Notes
-
[1]
Sénat, Compensation des atteintes à la biodiversité : construire le consensus, Tome I : Rapport, Commission d’enquête sur la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d’infrastructures, intégrant les mesures d’anticipation, les études préalables, les conditions de réalisation et leur suivi, n° 517 – Tome I, 2016-2017.
-
[2]
Sénat, Compensation des atteintes à la biodiversité : construire le consensus, Tome I : Rapport, op. cit., p. 8.
-
[3]
Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, JO du 9 août 2016, n° 0184.
-
[4]
Sénat, Compensation des atteintes à la biodiversité : construire le consensus, Tome I : Rapport, op. cit., p. 8.
-
[5]
Commission européenne, La stratégie biodiversité de l’UE à l’horizon 2020, Office des publications, décembre 2011.
-
[6]
Article L. 371-1 C. env.
-
[7]
Article R. 371-18 C. env.
-
[8]
Article L. 371-1 C. env.
-
[9]
A. Van Lang, « La protection des continuités écologiques : avancées et limites du droit », Revue de Droit Immobilier 2013, p. 255.
-
[10]
Article 2, loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, JO du 13 juillet 1976, p. 4203.
-
[11]
Article R. 122-20 C. env.
-
[12]
Article L. 163-1 I C. env.
-
[13]
A. Van Lang, « La loi biodiversité du 8 août 2016 : une ambivalence assumée », AJDA 12 décembre 2016, p. 2381 ; C. Cans, O. Cizel, Loi biodiversité : Ce qui change en pratique, Éditions Législatives, mars 2017, p. 118-119.
-
[14]
Article L. 163-1 II C. env.
-
[15]
M. Lucas, « La compensation environnementale, un mécanisme inefficace à améliorer », RJE, 1/2009, Vol. 34, p. 59-68 ; M.-P. Camproux-Duffrène et M. Lucas, « L’ombre portée sur l’avenir de la trame verte et bleue. Quelques réflexions juridiques », Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 3, n° 2 | Juillet 2012 ; M. Lucas, Étude juridique de la compensation écologique, LGDJ, Lextenso Éditions 2015.
-
[16]
S. Vanpeene, R. Sordello, J. Amsallem, L. Billon, « Trame verte et bleue : Bilan technique et scientifique sur l’élaboration des Schémas régionaux de cohérence écologique, Méthodes d’identification des obstacles et d’attribution des objectifs », juillet 2017.
-
[17]
R. Sordello, « Des continuités écologiques d’importance nationale aux trames vertes et bleues régionales : quelles méthodes de prise en compte ? », [online], Revue Sciences Eaux et Territoires, p. 10, février 2017.
-
[18]
Article L. 371-3 C. env.
-
[19]
Article R. 122-5 C. env.
-
[20]
M. Pech, C. Etrillard, « Le foncier agricole, variable d’ajustement ou déterminant de la compensation écologique ? », Sciences Eaux et Territoires, 2/2016 (n° 19), p. 60-63.
-
[21]
C. Hamon et F. Clap, Quelles compensations pour les atteintes portées aux continuités écologiques ?, Fédération des Parcs Naturels Régionaux de France, UICN, Groupe de travail Trame verte et Bleue, 2012, p. 9.
-
[22]
M. Lucas, « Intérêts et limites d’une compensation écologique d’infrastructures linéaires de transport via une infrastructure verte », Les mesures compensatoires dans les projets d’ITT, Aix-en-Provence, 30 mars 2011.
-
[23]
M.-P. Camproux-Duffrène et M. Lucas, « L’ombre portée sur l’avenir de la trame verte et bleue. Quelques réflexions juridiques », Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 3, n° 2 | Juillet 2012.
-
[24]
A. Debray, « La notion de réseau écologique en France : construction scientifique, appropriation par les politiques publiques et traduction territoriale », VertigO - la revue électronique en sciences de l’environnement [En ligne], Débats et Perspectives.
-
[25]
Direction régionale de l’Environnement PACA, Les mesures compensatoires pour la biodiversité : principes et projet de mise en œuvre en Région PACA, [En ligne], février 2009, p. 7.
-
[26]
Article L. 163-1 C. env.
-
[27]
Article L. 371-3 III C. env.
