Couverture de RJE_184

Article de revue

Notes bibliographiques

Pages 855 à 862

Notes

  • [1]
    RJE 1998/4, p. 565.
  • [2]
    À noter l’utilisation du pluriel en ce qui concerne, dans l’intitulé, les « climats » et, dans le corps du chapitre, les « changements climatiques ». Cela témoigne d’une approche locale à propos d’un phénomène qui se présente plutôt sur le plan mondial.
  • [3]
    Le rassemblement des eaux douces et du milieu est une révérence faite devant le droit de l’UE qui, à mon avis, ne se justifie pas forcément en droit international.
  • [4]
    Cela peut mener aussi à des doublons, comme par exemple à propos d’une organisation mondiale de l’environnement (p. 111 et 123).
  • [5]
    Alexandre Charles Kiss, Los principios generales del derecho del medio ambiente, Cuadernos de la Cátedra “J. B. Scott”, Universidad de Valladolid, 1975.

Jean-Marc LAVIEILLE, Hubert DELZANGLES, Catherine Le BRIS, Droit international de l’environnement, Ellipses, Paris, 4e édition, 2018, 375 pages

1En 1998, Alexandre-Charles Kiss avait salué la première édition de cet ouvrage comme un modèle à l’initiation au droit international de l’environnement (ci-après : DIE) et une contribution originale, claire et très vivante [1]. La parution de la quatrième édition démontre qu’il a été accueilli en ce sens par les lecteurs et qu’il s’est désormais établi comme une référence en la matière. Après lecture de la version actuelle du livre, on ne peut que confirmer ce qui a été déjà dit ! Par rapport aux éditions précédentes, l’ouvrage a augmenté de deux manières : d’abord quant à son volume, même s’il ne s’agit que de quelques pages (désormais 375 pages, par rapport à la 3ème édition de 2010 à 368 pages). Rappelons-nous, la 1ère édition de 1998 et la 2ème édition 2004 faisaient 192 pages. Ensuite, plus substantiellement, quant au nombre de ses auteur(e)s. En effet, Jean-Marc Lavieille, qui est connu comme l’un des piliers du droit de l’environnement à Limoges et dont on se réjouit de son activité permanente d’auteur, a été rejoint par Hubert Delzangles, professeur à Sciences Po Bordeaux et par Catherine Le Bris, chercheuse au CNRS, rattachée à Paris I. Précisions-le tout de suite : cet apport est un succès comme l’est le livre dans son ensemble !

2Le livre garde son ton engagé, sa défense de valeurs environnementales et humanistes et son caractère initiateur et pédagogique à propos d’une matière complexe. Une consultation de la table des matières indique également qu’il s’intéresse à toute la panoplie de thématiques qu’il importe de connaître, y compris certaines que l’on ne retrouve pas dans tous les ouvrages de DIE, comme la santé, le travail, l’habitat en DIE (chap. 15) et les conflits armés (chap. 16).

3Concrètement, le livre se présente à travers une préface de Michel Prieur, un avant-propos (2 pages), une introduction (10 pages) et deux parties (1ère partie : Les caractères du DIE ; 2e partie : Le contenu du DIE) composées respectivement de sept et de neuf chapitres. La numérotation des 16 chapitres se fait de manière continue (1 à 16). À cela s’ajoute une conclusion de 4 pages. S’il y a au début du livre une liste d’acronymes et à la fin un index très utile de 6 pages, il n’y a malheureusement pas de bibliographie, ni à la fin de l’ouvrage, ni par chapitre et cela malgré l’ampleur prise par l’ouvrage.

