Notes
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[1]
CE, ass., 3 octobre 2008, n° 297931, Commune d’Annecy : Rec. CE 2008, p. 322 ; JCP A 2008, n° 2279, obs. Ph. Billet ; AJDA 2008, p. 2166, chron. E. Geffray et S.-J. Liéber ; Environnement 2008, alerte 66, obs. J.-M. Février ; Environnement 2008, comm. 153, obs. P. Trouilly ; Europe 2008, alerte 55, obs. D. Simon.
-
[2]
Arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d’instruction des dérogations définies au 4° de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées : JO du 19 avril 2007, p. 7015.
-
[3]
Directive n° 2001/18 du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement et abrogeant la directive n° 90/220/CEE du Conseil, annexe II (JOCE n° L. 106 du 17 avril 2001, p. 1), à laquelle renvoie l’article R. 533-3 du Code de l’environnement relatif à la composition du dossier de demande d’autorisation de dissémination volontaire à toute autre fin que la mise sur le marché.
-
[4]
Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature : JO du 13 juillet 1976, p. 4203.
-
[5]
Décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 pris pour l’application de l’article 2 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature : JO du 13 octobre 1977, p. 4948.
-
[6]
Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement : JO du 13 juillet 2010, p. 12905.
-
[7]
L’absence de mention de la présence de tortues « cistudes » caractérise une analyse insuffisante des incidences d’une retenue d’eau sur le milieu aquatique et ne permet pas à la commission d’enquête de se prononcer en connaissance de cause. Le fait que le préfet, incompétent à ce titre, ait imposé en cours d’enquête, au titre de l’article 21 du décret du 29 mars 1993 (Code de l’environnement, art. R. 214-24), le transfert des tortues vers un autre site avant la mise en eau ne couvre pas le vice substantiel de procédure qui entache son autorisation (TA Pau, 19 décembre 2002, SEPANSO Béarn Pyrénées : RJE 2004, p. 70, obs. J. Sironneau). Cette décision a toutefois été annulée, car la circonstance que la commission d’enquête n’aurait pas été informée qu’une étude sur le déplacement des cistudes aurait été confiée à une association de protection de la nature, est sans influence sur la régularité de l’avis de ladite commission, laquelle a eu connaissance avant la fin de l’enquête publique de la présence des cistudes et de ses incidences (CAA Bordeaux, 22 février 2007, Association syndicale autorisée d’irrigation de l’Aubin : Environnement 2007, n° 118, obs. P. Trouilly ; RJE 2008, p. 68, obs. J. Sironneau). Voir aussi CAA Bordeaux, 15 novembre 2010, MEEDDM, req. n° 10BX00682.
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[8]
CAA Nantes, 18 mars 2010, Association Vasselay Poumon Vert, req. n° 09NT00931.
-
[9]
Loi constitutionnelle n° 2005-205, 1er mars 2005, relative à la Charte de l’environnement : JO du 2 mars 2005, p. 3697.
-
[10]
CAA Lyon, 1er juin 2006, n° 02LY01482, Association Allier Nature et Association de défense de l’environnement de Montaigu-le-Blin : Environnement 2006, comm. 130, obs. D. Gillig. Confirmé par CE, 12 novembre 2007, n° 295347, Société Vicat SA : JCP A 2007, act. 1020 ; Environnement 2008, comm. 34, comm. D. Gillig ; JCP A 2008, n° 2121, obs. Ph. Billet.
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[11]
JOCE n° L. 175 du 5 juillet 1985, p. 40. Modification directive n° 97/11/CE du 3 mars 1997 : JOCE n° L 75 du 14 mars 1997, p. 5 ; directive n° 2003/35/CE du 26 mai 2003 : JOUE n° L 156 du 25 juin 2003, p. 17 et directive n° 2009/31/CE du 23 avril 2009 : JOUE n° L 140 du 5 juin 2009, p. 114.
-
[12]
JOCE n° L 326, 22 décembre 2000, p. 1.
-
[13]
Arrêté du 17 mars 2006 relatif au contenu des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux : JO du 15 avril 2006, p. 5720.
-
[14]
JOCE n° L 197 du 21 juillet 2001, p. 30. Directive transposée par l’ordonnance n° 2004-489 du 3 juin 2004 : JO du 5 juin 2004, p. 9979 et rect. JO du 10 juillet 2004 p. 12554.
-
[15]
JO du 29 mai 2005, p. 9523. Codifié sous les articles R. 122-17 à R. 122-24 du Code de l’environnement. Voir Ph. Billet, « L’évaluation des incidences des documents d’urbanisme sur l’environnement » : JCP A 2005, Act. n° 270 ainsi que « L’évaluation des incidences environnementales des documents de gestion des forêts » (obs. sous décret 18 avril 2006 relatif à l’évaluation des incidences des documents de gestion des forêts sur l’environnement et modifiant le Code forestier) : Rev. dr. rur. 2006, Etudes n° 26.
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[16]
Décret n° 2005-613 du 27 mai 2005 pris pour l’application de l’ordonnance n° 2004-489 du 3 juin 2004 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement : JO du 29 mai 2005, p. 9523 ; Code de l’environnement, article R. 122-20.
-
[17]
Cette suspension dite « automatique », qui impose au juge de prononcer la suspension, tranche en effet avec le référé-suspension de droit commun qui permet au juge administratif de suspendre les effets de la décision jusqu’à ce qu’il statue sur le fond : l’article L. 511-2 du Code de justice administrative impose en effet la réunion de l’urgence et d’un moyen « propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ». Une fois ces deux critères satisfaits, cependant, le juge n’est pas tenu de prononcer la suspension.
-
[18]
Il en va de même en matière d’eau : l’étude d’incidences est fournie à l’appui du dossier de demande par « toute personne souhaitant réaliser une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumise à autorisation » au titre de la nomenclature « eau » (Code de l’environnement, art. R. 214-6), ou à déclaration au titre de cette même nomenclature (Code de l’environnement, art. R. 214-32).
-
[19]
CE, 17 octobre 1994, Jean-Pierre Devulder, req. n° 134307.
-
[20]
CE, 28 juillet 1993, SARL Bau-Rouge, req n° 116943 : Rec. CE, p. 249.
-
[21]
CE, 31 mars 1989, Mme Gérard Coutras : Rec. CE, p. 103 ; CJEG 1990, p. 133, note D. D. ; RJE 1989, p. 455, qui confirme dans son principe TA Grenoble, 8 juin 1984, Michallon : RJE 1984, p. 240 à propos d’une étude d’impact. On relèvera toutefois que, dans une décision surprenante, le tribunal administratif de Poitiers a retenu la responsabilité de l’Etat, sans l’atténuer par la faute du bénéficiaire de l’autorisation, pourtant à l’origine de son propre dommage en ayant fourni lui-même l’étude d’impact litigieuse. Le Tribunal a, en effet, estimé qu’ « aucune circonstance de droit ou de fait ne peut être retenue pour atténuer la responsabilité de l’Etat » (TA Poitiers, 26 juin 2003, Société Tree c/ Ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement, req. n° 0297).
-
[22]
Pour une analyse critique, voir Ph. Billet, « La prise en compte de la faune sauvage dans le cadre des activités et procédures d’aménagement, de gestion et d’utilisation des sols », Actes du colloque « Gestions durables des espèces animales (mammifères, oiseaux) - Approches biologiques, juridiques et sociologiques » (Paris, 15-17 novembre 2004), in Nature-Sciences- Sociétés 2006, vol. n° 14, suppl. p. S. 13 à S. 21.
-
[23]
Estimé à 4 500 en 1978, dès la mise en place de la procédure (JOAN, CR 30 octobre 1979, p. 9168).
-
[24]
Loi n° 52-1265 du 29 novembre 1952 relative à la procédure d’instruction des travaux mixtes intéressant à la fois la Défense nationale et un ou plusieurs services civils : JO du 30 novembre 1952, p. 11091 et décret n° 55-1064 du 4 août 1955 portant règlement d’administration publique pour l’application de la loi du 29 novembre 1952 sur les travaux mixtes : JO du 10 août 1955, p. 8016.
-
[25]
Directive n° 2001/42/CE, considérant 15.
-
[26]
Décret n° 2009-496 du 30 avril 2009 relatif à l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement prévue aux articles L. 122-1 et L. 122-7 du Code de l’environnement : JO du 3 mai 2009, p. 7471 ; Code de l’environnement, articles R. 122-1-1 et R. 122-13.
