Couverture de RLC_326

Article de revue

K. Gibran entre le « troisième œil » et W. Blake : jalons pour une esthétique visionnaire

Pages 237 à 257

Notes

  • [1]
    Voir Beloved Prophet. The Love Letters of Khalil Gibran and Mary Haskell and Her Private Journal. Edited and Arranged by Virginia Hilu, Alfred A. Knopf, New York, 1983, p. 307 : « The vision is most practical thing on earth » ou la traduction arabe, Nabiyî al-habîb [Mon prophète bien aimé], 2e éd., Beyrouth, 2004, p. 358. Voir aussi Ibid., p. 80-81 : « Imagination is a way of knowing […]. Imagination sees the complete reality, — it is where past, present and future meet […]. Imagination is the life of mental freedom », et traduction arabe, p. 97-98.
  • [2]
    Voir « Gibran entre poésie et peinture » et « The Prophet [Le Prophète] : de la parole poétique à l’œuvre illustrée : une contribution à l’étude de l’imaginaire de Gibran Khalil Gibran », RLC, 2/2003, p. 209-224 et 3/2005, p. 347-362.
  • [3]
    Bhâgavâd Gîta, traduit du sanskrit avec une introduction par Émile Sénart, Paris, Les Belles Lettres, troisième tirage 1967, neuvième lecture, 1-2 et onzième lecture, 8.
  • [4]
    Voir Platon, Œuvres Complètes, traduction nouvelle et notes établies par Léon Robin avec la collaboration de M.-J. Moreau, Paris, NRF, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1950, t. I, La République, livre VI, 500 c, (p. 1085), et livre VII, 533 d, (p. 1128) ; Plotin, Ennéades, texte établi et traduit par Émile Bréhier, Paris, Les Belles Lettres, 1967, t. V, chap. 11, p. 148-149.
  • [5]
    Voir Henri Lesètre, article « Œil », dans F. Vigouroux, Dictionnaire de la Bible, Paris, Letouzey et Ané, 1908, tome quatrième, p. 1747-1752.
  • [6]
    Voir M.-M. Davy (dir.), Encyclopédie des mystiques, Paris, R. Laffont, 1972, p. 97 et p. 329.
  • [7]
    Voir Les Apophtegmes des pères, Paris, Éditions du Cerf, 1995, et Boustân ar-rohbân liâbaa’ al-kanisah al-qobtiyyah [Le Jardin des moines. Livre des pères de l’Église copte], Le Caire, éd. mottrâniyat Bani Souwayf walbahnassâ, matba’at dar al-jîl, 1977 ; l’article capital de Michel Hayek, « Église Maronite », dans Dictionnaire de Spiritualité, Paris, Beauchesne, 1980, t. X, p. 634-644.
  • [8]
    Voir Hervé Masson, Dictionnaire Initiatique, Paris, Éd. Jean-Cyrille Godefroy, 1982, p. 354-355 ; voir aussi l’article « ‘Ayn » dans L’Encyclopédie de l’Islam, Paris et Leyde, 1960, nouv. éd., t. I, p. 808 ; Jean Chevalier et Alain Gheerbrant (dir.), Dictionnaire des Symboles, éd. revue et augmentée, Paris, R. Laffont, 1982, p. 545-548.
  • [9]
    Voir Henri Corbin, L’Imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn ‘Arabi, Paris, Flammarion, coll. « Homo Sapiens », 1958, puis 2e éd., Flammarion, coll. « Idées et Recherches », 1977. Et la traduction arabe de cet ouvrage par Farîd Az-zâhi, Rabat, éd. Marsam, 2003.
  • [10]
    Voir respectivement Mohammad Ibn Mokarram Ibn Manzour (encyclopédiste égyptien du XIIIe siècle), Lissân al-‘Arab [La Langue des Arabes], Beyrouth, Sader, 1990, vol. XIII, article « ‘Ayn », p. 305 et 306 ; Mohammad ‘Ali At-Tahânawi (érudit indien arabophone du XVIIIe siècle), Mawsou’at Kachchâf mostalahât al-fonoun wal-‘oloum [Lexique encyclopédique des Arts et des Sciences], Beyrouth, éd. Rafîq al-‘ajam, maktabat loubnân, 1996, vol. II, p. 1243. Pour le sens multiple, mais souvent paradoxal et nuancé de « l’œil », voir Mgr Michel Feghali, Proverbes et dictons syro-libanais, texte arabe, transcription, traduction, commentaire et index analytique, Paris, Institut d’Ethnographie, 1938, « ‘Ayn » dans l’index analytique ; Randa Challita, L’Œil au miroir des proverbes arabes, Beyrouth, Bibliothèque Improbable du Pinacle, 2004.
  • [11]
    Voir A. Ravier (dir.), La Mystique et les mystiques, préface de Henri de Lubac, Paris, DDB, 1965 ; Textes mystiques d’Orient et d’Occident, choisis et présentés par Solange Lemaitre, Préface(s) de Jacques Bacot et de Louis Massignon, 3 tomes, Paris, Plon, 1955 ; Charles André Bernard, Le Dieu des Mystiques. Paris, Les Éditions du Cerf, coll. « Théologies », 1. Les Voies de l’intériorité, 1994 ; 2. La Conformation au Christ, 1998 ; 3. Mystique et Action, 2000.
  • [12]
    Voir Gabriel Germain, Le Regard intérieur, Paris, Seuil, 1968, et du même auteur, L’Aventure onirique, portrait d’une inconnue, préface de Jean Mambrino, introduction de Claude Girault, Paris, Corti, 1986. Voir aussi Jacques Masui, Cheminements, Avantpropos, textes rassemblés et annotés par Pierre-Albert Jourdan, postface par Henri Michaux, Paris, Fayard, coll. « Documents Spirituels », 18,1978 ; du même auteur, De la vie intérieure. Choix de textes, 1re édition, Cahiers du Sud, 1952, puis Fata Morgana, coll. « Hermès » 1993, avec une préface d’Olivier Clément. Voir encore Les Voies de la Mystique ou l’accès au sans-accès, avec un hommage à Jacques Masui, Revue HermèsRecherches sur l’expérience spirituelle, Nouvelle Série, n° 1, Paris, Éditions de Deux Océans, 1981.
  • [13]
    Gao Xingjian, La Raison d’être de la littérature, discours traduit du chinois par Noël et Liliane Dutrait, La Tour d’Aigues, France, Éd. de l’Aube, coll. « L’Aube poche », 2000, p. 15-16.
  • [14]
    Gao Xingjian, Pour une autre esthétique, traduit du chinois par Noël et Liliane Dutrait, Paris, Flammarion, 2001, p. 27.
  • [15]
    Voir « Le troisième œil. Entretien avec Gao Xingjian », propos recueillis par Daniel Bergez, dans « Littérature et peinture », Europe, janvier-février 2007, N° 933-934, p. 255.
  • [16]
    Le Dialogue, Une passion pour la langue française, Paris, Desclée de Brouwer et Presses littéraires et artistiques de Shanghai, 2003, p. 65-66.
  • [17]
    François Cheng, Le Dit de Tianyi, Paris, Albin Michel, 1998, p. 162.
  • [18]
    Voir à titre d’exemple Wahib Kayrouz, ‘âlam Gibran al-fikrî [Le Monde intellectuel de Gibran], Beyrouth, Éd. Bacharia, 1983, vol. I, 2e partie, p. 41,43,123,130,134,148-149, 151,197,350, et vol. II, 3e partie, p. 159 et 255 ; Boulos Tawk, La Personnalité de G. K. G. dans ses dimensions constitutives et existentielles, Beyrouth, Éd. Bacharia, t. II, 1985, p. 357-359 et la version arabe du même ouvrage, Beyrouth, Éd. Nobilis, 2000, t. III, p. 398-401 ; Jamil Jabre, Gibran fi‘asrihi wa âsârihi al-adabiyyah wal-fanniyyah [Gibran dans son époque et dans ses œuvres littéraires et artistiques], Beyrouth, Éd. Naufal, 1983, p. 33.
  • [19]
    Gibran K. Gibran, pionnier de la Renaissance à venir (10 avril 1931-10 avril 2006). Actes du Colloque tenu à Kaslik du 3 au 5 avril 2006, organisé par la Faculté des Lettres de l’université Saint-Esprit de Kaslik et le Comité national Gibran à l’occasion du 75e anniversaire de sa mort, Kaslik (Liban), Publications de la Faculté des Lettres de l’USEK, octobre 2006.
  • [20]
    Pour l’intégralité de cette « Préface » — laquelle ne figure dans aucune édition de ses « Œuvres Complètes » —, voir Elîyâ Abou Mâdi, châ’er al-mahjar al-akbar, hayâtohochi’roho [E. A. M., grand poète de l’émigration, sa vie — sa poésie], éd. Dohâ ‘abd al‘azîz, Damas, dar Karam, s.d., p. 7-8.
  • [21]
    « The Greek artist had a keener and a cleverer hand than the Chaldian or the Egyptian artist, but he did not possess that third eye wich they both possessed ». Voir le texte intégral de cette lettre dans The Letters of Kahlil Gibran and Mary Haskell, éd. Annie Salem Otto, [Boston], 1970, p. 234-235. Voir aussi Tawfîq Sâyegh, Adwâ’ jadidah ‘ala Gibran [Lumières nouvelles sur Gibran], Londres, Riad El-Rayyes Books, 2e éd., 1990, p. 250.
  • [22]
    Un livre de Gibran publié en anglais sous le titre The Madman. His Parables and Poems, New York, Alfred Knopf, 1918.
  • [23]
    Voir Ach-cho’lah az-zarqâ’, Rasâel Gibran ila May Ziâdeh [La Flamme bleue, Lettres de Gibran à May Ziâdeh], éd. Salma Haffar Al-Kouzbari et Suheil Boushrui, Damas, 1979, p. 42, et Khalil Gibran, La Voix ailée, Lettres à May Ziyada, Paris, Sindbad, 1982, p. 25 ou encore Khalil Gibran, Lettres d’amour de Khalil Gibran à May Ziadah, Paris, Librairie Médicis, 1996, p. 37.
  • [24]
    Il s’agit, sans doute, du Taureau Ailé assyrien à tête humaine gardant Sargon II (721-705 av. J.-C.), à Khorsabad en Irak. Albâtre gypseux, 4,40 m × 4,36 m. Il remonte à l’époque néo-assyrienne, et il est exposé au Musée du Louvre, « Antiquités Orientales-Mésopotamie ». (Voir reproduction dans Encyclopédia Universalis, éd. 2007).
  • [25]
    Cité par Barbara Young, This Man from Lebanon, A study of Kahlil Gibran Author of The Prophet and other works, New York, Alfred A. Knopf, 1945, p. 168-169. Voici l’original anglais : « I believe that the art of today owes its best elements to the Arabs who kept and cherished the spirit in which the Book of the Dead, The Avista, the Book of Job, and the Chaldean man-headed winged bull were written and carved. By the art of today I mean that almost religious hunger not yet a century old, which is the golden link between the man of today and the greater man of tomorrow… The Greek artist had a keener eye and a cleverer hand than the Chaldean or the Egyptian, but he did not possess that third Eye which they both possessed. Greece borrowed her gods from Chaldea, Phoenicia, and Egypt. She borrowed every quality save that vision, that insight, that peculiar consciousness of what is deeper than depth and higher than height. She brought from Byblos and Nieth the jug and the cup, but not the wine. She was capable of fashioning the naively formed jug and cup into golden vessels, but she never filled them with aught but liquid realism. To me the only mighty being in the Greek mythology is Prometheus, but let us not forget that the original fire-bringer is Chaldean and not Greek. The races of Western Asia knew him two thousand years before the Trojan expedition. There are few people in this world who love Greek art as much as I, but I love it for what it is, not for what it is not. I love the charm, the freshness, the loveliness, the physical glory of all things Grecian, but I cannot find in these the living God. I see only a shadow of His shadow ». Voir aussi ce texte dans la traduction en arabe de Sa‘ïd ‘afîf Baba, Hazâ ar-rajol min Loubnân, 1re édition, São Paulo, Brésil, 1953, et 2e éd., Beyrouth, dar al-andalous, 1964, p. 208-209.
  • [26]
    Ce roman, conçu au Liban, mais écrit entre 1908 et 1911 à Paris et à New York, a été publié, en 1912, à New York, aux Éditions Mirât al-Gharb [Le Miroir de l’Occident]. Nous avons aujourd’hui six versions françaises de ce roman romantique libanais. Quatre sont traduites directement de l’original arabe et deux sont la traduction de la version américanoanglaise. Parmi ces traductions inégales, nous renvoyons le lecteur de langue française à la version de Jean-Pierre Dahdah, dans Khalil Gibran, Œuvres Complètes, Paris, Laffont, coll. « Bouquins », 2006, p. 115-164.
  • [27]
    Nous avons signalé dans Les Fils d’Orphée, du Mont Liban aux Amériques, Paris, Jean Maisonneuve, 2004, p. 76, note 63, l’existence d’un roman de Louis de Romeuf, L’Aile brisée, Paris, Éd. Sansot, 1907. Il y aurait lieu de comparer ce singulier français au pluriel libanais. (Sur l’auteur [1875-1922], originaire d’Auvergne, voir Gaston Joubert, Dictionnaire bibliographique de la Haute Loire, Polignac/France, Les Éditions du Roure, 2004). Un climat « romantique » est commun aux deux histoires qui racontent une passion, un grand amour. On peut supposer que Gibran, qui a séjourné à Paris, entre juillet 1908 et octobre 1910, a pu lire l’ouvrage, ou en aurait pris connaissance. Mais la perspective narrative n’est pas la même dans les deux œuvres. Les critiques sociales dans les deux romans émanent de deux visions du monde différentes. Salma Karâmé n’est pas l’ardente Faustine Manige, l’amante et la maîtresse de Lucien ; Lucien Daynaud, audacieux et prométhéen, n’est pas le héros « autobiographique » conçu par Gibran. Il n’en est pas moins vrai qu’il y a dans les deux romans un climat poétique et des motifs qui autoriseraient une analyse comparée (les images de la brume, de la foudre, l’ombre du Christ, les métaphores de l’aile…).
  • [28]
    Voir Antoun Ghatttas Karam, La Vie et l’œuvre littéraire de Gibran Khalil Gibran, 2e éd., dans Les Œuvres Complètes, Beyrouth, Dar An-Nahar, 2004, p. 113-114.
  • [29]
    Voici l’original : To August Rodin Died Nov. 17-1917 : « Master of Clay, to what element more chaste than clay have you turned your versed hands ? And what nobler form than man does now hold your searching eyes ? And what higher dreams you dream today ? Master of Clay, what substance more yielding than clay has claimed your art ? What light, what shadow, what lines more certain have arrested your vision ? And what bolder dreams you dream today ? In my youth, while wandering among those ancient hills, where mallet and chisel have long been dumb, I uttered your name. And (me thought) it seemed as if an invisible being spoke (with) through my lips to break the uneventful silence. Then the veil was lifted, and I beheld you in that thrice hallowed company of master-men chosen to build the house of God that man may (find shelter) be sheltered and man’s soul may dwell in knowledge of itself. And I was comforted and my heart knew that Life was not the shattered memories of yesterday, nor the dim hopes of tomorrow ; but that all time, all space, all earth, all spirit were one urging wave of urging songs. And I was gladend (sic), for I heard in your voice the murmur of Ninavah and Thebes and Athens and Florence. And I was lifted for I saw in you the golden thread upon Life’s eternal loom. Master of Clay, would that you (had) have stayed longer. Would that you have waited through this roaring night for earth’s second dawn. Would that you have tarried to see the fuller face of France and to fashon her freer body that man may gaze upon the image of his own freer self ». Voir Annie Salem Otto (éd.) Love Letters of Kahlil Gibran and Mary Haskell, (éd.), op. cit., p. 546-547. Notons que ce texte important ne figure pas dans le « choix » de Virginia Hilu, Beloved Prophet. The Love Letters of Kahlil Gibran and Mary Haskell… op. cit. Voir aussi Wahib Kayrouz, Gibran dans son musée, Beyrouth, Bacharia, 2e éd., 1998, p. 38 et dans ‘âlam Gibran ar-rassâm… [Le Monde de Gibran le peintre…], Beyrouth, Maktabat Sader, 1982, p. 232-233 ; Boulos Tauk, La Personnalité de Gibran…, op. cit., t. III, p. 815-816 ; Robin Waterfield, Khalil Gibran, un prophète et son temps, Québec, Éd. Fides, 2000, p. 240. Pour un avis plus posé et plus fouillé de Gibran sur le grand Rodin, voir notre étude déjà citée : « Gibran entre poésie et peinture », dans RLC, 2/2003, p. 218-220.
  • [30]
    Ce point de vue sur l’art est rapporté par Mikhail Naimy, Gibran Khalil Gibran, hayâtohou, mawtohou, adabohou, fannohou [G. K. G., sa vie, sa mort, son œuvre littéraire et son art], Beyrouth, dar Sader-dar Beyrouth, 4e éd., 1960, p. 73 (la première édition de ce livre remonte à 1934). Nous n’avons pas trouvé ce texte dans le « journal intime » de Mary Haskell. Dans son livre Khalil Gibran, l’auteur du Prophète, Paris Pygmalion, 2002, p. 157-158, comme dans son « Dictionnaire Gibran », dans Khalil Gibran, Œuvres Complètes, traduction française collective, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », octobre 2006, article « Peinture », p. 907-908, le romancier libanais Alexandre Najjar cite ce paragraphe sans donner de référence.
  • [31]
    Voir notre article RLC, 2/2003, p. 218.
  • [32]
