Notes
-
[1]
Articles L.181-1 et suiv. C. env. ; Ord. n° 2017-80, 26 janvier 2017, JO 27 janvier 2017 ; D. n° 2017-81, 26 janvier 2017, relatif à l’autorisation environnementale, JO, 27 janvier 2017 ; D. n° 2017-82, 26 janvier 2017, relatif à l’autorisation environnementale, JO, 27 janvier 2017.
-
[2]
Article D. 181-15-3 et suiv. C. env.
-
[3]
Articles L. 181-9 et L. 181-30 C. env.
-
[4]
Article L. 181-14 C. env.
-
[5]
Articles R.181-50 et R. 514-3-1 C. env.
-
[6]
Conseil d’État, 12 juillet 2017, Association Les Amis de la Terre France, n° 394254, Lebon.
-
[7]
Articles L. 221-1 et R. 221-1 C. env. reprenant les valeurs prévues à l’annexe XI de la directive 2008/50 du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe, JOCE n° L 152 du 11 juin 2008.
-
[8]
Plans de protection de l’atmosphère adoptés pour ces zones sur le fondement de l’article L. 222-4 C. env.
-
[9]
Limites ayant pour origine la directive 2008/50 du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe, JOCE n° L 152 du 11 juin 2008.
-
[10]
CJUE, 19 novembre 2014, ClientEarth, aff. C-404/13 ; CJUE, 5 avril 2017, aff. C-488/15, Commission c/ Bulgarie.
-
[11]
A. Van Lang, « Protection de la qualité de l’air : de la transformation d’un droit gazeux en droit solide », AJDA 2017, p. 1426.
-
[12]
C. Cans, « Respect des objectifs de planification en matière de gestion des déchets », AJDA 2017, p. 1505.
-
[13]
Article L. 541-2-1 C. env. dans sa version applicable.
-
[14]
Art. L. 541-1 C. env.
-
[15]
Art. L. 541-2 et L. 541-3 C. env. ; CAA Paris, 31 décembre 2015, n° 14PA01486.
-
[16]
CAA Marseille, 15 décembre 2015, n° 14MA00600 ; CE, 24 octobre 2014, n° 361231 ; CE, 25 septembre 2013, n° 358923, Société Wattelez ; Ph. Billet, « Propriété et détention des déchets », Environnement n° 12, décembre 2011, comm. 131 ; « Déchets : le prix de la négligence du propriétaire du terrain de dépôt (Wattelez III) », La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales, n° 13, mars 2014, p. 2082 ; J. Makowiak, « Responsabilité subsidiaire du propriétaire des déchets », Droit Administratif n° 6, juin 2013, comm. 44.
-
[17]
« Distinction entre exposition à un risque et perte actuelle et certaine d’une éventualité favorable » ; décision rendue par la Cour de cassation, 2ème ch. civ., le 19 juin 2017, n° 16-22.211.
-
[18]
Conseil d’État, 6ème-1ère chambres réunies, 18 décembre 2017, n° 401116, Inédit au recueil Lebon.
-
[19]
Article transposant la directive du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement.
I – Accélération des procédures de prévention des atteintes à l’environnement : l’autorisation environnementale unique
1Le régime de l’autorisation environnementale unique est en vigueur depuis le 1er mars 2017, avec la création du titre VIII du Code de l’environnement et de son chapitre intitulé « autorisation environnementale » [1]. Ce nouveau régime orienté vers la croissance économique vise l’accélération de l’instruction des projets et le renforcement de la sécurité juridique des pétitionnaires. Le principe est le suivant. L’autorisation environnementale régit les ICPE et les IOTA soumis à autorisation et permet de regrouper dans une procédure unique une série de décisions administratives complémentaires pouvant être requises en fonction des projets (ex : autorisation spéciale au titre des sites classés, autorisation de défrichement, agrément pour le traitement de déchets, etc.). Les particularités du nouveau régime portent aussi bien sur la demande d’autorisation environnementale que sur ses effets.
