Notes
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[1]
Notamment par Julie Delafaye-Bréhier et par Mme Guizot, dont Raoul et Victor offre déjà le modèle d’un enfant terrible mais dans un cadre pseudo-picaresque sérieux. Voir nos « Lectures anachroniques » sur Les Enfans de la Providence de J. Delafaye-Bréhier et sur L’Écolier ou Raoul et Victor, dans la Revue des livres pour enfants, n° 168-169,1996, et n° 165, 1995.
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[2]
Feuilleton-roman, dans la mesure où il s’élabore au fur et à mesure alors qu’un romanfeuilleton serait plutôt un roman débité en épisodes pour le journal.
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[3]
Voir Marc Soriano, Guide de littérature pour la jeunesse, courants, problèmes, choix d’auteurs, Flammarion, p. 199, qui attribue cependant à Gavarni ce qui revient à Grandville.
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[4]
Sur l’histoire éditoriale de l’ouvrage, voir Ségolène Le Men, qui situe Jean-Paul dans la lignée de Robert le Diable et analyse plus particulièrement sa représentation iconographique (« De Jean-Paul Choppart à Struwwelpeter. L’invention de l’enfant terrible dans le livre illustré », Revue des Sciences Humaines n° 225 : L’Enfance de la lecture, 1992). Et Laura Kreyder, qui fournit de précieux éléments sur la carrière de Desnoyers et sur l’évolution du texte (« Les Petits diables. L’enfant terrible au XIX e siècle », Il Diavolo fra le righe. Presenza e forme del demoniaco nella letteratura francese dal XVII al XIX seculo, a cura di Francesca Melzi e d’Eril Kaucisvili, Milan, 1995).
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[5]
Voir la correspondance inédite entre Hetzel et Desnoyers dans l’article de Laura Kreyder (note 4).
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[6]
« Children in the Just Milieu (Comments to the Journal des enfans, I, (1832-1833) », Romanische Forschungen, Frankfurt-am-Main, juillet-septembre 1967, p. 345-377.
-
[7]
Catherine Duprat, Usage et pratiques de la philanthropie. Pauvreté, action sociale et lien social à Paris, au cours du premier XIXe siècle, Comité d’Histoire de la Sécurité Sociale, 1997, tome 2, p. 686-687.
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[8]
Laura Kreyder, « Le Vaudeville et le roman enfantin. L’exemple des Saltimbanques et de Jean-Paul Choppart », Cahiers Robinson n° 8 : L’Enfant des tréteaux, Arras, 2000.
-
[9]
À partir de 1837, le Journal des Enfans est lui-même publié par une société en commandite dont les statuts ont été publiés par Anne Besson-Morel dans sa thèse, La Presse enfantine sous la Monarchie de Juillet., Université de Paris IV-Sorbonne, 1998. Au chapitre 20 des Mésaventures seront supprimées une allusion à l’actualité de l’année 1832, « temps d’épidémie cholérique et commanditaire » ainsi qu’une entreprise de contrefaçon de livres à laquelle se consacre La Galoche en Belgique, comme l’a noté L. Kreyder.
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[10]
Parue chez Michel Lévy fr, 1853-1858. Voir Martine Preiss, Les Physiologies en France au XIXe siècle, étude historique, littéraire et stylistique, Éditions Interuniversitaires, Mont-de-Marsan, 1999, p. 36.
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[11]
Cité par Véronique Bui, « Comment l’eau carminative vint à Balzac : la poétique de la publicité dans le quotidien », Presse et littérature au XIXe siècle, colloque dirigé par Alain Vaillant et Marie-Ève Thérenty, Montpellier, 2001, à paraître.
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[12]
Louis Reybaud, qui sera encore l’auteur du Dernier commis-voyageur (M. Lévy fr., 1845), est lui-même un des publicistes écrivant sur les voyages, les utopies, préfaçant le Robinson Crusoe traduit par Mme Tastu (« Notice sur Foe et le matelot Selkirk ») et participant à des journaux pour enfants, tout en se livrant à des études qu’on peut qualifier d’« industrielles », Du monopole de la traite des gommes au Sénégal (extrait du Journal des Économistes, Guillaumin, 1842), ou Le Fer et la Houille, suivies du canon Krupp et du Familistère de Guise. Dernière série des Études sur le régime des manufactures (Lévy, 1875).
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[13]
Voir Corinne Saminadayar-Perrin, « Presse, rhétorique, éloquence », Presse et littérature au XIXe siècle, à paraître.
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[14]
Voir Patrick Berthier, « À propos du Théâtre Comte », Cahiers Robinson n° 8.
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[15]
Voir Laura Kreyder, « Le Vaudeville et le roman enfantin… », Cahiers Robinson n° 8.
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[16]
Serge Saint-Michel, Le Roman-photo, Larousse, 1979.
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[17]
Hachette, 1950.