    Kahlil Gibran, A Tear and a Smile, Translated from the Arabic by H. M. Nahmad. With an Introduction by Robert Hillyer, New York, Alfred A. Knopf, 1950, (18e tirage, 1971), p. XI : « Many convictions were common to both : a hatred of sham and binding orthodoxy, personified by evil priests ; the manumission of physical love from the bonds of convention in order to attain spiritual completeness (sic) ; the perception of beauty in the moment that seems to be fleeting but is, in truth, everlasting ; and the discovery of miracles in seasonal nature and the commonplace things of daily living. Both warred against reason in the name of imagination. Both defied the snares of logic to cut a straight wing path directly to God ». Voir aussi Suheil Bushrui et Joe Jenkins, Kahlil Gibran, L’homme et le poète, traduit de l’anglais par Bernard Dubant, Paris, Éditions Véga, 2001, p. 135-144 et p. 150, note 199.
  • [33]
    A. Karam, La Vie et l’œuvre littéraire de Gibran Khalil Gibran, op. cit., p. 218-224. Voir aussi « Gibran al-Khaled/Gibran l’éternel », Beyrouth, Les Conférences du Cénacle Libanais, Xe année, n° 5, mars 1956. Cette conférence n’a pas été reprise dans Les Œuvres Complètes de Karam publiées à Beyrouth, dar An-nahar, 2004 et 2006.
  • [34]
    Voir Georges Nicolas El-Hage, William Blake and Kahlil Gibran, Poets of Prophetic Vision, Louaïsé (Liban), Éd. Notre Dame University, 2002, chap. III, IV et V.
  • [35]
    Voir S. Bushrui et J. Jenkins, Khalil Gibran, l’Homme et le poète, op. cit., p. 136-137.
  • [36]
    Ce texte se trouve dans les deux « anthologies », celle d’Annie Salem Otto et celle de Virginia Helu, op. cit., voir respectivement : Otto, p. 443-444, et Helu, p. 260-261. Cité aussi en partie par Tawfîq Sâyegh, ‘Awâ’ jadiidah ‘ala Gibran [Lumières nouvelles sur Gibran], op. cit., p. 207. Voici le texte original : « I, too, Mary, have always found Ruskin, Carlyle and Browning to be mere children in the Kingdom of the Spirit. None of them moves me in any way. They all talk too much and say so little. Blake is the man, the God-man. To me he is the greatest Englishman since Shakespeare. His drawings are by far the profoundest things done in England — and his vision, putting aside his drawings and his poems, is the most godly. But no one can understand Blake through intellect. His world can only be seen by the eye of the eye — never by the eye itself ».
  • [37]
    Il s’agit du livre d’Elisabeth Luther Cary, The Art of William Blake, his sketch-book, his water-colours, his painted books, New York, Moffat, Yard and Company, 1907, qui se trouve aujourd’hui dans la bibliothèque personnelle de Gibran, en son musée, sous le n° 85 ; livre offert à Gibran, par un certain Howard, en décembre 1926, où nous lisons sur la première page : « For Kahlil, from Howard, you gave to Bill and to myself The great night ».
  • [38]
    Voici le texte anglais : « For the rushing, impetuous flight of his little figures, liberated, he persuades us, from the bonds of the flesh — his disembodied spirits meeting in heaven with immortal ardour ; his angels and archangels descending like a bolt of lightning upon their imperial errands ; his devils contending and striding to and fro upon the earth to work injury to human kind — Blake seems to have consulted chiefly that inner vision as to whose counsel he was eloquent ». On retiendra les expressions ou les images suivantes : « flight of his little figures, liberated », « from the bound of the flesh », « disembodied spirits » qui renvoient de façon étonnante à l’esthétique de Gibran, dans ses formes, ses effets dynamiques et ses figures essentielles.
  • [39]
    Cité aussi par Wahib Keyrouz, Madkhal ila As-safâîyah [Introduction à la Pureté], (inédit encore en mai 2008), p. 210-211. Notre ami, le conservateur en chef du Musée Gibran, confirmant l’écriture manuscrite anglaise et arabe de Gibran, nous a confié son manuscrit en août 2007. Qu’il en soit ici remercié.
  • [40]
    Dans notre article « The Prophet [Le Prophète] : de la parole poétique à l’œuvre illustrée, une contribution à l’étude de l’imaginaire de G. K. Gibran », RLC, 3/2005, note, p. 350-351, nous avons évoqué une source phénicienne qui a inspiré Gibran. Nous sommes aujourd’hui convaincus, avec d’autres critiques, qu’un fonds oriental, antique et moderne, lie l’auteur du Prophète à l’auteur du Mariage du Ciel et de l’Enfer, ne serait-ce que cette ancienne cosmogonie du « Voyant et Prêtre » de Beyrouth, Sanchuniathon (voir Dictionnaire de la Civilisation Phénicienne et Punique, Belgique, Brepols, 1992, p. 587) qui a inspiré celle de Moïse. En effet, dans le livre de Robert Rosenblum, Peinture moderne et tradition romantique du Nord, traduit de l’anglais par Dominique le Bourg, Paris, Hazan, 1996, p. 46-47, nous trouvons un renvoi à cette cosmogonie. Analysant l’œuvre de Blake « The Ancient of Days/L’Ancien des jours, 1794, [Aquarelle, 23,3 × 16,8 cm, exposée au British Museum, à Londres] » (frontispice de Europe, une prophétie), l’auteur américain, historien de l’art, (disparu le 6 décembre 2007, à l’âge de 79 ans) évoque « Les fantaisies cosmologiques d’un auteur phénicien, probablement mythique, Sanchuniathon, qui, selon la relation de Philo Herennius de Byblos, explique la genèse de la lumière (Phanes) par l’interaction de la puissance créatrice originelle (Phtas) et de la nuit (Neithe) ». Sur ce même fonds oriental, l’essayiste français, spécialiste d’Élisée Reclus, Joël Cornuault (né en 1950), dans son petit livre, Souvent nous cheminons, Nérac, Pierre Mainard, 2006, p. 61, a écrit : « La critique historique a rattaché Blake au gothique. Il est vrai qu’il excelle dans des petites expositions et le métier qu’il s’était inventé consistait à enluminer ses textes, alliant de cette façon poésie verbale et poésie visuelle, comme dans les traditions orientales ».
  • [41]
    Voir Beloved Prophet, op. cit., p. 80-81 : “What is Imagination ?” said I. « “Imagination” is a way of knowing », answered Kahlil. […] « Imagination is limited neither to the reality which is apparent — nor to one place. It lives everywhere. It is a centre and feels the vibrations of all the circles within which east and west are vitally included. Imagination is the life of mental freedom. It realizes what everything is in its many aspects. — Imagination does not uplift : we don’t want to be uplifted, we want to be more completely aware. I want to be alive to all the life that is in me now, to know each moment to the uttermost. I don’t want to be just a painter of pictures, or a writer of poems. I want to be more ». Nous améliorons, ici, la version française citée dans Bushrui, Kahlil Gibran, l’homme et le poète, op. cit., p. 140.
  • [42]
    Le Christ est un sujet fertile pour l’imagination créatrice poétique et picturale de Blake. Notons ici « Le Christ en rédempteur de l’humanité », [Aquarelle, 39 × 50 cm, 1808] ; « Le Baptême du Christ », [Aquarelle, 60 × 73 cm, sans date ?], ainsi que ses autres œuvres : « Le Christ enfant endormi sur la croix », « La Résurrection », « La Transfiguration ».
  • [43]
    Voir la thèse de Khalil Chalfoun, La Figure de Jésus-Christ dans la vie et l’œuvre de Gibran, thèse de 3e cycle (3 vol.), dirigée par notre regretté ami Michel Hayek, 1986, Paris, Institut Catholique, 1986.
  • [44]
    Voir son aquarelle « Le Roi des Juifs à la troisième heure ». Reproduction dans Helene Richter, William Blake (en allemand), Strasbourg, 1906, planche IV. Ou “La Crucifixion” dans Jérusalem, in Elisabeth Luther Cary, The Art of William Blake, op. cit., planche V.
  • [45]
    Voir The Letters of Kahlil Gibran and Mary Haskell, éd. Annie Salem Otto, op. cit., p. 5.
  • [46]
    Voir Beloved prophet…, éd. Virginia Helu, op. cit., p. 60.
  • [47]
    Reproduction dans William Vaughan, William Blake, traduit de l’anglais par Michel Braudeau, Paris, Chêne, coll. « Les Arts de l’Imaginaire », 1977, (Planche 26).
  • [48]
    Ibid. Dans son livre La Folie dans la poésie de William Blake, Reflet des enjeux gnoséologiques de la critique littéraire, Paris, Honoré Champion, coll. « Babeliana », 1999, p. 14, Patrick Menneteau écrit : « Le fondement blakien ultime est celui des idées innées ou de l’esprit de consolation du Christ, qui constitue le chemin vers la Fraternité universelle et le Dieu d’Amour ».
  • [49]
    Voir François Benoît, Un Maître de l’art, Blake le visionnaire, Lille, Travaux et Mémoires de l’Université de Lille, 1906, p. 48 sq. ; Herbert Read, « Le Poète graphique », Revue Messages, 1re Année, tome I, Numéro I, 1939, p. 36-38 ; William Butler Yeats, « William Blake et l’art » (1896), traduit de l’anglais par Martine de Rougemont, dans La Délirante, Revue de poésie, n° 2, Paris, Octobre-Décembre, 1967, p. 71-83 ; Julien Green, Suite anglaise (1927), Paris, Éd. du Seuil, coll. « Points », 1988, p. 31-46 (« William Blake, Prophète ») ; Kathleen Raine, William Blake (sur l’art de W. B.), Paris, Chêne, coll. « Chêne 15/21 », 1975 ; Robert Rosenblum, Peinture moderne et tradition romantique du Nord, op. cit., p. 45-50.
  • [50]
    Mary Haskell a fait don de l’original, en 1950, au Telfair Museum of Art, Savannah, Georgie, États-Unis.
  • [51]
    Voir Max Picard, Le Visage Humain, traduit de l’allemand par Jean-Jacques Anstett, Paris, Buchet-Chastel, 1962.
  • [52]
    Tous les dessins du Christ de Gibran ont été légués par Mary Haskell, en 1950, au même musée dans lequel se trouve l’original du dessin objet de notre étude. Voir reproductions dans Khalil Gibran, artiste et visionnaire, Paris, IMA et Flammarion, 1998, p. 85,86,87 ; Kahlil Gibran, Horizons of the Painter, Beyrouth, Nicolas Sursock Museum, 1999, p. 150.
  • [53]
    Voir Œuvres Complètes, coll. « Bouquins », op. cit., p. 875-876.
  • [54]
    Voir la « Vie de Gibran. Chronologie analytique établie par Alexandre Najjar », ibid., p. XVII. Ce premier article de Gibran a été publié dans le journal Al-Mohâjer [L’Émigrant], à New York le 17 mai 1907. Voir à ce propos Habib Mas‘oud, Gibran Hayyann wa maytann [Gibran dans sa vie et sa mort], Beyrouth, Dar Ar-rayhâni, 2e éd., 1966, p. 31. Voir aussi Gibran fiasâr ad-darisîn [Gibran dans les œuvres des critiques], Damas, 1981, p. 157. Mais lors de notre dernière mission au Liban, en mai 2008, le critique Jean Dâieh, auteur du livre ‘Aqidat Gibran [Le Credo de Gibran], Londres, Éd. Sourakia, 1988, nous a confirmé que le premier article publié de Gibran remonte à 1905. Nous attendons la sortie de son ouvrage Lakum Gibrânukum wa li gibrâni [Vous avez votre Gibran et j’ai le mien] (sous presse) qui apporte de nouvelles précisions sur la vie et l’œuvre « journalistique » de Gibran.
  • [55]
    C’est en 1909, lors de son séjour à Paris, que Gibran découvre ce livre de Renan. À ce propos, il écrit, de Paris, à Mary Haskell, le 29 avril 1909 : « Je lis, à présent, Renan. Je l’aime parce qu’il a aimé et compris Jésus. Il l’a vu dans la clarté du jour, non au crépuscule. Mon plus grand espoir est de pouvoir un jour peindre la vie de Jésus comme personne ne l’a fait auparavant. Ma vie ne peut trouver de meilleur point d’ancrage que la personnalité de Jésus. Sa vie est le symbole de l’Humanité. Il doit toujours être la figure suprême de tous les temps et nous devons trouver toujours en lui mystère, passion, amour, imagination, tragédie, beauté, charme et vérité ». Et le texte original : « In these days I am reading Renan. I love him because he loved Jesus with so much of understanding. He saw Him in light and not in twilight. My greatest hope now is to be able to paint the life of Jesus as no one did before. My art can finde (sic) no better resting place than the personality of Jesus. His life is the symbl (sic) of Humanity. He shall always be the suprime (sic) figure of all ages and in Him we shall always find mystery, passion, love, imagination, tragidy (sic), beauty, romance and trust ». Voir The Letters of Kahlil Gibran and Mary Haskell, éd. Annie Salem Otto, op. cit., p. 27. Ce texte ne figure pas dans le « choix » de Virginia Helu.
  • [56]
    Gibran, Jésus, le fils de l’homme, dans Œuvres Complètes, coll. « Bouquins », op. cit., p. 711.
  • [57]
    Ce « Christ en Croix » [Huile sur toile, 227 × 130 cm, daté de 1897] se trouve exposé au Musée d’Orsay. Voir sa reproduction dans Eugène Carrière 1849-1906, Strasbourg, Musées de Strasbourg et Éd. Musées Nationaux, Paris, 1996, p. 146-147.
  • [58]
    Rappelons que Jean Delville a publié à Paris, en 1913, aux éditions théosophiques, un livre sur le Christ sous le titre Le Christ reviendra (Le Christ futur en face de l’Église et de la Science). Voir la note 60 dans la présente étude. Pour « une idée » sur Jean Deville et son art pictural, voir Paradis perdu, l’Europe symboliste, Montréal - Paris, Flammarion, 1995.
  • [59]
    Pour une vision comparatiste plus poussée dans ce domaine, voir François Bœspflug et Françoise Dunand (dir.), Le Comparatisme en histoire des religions (Actes du Colloque international de Strasbourg 18-20 septembre 1996), Paris, Cerf, 1997 ; Claude Calame (et al.), Comparer les comparatismes. Perspectives sur l’histoire et les sciences des religions, Paris, Edidit et Milan, Archè, 2006 ; Christiane Dotal et Alexandre Dratwicki (dir.), L’Artiste et sa Muse, Paris, Éd. Somogy, 2006 ; Marc Bayard (dir.), L’Histoire de l’art et le comparatisme. Les horizons du détour, Paris, Somogy, 2007 ; Baldine Saint Girons, L’Acte esthétique, Paris, Klincksieck, coll. « 50 questions », 2008.
  • [60]
    Jean Delville, poète, peintre et écrivain théosophique, parmi ses œuvres citons : Le Christ reviendra (voir la note 58) ; Les Splendeurs méconnues, Bruxelles, Lamberty, 1922 ; Les Chants de la clarté. Poème messianique. La Voix qui illumine. Le Don du bonheur. Poèmes philosophiques. Lumière d’Orient. Le Drame de l’art. L’Or et le Sang. Mélanges. Bruxelles, Librairie Crucis, 1927. Voir aussi la note 28 de notre étude « Gibran entre poésie et peinture », RLC, 2/2003, p. 217 ; Glovis Piérard, « Jean Delville, peintre, poète, esthéticien 1867-1953 », dans Mémoires et Publications de la Société des Arts et des Lettres du Hainaut, Mons (Belgique), Maison Léon Losseau, 84e volume, 1971-1973, fascicule 2, p. 209-247 ; et E. Bénézit, Dictionnaire…, Nouvelle édition refondue sous la direction de Jacques Busse, Paris, Grund, 1999, article « Delville », tome IV, p. 426-427 ; Olivier Delville (avec Francine-Claire Legrand), Jean Delville, peintre idéaliste, Bruxelles, Éd. Jean Malvaux, 1984 ; Michael Palmer, Art Belge 1880-2000, 2 tomes. Traduit de l’anglais par Bernard Heidelberger, préface de Francine-Claire Legrand, Bruxelles, Éd. Racine, 2e éd. revue, 2002, t. I, d’Ensor à Magritte, 1880-1940, p. 100-101, où nous lisons : « Delville croit en Dieu, dans l’immortalité, la magie et les mystères anciens […]. L’art de Delville se nourrit de magie. C’est l’une des figures les plus étranges et les plus influentes du Symbolisme belge ». Et la nouvelle édition du même livre, chez le même éditeur en un seul volume, sous le titre : Un art belge, d’Ensor à Panamarenko, 1800-2000, Bruxelles, 2004, p. 103. Voir également Michel Draguet, Le Symbolisme en Belgique, Angers (Belgique), Fonds Mercator - Dexia, 2004 : « De l’idéal à l’idéalisme, le Symbolisme gagné par l’ésotérisme », p. 250 sq., et nous lisons p. 264 : « La peinture de Delville se révèle allégorique ». Voir aussi les reproductions de Delville, p. 193, « Le Christ glorifié par les enfants », [1894, huile sur toile 122 × 157 cm], Anvers, Académie des Beaux-Arts ; p. 262-263, « L’Ange des splendeurs, [1894, huile sur toile, 127 × 146 cm], collection particulière, et p. 264-265, et « L’Amour des âmes, [1900, peinture à l’œuf sur toile, 238 × 150 cm], Bruxelles, musée d’Ixelles.
  • [61]
    Jean Delville, La Mission de l’art. Étude d’esthétique idéaliste, préface de (sic) Édouard Schuré, Bruxelles, Georges Balat, 1900, p. 178-179.
English version