-
[27]
Décret n° 2005-613 du 27 mai 2005, préc., Code de l’environnement, article R. 122-19.
-
[28]
Voir circulaire du 3 septembre 2009 relative à la préparation de l’avis de l’autorité environnementale : BO MEEDDM n° 2009/18 du 10 octobre 2009, p. 154.
-
[29]
Avis n° 2011-31 du 20 juillet 2011.
-
[30]
Avis n° 2010-52 du 12 janvier 2011 relatif à la modernisation du barrage de Villeneuve-sur-Yonne.
-
[31]
Voir, en matière d’eau, Code de l’environnement, article R. 214-50.
-
[32]
Loi n° 2008-595 du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés : JO du 26 juin 2008, p. 10218.
-
[33]
JO du 3 décembre 1983, p. 3492.
-
[34]
JO du 21 décembre 2007, p. 20639.
-
[35]
Cas d’une autorisation d’exploiter, ou de construire l’ouvrage par exemple.
-
[36]
Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, article 16-1 : JO du 13 avril 2000, p. 5646.
-
[37]
CE, Ass., 14 février 1975, Epoux Merlin : AJDA 1975, p. 229, Chr. Franc et Boyon.
-
[38]
CE, 23 janvier 2007, Association de protection de l’environnement de Copponex, req. n° 300284. Dans le même sens, CE, 5 mai 1999, Association Saône-Rhin Voie d’eau 2010 et a. : Moniteur TP, 18 juin 1998, p. 45.
-
[39]
CE, 26 février 1996, Association Stop Civaux et a. : Rec. CE 1996, tables, p. 710 ; CJEG 1994, p. 443, concl. Frydman ; AJDA 1994, p. 367, chron. Maugüé et Touvet ; D. 1995, somm. p. 382, obs. Bon.
-
[40]
Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique, « La diversité biologique dans l’évaluation de l’impact », document de base de la décision VIII/28 de la CDB : lignes directrices volontaires sur l’évaluation de l’impact tenant compte de la diversité biologique, Cahier technique CDB n° 26, Montréal 2006, p. 40-41.
1La diversité biologique fait figure d’arlésienne dans les mécanismes d’anticipation des atteintes à l’environnement. On la chercherait en vain sous cette dénomination – ou assimilée, comme « biodiversité » – dans les différents textes qui régissent les études d’impact, les études d’incidences et autres mécanismes d’évaluation environnementale. Si elle est présente, c’est dissimulée sous une terminologie qui l’absorbe au point de la faire disparaître, trop évidente pour être citée comme telle ou, au contraire, trop peu prise en compte pour mériter d’être mentionnée.
2Cette situation est pour le moins surprenante, en droit français, dans la mesure où les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent sont consacrés comme faisant « partie du patrimoine commun de la nation » (Code de l’environnement, art. L. 110-1). Il ne s’agit cependant là que d’une déclaration de principe, sans réelle portée juridique, d’autant moins que le Conseil d’Etat a « neutralisé » l’application de cette disposition en considérant que l’article L. 110-1 du Code de l’environnement, « se borne à énoncer des principes dont la portée a vocation à être définie dans le cadre d’autres lois » [1]. Ce qui appelle l’édiction de « normes relais » définissant des mécanismes de prise en compte effective de la biodiversité. Celle-ci fonde ainsi, et notamment, la formalisation de trames vertes et bleues qui ont pour objectif « d’enrayer la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques » et qui contribuent à « identifier, préserver et relier les espaces importants pour la préservation de la biodiversité par des corridors écologiques » (Code de l’environnement, art. L. 371-1). Il en va de même pour les sites Natura 2000, pour lesquelles la diversité biologique n’apparaît pas comme telle, mais est sous-tendue part les objectifs des zones spéciales de conservation et des zones de protection spéciale (Code de l’environnement, art. L.414-1). Ces protections territorialisées prolongent celles qui ont été initiées dans le cadre des parcs nationaux et des réserves naturelles, dont on devine, faute de mention expresse en ce sens, qu’elles ont notamment pour finalité la protection de la diversité biologique. Celle-ci n’apparaît au reste pas au titre des éléments à analyser au titre de la « notice d’impact permettant d’apprécier les conséquences de l’opération sur le territoire protégé et son environnement » dans le cadre d’une demande d’autorisation de modification de l’état ou de l’aspect d’une réserve naturelle (Code de l’environnement, art. R. 332-23 et R. 332-44), pas plus que lorsqu’il s’agit d’autoriser une opération similaire dans un parc national (Code de l’environnement, art. L. 331-4 et L. 331-14) ou une zone Natura 2000 (Code de l’environnement, art. L. 414-4). Le contenu de l’étude d’incidence spécifique à cette dernière hypothèse est beaucoup plus détaillée que dans les autres cas mais n’impose d’analyser que les « effets significatifs dommageables, pendant ou après sa réalisation […] sur l’état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites » (Code de l’environnement, art. R. 414-23). Soit une prise en compte potentielle de la diversité biologique, mais sans mention particulière de le faire en ce qui la concerne. Il en va de même pour les études qui doivent accompagner des opérations qui ont, compte tenu de leur objet, des incidences presque certaines sur cette diversité biologique, à l’instar de celles qui précèdent l’autorisation d’introduction à des fins agricoles, piscicoles ou forestières ou pour des motifs d’intérêt général de spécimens d’espèces animales ou végétales non indigènes au territoire d’introduction et non domestiques ou non cultivées : « l’évaluation des conséquences de cette introduction » est générique, sans exigence particulière quant à son contenu (Code de l’environnement, art. L. 411-3). De leur côté, les dérogations relatives à la destruction d’une espèce protégée ne peuvent notamment être accordées que si les opérations ne portent pas atteinte à l’état de conservation de l’espèce concernée (Code de l’environnement, art. L. 411-2) et sous réserve, le cas échéant, de respecter les mesures d’atténuation ou de compensation mises en œuvre, ayant des conséquences bénéfiques pour les espèces concernées [2]. Les organismes génétiquement modifiés, enfin, « ne peuvent être cultivés, commercialisés ou utilisés que dans le respect de l’environnement [et] des écosystèmes locaux » et les décisions d’autorisation qui les concernent « ne peuvent intervenir qu’après une évaluation préalable indépendante et transparente des risques pour l’environnement » (Code de l’environnement, art. L. 531-2-1) : l’évaluation des risques pour l’environnement doit ainsi comporter « comme principe général une analyse des “effets cumulés à long terme” liés à la dissémination et à la mise sur le marché ». Lesquels effets cumulés à long terme font référence « à l’effet qu’aurait l’accumulation d’autorisations sur la santé humaine et l’environnement, notamment sur la flore et la faune, la fertilité du sol, la dégradation de matériaux organiques par le sol, la chaîne alimentaire humaine ou animale, la diversité biologique, la santé animale et les problèmes liés à la résistance aux antibiotiques » [3].
3Ces procédures d’évaluation caractérisent toutes une prise en compte latente des risques pour la diversité biologique. Cependant, outre le fait qu’elles restent propres à des atteintes potentielles spécifiques, elles ne l’imposent pas comme telle en tant qu’élément à prendre en compte effectivement. Elles ne dérogent pas, de ce point de vue, aux évaluations environnementales plus globales, dont le champ reste très ambigu de ce point de vue, alors même qu’elles sont censées fonder la définition de mesures de prévention et de réparation des atteintes relevées (I). Les différents contrôles qui pèsent sur elles ne semblent pas devoir changer la donne, faute d’avoir été envisagées à temps (II).
I – Les ambiguïtés du champ des évaluations environnementales
4Les évaluations environnementales « globales » rassemblent trois séries d’études préalables à des autorisations administratives concernant des projets susceptibles de porter atteinte à l’environnement : les études d’impact, les études d’incidence en matière d’eau et de milieu aquatique et les évaluations environnementales en tant que telles. Celles-ci tentent de décliner certaines exigences communautaires quant aux éléments à prendre en considération mais toutes restent en deçà des attentes s’agissant de la prise en considération de la diversité biologique.