4Les thématiques visées par les différents chapitres sont les suivantes : 1) La nature et l’objet du DIE (11 pages) ; 2) L’histoire et les acteurs du DIE (27 p.) ; 3) Les enjeux et le contexte du DIE (16 p.) ; 4) Les sources formelles du DIE (17 p.) ; 5) Les institutions et les juridictions du DIE (26 p.) ; 6) L’application et les sanctions du DIE (11 p.) ; 7) Les faiblesses et les forces du DIE (3 p.) ; 8) Les concepts et les principes du DIE (49 p.) ; 9) La responsabilité internationale et la réparation des dommages environnementaux (7 p.) ; 10) L’air et les climats en DIE (40 p.) ; 11) Les eaux douces et le milieu marin en DIE (25 p.) ; 12) Les sols et les forêts en DIE (10 p.) ; 13) La conservation mondiale et régionale de la nature en DIE (37 p.) ; 14) Les produits chimiques, la circulation des déchets dangereux, la radioactivité en DIE (16 p.) ; 15) La santé, le travail, l’habitat en DIE (11 p.) ; 16) Le commerce international, les conflits armés en DIE (16 p.).

5Le volume accordé à chaque chapitre oscille entre 3 pages (Chap. 7 : faiblesses et forces du DIE) et 9 pages (Chap. 9 : responsabilité et réparation), d’un côté, et 40 pages (air et climats [2]) et 49 pages (concepts et principes), de l’autre côté. L’importance accordée aux différentes thématiques ne se justifie pas forcément par leur contenu, ni le regroupement de certaines thématiques dans un seul chapitre, notamment en ce qui concerne les chapitres 2 (histoire et acteurs), 11 (eaux douces et milieu marin [3]), 12 (sols et forêts) et 16 (commerce international et conflits armés !).

6Par rapport à d’autres ouvrages, le livre adopte une méthode hétéroclite ce qui s’explique sans doute par la part très personnelle apportée par chacun(e) des auteur(e)s [4]. En acceptant ainsi un mélange de styles et de genres, le lecteur averti en tire bénéfice et prend plaisir à la lecture. On peut effectivement décerner le recours à trois grands genres d’écriture à l’intérieur de l’ouvrage : au manuel, au mémento et à l’essai.

7Les chapitres 4 (sources formelles), 5 (institutions et juridictions), 8 (concepts et principes), 10 (air et climats) et 13 (conservation de la nature) se présentent comme des chapitres de manuel. Le chapitre 8 pourrait même figurer dans un traité tellement les développements sont bien fondés et développés en détail. Dans l’ensemble, ces chapitres traitent l’information de manière systématique et l’accompagnement pédagogique du lecteur est amplifié par des chapeaux et des résumés intermédiaires. De même, les notes de bas de page sont abondantes et diversifiées. Le privilège accordé traditionnellement dans l’ouvrage aux travaux produits spécialement à Limoges (publications, déclarations, thèses) est ainsi atténué dans un sens pluraliste.

8Les chapitres 6 (application et sanctions), 9 (responsabilité), 11 (eaux douces et milieu marin), 12 (sols et forêts), 14 (produits et déchets), 15 (santé, travail, habitat) et 16 (commerce international et conflits armés) adoptent plutôt la méthode du mémento. L’information est présentée de manière sommaire, parfois reproduisant simplement les dispositions essentielles des instruments pertinents, sans chapeaux, dans un style minimaliste et sans encombrement par des notes de bas de page. Il s’agit d’une information pure, directement pertinente pour la mémorisation par exemple dans la perspective d’un examen.

9Les chapitres 1 (nature et objet), 2 (histoire et acteurs), 3 (enjeux et contexte) et 7 (faiblesses et forces) sont rédigés à la manière d’un essai ce qui n’est pas en contradiction avec leur objet respectif. À ce propos, le lecteur découvre une sélection d’informations concises (même si le prix à payer est leur caractère parfois trop superficiel) à travers une démarche exemplaire et avec une économie de chapeaux et de notes de bas de page. Les données sont assorties d’observations critiques et réfléchies, de références éthiques et idéologiques, formulées de manière engagée et prégnante. Tout cela est complété par une multitude de questions susceptibles d’être discutées dans le cadre d’un exercice individuel et en groupe. Une belle illustration est, par exemple, la discussion du problème de l’irréversibilité auquel sont consacrées quatre pages (p. 63-67).