1Lorsqu’il lance en 1832 Le Journal des Enfans, Saint-Charles Lautour-Mézeray a beau se vanter de faire du neuf, il n’a en tête qu’un « recueil » composé principalement de récits apparentés au conte moral. C’est ce genre qui a nourri l’édition de jeunesse depuis la fin du XVIII e siècle et qui continue de fournir une matière malléable, pour toutes sortes d’opérations de librairie partagées entre le modèle du livre et celui du périodique. La nouveauté est ailleurs, dans le noyau fondateur, très masculin, dans la personnalité même des « publicistes » qui entourent ce dandy ami de Balzac et de Girardin et qui viennent tous des petites feuilles satiriques bien éloignées du monde de l’enfance. Aucun ne pouvait sérieusement prétendre à faire la leçon aux jeunes Français, et beaucoup avaient participé à l’emblématique Voleur du même Lautour-Mézeray, un périodique constitué d’articles déjà parus et « empruntés » de manière plus ou moins licite. Janin, qui dispute à Dumas l’honneur d’avoir inventé « la littérature facile », n’en signe pas moins ici des éditoriaux pleins de componction, et tous s’appliquent à illustrer des moralités qui prennent cependant des airs quelquefois saugrenus, sans qu’on puisse aujourd’hui faire la part de la malignité délibérée. Les quelques études de contenu dont nous disposons sur cette publication sont restées aveugles à ces fantaisies, trop occupées à exposer un projet politique, voire un plan d’endoctrinement, sans doute attestés mais pour le moins contradictoires.
2Ainsi le conte moral prétend-il nous donner le portrait d’une mère de famille exemplaire, seule à même d’assurer l’éducation et la santé de ses enfants. Mais cette image idéale d’une mère douée d’un sens de la divination comme dans « Le Petit doigt de la maman » de M. Raymond (pseudonyme de Michel Masson et Raymond Brucker) se trouve assez vite brouillée dans certains récits qui jouent d’abord sur le hasard et qui cherchent la couleur dramatique. Ainsi, dans « La Clef d’or » d’Eugénie Foa, une femme qui prendra de plus en plus de place dans cette publication en l’orientant vers un romanesque moins satirique, un enfant âgé de six ans s’est perdu et rencontre une dame qui s’apprête précisément à retrouver son fils qu’elle n’a pas vu depuis cinq ans. Par un hasard étonnant, ce fils a le même nom et le même âge que cet enfant. Malgré toutes ces coïncidences propres à alerter le lecteur le plus novice ou le moins intuitif, aucun instinct maternel ne guide cette dame qui se trouve être évidemment la mère de ce petit Alfred : « Mais c’était donc mon fils, et je ne m’en suis pas doutée, et tout mon cœur n’a pas bondi de joie, et rien en moi ne me criait : mère, c’est ton fils ! »
3Pour créer l’effet dramatique, pour donner corps au littéraire, l’auteur en vient ici à contester l’existence de cet instinct célébré dans nombre d’histoires morales. Et c’est dans cette perspective que l’on peut recevoir les deux épisodes proposés par Louis Desnoyers dans les deux premiers numéros du Journal, sous un titre éloquent, « Les Illusions maternelles ». En effet, les nombreux défauts d’un jeune garçon y sont pour l’essentiel expliqués par l’indulgence excessive d’une mère tout aussi aveugle sur les tares physiques de son fils. Celui-ci n’est-il pas doté comme le père Grandet d’une verrue qu’elle voit comme une « coquetterie » ? Dès le départ, cette notation, supprimée dans le texte définitif, fonde une sorte de « réalisme » qui vient altérer la simplicité de l’anecdote morale et qui sera critiqué avec beaucoup de mauvaise foi par Nathalie Sarraute dans son article « L’Ère du soupçon », où elle reproche à Balzac de ne pas nous épargner la loupe sur le nez du père Grandet. Précisément, cette verrue, qui est aussi celle du texte, apparaît telle une excroissance pittoresque où l’écrivain peut se libérer. Et c’est en grossissant le trait, en laissant jouer ses réflexes de caricaturiste, que Desnoyers met en route une mécanique où l’aventure est appelée par la critique même de l’aventure.
Naissance du feuilleton-roman
4L’enfant terrible se montre sous un jour plus méchant que d’ordinaire, refuse la punition et se sauve. Il est « emprisonné » par le garde champêtre après un simulacre de procès, soudoie le fils de son geôlier Petit-Jacques qui le libère et s’enfuit avec lui pour une aventure dans un vaste monde réduit aux limites d’un canton. Ils travaillent pour un meunier mais, se lassant du travail et de la soupe aux choux, se laissent séduire par les discours d’un chef de troupe qui se dit pourtant « roi de Tourte-Maigre » et qui va occuper le devant de la scène sous le nom de Marquis de La Galoche, etc. Tout cela relève bien de cette excroissance qui échappe à tout projet délibéré et qui va donner au conte moral les dimensions d’un petit roman d’aventures. Mais ce n’est pas le roman pour la jeunesse que Desnoyers invente, puisque le genre avait déjà été abondamment illustré sous la Restauration [1]; c’est bien plutôt, quelques années avant La Vieille fille de Balzac, le roman-feuilleton ou plus exactement le feuilleton-roman [2]. Cela, sans le savoir, et selon une formule qui se cherche et qui n’a pas encore de nom. Alors qu’il annonçait originellement une simple escapade de 48 heures, c’est « chemin faisant » que Desnoyers enrichit les aventures d’un personnage