1« La vision est en fait la chose capitale sur terre »  [1]. Cet aphorisme pourrait faire partie d’un art poétique que Gibran n’a pas rédigé mais dont les fragments se trouvent épars, dans ses écrits, en particulier dans sa correspondance. Définir Gibran comme « visionnaire » est presque un lieu commun de la critique gibranienne, abondante, mais souvent répétitive. L’objet de cette étude qui vient s’ajouter à deux autres articles déjà publiés dans la présente revue est d’essayer de cerner ce qualificatif régulièrement appliqué à Gibran  [2].

2Il semble évident de qualifier de visionnaire l’auteur inspiré du Prophète, un des grands succès de la littérature universelle, traduit en une cinquantaine de langues et dont nous avons, à ce jour, dix-huit traductions françaises. Parce que l’on parle de visions prophétiques, il semble normal de voir en Gibran un poète et un artiste visionnaire. C’est oublier que le prophète est avant tout l’homme qui proclame, annonce, prescrit la parole divine. S’il a le don de vision, il faut tenir celle-ci comme consubstantiellement liée à la parole. Dans le cas de Gibran, nous devons donc comprendre comment le voir se change en dire, comment la vision est une question qui ressortit à la poétique, à l’esthétique, pour prendre en compte le double visage du poète-artiste. Mais les « visions », qu’elles soient de Gibran ou d’un poète « voyant », d’un écrivain mystique, sont des perceptions visuelles de réalités surnaturelles qui relèvent tout à la fois de l’imagination et de la révélation. C’est donc aussi associer Gibran à une entreprise essentiellement spiritualiste dans laquelle sont confondus un fond religieux complexe (pas seulement catholique) et une idéalisation du monde créé dans lequel il est donné à l’homme d’affirmer sa nature transcendante.

3Pour essayer de comprendre comment s’est élaborée cette puissante dynamique, verbale et plastique, nous avons souhaité montrer d’abord comment la notion religieuse, philosophique du « troisième œil » est à la base de l’esthétique visionnaire de Gibran créateur. Nous avons ensuite retenu deux textes, de portée très différente, qui permettent de saisir concrètement comment s’exprime ce processus de spiritualisation, inséparable de la vision, entendue elle aussi comme exercice spirituel. Enfin, nous avons voulu revenir sur le grand visionnaire que fut William Blake, l’un des modèles reconnus de Gibran, pour saisir quelques convergences entre deux visions du monde.

Sur la notion de « troisième œil »

4D’origine à la fois hindouiste ou bouddhiste, platonicienne ou néoplatonicienne, mais aussi biblique et relevant de la mystique chrétienne ou musulmane (comme dans le soufisme), la notion de troisième œil évoque surtout un désir de Voir autrement, de voir au-delà de la vue et par-delà la vue commune. Celui qui voit sous cet angle partage toute la Vision au sens le plus absolu du terme.

5Dans Le Mahabharata, et plus précisément dans le chant de Bhâgavad Gîtâ [Le Chant du bienheureux ou Le Chant du Seigneur], ou même dans les Upanishads[3], le troisième œil, c’est l’œil divin, l’œil de la connaissance, l’œil de la vision intérieure : l’œil frontal du dieu Shiva par lequel il surveille le monde.

6Chez Platon et Plotin  [4] cet œil — l’œil de l’âme ou le regard intérieur — est le moyen d’accéder à une Haute Connaissance. Dans la Bible, c’est cet œil (comme la lettre « ‘Ayn », en hébreu), l’œil de Dieu pour Moïse qui est la source de toute vision, au sens propre comme au sens figuré. Et ce sont les prophètes et les élus qui voient et montrent ce qu’ils voient par leurs prophéties ou leurs oracles, ou même par le miracle de leur vision proprement dite  [5].

7Mais c’est aussi l’œil de l’âme et de la pensée, l’œil intérieur des mystiques  [6]. Et c’est « l’œil du cœur » [‘Ayn Al-qalb], chez les Soufis/mystiques de l’Islam, qui sont, consciemment ou inconsciemment, les disciples naturels de la spiritualité des Pères du désert  [7]. Et c’est encore, l’œil de l’intuition et de la connaissance souveraine, d’après le philosophe arabophone du XIe siècle Avicenne  [8].

8Le troisième œil est aussi l’organe de la vision intérieure, « une extériorisation de l’œil du cœur ». Il indique « la condition surhumaine où la clairvoyance atteint sa perfection »  [9].

9Si l’on s’en tient au seul aspect lexical et sémantique arabe, « l’œil (al‘ayn), est la réalité et l’essence, la source même de la chose/al-‘Ayn haqiqato ach-chay’, ‘Ayn ach-chay’ houwa an-nafîsso minho-jawharoho »  [10].

10Au Moyen Âge européen, nous avons l’équivalent de ce troisième œil dans l’expression latine oculus cordis : « l’œil du cœur » qui résume la vision de la spiritualité chrétienne chez les grands mystiques occidentaux  [11].

11Mais plus près de nous, environ un siècle après Gibran, les écrivains français Gabriel Germain (1903-1978) dans son livre Le Regard intérieur, et Jacques Masui (1909-1975) dans ses Cheminements, font allusion au troisième œil, dans le sens d’une vision à la fois supérieure et intérieure  [12].

12Plus récemment encore, le Chinois Gao Xingjian (né en 1940), prix Nobel de Littérature, a recours à plusieurs reprises à la notion de « troisième œil ». Dans La raison d’être de la littérature (2000), il assimile le troisième œil à un regard distancié, « un regard le plus neutre possible » que l’écrivain porte sur lui-même et sur ses personnages et qui le place au-dessus d’eux : « C’est dans cette observation distanciée que se dissimule la poésie »  [13]. Dans Pour une autre esthétique (2001), le « troisième œil » permet à « l’artiste » de « dépasser (son) narcissisme » et ce qu’il nomme « l’artisanat ». L’artiste observe alors « l’œuvre d’un regard froid qui met en cause son travail »  [14]. Dans un entretien récent (2007), le « troisième œil » est une certaine « capacité de distance », un « recul, un regard sur les sensations ». L’exemple de Proust est donné  [15].