2Le demandeur d’une autorisation environnementale pourra désormais solliciter au préalable la délivrance d’un certificat de projet indiquant les régimes et procédures applicables au projet à la date de la demande. Originalité toute particulière, ce certificat pourra fixer optionnellement un engagement réciproque de l’administration et du demandeur sur un calendrier d’instruction qui se substituera aux délais réglementaires. Ainsi l’administration sera-t-elle amenée à négocier et à s’engager dans un cadre d’instruction particulier avec un pétitionnaire afin d’assurer à ce dernier un temps d’instruction le plus court possible. Or, la loi prévoit que l’inexactitude du certificat de projet ou la méconnaissance des engagements du calendrier d’instruction constituent une faute de nature à engager la responsabilité de l’administration. Quant au dossier de demande d’autorisation en lui-même, il reste tout à fait classique selon qu’on soit en présence d’une ICPE ou d’un IOTA, à ceci près qu’il variera en fonction des différentes décisions complémentaires que l’autorisation environnementale devra englober en fonction des projets [2]. La particularité de la phase d’instruction est que les délais qui l’encadrent sont désormais fixés par le Code de l’environnement (9 mois d’instruction prolongeables en fonction des circonstances particulières). Ces délais réglementaires, contrairement aux délais négociés mentionnés ci-dessus, ne sont pour l’instant pas expressément susceptibles d’engager la responsabilité de l’administration. Enfin, il est à noter que la saisine de la Commission départementale de la nature, des sites et des paysages (CDNPS) et du Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) est devenue consultative et que certaines règles spécifiques partiellement nouvelles sont prévues pour mieux articuler les autorisations environnementales et les autorisations d’urbanisme [3].
3Concernant ses effets, l’autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des intérêts protégés par les articles L. 511-1 (ICPE) et L. 211-1 (IOTA), selon les cas, et son délai de caducité est désormais commun (trois ans à compter de la notification de l’autorisation). Le Code de l’environnement fournit par ailleurs quelques éclaircissements quant aux conséquences juridiques d’un changement dans l’exploitation. La jurisprudence existante est globalement reprise à l’identique, sur la façon de distinguer une modification substantielle, obligeant l’exploitant à renouveler son autorisation, d’une modification notable pouvant être encadrée simplement avec un arrêté complémentaire [4]. Enfin, sur le plan contentieux, on assiste à une réduction drastique du délai de recours par les tiers puisque celui-ci est désormais de 4 mois (en 8 ans le délai de recours contentieux en matière d’ICPE aura donc été réduit de 91%) [5]. Parallèlement, le juge administratif se voit attribuer deux nouveaux dispositifs lui permettant d’annuler partiellement les autorisations illégales afin de permettre la régularisation accélérée par l’administration de la procédure d’instruction au bénéfice du pétitionnaire.
4Il s’agit donc d’une réforme essentiellement tournée vers le renforcement de la sécurité juridique des pétitionnaires et l’assurance pour ceux-ci d’une instruction rapide, entrainant au passage une mise sous pression de l’administration qui pourra engager sa responsabilité pour non-respect des délais d’instruction.
II – Installations classées pour la protection de l’environnement
5L’actualité législative et réglementaire est principalement marquée par l’autorisation environnementale, commentée ci-dessus. Pour le reste, la nomenclature continue (notamment après le décret n° 2016-1661 du 5 décembre 2016) à être assouplie (de l’autorisation vers l’enregistrement ou la déclaration), toilettée et clarifiée. Au total, le décret n° 2017-1595 du 27 novembre 2017 impacte une quarantaine de rubriques.
6L’implantation des éoliennes a alimenté la jurisprudence administrative de plusieurs manières : des contentieux liés à leur permis de construire (et au rappel de l’indépendance des législations : CAA Bordeaux, 27 avril 2017, Ass. Saint-Priest Environnement, n° 16BX03357) ; les intérêts protégés par la police des installations classées (CAA Nancy, 20 février 2017, n° 16NC02160, concernant la co-visibilité du projet avec des sites de la bataille de Verdun ; antérieurement : CE, 26 novembre 2008, Syndicat mixte de la Vallée de l’Oise, RJE 2009, p. 496) ou d’autres aspects qui seront évoqués plus loin dans la présente chronique. L’on relève en outre les premières décisions rendues après l’instauration de l’autorisation environnementale.
A – Les intérêts et documents de planification pris en compte dans la police des ICPE
1 – Intérêts protégés
7Indépendamment de la nouvelle autorisation environnementale, le législateur et la jurisprudence ont de longue date considéré que les intérêts et objectifs à prendre en compte dans l’exercice de la police des ICPE pouvaient dépasser l’énumération générale qui en est donnée à l’article L. 511-1 C. env. Ainsi, les autorisations ICPE doivent-elles prendre en compte les objectifs de l’article L. 541-1 parmi lesquels, au titre de la prévention de la gestion des déchets, figure l’augmentation de la part des déchets valorisés (article L. 541-1-I 4°). La juridiction administrative a eu l’occasion d’apprécier, dans un plan départemental de gestion et de prévention des déchets non dangereux, la hiérarchie du mode de traitement des déchets posée par le Code de l’environnement (TA Rennes, 24 mai 2017, AJDA 2017, p. 1505, note C. Cans ; antérieurement : CAA Bordeaux, 2 novembre 2010, Klein et autres, AJCT 2011, p. 90, obs. R. Bonnefon). La Cour de Bordeaux (CAA Bordeaux, 14 novembre 2017, Ass. Alliance Écologique, n° 16BX00700) censure l’autorisation délivrée pour une installation en raison du non-respect de cet ordre de priorité en considérant qu’il résulte de cette hiérarchie « que la préférence accordée à la généralisation du tri à la source doit, en principe, conduire l’autorité administrative à rejeter les demandes d’autorisations de nouvelles installations de tri mécano-biologique ». La Cour ajoute que l’objectif prioritaire de traitement des déchets par tri à la source permet également de satisfaire l’objectif de proximité.