auquel rien n’accordait un tel avenir, et pour lequel il développe la trame d’un autre récit paru dans le premier numéro du Journal des Enfans, « Le Petit Robinson », un texte anonyme qu’on pourrait croire de lui à en juger par le ton, mais qui est tout simplement dérobé au feu Bon Génie de Laurent-Pierre de Jussieu. Marc Soriano avait déjà observé cette composition au jour le jour, qui entraîne des interruptions traitées avec désinvolture. C’est visiblement pour combler un trou qu’on donne au lecteur un portrait de Jean-Paul [3] accompagné de ce commentaire : « Vous savez, mes chers amis, dans quelle position fâcheuse nous avons laissé Jean-Paul Choppart. Nous n’en avons point entendu parler depuis ; mais comme nous ne voulons pas que vous le perdiez entièrement de vue, nous vous donnons le portrait de ce petit méchant, au moment où, comme on vous l’a raconté dans le dernier numéro, il tourmentait un singe, qui le punit si bien de ses mauvais traitements. Nous ne vous avions pas promis de dessins ; nous vous en donnerons cependant : et ce sont MM. Grandville et Cherret, deux de nos artistes les plus distingués, qui se sont chargés de leur exécution. »
5La table des matières annuelles, en faisant apparaître le titre « Les Aventures de Jean-Paul Choppart (suite aux “Illusions maternelles”) » dès le n° 2, donne l’illusion d’un projet déjà défini, tandis qu’au moment de la livraison il était encore simplement question de ces « Illusions maternelles ». Le personnage s’y appelait Chopard tandis que les chapitres III et IV annonçaient « Les Aventures de Paul Choppart ». L’imprécision du nom souligne bien le caractère erratique d’une narration qui affiche son caractère fractionné et improvisé. Par ailleurs, l’édition en librairie effacera tous les passages destinés à faire le lien entre les diverses livraisons et que Desnoyers n’était pas sans développer avec complaisance, insistant délibérément sur les « ficelles » du suspens. Ces rappels peuvent nous apparaître comme des naïvetés dues à la nouveauté même du procédé, comme si l’auteur ne faisait pas encore confiance à son lecteur, par ailleurs encore jeune et inexpérimenté. Mais ils relèvent aussi d’une fantaisie verbale, Desnoyers exagérant l’effort de précision. Disparaîtront ainsi le dernier paragraphe du premier épisode : « Mais laissons-là aujourd’hui ce malheureux enfant. Nous verrons la prochaine fois comment il fut tiré de cette situation difficile, et ce qui lui advint ensuite de plus intéressant », et surtout plusieurs paragraphes au début du second, qui récapitulaient longuement et avec emphase les événements précédents : « Ainsi donc… », « Nous avons vu ce petit malheureux… », « Nous l’avons vu… » D’autres suppressions s’imposeront, quand Desnoyers s’excusait de ses interruptions, puisque l’histoire paraît irrégulièrement dans les n° 1,2,3,5,7,8,10,12,14 du Journal : « J’ai tardé bien longtemps à vous conter la suite des aventures de Paul [sic] Choppart », écrivait-il au début du chapitre IV, avant de se livrer à un long rappel. Et au chapitre V : « Ce n’est point par oubli, mes enfans, que je suis resté deux mois sans vous donner quelques nouvelles de Jean-Paul […] Je suis obligé de courir le pays qui fut le théâtre de ses aventures… »
6La fugue de Jean-Paul Choppart ne tient donc qu’en neuf épisodes dans le Journal des Enfans. Desnoyers ne cessera de la développer [4]. La première édition en librairie, chez Allardin, en 1834, est sans doute corrigée et délestée des passages que nous venons d’indiquer, mais augmentée de plusieurs chapitres. Bien qu’annoncée comme « complète », elle est loin d’un état définitif puisqu’en 1836, chez Bureau/Aubert, – édition également dite « corrigée et augmentée de nouveau par l’auteur » –, le boniment du marquis de La Galoche est largement enrichi. Ce marquis de La Galoche, chef de la méchante troupe de saltimbanques où Jean-Paul et Petit-Jacques trouvent divers emplois qui les rabaissent à l’état de sauvages, devient d’ailleurs le personnage principal, celui qui va maintenant mobiliser la verve de l’auteur. En 1843, chez J.-J. Dubochet qui distribue aussi l’ouvrage en livraisons à 15 centimes, le titre mentionne en outre l’« Histoire de Panouille », une sorte de récit enchâssé qui permet d’introduire un « vrai » délinquant sans espoir de rachat. En 1854, chez Passard, un éditeur d’ouvrages gais sans relation habituelle avec la jeunesse, apparaît l’expression définitive de Mésaventures, et sont encore ajoutés un second boniment du marquis de La Galoche et des tours de magie. Après 1860, Bernardin-Béchet assurera des retirages réguliers, en concurrence avec Hetzel à partir de 1865. Celui-ci apporte d’ultimes modifications à un moment où Desnoyers n’a plus guère la force de les faire lui-même [5].
7Ces diverses voies éditoriales traduisent l’ambiguïté d’un projet qui apparaît comme une réussite exceptionnelle de la littérature de jeunesse tout en n’y adhérant que par défaut. Si Les Mésaventures de Jean-Paul Choppart ont gagné leur visage définitif dans la « Bibliothèque d’Éducation et de Récréation », Desnoyers a toujours revendiqué un autre public, celui qu’il touche dans Le Charivari et qu’il touchera comme rédacteur en chef du Siècle, où il imposera le modèle de feuilleton expérimenté par lui-même dans cette presse des enfants.