13Un autre grand poète et romancier d’origine chinoise, francophone, membre de l’Académie française, François Cheng (né en 1929) assimile le troisième œil à « la présence de l’autre de l’intérieur »  [16]. Mais c’est dans son roman Le Dit de Tianyi qu’il place dans la bouche du maître peintre une véritable théorie du « troisième œil » et de la vision : « Le véritable réel ne se limite pas à l’aspect chatoyant de l’extérieur, il est vision ». Or cette vision ne peut être captée par l’homme que « par l’œil de l’esprit, ce que les Anciens appelaient le troisième œil ou œil de Sapience »  [17]. Même inattendue, cette proposition qui associe « troisième œil », « vision » et « œil de l’esprit » apparaît comme la meilleure introduction à Gibran.

14Notons d’abord que les études sur Gibran n’ont jamais traité de cette notion originale en tant que poétique. Néanmoins nous trouvons parfois dans les études sur l’œuvre de Gibran quelques évocations rapides concernant le « troisième œil », ces allusions restent à préciser  [18]. Même le récent colloque international organisé au Liban en avril 2006 n’a pas posé ce problème pourtant essentiel à la juste évaluation et compréhension de l’œuvre de Gibran  [19].

Gibran et le « troisième œil »

15Si nous reprenons de façon systématique la correspondance de Gibran avec ses amies et confidentes, la mécène américaine Mary Elizabeth Haskell (1873-1964) et l’écrivain et poétesse libanaise May Ziâdeh (1886-1941), ainsi que ses « entretiens » avec sa dernière collaboratrice, la poétesse américaine Barbara Young (1879-1964), nous pouvons relever quatre mentions faites du « troisième œil », toutes postérieures à son séjour parisien (de juillet 1908 à octobre 1910, date à laquelle il retourne à Boston, puis à New York), respectivement en 1911,1913,1919 et 1930, peu de temps avant sa mort.

16

  1. En 1911, dans sa « Préface » au recueil poétique de son ami et confrère au sein d’Ar-rabitah al-qalamyyah [Le Cénacle de la plume] le poète libanais Ellyyâ Abou Mâdy (1889-1957) : Tazkâr al-mâdî [Le Souvenir du passé], Gibran évoque son enthousiasme pour ce « troisième œil » qui distingue les grands poètes et artistes en écrivant selon la conception des romantiques :
    Quant au poète, c’est l’être étrange qui possède un troisième œil, un œil spirituel, qui voit dans la nature ce que ne voient pas les autres yeux, et une oreille intérieure (spirituelle) qui capte des murmures de jours et de nuits, ce que les oreilles ordinaires n’entendent pas.  [20]
  2. Puis, deux ans après, dans une lettre à Mary Haskell, datée du 26 janvier 1913, Gibran établit une comparaison entre l’artiste grec et l’artiste oriental chaldéen :
    L’œil de l’artiste grec était plus pénétrant que l’œil de l’artiste chaldéen et égyptien ; sa main plus virtuose que leurs mains. Mais il lui manquait le troisième œil que possédaient les deux autres artistes.  [21]
  3. Le 7 février 1919, dans une lettre, en arabe, à son amie May Ziâdeh, il refait l’éloge de ce « troisième œil », lequel est, sans doute, l’œil du grand visionnaire :
    J’ai été heureux que mes trois illustrations pour Le Fou[22] aient votre approbation : cela montre que vous possédez un troisième œil entre vos deux yeux.  [23]
  4. Enfin Gibran revient sur la comparaison entre l’artiste grec et l’ancien artiste oriental. Celle-ci prend toute son ampleur vers 1930 quand il l’expose à sa collaboratrice Barbara Young en ces termes :
    Je crois que l’art d’aujourd’hui doit ses meilleurs éléments aux Arabes (entendons ici peuples sémites) qui ont sauvegardé et aimé l’esprit par lequel ont été écrits Le Livre des Morts [des Anciens Égyptiens], L’Avesta [livre sacré des Iraniens anciens], Le Livre de Job [Livre araméen de la Bible]. Cet esprit qui a inspiré la sculpture du taureau ailé chaldéen à tête humaine  [24]. Je veux dire par art d’aujourd’hui cette faim spirituelle qui n’a pas encore un siècle d’âge et qui est la chaîne d’or qui lie l’homme d’aujourd’hui à celui de demain, lequel sera plus grandiose… L’œil de l’artiste grec était plus pénétrant que l’œil de l’artiste chaldéen et égyptien ;
    sa main plus virtuose que leurs mains. Mais il lui manquait le troisième œil que possédaient les deux autres artistes. La Grèce a emprunté aux pays de Chaldée, de Phénicie et d’Égypte ses dieux et avec eux toutes les valeurs humaines, hormis la vision, c’est-à-dire hormis cet éveil (entendons cette conscience) qui est plus profond que toute profondeur et au-delà de toute hauteur. La Grèce a rapporté de Byblos et de Ninive le pichet et la coupe mais pas le vin. Elle a été capable de métamorphoser le pichet et la coupe primitifs en vases d’or, mais elle ne les a jamais remplis d’autre liquide que de celui du réalisme.
    À mes yeux, l’unique figure puissante de la mythologie grecque est Prométhée. Mais n’oublions pas que le premier voleur de feu est Chaldéen et non Grec. Les peuples de l’Asie occidentale l’ont connu 2000 avant l’expédition de Troie.
    Dans le monde, il y a peu de gens qui aiment l’art grec comme moi, mais je l’aime pour ce qu’il est, et non pas pour ce qu’il n’est pas. J’aime le charme, la fraîcheur, la grâce, la splendeur physique de tout ce qui est grec mais je ne peux y trouver le dieu vivant. Je n’y vois que l’ombre de Son ombre.  [25]

17Cette confession faite à Barbara Young est, on le voit, capitale pour poser le contexte spirituel dans lequel Gibran inscrit la notion de « troisième œil ». Il s’agit d’une vaste rétrospective qui aboutit à « l’art d’aujourd’hui » caractérisé par ce qu’il nomme « une faim spirituelle/religious hunger ». On notera ensuite la comparaison entre l’artiste grec et l’artiste « chaldéen et égyptien », en faveur de ce dernier, puisque lui seul fondait l’art sur « la vision » et que « le troisième œil » manquait aux Grecs. Enfin, on relèvera la place prééminente accordée à Prométhée qui, loin d’être une figure mythique grecque, est assimilé à un « chaldéen/the original fire-bringer is Chaldean and not Greek ». Cet intérêt pour un Orient fondateur, source de toute création véritable, n’était pas pour Gibran une idée nouvelle. On la retrouve en toile de fond dans une œuvre romanesque, le seul roman écrit par Gibran, publié à New York en 1912, Les Ailes brisées.

Un roman de la vocation

18Al-ajnihah Al-motakassirah [Les Ailes brisées]  [26] est l’histoire d’un amour romantique, un amour intense et malheureux, entre le narrateur, un double de Gibran, et Salma Karamé, fille unique de Fâris Effandi Karâmé. Celui-ci sera contraint de marier sa fille à Mansour Bey Ghalib, neveu de l’évêque Boulos Ghâlib, cupide et intrigant. Comme toutes les histoires d’amour romantique, ce roman, un des premiers romans en langue arabe du XXe siècle  [27], pose le problème de la liberté d’aimer et du choix selon le cœur. C’est à l’ombre d’une société « ottomanisée » que le « Je » du narrateur, héros du roman, occupe le premier rôle dans Les Ailes brisées, chose inhabituelle dans le contexte oriental de l’époque.

19Dès la dédicace, adressée à M. E. H. (Mary Elizabeth Haskell), l’accent est mis sur l’opposition entre cette femme, cette voyante et le « monde aveugle ». Cette femme est triplement caractérisée : 1/ le regard : « celle qui fixe le soleil/sans que ses yeux cillent » ; 2/ la dimension prométhéenne « qui saisit le feu sans que sa main vacille » associée à une dimension spirituelle « (qui) sait écouter la mélodie de l’Esprit universel » ; 3/ cette mélodie qui qualifie la destinataire s’oppose « aux cris de ce monde aveugle ». Telle serait donc la lectrice idéale de cette histoire : prédestinée par un regard associé au soleil, héroïne rivalisant avec la figure mythique de Prométhée, évoluant dans un univers marqué par de fortes oppositions : mélodie spirituelle vs cris du monde aveugle. L’histoire a beau être une intrigue sentimentale, marquée du sceau de la fatalité, elle est dédiée à un être supérieur, seul, opposé à la masse « aveugle ».

20L’amour soudain, intense, du narrateur pour Salma est présenté comme un moment de grâce qui « ouvre les yeux » au narrateur : ce sont les premiers mots du prologue. L’amour, mot murmuré par Salma, mais aussi la beauté sont pour le narrateur une révélation essentielle et suscitent un changement radical de tout l’être. La femme aimée devient une sorte de muse. Mais l’histoire de Salma et de celui qu’il faut appeler l’écrivain ou le poète est aussitôt transposée en termes de mythe des origines : c’est ainsi qu’il faut interpréter le parallèle fait entre l’histoire d’amour et le premier couple, Adam et Ève, chassés du jardin d’Eden et l’image sera reprise dans le cours du roman.

21On retiendra l’épisode où le couple se trouve dans un temple antique qui rassemble les images d’Ishtar, Astarté (l’Aphrodite grecque ou la Vénus latine) et du Christ. En un mouvement où l’ekphrasis se conjugue avec le symbolisme, les deux amants sont devant leur propre figuration : à la femme est dévolu l’amour et à l’homme le charisme christique. Outre le syncrétisme culturel et religieux, il y a là un rappel des fondements culturels d’une société qui, en la personne de l’évêque, a abandonné toute vie spirituelle et a sacrifié la vie au profit.

22Salma, « oiseau aux ailes brisés », est moins un personnage qu’un symbole : muse avons-nous dit, mais aussi femme primordiale, nouvelle Ève, médiatrice, idéal qui sera donc fauché, détruit par celui-là même qui aurait dû défendre l’esprit sur terre : l’évêque. L’intrigue sentimentale se double d’une aventure spirituelle. Si celle-ci échoue, du moins elle aura montré quelle était la vraie voie spirituelle. Alors que l’évêque et le neveu représentent le clan de l’abaissement, de la turpitude, du péché (Mansour délaisse sa femme, mène une vie dissolue, leur enfant ne vivra pas), le couple amoureux symbolise une vie supérieure, fondée sur une communion entre deux âmes : l’amour ici est une force vitale et spirituelle à la fois qui apparaît comme la seule loi des hommes.

23L’expérience douloureuse de l’amour dramatiquement contrarié est, pour le narrateur, jeune homme de dix-huit ans, l’épreuve initiatrice : sa vocation. Il se montre, tenant en mains des poésies andalouses. Il se compare, dans son malheur, à Job et à Hamlet. L’idée d’une souffrance nécessaire, prélude à l’écriture, est bien dans la tonalité romantique de l’ensemble. Aussi lorsque Antoun Ghattas Karam évoque comme modèle possible la Confession d’un enfant du siècle, la comparaison avancée est un bon guide pour la lecture  [28]. Mais nous sommes au XXe siècle et l’expérience parisienne a profondément marqué le poète et l’artiste. En particulier l’exemple de Rodin.

Hommage à Rodin

24Le 17 novembre 1917 Gibran écrit « Rodin », un poème sur Rodin et l’envoie, accompagné d’une lettre explicative, à son amie Mary Haskell. Voici la traduction intégrale de ce beau texte qui a pour titre « À Rodin, mort le 17 novembre 1917 » :

25

Maître de l’Argile, vers quel élément plus pur que l’argile se sont tournées vos mains expertes ? Quelle forme plus noble que l’homme attire maintenant vos yeux curieux ? Et quels rêves plus sublimes faites-vous aujourd’hui ?
Maître de l’Argile, quelle matière plus souple que l’argile a exigé votre art ? Quelle lumière, quelle ombre, quelles lignes plus sûres ont retenu votre regard ? Quels rêves plus audacieux faites-vous aujourd’hui ?
Dans ma jeunesse, quand j’errais dans ces vieilles collines où le marteau et le burin sont longtemps restés muets, j’ai prononcé votre nom. Et il me semble qu’un être invisible parlait (avec) à travers mes lèvres pour rompre la monotonie du silence Puis le voile se leva et je vous vis en la compagnie trois fois sainte de ces hommes supérieurs choisis pour construire la maison de Dieu afin que l’homme (y trouve refuge) y soit à l’abri et que l’âme de l’homme puisse y demeurer dans la connaissance d’elle-même. Et je fus réconforté et mon cœur sut que la Vie ne consiste pas dans les débris des souvenirs d’hier ni dans les vagues espoirs de demain, mais que le temps, l’espace, la terre, l’esprit ne forment qu’une puissante vague de chants puissants Et je me réjouis car j’entendis dans votre voix le murmure de Ninive et de Thèbes et d’Athènes et de Florence. Et je fus enthousiasmé car je vis que vous étiez le fil d’or dans la tapisserie que tisse éternellement la Vie.
Maître de l’Argile, que n’êtes-vous demeuré plus longtemps ! Que n’avez-vous attendu jusqu’au bout de cette nuit rugissante de voir se lever la seconde aurore de la terre ! Que ne vous êtes-vous attardé pour voir la France plus accomplie et pour modeler son corps libéré afin que l’homme puisse contempler l’image de son propre être libéré  [29]

26L’apostrophe adressée au « Maître de l’Argile » fait du sculpteur un démiurge. Elle renvoie bien évidemment au matériau biblique par excellence, le matériau de la Genèse. Or, dès le début, la matière est spiritualisée, en un triple mouvement de spiritualisation, de transfiguration et d’épuration ou d’élévation. La mort du maître n’a pas interrompu le processus créateur, mais le disciple resté sur terre s’interroge sur l’autre vie (« rêves plus sublimes »). C’est très exactement ici le mouvement ascensionnel qui justifie l’appellation de « visionnaire » donnée à Gibran. Encore faut-il noter que le travail du maître est à la fois transcrit en termes de vision et dans la seconde strophe la création selon Rodin relève plus du dessin que de la sculpture (lumière, ombre, ligne). Ou plutôt l’œuvre sculpturale est vue d’abord et avant tout comme un tracé, une épure, une idée d’œuvre future. Contrairement à ce que le mot « argile » laisse entendre, il n’y a aucune lutte avec la matière, mais au contraire la création est présentée et justifiée comme étant l’adéquation d’une matière qu’on dira première, ou primordiale, avec une idée définie, contenue dans un mot essentiel : « vision ». C’est cette fusion de l’Idée dans la matière qui légitime le mot de « visionnaire » et confère à la création sa force (grâce à l’imagination) et sa cohérence.

