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Article de revue

La peste comme interrogation existentielle parallèles et anti-parallèles entre Lagerkvist et Camus

Pages 263 à 274

Notes

  • [1]
    Sous ce terme je comprends ici l’emploi des motifs et/ou des procédés semblables ou analogues dans deux (ou plusieurs) œuvres littéraires (ou œuvres d’art) dont on ne peut pas prouver une interdépendance. Il va de soi que ce type de parallèle ne peut être qu’imparfait.
  • [2]
    J’utilise la traduction de Marguerite Gay, publiée in : Pär Lagerkvist, Œuvres. Le Bourreau, Le Nain, Barabbas, Éditions Stock, Paris 1981, pp. 181-312. Pour la première fois, cette traduction a été publiée en 1946. Je n’ai pas trouvé de traces de la lecture de cette œuvre chez Camus.
  • [3]
    J’utilise l’édition Albert Camus, La Peste, NRF, Gallimard, Paris, 1947.
  • [4]
    La citation de Daniel de Foë utilisée comme épigraphe de La Peste pourrait introduire également Le Nain : « Il est aussi raisonnable de représenter une espèce d’emprisonnement par une autre que de représenter n’importe quelle chose qui existe réellement par quelque chose qui n’existe pas. »
  • [5]
    Chez Lagerkvist, une hallucinante vision du fascisme est montrée explicitement dans le récit Le Bourreau (1933).
  • [6]
    Voir son « Introduction », in : Lagerkvist, Âmes masquées. La Noce. Traduit du suédois et présenté par Régis Boyer, GF, Flammarion, Paris 1986, p. 21.
  • [7]
    Lagerkvist en 1951, Camus en 1957.
  • [8]
    Dans sa correspondance, Camus dit : « L’homme n’est pas innocent et il n’est pas coupable. Comment sortir de là ? Ce que Rieux (je) veut dire c’est qu’il faut guérir ce qu’on peut guérir – en attendant de savoir, ou de voir » in : Albert Camus – Jean Grenier, Correspondance. 1932-1960. Avertissement et notes par Marguerite Dobrenn, NRF, Gallimard, Paris 1981, p. 141. Ses commentaires de l’œuvre (et de la culpabilité de l’homme) n’expriment d’ailleurs pas une certitude, mais ils traduisent toutes sortes d’interrogations. En parlant de La Peste, il dit : « […] je suis plein de doutes à son (et à mon) égard. » (Op. cit., p. 118). Ou bien : « […] je crois de moins en moins que l’homme soit innocent. Simplement, j’ai toujours la réaction élémentaire qui me dresse contre le châtiment. » (Ibid., p. 141.)
  • [9]
    Cette attitude est approuvée par Jean Grenier qui constate par rapport à La Peste qu’il est bien de « ne pas y incorporer le passage qui fait allusion aux camps de concentration », qu’il « faut que […] son symbolisme puisse s’attacher à tout ce qui est le Mal » ou qu’il est mieux de lutter contre la maladie que de lutter contre la guerre. (Albert Camus – Jean Grenier, Op. cit., p. 136 et 137). Agniezka Cienkowska-Schmidt commente Le Nain dans le même sens en constatant : « Es wäre wahrscheinlich eine zu grosse Vereinfachung zu behaupten, dies sei zu Folge des zweiten Weltkrieges. » (Ce serait probablement une trop grande simplification de le considérer seulement comme une réaction à la Deuxième Guerre mondiale.) in : Agnieszka Cienkowska-Schmidt, Sehnsucht nach dem heiligen Land. Eine Studie zu Pär Lagerkvists später Prosa. Peter Lang, Frankfurt am Main, Bern, New York, 1985, p. 102.
  • [10]
    Op. cit., p. 288.
  • [11]
    Op. cit., p. 13.
  • [12]
    Op. cit., p. 16.
  • [13]
    À côté de l’accueil enthousiaste de La Peste (Jean Grenier la considère comme « une grande œuvre » : voir Albert Camus – Jean Grenier, op. cit., p. 135; en Allemagne, on a vendu, jusqu’à 1962, cca 320 000 exemplaires de la traduction du livre), on en trouve parfois des commentaires plutôt défavorables. Voir par exemple l’étude de Robert Jean Champigny in : Camus 1970. Colloque organisé sous les auspices du Département des Langues et Littératures romanes de l’Université de Floride (Gainesville) les 29 et 30 janvier 1970. Actes présentés par Raymond Gay-Crosier, pp. 20-21.
  • [14]
    L’amour des enfants issus de deux familles ennemies, Angelica et Giovanni, fait penser à Roméo et Juliette de Shakespeare, Angelica devenue folle et se noyant rappelle Ophélie de Hamlet, etc. La mise en valeur des motifs et procédés traditionnels chez Lagerkvist a été d’ailleurs déjà constatée par des théoriciens de la littérature. Voir par exemple A. Cienkowska-Schmidt, op. cit., p. 41.
  • [15]
    Indirectement, il commente ces procédés stylistiques en évoquant l’évolution de la phrase par laquelle Grand veut commencer son œuvre. Il est significatif qu’à la fin, son personnage constate : « J’ai supprimé […] tous les adjectifs » (Op. cit., p. 329).
  • [16]
    Voir les œuvres du Polonais Jerzy Andrzejewski ou du Tchèque Ji®í ‰otola.
  • [17]
    Le docteur Galén de ? apek a trouvé le remède contre la « maladie blanche », mystérieusement apparue dans la ville, mais il refuse de l’utiliser pour guérir ceux qui sont responsables de la guerre. À la fin il obtient la promesse que la paix sera rétablie. Mais avant de pouvoir utiliser son remède, il est assassiné par une foule belliqueuse fanatisée.
  • [18]
    Il est significatif que Lagerkvist évoque souvent, et pas seulement dans Le Nain, des êtres difformes ou estropiés.
  • [19]
    En réalité, l’individualisation des personnages est problématique dans les deux œuvres. Les héros de Lagerkvist sont créés, comme nous l’avons vu, souvent selon des modèles littéraires, et, comme Jean Grenier le constate, les personnages de La Peste « […] diffèrent plutôt par leurs attitudes que par leur nature profonde ». (Albert Camus – Jean Grenier, op. cit., p. 136.) Il n’en est pas moins vrai que les deux auteurs ne les montrent pas uniquement comme des représentants de certaines conceptions philosophiques et éthiques, mais comme des êtres particuliers.
  • [20]
    Op. cit., pp. 298-302 et 326-328.
  • [21]
    On trouve une remarque significative sur ceux qui « jugent » dans les mots par lesquels Tarrou commente la situation de M. Othon : « Pauvre juge […]. Il faudrait faire quelque chose pour lui. Mais comment aider un juge ? » (Op. cit., p. 263.)
  • [22]
    Caractéristique de ce point de vue est le dialogue entre Rieux et Tarrou : « – Allons, Tarrou, dit-il, qu’est-ce qui vous pousse à vous occuper de cela ? – Je ne sais pas. Ma morale peut-être. – Et laquelle ? – La compréhension. » (Op. cit., p. 147.)
  • [23]
    Op. cit., p. 144.
  • [24]
    Op. cit., p. 110.
  • [25]
    Op. cit., p. 238.
  • [26]
    Op. cit., p. 238.
English version
J’attends des temps meilleurs, qui viendront, car je ne suis certainement pas destiné à rester ici pour l’éternité. J’aurai l’occasion de continuer ma chronique à la lumière du jour comme autrefois, mes services seront à nouveau nécessaires. Si je connais bien mon seigneur, il ne pourra se passer longtemps de son nain. Voilà ce que je me dis dans mon cachot, et je reste de bonne humeur. Je pense au jour où l’on viendra me délivrer de mes chaînes, parce qu’il m’aura envoyé chercher.
Pär Lagerkvist, Le Nain, 1944 Écoutant, en effet, les cris d’allégresse qui montaient de la ville, Rieux se souvenait que cette allégresse était toujours menacée.
Car il savait ce que cette foule en joie ignorait, et qu’on peut lire dans les livres, que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais, qu’il peut rester pendant des dizaines d’années endormi dans les meubles et le linge, qu’il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses, et que, peut-être, le jour viendrait où, pour le malheur et l’enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse.
Albert Camus, La Peste, 1947