A – Les « effets indirects » dans le cadre des études d’impact
5Les trente-cinq années d’existence des études d’impact, qu’elles soient de droit commun (Code de l’environnement, art. R. 122-5) ou spécifiques aux installations classées pour la protection de l’environnement (Code de l’environnement, art. R. 512-8), ont sans doute été marquées par une évolution certaine de leur contenu, sous la pression du droit communautaire, mais elles n’ont toujours pas intégré des préoccupations écosystémiques liées à la diversité biologique. D’un champ visant originellement « l’état initial du site et de son environnement [et] l’étude des modifications que le projet y engendrerait » [4], portant « en particulier sur les sites et paysages, la faune et la flore, les milieux naturels et les équilibres biologiques » [5], on est passé en quelques années à l’analyse plus complète des « conséquences dommageables pour l’environnement » et des « effets directs et indirects, temporaires et permanents et en particulier sur la faune et la flore… les milieux naturels et les équilibres biologiques » élevé au rang législatif. Les modifications introduites par la loi Grenelle II n’ont guère changé la donne : 2° Le contenu de l’étude d’impact, qui comprend au minimum une description du projet, une analyse de l’état initial de la zone susceptible d’être affectée et de son environnement, l’étude des effets du projet sur l’environnement ou la santé humaine, y compris les effets cumulés avec d’autres projets connus, les mesures proportionnées envisagées pour éviter, réduire et, lorsque c’est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l’environnement ou la santé humaine » [6]. Son décret d’application a remplacé les milieux naturels par les habitats naturels et complété l’inventaire par les continuités écologiques (Code de l’environnement, art. R. 122-5). De fait, la seule référence à la faune et à la flore ne rend pas complètement compte de la diversité biologique, même si elle en constitue les prémices. Le recensement préalable des espèces faunistiques et floristiques et l’analyse des incidences – même indirectes – du projet sur elles, sont en pratique limitées à des individualités : il existe telle ou telle espèce, qui vit dans tel ou tel milieu. L’absence de recensement d’une espèce est sanctionnée par l’annulation ou l’exception d’illégalité de l’acte adopté sur la base d’une étude d’impact considérée de ce fait comme insuffisante [7]. Les interrelations entre les espèces sont, en revanche, rarement prises en compte, comme si elles étaient isolées : les études d’impact ne comportent en effet très souvent aucune analyse des effets sur la diversité biologique de la disparition ou de la diminution de telle ou telle espèce du fait de la réalisation ou de l’exploitation du projet, faute d’avoir envisagé, par exemple, les inféodations liées aux chaînes alimentaires. Ainsi, alors même que l’atteinte portée à une espèce aura des incidences sur d’autres qui en dépendent ou qui lui sont liées (soit qu’elle les régule, soit qu’elle les favorise par sa présence), cette atteinte ne sera pas envisagée dans l’étude d’impact, faute d’avoir été expressément imposée par les textes. Le caractère indirect des effets du projet est donc largement ignoré, alors même que le régime des études d’impacts impose expressément la prise en compte de tels effets. Certaines juridictions ont même considéré que la perte de diversité biologique n’était « au nombre des effets indirects que l’étude d’impact aurait dû aborder » [8]. Pour autant que ces effets soient effectivement envisageables et mesurables en l’état des connaissances scientifiques du moment, car même si les textes ne poussent pas les limites des études jusqu’à ce terme, ce dernier reste implicite.
6Sans doute pourrait-on appréhender ces effets dérivés sur la diversité biologique par le biais des « équilibres biologiques », qui caractérisent le rapport relativement stable qui existe entre l’homme, la faune et la flore, ainsi que leur interaction avec les conditions du milieu naturel dans lequel ils vivent. L’équilibre biologique est une notion récurrente en droit de l’environnement et a même trouvé une place de choix dans la charte de l’environnement, à propos des « équilibres naturels » qui ont conditionné l’émergence de l’humanité, premier considérant de la Charte et comme élément du premier principe consacré, le droit de vivre dans un « environnement équilibré » [9]. L’équilibre auquel il est fait écho ici est un équilibre écologique, équilibre instable par nature, le dynamisme d’un écosystème impliquant un jeu permanent entre équilibre et déséquilibre, l’évolution d’un équilibre donné vers un nouvel équilibre du fait d’événements, naturels ou non. Cependant, si ces équilibres biologiques ont un lien certain avec la diversité biologique, qui les conditionne, ils n’en rendent pas totalement compte. Une mention explicite s’imposerait à cette fin. Cette mention s’impose d’autant plus que, très souvent, l’analyse relative aux espèces affectées par le projet, protégées ou non, n’est que quantitative (inventaire des espèces présentes potentiellement affectées) et l’approche qualitative se limite souvent aux effets matériels directs du projet (déguerpissement…) et non à ses effets matériels dérivés (atteinte à la chaîne alimentaire, appauvrissement de l’écosystème…). Cette lacune, jamais sanctionnée, est surprenante, car le juge administratif n’hésite pas à censurer une incomplétude de l’étude caractérisée par l’absence de mention du statut des espèces répertoriées en cause : il considère en effet, à cette occasion, que « en les privant d’une information essentielle, cette insuffisance a été de nature à nuire à la conception de son projet par l’exploitant ainsi qu’à l’expression de ses observations par la population et à influer sur l’exercice de son pouvoir d’appréciation par l’Administration ; que la procédure suivie s’est ainsi trouvée entachée d’irrégularité » [10]. La formule reste transposable aux questions de diversité biologique, d’autant que si les espèces « nobles », protégées, sont privilégiées dans les analyses d’impact, les espèces « vulgaires » sont largement ignorées, jusque dans les services environnementaux qu’elles peuvent rendre et leur contribution à la diversité biologique.
7En tout état de cause, le droit français des études d’impact reste quelque peu en retrait des exigences communautaires car la directive n° 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement [11] impose a priori la prise en compte de la diversité biologique. Ainsi, « les effets d’un projet sur l’environnement doivent être évalués pour tenir compte des préoccupations visant… à veiller au maintien des diversités des espèces et à conserver la capacité de reproduction de l’écosystème en tant que ressource fondamentale de la vie » (considérant 11). Cette notion de diversité des espèces ne se retrouve cependant pas dans le corpus prescriptif que les Etats doivent intégrer dans leur réglementation. L’article 3 de la directive précise en effet que l’évaluation des incidences sur l’environnement identifie, décrit et évalue de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier, les effets directs et indirects d’un projet sur les facteurs suivants : I’homme, la faune et la flore, le sol, I’eau, l’air, le climat et le paysage et I’interaction entre tous ces facteurs. De son coté, l’annexe IV précise, à propos du contenu du dossier joint à l’appui de la demande, que celui-ci doit comporter « une description des éléments de l’environnement susceptibles d’être affectés de manière notable par le projet proposé, y compris notamment la population, la faune, la flore, le sol, I’eau, I’air, les facteurs climatiques, les biens matériels, y compris le patrimoine architectural et archéologique, le paysage ainsi que l’interrelation entre les facteurs précités ». Ces interrelations, évoquées à deux reprises par la directive, induisent sans doute la question de la diversité biologique mais elles restent indépendantes en ce sens que des interrelations peuvent exister avec une diversité très faible et des chaînes trophiques courtes. Si le droit interne reste compatible avec une telle formule, il reste cependant dans la stricte lignée de ces exigences et n’intègre pas les considérations relatives à la diversité biologique.
B – La qualité écologique dans les études d’incidence sur l’eau
8La loi sur l’eau du 3 janvier 1992 a imposé que les installations, ouvrages, travaux et aménagements (IOTA) soient soumis à autorisation ou déclaration au titre de la réglementation sur l’eau et les milieux aquatiques « suivant les dangers qu’ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques » (Code de l’environnement, art. L. 214-2), impliquant implicitement la prise en considération des effets sur la diversité biologique.
9Cependant, l’étude d’incidence qui doit être jointe à l’appui du dossier de demande d’autorisation a curieusement occulté les écosystèmes pour ne retenir que le biotope, envisagé comme un simple milieu sans la moindre référence aux espèces animales et végétales qu’il accueille : l’étude doit en effet indiquer « les incidences directes et indirectes, temporaires et permanentes, du projet sur la ressource en eau, le milieu aquatique, l’écoulement, le niveau et la qualité des eaux, y compris de ruissellement, en fonction des procédés mis en œuvre, des modalités d’exécution des travaux ou de l’activité, du fonctionnement des ouvrages ou installations, de la nature, de l’origine et du volume des eaux utilisées ou affectées et compte tenu des variations saisonnières et climatiques » (Code de l’environnement, art. R. 214-6). Le jeu d’interrelations que suppose l’écosystème n’est pas mentionné, pas plus que ne l’est la diversité biologique du milieu considéré. La biocénose est tenue hors du jeu de l’étude au profit du seul biotope. On retrouve bien le jeu des « incidences indirectes » comme pour les effets similaires de l’étude d’impact mais, pour les mêmes raisons qu’analysées précédemment, la diversité biologique est occultée.