2 – ICPE et urbanisme
8Dans un arrêt rendu fin 2016 (CE, 16 décembre 2016, Soc. Ligérienne Granulats SA, n° 391452 ; plus récemment : CE, réf., 31 mars 2017, Sté Commercialisation décharges et travaux publics, n° 403297), le Conseil d’État fait évoluer sa jurisprudence traditionnelle en ce qui concerne l’application des documents d’urbanisme (particulièrement le PLU) aux autorisations d’installations classées (CE, 7 février 1986, Colombet, Rec. p. 29 ; RD publ. 1986, p. 1161, concl. M. Dandelot). Le Conseil d’État confirme que les prescriptions pertinentes des PLU s’imposent aux autorisations d’exploitation des ICPE (obligation de conformité figurant à l’article L. 152-1 C. urb.). Surtout, il précise que c’est le plan en vigueur lors de la délivrance de l’autorisation qu’il convient d’appliquer et non celui en vigueur lorsque le juge statue. C’est en cela que la solution est neuve au regard de la jurisprudence antérieure (dont certains effets avaient déjà été tempérés : CE, 22 février 2016, SAS ERGS, n° 367901 ; et sur renvoi : CAA Bordeaux, 12 juillet 2016, n° 16BX00829). Toutefois, ajoute le Conseil d’État, le juge peut tenir compte, lorsqu’une autorisation méconnaît le PLU en vigueur lors de sa délivrance, d’une modification ultérieure la régularisant. Le Conseil d’État complète cette évolution en faisant application aux autorisations d’installations classées de la jurisprudence Commune de Courbevoie (CE Sect., 7 février 2008, Rec. p. 41, concl.). La Cour de Bordeaux (CAA Bordeaux, 13 avril 2017, ASSAUPAMAR, n° 16BX003895) rappelle que le juge des ICPE se prononce sur la légalité de l’autorisation d’installation classée au regard des règles d’urbanisme légalement applicables à la date de sa délivrance et que l’exception d’illégalité du PLU ne peut être invoquée que dans le respect de son encadrement par l’article L. 600-1 C. urb. En outre, un PLU interdisant l’exploitation d’installations classées dans un secteur ne peut faire obstacle à des opérations liées à la remise en état postérieure à l’exploitation (mise en sécurité des fronts de taille d’une carrière) qui ne peuvent être assimilées à une exploitation. Enfin, le PLU doit être pris en compte dans la détermination de l’usage futur du site remis en état (CAA Douai, 4 mai 2017, Soc. Imm. Lacroix, n° 15DA01376). D’autres documents de planification prévus par le Code de l’environnement restent appréciés à la date à laquelle le juge se prononce (le SDAGE par exemple : CAA Bordeaux, 13 avril 2017, ASSAUPAMAR, n° 16BX003895).
3 – PPRT
9Le régime des PPRT est aménagé par le décret n° 2017-780 du 5 mai 2017 pris en application de l’ordonnance n° 2015-324 du 22 octobre 2015 relative aux PPRT. Le décret porte notamment sur les documents du PPRT, l’information des risques pesant sur les biens et activités, l’abrogation de la faculté du préfet d’édicter des prescriptions supplémentaires en cas de modification substantielle de l’activité.