1Le Nain de Lagerkvist [2] fut publié en 1944, La Peste d’Albert Camus [3] parut trois ans plus tard. Dans les deux cas, le motif de la peste, ayant une signification allégorique, ou plutôt symbolique [4], joue un rôle important. Chez Lagerkvist cependant, il n’est utilisé que dans la dernière partie du récit et, présenté de façon spectaculaire (avec des traits expressionnistes), il reste dans la sphère traditionnelle : la peste est la conséquence des intrigues, des péchés et des crimes perpétués à une cour italienne à l’époque de la Renaissance. Chez Camus en revanche la peste, montrée sous plusieurs aspects, mais sans provocation naturaliste ou expressionniste, constitue le sujet principal de l’œuvre : l’auteur présente, à travers le sort de quelques personnages à première vue ordinaires, l’apparition, le développement et l’extinction d’une épidémie dans une cité anodine. Dans les deux œuvres il s’agit d’une réaction au fascisme et à la Deuxième Guerre mondiale et leur message est semblable. Le fascisme n’est nommé ni chez l’un ni chez l’autre écrivain. L’engagement humanitaire anti-fasciste des deux est suffisamment connu pour qu’on puisse interpréter leurs œuvres comme une réaction à la situation vécue [5].

2À première vue pourtant, il serait difficile d’étudier ces deux romans du point de vue d’un comparatisme traditionnel, insistant sur des influences ou échos littéraires. Lagerkvist n’a pas pu connaître le roman de Camus, chez Camus on ne trouve pas d’allusions à Lagerkvist. Les deux auteurs ont toutefois certains traits communs, comme le constate Régis Boyer (quoique pas par rapport aux œuvres mentionnées dans cette étude) [6]. Chez les deux, nous trouvons les mêmes modèles littéraires (Pascal, Kierkegaard, Dostoïevski…), le même intérêt pour le théâtre, souvent les mêmes interrogations existentielles. Tous deux ont reçu le prix Nobel [7].