10Cette situation est pour le moins surprenante, dans la mesure où la diversité biologique est connue de la directive n° 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau [12], même si elle ne l’évoque pas formellement. Il en va ainsi lorsqu’elle s’intéresse notamment à l’état écologique d’un cours d’eau, c’est-à-dire l’expression de la qualité de la structure et du fonctionnement des écosystèmes aquatiques associés aux eaux de surface. Les critères de l’état écologique, qu’il soit « très bon », « bon », « moyen » ou qu’il présente un « bon potentiel », se réfèrent en effet à la diversité biologique, même si elle n’est pas mentionnée sous cette dénomination : l’annexe V évoque ainsi, à propos de la « qualité écologique », « la composition et l’abondance des espèces » pour la faune piscicole ou encore « la composition taxinomique et l’abondance du phytoplancton » pour ce dernier. Cependant, aucune connexion n’a été établie entre l’étude d’incidence « à la française » et la directive cadre sur l’eau, la première visant des projets ponctuels, la seconde, des objectifs plus généraux qui n’intègrent pas de techniques particulières d’appréciation d’impact. Il est seulement mentionné que « l’état quantitatif d’une masse d’eau souterraine peut avoir une incidence sur la qualité écologique des eaux de surface et des écosystèmes terrestres associés à cette masse d’eau souterraine » (considérant 20) et qu’il est « nécessaire d’entreprendre des analyses des caractéristiques d’un bassin hydrographique et des incidences de l’activité humaine ainsi qu’une analyse économique de l’utilisation de l’eau » (considérant 36). Si les Etats doivent bien adopter des mesures en vue de la préservation des qualités chimiques et biologiques, qui pourraient justifier un renforcement du contenu des études d’incidences françaises, celles-ci sont envisagées de façon très large, dans le but d’atteindre les objectifs imposés par la directive, et non de façon ponctuelle, pour un projet donné.
11C’est donc par un biais dérivé que la diversité biologique s’invite dans le document joint à l’appui de la demande, par l’intermédiaire de la justification de la compatibilité du projet avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux et de sa contribution à la réalisation des objectifs de qualité des eaux (Code de l’environnement, art. R. 214-6), lesquels objectifs concernent notamment la qualité des eaux conchylicoles et des eaux douces ayant besoin d’être protégées ou améliorées pour être aptes à la vie des poissons (Code de l’environnement, art. D. 211-10). Le schéma directeur, de son coté, doit comporter les orientations fondamentales d’une gestion équilibrée de la ressource en eau, qui doivent permettre, entre autre, de satisfaire ou de concilier les exigences « de la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole » (Code de l’environnement, art. L. 211-1) ainsi que « les objectifs d’état écologique des masses d’eaux de surface continentales, estuariennes et maritimes » [13]. Il ne s’agit cependant pas, dans ce cas, d’une évaluation au sens où elle est conçue dans l’étude d’incidences, mais l’appréciation du rapport hiérarchique entre les actes suppose qu’une telle analyse ait lieu, le bon état – et son maintien en dépit de l’existence du projet ou son rétablissement ensuite de celui-ci impliquant à tout le moins la diversité.
C – La diversité biologique dans les évaluations environnementales
12La directive n° 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement [14] (directive « plans-programmes ») a imposé une évaluation environnementale pour les plans définissant l’affectation des sols et le cadre dans lequel pourra être autorisée la mise en œuvre des projets visés aux annexes I et II de la directive n° 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (art. 3, 1°) [directive « Projets »]. Cette directive est celle qui intègre le mieux les considérations relatives à la prise en compte de la diversité biologique. Elle précise en effet que « l’évaluation environnementale est un outil important d’intégration des considérations en matière d’environnement dans l’élaboration et l’adoption de certains plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement dans les Etats membres, parce qu’elle assure que ces incidences de la mise en œuvre des plans et des programmes sont prises en compte durant l’élaboration et avant l’adoption de ces derniers » (considérant 5). Lesquels considérants se réfèrent notamment à la Convention relative à la diversité biologique qui « impose aux parties l’obligation d’intégrer, dans la mesure où cela est possible et approprié, la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique dans les plans et programmes sectoriels et intersectoriels pertinents » (considérant 4). Elle impose ainsi que le rapport sur les incidences environnementales qui doit être établi préalablement à l’approbation de ces plans et programmes comporte une analyse sur les « effets notables probables sur l’environnement y compris sur des thèmes comme la diversité biologique, la population, la santé humaine, la faune, la flore, les sols, les eaux, l’air, les facteurs climatiques, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris le patrimoine architectural et archéologique, les paysages et les interactions entre ces facteurs » (annexe 1). Les effets en question devraient comprendre « les effets secondaires, cumulatifs, synergiques, à court, à moyen et à long termes, permanents et temporaires, tant positifs que négatifs ».
13Cette conception a été reprise en droit interne mais son application a un champ limité, qui concerne les seuls documents de planification « qui, sans autoriser par eux-mêmes la réalisation de travaux ou prescrire la réalisation de projets d’aménagement sont applicables à la réalisation de tels travaux ou projets doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale » (Code de l’environnement, art. L. 122-4). Le décret n° 2005-613 du 27 mai 2005 pris pour l’application de cette ordonnance a fixé le cadre général de réalisation de cette évaluation [15] et donné la liste limitative de ces plans et documents ayant « une incidence notable sur l’environnement » (Code de l’environnement, art. R. 122-17). S’agissant des documents d’urbanisme, la liste a été fixée par l’article R. 121-14 du Code de l’urbanisme et restreinte par l’article R. 121-16 du même code, qui dispense de cette évaluation certaines procédures liées à l’évolution des documents d’urbanisme concernés. On ne peut que regretter de telles limites, dès lors que le rapport environnemental qui compose l’évaluation environnementale doit comprendre une analyse qui expose « les effets notables probables de la mise en œuvre du plan ou document sur l’environnement et notamment, s’il y a lieu, sur… la diversité biologique (…) » [16]. Cette restriction ne fait que reprendre celle autorisée par la directive n° 2001/42/CE, qui autorise les Etats à exclure du champ de cette évaluation les plans et programmes « qui déterminent l’utilisation de petites zones au niveau local » ainsi que leurs modifications mineures, pour autant qu’ils établissent qu’ils ne sont pas susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.
II – Le contrôle des évaluations environnementales
14Le contrôle du public dans le cadre des enquêtes publiques, des procédures de concertation ou de tout autre mode de publicité organisée, n’a jamais permis de caractériser un véritable contrôle, sauf peut-être de la part d’associations locales de protection de l’environnement. Leurs remarques, cependant, ne sont pas nécessairement prises en compte au final, faute de dispositions qui l’imposeraient. Le dispositif Grenelle II prévoit cependant que « les observations et propositions recueillies au cours de l’enquête sont prises en considération par le maître d’ouvrage et l’autorité compétente pour prendre la décision » (Code de l’environnement, art. L. 123-1). La participation du public au processus décisionnel restant cependant pour l’essentiel purement formelle et sans effet véritable sur le contenu de l’évaluation environnementale, nous ne nous intéresserons pas plus avant à celle-ci.
15En définitive, jusqu’à récemment, le seul véritable contrôle des évaluations environnementales qu’organisait le droit français était juridictionnel, avec un mécanisme de référé-suspension propre aux seules études d’impact, exonérant la requête en référé fondée sur l’article L. 554-11 du Code de justice administrative de la démonstration de l’urgence dès lors qu’est alléguée l’absence d’étude d’impact [17]. L’absence de la diversité biologique dans cette étude, voire sa mauvaise analyse, si tant est qu’elle soit effectivement traitée, n’a cependant jamais eu pour effet de disqualifier l’étude d’impact et de la faire regarder comme absente.
16Ces contrôles ponctuels et incertains ont de la peine à rivaliser avec des contrôles plus formels, mais ceux-ci présentent tous, à des degrés divers, des insuffisances qui ne permettent pas de garantir la prise en compte effective de la diversité biologique.