10L’élaboration des PPRT impose une concertation dont le préfet définit les modalités dans les conditions prévues à l’ancien article L. 300-2 C. urb., remplacé par les nouveaux articles L. 103-2 à L. 103-6 C. urb. Le juge administratif contrôle le caractère suffisant de la concertation ainsi arrêtée par le préfet (caractère insuffisant : TA Toulouse, 15 novembre 2012, Sté Esso et a., Dr. Env. 2013, n° 103, concl. ; CAA Bordeaux, 6 mai 2014, MEDD, Dr. Env. 2014, n° 387 ; caractère suffisant : CE, 12 octobre 2016, Association dongeoise des zones à risques et du PPRT, Dr. Env. 2016, p. 417, obs. Favro). Si un recours dirigé contre la décision préfectorale d’approbation d’un PPRT peut invoquer la méconnaissance des modalités de concertation définies par le préfet, est inopérant le moyen tenant à l’illégalité de la décision fixant lesdites modalités (CE, 6 décembre 2017, MEEM, n° 400735). Le Conseil d’État fait ici application aux PPRT de la solution dégagée concernant les projets de PLU (CE, 8 octobre 2012, Com. d’Illats, RDI 2012, p. 640, obs. P. Soler-Couteaux ; BJDU 2012, p. 459, concl.).
11Les PPRT doivent prendre en compte l’ensemble des installations qui emploient des substances relevant d’une rubrique AS de la nomenclature présentes dans un même établissement et relevant d’un même exploitant sur un même site. Les servitudes d’utilité publique ainsi instituées par le Préfet doivent en outre prendre en compte les effets « dominos » considérés comme les effets d’accident pouvant survenir dans les installations en question en relation avec les facteurs de nature à interagir avec elles (CE, 19 mai 2017, Min. Env., n° 400678).
4 – Autres plans et schémas
12La grande diversité des plans opposables à la police des ICPE s’accompagne d’une large palette d’effets contraignants. Ainsi, le schéma régional éolien n’a-t-il pas de force contraignante. Le fait que l’autorité administrative tienne compte des parties du territoire régional favorables au développement éolien ne rend pas un moyen tiré de la méconnaissance de ce schéma opérant à l’occasion d’un recours dirigé contre une autorisation ICPE ou le permis de construire d’éoliennes (CAA Douai, 15 juin 2017, Ass. Contre Vents, n° 15DA02020 et 15DA02021).
B – La délivrance des autorisations
13La démonstration de la capacité technique et financière du pétitionnaire doit figurer dans le dossier soumis à enquête publique. L’absence de ces éléments, alors même que l’administration en disposerait, vicie la procédure d’enquête et l’arrêté d’autorisation (TA Lille, 25 avril 2017, Ass. Aives, n° 1401947 et 1402302). Cette nécessité d’information du public n’apparaît pas toujours clairement, notamment lorsque le juge administratif considère que l’appréciation de cette condition se fait au moment de sa décision (CAA Nantes, 4 décembre 2017, M. C. et Mme F. E., n° 16NT01532). Cette considération ne saurait remettre en cause le principe concernant les prérogatives du juge administratif dans ce domaine (CE, 15 décembre 1989, Sté Spechinor, RJE 1990, p. 243, concl. ; mais il convient de tenir compte des prérogatives résultant de l’article L. 181-18 C. env. relatives aux prérogatives à l’égard des autorisations environnementales). La capacité financière des pétitionnaires doit s’établir avec suffisamment de certitudes. Lorsque le demandeur recourt à un financement de projet, la mention du ratio fonds propres/dette n’est pas suffisante lorsque les banques ne fournissent qu’une lettre d’intention. Cette pratique est sans doute commune dans le montage financier de certaines opérations pour lesquelles un engagement plus ferme suppose que la phase de développement du projet soit plus avancée. Cette carence dans la démonstration des capacités financières ne peut être compensée par la seule affirmation, par la maison mère du demandeur, de ce qu’il pourvoira aux besoins de financement du projet entrepris (CAA Nancy, 30 mars 2017, APCD et a., n° 16NC000117 et 16NC00199). En ce sens, le recours à une société préexistante plutôt qu’à une société de projet peut présenter un intérêt pour la démonstration de la capacité technique et financière du pétitionnaire (CAA Bordeaux, 14 mars 2017, Ass. Nature Environnement, n° 15BX02701).
C – Sanctions et remise en état
14L’ordonnance n° 2017-124 du 2 du février 2017 modifie le régime des sanctions administratives, suite à des observations de la Commission européenne considérant que le dispositif n’était pas conforme à la directive 2011/92/CE. Ainsi, la mise en demeure de régularisation adressée à l’exploitant dont l’installation n’a pas été autorisée, enregistrée ou déclarée ne peut désormais excéder un an (article L. 171- 7 C. env.). Les moyens dont dispose le préfet en vertu de cette disposition sont plus détaillés. L’on soulignera également en ce qui concerne le financement de la remise en état, que le décret n° 2017-1456 du 9 octobre 2017 a supprimé l’obligation de garantie à première demande exigée des tiers demandeurs pour la réalisation de travaux de réhabilitation suite à l’arrêt définitif d’une ICPE.