Procédés narratifs

3Toutefois, si Le Nain et La Peste contiennent certains motifs communs, ils sont fondés sur des principes différents de la fiction romanesque, ce qui ouvre le champ d’interrogations sur les « parallélismes imparfaits », voire sur des rapports entre le message philosophique et les procédés esthétiques d’un récit. Cette différence est indiquée par leurs titres respectifs mêmes. Lagerkvist met l’accent sur le nain qu’on peut considérer comme l’instigateur du désastre et la peste n’est décrite que sur quelques pages, tandis que Camus parle de la peste dont les causes sont inconnues et l’œuvre tout entière est consacrée à la description de ses ravages. L’optique de narration y est donc différente.

4Les deux œuvres sont présentées comme une chronique. Mais c’est également ici que le lecteur décèle les différences significatives entre les deux auteurs.

5Chez Lagerkvist, il s’agit d’une relation à la première personne, rédigée par le nain, qui ne se prive pas de commenter les événements du point de vue de sa difformité à la fois physique et morale. Il est toujours présent dans le texte, il développe plutôt ses opinions sur le désastre qu’il n’en donne une relation objective, et il s’exprime de façon à se faire abhorrer par le lecteur. Ainsi l’histoire racontée est-elle automatiquement perçue avec un recul éthique et dans une complexité esthétique qui se traduit par au moins quatre couches du message : 1. les événements dans la cité atteinte de la peste; 2. le statut moral et le rôle du nain; 3. l’attitude du lecteur qui ne doit pas seulement percevoir le déroulement de l’intrigue, mais doit la commenter intérieurement, avec désapprobation et effroi à la mesure de ses sentiments et de ses convictions ; 4. la conscience que la peste n’est pas uniquement une maladie du corps, mais qu’elle signifie les crimes du fascisme et les désastres de la guerre.

6Le chroniqueur de Camus en revanche essaie d’être le plus objectif possible et à la fin semble s’effacer derrière les informations qu’il fournit. À première vue, ni directement, ni indirectement, il n’introduit la notion du bien et du mal, de la culpabilité et de la responsabilité. Le lecteur est dans un certain sens invité à s’identifier avec lui, ou plutôt avec son personnage principal qui est le porte-parole de l’auteur [8]. L’intrigue se déroule à deux niveaux : 1. le développement de l’épidémie dans une ville contemporaine ordinaire; 2. l’identification de cette épidémie avec le fascisme et la guerre. C’est ce deuxième niveau qui l’emporte; son poids est mis en valeur précisément par le fait que le mal n’est pas nommé directement, mais qu’il est évoqué par une comparaison sous-entendue, ancrée dans la tradition littéraire [9]. Toutefois Camus met en évidence le caractère philosophique, socratique de son œuvre, tandis que Lagerkvist utilise les procédés narratifs, marqués par un expressionnisme, propres au roman psychologique.

7Dans les deux œuvres, l’épidémie arrive de façon inattendue. Il est vrai que chez Lagerkvist, elle est explicable, car elle peut être interprétée comme une conséquence de la guerre et de la famine. Toutefois le nain constate :

8

Une maladie très étrange a fait son apparition dans la ville. […] Les médecins demeurent impuissants – mais n’en est-il pas toujours ainsi ? [10]

9Chez Camus le caractère imprévu du désastre est beaucoup plus évident et il est commenté explicitement. Son œuvre commence par la phrase :

10

Les curieux événements qui font le sujet de cette chronique se sont produits en 194., à Oran. [11]

11Et il continue :

12

[…] on admettra sans peine que rien ne pouvait faire espérer à nos concitoyens les incidents qui se produisirent au printemps de cette année-là et qui furent, nous le comprîmes ensuite, comme les premiers signes de la série des graves événements dont on s’est proposé de faire ici la chronique. Ces faits paraîtront bien naturels à certains et, à d’autres, invraisemblables au contraire. [12]

13L’issue heureuse de l’intrigue – la peste a disparu – est accompagnée d’un avertissement, ou même d’une certitude que l’homme n’est pas sauvé pour toujours, que le danger persiste et persistera. Chez l’auteur suédois, le nain par lequel le désastre et la peste sont entrés dans une cité florissante de la Renaissance italienne, s’attend à ce qu’on vienne le chercher, car on aura de nouveau besoin de ses services. Chez le romancier français, le docteur Rieux se dit que, peut-être un jour, la peste réveillera ses rats…

Allégorie et symbole dans la fiction romanesque

14Par ces ressemblances, les deux œuvres entrent dans un domaine de fiction narrative, largement développé de l’antiquité jusqu’à nos jours. Rien de plus habituel que de présenter les dépravations morales sous la forme de difformités ou maladies physiques. En y recourant dans les années quarante du XX e siècle, les écrivains, en l’occurrence Lagerkvist et Camus, s’attachent donc à une longue tradition littéraire. Au moment de bouleversements politiques et éthiques, un tel attachement a une signification particulière : il exprime le désir d’une stabilité. Utiliser des schémas narratifs qui ont fait leur preuve dans les siècles précédents met en évidence la continuité de la pensée et de l’imagination humaines, garantit, dans une certaine mesure, la survie des valeurs esthétiques et morales. En même temps, ce procédé peut provoquer des critiques négatives de certains théoriciens insistant sur les valeurs novatrices qu’on attend d’une œuvre littéraire [13].