10Si les spécialistes seront ainsi ponctuellement stimulés par le livre, il s’adresse principalement, en conformité avec la logique éditoriale recherchée, aux étudiants en droit, aux acteurs de la société civile et à toute personne souhaitant s’initier au droit international de l’environnement, selon la méthode originale de la démarche.

11Jochen SOHNLE

Paulo Affonso LEME MACHADO, Direito à Informação e Meio Ambiente, 2ème édition, São Paulo, Malheiros Editores, 2018, 295 pages

12Présentant la première édition de ce livre parue en 2006, le regretté Alexandre Kiss avait alors justement observé qu’il « est difficile d’imaginer un ouvrage plus complet et mieux documenté que ce livre consacré au droit à l’information » (RJE, 3/2007, p. 413). Douze ans plus tard, on peut assurément en dire autant de sa deuxième édition, celle-ci ayant été naturellement actualisée et amplifiée. Actualisé, ce livre l’a été généralement au regard de l’éventail élargi des textes juridiques régissant le droit à l’information passés en revue. Amplifié, il l’a été particulièrement par l’examen des nouveaux apports de la loi brésilienne de 2011 sur l’accès à l’information.

13Une randonnée à travers l’histoire du droit international de l’environnement, des années 1940 à nos jours, a permis au professeur Leme Machado d’explorer plus de 50 instruments internationaux de hard law et de soft law, tant universels que régionaux. Cheminant de la Convention de Londres relative à la conservation de la faune et de la flore à l’état naturel de 1933 jusqu’à la Convention de Minamata sur le mercure de 2013, en passant par la Déclaration de Rio de 1992, l’auteur y scrute les multiples facettes du droit à l’information, dans la diversité de leurs formulations nuancées. Pour être encore plus englobante, cette vaste fresque normative aurait pu intégrer d’autres instruments multilatéraux consacrant le droit à l’information, comme la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples de 1981 (art. 9), la Charte arabe des droits de l’Homme de 2004 (art. 32) ou l’Accord de Paris sur le climat de 2015 (art. 12 et passim). Aurait pu également y figurer le récent Accord régional sur l’accès à l’information, la participation publique et l’accès à la justice à propos des questions environnementales en Amérique latine et dans les Caraïbes, mais il n’a été scellé que le 4 mars 2018, soit quelques semaines après la publication du présent livre.

14De l’analyse méticuleuse des dispositifs internationaux effectuée durant ce périple pluri-décennal, complétée par l’étude du droit brésilien et étayée par l’éclairage du droit comparé, l’auteur a tiré plusieurs enseignements de portée générale. Il relève ainsi que la diffusion et l’accessibilité de l’information environnementale sont désormais mondialement reconnues comme indispensables pour assurer la protection et la valorisation de l’environnement. Devant être véridique, continue et complète, l’information environnementale se caractérise principalement par sa technicité (complexité des données environnementales), sa rapidité (requise en temps opportun) et son impersonnalité (au service des intérêts collectifs ou diffus et indépendante des intérêts personnels), ainsi que par son immédiateté dans les situations d’urgence.

15Postulant que le « citoyen non-informé est un citoyen mutilé », que la « démocratie naît et vit dans la possibilité de s’informer » et que « sans information adéquate il n’y a ni démocratie ni état de droit », P.A. Leme Machado met en avant ce qu’il nomme l’état d’information démocratique de droit, concept isonomique visant à permettre à chacun/e d’accéder aux informations existantes, ou de les recevoir, sur les questions d’intérêt public liées à l’environnement. À cet égard, l’auteur souligne pertinemment que le droit à l’information en matière d’environnement, qui a commencé à être constitutionnalisé voici près de trois décennies – en 1988 au Brésil, par exemple – l’a été de façon notable dans la phase de démocratisation de certains pays ayant vécu sous des régimes autoritaires, comme la Lettonie (constitution de 1992), la Pologne (constitution de 1997), la Russie (constitution de 1993), la Slovaquie (constitution de 1992) ou l’Ukraine (constitution de 1996), cette dernière reconnaissant le droit de libre accès à l’information en ce qui concerne non seulement l’état de l’environnement, mais encore la qualité des aliments et des biens de consommation, sans doute en souvenir du traumatisme national causé par la catastrophe de Tchernobyl en 1986.

