Couverture de RJE_183

Article de revue

Thèses de droit de l’environnement

Pages 653 à 655

Grégoire LERAY, L’immeuble et la protection de la nature, sous la direction de François-Guy TRÉBULLE, Université Paris I, 2016 (à paraître à la LGDJ)

1Pour protéger la nature, le droit positif cherche, depuis plusieurs décennies, à maîtriser le statut du foncier, c’est-à-dire juridiquement de l’immeuble primordial, le sol sous-jacent. Pour ce faire, il impose de nombreuses restrictions à son usage. Partant, à force de le désigner comme le support des politiques environnementales, le droit n’assigne-t-il pas à l’immeuble une fonction propre : celle de protéger la nature ?

2La thèse soutient une réponse positive à cette interrogation, fondée notamment sur l’analyse des différents textes qui déterminent l’usage de l’immeuble. Cette fonction, toutefois, se heurte à la fonction classique d’exploitation. Comment concilier cet antagonisme ?

3La fonction environnementale de l’immeuble se décline d’abord par l’accumulation des contraintes de protection sur l’immeuble lui-même, ou sur les activités qui peuvent y être exercées. Mais elle s’affirme pleinement avec l’essor de la notion de patrimoine commun. Car, en imposant à l’immeuble de protéger les éléments du patrimoine commun naturel, le droit révèle sa part collective. Il comporte ainsi un domaine commun et un domaine individuel. Le premier, conservé par la communauté, a pour objet d’assurer la conservation de l’immeuble dans un état suffisant pour qu’il assure sa fonction de protection de la nature. Le second symbolise la part de l’immeuble dont l’usage est laissé au propriétaire, à charge pour lui de ne pas altérer le domaine commun.

4Affirmée par le droit, la fonction n’a de valeur que si elle est préservée. À l’étude, sa préservation présente un double effet. Il sera atténué lorsqu’il permet des exceptions à l’impératif de protection de la nature. Il sera intégral s’il ne s’en accommode pas. L’effet atténué est matérialisé par le régime de la compensation écologique. Outre qu’il n’est pas certain qu’une nature reconstituée est l’équivalent d’une nature originelle, le régime soulève des écueils temporels, que le statut juridique de l’immeuble permet de lever. Si le dommage est accidentel, l’effet de la préservation de la fonction sera alors intégral. Sans conciliation possible, le droit sanctionne toute dégradation du domaine commun.

Séverine MICHALAK, Contribution à l’étude des spécificités juridiques des énergies marines renouvelables. Entre mise en valeur des EMR et marché de l’électricité EMR, sous la co direction de Gaëlle GUÉGEN-HALLOUËT et Annie CUDENNEC, Université de Bretagne Occidentale, 2016

5La thèse soutenue consiste à démontrer les spécificités juridiques des énergies marines renouvelables (EMR), que ce soit sous l’angle de la mise en valeur des ressources EMR ou du marché de l’électricité EMR, à travers leurs interactions avec le régime juridique du milieu marin. La mise en valeur des énergies marines renouvelables (EMR) contribue dans une certaine mesure à la valorisation économique du milieu marin. Concrétisée par l’émergence d’un bien valorisable, le bien électricité, à partir d’une chose commune hors-marché, la mise en valeur des EMR participe à la valorisation économique du milieu marin, notamment grâce à la perception de redevances d’occupation du domaine public maritime (DPM). Ces redevances perçues pourraient toutefois davantage contribuer à la protection du milieu marin, et constituer ainsi « un juste retour des usages commerciaux et d’exploitation préjudiciable à la biodiversité des milieux marins ». Si le régime juridique du DPM naturel autorise la perception de redevances, il n’en va pas de même de celui qui s’applique à la colonne d’eau surjacente au DPM, ou à la ZEE. Pourrait-on alors qualifier les EMR de ressources naturelles valorisables ? L’instauration d’un droit d’usage de la ressource EMR, en tant que ressource naturelle, pourrait être une piste. On pourrait également envisager de créer un domaine public énergétique comprenant les ressources EMR du DPM mais aussi de la ZEE. En outre, la mise en place d’un cadastre marin clarifierait la répartition des différents titres d’occupation et autres libertés d’usage en mer, favorisant ainsi une meilleure légitimité d’occupation exclusive par les EMR d’un espace commun à tous, en nourrissant aussi la réflexion sur l’aménagement du territoire maritime. Les EMR contribuent aussi, en dépit de la persistance de résistances locales, à la valorisation éthique du milieu marin, en participant à la production de biens publics, voire de biens publics mondiaux.