-
[28]
C. Jacob, F. Quétier, J. Aronson, S. Pioch, H. Levrel, « Vers une politique française de compensation des impacts sur la biodiversité plus efficace : défis et perspectives », VertigO – La revue électronique en sciences de l’environnement [En ligne], Volume 14, Numéro 3, décembre 2014.
-
[29]
Article 3, loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
-
[30]
Article L. 371-3 I C. env.
-
[31]
Article L. 4251-1 CGCT.
-
[32]
Article 13, loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, JORF n° 0182 du 8 août 2015, p. 13705.
-
[33]
France Nature Environnement (FNE), « La trame verte et bleue va-t-elle disparaitre ? », 25 juin 2015.
-
[34]
Article L. 4251-3 CGCT.
-
[35]
Article R. 122-5 C. env.
-
[36]
Sénat, Compensation des atteintes à la biodiversité : construire le consensus, Tome I : Rapport, op. cit. p. 123.
-
[37]
M. Lucas, Étude juridique de la compensation écologique, LGDJ, Lextenso Éditions, 2015.
-
[38]
SCoT – PLU : Comment changer d’échelle ?, Agence de Développement et d’Urbanisme de l’Agglomération Strasbourgeoise (ADEUS), septembre 2013.
-
[39]
Article L. 141-3 C. urb.
-
[40]
Article L. 151-6 C. urb.
-
[41]
Article L. 113-29 C. urb.
-
[42]
Article L. 371-3 C. env.
-
[43]
M. Hauterau-Boutonnet, Le contrat et l’environnement. Étude de droit interne, international et européen, PUAM, 2014.
-
[44]
M. Lucas, « Le contrat au service de la compensation écologique », Énergie – Environnement – Infrastructures, juin 2017, n° 6, p. 25-28.
-
[45]
Article L. 163-1 III C. env.
-
[46]
M. Landas, Les outils de nature contractuelle mobilisables pour la Trame Verte et Bleue, Rapport d’étude, mars 2013.
-
[47]
W. Dross, Clausier : Dictionnaire des clauses ordinaires et extraordinaires des contrats de droit privé interne, Lexis Nexis, 3e éd., septembre 2016.
-
[48]
Article 1216 C. Civ.
1Le rapport du Sénat La compensation des atteintes à la biodiversité : construire le consensus [1] a pour objectif d’identifier les difficultés de mise en œuvre de la compensation écologique, mais également de formuler des propositions [2] afin de permettre une mise en œuvre facilitée de la séquence Éviter-Réduire-Compenser (ERC). Les différentes propositions formulées concernent l’ensemble des mesures compensatoires au sens de la doctrine ERC, mesures qui ont été récemment renforcées par la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages [3]. Parmi celles-ci, le rapport du Sénat encourage l’identification dans les schémas régionaux de zones à fort potentiel de restauration écologique et la localisation en priorité des mesures compensatoires sur des territoires cohérents avec la trame verte et bleue [4]. Ces deux propositions visent à mettre en relation deux mécanismes distincts : la trame verte et bleue et la compensation écologique, procédant d’un même objectif de préservation de l’environnement et de lutte contre la perte de biodiversité.
2D’un côté, la trame verte et bleue (TVB) est une déclinaison nationale du réseau écologique paneuropéen et s’inscrit dans les objectifs de la nouvelle stratégie 2020 de l’Union européenne [5]. Il s’agit en droit français d’un mécanisme issu du Grenelle de l’environnement qui consiste à préserver et à restaurer les continuités écologiques au sein d’un réseau fonctionnel, aussi bien terrestre (trame verte) qu’aquatique (trame bleue) [6]. En ce sens, elle doit permettre aux espèces végétales et animales, dont la préservation ou la remise en état est un enjeu national ou régional, de se déplacer pour assurer leur cycle de vie et favoriser leur capacité d’adaptation [7]. Elle est constituée à cette fin de réservoirs de biodiversité comprenant des espaces protégés au titre du Code de l’urbanisme ou des espaces naturels sensibles [8], ainsi que de corridors écologiques. Ces derniers relient les différents réservoirs de biodiversité identifiés et peuvent être constitués de nature ordinaire [9]. Le Schéma Régional de Cohérence Écologique (SRCE) dresse aujourd’hui une cartographie des trames existantes et identifie les actions prioritaires à mener sur le territoire régional pour assurer une bonne cohérence écologique.