Une contre-éducation
8Aussi son récit est-il à la fois éducatif et anti-éducatif, et en cela proche d’autres feuilletons aussi erratiques dans leur composition que celui de Dumas, « Jacques Ier et Jacques II » ou de Soulié, « Le Tour de France », feuilletons qui changent de titre quand ils ne tournent pas court. Éducatif, puisqu’il s’agit de redresser un jeune garçon aussi mal embouché que possible. Mais en régime romanesque, le redressement passe par des procédures particulièrement coûteuses dont la finalité ne tarde pas à être perdue de vue. Ainsi le vagabondage de Jean-Paul est-il, sans qu’il le sache et comme le lecteur le découvre peu à peu, organisé par M. Choppart et par un de ses serviteurs, un mystérieux homme noir qui le suit partout et qui s’arrange pour le faire souffrir tout en jouant le rôle de la Providence. La visée éducative justifie une certaine complaisance à donner des coups, marquant par là que tout texte édifiant doit passer par des malheurs, qui sans doute ne sont pas sans réjouir l’enfant lecteur. À ce propos, A. Adler fait un rapprochement suggestif avec Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister où le héros découvre au bout d’un assez long temps que toutes ses aventures ont été suivies par une société qui l’a laissé vivre comme il l’entendait, préférant la leçon de l’expérience aux conseils qui dispensent de vivre [6]. Desnoyers se situe bien dans cette perspective du « roman de formation » qu’il illustre cependant d’une manière caricaturale, comme s’il jouait sur le mot, en infligeant à son personnage toutes sortes de déformations.
9Cette grande équivoque du projet moral est liée à la forme romanesque. Que surgisse le saltimbanque, le bohémien, ou le forain, et l’enfant se précipite. Sinon lui, du moins l’auteur, car l’enfant ravi, volontaire ou forcé, fréquentera assidûment le cirque, qui est d’abord une illusion entretenue par le langage. C’est ce que montre le personnage du marquis de La Galoche, de son vrai nom Jules Bernard, époux de la reine des îles Salmigondis. Il personnifie la déchéance volontaire des fils de famille, déchéance traînant avec elle le déguisement, le dérangement de la morne existence qu’on devine dans ce canton. On serait tenté de parler d’une veine picaresque, à condition d’oublier que le vrai picaro est de très basse extraction et qu’il n’a aucun espoir de s’élever. Jean-Paul Choppart vit des aventures provisoires comme Rinconete et Cortadillo, les deux personnages des Nouvelles exemplaires de Cervantès, attirés par cette sorte de Cour des Miracles que l’on venait de retrouver dans Notre-Dame de Paris : le grotesque de Desnoyers est bien dans la ligne romantique de Hugo, soulignée par les illustrateurs. Ainsi, comme Ségolène Le Men l’a observé, une planche de l’édition Allardin montre le visage de Jean-Paul Choppart en prison, grimaçant dans l’ouverture d’un soupirail, tel Quasimodo dans l’oculus, au moment du concours de grimaces. De même, l’épisode de Panouille suggère un Paris dont les avenues et les jardins vivraient sous le régime de la terreur, sous la menace des faux mendiants et des ravisseurs. Cette peur, un ouvrage « savant » s’était chargé en 1838 de l’entretenir pour longtemps, sous un titre devenu fameux, Des classes dangereuses de la population dans les grandes villes et des moyens de les rendre meilleures. Son auteur, H.A. Frégier, avait certes consulté des registres et des statistiques, mais il s’était plus sûrement inspiré de cette littérature pittoresque qu’il nourrira à son tour, suscitant en premier lieu cette « Histoire de Panouille » rajoutée par Desnoyers. En effet, selon Catherine Duprat, nul n’évoque le problème social du vagabondage enfantin avant 1836-1840, et l’on relève très peu de représentations de l’enfant vagabond dans la littérature [7]. Un inventaire de la librairie de jeunesse nuance cette seconde observation, et si le mémoire de Frégier se révèle « descriptif, picaresque, romantique », c’est bien dans la ligne des récits du Journal des Enfans ou du Musée des familles, auxquels en revanche n’avaient pas échappé les fameux Mémoires de Vidocq parus chez Tenon en 1828-29 : Laura Kreyder y a retrouvé des pages qui n’ont pu qu’inspirer Desnoyers pour certaines mésaventures de Jean-Paul Choppart et qui font penser à une invention romanesque davantage qu’à un récit de vie authentique [8].
10La « maison roulante » du Marquis de La Galoche, aussi sordide qu’elle soit, permet de ne pas s’enfermer dans une vie sédentaire et ressortit à une pulsion romantique à laquelle Vigny ne tardera pas à donner corps : en 1844, paraîtra dans la Revue des Deux Mondes son poème philosophique « La Maison du berger », maison qu’on dit inspirée des Martyrs de Chateaubriand où Velléda rêvait de promener sa cabane de solitude en solitude (« et notre demeure ne tiendrait pas plus à la terre qu’à la vie »), mais aussi de la roulotte de sa maîtresse, la comédienne Marie Dorval. Cette « maison roulante », Vigny l’oppose au « taureau de fer qui fume, souffle et beugle », au chemin de fer qui doit triompher du temps et de l’espace pour satisfaire les marchands. De même, la troupe de La Galoche va au hasard, ignorant « le chemin triste et droit » selon l’impératif des Voyages en zigzag de Töpffer, annonçant aussi Le Capitaine Fracasse de Théophile Gautier. Mais elle ne connaît pas la rêverie amoureuse et paisible, et voudrait sacrifier aux lois du commerce. Ainsi les discours dans lesquels le marquis vante son spectacle ou son élixir trahissent-ils une superbe jubilation langagière dans la lignée du pantagruelion de Rabelais, mais non sans rappeler la réclame nouvelle, telle qu’on peut la lire en 1837 dans César Birotteau de Balzac, ouvrage composé alors que Desnoyers retouche son feuilleton en appuyant précisément les effets de charlatanisme.
