Couverture de RLC_309

Article de revue

La répétition du passé dans The Forsyte Sagade John Galsworthy et Buddenbrooks; Verfall einer Familie de Thomas Mann

Pages 55 à 74

Notes

  • [1]
    John Galsworthy, The Forsyte Saga, Vol. I, The Man of Property ; In Chancery ; To Let, (1906-1921), London, Penguin Books, 2001 ; La Dynastie des Forsyte; Le Propriétaire, traduit de l’anglais par Camille Mayran; Dernier Été, traduit de l’anglais par Mme Fritsch-Estrangin; Aux Aguets, traduit de l’anglais par R. Pruvost; l’Aube, traduit de l’anglais par Mme Fritsch-Estrangin; À Louer, traduit de l’anglais par Paulette Michel-Cote, Paris, Calmann-Lévy, 1970.
  • [2]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 14 ; « une certaine fermeté de menton », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 19.
  • [3]
    « too prehistoric to trace », J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 14 ; « trop ancienne pour qu’on pût en chercher l’origine », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 19.
  • [4]
    « marking racial stamp », J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 14 ; « une caractéristique de race », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 19.
  • [5]
    « the very hall-mark and guarantee of the family fortunes », J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 14 ; « c’était comme le poinçon même de la famille et la garantie de ses succès », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 19.
  • [6]
    J. Galsworthy, the Forsyte Saga, op. cit., p. 25. « Ils avaient si bien mené leurs barques, ces Forsyte, qu’à présent ils jouissaient tous, comme on dit, d’« une certaine position ». Ils avaient des actions dans toutes sortes d’affaires, pas encore toutefois […] dans les consolidés, car par-dessus tout, ils avaient horreur des placements à trois pour cent. De plus, ils collectionnaient des tableaux et soutenaient volontiers telles institutions charitables qui pourraient être utiles à leurs domestiques en cas de maladie. De leur père, le maçon, ils avaient hérité un talent spécial pour remuer la brique et le mortier. Peut-être à l’origine avaient-ils appartenu à quelque secte d’esprit simple ; mais maintenant, suivant le cours naturel des choses, ils étaient membres de l’Église d’Angleterre et envoyaient assez régulièrement leurs femmes et leurs enfants aux églises à la mode de la capitale. Un doute sur la sincérité de leur foi les eût peinés, surpris. Quelques-uns payaient pour avoir dans l’église des bancs réservés, exprimant ainsi de la façon la plus pratique leur sympathie pour l’enseignement du Christ. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 28.
  • [7]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 14 ; « c’était le signe de quelque chose d’indestructible », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 19.
  • [8]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 201 ; « Un Forsyte, reprit Jolyon le jeune, n’est pas un animal rare. Il y en a des centaines parmi les membres de ce club. Des centaines là-dehors, dans la rue ; on en rencontre partout où l’on va ! – Et puis-je vous demander à quoi on les reconnaît ? fit Bosinney. – À leur instinct de propriété. Un Forsyte a sur les choses un point de vue pratique, un point de vue de sens commun pourrait-on dire, et un point de vue pratique sur les choses a pour base l’instinct de propriété. Un Forsyte, vous le remarquerez, ne se livre jamais ! » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 180.
  • [9]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 202 ; « – Vous parlez d’eux, dit Bosinney, comme s’ils étaient la moitié de l’Angleterre ! – Ils sont, répéta Jolyon le jeune, la moitié de l’Angleterre, et la meilleure moitié, la moitié sûre, la moitié à trois pour cent, la moitié qui compte. C’est leur richesse et leur sécurité qui rendent tout le reste possible, qui rendent possible votre art, qui rendent possible la littérature, la science, la religion elle-même. Sans les Forsyte, qui ne croient à aucune de ces choses, mais qui les mettent toutes à profit, où en serions-nous ? Mon cher Monsieur, les Forsyte sont les intermédiaires dans le marché social, les vendeurs, les piliers de la société, les pierres angulaires de convention, tout ce qui admirable ! » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 180-181.
  • [10]
    Le « forsytisme » est en fait un mal nécessaire, pourrait-on dire, à la fois destruction pour l’artiste et mécénat pour l’art. Irene, la belle pianiste, première épouse de Soames, avec qui elle vit un enfer, et future épouse du jeune Jolyon, auprès de qui elle s’épanouira, pourrait témoigner de cette ambivalence. Au début du roman, elle se désespère : « [Soames] caught some words of Irene’s that sounded like : “Abandon hope, all ye who enter here !” » J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 51 ; « [Soames] saisit quelques mots d’Irène et crut entendre : « Ô vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance. », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 50.
  • [11]
    Thomas Mann, Les Buddenbrook; Le Déclin d’une famille, (1932), traduit de l’allemand par Geneviève Bianquis, Paris, Fayard, 1965, p. 329 ; « Die Dehors wahren !… [...] Obgleich du trotzig warst und wohl glaubtest, dieser Trotz sei etwas Idealistisches, besaß dein Geist wenig Schwungkraft, wenig Phantasie, wenig von dem Idealismus, der jemanden befähigt, mit einem stillen Enthusiasmus, süßer, beglückender, befriedigender als eine heimliche Liebe, irgendein abstraktes Gut, einen alten Namen, ein Firmenschild zu heben, zu pflegen, zu verteidigen, zu Ehren und Macht und Glanz zu bringen. […] Du besaßest auch keinen Ehrgeiz, Onkel Gotthold. Freilich, der alte Name ist bloß ein Bürgername, und man pflegt ihn, indem man einer Getreidehandlung zum Flor verhilft, indem man seine eigene Person in einem kleinen Stück geehrt, beliebt und mächtig macht… […] Aber alles ist bloß ein Gleichnis auf Erden, Onkel Gotthold ! Wußtest du nicht, daß auch in einer kleinen Stadt ein großer Mann sein kann ? Daß man ein Cäsar sein kann an einem mäßigen Handelsplatz an der Ostsee ? », Buddenbrooks ; Verfall einer Familie, Frankfurt-am-Main, S. Fischer Verlag, 1981, p. 281.
  • [12]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 536 ; « Tu sais, je ne me suis enrôlé que parce que j’avais mis Val Dartie au défi de le faire. – Mais pourquoi ? – Nous nous portons mutuellement ombrage, dit Jolly sèchement. – Ah ! murmura Jolyon. Ainsi le conflit continuait jusqu’à la troisième génération – ce conflit moderne qui ne s’exprimait pas ouvertement ? » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 466.
  • [13]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 819 ; « – De qui êtes-vous née ? et lui ? Le présent tient au passé et l’avenir dépend de l’un et de l’autre. On ne peut sortir de là. », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 714.
  • [14]
    « La répartition des rôles qui s’opère entre eux […] est un choix opéré très tôt par le milieu familial et visible pratiquement dès la première apparition des deux enfants dans le roman. On peut ainsi parler d’une véritable prédestination familiale des individus. […] L’ensemble d[es] comportements et attitudes [de Christian] va tendre à valider ce choix originel en le transformant en véritable névrose de destinée. », Robert Smadja, « Les fratries dans Les Buddenbrook et Les Forsyte », à paraître dans les Actes du XXXIe congrès de la S.F.L.G.C.
  • [15]
    « Hanno [fils de Thomas] […] accomplit et porte à leur limite les tendances esthétisantes et autodestructrices de Christian. », R. Smadja, loc. cit.
  • [16]
    Au sens psychanalytique de « refoulé », « absent de la conscience », « non formulé », « non remémoré ». Ce qui n’est pas symbolisé est condamné à se répéter.
  • [17]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 100 ; « Ce qui les affectait en réalité si profondément, c’était peut-être l’idée qu’une Forsyte avait lâché sa prise de la vie. Si l’un d’eux cédait, pourquoi pas tous ? » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 92.
  • [18]
    T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 847 ; « Er weiß nicht, ob die Krankheit, die er “Typhus” nennt, in diesem Falle ein im Grunde belangloses Unglück bedeutet, die unangenehme Folge einer Infektion, die sich vielleicht hätte vermeiden lassen und der mit den Mitteln der Wissenschaft entgegenzuwirken ist – oder ob sie ganz einfach eine Form der Auflösung ist, das Gewand des Todes selbst, der ebensogut in einer anderen Maske erscheinen könnte, und gegen den kein Kraut gewachsen ist. » Buddenbrooks, op. cit., p. 769.
  • [19]
    Voir Joëlle Harel, L’Argent dans l’œuvre de John Galsworthy, Paris, XXIe s. Gutenberg, 2000, p. 24.
  • [20]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 11 ; « la suprême efflorescence des Forsyte », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 17.
  • [21]
    T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 21-59 ; Buddenbrooks, op. cit., p. 11-42.
  • [22]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 43-58 ; La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 44-55.
  • [23]
    J. Galsworthy, the Forsyte Saga, op. cit., p. 50 ; « Pour tout curieux de la psychologie des Forsyte, ce grand trait de la selle de mouton est d’une importance capitale ; non seulement il manifeste leur ténacité, en tant que groupe et qu’individus, mais il les caractérise comme appartenant de fibre et d’instinct à cette classe d’hommes qui prisent avant tout ce qui est substantiel et savoureux et se défendent de toute séduction frivole. », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 49.
  • [24]
    Fritz Kaufmann, The World as Will and Representation, Boston, Beacon Press, 1957, p. 89.
  • [25]
    T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 587 ; « In der Tat, wenn der kleine Hanno einen Effekt erzielte – und beschränkte sich derselbe auch ganz allein auf ihn selbst -, so war der Effekt weniger empfindsamer als empfindlicher Natur. Irgendein ganz einfacher harmonischer Kunstgriff ward durch gewichtige und verzögernde Akzentuierung zu einer geheimnisvollen und preziösen Bedeutung erhoben. Irgendeinem Akkord, einer neuen Harmonie, einem Einsatz wurde, während Hanno die Augenbrauen emporzog und mit dem Oberkörper eine hebende, schwebende Bewegung vollführte, durch eine plötzlich eintretende, matt hallende Klanggebung eine nervös überraschende Wirkungsfähigkeit zuteil… », Buddenbrooks, op. cit., p. 516.
  • [26]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 711 ; « Appliqué et sérieux, il griffonnait quelques mots, les effaçait et recommençait, accomplissant tous les rites nécessaires à la création d’un chef-d’œuvre. Il se sentait léger comme les vents printaniers lorsqu’ils essayent leurs chansons à travers les floraisons nouvelles. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 621.
  • [27]
    Pulsion de mort et répétition ont en psychanalyse historiquement et conceptuellement partie liée. Dans son article majeur de 1920, Freud pose l’hypothèse métapsychologique de la répétition comme trouvant son origine et ses manifestations dans la pulsion de mort, au-delà du principe de plaisir. Il réorganise à partir d’elle toute la théorie analytique. Jacques Lacan appellera plus tard « réel » cet impossible à symboliser, ce qui, sous l’emprise de l’instinct de mort s’avère à l’origine de la répétition. Voir Sigmund Freud, « Au-delà du principe de plaisir », (1920), p. 277-338 in Œuvres complètes ; Psychanalyse, XV, 1916-1920, traduit de l’allemand (traduction collective), directeurs de la publication André Bourguignon et Pierre Cotet, directeur scientifique Jean Laplanche, Paris, PUF, 1996.
  • [28]
    Alain Montandon, Slaheddine Chaouachi (sous la dir. de), La Répétition, coll. « Littératures », Clermont-Ferrand, Association des Publications de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, 1994, p. 291.
  • [29]
    Gilles Deleuze, Différence et répétition, (1968), coll. « Épiméthée », Paris, PUF, 2000, p. 27.
  • [30]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 253 ; « Par ses lignes, le ton de sa chair, sa douceur attirante et passive, la suavité délicieuse de son regard, ce visage de femme lui rappelait l’Amour sacré du Titien, dont une reproduction ornait le mur de sa salle à manger. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 224. Voir aussi The Forsyte saga, op. cit., p. 425.
  • [31]
    « The second Goya craze would be greater even than the first ; oh, yes ! and he had bought. On that visit he had – as never before – commissioned a copy of a fresco painting called La Vendimia, wherein was the figure of a girl with an arm akimbo, who had reminded him of his daughter », J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 662 ; « la seconde crise d’engouement dépasserait la première. Et il avait acheté le Goya. Pendant le voyage il avait encore, geste inattendu, commandé une copie de la fresque La Vendange parce que la silhouette de la jeune femme, un poing sur la hanche, lui avait rappelé sa fille. », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 583.
  • [32]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 731 ; « Mais la copie du Goya ne répondait pas. Ses couleurs éclatantes commençaient à peine à s’assagir. « Ce n’est pas réellement vivant », se dit Soames. Pourquoi ne rentrait-elle pas ? » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 638.
  • [33]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 732 ; « Jon soupira profondément et s’appuya contre la porte. L’apparition portait une robe couleur de raisins mûrs, corsage étroit et jupe bouffante, un fichu de mousseline blanche et un bonnet. Elle était campée une main à la hanche, le bras arrondi ; l’autre main en l’air tenait un éventail qui venait effleurer sa tête. – Je devrais porter un panier de raisin au bras, chuchota-t-elle, mais je ne l’ai pas ici ; c’est ma robe d’après Goya, et c’est aussi l’attitude du personnage. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 640. Voir aussi The Forsyte Saga, op. cit., p. 874,882 et 883.
  • [34]
    Voir, par exemple, T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 130 et 526 ; Buddenbrooks, op. cit., p. 103 et 457.
  • [35]
    On peut interpréter dans ce sens l’autre trait caractéristique de Christian, son hypocondrie, sa tendance permanente à oberver son corps pour y déceler des signes de maladie ou d’anormalité. Voir par exemple T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 371-374 ; Buddenbrooks, op. cit., p. 317-321.
  • [36]
    Voir T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 313 ; Buddenbrooks, op. cit., p. 266.
  • [37]
    Voir T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 318-326; Buddenbrooks, op. cit., p. 270-279.
  • [38]
    « Maupassant [a le souci] de retenir le trait significatif de ses personnages afin de supprimer les éléments inutiles qui nuiraient à l’ensemble. » J. Harel, op. cit., p. 20-21. Voir aussi p. 27.
  • [39]
    « Jolyon’s attention was chiefly riveted by the look on her face, which reminded him of his wife. » J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 252 ; « mais l’attention du peintre fut surtout attirée par une expression de physionomie qui lui rappelait celle de sa femme », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 224.
  • [40]
    « He had rowed in the galley himself ! He knew the long hours of waiting and the lean minutes of half-public meeting ; the tortures of suspense that haunt the unhallowed lover. » J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 253 ; « Lui-même avait ramé dans cette galère-là ! Il savait les longues heures d’attente et les maigres minutes des rencontres à demi publiques, l’angoisse impatiente qui ne quitte pas l’amour défendu. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 224-225.
  • [41]