16L’auteur dédie aussi de belles pages au prétendu antagonisme, par secret interposé, entre le droit à la vie privée et le droit à l’information. Réfutant l’opposition artificielle entre l’individualité et la sociabilité, il soutient plutôt que ces « deux faces de la vie humaine » sont tout à fait « compatibles ». Notant en outre que, trop souvent, le « maximum de corruption correspond au maximum de secret », le professeur Leme Machado est convaincu qu’il « est impossible de bien protéger ce qui appartient à tous par le secret ».

17Finalement, l’auteur réaffirme avec force que l’impératif d’assurer une protection effective de l’environnement est universellement tributaire de la double garantie du droit à l’information et du droit à la participation, ceux-ci devant nécessairement aller de pair. Leur exercice conjoint est en effet de nature à permettre aux peuples de la planète de vivre « dans un équilibre écologique et une santé intégrale, au sein d’une démocratie durable et moyennant une jouissance juste et équitable des ressources environnementales ».

18Mohamed Ali MEKOUAR

19Associé au CRIDEAU

Paulo Affonso LEME MACHADO, Direito de Acesso à Água, São Paulo, Malheiros Editores, 2018, 142 pages

20Dans cet essai, concentré mais dense, le professeur P.A. Leme Machado livre un nouveau plaidoyer humano-environnemental, cette fois en faveur d’une « démocratie de l’eau » qui garantisse à chacun/e l’accès à « une eau saine en qualité et suffisante en quantité », lui permettant dès lors de jouir d’un « développement sain, avec équilibre écologique, justice et solidarité ».

21Faisant suite à deux précédents livres que l’auteur a consacrés au droit des ressources hydriques en général dans un premier temps (Recursos Hídricos - Direito Brasileiro e Internacional, 2002), puis au droit des cours d’eau internationaux en particulier dans un deuxième temps (Direito dos Cursos de Água Internacionais, 2009), le présent ouvrage brosse un tableau d’ensemble du cadre politico-juridico-institutionnel dans lequel s’inscrit le droit à l’eau au Brésil. Y sont ainsi analysés, tour à tour, la politique nationale de l’eau ; les instruments de planification et de gestion de l’eau ; le système d’information sur l’eau ; les agences, comités et associations de l’eau.

22Au terme d’une étude minutieuse de l’environnement normatif du droit à l’eau dans l’ordre juridique brésilien, tant fédéral qu’étatique, l’auteur conclut qu’il s’agit d’un droit humain universel, à la fois essentiel et réalisable. Essentiel en ce que le droit d’utiliser l’eau pour la consommation personnelle est « inséparable du droit à la vie », que « tout ce qui a de la vie a de la dignité » et que personne ne peut « rester indifférent au manque vital d’eau ». Réalisable car le droit à l’eau n’a rien « d’utopique » ; ce n’est pas le « rêve de découvrir une oasis ». Sa jouissance dépend en pratique de la juste corrélation entre les ressources en eau disponibles et le nombre de personnes qui en ont besoin : l’hydrologie et la démographie doivent, partant, être étroitement imbriquées.

23En somme, l’auteur conçoit l’accès individuel à l’eau potable comme « le droit de toute personne, partout dans le monde, de capter, d’utiliser ou de s’approvisionner en eau dans le but spécifique de survivre, c’est-à-dire ne pas mourir par manque d’eau et, en même temps, de jouir du droit à la vie et à l’équilibre écologique ».