15Mais s’agit-il vraiment chez ces deux romanciers d’un procédé relevant de la même sphère de fiction narrative ? Le Nain de Lagerkvist est écrit comme un récit historique, ou apparemment historique, situé dans un passé et à un endroit qui font, certes, penser à Florence du temps de Laurent Ier de Médicis, dit le Magnifique, mais qui ne sont pas nommés explicitement et dont il serait inutile de chercher des repères documentaires. En revanche l’intrigue de La Peste se déroule à Oran en 194., sans pourtant relater des événements qui s’y soient réellement passés ; son caractère allégorique ne fait pas de doute.

16L’auteur suédois combine deux schémas de présentation indirecte : il montre la dépravation éthique sous forme d’une maladie physique, et il dévoile les vicissitudes du présent sous l’image d’un passé; l’œuvre de Camus reste dans un « présent ». Étant plus allégorique que Le Nain, La Peste semble pourtant plus « concrète »: l’intrigue est en effet située dans une ville intimement connue de l’auteur, mais non marquée par des souvenirs littéraires, et elle évoque la vie quotidienne des gens ordinaires, ses contemporains. Le récit de Lagerkvist s’inspire en revanche d’un milieu et d’un temps étrangers à l’auteur, entourés d’une aura poétique souvent évoquée dans la littérature et dans les beaux-arts. Ses personnages ne sont pas des êtres que n’importe qui pourrait rencontrer tous les jours : ce sont des héros exceptionnels, marqués par une fatalité hors du commun, qui pourtant fait penser à des motifs de contes de fées, ou à des éléments de fiction romanesque ancrés dans la tradition littéraire [14]. En mettant en relief des éléments inhabituels, impressionnants et frappants, Lagerkvist introduit dans son œuvre des procédés relevant d’une littérarité traditionnelle plus nettement que Camus, qui utilise en général le style sobre d’une relation apparemment documentaire [15]. C’est ici que la différence entre les deux auteurs est frappante, du moins à première vue. Elle ne témoigne toutefois pas seulement de leur choix individuel, mais reflète certains aspects plus profonds qui marquent, à des niveaux différents, diverses littératures. La confrontation des deux œuvres met en même temps en évidence la relation problématique, et parfois paradoxale, entre ce qui est « détaillé » ou montré de façon suréclairée – et ce qui est « banal » ou présenté de façon discrète.

Le temps et l’espace dans l’interrogation existentielle

17La position de l’intrigue dans le temps, présent, mythique ou historique, éventuellement dans un futur ou dans une atemporalité fictive, ne crée pas seulement l’arrière-plan de la narration, mais influe sur la vision du monde représenté. La fonction et la répartition de motifs relevant du passé (ou de diverses couches du passé) ou du présent changent et ne sont pas les mêmes dans toutes les littératures nationales.

18Les sujets historiques, ou apparemment historiques, ne manquent pas dans la littérature française. Mlle de Scudéry présentait ses contemporains dans les costumes du passé. Il serait, certes, problématique de parler dans son cas de « romans historiques ». Mais peut-on considérer Le Nain de Lagerkvist comme un récit historique ? Il y a toutefois une différence fondamentale entre un déguisement « historique », insistant sur la description, caractéristique des romans à clé de la romancière française du XVII e siècle, et l’interrogation éthique passionnée qu’on trouve chez l’auteur suédois du XX e siècle.

19Comme dans toutes les littératures européennes, la présentation du passé dans le goût de Walter Scott a trouvé un accueil favorable chez Victor Hugo et ses contemporains. Par son Salammbô, Gustave Flaubert a créé un type particulier de roman historique « objectif » que les théoriciens slaves aiment à opposer aux récits de leurs littératures nationales où la vision du passé était, au XIX e siècle, teintée d’aspirations patriotiques.

20Au XX e siècle pourtant, les sujets historiques semblent jouer un rôle moins important chez les écrivains français que dans certaines autres littératures. Il est vrai que les dramaturges, surtout Giraudoux et Sartre, ont recours aux motifs de la mythologie grecque pour dénoncer, dans un certain sens de la même façon que Lagerkvist et Camus dans les ouvrages cités, la dépravation et la menace qui pèse sur le présent. Mais le mythe est par sa nature atemporel et en tant que source d’inspiration, il joue dans le développement des formes et contenus littéraires un autre rôle que les sujets historiques proprement dits : il s’ouvre vers une vision globale de la condition de l’homme, tandis que l’évocation d’un passé historique est habituellement conçue de façon à permettre la perception de l’intrigue à deux niveaux : la description, parfois pittoresque, du temps révolu, marquée de certains traits de couleur locale, sert de base à une comparaison de ce qui a été dans le passé, avec ce que le lecteur est en train de vivre dans le présent. Les intrigues fondées sur la base historique (ou pseudo-historique) deviennent ainsi le miroir du présent, mais un miroir brisé, reflétant d’une façon dédoublée à la fois ce qui est ponctuel et ce qui est éternel.

21En revanche le lecteur ne cherchera pas dans le roman de Camus une description documentaire ou pittoresque d’Oran, ou du moins il ne lui attribuera pas une importance particulière. L’œuvre a une unité intérieure en tant que message philosophique et éthique. Le récit de Lagerkvist peut être lu à la fois – ou alternativement – comme une impressionnante évocation du passé, mettant en relief divers aspects de la Renaissance italienne, et comme un commentaire indirect du présent menacé par le fascisme, ou en général par la dépravation de la société et de l’homme. Parmi les romanciers français du premier ordre, ce type de présentation du passé apparaît, sous une forme originale, chez Marguerite Yourcenar – qui est d’origine belge.

22Évoquer le passé pour s’interroger sur le présent n’est toutefois pas exceptionnel au XX e siècle et Lagerkvist n’est pas le seul à utiliser ce procédé. Dans les littératures tchèque et polonaise par exemple, ce type de récit historique (ou apparemment historique) est assez répandu, et cela non seulement comme réponse au fascisme et à la Deuxième Guerre mondiale, mais également, plus tard, comme dénonciation du totalitarisme communiste [16]. Il est significatif que les époques préférées des romanciers de cette orientation se situent entre le Moyen Âge (surtout celui de la croisade des enfants), la Renaissance avec son faste, ses crimes et son inquisition, et le Baroque des fêtes, des persécutions et de l’inquiétude. L’atmosphère liée à ces époques, passionnées, injustes, marquées par la splendeur et la misère, par l’éblouissement, l’extase, la laideur, les difformités physiques et morales, se reflète dans la description des phénomènes qui – sous une forme allégorique ou symbolique – dévoilent les vicissitudes et les catastrophes du présent. Ces œuvres sont souvent écrites dans un style mouvementé, insistant sur des qualités émotives du vocabulaire et de la syntaxe, et ayant certains traits caractéristiques de l’expressionnisme. Par les procédés descriptifs et narratifs, elles diffèrent de la présentation littéraire sobre, caractéristique de La Peste. De ce point de vue, le récit de Lagerkvist semble plus proche du romancier tchèque Karel Schulz, auteur d’une œuvre inachevée sur la dépravation et l’angoisse de la Renaissance italienne, Kámen a bolest (La pierre et la douleur, 1942) que d’Albert Camus.

23Il serait toutefois inapproprié de tracer une ligne de démarcation entre les littératures dénonçant la dépravation du présent sous la forme de récits « historiques » et celles qui préfèrent la montrer dans des œuvres situées soit en dehors du temps historique, soit dans un « présent » dans lequel les contemporains de l’auteur peuvent reconnaître leurs propres expériences quotidiennes. Les différences entre diverses littératures nationales consistent plutôt dans une hiérarchie autrement nuancée des mêmes procédés esthétiques que dans l’emploi de formes nettement distinctes, voire opposées. Même dans les littératures privilégiant le commentaire du présent sous le déguisement du passé on trouve des utopies (ou plutôt des uchronies) démasquant la situation contemporaine. Un des exemples significatifs en est la pièce de théâtre Bílá nemoc (La maladie blanche, 1938) de l’écrivain tchèque Karel ¸apek (1890-1938), qui pourrait être comparée au roman de Camus (dans les deux œuvres un rôle important incombe à un médecin humaniste et impuissant), bien que le développement de l’intrigue soit différent [17].

Le personnage face aux événements

24La différence essentielle entre Lagerkvist et Camus consiste dans le statut des personnages qui résulte, comme nous l’avons vu, dans une grande mesure de la position de l’intrigue dans le temps. Chez Lagerkvist, tout semble exceptionnel [18], tandis que Camus représente à première vue les situations et les gens ordinaires. Les personnages de Lagerkvist sont contrastés. Certes, dans la relation d’un nain guidé par la haine, on ne trouve que rarement des héros « positifs » (et si on les rencontre, ils ont des traits livresques prononcés, comme Angelica et Giovanni), mais le narrateur montre le monde comme divisé intérieurement en deux sphères opposées : celle des crimes et des péchés spectaculaires et celle des remords et repentirs, aussi spectaculaires, parfois des mêmes personnes.

25En revanche chez l’auteur français les personnages semblent, à première vue, intérieurement homogènes et ils sont montrés si discrètement qu’on ne se rend pas compte de leur héroïsme qui s’identifie avec un humanisme profond et non ostentatoire. De plus, Camus ne s’interroge pas (du moins pas explicitement) sur les causes du désastre. L’invasion des rats n’est pas provoquée dans son roman par une guerre, faisant suite à une trahison et à des crimes comme chez Lagerkvist, mais donne l’impression d’une fatalité. Cette fatalité n’est pourtant pas présentée comme une constatation et quoiqu’elle soit montrée à la fin comme presque inévitable, le lecteur, aussi bien de La Peste que du Nain, est amené à se poser la question : Faut-il vraiment que ce soit ainsi ? Et comment faire ?

26Dans les deux romans, les personnages sont à la fois individualisés et montrés comme représentants de l’humanité en général [19]. De ce point de vue, ils diffèrent des utopies (ou uchronies) traditionnelles dont les héros sont censés en premier lieu dénoncer certains systèmes ou conceptions politiques et sociaux. Les aspects psychologiques jouent chez les deux auteurs un rôle important, quoiqu’ils soient présentés de façon à première vue opposée.

27On trouverait difficilement des personnages parallèles dans La Peste et Le Nain. Les nobles, coupables, repentants et périssant de façon spectaculaire dans le faste et la misère de la Renaissance chez Lagerkvist, n’ont rien de commun avec les employés modestes, discrètement nuancés de Camus. Si l’écrivain français s’identifie avec un de ses héros, on ne trouve rien d’analogue chez le romancier suédois qui semble participer à l’intrigue par une opposition aux personnages représentés. Mais il y a une exception significative : dans le désastre général où les gens innocents (ou du moins ordinaires) se désespèrent, les criminels sont à l’aise. Toutefois même ici, la différence est sensible. Chez Lagerkvist il s’agit du nain dont la présentation ne laisse aucun doute au lecteur : dans son comportement et dans ses opinions, le scandale terrestre côtoie l’hallucination de l’enfer. En revanche, rien d’explicite dans le personnage de Cottard chez Camus. Il est aussi ordinaire que les autres personnages de La Peste. C’est seulement à la fin qu’il devient inquiet, semble redouter l’extinction de la peste et commence à tirer sur la foule qui fête la fin de l’épidémie. On le considère comme un fou et la police le maîtrise [20]. Le lecteur n’en saura pas plus et éprouvera seulement un malaise devant un homme dont le caractère et les actes lui échappent.

28Le roman de Camus, évitant les scènes spectaculaires et les personnages exceptionnels, est en réalité plus inquiétant encore que le récit de Lagerkvist, où le mal est montré explicitement, avec des détails d’une dépravation monstrueuse. L’apparition des rats, qui n’a pas de cause définissable, peut, certes, être interprétée comme une malédiction venant des forces surnaturelles. Mais le style sobre de Camus et les expériences à première vue banales de ses personnages mettent en question une telle interprétation. On trouve d’ailleurs à l’époque même chez d’autres écrivains, par exemple chez J.-P. Sartre, une confrontation des phénomènes supraterrestres (de l’enfer) et des comportements humains ordinaires. Si l’on ne veut pas croire en un enfer de sermons baroques ou de contes de fées – et tel est le plus souvent le cas des auteurs qui ont recours à ce procédé – on doit s’interroger sur la condition de l’homme.

La contagion des vices et la responsabilité individuelle

29La peste est une maladie contagieuse. À la fin il n’y a pas parfois de frontières entre les victimes et les coupables. Le seigneur du nain, qui avait accepté ses manipulations criminelles, est puni, car il perd les êtres qui lui étaient chers ; les méchants et les pécheurs succombent à la maladie dans l’effroi et souvent dans le repentir qui ne les distinguent pas de ceux qui avaient souffert à cause d’eux.

30Chez Camus, les coupables n’apparaissent pas. Mais les malades ne sont pas seulement victimes ; ils deviennent une menace. En voulant échapper à l’internement, les gens d’Oran se trouvent en conflit avec la police. Le narrateur n’exalte ni ne critique l’action de la police qui surveille la ville pour empêcher la propagation de la maladie. Mais le journaliste Rambert renonce à la fin à la tentation de quitter clandestinement la cité maudite et c’est là que le lecteur trouve implicitement l’attitude morale de l’auteur. La frontière est mince entre le manque de responsabilité (d’une certaine sorte d’égoïsme auquel l’homme a peut-être droit) et la culpabilité.

31Chez Lagerkvist, cet aspect n’apparaît pas ; il n’y a pas d’issue pour les victimes de la peste qui semblent être le jouet des autres – ou de la fatalité. En revanche le motif de la contagion et de la responsabilité joue un rôle important chez Camus, il permet de saisir les diverses attitudes de l’homme et le développement de sa conscience.

32Le motif de la contagion du mal est largement développé chez d’autres auteurs dénonçant diverses formes du totalitarisme. On le trouve chez l’écrivain tchèque Karel ¸apek, chez, le romancier russe Zamiatine (1884-1937), chez Orwell (1903-1950), dans Rhinocéros (1960) d’Eugène Ionesco, etc. Camus diffère toutefois des écrivains montrant la dépravation de la société sous la forme caricaturale d’une métamorphose physique. Il ne juge ni ne caricature les autres [21]. Si ses héros se révoltent contre Dieu – ou contre la fatalité – comme Rieux dans les entretiens avec le Père Paneloux, ils restent sur la base d’un humanisme laïque, fondé sur le désir de tout comprendre [22]. S’ils sont guidés par le sentiment d’une responsabilité, il s’agit d’une responsabilité difficile à définir, allant de soi et ayant certains traits d’une énorme pitié. En discutant avec Tarrou sur l’existence de Dieu, Rieux constate :

33

Je ne sais pas ce qui m’attend ni ce qui viendra après tout ceci. Pour le
moment il y a des malades et il faut les guérir. Ensuite, ils réfléchiront et moi aussi.
Mais le plus pressé est de les guérir. Je les défends comme je peux, voilà tout.
– Contre qui ? […]
– Je n’en sais rien, Tarrou, je vous jure que je n’en sais rien. [23]

34Chez Lagerkvist la peste est un fléau, ou une punition de l’homme coupable. Chez Camus elle devient la pierre de touche du caractère de l’homme. Certes, le Père Paneloux parle, lui aussi, du « fléau de Dieu » envoyé pour mettre « à ses pieds les orgueilleux et les aveugles » [24] et il prêche même pour « aimer ce que nous ne pouvons pas comprendre » [25], mais cette opinion n’en est qu’une parmi d’autres et elle n’est pas partagée par le porte-parole de l’auteur, le tolérant Dr Rieux. Elle n’est pourtant pas rejetée avec une haine qui créerait une barrière entre le Père jésuite et le médecin, et ce dernier constate même :

35

Nous travaillons ensemble pour quelque chose qui nous réunit au-delà des blasphèmes et des prières. Cela seul est important. [26]

36La peste n’est pas provoquée par les actes de l’homme (mais peut-on le dire avec certitude par rapport à l’œuvre ouverte et allusive de Camus ?), mais elle permet de dévoiler ses valeurs jusqu’alors insoupçonnées et peut-être même de donner une nouvelle dimension à ses sentiments et à ses actes. Le journaliste Rambert commence à comprendre autrement le sens de la vie, le juge Othon apparaît sous un nouvel éclairage…

Conclusion

37Comme nous l’avons constaté, les différences entre les deux œuvres résultent dans une grande mesure de la position de l’intrigue dans le temps. La confrontation des récits situés dans le passé ou dans le présent permet en même temps de saisir un des paradoxes de l’art : ce qui est chronologiquement proche de l’auteur semble moins définissable que ce qui relève d’un passé lointain. Chez Lagerkvist, les phénomènes sont explicables dans le cadre de l’intrigue romanesque, ou peuvent être considérés comme tels. Chez Camus ils restent, au niveau événementiel, inexplicables.

38La conclusion des deux récits peut être interprétée à deux niveaux : 1. l’éradication du mal n’est jamais définitive, mais 2. on a le devoir de faire tout pour lutter contre ce mal. Chez Lagerkvist cette deuxième conclusion est sous-entendue : les causes du mal sont connues et ce qui est connu peut être à la fin maîtrisé, bien qu’avec des péripéties aléatoires. Les causes de la peste chez Camus ne sont pas indiquées, mais contre la fatalité du mal l’homme peut se défendre, dans l’esprit pascalien, par sa valeur morale.

Notes

  • [1]
    Sous ce terme je comprends ici l’emploi des motifs et/ou des procédés semblables ou analogues dans deux (ou plusieurs) œuvres littéraires (ou œuvres d’art) dont on ne peut pas prouver une interdépendance. Il va de soi que ce type de parallèle ne peut être qu’imparfait.
  • [2]
    J’utilise la traduction de Marguerite Gay, publiée in : Pär Lagerkvist, Œuvres. Le Bourreau, Le Nain, Barabbas, Éditions Stock, Paris 1981, pp. 181-312. Pour la première fois, cette traduction a été publiée en 1946. Je n’ai pas trouvé de traces de la lecture de cette œuvre chez Camus.
  • [3]
    J’utilise l’édition Albert Camus, La Peste, NRF, Gallimard, Paris, 1947.
  • [4]
    La citation de Daniel de Foë utilisée comme épigraphe de La Peste pourrait introduire également Le Nain : « Il est aussi raisonnable de représenter une espèce d’emprisonnement par une autre que de représenter n’importe quelle chose qui existe réellement par quelque chose qui n’existe pas. »
  • [5]
    Chez Lagerkvist, une hallucinante vision du fascisme est montrée explicitement dans le récit Le Bourreau (1933).
  • [6]
    Voir son « Introduction », in : Lagerkvist, Âmes masquées. La Noce. Traduit du suédois et présenté par Régis Boyer, GF, Flammarion, Paris 1986, p. 21.
  • [7]
    Lagerkvist en 1951, Camus en 1957.
  • [8]
    Dans sa correspondance, Camus dit : « L’homme n’est pas innocent et il n’est pas coupable. Comment sortir de là ? Ce que Rieux (je) veut dire c’est qu’il faut guérir ce qu’on peut guérir – en attendant de savoir, ou de voir » in : Albert Camus – Jean Grenier, Correspondance. 1932-1960. Avertissement et notes par Marguerite Dobrenn, NRF, Gallimard, Paris 1981, p. 141. Ses commentaires de l’œuvre (et de la culpabilité de l’homme) n’expriment d’ailleurs pas une certitude, mais ils traduisent toutes sortes d’interrogations. En parlant de La Peste, il dit : « […] je suis plein de doutes à son (et à mon) égard. » (Op. cit., p. 118). Ou bien : « […] je crois de moins en moins que l’homme soit innocent. Simplement, j’ai toujours la réaction élémentaire qui me dresse contre le châtiment. » (Ibid., p. 141.)
  • [9]
    Cette attitude est approuvée par Jean Grenier qui constate par rapport à La Peste qu’il est bien de « ne pas y incorporer le passage qui fait allusion aux camps de concentration », qu’il « faut que […] son symbolisme puisse s’attacher à tout ce qui est le Mal » ou qu’il est mieux de lutter contre la maladie que de lutter contre la guerre. (Albert Camus – Jean Grenier, Op. cit., p. 136 et 137). Agniezka Cienkowska-Schmidt commente Le Nain dans le même sens en constatant : « Es wäre wahrscheinlich eine zu grosse Vereinfachung zu behaupten, dies sei zu Folge des zweiten Weltkrieges. » (Ce serait probablement une trop grande simplification de le considérer seulement comme une réaction à la Deuxième Guerre mondiale.) in : Agnieszka Cienkowska-Schmidt, Sehnsucht nach dem heiligen Land. Eine Studie zu Pär Lagerkvists später Prosa. Peter Lang, Frankfurt am Main, Bern, New York, 1985, p. 102.
  • [10]
    Op. cit., p. 288.
  • [11]
    Op. cit., p. 13.
  • [12]
    Op. cit., p. 16.
  • [13]
    À côté de l’accueil enthousiaste de La Peste (Jean Grenier la considère comme « une grande œuvre » : voir Albert Camus – Jean Grenier, op. cit., p. 135; en Allemagne, on a vendu, jusqu’à 1962, cca 320 000 exemplaires de la traduction du livre), on en trouve parfois des commentaires plutôt défavorables. Voir par exemple l’étude de Robert Jean Champigny in : Camus 1970. Colloque organisé sous les auspices du Département des Langues et Littératures romanes de l’Université de Floride (Gainesville) les 29 et 30 janvier 1970. Actes présentés par Raymond Gay-Crosier, pp. 20-21.
  • [14]
    L’amour des enfants issus de deux familles ennemies, Angelica et Giovanni, fait penser à Roméo et Juliette de Shakespeare, Angelica devenue folle et se noyant rappelle Ophélie de Hamlet, etc. La mise en valeur des motifs et procédés traditionnels chez Lagerkvist a été d’ailleurs déjà constatée par des théoriciens de la littérature. Voir par exemple A. Cienkowska-Schmidt, op. cit., p. 41.
  • [15]
    Indirectement, il commente ces procédés stylistiques en évoquant l’évolution de la phrase par laquelle Grand veut commencer son œuvre. Il est significatif qu’à la fin, son personnage constate : « J’ai supprimé […] tous les adjectifs » (Op. cit., p. 329).
  • [16]
    Voir les œuvres du Polonais Jerzy Andrzejewski ou du Tchèque Ji®í ‰otola.
  • [17]
    Le docteur Galén de ? apek a trouvé le remède contre la « maladie blanche », mystérieusement apparue dans la ville, mais il refuse de l’utiliser pour guérir ceux qui sont responsables de la guerre. À la fin il obtient la promesse que la paix sera rétablie. Mais avant de pouvoir utiliser son remède, il est assassiné par une foule belliqueuse fanatisée.
  • [18]
    Il est significatif que Lagerkvist évoque souvent, et pas seulement dans Le Nain, des êtres difformes ou estropiés.
  • [19]
    En réalité, l’individualisation des personnages est problématique dans les deux œuvres. Les héros de Lagerkvist sont créés, comme nous l’avons vu, souvent selon des modèles littéraires, et, comme Jean Grenier le constate, les personnages de La Peste « […] diffèrent plutôt par leurs attitudes que par leur nature profonde ». (Albert Camus – Jean Grenier, op. cit., p. 136.) Il n’en est pas moins vrai que les deux auteurs ne les montrent pas uniquement comme des représentants de certaines conceptions philosophiques et éthiques, mais comme des êtres particuliers.
  • [20]
    Op. cit., pp. 298-302 et 326-328.
  • [21]
    On trouve une remarque significative sur ceux qui « jugent » dans les mots par lesquels Tarrou commente la situation de M. Othon : « Pauvre juge […]. Il faudrait faire quelque chose pour lui. Mais comment aider un juge ? » (Op. cit., p. 263.)
  • [22]
    Caractéristique de ce point de vue est le dialogue entre Rieux et Tarrou : « – Allons, Tarrou, dit-il, qu’est-ce qui vous pousse à vous occuper de cela ? – Je ne sais pas. Ma morale peut-être. – Et laquelle ? – La compréhension. » (Op. cit., p. 147.)
  • [23]
    Op. cit., p. 144.
  • [24]
    Op. cit., p. 110.
  • [25]
    Op. cit., p. 238.
  • [26]
    Op. cit., p. 238.

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