    « This was the real thing ! this was what had happened to himself ! Out of this anything might come ! » J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 254 ; « Non, c’était la vraie chose que lui-même avait connue jadis et dont tout pouvait sortir. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 225.
  • [42]
    « She was there no doubt because of some memory, and did not mean to try and get out of it by vulgar explanation. » J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 323 ; « C’était sans doute un souvenir qui l’avait amenée là, et elle ne voulait pas s’en défendre par des excuses banales. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 286.
  • [43]
    « “Was it your son [Jolyon] ? I heard a voice in the hall ; I thought for a second it was – Phil”. » J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 337 ; « – C’était votre fils ? J’ai bien entendu une voix dans l’antichambre. J’ai cru pendant une seconde que c’était… Phil. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 298.
  • [44]
    T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 490-491 ; « Das, was man Thomas Buddenbrooks “Eitelkeit” nannte, die Sorgfalt, die er seinem Äußeren zuwandte, der Luxus, den er mit seiner Toilette trieb, war in Wirklichkeit etwas gründlich anderes. […] Wenn das Merkwürdige zu beobachten war, daß gleichzeitig seine “Eitelkeit”, das heißt dieses Bedürfnis, sich körperlich zu erquicken, zu erneuern, mehrere Male am Tage die Kleidung zu wechseln, sich wiederherzustellen und morgenfrisch zu machen, in auffälliger Weise zunahm, so bedeutete das, obgleich Thomas Buddenbrook kaum siebenunddreißig Jahre zählte, ganz einfach ein Nachlassen seiner Spannkraft, einer raschere Abnützbarkeit… », Buddenbrooks, op. cit., p. 426.
  • [45]
    T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 747-748 ; « In meinem Sohne habe ich fortzuleben gehofft ? In einer noch ängstlicheren, schwächeren, schwankenderen Persönlichkeit ? Kindische, irregeführte Torheit ! Was soll mir ein Sohn ? Ich brauche keinen Sohn !… Wie ich sein werde, wenn ich tot bin ? Aber es ist so leuchtend klar, so überwältigend einfach ! In allen denen werde ich sein, die je und je Ich gesagt haben, sagen und sagen werden : besonders aber in denen, die es voller, kräftiger, fröhlicher sagen… Irgendwo in der Welt wächst ein Knabe auf, gut ausgerüstet und wohlgelungen, begabt, seine Fähigkeiten zu entwickeln, gerade gewachsen und ungetrübt, rein, grausam und munter, einer von diesen Menschen, deren Anblick das Glück der Glücklichen erhöht und die Unglücklichen zur Verzweiflung treibt : – Das ist mein Sohn. Das bin ich, bald… bald… sobald der Tod mich von dem armseligen Wahne befreit, ich sei nicht sowohl er wie ich… », Buddenbrooks, op. cit., p. 670-671.
  • [46]
    Le sens de la mort de Thomas reste ambigu. Voir Les Buddenbrook, op. cit., p. 750-752 ; Buddenbrooks, op. cit., p. 674-675 et Les Buddenbrook, op. cit., p. 770-771 ; Buddenbrooks, op. cit., p. 693-694. Kaufmann lit cette mort comme une acceptation : « One’s ultimate entelechy is in his steering toward man’s ultimate end. It may be good to illustrate this amor fati by some examples drawn from the long series of characters from Buddenbrooks to Doctor Faustus and Felix Krull. It is, indeed, this final readiness that ennobles Thomas Buddenbrook in his enchanted moments of metaphysical insight. » F. Kaufmann, op. cit., p. 74.
  • [47]
    Friedrich Nietzsche, Le Gai savoir in Œuvres philosophiques complètes, V, textes et varaintes établies par Giorgio Colli et Mazzino Montinari, traduit de l’allemand par Pierre Klossowski, édition revue, corrigée et augmentée par Marc B. de Launay, Paris, Gallimard, 1982.
  • [48]
    Søren Kierkegaard, La Répétition ; Crainte et tremblement ; Une Petite annexe, in Œuvres complètes, V, traduit du danois par Paul-Henri Tisseau et Else-Marie Jacquet-Tisseau, Paris, Éditions de l’Orante, 1972.
  • [49]
    Gilles Deleuze analyse les points communs à l’éternel retour nietzschéen et la répétition kierkegaardienne. Il les associe à la pensée de Péguy. C’est en l’occurrence ici de la conception du « mythe vécu » de Thomas Mann, qui connaissait bien l’œuvre de Nietzsche, que ce fonctionnement se rapproche : « Il y a une force commune à Kierkegaard et à Nietzsche. […] Ce qui les sépare est considérable, manifeste, bien connu. Mais rien n’effacera cette prodigieuse rencontre autour de la pensée de la répétition : ils opposent la répétition à toutes les formes de généralité. Et le mot “répétition”, ils ne le prennent pas de manière métaphorique, ils ont au contraire une certaine manière de la prendre à la lettre, et de le faire passer dans le style. […] Faire de la répétition même quelque chose de nouveau ; la lier à une épreuve, à une sélection, à une épreuve sélective ; la poser comme objet suprême de la volonté et de la liberté. […] Et Nietzsche : libérer la volonté de tout ce qui l’enchaîne en faisant de la répétition l’objet même du vouloir. Sans doute la répétition est-elle déjà ce qui enchaîne ; mais si l’on meurt de la répétition, c’est elle aussi qui sauve et qui guérit, et qui guérit d’abord de l’autre répétition. Dans la répétition, il y a donc à la fois tout le jeu mystique de la perte et du salut, tout le jeu théâtral de la mort et de la vie, tout le jeu positif de la maladie et de la santé », G. Deleuze, op. cit., p. 12-13.
  • [50]
    Il le définit, dans sa conférence sur « Freud et l’avenir », comme une « répétition », et plus loin comme « un regard qui domine les choses dans l’ironie, car la connaissance mythique n’a ici son siège que dans l’artiste, que dans le voyant et non dans sa création. Mais qu’adviendrait-il si cet aspect mythique devenait subjectif, passait dans le moi qui joue son rôle, y devenait conscient de sorte qu’il se rendît compte, avec un orgueil triomphal ou sinistre, de ce qu’il est une réplique, un type ; s’il célébrait comme un office le rôle qu’il joue sur terre et tirait toute sa dignité de la conscience qu’il aurait de représenter à nouveau dans sa chair vivante ce qui est foncièrement valable, de l’incarner encore. C’est cela seulement qui serait, peut-on dire, du “mythe vécu”... », T. Mann, « Freud et l’avenir ; Conférence faite à Vienne le 8 mai 1936 pour célébrer le 80e anniversaire de la naissance de Sigmund Freud », p. 187-211 in Noblesse de l’esprit ; Essais, traduit de l’allemand par Fernand Delmas, Paris, Albin Michel, 1960, p. 203 et 204 ; « der Blick, den der mythisch orientierte Erzähler auf die Erscheinungen richtet und Sie sehen wohl : es ist ein ironisch überlegener Blick ; denn die mythische Erkenntnis hat hier ihren Ort nur im Anschauenden, nicht auch im Angeschauten. Wie aber nun, wenn der mythische Aspekt sich subjektivierte, ins agierende Ich selber einginge und darin wach wäre, so daß es mit freudigem oder düsterem Stolze sich seiner “Wiederkehr”, seiner Typik bewusst wäre, seine Rolle auf Erden zelebrierte und seine Würde ausschliesslich in dem Wissen fände, das Gegründete im Fleisch wieder vorzustellen, es wieder zu verkörpern ? Erst das, kann man sagen, wäre “gelebter Mythus”. » T. Mann, « Freud und die Zukunft ; Vortrag gehalten in Wien am 8 mai 1936 zur Feier von Sigmund Freuds 80. Geburtstag », Rede als Nachwort in Abriss der Psychoanalyse ; Das Unbehagen in der Kultur, FrankfurtamMain, Fischer Bücherei, 1958, p. 17-18.
  • [51]
    T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 77 ; « Diese Aufzeichnungen begannen mit einer weitläufigen Genealogie, welche die Hauptlinie verfolgte. Wie am Ende des sechzehnten Jahrhunderts ein Buddenbrook, der älteste, der bekannt, in Parchim gelebt und sein Sohn zu Grabau Ratsherr geworden sei. Wie ein fernerer Buddenbrook, gewandschneider seines Zeichens, zu Rostock geheiratet, “sich sehr gut gestanden” – was unterstrichen war – und eine ungeheime Menge von Kindern gezeugt habe, tote und lebendige, wie es gerade kam… Wie wiederum einer, der schon Johan geheißen, als Kaufmann zu Rostock verblieben, und wie schließlich, am Ende und nach manchem Jahr, des Konsuls Großvater hierhergekommen sei und die Getreidefirma gegründet habe. […] Und er hatte seinen Notizen manche gute Ermahnung an seine Nachkommen hinzugefügt, von denen, sorgfältig in hoher gotischer Schrift gemalt und umrahmt, der Stolz hervorstach : “Mein Sohn, sey mit Lust bey den Geschäften am Tage, aber mache nur solche, daß wir bey Nacht ruhig schlafen können.” Und dann war umständlich nachgewiesen, daß ihm die alte, zu Wittenberg gedruckte Bibel zugehöre, und daß sie auf seinen Erstgeborenen und wiederum auf dessen Ältesten übergehen solle… », Buddenbrooks, op. cit., p. 56-57.
  • [52]
    T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 198 ; « Und dann, plötzlich, mit einem Ruck, mit einem nervösen und eifrigen Mienenspiel – sie schluckte hinunter, und ihre Lippen bewegten sich einen Augenblick ganz schnell aneinander – ergriff sie die Feder, tauchte sie nicht, sondern stieß sie in das Tintenfaß und schrieb mit gekrümmtem Zeigefinger und tief auf die Schulter geneigtem, hitzigem Kopf, in ihrer ungelenken und schräg von links nach rechts emporfliegenden Schrift : “…Verlobte sich am 22. September 1845 mit Herrn Bendix Grünlich, Kaufmann zu Hamburg.” », Buddenbrooks, op. cit., p. 162.
  • [53]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 169 ; « Swithin, obéissant à l’impulsion qui pousse tôt ou tard quelque membre de toute famille importante, s’était rendu un jour au Bureau des armoiries. On l’y avait assuré qu’il appartenait sans aucun doute à la famille bien connue des Forsite avec un i, dont les armes étaient “trois écus dextres sur gueules à fond de sable”. On espérait, évidemment, le persuader de les relever. […] on lui avait dit au bureau qu’il n’avait qu’à payer les droits pour porter son blason. Il ne l’avait jamais oublié et sa conviction qu’il était né gentleman en avait été fortifiée. Insensiblement, le reste de la famille adopta le faisan et quelques-uns, plus sérieux que les autres, prirent aussi la devise. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 152.
  • [54]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 25 ; « Le vieux Jolyon, en qui une invincible sincérité surgissait quelques-fois, disait de ses ancêtres : – Des Yeomen, – de la très petite bière, je suppose. Pourtant il répétait le mot « yeomen » comme s’il y trouvait un réconfort. », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 28.
  • [55]
    Alors que le « mythe vécu » mannien sera reconnu, délibérément choisi et assumé.
  • [56]
    Voir par exemple : J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 336.
  • [57]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 331 ; « Comme Orphée, naturellement, elle aussi cherchait son bien-aimé perdu dans cet antre du souvenir. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 292.
  • [58]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 345 ; « Faust, dans l’opéra, avait troqué son âme contre quelques années nouvelles de jeunesse. Idée morbide ! Aucun marché de ce genre n’était possible ; c’est là qu’était la vraie tragédie ! Pas moyen de se rendre jeune à nouveau, ni pour l’amour, ni pour la vie, ni pour quoi que ce soit. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 305.
  • [59]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, p. 534 ; non traduit dans le texte français.
  • [60]
    Mais eux ne connaîtront pas, contrairement à Jolyon, la joie du pardon paternel et du retour à la maison. Gotthold a demandé sa part d’héritage de manière anticipée pour pouvoir épouser contre l’avis de son père une « boutique ». Lorsqu’il réclame davantage, son frère conseille leur père dans le sens d’un refus, comme le fait le frère de la parabole vétérotestamentaire. Voir T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 63 et sq.; Buddenbrooks, op. cit., p. 44 et sq. et Les Buddenbrook, op. cit., p. 76 et sq.; Buddenbrooks, op. cit., p. 56 et sq.
  • [61]
    « [Soames parlant à Irene, au moment où il vient intercéder pour Fleur] “They say there’s such a thing as Nemesis. Do you believe in it ?” “Yes.” » J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 879 ; « Croyez-vous à une Némésis ? – Oui. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 767. Voir aussi The Forsyte Saga, op. cit., p. 668.
  • [62]
    Voir J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit. p. 830.
  • [63]
    « It might be a dead thing, that old tragic ownership and enmity, but dead things were poisonous till time had cleaned them away. » J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 870 ; « Les passions qui avaient animé cette vieille histoire tragique pouvaient être mortes, mais les choses mortes dégagent une atmosphère empoisonnée, avant d’être dissoutes par le temps purificateur. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 759.
  • [64]
    « There he [old Jolyon] sat in the gloomy confort of the room, a puppet in the power of great forces that cared nothing for family or class or creed, but moved, machine-like, with dread processes to inscrutable ends. This was how it struck young Jolyon, who had the impersonal eye. » J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 42 ; « Il était assis là, dans l’ombre riche de la pièce, marionnette aux mains de grandes forces qui n’ont souci ni de la famille, ni des classes, ni des croyances, mais qui s’avancent comme des machines, d’un mouvement fatal, vers des fins incompréhensibles. Telle était à ce moment l’impression de Jolyon le jeune, qui savait regarder les choses du dehors. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 43.
  • [65]
    « Chacun baissait les yeux sur son assiette, pensant à cette famille jadis si brillante, qui avait bâti et habité cette maison et qui, appauvrie, déchue, s’en était allée… […] Non pas, dit le consul pensif, sans s’adresser à une personne déterminée, mais je crois qu’il était nécessaire et inéluctable pour Dietrich Ratenkamp de lier son sort à celui de Geelmack, afin que la destinée pût s’accomplir… Il faut qu’il ait agi sous le poids d’une fatalité inexorable. » T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit. p. 35 ; « Man blickte in seinen Teller und gedachte dieser ehemals so glänzenden Familie, die das Haus erbaut und bewohnt hatte und die verarmt, heruntergekommen davongezogen war… […] “Das wohl nicht”, sagte der Konsul gedankenvoll und ohne sich an eine bestimmte Person zu wenden. ‘Aber ich glaube, daß Dietrich Ratenkamp sich notwendig und unvermeidlich mit Geelmaack verbinden mußte, damit das Schicksal erfüllt würde… », Buddenbrooks, op. cit., p. 22-23. Il s’agit de la famille qui a précédé les Buddenbrook dans la maison. Cette analyse du consul a une valeur proleptique pour ce qui concerne sa propre famille. Voir Les Buddenbrook, op. cit., p. 683-692 ; Buddenbrooks, op. cit., p. 609-618.
  • [66]
    « Plus fondamentalement, le naturalisme refuse une notion essentielle à la tragédie, celle de destin. » Yves Chevrel, Le Naturalisme, coll. « Littératures modernes », Paris, PUF, 1982, p. 57.
  • [67]
    Ibid., p. 57.
  • [68]
    T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 853 ; Buddenbrooks, op. cit., p. 774.
  • [69]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 319 ; « s’il existait un au-delà, il n’y retrouverait pas ce qu’il voulait ; ce ne serait pas Robin Hill, ni des fleurs, ni des oiseaux, ni de jolis visages, de ceux qu’il avait autour de lui et qui n’étaient pas déjà si nombreux. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 283.
  • [70]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 408 ; « Les arbres ne sont guère sensibles au temps, et le vieux chêne de la pelouse supérieure de Robin Hill ne semblait pas avoir vieilli d’un seul jour depuis l’époque où Bosinney, étendu sous son ombre, avait dit à Soames : « Forsyte, j’ai trouvé l’emplacement idéal pour votre maison. » Depuis lors, Swithin avait rêvé à l’abri de ses branches, et le vieux Jolyon y était mort. Et maintenant, tout près de l’escarpolette, Jolyon le jeune, qui n’était plus jeune, y venait manier ses pinceaux. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 356.