24Mohamed Ali MEKOUAR

25Associé au CRIDEAU

Alexander Proelß (Hrsg.), Internationales Umweltrecht, de Gruyter studium, Berlin/Boston, 2017, 613 pages

26Depuis plus de 15 ans il n’y avait plus de manuel actuel sur le droit international de l’environnement écrit en langue allemande. Cette lacune est désormais comblée par un ouvrage qui mérite d’être présenté aussi à une communauté de spécialistes dont la langue principale est le français. Les différentes thématiques traitées dans quinze chapitres ont été réparties entre le directeur de la publication, Alexander Proelß, et douze autres auteur(e)s (Kristin Bartenstein, Felix Beck, Wolfgang Durner, Astrid Epiney, Johannes Jürging, Hagen Krüger, Till Markus, Nele Matz-Rück, Götz Reichert, Kirsten Schmalenbach, Peter Tobias Stoll, Silja Vönekey) rattaché(e)s non seulement à des organismes de recherche situées en Allemagne, mais aussi en Suisse, en Autriche et au Canada.

27L’ouvrage présente les différentes thématiques du droit international de l’environnement. Certains chapitres abordent des thématiques classiques de cette spécialité : Chap. 1 : Objet, évolution, sources et acteurs ; Chap. 3 : Principes ; Chap. 5 : Protection de l’environnement et droits de l’homme ; Chap. 6 : Protection de l’environnement et commerce ; Chap. 7 : Responsabilité ; Chap. 9 : Changement climatique ; Chap. 10 : Biodiversité ; Chap. 11 : Protection de l’air et de l’espace extra-atmosphérique ; Chap. 12 : Milieu marin ; Chap. 13 : Eaux intérieures ; Chap. 14 : Protection de l’environnement antarctique et arctique ; Chap. 15 : Droit des déchets et des substances dangereuses. À noter l’association intéressante de la protection de l’air et de l’espace extra-atmosphérique (et cela par opposition à la problématique du changement climatique traitée dans un chapitre à part, comp. p. 370-371) et celle de la protection de l’environnement antarctique et arctique.

28D’autres chapitres, en raison de l’ampleur des développements accordée à leur objet, se présentent de manière innovatrice : Chap. 2 : Justice environnementale ; Chap. 4 : Protection de l’environnement à travers des procédures ; Chap. 8 : Règlement pacifique des différends. En revanche, certains aspects ne font pas l’objet d’approfondissements comme les organisations et institutions internationales agissant dans le domaine de la protection de l’environnement, les activités nucléaires et la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.

29Il ne sera malheureusement pas possible d’analyser chacun des chapitres de ce livre d’une excellente qualité pédagogique et scientifique. À titre d’exemple, j’attirerai l’attention seulement sur les chapitres 2 et 3 avant de formuler quelques impressions sur le tout.

30Le chapitre 2 consacré à la justice environnementale dans les relations internationales (zwischenstaatliche Umweltgerechtigkeit) a l’énorme mérite d’intégrer dans un manuel les enjeux et les résultats des discussions autour de cette thématique qui ont été menées ces dernières années sur la scène internationale, y compris en France. La justice environnementale est appréciée par rapport aux principes du développement durable et des responsabilités communes mais différenciées. Dans ce contexte, les relations entre les différentes idées sont appréciées et pondérées de manière enrichissante au regard de la pratique internationale et de la théorie, plus particulièrement par rapport à la structure inhérente au droit international de l’environnement (v. notamment p. 64).

31Le chapitre 3 présente les principes du droit international de l’environnement qui sont examinés, malgré le caractère classique de leur étude (présent dès le premier manuel paru en la matière [5]), à travers une réflexion particulièrement nourrie dans les pages introductives du chapitre (p. 71-74), avant que ne soient traités les principes eux-mêmes (prévention, précaution, pollueur-payeur, durabilité). Le terme même de principe est interrogé et analysé au regard de la pensée philosophique (John Rawls, Robert Alexy) et des positions doctrinales internationalistes (positivisme, objectivisme).