27Au centre du poème, la voix poétique se recrée une biographie succincte (« dans ma jeunesse… », « j’ai prononcé votre nom »). Curieusement ce mouvement n’est pas sans analogie avec l’avant-propos des Ailes brisées, mouvement essentiellement de retour sur soi, sur la jeunesse perdue. Mais le mouvement de rétrospection se change en vision. Et l’on assiste dans cette strophe à la formation de la vision gibranienne. Elle s’impose dans sa soudaineté (nous parlions à propos de la beauté de Salma de moment de grâce) comme une révélation, un « dévoilement » au sens propre (« le voile fut levé »). Il y a donc bien deux niveaux de réalité et c’est cette double nature du monde, du spectacle du monde ou de la création qui autorise l’interprétation symbolique ou visionnaire de la création chez Gibran et justifie l’emploi de l’une ou de l’autre notion critique ou esthétique.

28La vision du maître procède d’un fonds biblique, scriptural (Maîtres élus, Maison de Dieu…) et d’une relecture de l’histoire culturelle qui associe le Maître à une large tradition créatrice qui plonge ses racines dans la plus haute antiquité (Ninive, Thèbes). La vision n’exclut pas l’audition surnaturelle : elle la suscite et les deux se complètent. De même que dans Les Ailes brisées le mot Amour était entendu par le narrateur, de même ici le disciple entend la voix du Maître qui se confond avec le « murmure » des siècles, de l’histoire des hommes.

29La vision fugitive, illuminante, s’évanouit pour laisser place dans la dernière strophe à l’actualité, au retour aux temps actuels : la guerre (nous sommes en 1917). Le maître est associé aux épreuves que traverse la France. L’élévation spiritualiste et la vision n’excluent pas le processus de l’Histoire et la conscience aiguë du temps présent, tout comme, dans Les Ailes brisées, l’histoire d’amour coexiste avec de vives critiques à l’encontre de la société et de la place de la femme dans la société orientale.

30Ce triple mouvement (ascension, flux de l’histoire et retour au présent) que nous décelons chez Gibran donne sa pleine valeur à la dimension symboliste de son œuvre et la vision est tout à la fois le moyen et la fin pour conférer à l’art son pouvoir de révélation. C’est dans ce sens qu’on peut lire la confidence de Gibran à Mary Haskell, contemporaine des Ailes brisées et de l’apprentissage parisien (1910) :

31

L’art consiste plutôt à comprendre la nature et à transmettre la compréhension que nous en avons à ceux qui l’ignorent. La mission de l’art est de dégager l’esprit de l’arbre et non pas de dessiner un tronc, des branches et des arbres qui ressemblent à un arbre. Le but de l’art est de révéler la conscience de la mer et non pas de peindre des vagues écumeuses ou des eaux azurées. L’art consiste à faire de l’habituel et de l’ordinaire ce qui est extraordinaire et imprévu.  [30]

32Sur le chemin exigeant qui mène à la révélation, Gibran découvre aussi l’œuvre de Blake. La rencontre est déterminante. Et l’on se souviendra du mot attribué à Rodin : « Voilà le William Blake du XXe siècle. »  [31]

Regards sur une rencontre : Gibran devant Blake.

33Ce que l’on peut considérer comme le fonds commun entre les deux visionnaires a été bien perçu par le poète et critique américain Robert Hillyer (1895-1961). C’est dans son « Introduction » à la traduction de l’arabe en anglais du livre de Gibran Dam’ah wa-ibtisâmah [Larme et sourire, écrit entre 1904 et 1908, mais publié en 1914] qui porte le titre A Tear and a Smile (1950), qu’il évoque la parenté d’esprit entre les deux artistes :

34

Un grand nombre de convictions leur étaient communes : une haine de l’orthodoxie hypocrite et asservissante, personnifiée par les mauvais prêtres ; la libération de l’amour physique des liens de la convention pour atteindre à la réalisation spirituelle ; la perception de la beauté au moment où elle semble éphémère — mais elle est, en vérité, éternelle ; et la découverte de miracles dans le cycle de la nature, et les choses ordinaires de la vie quotidienne. Tous deux mettaient en garde contre la raison, au nom de l’imagination. Tous deux défiaient les pièges de la logique pour se frayer une voie droite jusqu’à Dieu.
Pour Blake et Gibran, ces révélations sont le don du poète. Le Poète et le Prophète sont un.  [32]

35Antoun Ghattas Karam, de son côté, a consacré des pages très documentées à la présence de Blake dans l’imagination créatrice de Gibran  [33]. L’influence de Blake sur Gibran a été également étudiée par Georges Nicolas El-Hage dans sa thèse  [34] et par Suheil Bushrui (connu depuis plus qu’un quart de siècle pour ses travaux sur l’œuvre de Gibran)  [35]. Entre ces travaux, privilégions d’abord deux témoignages.

36Le mercredi 6 octobre 1915 Gibran écrit à Mary Haskell, à propos de Blake :

37

Moi aussi, Mary, j’ai toujours trouvé que Ruskin, Carlyle et Browning ne sont que des petits enfants dans le Royaume de l’Esprit. Aucun d’eux ne me touche d’aucune manière. Ils parlent tous beaucoup trop et disent tellement peu. Blake est l’homme, l’homme-Dieu. Pour moi, il est l’Anglais le plus important depuis Shakespeare. Ses dessins sont parmi les choses les plus profondes créées en Angleterre — et sa vision, mis à part ses dessins et ses poèmes, est la plus divine. Mais personne ne peut comprendre Blake par le moyen de l’esprit. Son monde ne peut être vu que par l’œil de l’œil (entendons « le troisième œil »), et en aucun cas par l’œil lui-même.  [36]

38Le second témoignage est une note manuscrite de Gibran, que nous avons trouvée au Musée Gibran à Bécharry au nord du Liban, en août 2007, sur la marge de la quinzième page d’un livre sur l’art de Blake, publié en 1907  [37]. C’est une remarque bilingue en deux volets anglais et arabe. Dans la première partie (en anglais), Gibran se voit dans le miroir de Blake et donne son sentiment sur sa propre œuvre en écrivant d’une façon lapidaire :

39

Gibran (sic) draws women and puts life in nature by their naked bodies/ Gibran dessine les femmes, et par leurs corps nus, il met la vie dans la nature.

40La deuxième partie de la remarque, écrite en arabe de la main de Gibran — laquelle est en fait une « réaction » à la lecture du second paragraphe de la même page 15 du livre de Cary  [38] — justifie le fonds artistique commun à Blake et à l’auteur du Prophète. Elle confirme, plutôt complète ou prolonge, l’idée naturelle de Gibran le visionnaire dans le miroir de l’œuvre du poète et du peintre anglais ; nous traduisons de l’arabe :

41

S’il n’y a pas de devancier pour Gibran dans sa pensée et dans sa vision, ce n’est pas une bonne chose. Quant au précurseur de cette pensée et de cette vision (il s’agit, sous-entendu, de Blake), cela signifie que les deux génies se sont rencontrés dans l’art absolu. Et ceci ne signifie jamais l’imitation servile (ou aveugle), car les génies se rencontrent sans que l’un vole l’œuvre de l’autre.  [39]

42Gibran ne cache pas sa grande admiration pour Blake. Le culte de l’Imagination les réunit  [40]. Mary Haskell rapporte, dans son Journal intime, à la date du 7 juin 1912, les propos suivants :

43

Et je lui ai posé la question : qu’est-ce que l’imagination ? et il me répondit :
« L’imagination est un des moyens de la connaissance » […]. (Puis il ajouta) : « L’imagination ne se borne ni à la réalité qui est apparente ni à un lieu. Elle vit partout. Elle est un centre, et elle sent les vibrations de tous les cercles dans lesquels l’Est et l’Ouest sont vitalement inclus. L’imagination est la vie de la liberté mentale. Elle réalise tout ce qui existe sous ses multiples aspects. L’imagination n’élève pas, (car) nous ne voulons pas être élevés ; nous voulons être plus totalement conscients. Moi, je veux être vivant de toute la vie qui est en moi maintenant, connaître chaque moment complètement. Je ne veux pas être uniquement dessinateur de figures, ni versificateur de poèmes, mais je veux être plus que cela (être au-delà). »  [41]

44Mais l’auteur de Jésus fils de l’homme (1928) a aussi une autre raison d’admirer Blake : celui-ci a représenté souvent le Christ  [42], figure obsédante pour Gibran  [43] qui choisit plus volontiers le visage (de face et de profil) que le corps du Christ, en croix par exemple, comme chez Blake  [44]. Mais dans l’imagination créatrice de Gibran poète, le Christ est l’Homme-Dieu, le surhomme par excellence. La figure christique est chez lui une source de visions quasi mystiques avant de devenir une figure poétique et mythique. Prenons par exemple la lettre à Mary Haskell écrite à Boston (25 mars 1908) où il fait cette surprenante confidence :

45

Mon âme est grisée en ce jour. Car la veille j’avais rêvé de lui, celui-là même qui donna le royaume céleste à l’Homme. Ah ! si je pouvais Vous Le décrire. Si je pouvais seulement vous parler de cette triste joie dans Ses yeux, de cette amère douceur dans Ses lèvres, de la beauté de Ses larges mains et de Son vêtement de laine rugueuse ainsi que de Ses pieds nus délicatement voilés de poussière blanche. Tout fut si naturel et si clair. La brume qui rend nébuleux les autres rêves n’était point là. Je m’étais assis près de Lui et j’avais parlé avec Lui comme si depuis longtemps j’avais vécu avec Lui. Je ne me souviens pas de Ses propos et pourtant je les ressens maintenant comme on ressent au matin l’impression d’une musique qu’on a écoutée avant de s’endormir.  [45]

46Et encore, dans une autre lettre de New York, (7 février 1912) :

47

Aujourd’hui, mon cœur est empli de choses étranges, d’ombres sereines. J’ai vu Jésus dans mon rêve, la nuit dernière : le même visage chaleureux, les grands yeux noirs paisiblement radieux, les pieds couverts de poussière, son habit rustique d’une couleur grisâtre tirant sur le brun, sa longue canne recourbée. J’ai vu le même vieil esprit, l’esprit de celui qui ne fait rien si ce n’est regarder fixement la Vie avec quiétude et douceur.  [46]

48Une comparaison ou une brève mise en parallèle de deux « visions » du Christ permet de dégager, à partir d’une commune fascination, d’évidentes différences ou plutôt l’originalité de chaque démarche.

49Le « Christ de Blake », qui a pour titre « Le Christ placé au pinacle du temple » [Aquarelle, 16,6 × 13,3 cm, entre 1816 et 1818], et qui est exposé à Cambridge, Fitzwilliam Museum  [47], est une des douze illustrations destinées au Paradis reconquis de Milton et probablement conçues comme une suite à celles du Paradis perdu. « Dans cette Aquarelle, écrit W. Vaughan, le Christ se révèle de manière triomphante comme le Fils de Dieu, après avoir souffert la dernière tentation de Satan »  [48].

50Cette aquarelle intrigue en ce qu’elle nous donne l’impression que l’acte artistique est avant tout commencement, « genèse ». Dans ce « Christ », à la facture quelque peu pré-raphaélite, Blake reste dans le cadre d’un art à la fois gigantesque et transparent. Les contours, les gestes ainsi que le mouvement du regard, ajoutés au cadre ouvert, donnent à l’œuvre l’allure d’un monde, un monde ouvert à son tour à l’infini de la Vision. L’œuvre visionnaire réclame un spectateur qui puisse à son tour regarder, ou du moins contempler avec un « troisième œil »  [49].

51Quant au « Christ » de Gibran, [Crayon sur papier, 60 × 45,7 cm, 1926 (?)], reproduit dans les éditions anglaises de Jésus, le fils de l’homme[50], il s’agit avant tout d’un dessin dans lequel Gibran l’artiste soigne le visage du Christ, la passion de sa vie, et contemple son bien-aimé au sens spirituel et mystique. Peut-être soigne-t-il inconsciemment son propre visage, ou celui de son double, un visage oriental en tout cas. Gibran ne prend ici de Blake que l’éther et la brume. Il demeure, à nos yeux, lié à une sorte de regard à la fois extérieur et introspectif dans lequel la main est liée à l’esprit, mais l’esprit « oscille » entre l’enthousiasme et la mélancolie méditative et créatrice  [51].

52L’art de Gibran manifeste ici sa maîtrise totale. De tous les « christs » recensés, celui-ci, comme en prélude à Jésus, le fils de l’homme, est assurément le plus achevé  [52].