1Qu’est-ce qu’un Forsyte ? John Galsworthy répond à cette question dans The Forsyte Saga[1] : un Forsyte est quelqu’un dont l’identité repose d’abord sur une ligne, un trait du visage qui se répète d’une génération à l’autre. Cette « steadfastness of chin » [2], venue des origines [3], fait des Forsytes plus une « race » [4] qu’une famille. Par sa régularité de logo, la marque physique devient marque commerciale [5] et signe d’une âme commune – ou d’une commune absence d’âme :

2

They had all done so well for themselves, these Forsytes, that they were all in what is called ‘of a certain position’. They had shares in all sorts of things, not as yet […] in consols, for they had no dread in life like that of 3 per cent for their money. They collected pictures, too, and were supporters of such charitable institutions as might be beneficial to their thick domestics. From their father, the builder, they inherited a talent for brick and mortar. Originally, perhaps, members of some primitive sect, they were now in the natural course of things members of the Church of England, and caused their wives and children to attend with some regularity the more fashionable churches of the Metropolis. To have doubted their Christianity would have caused them both pain and surprise. Some of them paid for pews, thus expressing in the most paractical form their sympathy with the teachings of Christ. [6]

3Ainsi les Forsyte vont-ils d’une génération à l’autre maintenir fermement leur statut social, le montant exact du gain minimal à attendre pour tout investissement – financier ou affectif –, et un intérêt pour les maisons et les œuvres d’art. Soames et young Jolyon deviendront respectivement connaisseur en peinture et honnête aquarelliste là où leurs pères se contentaient d’acheter une sculpture ou un tableau. Ils deviendront respectivement commanditaire et bénéficiaire de la somptueuse demeure conçue par l’architecte Bosinney là où leurs pères se contentaient de rivaliser autour de spéculations immobilières. Mais tous deux ne feront qu’incarner en cela, fût-ce sous des masques antagonistes, le caractère familial essentiel, ce « something ineradicable » [7], dont Galsworthy donne, par la bouche de Jolyon, la signification fondamentale :

4

« A Forsyte », replied young Jolyon, « is not an uncommon animal. There are hundreds among the members of this Club. Hundreds out there in the streets ; you meet them wherever you go ! »
« And how do you tell them, may I ask ? » said Bosinney.
« By the sense of property. A Forsyte takes a practical – one might say a common-sense – view of things, and a practical view of things is based fundamentally on a sense of property. A Forsyte, you will notice, never gives himself away ». [8]

5puis la valeur :

6

« you talk of them », said Bosinney, « as if they were half England. »
« They are », repeated young Jolyon, « half England, and the better half, too, the safe half, the three per cent half, the half that counts. It’s their wealth and security that makes everything possible ; makes your art possible, makes literature, science, even religion, possible. Without Forsytes, who believe in none of these things, but turn them all to use, where should we be ? My dear sir, the Forsytes are the middlemen, the commercials, the pillars of society, the corner-stones of convention ;
everything that is admirable ! » [9]

7L’ironie de ce jugement, émis par un homme qui, tout en occupant dans la famille une position marginale, ne s’en reconnaît pas moins comme l’un des membres, ne doit pas en voiler la profonde vérité pour Galsworthy : la répétition du matérialisme et de l’instinct de possession d’une génération à l’autre est la condition même de la préservation du pays et de toute possibilité de renouveau [10].