11Après avoir été payé « pour sa coopération dans le grand œuvre de la régénération morale des deux étourdis », La Galoche gagne Paris, où règne le fléau de la commandite [9] et fonde une société qui prétend servir de la musique à domicile, au moyen de tuyaux acoustiques. En voulant se moquer, Desnoyers campe sur des positions très différentes de celles d’un Vigny et anticipe sur les rêveries d’un Jules Verne lui-même fasciné par le « puffisme ». Le puffisme, c’est-à-dire l’art de la réclame poussé jusque dans ses dernières extrémités et défini par Jules Janin en personne dans son Histoire de la littérature dramatique [10]. Mais le marquis de La Galoche, qui prend une importance grandissante au fil des remaniements, c’est Desnoyers lui-même, l’artiste-journaliste en saltimbanque, engagé totalement dans le grand cirque de la presse et de l’édition, sorte de commis-voyageur de son œuvre, à l’image du Gaudissart de Balzac (lui-même « placier de la maison Balzac » selon André Wurmser [11] ) qui se charge par ailleurs de placer des abonnements pour le Journal des enfans.
12Si l’artiste aime à se montrer en saltimbanque, il touche aussi au grand cirque de l’industrie, à ces sociétés en commandite et à leurs annonces de produits miraculeux, raillés par Balzac ou par Louis Reybaud qui, dans Jérôme Paturot à la recherche d’une position sociale (Dubochet), inventera une réclame pour le « Bitume impérial du Maroc » digne des discours de La Galoche [12]. Desnoyers en profite aussi pour égratigner au passage les philanthropes qui prétendent s’activer « pour l’humanité souffrante », et La Galoche invente même un « élixir philanthropique », si bien que le livre pourrait être rangé parmi les Physiologies de l’époque qui ne cessent de revenir sur ces questions « sociales ». Curieusement, Desnoyers croise les techniques orales et écrites, l’éloquence de l’orateur à la Chambre ou de l’arracheur de dents à la foire, et l’argumentation de la réclame, qui deviendra « publicité ». Si le journal est l’illustration d’un Babel généralisé, s’il est carnavalisation des discours [13], le récit de Desnoyers en donne la transposition romanesque dans un journal lui-même emblématique. Lire aujourd’hui Les Mésaventures de Jean Paul Choppart, c’est retrouver comme un précipité de tous les motifs qui agitent alors le monde de l’édition, c’est se trouver face à un texte qui joue sur deux publics, les adultes étant conviés à lire un livre qui feint d’être pour les enfants et qui suppose une seconde lecture, en lien avec l’actualité sociale et littéraire.
13C’est bien dans l’esprit de ces Physiologies que Louis Desnoyers ne cessera de retravailler à son Choppart. Mais il atténue les défauts des parents. Par exemple, on ne lit plus que le père était un « chasseur fieffé » qui ne veillait pas suffisamment sur son fils ; c’est néanmoins en s’en prenant à ce loisir paternel que le garnement commencera à sentir venir « l’orage ». Adoucissant son propos, Desnoyers accentuera par compensation un non-sens qui constitue par ailleurs un des attraits du livre. Ainsi « Les Illusions maternelles » commençaient-elles par ce paragraphe : « Jean-Paul appartenait à une famille aisée de la basse Normandie. Il avait des sœurs, ce qui était malheureux pour elles, et point de frère, ce qui faisait dire à sa mère que Jean-Paul était le coq de la famille. Triste coq ! », auquel est substitué celui-ci : « Jean-Paul appartenait à une famille d’honnêtes bourgeois. Il avait des sœurs, ce qui était très malheureux pour elles ; mais il n’avait pas de frères, ce qui était très heureux pour eux ».
14Il atténue aussi le caractère prêcheur de la publication en feuilleton, qui procédait d’une contrainte rédactionnelle sans doute venue de Lautour-Mézeray et à laquelle le dénouement de Jean-Paul Choppart n’échappait pas : « Ah ! mes enfans, pourquoi vous tiendrais-je plus longtemps en peine ». Dans les éditions en librairie, Desnoyers, tout en gardant ce principe de l’apostrophe, la modifiera : « Ah ! mes amis, pourquoi vous tiendrais-je plus longtemps en peine ? » La phrase ainsi reformulée est davantage reçue comme un clin d’œil au lecteur, et l’écriture de Desnoyers conteste alors, subtilement, le ton du journal qui l’a accueilli. Cela se vérifie particulièrement dans un passage où les deux garçons sont menacés de périr brûlés dans l’incendie d’une grange (primitivement au chapitre IX et dernier, et désormais au chapitre XVIII), passage fortement allégé (nous plaçons entre crochets ce qui a disparu, et en italiques le mot qui a été ajouté) : « Ils réussirent pourtant, car la Providence le voulut ainsi ; car [surtout, mes très-chers enfants, retenez bien ce que je vais vous dire, et que cette maxime inspire votre conduite, et si dans le cours de votre existence vous vous trouvez en quelque grand péril; c’est à savoir que] le plus sûr moyen de se garantir de tout, c’est justement de n’avoir peur de rien ».
