, Proa fera paraître La mort a Venècia. Il se passe quelque chose de similaire avec Bertolt Brecht, dont l’œuvre ne put être représentée avant 1963 à cause de la Guerre Civile espagnole et de la censure des années suivantes. En 1963 on ne put donner qu’une seule représentation de L’òpera de tres rals, ce qui aida à impulser le théâtre catalan de la résistance. En ce qui concerne les traductions de Zweig en castillan, on doit signaler le rôle éminent de Mario Verdaguer [41], mais aussi de son frère Joaquin Verdaguer. Outre le fait d’être le traducteur de La montaña mágica de Thomas Mann et de quelques œuvres d’Ernst Jünger, Giovanni Papini et Prosper Mérimée, Verdaguer fut directeur littéraire chez Apolo, une maison d’édition qui, comme nous le disions, publie presque toutes les traductions de Zweig, son auteur-phare.

Les traducteurs

41 Si l’on considère désormais le profil biographique de l’ensemble des traducteurs pendant la période étudiée, on s’aperçoit immédiatement de la faible professionnalisation de ces derniers, comme en témoigne l’absence parfois dans le volume du nom du traducteur ou l’apposition de simples initiales, parfois difficilement identifiables. Cette professionnalisation encore balbutiante (jusqu’à ce que se trouve constituée une infrastructure éditoriale bien installée), explique la variété de profils de ceux qui décident de s’atteler à cette tâche, considérée par beaucoup comme un deuxième travail que les écrivains, critiques ou journalistes font alterner avec d’autres activités liées à la création, au journalisme, au gouvernement et aux institutions, ou à l’enseignement universitaire. Cependant, il nous semble que le statut de traducteur en Catalogne est différent de ce qu’il est en France ou en Allemagne. À l’instar de ce qui se passe avec l’écrivain, le traducteur commence non seulement à être sollicité par l’éditeur mais aussi à être vu comme cette figure prestigieuse à laquelle la collection pourrait s’associer, en raison de son autorité mais aussi du style propre dont il pourrait marquer la nouvelle traduction. En même temps, il est clair que l’absence d’agences littéraires contribue à ce que le traducteur travaille lui-même comme agent littéraire et propose aux maisons d’éditions des traductions des auteurs avec lesquels il avait des rapports ou qui lui étaient chères. Il va sans dire que cette situation fut un indicateur des avancées timides de la professionnalisation ou spécialisation du métier de traducteur. Ce phénomène n’est pas toujours lié à des questions de type linguistique mais à la structure du champ littéraire.

42 Dans le cas de la littérature germanique, et par rapport à la traduction de la littérature française, on constate peut-être une plus grande spécialisation qui s’explique surtout par la plus grande difficulté à trouver des traducteurs de l’allemand au catalan. Parmi la variété des profils des personnes qui travaillaient dans le domaine de la traduction il convient de faire une place particulière aux traducteurs qui bénéficient déjà d’une certaine légitimité (accréditée par leur travail comme écrivains ou critiques, ou dans les cercles académiques et universitaires), et ceux qui au contraire souffrent d’un manque de reconnaissance. Ces derniers, journalistes et écrivains occasionnels dans bien des cas, prétendaient alors atteindre la notoriété grâce à la traduction des auteurs consacrés. Parmi les premiers nous comptons des écrivains comme Maragall, le poète le plus important du Modernisme catalan ; Lleonart, poète et critique littéraire à La Veu de Catalunya ; Riba, professeur de grec à l’université de Barcelone ; Manuel de Montoliu, savant et professeur de littérature germanique à l’université, ou encore Pena, musicologue. Nous comptons également des critiques comme Melcior Font, Joan Alavedra, Cèsar A. Jordana ou Martínez Ferrando. Tous annoncent l’apparition de la figure moderne de l’écrivain et traducteur catalan.