8Là où le menton Forsyte fait signe, le nom Buddenbrook devient symbole d’une permanence de la dignité et de la puissance bourgeoises dans le premier roman de Thomas Mann, Les Buddenbrook ; Le Déclin d’une famille. Symbole en particulier dans l’esprit de Thomas, héritier de la famille et porteur des honneurs et des charges de ses ancêtres. Sur le lit de mort de l’oncle Gotthold, brebis galeuse de la génération précédente, ses pensées rejoignent celles du jeune Jolyon dans leur tournure à la fois lucide et enthousiaste :

9

Garder les dehors… […] ton esprit avait peu […] de cet idéalisme qui vous rend apte à conserver, à défendre, à mener aux honneurs, à la puissance, à la gloire, une entitié abstraite, un vieux nom, une raison sociale […]. Tu étais dépourvu de toute ambition, oncle Gotthold. Il est vrai que notre vieux nom n’est qu’un nom bourgeois ; on en prend soin en faisant prospérer un commerce de céréales, en faisant honorer, aimer, sa propre personne dans un petit coin du monde. […] Mais tout sur terre n’est qu’un symbole, oncle Gotthold. Ne savais-tu pas que, même dans une petite ville, on peut être un grand homme, qu’on peut être un César dans un port de commerce de moyenne importance sur la mer Baltique ? [11]

10Si les traits physiques, les traits de caractère, les goûts et les attitudes se transforment en signes, puis en symboles de ces familles et de quelque chose qui les transcende, c’est précisément parce qu’ils sont maintenus, parce qu’ils se répètent d’une génération à l’autre. La symbolisation fonctionne ici comme un processus transgénérationnel qui s’inscrit par le retour du même. Or, ce processus porte particulièrement sur le nom : Thomas le dit explicitement, en parlant d’un idéal de soin, de service, du nom, Jolyon implicitement, en transformant celui des Forsyte par antonomase. En témoigne également le fait que les fils des deux familles se transmettent ce nom les uns aux autres et s’appellent successivement Johann Buddenbrook jusqu’au petit Hanno, Jolyon Forsyte jusqu’au petit Jon.

11Avec le nom, avec les traits identitaires, semblent se transmettre aussi d’une génération à l’autre des types de relations qui se répètent à l’identique ou dont les conséquences font peser lourdement sur les descendants les fautes de leurs pères. Il en va ainsi des conflits entre frères. La concurrence agacée entre James et Jolyon Forsyte devient rivalité ouverte entre Soames, fils du premier, et le jeune Jolyon, fils du second, pour aboutir à la troisième génération à la mort de Jolly, engagé volontaire pendant la guerre des Boers :

12

« You know, I only enlisted because I dared Val Dartie to. »
« But why ? »
« We bar each other », said Jolly shortly.
« Ah ! muttered Jolyon. So the feud went on unto the third generation –
this modern feud which had not overt expression ! » [12]

13puis au mariage impossible de Fleur et de Jon :

14

« Whose child are you ? » he said. « Whose child is he ? The present is linked with the past, the future with both. There’s no getting away from that. » [13]

15Quant à la préférence, dans la famille Buddenbrook, de l’un des deux frères au détriment de l’autre, et à la déficience du frère non élu, qu’elle soit cause ou conséquence [14] de cette injustice, elle se répète de la génération de Jean et Gotthold à celle de Thomas et Christian, pour aboutir à la troisième génération à la mort de Hanno, porteur en sa propre personne, dans son propre caractère, de l’entente impossible entre son père et son oncle [15].

16La répétion se résout alors en deux aspects, dépendants l’un de l’autre. D’une part dans la perte, au fil de ces conflits non résolus, au fil de ces traumatismes non symbolisés [16] et donc revécus d’une génération à l’autre, de l’énergie vitale. D’autre part dans la mise au monde d’un individu, d’un artiste : la vitalité s’épuise, dans ces deux familles bourgeoises, en proportion de l’augmentation de la sensibilité propre et de la créativité artistique.

17En effet, les Forsyte qui se pensaient par leur fortune et leur position sociale à l’abri de tout se découvrent soudain mortels :

18

Perhaps what really affected them so profoundly was the thought that a Forsyte should have let go her grasp on life. If one, then why not all ! [17]

19et font, génération après génération, de moins en moins d’enfants. Quant aux Buddenbrook, ils perdent au fil des années leurs maisons, leur prestige et leur entreprise commerciale ; leur dernier descendant, le petit Hanno, se laisse mourir, encore enfant, de la typhoïde :

20

[le médecin] ne sait pas si la maladie qu’il appelle la typhoïde n’est qu’un accident insignifiant dans le cas présent, la suite désagréable d’une infection qui aurait pu être évitée et contre laquelle il faut réagir par toutes les ressources de l’art, ou si c’est simplement une forme de la décomposition, le vêtement de la mort elle-même qui aurait pu tout aussi bien prendre un autre masque et contre laquelle il n’y a pas de remède. [18]

21Même si le « méliorisme » [19] relatif de Galworthy s’écarte du pessimisme schopenhauérien de Mann, il n’en reste pas moins que dans les deux romans le mouvement général est celui d’une chute. Le « grasp on life », la Volonté (dirait Schopenhauer) s’épuise depuis ces sommets de l’histoire familiale, cette « highest efflorescence » [20] que constituent le dîner du jeudi soir dans la maison de la Mengstrasse [21] et le dîner chez Swithin [22], où l’on mange rituellement une selle de mouton :

22

to anyone interested psychologically in Forsytes, this great saddleofmutton trait is of prime importance ; not only does it illustrate their tenacity, both collectively and as individuals, but it marks them as belonging in fibre and instincts to that great class which believes in nourishment and flavour, and yields to no sentimental craving for beauty. [23]

23jusqu’aux derniers chapitres où Tony pleure le petit Hanno et Soames médite sur le tombeau des Forsyte et la mort du victorianisme. Alors, la répétition d’une génération à l’autre prend le mouvement d’une balle qui rebondirait toujours un peu moins haut et un peu moins loin pour finir sa course immobilisée au sol.

24Parallèlement, et par paliers successifs, le lecteur assiste à une individualisation du type Forsyte ou du type Buddenbrook, à un raffinement de la sensibilité et finalement à l’avènement, ironique, dérisoire, émouvant, d’un artiste. C’est là le véritable sujet des Buddenbrook :

25

what takes place here, under the guise of telling a story about a Lübeck family, is a bringing forth, through a selection of autobiographical material, of the conditions of the artist’s existence. [24]

26Or, voici comment Hanno compose :

27

lorsque le petit Hanno visait à un effet – dût-il être le seul à en jouir – cet effet était de nature moins sentimentale que suggestive. Tel procédé harmonique très simple s’élevait, par une accentuation puissante et prolongée, jusqu’à une signification mystérieuse et rare. Tel accord, telle harmonie nouvelle, telle reprise – tandis que Hanno, haussant les sourcils, soulevait et balançait son buste – prenaient, par le passage soudain à une sonorité plus mate, une puissance d’émotion qui ébranlait les nerfs. [25]

28Le petit-fils du vieux Jolyon est, pour sa part, un poète, un écrivain. Galsworthy décrit sa première véritable impulsion créatrice en des termes bien différents :

29

and Jon, deeply furrowed in his ingenious brow, made marks on the paper and ribbed them out and wrote them in again, and did all that was necessary for the completion of a work of art ; and he had a feeling such as the winds of Spring must have, trying their first songs among the coming blossom. [26]

30Car là où la créativité de Jon apparaît comme le retour, le renouveau d’un printemps, celle de Hanno est marquée de bien des signes de la pulsion de mort [27]. Cet enfant dont la sensibilité a été précocément formée par sa mère, Gerda, aux Leitmotive de Wagner s’abîme dans un art qui n’est « qu’une répétition désespérée faite avec élégance » [28].

31Sous quelle forme la répétition se trouve-t-elle affirmée et prescrite par l’instinct de mort ? demande Gilles Deleuze :

32

au plus profond, il s’agit du rapport entre la répétition et les déguisements. Les déguisements dans le travail du rêve ou du symptôme – la condensation, le déplacement, la dramatisation – viennent-ils recouvrir en l’atténuant une répétition brute et nue (comme répétition du Même) ?
Dès la première théorie du refoulement, Freud indiquait une autre voie […]. Les déguisements et les variantes, les masques ou les travestis, ne viennent pas « par-dessus » mais sont au contraire des éléments génétiques internes de la répétition même, ses parties intégrantes et constituantes. [29]

33Et c’est bien sous la forme de la reproduction – comme l’on parle de la reproduction d’un tableau – ou sous celle du faux – comme l’on parle de faux en art – que se joue d’abord la répétition dans The Forsyte Saga ou Buddenbrooks, quand elle ne traverse pas les générations pour aboutir à la naissance d’un artiste, mais marque un par un, individuellement, chacun des personnages.

34Quand la nature imite l’art, en une mimesis inversée, la répétition a le sens d’une reconnaissance de la beauté et de la vérité intime de l’être. Alors Éros et Thanatos se mêlent, comme dans l’amour de Swann pour Odette (vivante image de la « Zephora » chez Proust), et le jeune Jolyon identifie Irene, dont il va tomber éperdument amoureux, à l’« Amour céleste » du Titien :

35

In shape and colouring, in its soft persuasive passivity, its sensuous purity, this woman’s face reminded him of Titian’s « Heavenly Love », a reproduction of which hung over the side-board in his dining-room. [30]

36Mais s’il est bien encore question d’amour (cette fois de l’amour d’un père, Soames, pour sa fille, Fleur) dans l’identification de cette dernière à la « Vendimia » de Goya [31], cet amour porte la marque de l’inauthentique, de la copie, comme opposée à la vie véritable des tableaux originaux, et surtout à la vie véritable de la présence d’un être :

37

But the Goya copy answered not, brilliant in colour just beginning to tone down. « There’s no real life in it », thought Soames. « Why doesn’t she come ? » [32]

38Non que Soames n’aime sincèrement sa fille, mais quelque chose dans cette enfant gâtée répète l’instinct de possession de ses ascendants Forsyte et l’empêche, elle, d’être capable d’un véritable amour, envers son père, puis envers Jon. Sous les yeux du jeune homme ébloui, elle élabore une mascarade, une imitation de cette copie du tableau auquel l’amour de son père l’a identifiée comme une tentative pour s’approprier le caractère imaginaire de la séduction et en jouer :

39

Oh, What a lovely thing came in !
« I wanted to show you my fancy dress », it said, and struck an attitude at
the foot of the bed.
Jon drew a long breath and leaned against the door. The apparition wore
white muslin on its head, a fichu round its bare neck over a wine-colou-
red dress, fulled out below its slender waist. It held one arm akimbo, and
the other raised, right-angled, holding a fan which touched its head.
« This ought to be a basket of grapes », it whispered, « but I haven’t got
it here. It’s my Goya dress. And this is the attitude in the picture. » [33]

40Dans Les Buddenbrook, le personnage qui incarne les liens privilégiés de la répétition, de l’instinct de mort et du masque est Christian. Le frère moins aimé de Thomas, celui que l’on n’a pas choisi pour en faire l’héritier, le frère au caractère plus faible – comme était moins aimé, déshérité et plus faible Gotthold, à la génération précédente – aspire à être un artiste, comme Fleur aspire à aimer. Mais elle ne sait que posséder, et non aimer, lui ne peut qu’imiter, et non créer. Depuis son plus jeune âge, ses talents d’imitateur, de ses professeurs, des amis, du prétendant de sa sœur [34] font rire et mettent secrètement mal à l’aise sa famille. Car la capacité à imiter révèle une plasticité de la personne incompatible avec une certaine fermeté de caractère, fait du corps un spectacle incompatible avec la discipline du « garder les dehors », prouve un sens de l’observation et un esprit critique incompatibles avec le respect d’autrui. Et même hors de ces critères bourgeois, le talent d’imitateur de Christian peut inquiéter, en ce qu’il porte la marque d’un détachement morbide de la vie, d’une vie vécue comme regard sur elle-même [35] et sur les autres, comme Représentation, en termes schopenhauériens. Le talent de Christian relève d’une forme dégradée de la mimesis artistique, reproduction, répétition, et non création. Son goût pour les théâtres et les actrices va également dans ce sens [36]. Doublure de Thomas, second rôle dans la famille, Christian mime la vie et le travail [37].