Spectacles
15Dans cet ouvrage fait à la gloire d’une troupe ambulante, Desnoyers ne peut s’empêcher de penser à des spectacles plus sédentaires et parisiens. Lorsque la troupe, arrivée pour le dénouement dans la famille Choppart, donne une représentation hilarante, l’orgue de barbarie massacre des airs à la mode, La Caravane du Caire (un vieux succès de Morel de Chédeville, musique de Grétry), La Femme sensible, Fanfan la Tulipe, etc. Du reste, en 1833 le Journal annonçait une pièce à grand spectacle au théâtre de M. Comte, « elle est dit-on de deux auteurs qui ont déjà travaillé pour des théâtres plus élevés. Gillette de Narbonne, La Femme du voisin, Le Royaume des Femmes, sont d’un bon augure pour les Aventures de Jean-Paul Choppart ou Le Voyage autour du monde ». Parmi les deux auteurs pressentis, figurait à coup sûr Charles Desnoyer, le presque homonyme de Louis Desnoyers, puisqu’il avait participé à la rédaction de ces trois pièces, avec d’autres comme Fontan ou Ader. Quant à ce Théâtre Comte, fondé par le prestidigitateur du même nom, il avait commencé par donner des représentations de magie blanche et de « fantasmagorie ». « Théâtre de physique amusante, ventriloquie, magie » puis « Théâtre des Nouveautés », il obtient l’autorisation de faire jouer des petites pièces par des enfants ; installé au Passage des Panoramas, il est alors le « Théâtre des Jeunes-Élèves ». En 1827, passage Choiseul, est ensuite construit un théâtre qui, agrandi, deviendra plus tard le Théâtre des Bouffes-Parisiens. Comte, prestidigitateur et ventriloque, « physicien du roi » à l’époque de Louis XVIII, était connu pour son habileté prodigieuse mais aussi pour ses boniments, ses lazzis, ses mystifications. L’ombre portée de Comte, à la fois faiseur de fantasmagories et entrepreneur de spectacles pour enfants [14], signale ce dernier comme un autre des multiples modèles possibles de La Galoche, et il était tout naturel qu’on pense à ce roman pour son Théâtre.
16Mais c’est au Théâtre des Variétés, le 25 janvier 1838, que sera représentée à Paris une parade en 3 actes par Dumersan et Varin, Les Saltimbanques, jouant très librement avec le thème d’origine. L’intrigue présente des variations importantes : Sosthène Ducantal, devenu amoureux de la charmante Zéphirine, se fait engager dans une troupe de saltimbanques dont elle fait partie et qui est dirigée par le dénommé Bilboquet. Ceci, au prix des plus cruels sacrifices, y compris celui d’une molaire. Ducantal père se met à la recherche de son héritier, le rejoint, le reperd, perd aussi sa malle, les retrouve après maintes péripéties. On découvre des liens de parenté entre Ducantal et Bilboquet, qui se révèle de plus être le père de Zéphirine. Il la donne en mariage à Sosthène. Selon Larousse, « Les Saltimbanques sont moins une pièce qu’une suite ininterrompue de charges bouffonnes, de calembours et d’arlequinades ». Quant à Bilboquet, il « est resté le type de l’industriel qui sait tirer parti de tout par des moyens plus ou moins légitimes, qui fait valoir les droits les moins authentiques et qui, s’il se produit une débâcle, songe d’abord à sauver la caisse. C’est lui qui, lorsqu’on trouve dans sa baraque une malle dont on ignore la provenance et qu’on lui dit : “cette malle est-elle à nous ?” répond imperturbablement : “Elle doit être à nous” ». Cette pièce eut un grand succès et connut un prolongement, Gringalet, fils de famille, suite des Saltimbanques (1842). Un de ses intérêts tient en ce qu’elle présente des éléments, et notamment le personnage de Zéphirine, qui n’apparaîtront que dans les futures éditions en librairie [15], confirmant la manière de travailler d’un Desnoyers toujours appliqué à « recycler » les motifs que lui offrent les journaux ou les vaudevilles.
17Mais, dans un projet qui se veut réaliste et fort éloigné du merveilleux des contes de fées, Desnoyers multiplie les références à la fantasmagorie, un genre de spectacle mis au point par le physicien Robertson à la fin du XVIII e siècle, et où l’on produit dans l’obscurité, sur une toile transparente, des figures lumineuses, de préférence macabres ou diaboliques. Lorsqu’il se retrouve dans un cachot tout noir, Jean-Paul entend de vagues mugissements, d’étranges tintements, des sons lugubres, et ressent toutes sortes d’impressions qui sont autant de frayeurs. Au matin, il découvre même une « tête sans corps » par la chatière. Cette tête, c’est tout simplement « une bonne et large figure », celle du brave Petit-Jacques, le fils du garde champêtre, mais Desnoyers ne va cesser de broder sur ces équivoques et sur cette fantasmagorie qui renvoie aussi bien au monde du spectacle et de l’illusion qu’à la veine fantastique chère aux Romantiques et à Balzac, ce fantastique qui se déploie parallèlement au Réalisme. Au chapitre IX du livre, lorsque les objets du paysage défilent devant la lucarne de la « maison roulante », comme produits par une lanterne magique, Desnoyers écrit : « Ce fut au milieu de cette fantasmagorie d’objets qui traversaient rapidement le cadre immobile du mobile tableau, qu’il lui sembla distinguer le grand squelette que vous connaissez, cet être fantastique qu’une cause mystérieuse lui faisait rencontrer toujours ». Fantôme, apparition, l’auteur reprend ici les grands motifs du récit réaliste, rappelant par exemple le Mérimée de La Double Méprise, où les agitations psychiques produisent de ces fantasmagories. Il pouvait penser aussi à un récit paru dans le n° 1 du Journal, « Le Pavillon magique », où la fantasmagorie surgissait au travers d’une mise en scène pédagogique des plus extravagantes. En effet, deux cousins se querellent ; Lucien, qui a lu beaucoup de féeries, prétend avoir vécu des moments merveilleux et s’attire les vives moqueries d’Edmond. Surviennent les adultes, et c’est Edmond qui est puni pour sa méchanceté. On l’enferme dans un pavillon séparé, où il assiste à d’étranges phénomènes, puisque le paysage qu’il voit de sa fenêtre change perpétuellement, le mettant dans un état affreux qui l’amène à admettre la possibilité de la magie : « Les objets les plus fantastiques s’offraient à lui, et il lui semblait qu’il avait été transporté dans un autre monde ». Quand il se repent de son incrédulité, on lui révèle que le pavillon tourne autour d’un pivot et qu’il ne s’est rien passé d’extraordinaire. Curieuse pédagogie, quand c’est le rationaliste qui doit recevoir une leçon, et cela dans un journal qui prétend lutter pour la raison ! En tout état de cause, cette leçon ne fut pas perdue pour Desnoyers qui applique la même méthode et s’aventure perpétuellement au seuil du surnaturel.
18Mais c’est plutôt la tentation du merveilleux qui point dans les dernières pages du roman, quand la troupe arrive devant une maison de campagne inconnue dont on apprendra qu’elle a été louée par le père de Jean-Paul; on voit des lumières et des ombres traverser en tous sens les appartements, mais on ne rencontre personne dans cet édifice où l’on s’attendrait déjà à trouver le grand Meaulnes et qui est comparé à « une espèce de palais magique, comme en voit dans les contes de fées »…
19Cette complexité justifie assez l’accueil fait à l’ouvrage de Desnoyers, qui apparaît comme un événement capital dans l’histoire de la littérature de jeunesse. Une référence, à l’intérieur et à l’extérieur du Journal, pour bien longtemps. Dans le tome de la 2e année, Michel Raymond commence un récit, « La Campagne », par cet avertissement : « Chers enfants, à qui le franc et joyeux rire va si bien, je voudrais avoir à vous raconter une de ces ingénieuses et divertissantes histoires comme celle de votre bon ami, l’auteur de Jean-Paul Choppard [sic], malheureusement je ne sais qu’un conte assez triste »… Le premier livre pour la jeunesse d’Hector Malot, Romain Kalbris, devra beaucoup à ce récit qui, sous le Second Empire, donna également la matière du premier de tous les romans-photo, grâce aux soins d’Henri Tournier, directeur de L’Actualité, journal quotidien illustré [16]. Bien plus tard, en 1894, Georges Montorgueil dédiera son ouvrage, Les Trois apprentis de la rue de la Lune, au personnage de Desnoyers : « à Jean-Paul Choppart dont la Vie intéressante et les aventures ont si fort amusé ma jeunesse, je dédie, avec reconnaissance, ce livre né de son souvenir ». De fait, le texte, un peu inégal et quelquefois moins déluré que l’illustration due à Louis Le Riverend et à Paul Steck, reprend certains épisodes célèbres, et un gamin, pour gagner sa vie, fera aussi le sauvage, « le féroce habitant des îles océaniennes », tandis que les boniments du père Grigou rappellent, en plus canaille, ceux du marquis de La Galoche. Au XX e siècle, d’autres adaptations pour le théâtre suivront, par A. Achaume et M. Dubois en 1926, par M. Lahy-Hollebecque en 1939. Cependant, le moins étonnant n’aura pas été, en 1876, la publication chez Belin d’un recueil d’exercices contenant trente fables de La Fontaine et une grande partie des Mésaventures de Jean-Paul Choppart à traduire en latin, si ce n’est en 1875 l’édition du livre en sténographie Duployé…
20Désormais, c’est en référence à Jean-Paul Choppart qu’on écrit. « Il y a en ce livre autre chose qu’une leçon morale; il est le point de départ sensationnel d’une immense production où l’on voit vivre des enfants chez des bohémiens ; enfants trouvés, volés, abandonnés […]. Chaque année il se publie dans les petits journaux illustrés un certain nombre de récits dont l’idée mère est due à Desnoyers », écrira Jean de Trigon dans son Histoire de la littérature enfantine [17]. Mais les enfants volés ou fugueurs n’avaient pas attendu Jean-Paul Choppart, et celui-ci préside plus largement encore à la naissance d’une littérature « facile » qui ne tardera pas à faire le bonheur de la presse pour adultes. En cela, le récit de Desnoyers, qui a conservé tout son caractère « mirobolant » pour le lecteur d’aujourd’hui, prend toute sa place dans la littérature « industrielle » ou « panoramique », tantôt vilipendée, tantôt célébrée, de Sainte-Beuve à Walter Benjamin. Et quelque malentendu préside sans doute à la postérité d’un ouvrage qui reste à bien des égards unique dans la littérature de jeunesse.
Notes
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[1]
Notamment par Julie Delafaye-Bréhier et par Mme Guizot, dont Raoul et Victor offre déjà le modèle d’un enfant terrible mais dans un cadre pseudo-picaresque sérieux. Voir nos « Lectures anachroniques » sur Les Enfans de la Providence de J. Delafaye-Bréhier et sur L’Écolier ou Raoul et Victor, dans la Revue des livres pour enfants, n° 168-169,1996, et n° 165, 1995.
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[2]
Feuilleton-roman, dans la mesure où il s’élabore au fur et à mesure alors qu’un romanfeuilleton serait plutôt un roman débité en épisodes pour le journal.
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[3]
Voir Marc Soriano, Guide de littérature pour la jeunesse, courants, problèmes, choix d’auteurs, Flammarion, p. 199, qui attribue cependant à Gavarni ce qui revient à Grandville.
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[4]
Sur l’histoire éditoriale de l’ouvrage, voir Ségolène Le Men, qui situe Jean-Paul dans la lignée de Robert le Diable et analyse plus particulièrement sa représentation iconographique (« De Jean-Paul Choppart à Struwwelpeter. L’invention de l’enfant terrible dans le livre illustré », Revue des Sciences Humaines n° 225 : L’Enfance de la lecture, 1992). Et Laura Kreyder, qui fournit de précieux éléments sur la carrière de Desnoyers et sur l’évolution du texte (« Les Petits diables. L’enfant terrible au XIX e siècle », Il Diavolo fra le righe. Presenza e forme del demoniaco nella letteratura francese dal XVII al XIX seculo, a cura di Francesca Melzi e d’Eril Kaucisvili, Milan, 1995).
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[5]
Voir la correspondance inédite entre Hetzel et Desnoyers dans l’article de Laura Kreyder (note 4).
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[6]
« Children in the Just Milieu (Comments to the Journal des enfans, I, (1832-1833) », Romanische Forschungen, Frankfurt-am-Main, juillet-septembre 1967, p. 345-377.
-
[7]
Catherine Duprat, Usage et pratiques de la philanthropie. Pauvreté, action sociale et lien social à Paris, au cours du premier XIXe siècle, Comité d’Histoire de la Sécurité Sociale, 1997, tome 2, p. 686-687.
-
[8]
Laura Kreyder, « Le Vaudeville et le roman enfantin. L’exemple des Saltimbanques et de Jean-Paul Choppart », Cahiers Robinson n° 8 : L’Enfant des tréteaux, Arras, 2000.
-
[9]
À partir de 1837, le Journal des Enfans est lui-même publié par une société en commandite dont les statuts ont été publiés par Anne Besson-Morel dans sa thèse, La Presse enfantine sous la Monarchie de Juillet., Université de Paris IV-Sorbonne, 1998. Au chapitre 20 des Mésaventures seront supprimées une allusion à l’actualité de l’année 1832, « temps d’épidémie cholérique et commanditaire » ainsi qu’une entreprise de contrefaçon de livres à laquelle se consacre La Galoche en Belgique, comme l’a noté L. Kreyder.
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[10]
Parue chez Michel Lévy fr, 1853-1858. Voir Martine Preiss, Les Physiologies en France au XIXe siècle, étude historique, littéraire et stylistique, Éditions Interuniversitaires, Mont-de-Marsan, 1999, p. 36.
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[11]
Cité par Véronique Bui, « Comment l’eau carminative vint à Balzac : la poétique de la publicité dans le quotidien », Presse et littérature au XIXe siècle, colloque dirigé par Alain Vaillant et Marie-Ève Thérenty, Montpellier, 2001, à paraître.
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[12]
Louis Reybaud, qui sera encore l’auteur du Dernier commis-voyageur (M. Lévy fr., 1845), est lui-même un des publicistes écrivant sur les voyages, les utopies, préfaçant le Robinson Crusoe traduit par Mme Tastu (« Notice sur Foe et le matelot Selkirk ») et participant à des journaux pour enfants, tout en se livrant à des études qu’on peut qualifier d’« industrielles », Du monopole de la traite des gommes au Sénégal (extrait du Journal des Économistes, Guillaumin, 1842), ou Le Fer et la Houille, suivies du canon Krupp et du Familistère de Guise. Dernière série des Études sur le régime des manufactures (Lévy, 1875).
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[13]
Voir Corinne Saminadayar-Perrin, « Presse, rhétorique, éloquence », Presse et littérature au XIXe siècle, à paraître.
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[14]
Voir Patrick Berthier, « À propos du Théâtre Comte », Cahiers Robinson n° 8.
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[15]
Voir Laura Kreyder, « Le Vaudeville et le roman enfantin… », Cahiers Robinson n° 8.
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[16]
Serge Saint-Michel, Le Roman-photo, Larousse, 1979.
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[17]
Hachette, 1950.