32L’ouvrage dans son ensemble est, avec ses environ 600 pages, très détaillé pour un manuel et n’introduit pas seulement le lecteur au droit international de l’environnement, mais lui permet d’aller beaucoup plus loin, pour découvrir les enjeux et les normes des différents domaines concernés par cette branche juridique. Toutefois, contrairement à l’annonce faite dans la préface et sur la quatrième de couverture, la prise en compte également de la dimension du droit de l’Union européenne est plutôt marginale, à la lumière à la fois des instruments cités au début de chaque chapitre (par exemple dans les chapitres sur la biodiversité, sur le changement climatique et sur l’environnement marin, avec l’exception cependant des chapitres sur les eaux intérieures et sur les déchets/substances) et des parties rédigées (avec certaines exceptions, comme par exemple à propos du règlement pacifique des différends, p. 265). Dans l’ensemble, cette marginalisation n’est cependant pas gênante dans un ouvrage consacré principalement au droit international. De la même manière, et contrairement à une tendance plus présente dans les ouvrages francophones, les points de contact entre droit international et droit national ne sont pas approfondis. Ainsi les conséquences et la mise en œuvre des normes internationales dans les systèmes juridiques de l’espace germanophone ne sont pas mises en relief comme on pourrait s’attendre par exemple à propos de la Convention d’Aarhus (seules des notes de bas de page procèdent à des renvois à cette problématique [p. ex. p. 127, note 106 in fine]) et des instruments relatifs aux droits de l’Homme (où la problématique des constitutions nationales est traitée très brièvement [p. 164]).

33À certains endroits, le manuel problématise d’une manière intéressante l’enjeu linguistique posé en droit international (p. 163, 215). Toutefois, par rapport aux ouvrages sur le droit international écrits en langue anglaise ou française, le juriste francophone s’étonne parfois devant le zèle des auteurs germanophones déployé à l’égard des écrits en langue anglaise. Cela se manifeste dans les références bibliographiques (avec les exceptions, notamment des chapitres 1, 2 et 4) et les citations littérales. Apparemment un extrait tiré d’une sentence arbitrale rendue en français (l’affaire du lac Lanoux de 1957) se voit investi d’une autorité renforcée pour le lecteur allemand lorsqu’il est cité dans une traduction non authentique anglaise (p. 113, 461, 481, 500). D’une manière générale, à mon avis, l’autorité et l’interprétation d’un texte ne s’arrêtent pas pour le juriste internationaliste à une seule version linguistique lorsqu’on est en présence d’autres langues officielles. Cela serait appauvrir cette richesse extraordinaire qui réside dans le droit international. Par ailleurs, pour nuancer ces remarques visant des endroits très ponctuels de l’ouvrage, il faut saluer le fait de publier un ouvrage sur le droit international en langue allemande (contrairement à la tendance de publier exclusivement en langue anglaise) ce qui contribue sans aucun doute à l’enrichissement de la culture du droit international de l’environnement.

34Dans l’ensemble, l’ouvrage est donc extrêmement solide et utile. Pour les juristes francophones, il s’agit de découvrir, au-delà du contenu instructif, la démarche méthodologique germaniste, notamment à travers l’importance accordée à l’assise théorique du raisonnement comme elle a été brièvement évoquée précédemment. Par conséquent, le manuel ne s’adresse pas seulement aux étudiants en droit et aux praticiens, mais aussi aux chercheurs s’intéressant à cette spécialité du droit international public.

35Jochen SOHNLE


Mise en ligne 14/12/2018

Notes

  • [1]
    RJE 1998/4, p. 565.
  • [2]
    À noter l’utilisation du pluriel en ce qui concerne, dans l’intitulé, les « climats » et, dans le corps du chapitre, les « changements climatiques ». Cela témoigne d’une approche locale à propos d’un phénomène qui se présente plutôt sur le plan mondial.
  • [3]
    Le rassemblement des eaux douces et du milieu est une révérence faite devant le droit de l’UE qui, à mon avis, ne se justifie pas forcément en droit international.
  • [4]
    Cela peut mener aussi à des doublons, comme par exemple à propos d’une organisation mondiale de l’environnement (p. 111 et 123).
  • [5]
    Alexandre Charles Kiss, Los principios generales del derecho del medio ambiente, Cuadernos de la Cátedra “J. B. Scott”, Universidad de Valladolid, 1975.
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