41De même que l’on trouve dans les deux romans toutes les formes possibles de la mimesis, depuis la véritable créativité de Jon et Hanno, jusqu’à l’imitation artificielle de Fleur et Christian, en passant par l’interprétation de l’aquarelliste Jolyon ou des musiciennes Irene et Gerda, de même la caractérisation des personnages s’effectue-t-elle selon les différentes formes que prend la répétition dans leur vie.

42Certains se voient attribuer de véritables tics de langage ou de comportement. Galsworthy, s’inspirant de la technique du « trait significatif » de Balzac et de Maupassant [38], révèle James par sa plainte incessante (« nobody tells me anything »), le vieux Jolyon par son amour des enfants, Soames par ses habitudes d’hygiène méticuleuse et son besoin régulier de s’isoler dans sa galerie de collectionneur, June par son goût pour les « lameducks », de même Mann construit un personnage de médecin, Grabow, dont la prescription est toujours la même, quelle que soit la maladie, une Tony dont les mariages et séparations se répètent à chaque fois selon le même schéma, ou une Sesemi Weichbrodt dont le souhait récurrent « Sois heureuse, ma bonne enfant » se trouve donc tout aussi régulièrement démenti. Le procédé intervient de manière tellement fréquente que la plupart des personnages se voient de la sorte transformés en marionnettes, en pantins agis et parlés par des déterminismes – psychologiques, familiaux, bourgeois - plus grands que leur volonté ou leur conscience. Cela introduit, surtout chez Thomas Mann, un comique de répétition grinçant et, chez les deux auteurs, une critique sociale acerbe.

43D’autres personnages prennent conscience de la répétition pour en faire un moyen de reconnaissance des événements ou des sentiments, un moyen d’interprétation et de lecture de l’existence. C’est le cas de Jolyon, reconnaissant dans le visage d’amoureuse blessée d’Irene celui de sa femme [39], reconnaissant dans ce qu’elle ressent pour Bosinney l’amour véritable que lui même a connu [40] pour son épouse et anticipant par ce savoir, par cette reconnaissance, la gravité de la tragédie à venir, dans laquelle il aura un rôle à tenir [41]. Réciproquement, Irene, revenant comme en pèlerinage près de la maison de Jolyon, attirée par le souvenir de celui qui l’a construite [42], y vivra une expérience amoureuse de fausse reconnaissance – Jolyon n’est pas Phil Bosinney revenu des morts [43] –, mais de vraie anticipation – il est en revanche son futur amour.

44Thomas Buddenbrook apprend pour sa part à voir dans la répétition la loi et source de souffrance principale de l’existence dans un livre de philosophie. Ni le titre ni le nom de son auteur ne sont jamais indiqués par Thomas Mann, mais il est facile d’y reconnaître Le Monde comme Volonté et comme Représentation. Alors, cessant de lutter par des rituels corporels incessants contre un effondrement psychique,

45

Ce que l’on appelait la « fatuité » de Thomas Buddenbrook, le soin qu’il apportait à sa mise, le luxe de sa toilette était en réalité quelque chose de foncièrement différent. […] Si on pouvait observer, en même temps que sa « fatuité », c’est-à-dire ce besoin de se remonter physiquement, de se renouveler, de changer de vêtements plusieurs fois par jour, de se régénérer et de faire peau neuve croissait à vue d’œil, cela signifiait tout simplement, bien que Thomas comptât trente-sept ans à peine, un relâchement de son ressort, une accélération de l’usure… [44]

46cessant de chercher à retrouver dans son fils les traits de caractère des grands politiques et commerçants de sa famille,

47

J’espérais me survivre dans mon fils : dans une personnalité plus inquiète encore, plus débile, plus falote que la mienne. Folie puérile, égarement. Qu’ai-je besoin d’un fils ? Où serai-je après ma mort ? Mais c’est d’une clarté éblouissante, d’une simplicité si lumineuse ! Je survivrai en tous ceux qui ont jamais dit, qui disent ou qui diront je, mais surtout en ceux qui le diront avec plus de plénitude, de vigueur et de joie.
Quelque part grandit un enfant bien doué, accompli, capable de développer toutes ses facultés, un enfant qui a poussé droit, sans tristesse, pur, cruel et gai, un de ces humains dont le seul aspect augmente le bonheur des heureux et pousse au désespoir les malheureux. Celui-là, c’est mon fils. Ce sera moi, bientôt – bientôt – dès que la mort m’aura délivré de cette misérable illusion que je ne suis pas lui autant que je suis moi. [45]

48Cessant de craindre la mort, il choisit de l’accepter, ou de s’y abandonner  [46].

49D’autres enfin échappent à la répétition, en l’assumant, parce qu’ils en font l’occasion de rejouer leur vie. Ce principe paradoxal de libération par la soumission, de garantie de renouveau puisée dans la répétition, très proche dans son fonctionnement, sinon dans son sens ultime, de ce que Nietzsche [47] désigne par « éternel retour » et Kierkegaard [48] par Gjentagelse, « reprise, répétition » [49], Thomas Mann l’appelle « der gelebte Mythus » [50]. Cependant, la valeur et la présence du mythe restent ambiguës dans les Buddenbrook. Elles ne se voient pas encore élevées, comme elles le seront dans les romans ultérieurs de Mann, au statut de véritable système de pensée, d’enjeu esthétique et éthique essentiel de l’œuvre. Et si le temps des origines y est déjà présenté comme quelque chose que l’on doit répéter, un modèle auquel se conformer dans le doute, une consolation dans l’affliction, ce n’est que dans la confusion, faite par certains personnages, entre mythe et mythe familial. La répétition, la fidélité au passé, au lieu de porter le sens, de le garantir, deviennent alors contresens.

50Tony incarne ce rapport erroné au passé mythique de la famille, passé inscrit dans un cahier qui présente les caractéristiques d’une Bible privée, d’un livre sacré transmis et prolongé par chacun :

51

Ces notes s’ouvraient par une copieuse généalogie de la branche principale. On y lisait qu’à la fin du XVIe siècle, un Buddenbrook, le premier connu de ce nom, avait vécu à Parchim et que son fils avait été élevé à la dignité d’échevin à Grabau ; qu’un autre Buddenbrook, tailleur d’habits de son métier, s’était marié à Rostock, « y avait fait ses affaires » - ceci était souligné – et avait engendré un nombre incalculable d’enfants, morts et vivants, au gré du hasard. On y lisait encore que l’un d’eux, répondant déjà au nom de Johann, avait vécu comme négociant à Rostock et qu’enfin, plusieurs années après, le grand-père du consul était venu s’installer dans la ville pour y fonder un commerce de grains.
[…] Il avait ajouté à ses réflexions quantité de salutaires conseils à l’adresse de ses descendants, entre autres celui-ci, rédigé en vieux caractères gothiques, soigneusement enluminé et encadré : « Mon fils, consacre avec joye le jour aux affaires, mais non point à celles qui, la nuit, troubleroient ton sommeil. » Plus loin, il spécifiait avec force détails que la vieille Bible imprimée à Wittenberg lui appartenait en propre et qu’elle devait être transmise à son premier-né et par celui-ci à l’aîné de ses enfants. [51]

52L’attitude de la jeune femme, inscrivant sur ce livre le sacrifice de son bonheur personnel au culte de la famille (confondu avec les intérêts de l’entreprise Buddenbrook) ne peut pas être interprétée positivement :

53

[Tony] saisit la plume et, l’ayant enfoncée dans l’encrier, avec une résolution désespérée, l’index crispé, la tête fiévreuse couchée sur son épaule, elle ajouta de son écriture malhabile, et qui paraissait s’envoler vers la droite : « … s’est fiancée le 22 septembre 1845 avec M. Bendix Grunlich, négociant à Hambourg. » [52]

54Car le résultat ironique de ce sacrifice qui – tout comme le second sacrifice de Tony, épousant Permaneder après Grunlich pour les mêmes mauvaises raisons, et celui de Thomas abandonnant une petite fleuriste par refus de mésalliance – contribue à conduire finalement les Buddenbrook à leur chute et à leur ruine, démontre suffisamment son iniquité. Ironique également est la présentation par Galsworthy de la fidélité des Forsyte à leur passé mythique. Parce que ce passé mythique s’avère mystification :

55

It was Swithin who, following the impulse which sooner or later urges thereto some member of every great family, went to the heralds’ Office, where they assured him that he was undoubtedly of the same family as the well-known Forsites with an « i », whose arms were « three dexter buckles on a sable ground gules », hoping no doubt to get him to take them up. […] He never forgot, however, their having told him that if he paid for them he would be entitled to use them, and it strengthened his conviction that he was a gentleman. Imperceptibly the rest of the family absorbed the « pheasant proper », and some, more serious than others, adopted the motto [« For Forsite »]. [53]

56Passé à vendre ou, plutôt, les Forsyte ayant bien trop le sens de l’économie pour mettre de l’argent sur un symbole, passé dont on peut tirer satisfaction sans même l’acheter, sans même y croire tout à fait :

57

Old Jolyon, in whom a desperate honesty welled up at times, would allude to his ancestors as : « Yeomen – I suppose very small beer. » Yet he would repeat the word « yeomen » as if it afforded him consolation. [54]

58Si la répétition d’un mythique passé familial se voit dans les deux romans discréditée par l’ironie de l’auteur, il n’en va pas tout à fait de même de cette autre forme de la répétition mythique qu’est la reproduction, même involontaire, même inconsciente [55], dans la vie des personnages, d’un destin héroïque ou divin.

59Comme elle incarnait un tableau du Titien, Irene devient maintenant déesse de l’amour, dans les yeux de Jolyon [56] ou Orphée revenant des Enfers et se retournant vers le passé perdu :

60

Like Orpheus, she of course – she, too, was looking for her lost one in this hall of memory ! [57]

61Le vieux Jolyon, quant à lui, souhaiterait ardemment renouveler le pacte de Faust :

62

Faust, in the opera, had bartered his soul for some fresh years of youth.
Morbid notion ! No such bargain was possible, that was the real tragedy.
No making oneself new again for love or life or anything. [58]

63Tandis que son fils, à l’heure d’enterrer le chien Balthasar, pense à la vie auprès de son père comme à la félicité du royaume de Dieu, dont il aurait un temps été exclu :

64

to Jolyon [the dog represented] that life of domestic stress and aesthetic struggle before he came again into the kingdom of his father’s love and wealth ! [59]

65Là où l’allusion à la parabole de l’Ancien Testament reste discrète chez Galsworthy, elle se fait évidente dans Les Buddenbrook quand successivement Gotthold, puis, dans une moindre mesure, Christian à la génération suivante, agissent eux aussi en fils prodigues [60].