3D’un autre côté, la compensation écologique a été introduite dans la législation française dès 1976 [10]. Elle figure dans l’étude d’impact réalisée par un maître d’ouvrage [11] et constitue plus particulièrement le dernier volet du triptyque ERC. Le maître d’ouvrage ne doit recourir à la compensation écologique que lorsqu’il subsiste des impacts résiduels qui n’ont pu être ni évités ni réduits [12]. Depuis la loi Biodiversité du 8 août 2016 [13], il s’agit désormais d’une obligation de résultat assortie de nouveaux critères d’équivalence écologique, de pérennité et de proximité géographique. Les personnes soumises à cette obligation de compensation peuvent opérer la réalisation des mesures par trois alternatives : mettre en place elles-mêmes les mesures compensatoires, en confier la réalisation à un « opérateur de compensation » ou acheter des unités de « sites naturels de compensation » [14].
4Si la proposition de mutualiser les mesures compensatoires avec la trame verte et bleue n’est pas nouvelle [15], sa modernisation suppose de s’interroger sur la compatibilité des deux mécanismes au-delà de l’intérêt écologique qu’apporterait une telle mutualisation. La conciliation ne doit pas aboutir à altérer la finalité première de chacun des deux mécanismes : réparer les atteintes causées par une activité humaine pour la compensation et maintenir ou restaurer les continuités écologiques pour la TVB. Cette mutualisation entre compensation écologique et TVB permet-elle de protéger l’environnement tout en assurant l’intégration de la compensation au sein de la cohérence écologique des territoires ?
5La loi Biodiversité du 8 août 2016 comme le rapport du Sénat ont pour objectif de préciser le cadre applicable à la compensation écologique. C’est pourquoi ils posent de nouveaux critères d’application ou envisagent la mise en œuvre d’une telle conciliation de mécanismes juridiques. Ainsi, la conception de la mutualisation entre trame verte et bleue et compensation écologique vise à la protection de la biodiversité mais également à l’atteinte d’une cohérence écologique territoriale (I). Néanmoins, sa mise en œuvre reste dépendante de l’appropriation de la mutualisation par les acteurs territoriaux (II).
I – De la conception d’une mutualisation entre TVB et compensation écologique vers la cohérence écologique territoriale
6Le rapport du Sénat propose ainsi la mutualisation des deux mécanismes en raison de leurs intérêts juridiques (A), mais celle-ci doit éviter l’écueil d’une dénaturation des mécanismes (B).
A – La proposition sénatoriale de mutualisation des deux dispositifs
7Dans son rapport, le Sénat propose ainsi directement d’« encourager l’identification dans les schémas régionaux de zones à fort potentiel de restauration écologique, en cohérence avec la TVB », mais également de « localiser en priorité les mesures compensatoires sur des territoires cohérents avec la TVB ». Ces deux propositions doivent permettre d’intégrer davantage la compensation dans les documents territoriaux de planification.
8Cette mutualisation sert autant la protection de la biodiversité que l’atteinte d’un objectif de cohérence écologique territoriale. Dans cette optique, elle permet de viser de manière conjointe l’objectif de préservation de la biodiversité, commun aux deux mécanismes, tout en intégrant l’aménagement territorial. En effet, la TVB est aussi un outil d’aménagement du territoire grâce à la prise en compte du SRCE par les autres documents de planification [16] et les projets d’aménagement de l’État [17], des collectivités territoriales et de leurs groupements. Le Code de l’environnement prévoit ainsi des mesures d’évitement, de réduction et de compensation aux atteintes aux continuités écologiques lors de projets d’aménagement de l’État et des collectivités territoriales [18]. La TVB permet ainsi de constituer un cadre pour la cohérence écologique du territoire, et doit à ce titre être intégrée dans les études d’impact des projets publics comme privés [19].
9La mutualisation entre la compensation écologique et la TVB permet également de délimiter un périmètre propice à l’implantation des mesures compensatoires au sein des continuités écologiques de la TVB. Il s’agit alors d’une localisation favorable d’un point de vue aussi bien écologique que juridique qui permet de diversifier l’implantation des mesures pour épargner les terres agricoles qui subissent la compensation écologique [20]. Dans l’hypothèse d’une localisation privilégiée des mesures compensatoires au sein de la TVB, la compensation serait alors intégrée dans une approche territoriale de protection de la biodiversité, ce qui permettrait d’augmenter l’efficacité du dispositif et son acceptabilité sociale.
10La mutualisation des deux dispositifs présente également l’intérêt d’organiser une prise en charge commune des obligations de surveillance et de suivi. Toute mesure compensatoire doit faire l’objet d’un suivi écologique et administratif réalisé par les services de l’État et d’un contrôle de terrain caractérisé par une visite annoncée ou inopinée directement sur le site. Ces différents suivis et contrôles ont pour objet de s’assurer de la réalisation effective des mesures compensatoires, de leur efficacité écologique et enfin de leur pérennité, aussi longtemps que l’arrêté d’autorisation l’a prévu. Pour autant, le constat actuel est celui d’un manque de temps et de moyens humains pour la réalisation de ces suivis et contrôles. Il serait donc judicieux d’organiser le suivi à la fois des TVB et des mesures de compensation écologique de manière conjointe, ce qui mobiliserait moins de moyens humains et de temps des agents de l’État.
B – L’écueil de la dénaturation des mécanismes de TVB et de compensation écologique lors de leur mutualisation
11La proposition de mutualiser les deux dispositifs de trame verte et bleue et de compensation écologique ne doit pas pour autant entraîner leur dénaturation. Il s’agit d’éviter que l’un des mécanismes ne soit détourné de son objectif principal afin d’être uniquement mis à disposition de la concrétisation du second dispositif.
12Cela peut être le cas pour la TVB qui pourrait être instrumentalisée au profit de la compensation écologique. La réalisation des mesures compensatoires ne doit pas porter atteinte aux milieux naturels de la TVB dont les corridors écologiques sont fortement caractérisés par la présence de nature ordinaire [21]. L’implantation de mesures compensatoires risquerait alors d’entraîner une dénaturation de ces milieux par la colonisation d’espèces à forte patrimonialité qui y auraient été compensées. En revanche, cela pourrait être l’occasion pour les mesures compensatoires d’intégrer davantage l’impact de l’aménagement sur la nature ordinaire dans la compensation.
13Dans la même optique, la TVB ne doit pas devenir une réserve foncière locale destinée à la mise en œuvre des mesures de compensation écologique [22]. La possibilité de localiser les mesures compensatoires au sein de la TVB permettrait effectivement de répondre à une problématique majeure des maîtres d’ouvrages : la maîtrise foncière. Pour les élus chargés de mettre en œuvre la trame sur leur territoire, la réalisation des mesures compensatoires pourrait répondre au besoin de financement pour son développement. La loi Grenelle II n’a pas prévu de source de financement affectée à la réalisation de la TVB, c’est pourquoi certains acteurs locaux pourraient être tentés d’utiliser la TVB comme « réserve d’actifs locale » [23] qui seraient ensuite revendus aux maîtres d’ouvrage pour la compensation de leurs projets. Si séduisante que puisse être cette possibilité pour les acteurs locaux, cela induit que les corridors écologiques soient des unités de compensation fongibles. La TVB risquerait alors de perdre de vue ses objectifs pour être intégrée à la démarche de réalisation de la compensation écologique. De plus, les continuités écologiques sont caractérisées par leurs fluctuations [24], il serait donc difficile d’imaginer la vente d’unités de compensation fongibles, mais aussi mouvantes. Cela soulèverait une réelle difficulté pour identifier l’endroit de réalisation de la mesure compensatoire, au cas où elle se transformerait en habitat isolé.
14D’un autre côté, la compensation écologique ne doit pas être un simple transfert financier du maître d’ouvrage vers une collectivité locale afin de réaliser la trame sur le territoire. En effet, elle nécessite une action positive du maître d’ouvrage pour l’environnement afin de remplir son obligation de résultat [25] sinon sa responsabilité pourrait être engagée [26]. Un transfert financier peut être exécuté à la condition qu’il soit suivi d’un effet direct de restauration ou de la création d’une continuité écologique, ce qui pourra être établi lors du suivi des mesures. Il y aura ainsi une preuve de la réalisation d’une action en faveur de la biodiversité par le maître d’ouvrage.
15Il existe un second risque concernant la mutualisation des deux mécanismes, extrême inverse d’un simple transfert financier : la compensation ne doit pas se substituer à l’action de la collectivité territoriale pour la mise en œuvre de la TVB. Les collectivités ne doivent pas attendre que des maîtres d’ouvrages aient des besoins fonciers pour développer leur trame via les mesures compensatoires. En effet, elles ont en charge la prise en compte du SRCE dans l’élaboration de leurs documents d’urbanisme [27] et c’est à elles que revient la compétence de matérialiser la TVB au niveau le plus local. De plus, pour l’aménageur, la compensation écologique doit se caractériser par une action additionnelle à celle des politiques publiques menées en la matière [28]. Aller à l’encontre de cela pourrait aboutir à des litiges si des mesures de compensation étaient implantées afin de renforcer une continuité écologique à un endroit jugé non propice par la collectivité.
16Cependant, la mise en œuvre de cette mutualisation soulève également des interrogations quant aux moyens concrets de mise en œuvre (II).
II – De la mise en œuvre de la mutualisation : d’un contexte régional à l’application locale des solutions
17L’appropriation de la mutualisation par les acteurs est décisive (A) afin de la mettre en œuvre via des solutions à la fois réglementaires et conventionnelles (B).
A – Le rôle décisif dévolu aux acteurs territoriaux pour la mutualisation
18La mise en œuvre de la TVB et des mesures compensatoires repose sur une forte dimension territoriale. À ce titre, la région a été désignée comme chef de file en matière de biodiversité [29], c’est-à-dire qu’elle gère la planification et la coordination de l’action des collectivités sur divers sujets relatifs à la biodiversité. Après avoir été copilote [30] avec la DREAL de l’élaboration du SRCE, elle a désormais la responsabilité [31] d’élaborer le Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires (SRADDET) [32]. Ses dispositions seront opposables aux documents d’urbanisme élaborés aux échelles locales. Son objectif est la rationalisation du nombre de documents existants en prévoyant l’insertion de plusieurs schémas sectoriels, afin de permettre une meilleure coordination des politiques publiques relatives à l’aménagement du territoire. À ce titre, le SRCE a vocation à être absorbé par le SRADDET. Les questions relatives à l’avenir de la TVB ont alors connu un regain d’intérêt car l’intégralité du travail de recensement des réservoirs de biodiversité et des corridors écologiques qui a été mené pour l’établissement du SRCE va être mutualisée avec d’autres problématiques telles que les transports ou la gestion des déchets. Cela entraînera nécessairement une simplification du mécanisme afin de n’en garder que l’essentiel [33].
19Pour autant, le SRADDET pourrait garantir une meilleure opposabilité de la TVB. En effet, il est constitué de deux documents distincts : le rapport du schéma qui fixe ses objectifs principaux, et le fascicule divisé en chapitres thématiques qui rassemble les règles générales avec lesquelles les actes des collectivités devront être compatibles [34]. De ce fait, si une règle vise expressément la TVB ou le développement des continuités écologiques, le mécanisme de TVB bénéficierait du rapport de compatibilité avec les documents d’urbanisme et serait opposable. Toutefois, cette hypothèse reste à nuancer. Jusqu’à aujourd’hui, les aménageurs devaient prendre en compte la TVB lors de l’élaboration de leurs projets [35]. Cependant l’article L. 4251-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit des exceptions : le fascicule et les règles générales doivent prendre en compte divers projets d’intérêt général et d’opérations d’intérêt national, ainsi que les projets de localisation des grands équipements. Il existe donc davantage d’hypothèses pouvant porter atteinte au mécanisme de la TVB.
20Les collectivités locales s’approprieront aussi la mutualisation entre TVB et compensation écologique. Une des difficultés des collectivités locales est en effet d’appréhender la différence d’échelles entre un projet qui se situera au niveau local, et l’échelle plus générale d’une logique territoriale cohérente. Par le biais du SRADDET et de son niveau de compatibilité avec les documents d’urbanisme, il sera plus aisé pour ces collectivités d’adopter une vision à grande échelle du territoire afin de permettre la réalisation des mesures compensatoires sur des territoires cohérents avec la TVB [36]. L’appropriation de la mutualisation sera donc facilitée par rapport à la simple prise en compte du SRCE dans les documents d’urbanisme, qui permet de porter des atteintes mineures aux continuités écologiques de la trame [37]. Il est donc nécessaire que les collectivités locales s’approprient le recours à une telle mutualisation via des solutions réglementaires et contractuelles effectives.
B – Des solutions réglementaires et contractuelles aux principales limites identifiées
21La mutualisation de la compensation écologique et de la TVB doit donc se faire sans entraîner leur dénaturation : il est alors possible d’identifier des solutions réglementaires grâce aux outils urbanistiques et contractuels.
22Le recours à la planification et à l’urbanisme est une solution, notamment via les SCoT et les PLU. Il est ainsi possible d’envisager les SCoT et les PLU [38]. Les SCoT, situés au niveau intercommunal, doivent respecter les principes de développement durable dont celui du respect de l’environnement [39]. La nécessité de compatibilité entre les SCoT et PLU [40] impose à ces derniers d’analyser les documents réalisés au niveau supra-communal intégrant une approche suffisamment fine des espaces de la trame verte et bleue. Les PLU doivent alors avoir une réflexion sur les opérations et projets d’aménagements qu’ils souhaitent initier, pour vérifier la compatibilité entre leurs projets et la trame verte et bleue identifiée par le SCoT. Il serait ainsi judicieux de créer un nouveau type de zonage au sein des SCoT et des PLU, spécifique à la combinaison des mesures compensatoires avec la TVB. Ce nouveau zonage pourrait s’inspirer de celui initié par la loi Biodiversité permettant de préserver les continuités écologiques [41]. Il permettrait de délimiter des espaces favorables aux mesures compensatoires au sein des continuités écologiques. Ce nouveau zonage pallierait la mauvaise traduction des SRCE aux échelons locaux, qui empêche les maîtres d’ouvrage de connaître les espaces sur lesquels ils peuvent réaliser leurs mesures compensatoires. Ce zonage, présent aussi bien au sein des SCoT que des PLU, présenterait le second avantage de conférer une meilleure pérennité à la TVB et aux mesures compensatoires associées grâce au recours à un degré d’opposabilité supérieur à la prise en compte aujourd’hui appliquée [42].
23Les outils réglementaires peuvent être accompagnés par des outils conventionnels afin de permettre leur fonctionnement optimal [43]. À ce titre, la loi pour la reconquête de la biodiversité a mis la voie contractuelle à l’honneur [44]. En effet, parmi les trois manières pour le maître d’ouvrage de s’acquitter de son obligation de compensation, deux sont purement contractuelles : il pourra choisir entre acquérir des unités de compensation d’un site naturel de compensation ou passer un contrat avec un opérateur de compensation [45]. Ces contrats ne forment pas un contrat de compensation type, car ils se déclinent en une multitude d’autres conventions. Ces dernières sont de natures très variées : contrat de vente, de bail, de prestations de services ou conventions de gestion. La mutualisation de la compensation écologique et de la TVB nécessiterait l’introduction de plusieurs clauses ou obligations dans ces contrats, afin de pérenniser la réalisation des mesures compensatoires sur les terrains visés. Ainsi, il serait judicieux de prévoir une obligation d’information de la part du vendeur d’un terrain envers son acquéreur avant qu’il ne consente à la vente. La réussite d’un contrat permettant la mutualisation entre la TVB et la compensation écologique dépend également des pratiques qu’adoptent les contractants, ce qui peut impliquer le recours à une clause dédiée aux usages autorisés ou interdits afin de ne pas perturber l’équilibre de la continuité écologique qui accueille la compensation. Il s’agira ainsi d’interdire le recours à des produits phytosanitaires, ou d’adopter des pratiques respectueuses de l’environnement [46]. Un contrat portant sur la mutualisation des deux dispositifs dépendra également de l’engagement des parties : il pourrait être approprié de prévoir des clauses de renouvellement de contrat [47] afin de le reconduire régulièrement sans avoir à contracter à chaque fois un nouvel engagement entre les mêmes parties, ou une clause de substitution des contractants [48] qui permet de faire face à des changements de situation contractuelle inopinée. Ce type de clause favorise la poursuite du contrat, y compris lorsqu’une des parties souhaite le résilier. C’est une clause extrêmement utilisée en pratique, favorable à la mutualisation entre compensation écologique et TVB car elle assure la pérennité des engagements contractuels qui la mettent en œuvre.
24La mutualisation de la TVB et de la compensation écologique permettrait d’inscrire la préservation de la biodiversité dans le cadre d’une cohérence écologique territoriale, tout en facilitant la mise en œuvre des mesures compensatoires. Si les continuités écologiques représentent une localisation privilégiée pour la compensation, une nouvelle piste voit le jour via la proposition sénatoriale de recherche de zones à fort potentiel de restauration écologique en cohérence avec la trame verte et bleue, ce qui permettrait de développer le réseau de la TVB et de favoriser la mise en œuvre de la compensation écologique.
Mots-clés éditeurs : compensation écologique, biodiversité, mutualisation d’outils juridiques, trame verte et bleue
Mise en ligne 20/12/2017
Notes
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[1]
Sénat, Compensation des atteintes à la biodiversité : construire le consensus, Tome I : Rapport, Commission d’enquête sur la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d’infrastructures, intégrant les mesures d’anticipation, les études préalables, les conditions de réalisation et leur suivi, n° 517 – Tome I, 2016-2017.
-
[2]
Sénat, Compensation des atteintes à la biodiversité : construire le consensus, Tome I : Rapport, op. cit., p. 8.
-
[3]
Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, JO du 9 août 2016, n° 0184.
-
[4]
Sénat, Compensation des atteintes à la biodiversité : construire le consensus, Tome I : Rapport, op. cit., p. 8.
-
[5]
Commission européenne, La stratégie biodiversité de l’UE à l’horizon 2020, Office des publications, décembre 2011.
-
[6]
Article L. 371-1 C. env.
-
[7]
Article R. 371-18 C. env.
-
[8]
Article L. 371-1 C. env.
-
[9]
A. Van Lang, « La protection des continuités écologiques : avancées et limites du droit », Revue de Droit Immobilier 2013, p. 255.
-
[10]
Article 2, loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, JO du 13 juillet 1976, p. 4203.
-
[11]
Article R. 122-20 C. env.
-
[12]
Article L. 163-1 I C. env.
-
[13]
A. Van Lang, « La loi biodiversité du 8 août 2016 : une ambivalence assumée », AJDA 12 décembre 2016, p. 2381 ; C. Cans, O. Cizel, Loi biodiversité : Ce qui change en pratique, Éditions Législatives, mars 2017, p. 118-119.
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[14]
Article L. 163-1 II C. env.
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[15]
M. Lucas, « La compensation environnementale, un mécanisme inefficace à améliorer », RJE, 1/2009, Vol. 34, p. 59-68 ; M.-P. Camproux-Duffrène et M. Lucas, « L’ombre portée sur l’avenir de la trame verte et bleue. Quelques réflexions juridiques », Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 3, n° 2 | Juillet 2012 ; M. Lucas, Étude juridique de la compensation écologique, LGDJ, Lextenso Éditions 2015.
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[16]
S. Vanpeene, R. Sordello, J. Amsallem, L. Billon, « Trame verte et bleue : Bilan technique et scientifique sur l’élaboration des Schémas régionaux de cohérence écologique, Méthodes d’identification des obstacles et d’attribution des objectifs », juillet 2017.
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[17]
R. Sordello, « Des continuités écologiques d’importance nationale aux trames vertes et bleues régionales : quelles méthodes de prise en compte ? », [online], Revue Sciences Eaux et Territoires, p. 10, février 2017.
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[18]
Article L. 371-3 C. env.
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[19]
Article R. 122-5 C. env.
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[20]
M. Pech, C. Etrillard, « Le foncier agricole, variable d’ajustement ou déterminant de la compensation écologique ? », Sciences Eaux et Territoires, 2/2016 (n° 19), p. 60-63.
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[21]
C. Hamon et F. Clap, Quelles compensations pour les atteintes portées aux continuités écologiques ?, Fédération des Parcs Naturels Régionaux de France, UICN, Groupe de travail Trame verte et Bleue, 2012, p. 9.
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[22]
M. Lucas, « Intérêts et limites d’une compensation écologique d’infrastructures linéaires de transport via une infrastructure verte », Les mesures compensatoires dans les projets d’ITT, Aix-en-Provence, 30 mars 2011.
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[23]
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