53Dans Jésus, le fils de l’homme (1928), Gibran « invente » son propre Christ. Il est hautement significatif que l’idée première de l’œuvre soit née d’une « illumination » le 12 novembre 1926 qui l’amène à interrompre la suite du Prophète[53]. Gibran, qui avait commencé sa carrière d’écrivain avec un article intitulé « Vision »  [54], va livrer ici sa dernière grande œuvre sous la forme d’une vaste fresque, tour à tour lyrique, épique, réaliste et symboliste. En s’inspirant sans doute de Carlyle, d’Emerson, surtout de Blake, mais aussi de Renan et sa Vie de Jésus (1863)  [55], Gibran construit une nouvelle image du Christ, proche de ce qu’on peut tenir pour un double, pour un mythe personnel, à coup sûr. Il en vient à privilégier Jésus, fils de l’Homme au Christ fils de Dieu : Jésus est pleinement un homme sur le chemin qui, de « la myrrhe à l’encens », le mène au divin. C’est la voie du dépassement spirituel, inséparable d’une conception de la création visionnaire, qu’elle soit verbale ou picturale. Mais il y a plus : Jésus est conçu comme la somme de soixante-dix-sept témoignages ou prises de parole ou de visions qui singularisent ceux qui furent ses contemporains. On voudrait parler d’une « comédie humaine » où se côtoient les apôtres, les témoins des trois dernières années de la carrière terrestre de Jésus, et des personnages inventés (marchands, philosophes, poètes). C’est « Un homme du Liban dix-neuf siècles après » qui ferme le cortège : une voix par laquelle Gibran se met en scène, en poète visionnaire qui loue et acclame le plus grand poète dans l’histoire de l’Humanité, le « Maître » (le mot avait servi, on s’en souvient, pour louer l’artiste supérieur, Rodin) :

54

Maître, Maître poète,
Maître de nos désirs silencieux […]
Maître, Maître de la lumière […].
Mais Maître, cœur céleste, chevalier de notre plus beau rêve,
Tu parcours encore notre jour présent […].  [56]

55Si la présence active de Blake est l’une des composantes du monde gibranien, il convient de voir comment l’action déterminante de ce modèle prestigieux s’inscrit dans un contexte que nous n’hésitons pas à appeler, en empruntant la notion au comparatisme, une « thématique d’époque ». Cette notion ne vise pas à accréditer l’existence d’un « esprit du temps », d’un Zeitgeist qui pourrait encore être suspect aux yeux de certains, mais à trouver des relais possibles dont la présence accompagnante aux côtés de Gibran permet de mieux situer et de mieux comprendre son projet créateur.

56Pour mieux « voir » l’œuvre de Gibran, il resterait en effet à la situer par rapport à d’autres œuvres de la même obédience symboliste de la fin du XIXe siècle, comme le « Christ » d’Eugène Carrière  [57], ou le Christ au visage « sauvage » (1880) d’Odilon Redon (1840-1916) ou encore plus fantaisiste, pour ne pas dire fantastique, comme le « Christ » de Jean Delville  [58], trois artistes occidentaux pour lesquels Gibran avait de l’admiration et à la comparer aussi à ces œuvres. Il y a puisé, parfois, un regard poétique et artistique « primaire » pour mieux conforter son style pictural et sa vision créatrice qui se trouve complètement « originale » et nouvelle, aux yeux de l’Orient d’antan le plus proche  [59].

57Notre parcours nous suggère de terminer sur le nom de Jean Delville (1867-1953), peintre et écrivain symboliste belge  [60]. Le travail théorique de cet artiste permet de retrouver la notion de « troisième œil » dans un écrit de 1900 consacré précisément à l’art « idéaliste ».

58En effet, dans son livre sur la mission spirituelle et mystique de l’art, et plus précisément, dans la conclusion de ce petit traité d’esthétique, publié à Bruxelles, à l’aube du XXe siècle, Jean Delville écrit :

59

Le but évident de l’art idéaliste est la purification de l’art.
Le mouvement artistique moderne, s’il veut prendre le large vers les horizons clairs de l’idée, doit lutter contre les multiples empiètements de la laideur, n’importe sous quel masque cette dernière se cache : que ce soit sous l’hypocrite prétexte de symbolisme, de caractérisme (sic), d’impressionnisme ou de réalisme, ces inférieurs moyens d’expression par lesquels se sont fourvoyés ceux qui s’y attardèrent.
On n’a pas assez observé que le domaine de la laideur est obscurément limité, tandis que celui de la beauté pure est infini. Le premier retient l’art captif et le force à vivre dans une atmosphère impure, et c’est l’esthétique des ténèbres. L’art y devient la proie des inspirations inférieures du monde astral, qui agit sur l’imagination appropriée de l’artiste inconscient du phénomène. L’autre active toutes les latences de l’inspiration supérieure. Il ouvre dans l’imagination clarifiée, le troisième œil, si j’ose ainsi m’exprimer, qui reçoit les reflets d’un monde spiritualisé…  [61]

60Assurément, la recherche de Delville nous oriente vers une tradition théosophique qui, sans être étrangère à la pensée de Gibran, nous écarte néanmoins de son ample vision syncrétique qui embrasse tout ensemble les plus anciennes traditions méditerranéennes et orientales et les réalités culturelles du monde occidental. Toutefois, le messianisme de Delville et le thème typiquement « fin de siècle » du retour du Christ dessinent un contexte qui éclaire sinon la création du moins l’apprentissage de Gibran. Une question qui, on l’a vu, est sous-jacente à cette étude ou à cette sorte d’enquête.

61Delville comme relais donne quelque consistance à notre tentative de reconstitution d’un climat spirituel. Mais l’originalité du projet gibranien demeure. Les notions de « troisième œil » et de « vision » ont permis quelques avancées en ce sens. S’il fallait poursuivre, peut-être faudrait-il momentanément s’écarter de ce mot « visionnaire » et, pour aller plus profondément dans le mystère créateur, voir comment, dans les constants effets d’élévation, de sublimation de la matière, dans la quête de l’infini au sein même du monde fini, Gibran propose, au seuil du XXe siècle, une nouvelle poétique du sublime.