66Dans cette répétition mythique, la vie des personnages prend pour le lecteur une dimension nouvelle, elle devient un destin. Or, qu’ils l’appellent « Nemesis » [61], « Fate » [62], « poisonous dead thing » [63] ou « great forces » [64], chez les Forsyte, « destinée » [65] ou « fatalité inexorable » chez les Budddenbrook, les personnages eux-mêmes explicitent ce ressort de leur existence perçu par le lecteur. Mann et Galsworthy font ainsi glisser leurs textes du roman naturaliste à la tragédie [66], d’une manière là encore bien ambiguë, puisque l’on ne peut savoir dans quelle mesure ils adhèrent à cette interprétation fataliste plutôt qu’à une explication déterministe des événements. Faisant du mythe la forme la plus profonde de la répétition, tous deux s’écartent de l’esprit du naturalisme. Ou bien plutôt en portent jusqu’au bout l’ambiguïté :
L’écrivain n’a plus de modèle héroïque préétabli sur lequel il doit effectuer des variations que le public attend : chaque ouvrage contient en lui

67

sa justification et son explication, l’évolution des personnages n’est pas liée, en principe, à une malédiction ou à une prédiction. Le public ne sait pas ce qu’il peut attendre, car l’écrivain choisit en agissant sur le déterminisme des phénomènes qu’il rapporte. Telle est du moins l’ambition du naturalisme. Il n’est pas sûr, toutefois, que les naturalistes aient totalement réussi à s’affranchir du mythe, entendu comme permanence d’une explication transcendantale de l’homme. [67]

68Chez Mann l’immortalité a le dernier mot, par la bouche d’une modeste institutrice un peu ridicule, dont les propos sont dérisoires, mais aussi respectables, parce que sa foi a été conquise de haute lutte contre de douloureux doutes religieux :

69

Tom, papa, grand-père et tous les autres, où sont-ils passés ? On ne les
voit plus. Ah ! que c’est dur et que c’est triste !
– Nous les reverrons, dit Frédérique Buddenbrook, en joignant les mains
sur ses genoux […]
– […] Se revoir là-haut… Si c’était vrai…
Mais alors Sesemi Weichbrodt se dressa, à côté de la table, de toute sa
petite taille. Elle s’éleva sur la pointe des pieds, tendit le cou, frappa sur
la table et son bonnet trembla sur sa tête.
– C’est la vérité ! dit-elle de toute sa force, avec un regard de défi à la
ronde. [68]

70Mais la vie sur terre, quant à elle, échoue à se répéter, à se transmettre. La répétition y porte davantage la marque de Thanatos que celle d’Éros. Chez Galsworthy, la vie après la mort ne saurait être une répétition de la vie terrestre, ni même offrir aucune compensation valable pour ce qui a été perdu :

71

If anything came after this life, it wouldn’t be what he wanted ; not Robin Hill, and flowers and birds and pretty faces. [69]

72Cependant, la transcendance et l’immortalité trouvent quelque part une forme heureuse :

73

Trees take little account of Time, the old oak on the upper lawn at Robin Hill looked no day older than when Bosinney sprawled under it and said to Soames : « Forsyte, I’ve found the very place for your house. » Since then Swithin had dreamed, and old Jolyon died, beneath its branches.
And now, close to the swing, no-longer-young Jolyon often painted there. [70]

74Elle se trouve dans les cycles éternels de la nature qui accompagnent ici-bas les liens entre les générations et les rêves et les espoirs transmis.