6Si les EMR constituent un facteur de valorisation du milieu marin, celui-ci, en tant que foyer des ressources EMR et lieu d’implantation des installations permettant leur mise en valeur, constitue la clé d’accès au marché de l’électricité EMR, mais aussi une entrave potentielle, notamment via le régime juridique du DPM naturel interdisant la constitution de droits réels, ou l’incertitude relative au régime juridique d’accès au marché en ZEE ou en haute mer. En outre, davantage encore que sur les autres marchés de production d’électricité renouvelable, le rôle prépondérant de l’État constitue une spécificité du marché de la production d’électricité en mer. Il est à la fois souverain sur sa mer territoriale et ses ressources énergétiques, offreur d’espaces publics en délivrant des titres d’occupation du DPM, voire demandeur dans le cadre de la commande publique, si la production d’électricité EMR était qualifiée de service public, pourvoyeur de soutiens extérieurs au marché, en créant l’offre et la demande, et d’interventions indirectes à travers sa participation au capital des principaux opérateurs (EDF, ENGIE…). Toutes les manifestations de la présence de l’État sur ce marché sont scrutées par le droit de l’Union européenne, notamment par le droit de la concurrence, le domaine public, lorsque son occupation est assortie de droits exclusifs, pouvant être qualifié d’infrastructure essentielle, ainsi que le droit des aides d’État, qui se traduisent principalement par le mécanisme de soutien apportés aux producteurs. Ces aides d’État, bien que justifiées, peuvent entraver la libre circulation de la marchandise électricité provenant des parcs EMR au sein du marché intérieur. C’est pourquoi certains projets d’interconnexions marines entre parcs éoliens offshore tentent de contourner les obstacles liés aux régimes de soutien nationaux. Le milieu marin constitue ainsi un vecteur privilégié pour la circulation de la marchandise électricité produite en mer au sein de l’Union de l’énergie.

Charlotte TOUZOT, Activités militaires et protection de l’environnement, sous la direction de Jessica MAKOWIAK, Université de Limoges, 2018

7Il existe de toute évidence des activités militaires dont l’exercice se fait au détriment de l’environnement. D’un point de vue juridique, on constate un mouvement d’exclusion quasi automatique des activités militaires du champ du droit commun de la protection de l’environnement. Ce mouvement d’exclusion se manifeste par la multiplication des dérogations dont bénéficient les activités militaires, lesquelles se justifient par les circonstances exceptionnelles (guerre, urgence) et par la finalité des activités militaires (intérêt général, intérêts supérieurs de la Nation). Ce mouvement se manifeste également par l’extension des exceptions dont bénéficient les activités militaires, principalement liées à la nature impérieuse des activités militaires de Défense. Il faut toutefois noter une environnementalisation progressive de ces activités, notamment due à la mise en œuvre du concept de développement durable au sein des différentes institutions publiques. Il convient alors de rendre compte juridiquement du passage du « vert kaki » au « vert écologique », qui se manifeste par le développement des activités militaires au service de l’environnement. Un tel passage ne peut faire l’économie d’une phase d’adaptation des activités militaires aux enjeux environnementaux, qui est permise par l’intégration de l’environnement dans la gestion du patrimoine militaire, tant au niveau des infrastructures que de la domanialité militaire. Elle trouve également une consécration dans le développement de la sécurité environnementale du territoire national. Les Armées ne se sont pas contentées d’adapter leurs activités aux enjeux environnementaux, elles en ont fait une nouvelle activité dont le champ s’étend de plus en plus. Ce recyclage de l’Armée est, par exemple, illustré par l’assistance militaire en cas de catastrophes, ainsi que par l’existence d’activités militaires de protection de l’environnement, liées à la mission de surveillance du territoire. Enfin, l’aboutissement du recyclage de l’Armée pourrait consister en une intervention militaire pour l’environnement de type ingérence écologique, à l’instar de l’ingérence humanitaire. L’ensemble de ces réflexions est l’occasion de relire certaines notions classiques de droit public – telles que l’intérêt général, la souveraineté ou encore l’intégrité du territoire – en tentant de leur apporter une dimension géographique et territoriale.


Date de mise en ligne : 19/09/2018

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