Notes

  • [1]
    Voir Beloved Prophet. The Love Letters of Khalil Gibran and Mary Haskell and Her Private Journal. Edited and Arranged by Virginia Hilu, Alfred A. Knopf, New York, 1983, p. 307 : « The vision is most practical thing on earth » ou la traduction arabe, Nabiyî al-habîb [Mon prophète bien aimé], 2e éd., Beyrouth, 2004, p. 358. Voir aussi Ibid., p. 80-81 : « Imagination is a way of knowing […]. Imagination sees the complete reality, — it is where past, present and future meet […]. Imagination is the life of mental freedom », et traduction arabe, p. 97-98.
  • [2]
    Voir « Gibran entre poésie et peinture » et « The Prophet [Le Prophète] : de la parole poétique à l’œuvre illustrée : une contribution à l’étude de l’imaginaire de Gibran Khalil Gibran », RLC, 2/2003, p. 209-224 et 3/2005, p. 347-362.
  • [3]
    Bhâgavâd Gîta, traduit du sanskrit avec une introduction par Émile Sénart, Paris, Les Belles Lettres, troisième tirage 1967, neuvième lecture, 1-2 et onzième lecture, 8.
  • [4]
    Voir Platon, Œuvres Complètes, traduction nouvelle et notes établies par Léon Robin avec la collaboration de M.-J. Moreau, Paris, NRF, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1950, t. I, La République, livre VI, 500 c, (p. 1085), et livre VII, 533 d, (p. 1128) ; Plotin, Ennéades, texte établi et traduit par Émile Bréhier, Paris, Les Belles Lettres, 1967, t. V, chap. 11, p. 148-149.
  • [5]
    Voir Henri Lesètre, article « Œil », dans F. Vigouroux, Dictionnaire de la Bible, Paris, Letouzey et Ané, 1908, tome quatrième, p. 1747-1752.
  • [6]
    Voir M.-M. Davy (dir.), Encyclopédie des mystiques, Paris, R. Laffont, 1972, p. 97 et p. 329.
  • [7]
    Voir Les Apophtegmes des pères, Paris, Éditions du Cerf, 1995, et Boustân ar-rohbân liâbaa’ al-kanisah al-qobtiyyah [Le Jardin des moines. Livre des pères de l’Église copte], Le Caire, éd. mottrâniyat Bani Souwayf walbahnassâ, matba’at dar al-jîl, 1977 ; l’article capital de Michel Hayek, « Église Maronite », dans Dictionnaire de Spiritualité, Paris, Beauchesne, 1980, t. X, p. 634-644.
  • [8]
    Voir Hervé Masson, Dictionnaire Initiatique, Paris, Éd. Jean-Cyrille Godefroy, 1982, p. 354-355 ; voir aussi l’article « ‘Ayn » dans L’Encyclopédie de l’Islam, Paris et Leyde, 1960, nouv. éd., t. I, p. 808 ; Jean Chevalier et Alain Gheerbrant (dir.), Dictionnaire des Symboles, éd. revue et augmentée, Paris, R. Laffont, 1982, p. 545-548.
  • [9]
    Voir Henri Corbin, L’Imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn ‘Arabi, Paris, Flammarion, coll. « Homo Sapiens », 1958, puis 2e éd., Flammarion, coll. « Idées et Recherches », 1977. Et la traduction arabe de cet ouvrage par Farîd Az-zâhi, Rabat, éd. Marsam, 2003.
  • [10]
    Voir respectivement Mohammad Ibn Mokarram Ibn Manzour (encyclopédiste égyptien du XIIIe siècle), Lissân al-‘Arab [La Langue des Arabes], Beyrouth, Sader, 1990, vol. XIII, article « ‘Ayn », p. 305 et 306 ; Mohammad ‘Ali At-Tahânawi (érudit indien arabophone du XVIIIe siècle), Mawsou’at Kachchâf mostalahât al-fonoun wal-‘oloum [Lexique encyclopédique des Arts et des Sciences], Beyrouth, éd. Rafîq al-‘ajam, maktabat loubnân, 1996, vol. II, p. 1243. Pour le sens multiple, mais souvent paradoxal et nuancé de « l’œil », voir Mgr Michel Feghali, Proverbes et dictons syro-libanais, texte arabe, transcription, traduction, commentaire et index analytique, Paris, Institut d’Ethnographie, 1938, « ‘Ayn » dans l’index analytique ; Randa Challita, L’Œil au miroir des proverbes arabes, Beyrouth, Bibliothèque Improbable du Pinacle, 2004.
  • [11]
    Voir A. Ravier (dir.), La Mystique et les mystiques, préface de Henri de Lubac, Paris, DDB, 1965 ; Textes mystiques d’Orient et d’Occident, choisis et présentés par Solange Lemaitre, Préface(s) de Jacques Bacot et de Louis Massignon, 3 tomes, Paris, Plon, 1955 ; Charles André Bernard, Le Dieu des Mystiques. Paris, Les Éditions du Cerf, coll. « Théologies », 1. Les Voies de l’intériorité, 1994 ; 2. La Conformation au Christ, 1998 ; 3. Mystique et Action, 2000.
  • [12]
    Voir Gabriel Germain, Le Regard intérieur, Paris, Seuil, 1968, et du même auteur, L’Aventure onirique, portrait d’une inconnue, préface de Jean Mambrino, introduction de Claude Girault, Paris, Corti, 1986. Voir aussi Jacques Masui, Cheminements, Avantpropos, textes rassemblés et annotés par Pierre-Albert Jourdan, postface par Henri Michaux, Paris, Fayard, coll. « Documents Spirituels », 18,1978 ; du même auteur, De la vie intérieure. Choix de textes, 1re édition, Cahiers du Sud, 1952, puis Fata Morgana, coll. « Hermès » 1993, avec une préface d’Olivier Clément. Voir encore Les Voies de la Mystique ou l’accès au sans-accès, avec un hommage à Jacques Masui, Revue HermèsRecherches sur l’expérience spirituelle, Nouvelle Série, n° 1, Paris, Éditions de Deux Océans, 1981.
  • [13]
    Gao Xingjian, La Raison d’être de la littérature, discours traduit du chinois par Noël et Liliane Dutrait, La Tour d’Aigues, France, Éd. de l’Aube, coll. « L’Aube poche », 2000, p. 15-16.
  • [14]
    Gao Xingjian, Pour une autre esthétique, traduit du chinois par Noël et Liliane Dutrait, Paris, Flammarion, 2001, p. 27.
  • [15]
    Voir « Le troisième œil. Entretien avec Gao Xingjian », propos recueillis par Daniel Bergez, dans « Littérature et peinture », Europe, janvier-février 2007, N° 933-934, p. 255.
  • [16]
    Le Dialogue, Une passion pour la langue française, Paris, Desclée de Brouwer et Presses littéraires et artistiques de Shanghai, 2003, p. 65-66.
  • [17]
    François Cheng, Le Dit de Tianyi, Paris, Albin Michel, 1998, p. 162.
  • [18]
    Voir à titre d’exemple Wahib Kayrouz, ‘âlam Gibran al-fikrî [Le Monde intellectuel de Gibran], Beyrouth, Éd. Bacharia, 1983, vol. I, 2e partie, p. 41,43,123,130,134,148-149, 151,197,350, et vol. II, 3e partie, p. 159 et 255 ; Boulos Tawk, La Personnalité de G. K. G. dans ses dimensions constitutives et existentielles, Beyrouth, Éd. Bacharia, t. II, 1985, p. 357-359 et la version arabe du même ouvrage, Beyrouth, Éd. Nobilis, 2000, t. III, p. 398-401 ; Jamil Jabre, Gibran fi‘asrihi wa âsârihi al-adabiyyah wal-fanniyyah [Gibran dans son époque et dans ses œuvres littéraires et artistiques], Beyrouth, Éd. Naufal, 1983, p. 33.
  • [19]
    Gibran K. Gibran, pionnier de la Renaissance à venir (10 avril 1931-10 avril 2006). Actes du Colloque tenu à Kaslik du 3 au 5 avril 2006, organisé par la Faculté des Lettres de l’université Saint-Esprit de Kaslik et le Comité national Gibran à l’occasion du 75e anniversaire de sa mort, Kaslik (Liban), Publications de la Faculté des Lettres de l’USEK, octobre 2006.
  • [20]
    Pour l’intégralité de cette « Préface » — laquelle ne figure dans aucune édition de ses « Œuvres Complètes » —, voir Elîyâ Abou Mâdi, châ’er al-mahjar al-akbar, hayâtohochi’roho [E. A. M., grand poète de l’émigration, sa vie — sa poésie], éd. Dohâ ‘abd al‘azîz, Damas, dar Karam, s.d., p. 7-8.
  • [21]
    « The Greek artist had a keener and a cleverer hand than the Chaldian or the Egyptian artist, but he did not possess that third eye wich they both possessed ». Voir le texte intégral de cette lettre dans The Letters of Kahlil Gibran and Mary Haskell, éd. Annie Salem Otto, [Boston], 1970, p. 234-235. Voir aussi Tawfîq Sâyegh, Adwâ’ jadidah ‘ala Gibran [Lumières nouvelles sur Gibran], Londres, Riad El-Rayyes Books, 2e éd., 1990, p. 250.
  • [22]
    Un livre de Gibran publié en anglais sous le titre The Madman. His Parables and Poems, New York, Alfred Knopf, 1918.
  • [23]
    Voir Ach-cho’lah az-zarqâ’, Rasâel Gibran ila May Ziâdeh [La Flamme bleue, Lettres de Gibran à May Ziâdeh], éd. Salma Haffar Al-Kouzbari et Suheil Boushrui, Damas, 1979, p. 42, et Khalil Gibran, La Voix ailée, Lettres à May Ziyada, Paris, Sindbad, 1982, p. 25 ou encore Khalil Gibran, Lettres d’amour de Khalil Gibran à May Ziadah, Paris, Librairie Médicis, 1996, p. 37.
  • [24]
    Il s’agit, sans doute, du Taureau Ailé assyrien à tête humaine gardant Sargon II (721-705 av. J.-C.), à Khorsabad en Irak. Albâtre gypseux, 4,40 m × 4,36 m. Il remonte à l’époque néo-assyrienne, et il est exposé au Musée du Louvre, « Antiquités Orientales-Mésopotamie ». (Voir reproduction dans Encyclopédia Universalis, éd. 2007).
  • [25]
    Cité par Barbara Young, This Man from Lebanon, A study of Kahlil Gibran Author of The Prophet and other works, New York, Alfred A. Knopf, 1945, p. 168-169. Voici l’original anglais : « I believe that the art of today owes its best elements to the Arabs who kept and cherished the spirit in which the Book of the Dead, The Avista, the Book of Job, and the Chaldean man-headed winged bull were written and carved. By the art of today I mean that almost religious hunger not yet a century old, which is the golden link between the man of today and the greater man of tomorrow… The Greek artist had a keener eye and a cleverer hand than the Chaldean or the Egyptian, but he did not possess that third Eye which they both possessed. Greece borrowed her gods from Chaldea, Phoenicia, and Egypt. She borrowed every quality save that vision, that insight, that peculiar consciousness of what is deeper than depth and higher than height. She brought from Byblos and Nieth the jug and the cup, but not the wine. She was capable of fashioning the naively formed jug and cup into golden vessels, but she never filled them with aught but liquid realism. To me the only mighty being in the Greek mythology is Prometheus, but let us not forget that the original fire-bringer is Chaldean and not Greek. The races of Western Asia knew him two thousand years before the Trojan expedition. There are few people in this world who love Greek art as much as I, but I love it for what it is, not for what it is not. I love the charm, the freshness, the loveliness, the physical glory of all things Grecian, but I cannot find in these the living God. I see only a shadow of His shadow ». Voir aussi ce texte dans la traduction en arabe de Sa‘ïd ‘afîf Baba, Hazâ ar-rajol min Loubnân, 1re édition, São Paulo, Brésil, 1953, et 2e éd., Beyrouth, dar al-andalous, 1964, p. 208-209.
  • [26]
    Ce roman, conçu au Liban, mais écrit entre 1908 et 1911 à Paris et à New York, a été publié, en 1912, à New York, aux Éditions Mirât al-Gharb [Le Miroir de l’Occident]. Nous avons aujourd’hui six versions françaises de ce roman romantique libanais. Quatre sont traduites directement de l’original arabe et deux sont la traduction de la version américanoanglaise. Parmi ces traductions inégales, nous renvoyons le lecteur de langue française à la version de Jean-Pierre Dahdah, dans Khalil Gibran, Œuvres Complètes, Paris, Laffont, coll. « Bouquins », 2006, p. 115-164.
  • [27]
    Nous avons signalé dans Les Fils d’Orphée, du Mont Liban aux Amériques, Paris, Jean Maisonneuve, 2004, p. 76, note 63, l’existence d’un roman de Louis de Romeuf, L’Aile brisée, Paris, Éd. Sansot, 1907. Il y aurait lieu de comparer ce singulier français au pluriel libanais. (Sur l’auteur [1875-1922], originaire d’Auvergne, voir Gaston Joubert, Dictionnaire bibliographique de la Haute Loire, Polignac/France, Les Éditions du Roure, 2004). Un climat « romantique » est commun aux deux histoires qui racontent une passion, un grand amour. On peut supposer que Gibran, qui a séjourné à Paris, entre juillet 1908 et octobre 1910, a pu lire l’ouvrage, ou en aurait pris connaissance. Mais la perspective narrative n’est pas la même dans les deux œuvres. Les critiques sociales dans les deux romans émanent de deux visions du monde différentes. Salma Karâmé n’est pas l’ardente Faustine Manige, l’amante et la maîtresse de Lucien ; Lucien Daynaud, audacieux et prométhéen, n’est pas le héros « autobiographique » conçu par Gibran. Il n’en est pas moins vrai qu’il y a dans les deux romans un climat poétique et des motifs qui autoriseraient une analyse comparée (les images de la brume, de la foudre, l’ombre du Christ, les métaphores de l’aile…).
  • [28]
    Voir Antoun Ghatttas Karam, La Vie et l’œuvre littéraire de Gibran Khalil Gibran, 2e éd., dans Les Œuvres Complètes, Beyrouth, Dar An-Nahar, 2004, p. 113-114.
  • [29]
    Voici l’original : To August Rodin Died Nov. 17-1917 : « Master of Clay, to what element more chaste than clay have you turned your versed hands ? And what nobler form than man does now hold your searching eyes ? And what higher dreams you dream today ? Master of Clay, what substance more yielding than clay has claimed your art ? What light, what shadow, what lines more certain have arrested your vision ? And what bolder dreams you dream today ? In my youth, while wandering among those ancient hills, where mallet and chisel have long been dumb, I uttered your name. And (me thought) it seemed as if an invisible being spoke (with) through my lips to break the uneventful silence. Then the veil was lifted, and I beheld you in that thrice hallowed company of master-men chosen to build the house of God that man may (find shelter) be sheltered and man’s soul may dwell in knowledge of itself. And I was comforted and my heart knew that Life was not the shattered memories of yesterday, nor the dim hopes of tomorrow ; but that all time, all space, all earth, all spirit were one urging wave of urging songs. And I was gladend (sic), for I heard in your voice the murmur of Ninavah and Thebes and Athens and Florence. And I was lifted for I saw in you the golden thread upon Life’s eternal loom. Master of Clay, would that you (had) have stayed longer. Would that you have waited through this roaring night for earth’s second dawn. Would that you have tarried to see the fuller face of France and to fashon her freer body that man may gaze upon the image of his own freer self ». Voir Annie Salem Otto (éd.) Love Letters of Kahlil Gibran and Mary Haskell, (éd.), op. cit., p. 546-547. Notons que ce texte important ne figure pas dans le « choix » de Virginia Hilu, Beloved Prophet. The Love Letters of Kahlil Gibran and Mary Haskell… op. cit. Voir aussi Wahib Kayrouz, Gibran dans son musée, Beyrouth, Bacharia, 2e éd., 1998, p. 38 et dans ‘âlam Gibran ar-rassâm… [Le Monde de Gibran le peintre…], Beyrouth, Maktabat Sader, 1982, p. 232-233 ; Boulos Tauk, La Personnalité de Gibran…, op. cit., t. III, p. 815-816 ; Robin Waterfield, Khalil Gibran, un prophète et son temps, Québec, Éd. Fides, 2000, p. 240. Pour un avis plus posé et plus fouillé de Gibran sur le grand Rodin, voir notre étude déjà citée : « Gibran entre poésie et peinture », dans RLC, 2/2003, p. 218-220.
  • [30]
    Ce point de vue sur l’art est rapporté par Mikhail Naimy, Gibran Khalil Gibran, hayâtohou, mawtohou, adabohou, fannohou [G. K. G., sa vie, sa mort, son œuvre littéraire et son art], Beyrouth, dar Sader-dar Beyrouth, 4e éd., 1960, p. 73 (la première édition de ce livre remonte à 1934). Nous n’avons pas trouvé ce texte dans le « journal intime » de Mary Haskell. Dans son livre Khalil Gibran, l’auteur du Prophète, Paris Pygmalion, 2002, p. 157-158, comme dans son « Dictionnaire Gibran », dans Khalil Gibran, Œuvres Complètes, traduction française collective, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », octobre 2006, article « Peinture », p. 907-908, le romancier libanais Alexandre Najjar cite ce paragraphe sans donner de référence.
  • [31]
    Voir notre article RLC, 2/2003, p. 218.
  • [32]