15Le destinataire de l’obligation de remise en état, ancien exploitant, ne peut se soustraire à son obligation par l’invocation d’une convention qu’il a conclue en vue de réaliser des études et des travaux de réhabilitation (CE, 3 février 2017, Soc. d’Aménagement des Territoires, n° 390437 ; suivant une solution classique : CE, 24 mars 1978, Sté La Quinoléïne et ses dérivés, Rec. p. 155). Mais les pouvoirs de police spéciale détenus par le préfet pour assurer notamment la remise en état d’un site après l’exploitation d’une ICPE ne font pas obstacle à ce que le propriétaire du terrain siège de l’exploitation recherche la responsabilité (notamment contractuelle) de l’exploitant afin d’obtenir la remise en état de ce dernier (CE, 12 juillet 2017, GPMR, n° 406327 qui rappelle en outre les obligations pesant sur le liquidateur au titre de la police des ICPE).
16En vertu de la solution dégagée par le Conseil d’État dans sa décision Alusuisse (CE Ass., 8 juillet 2005, Sté Alusuisse-Lonza-France, Rec. p. 311, concl. Guyomar ; RJE 2006, p. 494), il incombe au juge administratif de rechercher si le préfet peut encore imposer la charge de la remise en état compte tenu de la prescription trentenaire issue des principes dont s’inspire l’article 2262 C. civ. Le déclenchement de cette prescription est le moment où la cessation d’activité a été portée à la connaissance du préfet. Dès lors que la loi de 1917 n’imposait pas de déclaration de cessation d’activités, le juge recherche si le préfet n’a pu être informé par d’autres voies. Or, tel est par exemple le cas lorsqu’une commune a acquis le terrain d’assiette de l’exploitation et que le préfet a été le destinataire de l’acte de vente au titre de la tutelle qu’il exerçait sur les communes, peu importe que le préfet n’ait pas été destinataire d’une déclaration de cessation d’activité en bonne et due forme (CAA Bordeaux, 31 octobre 2017, Commune de Marennes, n° 17BX00008). Lorsque l’action est prescrite, précise la Cour, rien ne permet au préfet de mettre la remise en état à la charge du propriétaire du site, y compris lorsqu’intervient l’Ademe.
D – Contentieux
17L’ordonnance n° 2017-80 et le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 qui consacrent l’autorisation environnementale confirment la soumission de ces décisions à un régime de plein contentieux. L’on peut néanmoins relever l’originalité de l’article L. 181-18 C. env. qui concerne plus particulièrement les annulations partielles. D’une part, le juge peut limiter la portée de son annulation à une partie de l’instruction ou de l’autorisation, seules affectées par une cause d’illégalité, à charge pour l’autorité administrative de corriger l’illégalité. D’autre part, le juge administratif peut surseoir à statuer dans l’attente d’une régularisation par l’administration, lorsque cette régularisation est possible.
18La jurisprudence administrative avait déjà considéré que l’annulation partielle d’une autorisation n’excluait pas qu’elle puisse être exécutée à titre d’autorisation provisoire dans l’attente d’une régularisation (CE, 15 mai 2013, Sté Assainissement de la Région de Fourmies, RJE 2014, p. 578). Le juge administratif a eu l’occasion de faire application de ce nouvel article L. 181-18 C. env. à propos d’un arrêté dont l’illégalité résultait d’un vice dans le déroulement de l’enquête publique (absence dans le dossier des éléments relatifs à la capacité financière de l’exploitant). Le Tribunal administratif enjoint au préfet de reprendre la procédure au stade de l’enquête publique (TA Lille, 25 avril 2017, Ass. Aives, n° 1401947 et 1402302).
19Concernant les limites des particularités du plein contentieux dans le domaine des installations classées l’on relèvera encore les décisions suivantes. Dans le cadre d’une question préjudicielle posée par la juridiction judiciaire concernant la légalité d’un arrêté d’ICPE, le juge administratif est juge de la légalité sans disposer des prérogatives qu’il détient dans le contentieux des ICPE (CE, 3 février 2017, Soc. d’Aménagement des Territoires, n° 390437). Par ailleurs, la possibilité de faire tierce opposition à une décision du juge administratif accordant une autorisation d’ICPE (CE, 29 mai 2015, Nonant Environnement, RJE 2016, p. 186) est limitée aux cas dans lesquels c’est bien le juge administratif qui prend la décision. Lorsqu’il enjoint à l’administration, après avoir annulé un refus d’autorisation, de délivrer l’autorisation sollicitée (pour un exemple récent : CAA Bordeaux, 13 juillet 2017, SAS Parc éolien des Grands Champs, n°15BX03754), la voie de la tierce opposition contre le jugement n’est pas ouverte aux tiers dans les conditions fixées par le Conseil d’État (CAA Nancy, 20 juillet 2017, Assoc. Les Amis de l’Abbaye de Septfontaines et a., n° 16NC02727). Enfin, l’on peut également noter que, dans le contentieux des installations classées, la méconnaissance de l’article L. 541-1 C. env. ne constitue pas un moyen d’ordre public. Le juge administratif ne peut pas, dès lors, le soulever d’office (CAA Bordeaux, 14 novembre 2017, Ass. Alliance Écologique, n° 16BX00700).