A – L’évitement structurel du contrôle lors de la réalisation de l’évaluation
17La réalisation des évaluations environnementales est, par principe, confiée au pétitionnaire lui-même et non à l’administration ou à un tiers institué qui serait désigné et/ou agréé par l’administration et, partant, contrôlé par elle d’une manière ou d’une autre, impliquant un droit de regard ab initio sur le contenu de l’évaluation.
18Ainsi, en matière d’études d’impact, « les études préalables à la réalisation d’aménagements ou d’ouvrages (…) sont faites par le pétitionnaire ou le maître de l’ouvrage » [18]. Cependant, de façon nuancée, « il en est toutefois autrement si une procédure particulière établie par décret et concernant certains travaux ou projets d’aménagement charge une personne publique de ces études » (Code de l’environnement, art. R. 122-1). Les dérogations sont rares cependant, à l’instar de celle qui prévalait jusqu’en 2003 en matière d’autorisation de défrichement donnée par le ministre de l’Agriculture pour les bois appartenant à certaines personnes publiques (et notamment aux régions, départements, communes ou sections de communes, établissements publics) et pour laquelle le directeur général de l’Office national des forêts ou le directeur départemental de l’Agriculture devaient établir sur cette demande « un rapport détaillé tenant lieu soit de l’étude d’impact, soit de la notice [d’impact] » et comportant les éléments s’y rapportant (Code forestier, art. R. 312-1) [19]. La réalisation particulière de cette étude d’impact a, depuis, rejoint le droit commun.
19Si la rédaction même de l’évaluation environnementale échappe à l’administration, une certaine forme de contrôle prérédactionnel a, cependant, été instituée en matière d’étude d’impact, mais elle reste facultative, à la discrétion du pétitionnaire et ne préjuge pas du contenu définitif de l’étude. Ainsi, ce dernier peut obtenir de l’autorité compétente pour autoriser ou approuver le projet « de lui préciser les informations qui devront figurer dans l’étude d’impact ». Cependant, les précisions que cette autorité peut apporter dans le contexte de ce cadrage préalable « n’empêchent pas celle-ci de faire, le cas échéant, compléter le dossier de demande d’autorisation ou d’approbation et ne préjugent pas de la décision qui sera prise à l’issue de la procédure d’instruction » (Code de l’environnement, art. R. 122-2). Le dispositif Grenelle II a peu modifié ce contexte, précisant toutefois que le pétitionnaire ou maître d’ouvrage reste responsable de la qualité et du contenu de l’étude d’impact, même si l’autorité administrative lui donne un avis sur le degré de précision des informations à fournir (Code de l’environnement, art. R. 122-4).
20Quoi qu’il en soit, mises à part quelques exceptions ponctuelles, le choix du rédacteur de l’évaluation est libre. Cette « liberté » doit cependant être relativisée, car la pertinence de ce choix conditionne la qualité de l’évaluation, laquelle peut conduire à l’invalidation de cette dernière et, partant, à l’illégalité de l’autorisation qu’elle fonde, aux torts partagés du pétitionnaire et de l’administration. Ainsi, « en regardant comme fautif le fait, pour la société requérante, d’avoir présenté à l’appui de sa demande d’autorisation de lotir un dossier comportant une étude d’impact insuffisante, alors même que cet agissement n’aurait pas eu le caractère d’une méconnaissance intentionnelle des dispositions applicables, la cour administrative d’appel n’a pas procédé à une qualification juridique erronée de ce fait » [20]. Le pétitionnaire commet donc une faute qui engage sa responsabilité s’il présente une étude d’impact insuffisante : la responsabilité de l’administration qui a, de ce fait, délivré une autorisation illégale est atténuée par la faute de celui qui n’a pas présenté, à l’appui de sa demande, un dossier satisfaisant aux prescriptions requises [21]. Cette solution peut s’expliquer par le fait que l’Etat est le garant de la légalité de la décision qu’il rend et de ses effets à leur égard : il doit donc répondre de ses actes et des dommages dont leur illégalité est la source : lorsque l’autorité étatique délivre l’autorisation au pétitionnaire, « l’autorité de la chose décidée » confère à l’acte une présomption de légalité dont le bénéficiaire n’a pas à douter, d’autant plus s’il a été sollicité par l’administration en cours d’instruction de son dossier pour compléter sa demande.
21Le risque contentieux garantit donc a priori une certaine qualité de la conception et de la rédaction de l’évaluation environnementale pour éviter la perte de temps liée à une suspension et à une annulation de l’autorisation. Il ne faut pas nier les effets préventifs de ce contrôle juridictionnel potentiel : la crainte des effets d’un recours incite souvent les aménageurs à se ranger aux exigences écologiques et à soumettre leur projet à des études scientifiques parfois très poussées, voire à s’adjoindre les services d’associations de protection de l’environnement qui connaissent bien le secteur pour réaliser les études. Ce parti a également un effet « neutralisant » : désormais parties prenantes, les associations concernées peuvent difficilement contester le projet en se fondant sur l’insuffisance de l’évaluation environnementale à laquelle elles ont contribué.
22Si le contrôle ab initio par le choix du rédacteur constitue une garantie pour le pétitionnaire, il ne le réserve cependant pas d’une dérive assez couramment observée, liée à un jeu de valeurs. L’évaluation engage en effet l’évaluant, qui engage lui-même ses propres valeurs : un spécialiste de tel ou tel milieu ou de telle ou telle espèce aura beaucoup plus d’inclinaison à défendre ce qu’il connaît bien, mû par l’intérêt qu’il y porte, plutôt que de mettre en avant que ce à quoi il ne porte qu’un relatif intérêt ou dont il n’a qu’une connaissance approximative (ceci expliquant peut-être cela). Il va donc porter le résultat de son étude et rechercher un consensus autour des valeurs qu’il défend, orientant ainsi les choix de l’aménageur, à moins qu’il ne soit porté par les siens qui correspondent à sa propre échelle de valeurs. Il est extrêmement rare au demeurant qu’un bureau d’études choisi pour réaliser une étude d’impact ou toute autre étude d’environnement conclut à la nécessité d’abandonner le projet au titre des alternatives qui s’offrent au maître d’ouvrage ou à l’exploitant. Une approche plus consensuelle va influencer le résultat de l’évaluation, consacrant les intérêts bien compris de l’un et de l’autre. Le référentiel est alors faussé par des échelles de valeurs qui ne relèvent pas toujours de la rationalité scientifique. On voit alors mal comment le juge administratif peut trancher lorsqu’il est saisi de la contestation d’un projet au motif de l’insuffisance du contenu de l’étude d’impact. Il est naturellement peu enclin à diligenter des contre-expertises pour apprécier la réalité d’une erreur manifeste d’appréciation – qui auront de toute façon les mêmes défauts et, si l’erreur est « manifeste », point n’est besoin d’une telle contre-expertise – et tout aussi peu enclin à admettre les démonstrations de requérants dans un débat qu’il considère souvent comme étant idéologique. Il saura en revanche se montrer beaucoup plus sensible aux compensations offertes par le pétitionnaire qui, de ce fait, permettront de faire pencher la balance en faveur du projet. Or, les effets environnementaux des mesures compensatoires ne sont eux-mêmes jamais analysés – à l’instar des effets du déplacement d’une espèce animale ou végétale à protéger d’un aménagement – et le recours à la compensation permet de ne pas avoir à rechercher des solutions d’évitement [22].
23La confection de l’évaluation environnementale souffre donc de nombreux défauts que ne vient pas corriger le décret d’application de la loi Grenelle II, qui préfère placer le contrôle un peu plus en aval, après sa rédaction, mais avant la délivrance de l’autorisation. Si un tel contrôle peut être source d’amélioration, il convient de le relativiser.
B – Le contrôle immédiat de l’évaluation, facteur relatif d’amélioration
24Les débuts des études d’impact ont été marqués par un contrôle administratif spécifique sur le contenu de certaines d’entre elles par l’intermédiaire d’une institution dédiée, l’Atelier central de l’environnement. Il n’était en effet matériellement pas envisageable que toutes les études puissent faire l’objet d’un contrôle approfondi, au regard de leur nombre [23]. Créé le 4 mars 1976 afin d’accompagner les administrations dans leur mission de contrôle des études d’impact, mais surtout d’établir et de mettre en œuvre la procédure de l’étude d’impact, l’Atelier central de l’environnement donnait son avis sur les études d’impact relevant de la procédure des travaux mixtes de la loi du 29 novembre 1952 [24], outre l’instruction des dossiers d’étude d’impact que le ministre chargé de l’environnement avait décidé d’évoquer. Sa disparition n’a pas remis en cause le processus traditionnel d’instruction des demandes par les services administratifs et émissions de divers avis. Cependant, même si ces avis sont joints au dossier d’enquête, permettant ainsi au public d’en prendre connaissance après que le pétitionnaire a, le cas échéant, procédé à quelques ajustements ensuite de ceux-ci, ces derniers ne sont pas nécessairement le fait d’une autorité indépendante, réellement autonome par rapport à l’administration instructrice.