Notes

  • [1]
    John Galsworthy, The Forsyte Saga, Vol. I, The Man of Property ; In Chancery ; To Let, (1906-1921), London, Penguin Books, 2001 ; La Dynastie des Forsyte; Le Propriétaire, traduit de l’anglais par Camille Mayran; Dernier Été, traduit de l’anglais par Mme Fritsch-Estrangin; Aux Aguets, traduit de l’anglais par R. Pruvost; l’Aube, traduit de l’anglais par Mme Fritsch-Estrangin; À Louer, traduit de l’anglais par Paulette Michel-Cote, Paris, Calmann-Lévy, 1970.
  • [2]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 14 ; « une certaine fermeté de menton », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 19.
  • [3]
    « too prehistoric to trace », J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 14 ; « trop ancienne pour qu’on pût en chercher l’origine », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 19.
  • [4]
    « marking racial stamp », J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 14 ; « une caractéristique de race », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 19.
  • [5]
    « the very hall-mark and guarantee of the family fortunes », J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 14 ; « c’était comme le poinçon même de la famille et la garantie de ses succès », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 19.
  • [6]
    J. Galsworthy, the Forsyte Saga, op. cit., p. 25. « Ils avaient si bien mené leurs barques, ces Forsyte, qu’à présent ils jouissaient tous, comme on dit, d’« une certaine position ». Ils avaient des actions dans toutes sortes d’affaires, pas encore toutefois […] dans les consolidés, car par-dessus tout, ils avaient horreur des placements à trois pour cent. De plus, ils collectionnaient des tableaux et soutenaient volontiers telles institutions charitables qui pourraient être utiles à leurs domestiques en cas de maladie. De leur père, le maçon, ils avaient hérité un talent spécial pour remuer la brique et le mortier. Peut-être à l’origine avaient-ils appartenu à quelque secte d’esprit simple ; mais maintenant, suivant le cours naturel des choses, ils étaient membres de l’Église d’Angleterre et envoyaient assez régulièrement leurs femmes et leurs enfants aux églises à la mode de la capitale. Un doute sur la sincérité de leur foi les eût peinés, surpris. Quelques-uns payaient pour avoir dans l’église des bancs réservés, exprimant ainsi de la façon la plus pratique leur sympathie pour l’enseignement du Christ. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 28.
  • [7]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 14 ; « c’était le signe de quelque chose d’indestructible », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 19.
  • [8]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 201 ; « Un Forsyte, reprit Jolyon le jeune, n’est pas un animal rare. Il y en a des centaines parmi les membres de ce club. Des centaines là-dehors, dans la rue ; on en rencontre partout où l’on va ! – Et puis-je vous demander à quoi on les reconnaît ? fit Bosinney. – À leur instinct de propriété. Un Forsyte a sur les choses un point de vue pratique, un point de vue de sens commun pourrait-on dire, et un point de vue pratique sur les choses a pour base l’instinct de propriété. Un Forsyte, vous le remarquerez, ne se livre jamais ! » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 180.
  • [9]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 202 ; « – Vous parlez d’eux, dit Bosinney, comme s’ils étaient la moitié de l’Angleterre ! – Ils sont, répéta Jolyon le jeune, la moitié de l’Angleterre, et la meilleure moitié, la moitié sûre, la moitié à trois pour cent, la moitié qui compte. C’est leur richesse et leur sécurité qui rendent tout le reste possible, qui rendent possible votre art, qui rendent possible la littérature, la science, la religion elle-même. Sans les Forsyte, qui ne croient à aucune de ces choses, mais qui les mettent toutes à profit, où en serions-nous ? Mon cher Monsieur, les Forsyte sont les intermédiaires dans le marché social, les vendeurs, les piliers de la société, les pierres angulaires de convention, tout ce qui admirable ! » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 180-181.
  • [10]
    Le « forsytisme » est en fait un mal nécessaire, pourrait-on dire, à la fois destruction pour l’artiste et mécénat pour l’art. Irene, la belle pianiste, première épouse de Soames, avec qui elle vit un enfer, et future épouse du jeune Jolyon, auprès de qui elle s’épanouira, pourrait témoigner de cette ambivalence. Au début du roman, elle se désespère : « [Soames] caught some words of Irene’s that sounded like : “Abandon hope, all ye who enter here !” » J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 51 ; « [Soames] saisit quelques mots d’Irène et crut entendre : « Ô vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance. », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 50.
  • [11]
    Thomas Mann, Les Buddenbrook; Le Déclin d’une famille, (1932), traduit de l’allemand par Geneviève Bianquis, Paris, Fayard, 1965, p. 329 ; « Die Dehors wahren !… [...] Obgleich du trotzig warst und wohl glaubtest, dieser Trotz sei etwas Idealistisches, besaß dein Geist wenig Schwungkraft, wenig Phantasie, wenig von dem Idealismus, der jemanden befähigt, mit einem stillen Enthusiasmus, süßer, beglückender, befriedigender als eine heimliche Liebe, irgendein abstraktes Gut, einen alten Namen, ein Firmenschild zu heben, zu pflegen, zu verteidigen, zu Ehren und Macht und Glanz zu bringen. […] Du besaßest auch keinen Ehrgeiz, Onkel Gotthold. Freilich, der alte Name ist bloß ein Bürgername, und man pflegt ihn, indem man einer Getreidehandlung zum Flor verhilft, indem man seine eigene Person in einem kleinen Stück geehrt, beliebt und mächtig macht… […] Aber alles ist bloß ein Gleichnis auf Erden, Onkel Gotthold ! Wußtest du nicht, daß auch in einer kleinen Stadt ein großer Mann sein kann ? Daß man ein Cäsar sein kann an einem mäßigen Handelsplatz an der Ostsee ? », Buddenbrooks ; Verfall einer Familie, Frankfurt-am-Main, S. Fischer Verlag, 1981, p. 281.
  • [12]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 536 ; « Tu sais, je ne me suis enrôlé que parce que j’avais mis Val Dartie au défi de le faire. – Mais pourquoi ? – Nous nous portons mutuellement ombrage, dit Jolly sèchement. – Ah ! murmura Jolyon. Ainsi le conflit continuait jusqu’à la troisième génération – ce conflit moderne qui ne s’exprimait pas ouvertement ? » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 466.
  • [13]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 819 ; « – De qui êtes-vous née ? et lui ? Le présent tient au passé et l’avenir dépend de l’un et de l’autre. On ne peut sortir de là. », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 714.
  • [14]
    « La répartition des rôles qui s’opère entre eux […] est un choix opéré très tôt par le milieu familial et visible pratiquement dès la première apparition des deux enfants dans le roman. On peut ainsi parler d’une véritable prédestination familiale des individus. […] L’ensemble d[es] comportements et attitudes [de Christian] va tendre à valider ce choix originel en le transformant en véritable névrose de destinée. », Robert Smadja, « Les fratries dans Les Buddenbrook et Les Forsyte », à paraître dans les Actes du XXXIe congrès de la S.F.L.G.C.
  • [15]
    « Hanno [fils de Thomas] […] accomplit et porte à leur limite les tendances esthétisantes et autodestructrices de Christian. », R. Smadja, loc. cit.
  • [16]
    Au sens psychanalytique de « refoulé », « absent de la conscience », « non formulé », « non remémoré ». Ce qui n’est pas symbolisé est condamné à se répéter.
  • [17]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 100 ; « Ce qui les affectait en réalité si profondément, c’était peut-être l’idée qu’une Forsyte avait lâché sa prise de la vie. Si l’un d’eux cédait, pourquoi pas tous ? » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 92.
  • [18]
    T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 847 ; « Er weiß nicht, ob die Krankheit, die er “Typhus” nennt, in diesem Falle ein im Grunde belangloses Unglück bedeutet, die unangenehme Folge einer Infektion, die sich vielleicht hätte vermeiden lassen und der mit den Mitteln der Wissenschaft entgegenzuwirken ist – oder ob sie ganz einfach eine Form der Auflösung ist, das Gewand des Todes selbst, der ebensogut in einer anderen Maske erscheinen könnte, und gegen den kein Kraut gewachsen ist. » Buddenbrooks, op. cit., p. 769.
  • [19]
    Voir Joëlle Harel, L’Argent dans l’œuvre de John Galsworthy, Paris, XXIe s. Gutenberg, 2000, p. 24.
  • [20]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 11 ; « la suprême efflorescence des Forsyte », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 17.
  • [21]
    T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 21-59 ; Buddenbrooks, op. cit., p. 11-42.
  • [22]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 43-58 ; La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 44-55.
  • [23]
    J. Galsworthy, the Forsyte Saga, op. cit., p. 50 ; « Pour tout curieux de la psychologie des Forsyte, ce grand trait de la selle de mouton est d’une importance capitale ; non seulement il manifeste leur ténacité, en tant que groupe et qu’individus, mais il les caractérise comme appartenant de fibre et d’instinct à cette classe d’hommes qui prisent avant tout ce qui est substantiel et savoureux et se défendent de toute séduction frivole. », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 49.
  • [24]
    Fritz Kaufmann, The World as Will and Representation, Boston, Beacon Press, 1957, p. 89.
  • [25]
    T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 587 ; « In der Tat, wenn der kleine Hanno einen Effekt erzielte – und beschränkte sich derselbe auch ganz allein auf ihn selbst -, so war der Effekt weniger empfindsamer als empfindlicher Natur. Irgendein ganz einfacher harmonischer Kunstgriff ward durch gewichtige und verzögernde Akzentuierung zu einer geheimnisvollen und preziösen Bedeutung erhoben. Irgendeinem Akkord, einer neuen Harmonie, einem Einsatz wurde, während Hanno die Augenbrauen emporzog und mit dem Oberkörper eine hebende, schwebende Bewegung vollführte, durch eine plötzlich eintretende, matt hallende Klanggebung eine nervös überraschende Wirkungsfähigkeit zuteil… », Buddenbrooks, op. cit., p. 516.
  • [26]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 711 ; « Appliqué et sérieux, il griffonnait quelques mots, les effaçait et recommençait, accomplissant tous les rites nécessaires à la création d’un chef-d’œuvre. Il se sentait léger comme les vents printaniers lorsqu’ils essayent leurs chansons à travers les floraisons nouvelles. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 621.
  • [27]
    Pulsion de mort et répétition ont en psychanalyse historiquement et conceptuellement partie liée. Dans son article majeur de 1920, Freud pose l’hypothèse métapsychologique de la répétition comme trouvant son origine et ses manifestations dans la pulsion de mort, au-delà du principe de plaisir. Il réorganise à partir d’elle toute la théorie analytique. Jacques Lacan appellera plus tard « réel » cet impossible à symboliser, ce qui, sous l’emprise de l’instinct de mort s’avère à l’origine de la répétition. Voir Sigmund Freud, « Au-delà du principe de plaisir », (1920), p. 277-338 in Œuvres complètes ; Psychanalyse, XV, 1916-1920, traduit de l’allemand (traduction collective), directeurs de la publication André Bourguignon et Pierre Cotet, directeur scientifique Jean Laplanche, Paris, PUF, 1996.
  • [28]
    Alain Montandon, Slaheddine Chaouachi (sous la dir. de), La Répétition, coll. « Littératures », Clermont-Ferrand, Association des Publications de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, 1994, p. 291.
  • [29]
    Gilles Deleuze, Différence et répétition, (1968), coll. « Épiméthée », Paris, PUF, 2000, p. 27.
  • [30]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 253 ; « Par ses lignes, le ton de sa chair, sa douceur attirante et passive, la suavité délicieuse de son regard, ce visage de femme lui rappelait l’Amour sacré du Titien, dont une reproduction ornait le mur de sa salle à manger. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 224. Voir aussi The Forsyte saga, op. cit., p. 425.
  • [31]
    « The second Goya craze would be greater even than the first ; oh, yes ! and he had bought. On that visit he had – as never before – commissioned a copy of a fresco painting called La Vendimia, wherein was the figure of a girl with an arm akimbo, who had reminded him of his daughter », J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 662 ; « la seconde crise d’engouement dépasserait la première. Et il avait acheté le Goya. Pendant le voyage il avait encore, geste inattendu, commandé une copie de la fresque La Vendange parce que la silhouette de la jeune femme, un poing sur la hanche, lui avait rappelé sa fille. », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 583.
  • [32]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 731 ; « Mais la copie du Goya ne répondait pas. Ses couleurs éclatantes commençaient à peine à s’assagir. « Ce n’est pas réellement vivant », se dit Soames. Pourquoi ne rentrait-elle pas ? » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 638.
  • [33]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 732 ; « Jon soupira profondément et s’appuya contre la porte. L’apparition portait une robe couleur de raisins mûrs, corsage étroit et jupe bouffante, un fichu de mousseline blanche et un bonnet. Elle était campée une main à la hanche, le bras arrondi ; l’autre main en l’air tenait un éventail qui venait effleurer sa tête. – Je devrais porter un panier de raisin au bras, chuchota-t-elle, mais je ne l’ai pas ici ; c’est ma robe d’après Goya, et c’est aussi l’attitude du personnage. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 640. Voir aussi The Forsyte Saga, op. cit., p. 874,882 et 883.
  • [34]
    Voir, par exemple, T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 130 et 526 ; Buddenbrooks, op. cit., p. 103 et 457.
  • [35]
    On peut interpréter dans ce sens l’autre trait caractéristique de Christian, son hypocondrie, sa tendance permanente à oberver son corps pour y déceler des signes de maladie ou d’anormalité. Voir par exemple T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 371-374 ; Buddenbrooks, op. cit., p. 317-321.
  • [36]
    Voir T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 313 ; Buddenbrooks, op. cit., p. 266.
  • [37]
    Voir T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 318-326; Buddenbrooks, op. cit., p. 270-279.
  • [38]
    « Maupassant [a le souci] de retenir le trait significatif de ses personnages afin de supprimer les éléments inutiles qui nuiraient à l’ensemble. » J. Harel, op. cit., p. 20-21. Voir aussi p. 27.
  • [39]
    « Jolyon’s attention was chiefly riveted by the look on her face, which reminded him of his wife. » J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 252 ; « mais l’attention du peintre fut surtout attirée par une expression de physionomie qui lui rappelait celle de sa femme », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 224.
  • [40]
    « He had rowed in the galley himself ! He knew the long hours of waiting and the lean minutes of half-public meeting ; the tortures of suspense that haunt the unhallowed lover. » J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 253 ; « Lui-même avait ramé dans cette galère-là ! Il savait les longues heures d’attente et les maigres minutes des rencontres à demi publiques, l’angoisse impatiente qui ne quitte pas l’amour défendu. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 224-225.
  • [41]
    « This was the real thing ! this was what had happened to himself ! Out of this anything might come ! » J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 254 ; « Non, c’était la vraie chose que lui-même avait connue jadis et dont tout pouvait sortir. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 225.