43 À l’autre extrémité, nous trouvons une série de traducteurs, aujourd’hui complètement oubliés, qui, à cause du type d’œuvre traduite (une littérature bénéficiant de peu de légitimité en raison de son caractère commercial), et de la position qu’eux-mêmes occupaient dans le champ littéraire, n’ont pas réussi à perdurer. À ces figures il faudrait ajouter la présence encore minoritaire de la femme traductrice qui pour ce qui est de notre objet d’étude, est représentée uniquement par Dolors Hostalrich, la traductrice de Guillem Tell (1931), de Schiller. Pour le cas de la Catalogne, la médiation des traducteurs est fondamentale pour aider à la pénétration de la culture et de la littérature allemande.

Conclusions

44 L’étude des interactions entre l’Allemagne et la Catalogne nous a permis de vérifier que les travaux d’Espagne et de Werner pour l’axe franco-allemand sont extrapolables à d’autres espaces, qui, comme pour notre objet d’étude, ne correspondent pas strictement au territoire national au sens d’un État-nation, ni avec les espaces traditionnellement comparés. Dans cette perspective, les traductions de littérature germanique contribuaient à consolider la culture catalane qui, en plus de prétendre à la nationalisation de son histoire littéraire, artistique et musicale aspirait également à devenir une culture cosmopolite et internationale. L’importation de la culture germanique est liée à une fascination pour les lettres, la musique, la philosophie et la science de l’Allemagne, qui pendant la période qui nous concerne, se caractérisait par son ascendance culturelle et scientifique par rapport à d’autres nations en Europe. L’analyse de l’appropriation de la littérature germanique en Catalogne nous a permis d’observer comment une partie de cette importation fut utilisée pour se libérer des modèles hérités — intérieurs ou étrangers — qui empêchaient de développer une culture moderne en langue catalane. En ce sens, l’étude des traductions de la littérature germanique révèle l’intérêt (au moins jusqu’à la Grande Guerre) pour des produits culturels qui correspondaient surtout au goût des élites : la traduction des classiques du Romantisme allemand ou la traduction de textes adaptés pour l’opéra.

45 Puis, en sens contraire, la diversification de l’offre se dirigera vers un lectorat moins exigeant, d’un point de vue culturel, que le public qui se procurait les traductions de l’Associació Wagneriana ou de la « Biblioteca Popular de l’Avenç ». Cependant, et à la différence de ce qui se passe dans le cas des publications de littérature française, on observe aussi une plus grande spécialisation de la part des éditeurs, ce qui se manifeste par la publication presque exclusive de la littérature germanique par des maisons d’éditions comme l’Association Wagnerienne ou Apolo, dans les années trente. Cette spécialisation explique l’apparition d’éditeurs plus exigeants, moins commerciaux et moins préoccupés de toucher un public plus large. C’est le cas des Successors d’Henrich y Cía, qui éditeront les livrets de la « Biblioteca d’Òpera Clàssica ». L’espace de la littérature de grande consommation sera occupé durant les premières décennies du XXe siècle par les collections théâtrales de « La Escena Catalana » et « De tots colors » qui publieront les œuvres d’Hauptmann et de Sudermann, qui correspondent plus au goût de la bourgeoisie catalane traditionnelle. La traduction et la représentation avec succès du théâtre germanique permettront, de plus, à la scène catalane de réduire sa dépendance par rapport au théâtre français, dont le théâtre de boulevard faisait toujours salle comble.

46 À l’opposé les traductions de l’œuvre de Wagner contribuèrent à créer un opéra sérieux en langue catalane (qui n’eut pas le succès escompté) et stimulèrent la résistance des élites catalanes aux modèles musicaux intérieurs comme la zarzuela ou extérieurs comme l’opéra français ou italien. Wagner favorisera aussi la modernisation des arts scéniques et la création d’un Théâtre National en catalan.

47 Dans l’importation de la culture et de la littérature germaniques, on observe aussi, de la part des intellectuels, des artistes, des musiciens et des écrivains catalans, le désir de montrer l’européanisation effective de la culture catalane : désir, qui passait en partie par le but de s’éloigner de l’Europe latine (notamment hispanique) et de sa propre tradition culturelle pour s’approcher de nouvelles formes qui venaient de l’Europe du Nord. Cependant, le faible nombre de traducteurs d’allemand (qui ne disposaient pas toujours d’une formation appropriée) publie des versions à la rigueur philologique peu regardante, adaptés en plus à la réalité du public catalan. Ainsi, par exemple, Maragall et Antoni Ribera baptisent Hänsel y Gretel, Ton y Guida, alors que Joan Perpinyà catalanise Schiller avec un nouveau Guillem Tell. En dépit de la liberté des traductions, nous observons dans le cas de la littérature germanique une plus grande spécialisation, comme le démontrent les nombreuses traductions de Lleonart ou Pena, qui prirent en charge, pour chacun d’entre eux, des œuvres de Goethe et les écrivains germaniques contemporains, ou les adaptations à la musique des textes wagnériens. Le rejet de la société de la part des Romantiques et des Catalans, et la jeunesse de l’Allemagne en tant que nation trouvaient un écho favorable en Catalogne qui entretenait avec la culture germanique comme une sorte d’union spirituelle.

48 En définitive, l’appropriation de la littérature germanique en Catalogne paraît être un instrument pour nationaliser et dénationaliser son histoire littéraire, artistique, scientifique et musicale. Si, d’un côté, l’importation de la littérature et de la culture germaniques contribue à consolider une culture moderne catalane, on assiste, d’un autre côté, à la construction d’une histoire culturelle transnationale, avec en tête de file pour le cas de la Catalogne des élites dont la formation et la trajectoire les inscrivent, malgré leur enracinement et leur défense du local, dans un espace international.

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Date de mise en ligne : 01/02/2012

https://doi.org/10.3917/rlc.339.0311

Notes

  • [1]
    Voir Michel Espagne et Michael Werner, « La construction d’une référence culturelle allemande en France : genèse et histoire (1750-1914) », Annales ESC (juillet-août) 4, 1987, p. 969-992, et Michel Espagne, Les transferts culturels franco-allemands, Paris, Presses Universitaires de France, 1999.
  • [2]
    Yves Chevrel s’est intéressé à la réalité du texte traduit : comment et pourquoi prend-il sa place dans un système littéraire, quelle fonction y occupe-t-il, ou quelle modification de ce système entraîne-t-il. Voir « Le texte étranger : la littérature traduite », dans Yves Chevrel et Pierre Brunel (dir.), Précis de littérature comparée, Paris, Presses Universitaires de France, 1989, p. 57-83. Voir aussi le numéro spécial de la RLC, « Le texte étranger. L’œuvre littéraire en traduction », 63/2 (avril-juin), 1989.
  • [3]
    L’année 1895 fait référence à la traduction d’Intermezzo de Heine, chez Llibreria Espanyola ; l’année 1938 fait référence à la traduction de Dues ànimes de Paul Heyse, chez « La Rosa dels Vents ».
  • [4]
    Voir John W. Kronik, « La Abeja of Barcelona and German literature in Spain, 1862- 1870 », dans C. Kent, Th. K. Wolber et C.M.K. Hewitt, The Lion and The Eagle, New York-Oxford, Bregan Books, 2000, p. 235.
  • [5]
    Mouvement culturel catalan qui a vu le jour au cours du XIXe siècle, après la publication du poème l’Oda a la Pàtria de Bonaventura Carles Aribau en 1833. Ce mouvement reflète la volonté de faire renaître la culture catalane et de légitimer sa langue comme langue littéraire.
  • [6]
    A.-M. Thièsse, La Création des identités nationales. Europe XVIIIe-XIXe, Paris, Éditions du Seuil, 2001 [1999]. Voir aussi M. Espagne et M. Werner, Qu’est-ce qu’une littérature nationale ? Approches pour une théorie interculturelle du champ littéraire, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1994.
  • [7]
    Les données proviennent de Kronik, op. cit., p. 243-246.
  • [8]
    Pour la réception de la littérature germanique en Catalogne dans les années précédentes voir M. Jorba, « El coneixement de la literatura alemanya en l’àmbit català (1833-1847) », dans B. Raposo et J.A. Calañas (dir.), Paisajes románticos : Alemania y España, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 2004, p. 53-71.
  • [9]
    Pour une recherche plus approfondie sur cette maison d’édition voir M. Llanas, L’edició a Catalunya : el segle XX (fins a 1939), Barcelone, Gremi d’Editors de Catalunya, 2005, p. 123-128.
  • [10]
    Bergnes de las Casas fut le directeur de la « Colección selecta y económica de las mejores obras antiguas y modernas nacionales y extranjeras ». Sous sa direction, on a publié, parmi autres, le Faust de Goethe en 1876.
  • [11]
    Voir Llanas, op. cit., 2005, p. 256.
  • [12]
    Ibid., p. 256-260.
  • [13]
    L’analyse quantitative qu’on présente ici a été basée sur les données de TRILCAT (http:// trilcat.upf.edu/recursos/), groupe de recherche que dirige le professeur Enric Gallén à l’Université Pompeu Fabra de Barcelone. Nous avons vérifié et corrigé quelques-unes des données, surtout pour ce qui est des dates des traductions de littérature allemande, manquantes dans quelques cas. Nous avons aussi ajouté de nouvelles références que nous avons confrontées au catalogue de la Bibliothèque de la Catalogne et à l’ouvrage classique d’A. Palau i Dulcet, Manual del librero hispanoamericano : bibliografía general española e hispanoamericana, Barcelone, Llibreria Palau, 1948-1977. Il faut aussi admettre une marge d’erreur.
  • [14]
    Voir Kronik, op. cit., p. 235.
  • [15]
    Nous avons axé notre étude sur les récits de fiction, romans et nouvelles.
  • [16]
    La division chronologique que nous proposons ici s’est imposée par des raisons historiques et littéraires : 1906 est l’année de la publication du Glosari d’Eugenio d’Ors, qui signale le début du Noucentisme ; 1915 est l’année du premier numéro de la revue La Revista, de J.M. López-Picó, qui montrera un énorme intérêt pour la traduction ; 1925 signifie l’éclosion de la polémique autour de la crise du roman, autant en Catalogne que dans le reste de l’Espagne, 1936 est, comme on le sait, le début de la Guerre civile espagnole.
  • [17]
    Voir J.-F. Botrel, « Le commerce des livres et imprimés entre l’Espagne et la France (1850-1920) ». Dans J.-P. Étienvre et J.R. Urquijo, España, Francia y la Comunidad Europea, Madrid, Casa de Velázquez, 1989, p. 129.
  • [18]
    Après l’ascension au pouvoir du nazisme, le PEN Club allemand sera rejeté du PEN Club international et il n’y participera pas à nouveau jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale.