25La création d’une « autorité environnementale » a permis de remédier partiellement à cette situation en application des directives nos 85/337/CEE « Incidences » et 2001/42/CE « Plans-programmes », afin de « contribuer à une plus grande transparence du processus décisionnel ainsi que pour assurer l’exhaustivité et la fiabilité de l’information fournie en vue de l’évaluation » [25]. La réglementation en matière d’étude d’impact [26] et d’évaluation environnementale des plans et programmes [27] distingue deux niveaux d’intervention d’une « autorité de l’Etat compétente en matière d’environnement » : un échelon national, qui fait intervenir le ministre en charge de l’environnement ou la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable, si l’Etat est partie prenante au projet et un échelon déconcentré, qui voit l’intervention, selon les documents en cause, du préfet de région, du préfet coordonnateur de bassin ou du préfet de département. Le projet ainsi que l’évaluation environnementale associée lui sont transmis au moins trois mois avant l’ouverture de l’enquête publique ou autre procédure équivalente de consultation du public ou de mise à disposition du public et son avis est joint au dossier afin que le public puisse en prendre connaissance. L’avis émis au titre de l’autorité environnementale « porte à la fois sur la qualité du rapport environnemental ou de l’étude d’impact et sur la manière dont l’environnement est pris en compte dans le projet, le plan ou le programme, conformément aux articles 6, paragraphe 1, de la directive n° 85-337 (avis sur « la demande d’autorisation ») et 6, paragraphe 2, de la directive n° 2001-42 (avis sur « le projet de plan ou de programme »).
26Il comporte « une analyse du contexte du projet, une analyse du caractère complet du rapport environnemental ou de l’étude d’impact, de sa qualité et du caractère approprié des informations qu’il contient et une analyse de la prise en compte de l’environnement dans le projet, plan ou programme, notamment la pertinence et la suffisance des mesures d’évitement, de réduction, voire de compensation des impacts » [28]. Cet avis constitue un des éléments dont tient compte l’autorité compétente pour prendre sa décision relativement au projet. Le pétitionnaire en étant le destinataire, il lui est toujours possible de réviser.
27L’examen de quelques-uns des avis qui ont pu être émis par la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable montre que la diversité biologique trouve une place plus grande que ne le laissent supposer les textes : ainsi, à propos de l’étude d’impact jointe à l’appui de la demande de modification du décret d’autorisation de création de l’Installation nucléaire de base du Blayais (tranches 3 et 4) dans le département de la Gironde en vue d’y introduire du combustible mox, l’Autorité environnementale a considéré, à la rubrique « Les impacts sur la biodiversité », à propos des dommages à la faune piscicole causés par les tambours rotatifs des installations de prise d’eau qu’ « il est erroné de dire qu’il n’existe pas d’impact sur les esturgeons, compte tenu de certaines observations sur les tambours lors de plusieurs périodes de suivi (1981, 1982, 2010), alors même qu’un site très fréquenté par les juvéniles se trouve à quelques kilomètres à l’aval. Les explications sur les parts relatives de responsabilité du CNPE et de la pêche professionnelle méritent un réexamen, car datant des années 1980, alors que la régression de la pêche a dû corrélativement augmenter la part imputable au CNPE. Les conclusions tirées par le maître d’ouvrage sur l’impact des prélèvements d’eau sur la faune piscicole ne peuvent être considérées en l’état comme démontrées » [29]. Il semblerait cependant que la référence formelle à la diversité biologique soit conjoncturelle, pour autant que l’on puisse en juger par l’échantillonnage que nous avons pu effectuer au sein des avis rendus à ce jour. Il n’y a donc pas de recherche systématique de la prise en compte de cet élément, qui dépend des projets. On peut cependant trouver quelques concessions à cette diversité biologique de façon allusive, lorsqu’il s’agit par exemple d’analyser l’amélioration apportée à la continuité écologique d’un cours d’eau barré par un ouvrage hydraulique, en remplacement d’une passe à poissons présentée comme « non fonctionnelle » : l’avis estime que le choix d’une passe à poissons à bassins successifs et à fentes verticales est approprié pour faciliter la remontée de certaines espèces, mais suggère quelques améliorations techniques [30].
28Dans la mesure où le pétitionnaire est incité à modifier son projet au regard des risques contentieux d’une insuffisance que peuvent révéler ces avis, l’autorité environnementale apparaît comme une autorité régulatrice informelle, même si ses avis ont un caractère non contraignant.
C – La formalisation du suivi des mesures liées à la diversité biologique
29Les rapports entre diversité biologique et évaluation environnementale trouvent leur prolongement dans la question du suivi des mesures destinées à la prise en compte par la seconde des préoccupations liées à la première : le moyen et le long termes sont en effet nécessaires pour pouvoir apprécier effectivement les effets de la mise en œuvre du projet sur la diversité biologique et mesurer la pertinence des mesures correctrices développées par le maître d’ouvrage ou l’exploitant.
30L’autorisation ou l’absence d’opposition au projet est en effet délivrée sur le fondement de l’évaluation environnementale et le maître d’ouvrage ou l’exploitant est supposé mettre en œuvre les mesures annoncées. Si le suivi par le public doit être exclu – à l’exception d’un suivi « papier » des études d’impact qu’autorise la constitution d’un fichier départemental, mais qui ne comporte la mention des « incidents » d’exécution (Code de l’environnement, art. R. 122-11) –, celui des associations est plus aléatoire. Il se heurte en pratique à un défaut de moyens matériels pour établir des atteintes non prises en compte initialement ou démontrer, le cas échéant, un défaut de respect des prescriptions à même de garantir la prise en compte de la diversité biologique. Il faut en outre passer l’obstacle de l’intervention de l’autorité administrative, dont l’inertie ne peut être vaincue que par le recours au juge administratif.
31Cette situation laisse donc face à face deux protagonistes : le maître d’ouvrage ou exploitant et l’administration. La réglementation a doté cette dernière de quelques outils à même de lui permettre de veiller au respect des prescriptions de fonctionnement, par l’intermédiaire de ses agents, ou par le biais de laboratoires ou organismes agréés qui réalisent des analyses, des contrôles et autres évaluations [31], permettant de dépasser sa confiance toute relative dans les informations que l’exploitant peut être tenu de lui transmettre régulièrement dans le cadre d’un autocontrôle, comme les résultats des effets de l’exploitation d’un ouvrage sur l’eau et le milieu aquatique (Code de l’environnement, art. R. 214-16). Ces mesures ne constituent cependant le plus souvent qu’un suivi de l’exploitation, qu’un contrôle du fonctionnement de l’ouvrage et non un suivi des mesures édictées à la suite des résultats de l’évaluation environnementale. Une fois satisfaites les conditions des dérogations aux mesures de protection des espèces animales et végétales protégées – comme une capture suivie d’un déplacement – et la fourniture d’un rapport sur la bonne conduite de l’opération, il n’existe pas de suivi administratif systématique des mesures environnementales imposées dans le cadre de l’autorisation, pas plus qu’une l’analyse de leur efficacité. Le maître d’ouvrage n’est tenu d’aucune obligation d’informer l’autorité administrative d’éventuels effets non prévus ou du défaut d’efficacité des mesures adoptées, dont les effets pourraient avoir des répercussions sur la diversité biologique, si tant est que ces effets soient mesurables sur le court terme ou, en tout cas, dans le terme où une surveillance des impacts est effectivement pratiquée, laquelle n’est jamais alignée en pratique sur la durée d’exploitation de l’ouvrage ou de l’installation en cause.
32Afin de remédier à cette lacune, la loi Grenelle II a imposé que la décision de l’autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d’ouvrage à réaliser le projet fixe les mesures à la charge de celui-ci destinées à éviter, réduire et, lorsque c’est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l’environnement ou la santé humaine ainsi que les modalités de leur suivi (Code de l’environnement, art. L. 122-1). Le décret d’application de ce dispositif a prévu que l’étude d’impact doit comporter l’exposé des effets attendus des mesures correctrices à l’égard des impacts du projet sur les éléments protégés par la réglementation ainsi qu’une présentation « des principales modalités de suivi de ces mesures et du suivi de leurs effets sur [ces] éléments » (Code de l’environnement, art. R. 122-5).