  • [42]
    « She was there no doubt because of some memory, and did not mean to try and get out of it by vulgar explanation. » J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 323 ; « C’était sans doute un souvenir qui l’avait amenée là, et elle ne voulait pas s’en défendre par des excuses banales. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 286.
  • [43]
    « “Was it your son [Jolyon] ? I heard a voice in the hall ; I thought for a second it was – Phil”. » J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 337 ; « – C’était votre fils ? J’ai bien entendu une voix dans l’antichambre. J’ai cru pendant une seconde que c’était… Phil. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 298.
  • [44]
    T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 490-491 ; « Das, was man Thomas Buddenbrooks “Eitelkeit” nannte, die Sorgfalt, die er seinem Äußeren zuwandte, der Luxus, den er mit seiner Toilette trieb, war in Wirklichkeit etwas gründlich anderes. […] Wenn das Merkwürdige zu beobachten war, daß gleichzeitig seine “Eitelkeit”, das heißt dieses Bedürfnis, sich körperlich zu erquicken, zu erneuern, mehrere Male am Tage die Kleidung zu wechseln, sich wiederherzustellen und morgenfrisch zu machen, in auffälliger Weise zunahm, so bedeutete das, obgleich Thomas Buddenbrook kaum siebenunddreißig Jahre zählte, ganz einfach ein Nachlassen seiner Spannkraft, einer raschere Abnützbarkeit… », Buddenbrooks, op. cit., p. 426.
  • [45]
    T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 747-748 ; « In meinem Sohne habe ich fortzuleben gehofft ? In einer noch ängstlicheren, schwächeren, schwankenderen Persönlichkeit ? Kindische, irregeführte Torheit ! Was soll mir ein Sohn ? Ich brauche keinen Sohn !… Wie ich sein werde, wenn ich tot bin ? Aber es ist so leuchtend klar, so überwältigend einfach ! In allen denen werde ich sein, die je und je Ich gesagt haben, sagen und sagen werden : besonders aber in denen, die es voller, kräftiger, fröhlicher sagen… Irgendwo in der Welt wächst ein Knabe auf, gut ausgerüstet und wohlgelungen, begabt, seine Fähigkeiten zu entwickeln, gerade gewachsen und ungetrübt, rein, grausam und munter, einer von diesen Menschen, deren Anblick das Glück der Glücklichen erhöht und die Unglücklichen zur Verzweiflung treibt : – Das ist mein Sohn. Das bin ich, bald… bald… sobald der Tod mich von dem armseligen Wahne befreit, ich sei nicht sowohl er wie ich… », Buddenbrooks, op. cit., p. 670-671.
  • [46]
    Le sens de la mort de Thomas reste ambigu. Voir Les Buddenbrook, op. cit., p. 750-752 ; Buddenbrooks, op. cit., p. 674-675 et Les Buddenbrook, op. cit., p. 770-771 ; Buddenbrooks, op. cit., p. 693-694. Kaufmann lit cette mort comme une acceptation : « One’s ultimate entelechy is in his steering toward man’s ultimate end. It may be good to illustrate this amor fati by some examples drawn from the long series of characters from Buddenbrooks to Doctor Faustus and Felix Krull. It is, indeed, this final readiness that ennobles Thomas Buddenbrook in his enchanted moments of metaphysical insight. » F. Kaufmann, op. cit., p. 74.
  • [47]
    Friedrich Nietzsche, Le Gai savoir in Œuvres philosophiques complètes, V, textes et varaintes établies par Giorgio Colli et Mazzino Montinari, traduit de l’allemand par Pierre Klossowski, édition revue, corrigée et augmentée par Marc B. de Launay, Paris, Gallimard, 1982.
  • [48]
    Søren Kierkegaard, La Répétition ; Crainte et tremblement ; Une Petite annexe, in Œuvres complètes, V, traduit du danois par Paul-Henri Tisseau et Else-Marie Jacquet-Tisseau, Paris, Éditions de l’Orante, 1972.
  • [49]
    Gilles Deleuze analyse les points communs à l’éternel retour nietzschéen et la répétition kierkegaardienne. Il les associe à la pensée de Péguy. C’est en l’occurrence ici de la conception du « mythe vécu » de Thomas Mann, qui connaissait bien l’œuvre de Nietzsche, que ce fonctionnement se rapproche : « Il y a une force commune à Kierkegaard et à Nietzsche. […] Ce qui les sépare est considérable, manifeste, bien connu. Mais rien n’effacera cette prodigieuse rencontre autour de la pensée de la répétition : ils opposent la répétition à toutes les formes de généralité. Et le mot “répétition”, ils ne le prennent pas de manière métaphorique, ils ont au contraire une certaine manière de la prendre à la lettre, et de le faire passer dans le style. […] Faire de la répétition même quelque chose de nouveau ; la lier à une épreuve, à une sélection, à une épreuve sélective ; la poser comme objet suprême de la volonté et de la liberté. […] Et Nietzsche : libérer la volonté de tout ce qui l’enchaîne en faisant de la répétition l’objet même du vouloir. Sans doute la répétition est-elle déjà ce qui enchaîne ; mais si l’on meurt de la répétition, c’est elle aussi qui sauve et qui guérit, et qui guérit d’abord de l’autre répétition. Dans la répétition, il y a donc à la fois tout le jeu mystique de la perte et du salut, tout le jeu théâtral de la mort et de la vie, tout le jeu positif de la maladie et de la santé », G. Deleuze, op. cit., p. 12-13.
  • [50]
    Il le définit, dans sa conférence sur « Freud et l’avenir », comme une « répétition », et plus loin comme « un regard qui domine les choses dans l’ironie, car la connaissance mythique n’a ici son siège que dans l’artiste, que dans le voyant et non dans sa création. Mais qu’adviendrait-il si cet aspect mythique devenait subjectif, passait dans le moi qui joue son rôle, y devenait conscient de sorte qu’il se rendît compte, avec un orgueil triomphal ou sinistre, de ce qu’il est une réplique, un type ; s’il célébrait comme un office le rôle qu’il joue sur terre et tirait toute sa dignité de la conscience qu’il aurait de représenter à nouveau dans sa chair vivante ce qui est foncièrement valable, de l’incarner encore. C’est cela seulement qui serait, peut-on dire, du “mythe vécu”... », T. Mann, « Freud et l’avenir ; Conférence faite à Vienne le 8 mai 1936 pour célébrer le 80e anniversaire de la naissance de Sigmund Freud », p. 187-211 in Noblesse de l’esprit ; Essais, traduit de l’allemand par Fernand Delmas, Paris, Albin Michel, 1960, p. 203 et 204 ; « der Blick, den der mythisch orientierte Erzähler auf die Erscheinungen richtet und Sie sehen wohl : es ist ein ironisch überlegener Blick ; denn die mythische Erkenntnis hat hier ihren Ort nur im Anschauenden, nicht auch im Angeschauten. Wie aber nun, wenn der mythische Aspekt sich subjektivierte, ins agierende Ich selber einginge und darin wach wäre, so daß es mit freudigem oder düsterem Stolze sich seiner “Wiederkehr”, seiner Typik bewusst wäre, seine Rolle auf Erden zelebrierte und seine Würde ausschliesslich in dem Wissen fände, das Gegründete im Fleisch wieder vorzustellen, es wieder zu verkörpern ? Erst das, kann man sagen, wäre “gelebter Mythus”. » T. Mann, « Freud und die Zukunft ; Vortrag gehalten in Wien am 8 mai 1936 zur Feier von Sigmund Freuds 80. Geburtstag », Rede als Nachwort in Abriss der Psychoanalyse ; Das Unbehagen in der Kultur, FrankfurtamMain, Fischer Bücherei, 1958, p. 17-18.
  • [51]
    T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 77 ; « Diese Aufzeichnungen begannen mit einer weitläufigen Genealogie, welche die Hauptlinie verfolgte. Wie am Ende des sechzehnten Jahrhunderts ein Buddenbrook, der älteste, der bekannt, in Parchim gelebt und sein Sohn zu Grabau Ratsherr geworden sei. Wie ein fernerer Buddenbrook, gewandschneider seines Zeichens, zu Rostock geheiratet, “sich sehr gut gestanden” – was unterstrichen war – und eine ungeheime Menge von Kindern gezeugt habe, tote und lebendige, wie es gerade kam… Wie wiederum einer, der schon Johan geheißen, als Kaufmann zu Rostock verblieben, und wie schließlich, am Ende und nach manchem Jahr, des Konsuls Großvater hierhergekommen sei und die Getreidefirma gegründet habe. […] Und er hatte seinen Notizen manche gute Ermahnung an seine Nachkommen hinzugefügt, von denen, sorgfältig in hoher gotischer Schrift gemalt und umrahmt, der Stolz hervorstach : “Mein Sohn, sey mit Lust bey den Geschäften am Tage, aber mache nur solche, daß wir bey Nacht ruhig schlafen können.” Und dann war umständlich nachgewiesen, daß ihm die alte, zu Wittenberg gedruckte Bibel zugehöre, und daß sie auf seinen Erstgeborenen und wiederum auf dessen Ältesten übergehen solle… », Buddenbrooks, op. cit., p. 56-57.
  • [52]
    T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 198 ; « Und dann, plötzlich, mit einem Ruck, mit einem nervösen und eifrigen Mienenspiel – sie schluckte hinunter, und ihre Lippen bewegten sich einen Augenblick ganz schnell aneinander – ergriff sie die Feder, tauchte sie nicht, sondern stieß sie in das Tintenfaß und schrieb mit gekrümmtem Zeigefinger und tief auf die Schulter geneigtem, hitzigem Kopf, in ihrer ungelenken und schräg von links nach rechts emporfliegenden Schrift : “…Verlobte sich am 22. September 1845 mit Herrn Bendix Grünlich, Kaufmann zu Hamburg.” », Buddenbrooks, op. cit., p. 162.
  • [53]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 169 ; « Swithin, obéissant à l’impulsion qui pousse tôt ou tard quelque membre de toute famille importante, s’était rendu un jour au Bureau des armoiries. On l’y avait assuré qu’il appartenait sans aucun doute à la famille bien connue des Forsite avec un i, dont les armes étaient “trois écus dextres sur gueules à fond de sable”. On espérait, évidemment, le persuader de les relever. […] on lui avait dit au bureau qu’il n’avait qu’à payer les droits pour porter son blason. Il ne l’avait jamais oublié et sa conviction qu’il était né gentleman en avait été fortifiée. Insensiblement, le reste de la famille adopta le faisan et quelques-uns, plus sérieux que les autres, prirent aussi la devise. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 152.
  • [54]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 25 ; « Le vieux Jolyon, en qui une invincible sincérité surgissait quelques-fois, disait de ses ancêtres : – Des Yeomen, – de la très petite bière, je suppose. Pourtant il répétait le mot « yeomen » comme s’il y trouvait un réconfort. », La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 28.
  • [55]
    Alors que le « mythe vécu » mannien sera reconnu, délibérément choisi et assumé.
  • [56]
    Voir par exemple : J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 336.
  • [57]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 331 ; « Comme Orphée, naturellement, elle aussi cherchait son bien-aimé perdu dans cet antre du souvenir. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 292.
  • [58]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 345 ; « Faust, dans l’opéra, avait troqué son âme contre quelques années nouvelles de jeunesse. Idée morbide ! Aucun marché de ce genre n’était possible ; c’est là qu’était la vraie tragédie ! Pas moyen de se rendre jeune à nouveau, ni pour l’amour, ni pour la vie, ni pour quoi que ce soit. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 305.
  • [59]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, p. 534 ; non traduit dans le texte français.
  • [60]
    Mais eux ne connaîtront pas, contrairement à Jolyon, la joie du pardon paternel et du retour à la maison. Gotthold a demandé sa part d’héritage de manière anticipée pour pouvoir épouser contre l’avis de son père une « boutique ». Lorsqu’il réclame davantage, son frère conseille leur père dans le sens d’un refus, comme le fait le frère de la parabole vétérotestamentaire. Voir T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 63 et sq.; Buddenbrooks, op. cit., p. 44 et sq. et Les Buddenbrook, op. cit., p. 76 et sq.; Buddenbrooks, op. cit., p. 56 et sq.
  • [61]
    « [Soames parlant à Irene, au moment où il vient intercéder pour Fleur] “They say there’s such a thing as Nemesis. Do you believe in it ?” “Yes.” » J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 879 ; « Croyez-vous à une Némésis ? – Oui. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 767. Voir aussi The Forsyte Saga, op. cit., p. 668.
  • [62]
    Voir J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit. p. 830.
  • [63]
    « It might be a dead thing, that old tragic ownership and enmity, but dead things were poisonous till time had cleaned them away. » J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 870 ; « Les passions qui avaient animé cette vieille histoire tragique pouvaient être mortes, mais les choses mortes dégagent une atmosphère empoisonnée, avant d’être dissoutes par le temps purificateur. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 759.
  • [64]
    « There he [old Jolyon] sat in the gloomy confort of the room, a puppet in the power of great forces that cared nothing for family or class or creed, but moved, machine-like, with dread processes to inscrutable ends. This was how it struck young Jolyon, who had the impersonal eye. » J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 42 ; « Il était assis là, dans l’ombre riche de la pièce, marionnette aux mains de grandes forces qui n’ont souci ni de la famille, ni des classes, ni des croyances, mais qui s’avancent comme des machines, d’un mouvement fatal, vers des fins incompréhensibles. Telle était à ce moment l’impression de Jolyon le jeune, qui savait regarder les choses du dehors. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 43.
  • [65]
    « Chacun baissait les yeux sur son assiette, pensant à cette famille jadis si brillante, qui avait bâti et habité cette maison et qui, appauvrie, déchue, s’en était allée… […] Non pas, dit le consul pensif, sans s’adresser à une personne déterminée, mais je crois qu’il était nécessaire et inéluctable pour Dietrich Ratenkamp de lier son sort à celui de Geelmack, afin que la destinée pût s’accomplir… Il faut qu’il ait agi sous le poids d’une fatalité inexorable. » T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit. p. 35 ; « Man blickte in seinen Teller und gedachte dieser ehemals so glänzenden Familie, die das Haus erbaut und bewohnt hatte und die verarmt, heruntergekommen davongezogen war… […] “Das wohl nicht”, sagte der Konsul gedankenvoll und ohne sich an eine bestimmte Person zu wenden. ‘Aber ich glaube, daß Dietrich Ratenkamp sich notwendig und unvermeidlich mit Geelmaack verbinden mußte, damit das Schicksal erfüllt würde… », Buddenbrooks, op. cit., p. 22-23. Il s’agit de la famille qui a précédé les Buddenbrook dans la maison. Cette analyse du consul a une valeur proleptique pour ce qui concerne sa propre famille. Voir Les Buddenbrook, op. cit., p. 683-692 ; Buddenbrooks, op. cit., p. 609-618.
  • [66]
    « Plus fondamentalement, le naturalisme refuse une notion essentielle à la tragédie, celle de destin. » Yves Chevrel, Le Naturalisme, coll. « Littératures modernes », Paris, PUF, 1982, p. 57.
  • [67]
    Ibid., p. 57.
  • [68]
    T. Mann, Les Buddenbrook, op. cit., p. 853 ; Buddenbrooks, op. cit., p. 774.
  • [69]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 319 ; « s’il existait un au-delà, il n’y retrouverait pas ce qu’il voulait ; ce ne serait pas Robin Hill, ni des fleurs, ni des oiseaux, ni de jolis visages, de ceux qu’il avait autour de lui et qui n’étaient pas déjà si nombreux. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 283.
  • [70]
    J. Galsworthy, The Forsyte Saga, op. cit., p. 408 ; « Les arbres ne sont guère sensibles au temps, et le vieux chêne de la pelouse supérieure de Robin Hill ne semblait pas avoir vieilli d’un seul jour depuis l’époque où Bosinney, étendu sous son ombre, avait dit à Soames : « Forsyte, j’ai trouvé l’emplacement idéal pour votre maison. » Depuis lors, Swithin avait rêvé à l’abri de ses branches, et le vieux Jolyon y était mort. Et maintenant, tout près de l’escarpolette, Jolyon le jeune, qui n’était plus jeune, y venait manier ses pinceaux. » La Dynastie des Forsyte, op. cit., p. 356.

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