  • [19]
    Voir Kronik, op. cit., p. 236.
  • [20]
    Voir J. Maragall, Obres Completes, vol. 1, Obra catalana, Barcelone, Selecta, 1970, p. 1110. Sur l’idée mythique du Nord de l’Europe voir M. Espagne, Le Prisme du Nord : Pays du Nord, France, Allemagne. 1750-1920, Tusson, Du Lérot, 2006.
  • [21]
    Voir J. Tur, Maragall i Goethe. Les traduccions de Faust, Barcelone, Universitat de Barcelona, 1974, p. 17-41.
  • [22]
    Maragall a importé le Classicisme goethéen dans sa propre poésie et la présence du Faust dans le Cant Espiritual est connue. Ses modèles germaniques ont été analysés par Ll. Quintana, La veu misteriosa. La teoria literària de Joan Maragall, Barcelone, Publicacions de l’Abadia de Montserrat, 1996.
  • [23]
    Voir Llanas, op. cit., 2004, p. 275. Voir aussi J. Massó i Torrents, Cinquanta anys de vida literària, 1883-1933, Barcelone, Tipografia Empòrium, 1934.
  • [24]
    Voir Llanas, op. cit., 2004, p. 273.
  • [25]
    Joan Maragall était le petit frère de sa mère, Eulàlia Maragall.
  • [26]
    De ce voyage la famille Lleonart conserve une lettre de Joan Maragall dans laquelle le poète écrit : « Apprends beaucoup et rentre tôt. La Catalogne marche bien, il ne manque que des hommes ». Je remercie pour ces données Carolina Lleonart, fille de Josep Lleonart, qui m’a reçu gentiment le 4 octobre 2010.
  • [27]
    Malgré la consultation des archives Lleonart, chez sa fille, on n’a pas pu éclaircir la date exacte de la publication de cet ouvrage.
  • [28]
    Les secrétariats de l’IICI et de la SDN ont inauguré à Francfort une rencontre annuelle qui devait réunir pendant deux ou trois jours les hommes les plus remarquables de l’époque. Le centenaire de la mort de Goethe a été pris comme prétexte, et la réunion a été programmée pour le mois de mai. Parmi les conférenciers, Valéry ou Mann, mais aussi Helène Vaccaresco, Gilbert Murray, Georges Oprescu ou Salvador de Madariaga, qui a présenté un exposé sur le Faust et les Européens de l’esprit.
  • [29]
    On n’a pas inclus cette traduction dans le comptage car il s’agit d’une œuvre non littéraire.
  • [30]
    Voir A. Janés, L’obra de Richard Wagner a Barcelona, Barcelone, Fundació Salvador Vives Casajuana/Ajuntament de Barcelona, 1983. Sur l’Associació Wagneriana, encore vivante, on peut consulter son site : http://www.associaciowagneriana.com/.
  • [31]
    Les travaux sur l’histoire de l’Associació Wagneriana sont nombreux, mais il manque l’analyse du phénomène comme un objet de transfert culturel. Voir le numéro de la revue Wagneriana, publié l’année du centenaire ; le volume 100 Years of Wagner in Catalonia, Barcelone, Associació Wagneriana, 2001, ou le numéro de la collection « Terra Nostra », El Wagnerisme a Catalunya, nº 42, 2001, mis à part du livre de Janés, op. cit.
  • [32]
    Le « Teatre Líric Català » fut lancé par des musiciens catalans tels qu’Enric Morera, Enrique Granados ou Jaume Pahissa.
  • [33]
    Voir Janés, op. cit., p. 176 et sq.
  • [34]
    Pena fut secrétaire de l’Orchestre Pau Casals, fondé en 1920, et il a représenté Barcelone à l’agence de concerts Daniel à Madrid. Il a fait aussi partie de la commission de l’Orfeó Català, et il a participé à la Revista de Música de Buenos Aires. En 1937 Pena fut nommé bibliothécaire de l’Institut du Théâtre de la Generalitat de Catalunya. Voir M. Infiesta, « Joaquim Pena », Wagneriana, nº 40, janvier-mars, p. 36-43.
  • [35]
    On n’a pas inclus cette traduction dans le comptage car il s’agit d’une œuvre non littéraire.
  • [36]
    Ont été aussi publiés en catalan les Cants de Pietat (s.a.) et la Passió del Nostre Senyor Jesucrist (1921). On n’a pas inclus ces traductions dans le comptage car il s’agit d’œuvres non littéraires.
  • [37]
    Viader est surtout connu comme éditeur du Manual del Librero Hispano-Americano, de Palau i Dulcet, et par l’édition du Quichotte, imprimé en 1906.
  • [38]
    Pour ce qui est du Heimatkunst et du mouvement français régionaliste on peut consulter l’article d’A.-M. Thiesse, « Les petites patries et la grande nation. Le mouvement littéraire nationaliste français et la Heimatkunstbewegung à la Belle Époque », dans M. Espagne et M. Werner (dir.), op. cit., 1994, p. 339-362.
  • [39]
    Voir A.-M. Thiesse, op. cit., 2001, p. 111.
  • [40]
    Voir D. Sassoon, « On cultural markets », New Left Review II, nº 17, 2002, p. 118.
  • [41]
    Voir Diana Sanz Roig, « Los proyectos editoriales de Mario Verdaguer : la revista Mundo Ibérico y las editoriales Lux y Apolo », Revista de Literatura, à paraître.

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