33Cependant, aucune disposition ne prévoit qu’en cas de mauvaise évaluation des effets du projet sur l’environnement qui se révélerait en cours d’exploitation de l’ouvrage ou de l’aménagement et en vertu desquels l’autorisation aura pourtant été accordée avec son train de mesures correctrices, l’autorité administrative puisse imposer des prescriptions complémentaires. Voire qu’en cas de changement notable des éléments du dossier du fait de cette mauvaise évaluation, une nouvelle demande d’autorisation doive être déposée, avec suspension de la mise en œuvre de l’autorisation initiale, jusqu’à instruction complète et délivrance de la nouvelle autorisation.
34Le caractère de l’impact sur la diversité biologique, voire son irréversibilité, aurait pourtant dû conduire à développer une réglementation adaptée à cet effet. La convention d’Espoo sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière laisse entrevoir une telle possibilité lorsqu’elle évoque « l’analyse a posteriori ». Cependant, outre son champ d’application réduit, ses effets sont limités : cette analyse a en effet notamment pour objet : « a) De vérifier si les conditions énoncées dans les textes autorisant ou approuvant l’activité sont bien respectées et si les mesures correctives sont efficaces ; b) D’examiner tout impact dans un souci de bonne gestion et afin de dissiper les incertitudes ; c) De vérifier l’exactitude des prévisions antérieures afin d’en tirer des leçons pour les activités du même type qui seront entreprises à l’avenir » (appendice V). Aucun correctif n’est cependant imposé, ni même envisagé.
35Des précédents existent pourtant en droit français, à l’instar du régime des installations classées ou de celui des organismes génétiquement modifiés : l’article L. 535-2 du Code de l’environnement, dans sa rédaction antérieure à la réforme introduite par la loi du 25 juin 2008 relative aux OGM [32] prévoyait en effet qu’en cas de nouvelle évaluation des risques que la présence d’OGM fait courir à la santé publique ou à l’environnement, l’autorité administrative puisse ordonner la destruction des OGM et en cas de carence, y faire procéder d’office. S’il a été possible, dans ce cadre, de mettre en place un comité de surveillance biologique du territoire (ex-« comité de biovigilance »), il aurait également été possible de le faire, mutatis mutandis, en matière de contrôle des impacts des ouvrages et installations en fonctionnement, avec l’obligation pour la personne autorisée de communiquer à un tel comité toutes les informations nécessaires à ce contrôle.
36On aurait également pu penser à développer le régime du changement des circonstances en cas d’évolution des effets sur la diversité biologique, fondant ainsi la possibilité de demander à l’autorité administrative de réviser sa décision du fait de l’existence de nouvelles circonstances de fait par rapport à celles qui existaient au jour de la délivrance de l’autorisation. Le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l’administration et les usagers [33] ne l’envisageait pas et la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit [34], qui lui a succédé sur ce point, ne règle pas le cas des décisions individuelles [35]. Le champ d’application de son régime est en effet limité aux décisions réglementaires : ainsi, « l’autorité administrative est tenue, d’office ou à la demande d’une personne intéressée, d’abroger expressément tout règlement illégal ou sans objet, que cette situation existe depuis la publication du règlement ou qu’elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date » [36]. Il faut toutefois réserver le cas de la déclaration d’utilité publique, acte sui generis [37] : ainsi, « l’autorité administrative n’est tenue de faire droit à la demande d’abrogation d’une déclaration d’utilité publique que si, postérieurement à son adoption, l’opération concernée a, par suite du changement des circonstances de fait, perdu son caractère d’utilité publique ou si, en raison de l’évolution du droit applicable, cette opération n’est plus susceptible d’être légalement réalisée » [38]. L’intérêt de ce régime est cependant limité par le fait que l’autorité compétente n’a pas à prononcer l’abrogation d’une déclaration d’utilité publique qui a cessé de produire ses effets du fait de la réalisation des expropriations qu’elle prévoyait [39]. Ce qui implique en pratique qu’il n’y aura jamais d’abrogation d’une DUP en raison d’effets non envisagés initialement, dès lors que ces effets sont liés à l’ouvrage et non aux expropriations en tant que telles.
Conclusion
37La diversité biologique est une préoccupation relativement récente et elle peine à trouver formellement sa place dans les procédures d’évaluation environnementale. La convention sur la diversité biologique de 1992 avait pourtant prévu, sous son article 14 « études d’impact et réduction des effets nocifs » que chaque partie contractante, dans la mesure du possible « adopte des procédures permettant d’exiger l’évaluation des impacts sur l’environnement des projets qu’elle a proposés et qui sont susceptibles de nuire sensiblement à la diversité biologique en vue d’éviter et de réduire au minimum de tels effets, et, s’il y a lieu, permet au public de participer à ces procédures ». Une méthodologie a même été développée pour inciter à cette prise en compte, avec l’avertissement que « l’évaluation d’impact sur l’environnement ne s’arrête pas par la production d’un rapport et d’une décision sur le projet proposé », suggérant qu’un contrôle de conformité soit mis en œuvre « pour comparer les résultats réels après que la mise en œuvre du projet a démarré avec ceux prévus avant la mise en œuvre » et que les responsabilités et contrôle approprié soient établis « pour assurer que la limitation est efficacement mise en œuvre, que les effets ou tendances négatives imprévues sont détectés et abordés et que les bénéfices attendus (ou développements positifs) sont accomplis à mesure que le projet avance » [40].
38Au-delà d’un manque évident de volonté d’imposer effectivement la prise en compte de la diversité biologique et des difficultés techniques qu’il faut nécessairement intégrer, il n’est pas certain que l’évaluation environnementale soit l’outil adéquat pour limiter les atteintes à celles-ci, du moins dans sa conception actuelle. Si elle peut les prévenir en les mettant en évidence, elle reste ambiguë dans la mesure où elle est toujours accompagnée de mesures de compensation, solution de facilité qui permet de ne pas avoir à rechercher des solutions d’évitement. Elle légitime en définitive les atteintes par les contreparties qu’elle offre, justifiant la réalisation du projet sans jamais véritablement la contrarier.
Mise en ligne 13/08/2015
Notes
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[1]
CE, ass., 3 octobre 2008, n° 297931, Commune d’Annecy : Rec. CE 2008, p. 322 ; JCP A 2008, n° 2279, obs. Ph. Billet ; AJDA 2008, p. 2166, chron. E. Geffray et S.-J. Liéber ; Environnement 2008, alerte 66, obs. J.-M. Février ; Environnement 2008, comm. 153, obs. P. Trouilly ; Europe 2008, alerte 55, obs. D. Simon.
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[2]
Arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d’instruction des dérogations définies au 4° de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées : JO du 19 avril 2007, p. 7015.
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[3]
Directive n° 2001/18 du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement et abrogeant la directive n° 90/220/CEE du Conseil, annexe II (JOCE n° L. 106 du 17 avril 2001, p. 1), à laquelle renvoie l’article R. 533-3 du Code de l’environnement relatif à la composition du dossier de demande d’autorisation de dissémination volontaire à toute autre fin que la mise sur le marché.
-
[4]
Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature : JO du 13 juillet 1976, p. 4203.
-
[5]
Décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 pris pour l’application de l’article 2 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature : JO du 13 octobre 1977, p. 4948.
-
[6]
Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement : JO du 13 juillet 2010, p. 12905.
-
[7]
L’absence de mention de la présence de tortues « cistudes » caractérise une analyse insuffisante des incidences d’une retenue d’eau sur le milieu aquatique et ne permet pas à la commission d’enquête de se prononcer en connaissance de cause. Le fait que le préfet, incompétent à ce titre, ait imposé en cours d’enquête, au titre de l’article 21 du décret du 29 mars 1993 (Code de l’environnement, art. R. 214-24), le transfert des tortues vers un autre site avant la mise en eau ne couvre pas le vice substantiel de procédure qui entache son autorisation (TA Pau, 19 décembre 2002, SEPANSO Béarn Pyrénées : RJE 2004, p. 70, obs. J. Sironneau). Cette décision a toutefois été annulée, car la circonstance que la commission d’enquête n’aurait pas été informée qu’une étude sur le déplacement des cistudes aurait été confiée à une association de protection de la nature, est sans influence sur la régularité de l’avis de ladite commission, laquelle a eu connaissance avant la fin de l’enquête publique de la présence des cistudes et de ses incidences (CAA Bordeaux, 22 février 2007, Association syndicale autorisée d’irrigation de l’Aubin : Environnement 2007, n° 118, obs. P. Trouilly ; RJE 2008, p. 68, obs. J. Sironneau). Voir aussi CAA Bordeaux, 15 novembre 2010, MEEDDM, req. n° 10BX00682.