III – Efficacité du droit de l’environnement : le Conseil d’Etat enjoint à l’Etat de remédier à la pollution de l’air dans les grandes villes
20Et si une règle de droit permettait (vraiment) de remédier à une pollution ? Le 12 juillet 2017, le Conseil d’État a rendu un arrêt spectaculaire enjoignant aux autorités compétentes de remédier aux pics de pollution atmosphérique dans les grandes villes [6]. Le contentieux engagé par l’association Les Amis de la Terre avait pour origine un problème au fond assez élémentaire. Le Code de l’environnement détermine des valeurs limites chiffrées de pollution de l’air à respecter et prévoit qu’en cas de dépassement, des mesures appropriées doivent être prises pour que la durée du dépassement soit la plus courte possible [7]. Or, des dépassements persistants de ces valeurs ont été observés pendant trois années consécutives dans les grandes agglomérations françaises. C’est pourquoi Les Amis de la Terre ont saisi le Conseil d’État d’une demande d’annulation du refus implicite de l’État de prendre des mesures complémentaires.
21Suivant une logique implacable, le Conseil d’État en a déduit que les dépassements des valeurs limites de pollution constituent une méconnaissance des règles de droit, et que les mesures adoptées par les autorités compétentes [8] sont insuffisantes dès lors qu’elles « n’ont pas permis que la période de dépassement des valeurs limites soit la plus courte possible ». Sont donc jugées inefficaces les mesures ne permettant pas d’atteindre les objectifs chiffrés déterminés par le Code de l’environnement, ce qui rend illégal le refus de l’administration d’agir pour remédier réellement à une pollution. Le Conseil d’État retient ici de façon tout à fait remarquable que le respect des valeurs limites de pollution édictées par l’Union européenne [9] constitue une obligation de résultat, contraignant ainsi l’État non seulement à mettre effectivement en œuvre des mesures, mais aussi et surtout à s’assurer que ces mesures atteignent l’objectif fixé, c’est-à-dire le maintien de concentrations dans l’air de certains polluants en dessous des limites réglementaires.
22S’appuyant sur la jurisprudence de la CJUE [10], le Conseil d’État ouvre la voie à un renforcement de l’efficacité du droit de l’environnement dont les multiples conséquences en droit de l’environnement sont analysées par Agathe Van Lang dans un article remarquable consacré à ce « grand arrêt du droit de l’environnement » [11].
IV – Effectivité du droit de l’environnement : nouvelles illustrations en matière de déchets
A – Planification environnementale : annulation d’un plan de gestion des déchets
23Le tribunal administratif de Rennes a annulé le 24 mai 2017 un plan départemental de gestion des déchets sur des motifs assez rares et vecteurs d’effectivité du droit de l’environnement [12]. Le contentieux a pour origine un problème finalement assez banal : une autorité publique adopte un plan de gestion des déchets très peu ambitieux. Or, on sait que l’effet juridique d’un plan de gestion des déchets, comme celui de la plupart des plans en matière environnementale, est relatif. Dès lors qu’un tel plan conditionne les décisions publiques en matière de déchets avec un rapport juridique de compatibilité, l’effet de ce plan dépend directement de la précision et de la valeur contraignante des normes qu’il contient. Un plan creux n’aura donc aucune valeur juridique et fera perdre toute effectivité aux normes et objectifs légaux qu’il est censé mettre en œuvre.
24Ce qui est tout à fait remarquable ici, c’est que le juge annule ce plan de gestion des déchets en s’appuyant sur trois principes et dispositifs de fond.
25Premièrement, le plan est jugé illégal pour insuffisance de l’évaluation environnementale, ce qui est un motif assez rare en matière de planification environnementale. Plus particulièrement, les juges retiennent que l’insuffisance de l’évaluation environnementale rend le plan illégal dès lors qu’elle a « nui à l’information du public et a influé sur le contenu du plan adopté ». S’appuyant sur la jurisprudence Danthony, les juges soulignent bien le lien entre le principe de prévention, dont l’évaluation environnementale est un des principaux dispositifs, et le principe d’information du public, jugeant illégale une décision administrative mal étayée et potentiellement préjudiciable pour l’environnement.