    Kahlil Gibran, A Tear and a Smile, Translated from the Arabic by H. M. Nahmad. With an Introduction by Robert Hillyer, New York, Alfred A. Knopf, 1950, (18e tirage, 1971), p. XI : « Many convictions were common to both : a hatred of sham and binding orthodoxy, personified by evil priests ; the manumission of physical love from the bonds of convention in order to attain spiritual completeness (sic) ; the perception of beauty in the moment that seems to be fleeting but is, in truth, everlasting ; and the discovery of miracles in seasonal nature and the commonplace things of daily living. Both warred against reason in the name of imagination. Both defied the snares of logic to cut a straight wing path directly to God ». Voir aussi Suheil Bushrui et Joe Jenkins, Kahlil Gibran, L’homme et le poète, traduit de l’anglais par Bernard Dubant, Paris, Éditions Véga, 2001, p. 135-144 et p. 150, note 199.
  • [33]
    A. Karam, La Vie et l’œuvre littéraire de Gibran Khalil Gibran, op. cit., p. 218-224. Voir aussi « Gibran al-Khaled/Gibran l’éternel », Beyrouth, Les Conférences du Cénacle Libanais, Xe année, n° 5, mars 1956. Cette conférence n’a pas été reprise dans Les Œuvres Complètes de Karam publiées à Beyrouth, dar An-nahar, 2004 et 2006.
  • [34]
    Voir Georges Nicolas El-Hage, William Blake and Kahlil Gibran, Poets of Prophetic Vision, Louaïsé (Liban), Éd. Notre Dame University, 2002, chap. III, IV et V.
  • [35]
    Voir S. Bushrui et J. Jenkins, Khalil Gibran, l’Homme et le poète, op. cit., p. 136-137.
  • [36]
    Ce texte se trouve dans les deux « anthologies », celle d’Annie Salem Otto et celle de Virginia Helu, op. cit., voir respectivement : Otto, p. 443-444, et Helu, p. 260-261. Cité aussi en partie par Tawfîq Sâyegh, ‘Awâ’ jadiidah ‘ala Gibran [Lumières nouvelles sur Gibran], op. cit., p. 207. Voici le texte original : « I, too, Mary, have always found Ruskin, Carlyle and Browning to be mere children in the Kingdom of the Spirit. None of them moves me in any way. They all talk too much and say so little. Blake is the man, the God-man. To me he is the greatest Englishman since Shakespeare. His drawings are by far the profoundest things done in England — and his vision, putting aside his drawings and his poems, is the most godly. But no one can understand Blake through intellect. His world can only be seen by the eye of the eye — never by the eye itself ».
  • [37]
    Il s’agit du livre d’Elisabeth Luther Cary, The Art of William Blake, his sketch-book, his water-colours, his painted books, New York, Moffat, Yard and Company, 1907, qui se trouve aujourd’hui dans la bibliothèque personnelle de Gibran, en son musée, sous le n° 85 ; livre offert à Gibran, par un certain Howard, en décembre 1926, où nous lisons sur la première page : « For Kahlil, from Howard, you gave to Bill and to myself The great night ».
  • [38]
    Voici le texte anglais : « For the rushing, impetuous flight of his little figures, liberated, he persuades us, from the bonds of the flesh — his disembodied spirits meeting in heaven with immortal ardour ; his angels and archangels descending like a bolt of lightning upon their imperial errands ; his devils contending and striding to and fro upon the earth to work injury to human kind — Blake seems to have consulted chiefly that inner vision as to whose counsel he was eloquent ». On retiendra les expressions ou les images suivantes : « flight of his little figures, liberated », « from the bound of the flesh », « disembodied spirits » qui renvoient de façon étonnante à l’esthétique de Gibran, dans ses formes, ses effets dynamiques et ses figures essentielles.
  • [39]
    Cité aussi par Wahib Keyrouz, Madkhal ila As-safâîyah [Introduction à la Pureté], (inédit encore en mai 2008), p. 210-211. Notre ami, le conservateur en chef du Musée Gibran, confirmant l’écriture manuscrite anglaise et arabe de Gibran, nous a confié son manuscrit en août 2007. Qu’il en soit ici remercié.
  • [40]
    Dans notre article « The Prophet [Le Prophète] : de la parole poétique à l’œuvre illustrée, une contribution à l’étude de l’imaginaire de G. K. Gibran », RLC, 3/2005, note, p. 350-351, nous avons évoqué une source phénicienne qui a inspiré Gibran. Nous sommes aujourd’hui convaincus, avec d’autres critiques, qu’un fonds oriental, antique et moderne, lie l’auteur du Prophète à l’auteur du Mariage du Ciel et de l’Enfer, ne serait-ce que cette ancienne cosmogonie du « Voyant et Prêtre » de Beyrouth, Sanchuniathon (voir Dictionnaire de la Civilisation Phénicienne et Punique, Belgique, Brepols, 1992, p. 587) qui a inspiré celle de Moïse. En effet, dans le livre de Robert Rosenblum, Peinture moderne et tradition romantique du Nord, traduit de l’anglais par Dominique le Bourg, Paris, Hazan, 1996, p. 46-47, nous trouvons un renvoi à cette cosmogonie. Analysant l’œuvre de Blake « The Ancient of Days/L’Ancien des jours, 1794, [Aquarelle, 23,3 × 16,8 cm, exposée au British Museum, à Londres] » (frontispice de Europe, une prophétie), l’auteur américain, historien de l’art, (disparu le 6 décembre 2007, à l’âge de 79 ans) évoque « Les fantaisies cosmologiques d’un auteur phénicien, probablement mythique, Sanchuniathon, qui, selon la relation de Philo Herennius de Byblos, explique la genèse de la lumière (Phanes) par l’interaction de la puissance créatrice originelle (Phtas) et de la nuit (Neithe) ». Sur ce même fonds oriental, l’essayiste français, spécialiste d’Élisée Reclus, Joël Cornuault (né en 1950), dans son petit livre, Souvent nous cheminons, Nérac, Pierre Mainard, 2006, p. 61, a écrit : « La critique historique a rattaché Blake au gothique. Il est vrai qu’il excelle dans des petites expositions et le métier qu’il s’était inventé consistait à enluminer ses textes, alliant de cette façon poésie verbale et poésie visuelle, comme dans les traditions orientales ».
  • [41]
    Voir Beloved Prophet, op. cit., p. 80-81 : “What is Imagination ?” said I. « “Imagination” is a way of knowing », answered Kahlil. […] « Imagination is limited neither to the reality which is apparent — nor to one place. It lives everywhere. It is a centre and feels the vibrations of all the circles within which east and west are vitally included. Imagination is the life of mental freedom. It realizes what everything is in its many aspects. — Imagination does not uplift : we don’t want to be uplifted, we want to be more completely aware. I want to be alive to all the life that is in me now, to know each moment to the uttermost. I don’t want to be just a painter of pictures, or a writer of poems. I want to be more ». Nous améliorons, ici, la version française citée dans Bushrui, Kahlil Gibran, l’homme et le poète, op. cit., p. 140.
  • [42]
    Le Christ est un sujet fertile pour l’imagination créatrice poétique et picturale de Blake. Notons ici « Le Christ en rédempteur de l’humanité », [Aquarelle, 39 × 50 cm, 1808] ; « Le Baptême du Christ », [Aquarelle, 60 × 73 cm, sans date ?], ainsi que ses autres œuvres : « Le Christ enfant endormi sur la croix », « La Résurrection », « La Transfiguration ».
  • [43]
    Voir la thèse de Khalil Chalfoun, La Figure de Jésus-Christ dans la vie et l’œuvre de Gibran, thèse de 3e cycle (3 vol.), dirigée par notre regretté ami Michel Hayek, 1986, Paris, Institut Catholique, 1986.
  • [44]
    Voir son aquarelle « Le Roi des Juifs à la troisième heure ». Reproduction dans Helene Richter, William Blake (en allemand), Strasbourg, 1906, planche IV. Ou “La Crucifixion” dans Jérusalem, in Elisabeth Luther Cary, The Art of William Blake, op. cit., planche V.
  • [45]
    Voir The Letters of Kahlil Gibran and Mary Haskell, éd. Annie Salem Otto, op. cit., p. 5.
  • [46]
    Voir Beloved prophet…, éd. Virginia Helu, op. cit., p. 60.
  • [47]
    Reproduction dans William Vaughan, William Blake, traduit de l’anglais par Michel Braudeau, Paris, Chêne, coll. « Les Arts de l’Imaginaire », 1977, (Planche 26).
  • [48]
    Ibid. Dans son livre La Folie dans la poésie de William Blake, Reflet des enjeux gnoséologiques de la critique littéraire, Paris, Honoré Champion, coll. « Babeliana », 1999, p. 14, Patrick Menneteau écrit : « Le fondement blakien ultime est celui des idées innées ou de l’esprit de consolation du Christ, qui constitue le chemin vers la Fraternité universelle et le Dieu d’Amour ».
  • [49]
    Voir François Benoît, Un Maître de l’art, Blake le visionnaire, Lille, Travaux et Mémoires de l’Université de Lille, 1906, p. 48 sq. ; Herbert Read, « Le Poète graphique », Revue Messages, 1re Année, tome I, Numéro I, 1939, p. 36-38 ; William Butler Yeats, « William Blake et l’art » (1896), traduit de l’anglais par Martine de Rougemont, dans La Délirante, Revue de poésie, n° 2, Paris, Octobre-Décembre, 1967, p. 71-83 ; Julien Green, Suite anglaise (1927), Paris, Éd. du Seuil, coll. « Points », 1988, p. 31-46 (« William Blake, Prophète ») ; Kathleen Raine, William Blake (sur l’art de W. B.), Paris, Chêne, coll. « Chêne 15/21 », 1975 ; Robert Rosenblum, Peinture moderne et tradition romantique du Nord, op. cit., p. 45-50.
  • [50]
    Mary Haskell a fait don de l’original, en 1950, au Telfair Museum of Art, Savannah, Georgie, États-Unis.
  • [51]
    Voir Max Picard, Le Visage Humain, traduit de l’allemand par Jean-Jacques Anstett, Paris, Buchet-Chastel, 1962.
  • [52]
    Tous les dessins du Christ de Gibran ont été légués par Mary Haskell, en 1950, au même musée dans lequel se trouve l’original du dessin objet de notre étude. Voir reproductions dans Khalil Gibran, artiste et visionnaire, Paris, IMA et Flammarion, 1998, p. 85,86,87 ; Kahlil Gibran, Horizons of the Painter, Beyrouth, Nicolas Sursock Museum, 1999, p. 150.
  • [53]
    Voir Œuvres Complètes, coll. « Bouquins », op. cit., p. 875-876.
  • [54]
    Voir la « Vie de Gibran. Chronologie analytique établie par Alexandre Najjar », ibid., p. XVII. Ce premier article de Gibran a été publié dans le journal Al-Mohâjer [L’Émigrant], à New York le 17 mai 1907. Voir à ce propos Habib Mas‘oud, Gibran Hayyann wa maytann [Gibran dans sa vie et sa mort], Beyrouth, Dar Ar-rayhâni, 2e éd., 1966, p. 31. Voir aussi Gibran fiasâr ad-darisîn [Gibran dans les œuvres des critiques], Damas, 1981, p. 157. Mais lors de notre dernière mission au Liban, en mai 2008, le critique Jean Dâieh, auteur du livre ‘Aqidat Gibran [Le Credo de Gibran], Londres, Éd. Sourakia, 1988, nous a confirmé que le premier article publié de Gibran remonte à 1905. Nous attendons la sortie de son ouvrage Lakum Gibrânukum wa li gibrâni [Vous avez votre Gibran et j’ai le mien] (sous presse) qui apporte de nouvelles précisions sur la vie et l’œuvre « journalistique » de Gibran.
  • [55]
    C’est en 1909, lors de son séjour à Paris, que Gibran découvre ce livre de Renan. À ce propos, il écrit, de Paris, à Mary Haskell, le 29 avril 1909 : « Je lis, à présent, Renan. Je l’aime parce qu’il a aimé et compris Jésus. Il l’a vu dans la clarté du jour, non au crépuscule. Mon plus grand espoir est de pouvoir un jour peindre la vie de Jésus comme personne ne l’a fait auparavant. Ma vie ne peut trouver de meilleur point d’ancrage que la personnalité de Jésus. Sa vie est le symbole de l’Humanité. Il doit toujours être la figure suprême de tous les temps et nous devons trouver toujours en lui mystère, passion, amour, imagination, tragédie, beauté, charme et vérité ». Et le texte original : « In these days I am reading Renan. I love him because he loved Jesus with so much of understanding. He saw Him in light and not in twilight. My greatest hope now is to be able to paint the life of Jesus as no one did before. My art can finde (sic) no better resting place than the personality of Jesus. His life is the symbl (sic) of Humanity. He shall always be the suprime (sic) figure of all ages and in Him we shall always find mystery, passion, love, imagination, tragidy (sic), beauty, romance and trust ». Voir The Letters of Kahlil Gibran and Mary Haskell, éd. Annie Salem Otto, op. cit., p. 27. Ce texte ne figure pas dans le « choix » de Virginia Helu.
  • [56]
    Gibran, Jésus, le fils de l’homme, dans Œuvres Complètes, coll. « Bouquins », op. cit., p. 711.
  • [57]
    Ce « Christ en Croix » [Huile sur toile, 227 × 130 cm, daté de 1897] se trouve exposé au Musée d’Orsay. Voir sa reproduction dans Eugène Carrière 1849-1906, Strasbourg, Musées de Strasbourg et Éd. Musées Nationaux, Paris, 1996, p. 146-147.
  • [58]
    Rappelons que Jean Delville a publié à Paris, en 1913, aux éditions théosophiques, un livre sur le Christ sous le titre Le Christ reviendra (Le Christ futur en face de l’Église et de la Science). Voir la note 60 dans la présente étude. Pour « une idée » sur Jean Deville et son art pictural, voir Paradis perdu, l’Europe symboliste, Montréal - Paris, Flammarion, 1995.
  • [59]
    Pour une vision comparatiste plus poussée dans ce domaine, voir François Bœspflug et Françoise Dunand (dir.), Le Comparatisme en histoire des religions (Actes du Colloque international de Strasbourg 18-20 septembre 1996), Paris, Cerf, 1997 ; Claude Calame (et al.), Comparer les comparatismes. Perspectives sur l’histoire et les sciences des religions, Paris, Edidit et Milan, Archè, 2006 ; Christiane Dotal et Alexandre Dratwicki (dir.), L’Artiste et sa Muse, Paris, Éd. Somogy, 2006 ; Marc Bayard (dir.), L’Histoire de l’art et le comparatisme. Les horizons du détour, Paris, Somogy, 2007 ; Baldine Saint Girons, L’Acte esthétique, Paris, Klincksieck, coll. « 50 questions », 2008.
  • [60]
    Jean Delville, poète, peintre et écrivain théosophique, parmi ses œuvres citons : Le Christ reviendra (voir la note 58) ; Les Splendeurs méconnues, Bruxelles, Lamberty, 1922 ; Les Chants de la clarté. Poème messianique. La Voix qui illumine. Le Don du bonheur. Poèmes philosophiques. Lumière d’Orient. Le Drame de l’art. L’Or et le Sang. Mélanges. Bruxelles, Librairie Crucis, 1927. Voir aussi la note 28 de notre étude « Gibran entre poésie et peinture », RLC, 2/2003, p. 217 ; Glovis Piérard, « Jean Delville, peintre, poète, esthéticien 1867-1953 », dans Mémoires et Publications de la Société des Arts et des Lettres du Hainaut, Mons (Belgique), Maison Léon Losseau, 84e volume, 1971-1973, fascicule 2, p. 209-247 ; et E. Bénézit, Dictionnaire…, Nouvelle édition refondue sous la direction de Jacques Busse, Paris, Grund, 1999, article « Delville », tome IV, p. 426-427 ; Olivier Delville (avec Francine-Claire Legrand), Jean Delville, peintre idéaliste, Bruxelles, Éd. Jean Malvaux, 1984 ; Michael Palmer, Art Belge 1880-2000, 2 tomes. Traduit de l’anglais par Bernard Heidelberger, préface de Francine-Claire Legrand, Bruxelles, Éd. Racine, 2e éd. revue, 2002, t. I, d’Ensor à Magritte, 1880-1940, p. 100-101, où nous lisons : « Delville croit en Dieu, dans l’immortalité, la magie et les mystères anciens […]. L’art de Delville se nourrit de magie. C’est l’une des figures les plus étranges et les plus influentes du Symbolisme belge ». Et la nouvelle édition du même livre, chez le même éditeur en un seul volume, sous le titre : Un art belge, d’Ensor à Panamarenko, 1800-2000, Bruxelles, 2004, p. 103. Voir également Michel Draguet, Le Symbolisme en Belgique, Angers (Belgique), Fonds Mercator - Dexia, 2004 : « De l’idéal à l’idéalisme, le Symbolisme gagné par l’ésotérisme », p. 250 sq., et nous lisons p. 264 : « La peinture de Delville se révèle allégorique ». Voir aussi les reproductions de Delville, p. 193, « Le Christ glorifié par les enfants », [1894, huile sur toile 122 × 157 cm], Anvers, Académie des Beaux-Arts ; p. 262-263, « L’Ange des splendeurs, [1894, huile sur toile, 127 × 146 cm], collection particulière, et p. 264-265, et « L’Amour des âmes, [1900, peinture à l’œuf sur toile, 238 × 150 cm], Bruxelles, musée d’Ixelles.
  • [61]
    Jean Delville, La Mission de l’art. Étude d’esthétique idéaliste, préface de (sic) Édouard Schuré, Bruxelles, Georges Balat, 1900, p. 178-179.
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