-
[8]
CAA Nantes, 18 mars 2010, Association Vasselay Poumon Vert, req. n° 09NT00931.
-
[9]
Loi constitutionnelle n° 2005-205, 1er mars 2005, relative à la Charte de l’environnement : JO du 2 mars 2005, p. 3697.
-
[10]
CAA Lyon, 1er juin 2006, n° 02LY01482, Association Allier Nature et Association de défense de l’environnement de Montaigu-le-Blin : Environnement 2006, comm. 130, obs. D. Gillig. Confirmé par CE, 12 novembre 2007, n° 295347, Société Vicat SA : JCP A 2007, act. 1020 ; Environnement 2008, comm. 34, comm. D. Gillig ; JCP A 2008, n° 2121, obs. Ph. Billet.
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[11]
JOCE n° L. 175 du 5 juillet 1985, p. 40. Modification directive n° 97/11/CE du 3 mars 1997 : JOCE n° L 75 du 14 mars 1997, p. 5 ; directive n° 2003/35/CE du 26 mai 2003 : JOUE n° L 156 du 25 juin 2003, p. 17 et directive n° 2009/31/CE du 23 avril 2009 : JOUE n° L 140 du 5 juin 2009, p. 114.
-
[12]
JOCE n° L 326, 22 décembre 2000, p. 1.
-
[13]
Arrêté du 17 mars 2006 relatif au contenu des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux : JO du 15 avril 2006, p. 5720.
-
[14]
JOCE n° L 197 du 21 juillet 2001, p. 30. Directive transposée par l’ordonnance n° 2004-489 du 3 juin 2004 : JO du 5 juin 2004, p. 9979 et rect. JO du 10 juillet 2004 p. 12554.
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[15]
JO du 29 mai 2005, p. 9523. Codifié sous les articles R. 122-17 à R. 122-24 du Code de l’environnement. Voir Ph. Billet, « L’évaluation des incidences des documents d’urbanisme sur l’environnement » : JCP A 2005, Act. n° 270 ainsi que « L’évaluation des incidences environnementales des documents de gestion des forêts » (obs. sous décret 18 avril 2006 relatif à l’évaluation des incidences des documents de gestion des forêts sur l’environnement et modifiant le Code forestier) : Rev. dr. rur. 2006, Etudes n° 26.
-
[16]
Décret n° 2005-613 du 27 mai 2005 pris pour l’application de l’ordonnance n° 2004-489 du 3 juin 2004 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement : JO du 29 mai 2005, p. 9523 ; Code de l’environnement, article R. 122-20.
-
[17]
Cette suspension dite « automatique », qui impose au juge de prononcer la suspension, tranche en effet avec le référé-suspension de droit commun qui permet au juge administratif de suspendre les effets de la décision jusqu’à ce qu’il statue sur le fond : l’article L. 511-2 du Code de justice administrative impose en effet la réunion de l’urgence et d’un moyen « propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ». Une fois ces deux critères satisfaits, cependant, le juge n’est pas tenu de prononcer la suspension.
-
[18]
Il en va de même en matière d’eau : l’étude d’incidences est fournie à l’appui du dossier de demande par « toute personne souhaitant réaliser une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumise à autorisation » au titre de la nomenclature « eau » (Code de l’environnement, art. R. 214-6), ou à déclaration au titre de cette même nomenclature (Code de l’environnement, art. R. 214-32).
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[19]
CE, 17 octobre 1994, Jean-Pierre Devulder, req. n° 134307.
-
[20]
CE, 28 juillet 1993, SARL Bau-Rouge, req n° 116943 : Rec. CE, p. 249.
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[21]
CE, 31 mars 1989, Mme Gérard Coutras : Rec. CE, p. 103 ; CJEG 1990, p. 133, note D. D. ; RJE 1989, p. 455, qui confirme dans son principe TA Grenoble, 8 juin 1984, Michallon : RJE 1984, p. 240 à propos d’une étude d’impact. On relèvera toutefois que, dans une décision surprenante, le tribunal administratif de Poitiers a retenu la responsabilité de l’Etat, sans l’atténuer par la faute du bénéficiaire de l’autorisation, pourtant à l’origine de son propre dommage en ayant fourni lui-même l’étude d’impact litigieuse. Le Tribunal a, en effet, estimé qu’ « aucune circonstance de droit ou de fait ne peut être retenue pour atténuer la responsabilité de l’Etat » (TA Poitiers, 26 juin 2003, Société Tree c/ Ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement, req. n° 0297).
-
[22]
Pour une analyse critique, voir Ph. Billet, « La prise en compte de la faune sauvage dans le cadre des activités et procédures d’aménagement, de gestion et d’utilisation des sols », Actes du colloque « Gestions durables des espèces animales (mammifères, oiseaux) - Approches biologiques, juridiques et sociologiques » (Paris, 15-17 novembre 2004), in Nature-Sciences- Sociétés 2006, vol. n° 14, suppl. p. S. 13 à S. 21.
-
[23]
Estimé à 4 500 en 1978, dès la mise en place de la procédure (JOAN, CR 30 octobre 1979, p. 9168).
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[24]
Loi n° 52-1265 du 29 novembre 1952 relative à la procédure d’instruction des travaux mixtes intéressant à la fois la Défense nationale et un ou plusieurs services civils : JO du 30 novembre 1952, p. 11091 et décret n° 55-1064 du 4 août 1955 portant règlement d’administration publique pour l’application de la loi du 29 novembre 1952 sur les travaux mixtes : JO du 10 août 1955, p. 8016.
-
[25]
Directive n° 2001/42/CE, considérant 15.
-
[26]
Décret n° 2009-496 du 30 avril 2009 relatif à l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement prévue aux articles L. 122-1 et L. 122-7 du Code de l’environnement : JO du 3 mai 2009, p. 7471 ; Code de l’environnement, articles R. 122-1-1 et R. 122-13.
-
[27]
Décret n° 2005-613 du 27 mai 2005, préc., Code de l’environnement, article R. 122-19.
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[28]
Voir circulaire du 3 septembre 2009 relative à la préparation de l’avis de l’autorité environnementale : BO MEEDDM n° 2009/18 du 10 octobre 2009, p. 154.
-
[29]
Avis n° 2011-31 du 20 juillet 2011.
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[30]
Avis n° 2010-52 du 12 janvier 2011 relatif à la modernisation du barrage de Villeneuve-sur-Yonne.
-
[31]
Voir, en matière d’eau, Code de l’environnement, article R. 214-50.
-
[32]
Loi n° 2008-595 du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés : JO du 26 juin 2008, p. 10218.
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[33]
JO du 3 décembre 1983, p. 3492.
-
[34]
JO du 21 décembre 2007, p. 20639.
-
[35]
Cas d’une autorisation d’exploiter, ou de construire l’ouvrage par exemple.
-
[36]
Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, article 16-1 : JO du 13 avril 2000, p. 5646.
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[37]
CE, Ass., 14 février 1975, Epoux Merlin : AJDA 1975, p. 229, Chr. Franc et Boyon.
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[38]
CE, 23 janvier 2007, Association de protection de l’environnement de Copponex, req. n° 300284. Dans le même sens, CE, 5 mai 1999, Association Saône-Rhin Voie d’eau 2010 et a. : Moniteur TP, 18 juin 1998, p. 45.
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[39]
CE, 26 février 1996, Association Stop Civaux et a. : Rec. CE 1996, tables, p. 710 ; CJEG 1994, p. 443, concl. Frydman ; AJDA 1994, p. 367, chron. Maugüé et Touvet ; D. 1995, somm. p. 382, obs. Bon.
-
[40]
Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique, « La diversité biologique dans l’évaluation de l’impact », document de base de la décision VIII/28 de la CDB : lignes directrices volontaires sur l’évaluation de l’impact tenant compte de la diversité biologique, Cahier technique CDB n° 26, Montréal 2006, p. 40-41.