26Deuxièmement, le plan est annulé pour violation du principe de « hiérarchie des modes de gestion des déchets ». Cette hiérarchie a pour objectif d’éviter le gaspillage des ressources naturelles en favorisant la prévention et la valorisation : pour les déchets dont la production ne peut pas être évitée, il convient de favoriser leur valorisation et de réduire le plus possible le recours à l’élimination. Or, si cet ordre de priorité doit être traduit dans les plans de gestion des déchets, il est permis d’y déroger dans certaines conditions [13]. Cependant, en l’espèce, les dérogations au principe de hiérarchie des modes de gestion des déchets étaient si importantes que les trois quarts de la population concernés par le plan échappaient en réalité à l’application de ce principe. Constatant que la dérogation était devenue la règle, les juges annulent le plan en renforçant de façon inédite la portée normative de ce principe directeur du droit des déchets.
27Troisièmement, la législation sur les déchets impose que ces derniers soient gérés selon un principe de proximité [14] selon lequel un déchet doit être géré le plus près possible de son lieu de production. Il s’agit en particulier, selon l’article L. 541-1 C. env., « d’organiser le transport des déchets et de le limiter en distance et en volume ». Or, en l’espèce, le plan est jugé illégal dès lors qu’il favorise l’importation de déchets en provenance des départements voisins et qu’il « ne définit pas le principe de proximité au regard des caractéristiques propres au département ». Conférant une véritable portée juridique au principe de proximité, le tribunal juge le plan illégal ici encore pour un motif tenant aux fondements matériels de la législation sur les déchets.
B – Police administrative spéciale : contrôle normal sur l’exercice du pouvoir de police en matière de déchets
28Le 13 octobre 2017, le Conseil d’État a rendu un arrêt enthousiasmant qui renforce le contrôle du juge sur l’exercice par le maire de son pouvoir de police spéciale en matière de déchets prévu par l’article L. 541-3 C. env. La police spéciale « déchets » confère des pouvoirs spécifiques au maire, en particulier la possibilité d’exécuter d’office les travaux d’élimination des déchets aux frais du responsable. Cette police rend possible la mise en cause d’un large éventail de responsables : le producteur initial ou subséquent de déchets abandonnés mais aussi leur détenteur actuel ou antérieur [15], ce qui peut dans certaines conditions concerner le propriétaire d’un site sur lequel des déchets sont déposés [16].
29À la suite de dépôts sauvages massifs de déchets sur leur terrain, des propriétaires ont recherché la responsabilité de leur commune et de l’État s’estimant victimes d’une carence du maire et du préfet. Or, la Cour administrative d’appel de Marseille s’est fondée sur l’article L. 541-3 C. env. selon lequel, en cas de dépôt illégal de déchets, « l’autorité titulaire du pouvoir de police peut (…) assurer d’office l’exécution des travaux », pour juger que le refus du maire de faire usage de ses pouvoirs « n’est illégal que s’il est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de la gravité de l’atteinte portée à l’environnement ». Cette solution n’est, de prime abord, pas surprenante dès lors que l’utilisation dans la loi du verbe pouvoir (« l’autorité peut ») laisse penser que le maire possède un pouvoir discrétionnaire d’appréciation entrainant un contrôle minimum par le juge. Le Conseil d’État va toutefois d’aller plus loin en décidant que « l’autorité (..) de police municipale doit prendre les mesures nécessaires pour assurer l’élimination des déchets dont l’abandon (…) présente des dangers pour l’environnement » et que le juge exerce un contrôle normal de la qualification juridique des faits dans le cadre de cette obligation.
30Cet arrêt renforce ainsi l’effectivité de la police spéciale en matière de déchets car ce devoir d’agir face à la pollution est trop souvent ignoré par les maires, conduisant à une très rare application de l’article L. 541-3 C. env. Le juge administratif pourra dorénavant vérifier si le refus d’agir du maire est justifié ou non au regard des risques d’atteinte à l’environnement. On peut penser que le juge a renforcé son contrôle pour éviter en l’espèce que le droit ne soit ouvertement bafoué par le maire, dès lors qu’une partie des déchets abandonnés sur le terrain des requérants provenait de la commune elle-même, mais il reste que cet arrêt a une portée générale plus vaste et permettra à l’avenir de renforcer peut-être l’effectivité des multiples autres polices spéciales en matière environnementale.
V – Indemnisation de la perte d’une chance causée par un risque de pollution
31Le 29 juin 2017, la Cour de cassation a jugé que des difficultés commerciales engendrées par un risque de pollution causé par un centre de stockage de déchets ultimes envers une activité de production de flageolets constituaient une perte de chance indemnisable [17]. Cet arrêt montre que les perspectives restent ouvertes en matière de reconnaissance juridique du risque environnemental.
VI – L’évaluation environnementale gagne du terrain
32Dans une décision datant du 18 décembre 2017, le Conseil d’État a décidé que l’exigence d’évaluation environnementale s’appliquait au schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie ainsi qu’au schéma régional éolien, annulant ainsi les plans adoptés par le préfet d’Auvergne pour défaut d’évaluation environnementale [18].
33Selon l’article L. 122-4 C. env., dans sa version applicable à la date des décisions attaquées [19], sont soumis à évaluation environnementale les plans définissant « le cadre de mise en œuvre de travaux et projets d’aménagement entrant dans le champ d’application de l’étude d’impact dans les domaines, notamment, de l’industrie, de l’énergie et des transports ». Dès lors que « le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie définit les orientations permettant d’atténuer les effets du changement climatique et de s’y adapter et de prévenir ou de réduire la pollution atmosphérique ou d’en atténuer les effets », et que le schéma régional éolien qui lui est annexé « détermine les parties du territoire favorables au développement de l’énergie éolienne », ces deux plans entrent dans le champ d’application de l’article L. 122-4 C. env. et sont par conséquent soumis à évaluation environnementale.
Date de mise en ligne : 14/03/2018
Notes
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[1]
Articles L.181-1 et suiv. C. env. ; Ord. n° 2017-80, 26 janvier 2017, JO 27 janvier 2017 ; D. n° 2017-81, 26 janvier 2017, relatif à l’autorisation environnementale, JO, 27 janvier 2017 ; D. n° 2017-82, 26 janvier 2017, relatif à l’autorisation environnementale, JO, 27 janvier 2017.
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[2]
Article D. 181-15-3 et suiv. C. env.
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[3]
Articles L. 181-9 et L. 181-30 C. env.
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[4]
Article L. 181-14 C. env.
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[5]
Articles R.181-50 et R. 514-3-1 C. env.
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[6]
Conseil d’État, 12 juillet 2017, Association Les Amis de la Terre France, n° 394254, Lebon.
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[7]
Articles L. 221-1 et R. 221-1 C. env. reprenant les valeurs prévues à l’annexe XI de la directive 2008/50 du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe, JOCE n° L 152 du 11 juin 2008.
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[8]
Plans de protection de l’atmosphère adoptés pour ces zones sur le fondement de l’article L. 222-4 C. env.
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[9]
Limites ayant pour origine la directive 2008/50 du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe, JOCE n° L 152 du 11 juin 2008.
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[10]
CJUE, 19 novembre 2014, ClientEarth, aff. C-404/13 ; CJUE, 5 avril 2017, aff. C-488/15, Commission c/ Bulgarie.
-
[11]
A. Van Lang, « Protection de la qualité de l’air : de la transformation d’un droit gazeux en droit solide », AJDA 2017, p. 1426.
-
[12]
C. Cans, « Respect des objectifs de planification en matière de gestion des déchets », AJDA 2017, p. 1505.
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[13]
Article L. 541-2-1 C. env. dans sa version applicable.
-
[14]
Art. L. 541-1 C. env.
-
[15]
Art. L. 541-2 et L. 541-3 C. env. ; CAA Paris, 31 décembre 2015, n° 14PA01486.
-
[16]
CAA Marseille, 15 décembre 2015, n° 14MA00600 ; CE, 24 octobre 2014, n° 361231 ; CE, 25 septembre 2013, n° 358923, Société Wattelez ; Ph. Billet, « Propriété et détention des déchets », Environnement n° 12, décembre 2011, comm. 131 ; « Déchets : le prix de la négligence du propriétaire du terrain de dépôt (Wattelez III) », La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales, n° 13, mars 2014, p. 2082 ; J. Makowiak, « Responsabilité subsidiaire du propriétaire des déchets », Droit Administratif n° 6, juin 2013, comm. 44.
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[17]
« Distinction entre exposition à un risque et perte actuelle et certaine d’une éventualité favorable » ; décision rendue par la Cour de cassation, 2ème ch. civ., le 19 juin 2017, n° 16-22.211.
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[18]
Conseil d’État, 6ème-1ère chambres réunies, 18 décembre 2017, n° 401116, Inédit au recueil Lebon.
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[19]
Article transposant la directive du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement.