Notes
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[1]
Décision n° 2015-477, QPC du 31 juillet 2015, M. Jismy R. [Incrimination de la création de nouveaux gallodromes].
-
[2]
Pour ne citer que la décision la plus médiatique, objet de saisines multiples (Président de la République, Président du Sénat et députés) : Décision n° 2015-713 DC, 23 juillet 2015, Loi relative au renseignement.
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[3]
Dans la précédente QPC, qui a validé la conformité à la Constitution de l’alinéa 7, de l’article 521-1 du Code pénal, en ce qui concerne la composante des courses de taureaux, le Conseil n’est pas considéré comme lié par le verbe « invoquer » et a utilisé celui d’ « établir » : Décision n° 2012-271 QPC du 21 septembre 2012 - Association Comité radicalement anti-corrida Europe et autre [Immunité pénale en matière de courses de taureaux]. Il est possible de soutenir que l’établissement d’une tradition relève de la preuve de celle-ci, alors que l’invocation se contente d’opposer cette tradition. Sur l’imprécise notion d’ « invocation », en creux comparée à celle de « établissement », telle qu’interprétée par le juge : Pierre Soubelet, « Corridas : confusion sur la « tradition locale ininterrompue », Recueil Dalloz, 2002, p. 2267.
-
[4]
À propos d’un combat de coqs, organisé sur la commune de Gondecourt (à 20 km au sud de Lille : lieu de tradition) mais dans la cour d’école, sous un préau, en remplacement du gallodrome fermé pour effondrement de sa toiture : http://www.lavoixdunord.fr/region/tensions-autour-des-combats-de-coqs-a-gondecourt-les-ia25b50445n2689152 (consulté le 31 août 2015).
-
[5]
H. Delzangles, « Les animaux objets de ″traditions locales ininterrompues″, l’exemple de la corrida », Revue semestrielle de droit animalier, 2/2012, p. 457.
-
[6]
Thierry Auffret Van des Kemp, « Le droit insensible à la sensibilité des animaux sauvages en liberté », Droit animal, Éthique et sciences, juillet 2011, n° 70, p. 5 : « une situation absurde, un non-sens scientifique et un contresens moral ».
-
[7]
Suzanne Antoine, « Le droit de l’animal : évolution et perspectives », Recueil Dalloz Sirey, 1996, p. 126 : sur la conception « humanitaire » de la protection animale dans la loi de 1850 et la conception « animalière » de la loi de 1951.
-
[8]
Assemblée Nationale, Proposition de résolution relative au statut juridique de l’animal de compagnie, n° 1509, 5 novembre 2013.
-
[9]
Le Monde, « Combats de coqs : l’interdiction de construire de nouveaux gallodromes confirmée », 31 juillet 2015 ; Journal de l’île de La Réunion, « Combats de coqs : l’interdiction de nouveaux gallodromes jugée conforme à la Constitution ».
-
[10]
Cour de cassation, Jismy R., 2 juin 2015, arrêt n° 2631.
-
[11]
Opinion de Jean-Luc Neumann, consultant en droit de l’animal : http://www.animaletdroit.com/2015_07_01_archive.html#.VeB8WLztmko (consulté le 29 août 2015).
-
[12]
Ce point de vue ne fait pas l’unanimité dans la doctrine universitaire, qui s’était exprimée sur les corridas : Bertrand de Lamy, « Indulto pour la corrida », Revue de sciences criminelles, 2013, p. 427. Pour Agnès Roblot-Troizier, « Chronique de jurisprudence, Droit administratif et droit constitutionnel », RFDA, 2013, p. 141 : la corrida est une « polémique », qu’il ne convient pas d’apprécier.
-
[13]
Franck Johannès, « Le Conseil constitutionnel, gardien de l’État plus que des libertés », Analyse, Le Monde, 21 août 2015.
-
[14]
L’énoncé est faussement clair : ce n’est pas la construction d’un gallodrome en soi qui est passible d’une incrimination, mais les combats de coqs s’y déroulant.
-
[15]
Voir Décision n° 2009-578 DC du 18 mars 2009, Loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.
-
[16]
JOAN, Débats, 18 juin 1964, p. 2040.
-
[17]
En toute logique, si l’on peut comparer 2 et 4, l’on ne peut pas comparer x et y. Comment, en transposant cette argumentation, établir avec certitude que x est égal à 2 et y à 4 ou que les courses de taureaux sont l’égal des combats de coqs ? Cela n’a aucun sens logique et chercher à s’y adonner n’a guère de sens, autre que celui de répondre à une question.
-
[18]
Dans le même sens : Xavier Perrot, « L’athlète des gallodromes Le coq de combat animal domestique et de compétition », Revue semestrielle de droit animalier, 2/2012, p. 319 et s., sp. p. 328.
-
[19]
JOAN, Débats, 10 octobre 1963, p. 5127.
-
[20]
Jérôme Roux, « Au regard de quelles normes soulever la question prioritaire de constitutionnalité », in La question prioritaire de constitutionnalité, sous la dir. Dominique Rousseau, Gazette du Palais,-Lextenso éditions, 2010, p. 52.
-
[21]
Carolina Cerda-Guzman, Droit constitutionnel et institutions de la Ve République 2014-2015, Galino-Lextenso 2015, @1810, p. 558.
-
[22]
Décision n° 2011-123 QPC du 29 avril 2011, M. Mohamed T. [Conditions d’octroi de l’allocation adulte handicapé] : « Dans le contrôle a posteriori, le Conseil a tout le loisir de contempler, au vu de ses effets et des conditions dans lesquelles le législateur l’a supprimée, l’erreur d’appréciation commise alors. Toutefois, si le Conseil avait, comme le requérant l’invitait à le faire, tiré la conclusion que la différence de traitement alors instituée n’est pas en rapport avec l’objet de la loi, il aurait introduit une dissociation entre le contrôle abstrait a priori et le contrôle abstrait a posteriori. Ce n’est pas la solution retenue : l’éventuelle erreur du législateur ne peut pas constituer une cause d’inconstitutionnalité au seul motif qu’elle est susceptible d’être constatée a posteriori. Si, dans le cadre du contrôle a priori, le Conseil ne censure pas des dispositions qui lui paraissent inopportunes ou contreproductives, ce n’est pas parce qu’il craint de se tromper et qu’il hésite à contredire un législateur qui pourrait avoir raison. La retenue du Conseil constitutionnel tient à la nature de ses pouvoirs qui « ne sont pas de même nature que ceux du Parlement » et ne lui permettent pas de substituer son appréciation à celle du législateur. En ce sens, le fait que l’éventuelle erreur est prévisible (dans le contrôle a priori) ou qu’elle a pu être constatée (dans le contrôle a posteriori) n’est pas de nature à modifier le contrôle qu’exerce le Conseil constitutionnel sur l’adéquation de la mesure contestée au but poursuivi ».
-
[23]
« À quoi sert le contrôle de l’adéquation dans la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel ? », à paraître in RFDC 2015 : « La réduction du contrôle de l’adéquation à celle de l’existence d’un lien rationnel entre la mesure et l’objectif poursuivi : le Conseil n’est jamais allé jusqu’à s’interroger sur l’efficacité de la mesure législative qui lui est soumise, que le contrôle exercé ait été a priori ou même - et la solution, plus récemment apportée, était moins évidente - a posteriori ».
-
[24]
Partageant également cette critique, Valérie Goesel-Le Bihan estime que deux situations se présentent : « On comprend évidemment que le Conseil ne souhaite pas interférer dans l’appréciation de l’efficacité lorsqu’elle résulte - comme en matière économique - d’une lecture elle-même politique des faits. En revanche, lorsque les faits parlent d’eux-mêmes (ou presque), une telle abstention est plus contestable, qui laisse au législateur le pouvoir de maintenir les apparences et de nier la résistance du réel », « A quoi sert le contrôle de l’adéquation dans la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel ? », à paraître in RFDC 2015. Voir également du même auteur, « Les griefs susceptibles d’être utilement invoqués dans le cadre d’une QPC », La Semaine Juridique Édition Générale n° 27, 6 juillet 2015, doct. 807, sur l’assimilation des deux types de contrôle (abstrait et concret) et le manque de « finesse » qui en résulte.
-
[25]
M. Pierre Dumas, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement : « On sait que le Gouvernement a fait voter la loi du 19 novembre 1963 pour réprimer par des peines correctionnelles les actes de cruauté envers les animaux. Il ne peut donc que s’ en remettre à la sagesse de l’Assemblée pour apprécier si, en vertu d’une tradition ininterrompue et dont on vient de nous citer les lettres de noblesse, les combats de coqs doivent être, comme les courses de taureaux, considérés comme faisant exception aux principes qui font l’objet de la loi de -1963. Je suis convaincu d’ailleurs que l’Assemblée nationale voudra considérer que la dérogation proposée actuellement ne peut être qu’une exception, je dirai même une exception momentanée (nous soulignons). Pour sa part, le Gouvernement attachait une grande importance à l’article 2 de la proposition de M. Arthur Moulin qui spécifiait que toute création d’un nouveau gallodrome est interdite sous peine des sanctions prévues à l’article 453, alinéa 1, du code pénal. Je ne pense pas qu’il soit dans l’esprit de quiconque de vouloir protéger, développer et encourager les combats de coqs. Il s’agit, là où ils sont une tradition et où sans doute aussi des intérêts matériels non négligeables se trouvent engagés, d’en tenir compte pour aussi longtemps qu’ils existeront. Mais sous prétexte de ménager une assez longue période de transition au cours de laquelle cette pratique, qu’on peut juger cruelle, finirait par disparaître peu à peu, il ne faudrait pas qu’il soit possible de créer de nouveaux gallodromes et de voir les combats de coqs renaître sans cesse ».
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[26]
Carolina Cerda-Guzman, Droit constitutionnel et institutions de la Ve République 2014-2015, Galino-Lextenso 2015, @1809, p. 558. Voir contra, mais sur le terrain du moyen soulevé d’office ouvert dans le cadre de la QPC : Bernard Hémery, « La procédure devant le Conseil constitutionnel », in La question prioritaire de constitutionnalité, sous la dir. Dominique Rousseau, Gazette du Palais,-Lextenso éditions, 2010, p. 119.
-
[27]
Voir, pour une analyse critique de la clarté et de la précision de la notion de tradition locale ininterrompue de nature exclure la responsabilité pénale, Agnès Roblot-Troizier, « Chronique de jurisprudence, Droit administratif et droit constitutionnel », RFDA, 2013, p. 141.
-
[28]
Pierre Soubelet, « Corridas : confusion sur la « tradition locale ininterrompue », Recueil Dalloz, 2002, p. 2267.
-
[29]
Entre autres, Pascale Deumier, « La tradition tauromachique, source sentimentale du droit (ou l’importance d’être constant) », RTD civ., 2007, p. 57 et Pierre Tifine, « À propos des rapports entre l’usage, la coutume et la loi », RFDA 2002, p. 496.
-
[30]
Décision n° 2012-271 QPC du 21 septembre 2012 - Association Comité radicalement anti-corrida Europe et autre [Immunité pénale en matière de courses de taureaux].
-
[31]
La seconde phrase de l’al. 7, explicitement non visée par la décision de QPC corrida, pourrait être contestée comme une question nouvelle.
-
[32]
Il est intéressant de noter que la doctrine ne s’accorde pas sur la façon dont le Conseil a appliqué le moyen tiré de la rupture d’égalité. Pour Bertrand de Lamy, « Indulto pour la corrida », Revue de sciences criminelles, 2013, p. 427, l : « Le raisonnement du Conseil est parfaitement méthodique » alors que pour Agnès Roblot-Troizier, « Chronique de jurisprudence, Droit administratif et droit constitutionnel », RFDA, 2013, p. 141 : « Peu explicite quant au motif de la différence de traitement, la motivation de la décision pèche ensuite par son caractère circulaire ».
-
[33]
Contra Charlotte Dubois, « La corrida dans l’arène de Montpensier : les Sages jouent aux Toréadors ! », Petites affiches, 27 décembre 2012 n° 259, p. 10, qui voit dans la convocation d’une tradition locale ininterrompue un motif d’intérêt général.
-
[34]
Agnès Roblot-Troizier, « Chronique de jurisprudence, Droit administratif et droit constitutionnel », RFDA, 2013, p. 141.
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[35]
Charlotte Dubois, « La corrida dans l’arène de Montpensier : les Sages jouent aux Toréadors ! », Petites affiches, 27 décembre 2012 n° 259.
-
[36]
CC, n° 2011-157 QPC, Somodia, 5 août 2011.
-
[37]
Francis Messner, « Le droit alsacien-mosellan des cultes : d’une exception historique à la confirmation des particularismes », in Florence Faberon, Liberté religieuse et cohésion sociale : la diversité française, PUAM, 2015, p. 511 et s.
-
[38]
Charlotte Dubois, « La corrida dans l’arène de Montpensier : les Sages jouent aux Toréadors ! », Petites affiches, 27 décembre 2012 n° 259, p. 10 : « Une autorisation explicite serait ici prévue par le septième alinéa de l’article 521-1 du Code pénal, réglant de ce fait un conflit de valeurs entre le respect des traditions et la protection animale : une hiérarchie des valeurs permet la préservation de la première au détriment de la seconde ».
-
[39]
http://www.anticorrida.com/corrida/une-activite-illegale-mais-depenalisee/#fn-3912-1, consulté le 29 août 2015.
-
[40]
Voir la proposition de loi visant à punir, sans exception, les sévices graves envers les animaux domestiques, apprivoisés, ou tenus en captivité, Sénat, session ordinaire de 2010-2011, n° 493, le 5 mai 2011.
-
[41]
David Cantor, « Des biens de propriété », in Le projet grands singes : l’égalité au-delà de l’humanité, 1993, p. 332-333 : sur la douleur d’un gorille, emprisonné dans un zoo, contraint de quitter sa compagne.
-
[42]
Jean-Pierre Marguénaud, « L’animal dans le nouveau code pénal », Dalloz 1995, p. 187.
-
[43]
Suzanne Antoine, « Le droit de l’animal : évolution et perspectives », Recueil Dalloz Sirey, 1996, p. 126.
-
[44]
Peter Singer, Les animaux aussi ont des droits, Le Seuil, 2013.
-
[45]
Introduction aux principes de morale et de législation, 1789.
-
[46]
Gassiot Olivier, « L’animal, nouvel objet du droit constitutionnel », Revue française de droit constitutionnel 4/2005 (n° 64), p. 703-732.
-
[47]
Paulo Affonso Leme Machado, « L’environnement et la Constitution brésilienne », Cahiers du Conseil constitutionnel n° 15. Voir aussi, plus largement : Olivier Le Bot, « La protection de l’animal en droit constitutionnel. Étude de droit comparé », Lex Electronica, vol. 12 n° 2, in http://www.lex-electronica.org/docs/articles_27.pdf (consulté le 1er sept. 2015).
-
[48]
Pour un travail de recherche étudiant sur le questionnement des sources de la protection animale : Emeline Montel, La protection de l’animal : Droit de l’environnement versus Droits de l’homme, IEP Aix-en-Provence, 2015, 132 p.
Article 521-1 du Code pénal.
Interdiction de la construction de nouveaux gallodromes.
Question prioritaire de constitutionnalité.
Traitement différent des combats de coqs et des courses de taureaux.
Rupture de l’égalité devant la loi (non).
Conseil constitutionnel, Décision n° 2015-477, QPC du 31 juillet 2015, M. Jismy R. [Incrimination de la création de nouveaux gallodromes]
11. Considérant qu’en vertu du premier alinéa de l’article 521-1 du code pénal, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité ; qu’en vertu du deuxième alinéa de cet article, le tribunal peut prononcer la confiscation de l’animal et prévoir qu’il sera remis à une fondation ou à une association de protection des animaux ; qu’en vertu du troisième alinéa de cet article, les personnes physiques coupables des infractions mentionnées ci-dessus sont passibles de peines complémentaires d’interdiction de détenir un animal et d’exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction ; que les quatrième, cinquième et sixième alinéas de cet article sont relatifs aux peines encourues par les personnes morales ; qu’en vertu du septième alinéa, les peines définies par cet article ne sont applicables ni aux courses de taureaux dès lors qu’une tradition locale ininterrompue « peut être invoquée » ni aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue « peut être établie » ; qu’aux termes du huitième alinéa de cet article 521-1 dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 5 octobre 2006 susvisée : « Est punie des peines prévues au présent article toute création d’un nouveau gallodrome » ;
22. Considérant que, selon le requérant, en incriminant la création de nouveaux gallodromes et non celle de nouveaux lieux accueillant des courses de taureaux alors que le législateur a prévu tant pour les courses de taureaux que pour les combats de coqs une même dérogation à l’incrimination pénale des sévices sur les animaux, à la même condition qu’existe une tradition locale ininterrompue, les dispositions contestées portent atteinte au principe d’égalité devant la loi ;
33. Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi… doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;
44. Considérant que si le législateur a entendu, tant pour les courses de taureaux que pour les combats de coqs, fonder l’exclusion de responsabilité pénale sur l’existence d’une tradition ininterrompue, il s’agit toutefois de pratiques distinctes par leur nature ; qu’il ressort des travaux préparatoires de la loi du 8 juillet 1964 susvisée que le législateur a entendu encadrer plus strictement l’exclusion de responsabilité pénale pour les combats de coqs afin d’accompagner et de favoriser l’extinction de ces pratiques ; qu’en interdisant la création de nouveaux gallodromes, le législateur a traité différemment des situations différentes ; que la différence de traitement qui résulte de l’incrimination de toute création d’un nouveau gallodrome est en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; que par suite, le grief tiré d’une atteinte au principe d’égalité devant la loi doit être écarté ;
55. Considérant que les dispositions contestées ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu’elles doivent être déclarées conformes à la Constitution,
6Décide :
7Article 1er : Le huitième alinéa de l’article 521-1 du code pénal est conforme à la Constitution.
8Article 2 : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Note : Le juge constitutionnel français, prisonnier volontaire de la procédure, Considérations sur les enjeux de la décision n° 2015-477, QPC du 31 juillet 2015, M. Jismy R. [Incrimination de la création de nouveaux gallodromes]
9Faut-il, pour illustrer la décision du Conseil constitutionnel, rendue le 31 juillet 2015 [1], relative à l’interdiction de la construction de nouveaux gallodromes, lieux des combats de coqs, recourir à la proverbiale expression asiatique : « Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire » ? Faut-il y voir un signe de sagesse et de prudence, un manque d’empathie envers les combats de coqs ou une surcharge de travail constitutionnel ? Face à un été lourd, en termes de contrôle de constitutionnalité des lois a priori [2], la question des combats de coqs paraissait peut-être au juge bien secondaire. Selon nous, la basse intensité de la protection constitutionnelle que le juge offre au justiciable est le résultat des règles de procédure qu’il se fixe volontairement.
10La juridiction constitutionnelle a privilégié un statut quo normatif. La souffrance animale est admise par la loi, dans le cadre strict d’exceptions territoriales, justifiées par des « traditions », et pour deux espèces animales seulement (taureaux et coqs). Elle prend la forme d’une dés-incrimination du délit de mauvais traitements aux animaux dans la loi de 1964. L’article 521-1, 1er alinéa, du Code pénal prévoit l’incrimination délictuelle de tout acte humain entraînant une souffrance animale (sévices graves, sévices de nature sexuelle ou acte de cruauté), à l’égard de tout animal, dès lors qu’il est sous l’emprise de l’homme (domestiqué, apprivoisé, en captivité). Il importe peu que l’acte soit public ou ne le soit pas. La peine correspondante est de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. Par exception donc, selon l’article 521-1, 7e alinéa, le délit est déqualifié en cas de tradition locale ininterrompue. Celle-ci doit être « établie », en ce qui concerne les combats de coqs, alors qu’il suffit qu’elle soit « invoquée » pour « les courses de taureaux ». Heureux byzantinisme de la langue du droit, qui permet toutes les interprétations et leur contraire [3]. Deux juristes, trois opinions, a-t-on coutume de dire. L’article 521-1, 8e alinéa, est un retour à la répression délictuelle : « Est punie des peines prévues au présent article toute création d’un nouveau gallodrome ». Ainsi tout combat de coqs se déroulant dans un gallodrome, ou hors de celui-ci, construit après l’entrée en vigueur de la loi de 1964, sur un territoire reconnu comme étant le siège d’une tradition locale ininterrompue, est illégal et est censé entraîner des poursuites pénales. C’était le cas de l’espèce, distinct du gallodrome substitution provisoire [4].
11En France, la loi Grammont du 2 juillet 1850 introduisit le principe de la répression pénale des mauvais traitements envers les animaux (amende de 5 à 15 francs et 5 jours de prison), et la circonscrivit aux animaux domestiques. La notion de domesticité devint centrale. Il s’agit alors de déterminer si les bœufs étaient ou non des animaux domestiques, permettant à la Cour de cassation de donner une base légale à l’interdiction des corridas (16 février 1895), qui demeurèrent tolérées sous la pression populaire [5]. En excluant l’animal sauvage de son champ d’application, cette loi de protection prenait comme point de vue - malgré son caractère innovant - l’acceptation humaine de l’animal [6]. S’il en était ainsi, c’est qu’il y avait un intérêt humain à protéger l’animal domestique. Cette « conception humanitaire de l’animal » [7] était d’autant plus avérée que seul le mauvais traitement public, non en privé, était passible de la peine légale. Le prisme anthropocentrique subsiste aujourd’hui : une récente proposition de l’Assemblée Nationale n’envisage-t-elle pas de donner un statut à l’animal de compagnie au motif qu’il est considéré par 90 % des Français comme partie intégrante de la famille [8] ?
12Prima facie, d’après la décision relative aux combats de coqs, rendue sous la forme d’une question prioritaire de constitutionnalité, et comme la grande et la petite presse l’a abondamment relevé [9], la construction de nouveaux lieux de combats de coqs est interdite. Il ne s’agit là que d’une validation de la loi de 1964, qui avait légalisé les combats de coqs et qui, comme à titre de remords et non de regrets, avait édicté une condition restrictive générale : l’interdiction de construction de tout nouveau gallodrome.
13Le Conseil constitutionnel aurait pu rendre une décision embarrassante s’il avait suivi la demande des requérants, pénalement poursuivis pour avoir monté un gallodrome « marron » sur le territoire de Sainte-Marie, une commune de l’île de la Réunion, où cette pratique de jeu et de pari a cours. Il aurait pu décider de l’inconstitutionnalité de l’exception et, s’en tenant là, laisser prospérer les gallodromes et, a fortiori, les combats de coqs. C’était du reste l’objet de la demande de QPC : celle d’une discrimination présumée entre le traitement juridique accordé à la tauromachie, qui ne connaît pas de semblable interdiction de construction de nouveaux lieux de mise à mort des taureaux, et celui reconnu aux combats de coqs. Un bien étrange moyen que de vouloir comparer deux modes de souffrance animale, en amplifiant l’une des deux au motif que l’autre serait d’une ampleur moindre, pour y voir une discrimination de nature à soustraire la répression pénale. Et qui pose une question autrement plus redoutable que la lubie d’un avocat faisant miroiter à ses clients une improbable relaxe pour création illicite de gallodromes : comment éviter que le langage du droit ne devienne facticité et le prétoire lieu de théâtralité… Ultime moment de pudeur ? L’une des parties, dont on présume qu’il s’agit de la partie requérante, a demandé le secret de l’audience constitutionnelle. Que dire de surcroît de la Cour de cassation, qui a vu dans le moyen « une question présentant un caractère sérieux », justifiant le renvoi au juge constitutionnel [10] ? L’argument tenant à la rupture d’égalité ne serait-il pas plutôt entre les régions qui l’admettent et celles qui récusent les combats de coqs ?
14À toute chose malheur est-il bon ? En validant l’exception des nouveaux gallodromes, le Conseil a empêché d’augmenter les lieux de souffrance des coqs. Mais leur souffrance, dans les gallodromes constitués, demeure bien réelle. Que l’on ait pu, sur un site ouvertement dédié à la protection juridique animale, voir dans cette position « une décision réjouissante » et sans aucune forme d’explication, ne convainc vraiment pas [11].
15La perspective adoptée ici n’est pas favorable à la souffrance animale et à sa soi-disant justification par une tradition locale ininterrompue [12]. Mais cette affaire n’est qu’un prétexte pour interroger la façon dont le juge constitutionnel appréhende son office prétorien en tant que juge de la QPC. Cette affaire illustre bien les limites procédurales qui emprisonnent le juge et l’empêchent de débattre au fond de nombre de questions constitutionnelles. Dans sa considération la plus élargie, cette affaire soulevait quatre questions : la rupture d’égalité liée à l’incrimination de construction de nouveaux gallodromes ; le contrôle du rapport supposé entre l’existence des combats de coqs et leur extinction progressive ; le statut constitutionnel de la tradition locale ininterrompue comme base légale aux combats de coqs ; la constitutionnalité du droit de tout animal à n’être l’objet d’aucune souffrance inutile. Seules les deux premières questions ont été traitées par le juge et encore bien incomplètement. Il n’empêche, l’alinéa 8 de l’article 521-1 du Code est maintenant hors de portée critique constitutionnelle. Les deux dernières questions – grâce au principe procédural de la règle de l’interdiction de statuer ultra petita – n’ont pas été examinées.
16Cette observation sur l’emprisonnement volontaire fait écho à la réflexion médiatique qui s’est engagée, cet été : « il est reproché au Conseil de statuer dans une sphère éthérée éloignée du citoyen » et, « outre son juridisme pointilleux », la prédiction est faite de son jeu perdant « dans la course à l’échalote du contrôle de conventionnalité [13].
17L’insuffisance du contrôle effectué et la validation de l’alinéa 8 de l’article 521-1 (I) et le contrôle non effectué de l’alinéa 7 de la même disposition (II) seront l’objet des développements.
I – L’incrimination d’interdiction de construction de tout nouveau gallodrome : sa validation malgré un contrôle insuffisant
18À cause de la décision Jismy R., il ne sera plus possible de contester l’alinéa 8 de l’article 521-1 du code, qui reçoit un brevet de constitutionnalité définitif. En effet, depuis sa décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009 (Loi organique relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution), le Conseil empêche qu’il soit saisi à nouveau d’une disposition législative validée, sauf deux cas de figure : « les changements intervenus, depuis la précédente décision, dans les normes de constitutionnalité applicables » (en clair une norme nouvelle interdisant constitutionnellement la souffrance inutile de l’animal) ou « les circonstances, de droit ou de fait, qui affectent la portée de la disposition législative critiquée ». Quels seraient les changements de circonstances de droit justifiant la possibilité d’une nouvelle QPC ? La disposition étant d’un énoncé relativement clair [14], il ne semble pas qu’il puisse y avoir un quelconque changement à cet égard. Quant au changement des circonstances de fait, il faudrait par exemple que se construisent des milliers de gallodromes et qu’il s’y pratique des milliers de combats de coqs, qu’il serait impossible de poursuivre. Et encore…
19Il doit être précisé que l’effet maximal de validation d’une disposition législative trouve une base organique dans les articles 23-2 et 23-4 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. Il n’y a pas d’autolimitation spontanée exclusive du juge.
L’absence de rupture d’égalité en raison d’une exception à la souffrance des coqs comparée à la souffrance taurine : une question artificielle
20Le piège de la rupture d’égalité de traitement juridique réservé aux taureaux et aux coqs a été évité par le Conseil constitutionnel. Le moyen avancé consistait à faire juger que le 8e alinéa de l’article 521-1 du Code pénal serait contraire au principe d’égalité contenu à l’article 6 de la DDHC, qui dispose : « La loi… doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Cette formulation, parfaitement adaptée à l’espèce, est accompagnée d’une formulation contentieuse du principe d’égalité [15] qui, en outre, se présente comme un modus operandi du contrôle des atteintes à celui-ci. Il s’agit de déterminer avec le plus de rigueur possible les cas de figure où, bien qu’il n’y ait pas une stricte égalité juridique, il n’y a pas de rupture d’égalité. Selon la méthode désormais éprouvée et classique, retenue pour l’interprétation de l’article 6 DDHC, ce contrôle retient deux hypothèses. Soit, par évidence, deux situations mises en analogie, dont on soutient qu’elles devraient être traitées de la même façon, sont jugées comme étant différentes et le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que la loi adopte à leur égard des règles différentes. Une faculté de différenciation est ouverte, ce n’est pas une obligation. Soit, contrairement à l’évidence, la loi déroge au principe d’égalité pour des raisons d’intérêt général. Mais, dernier élément du contrôle et commun aux deux hypothèses, la différence de traitement doit être en « rapport direct » avec l’objet de la loi qui établit celle-ci. Un rapport de logique doit être démontré entre les moyens que se donne la loi (la différence de traitement) et l’objectif de la loi.
21Le juge a considéré que les combats de coqs formaient une situation différente des courses de taureaux, en raison de deux considérations : l’exception de construction de nouveaux gallodromes sans équivalent pour les courses de taureaux et l’intention du législateur visant à : « accompagner et favoriser l’extinction de ces pratiques ». Il était donc loisible au législateur de traiter différemment deux situations différentes puisque – l’on y reviendra – le traitement spécifique aux combats de coqs fut jugé comme étant en rapport avec l’objet de la loi. La référence aux travaux parlementaires, qui appuie cette différenciation de traitement selon le Conseil, est intéressante car leur lecture montre plus une proximité qu’une distinction entre les deux traditions. Historiquement, en effet, le législateur n’avait admis que le seul cas des courses de taureaux comme exception au principe de répression des mauvais traitements aux animaux domestiques (loi de 1951 et loi de 1963). C’est le lobby parlementaire gallinacé qui avait, un an après la loi de 1963, par une proposition de loi, demandé à ouvrir un peu plus l’exception de responsabilité pénale : « De l’exposé des motifs de cette proposition, il ressort que les habitants des départements du Nord sont nombreux à considérer les combats de coqs comme un spectacle régional traditionnel auxquels ils sont, à ce titre, aussi attachés que le sont les méridionaux aux courses de taureaux. En refusant aux habitants du Nord ce qu’elle accorde à ceux du sud de la France, la loi crée une inégalité d’autant plus choquante que celle-ci affecte deux catégories comparables de citoyens. C’est à cette inégalité que se propose de mettre fin la proposition de loi qui vous est aujourd’hui soumise » [16].
22Ainsi la loi gallinacée fut-elle fondée sur de mauvaises raisons, une argumentation égalitariste peu crédible [17], avec en creux une opposition démagogique entre le Sud et le nord de la France, la comparaison par le bas, si l’on peut dire : s’il n’y avait pas eu cette exception taurine, le lobby coqs n’aurait-il pas vu une partie conséquente de son argumentation s’effondrer ? Plus significative encore, la limite, portant interdiction de construction de nouveaux gallodromes, n’était pas prévue par la proposition de loi. Et la logique de la position parlementaire était assez fondée : « La commission propose également de supprimer l’article 2. Puisque référence est faite à une tradition locale ininterrompue, on ne voit pas comment de nouveaux gallodromes pourraient être créés ». Mais le Gouvernement insista pour introduire l’exception de l’article 2 (gallodromes).
23Ressort-il, comme l’affirme le juge et sans ambiguïté, des travaux parlementaires une différence de situation entre les deux exceptions de souffrance animalière ? Assurément non, car la thèse de la proximité autant que celle de l’identité se dégagent des travaux [18]. En plus, l’historique législatif montre logiquement que les combats de coqs avaient été interdits par les lois précédentes (loi Grammont 1850, loi 1951 et loi 1963). Non seulement l’exception des combats de coqs avait été débattue mais elle avait été repoussée explicitement : « je remarquerai qu’une différence fondamentale existe entre les courses de taureaux et les combats de coqs. En effet, la course de taureaux appartient indubitablement et depuis plusieurs siècles à un folklore dont les limites peuvent être très nettement définies. Il s’agit avant toutes choses d’un spectacle, que personnellement je n’approuve pas — peut-être dois-je voir là un rapport avec mon signe zodiacal, puisque je suis né sous le signe du taureau (Sourires) — mais j’admets à contrecœur qu’il existe. Au contraire, l’origine des combats de coqs remonte à un passé beaucoup plus récent. Il s’agit non seulement d’un spectacle également détestable, mais d’un motif de paris. Des sommes considérables sont quelquefois engagées par des gens pourtant de condition très modeste, paris portant sur le combat, dans une ambiance d’autant plus déplaisante que toute l’excitation du public est entretenue par la perspective du gain sur la mort » (intervention du député Lucien Neuwirth [19]). Recourir à l’intention du législateur, comme le fait le Conseil, dans ces conditions est peu convaincant dès lors qu’ils assurent, démocratiquement, l’ensemble des opinions et que ses travaux ne sont pas unanimes. C’est moins l’intention que le sens final qui est en cause.
24Peut-on dire que le questionnement égalitaire de l’incrimination est épuisé, comme l’implique la validation de l’alinéa 8 ? Cette incrimination, validée par son absurde rapport aux courses de taureaux, est loin d’avoir épuisé l’ensemble des déclinaisons du principe d’égalité, le principe d’égalité étant pour certains « l’élément central et tentaculaire du bloc de constitutionnalité » [20] ? Tout d’abord, il y a deux sens dans la détermination de la rupture d’égalité : des gallodromes vers les arènes (le cas d’espèce) ou inversement, des arènes vers les gallodromes. Ensuite, l’on peut voir une rupture d’égalité en raison de la non-incrimination des gallodromes anciens comparée à l’incrimination des constructions des gallodromes nouveaux ; une rupture d’égalité entre les territoires où cette incrimination n’a pas cours (mais l’incrimination des combats de coqs tombe sous le coup de l’alinéa 1 de l’article 521-1 du Code pénal), car il n’y a pas de tradition locale ininterrompue de combats de coqs, et les territoires où cette incrimination a cours (en vertu de l’alinéa 8)….
25Dans l’espèce des combats de coqs, l’invocation de l’égalité était artificielle et y répondre quand même jette un doute sur le bien-fondé de la validation. La question centrale n’est-elle de savoir si le principe et son exception ont un ancrage constitutionnel ? Centrer le débat sur l’existence d’une disparité de traditions locales ininterrompues, non sur le droit de l’animal à ne pas souffrir d’activités humaines de divertissement de nature financière, est vraiment problématique. Le spectre égalitaire est pluriel et composé de multiples facettes. Prétendre le traiter – et définitivement - avec une seule facette n’est pas satisfaisant. Mais surtout, il ne conduit à traiter que très partiellement de l’ancrage constitutionnel du droit en cause. L’argumentation logique est implacable : c’est une chose que de déterminer si x est comparable à y ; c’en est une autre que de savoir si est x et y sont valides.
Une discussion à ouvrir : la QPC et le contrôle de l’efficacité de la loi
26L’étendue du contrôle qu’opère le Conseil dans le cadre de la QPC mérite discussion. Il est réputé être de type abstrait car « il ne prend pas en compte les faits à l’origine du litige » [21]. Le Conseil, lui-même, par l’intermédiaire des commentaires qu’il propose de ses décisions (un procédé de SAV étonnant) a précisé l’étendue du contrôle qu’il s’autorisait à exercer dans son office de juge de la QPC, limitée car « son pouvoir n’est pas de la même nature que celui du Parlement ». Le commentaire de la QPC Mohamed T., si argumenté soit-il [22], n’est pas des plus convaincant. On comprend que cette question soit celle du législateur. Mais cela fera peser sur lui une obligation de vérification de l’efficacité des lois, le pouvoir réglementaire étant lui aussi tenu à cet impératif. Mais on ne voit en effet pas que cette question soit exclusivement celle du législateur : pourquoi le juge constitutionnel saisi dans le cadre d’un contrôle a posteriori des lois se refuserait-il cet exercice ? L’argument de la stricte analogie de l’étendue du contrôle entre les deux voies de droit (DC et QPC) est loin d’être suffisant. Selon les termes de Valérie Goesel-Le Bihan, c’est d’un contrôle de l’adéquation dont il s’agit [23].
27Il peut être soutenu que la méthodologie mise en place pour le contrôle du principe d’égalité devrait être différente selon que le Conseil se prononce en forme DC ou en forme QPC. Toute loi qui s’éloigne du principe d’égalité doit établir une différence de traitement en « rapport direct » avec l’objet de la loi qui établit celle-ci. C’est une chose que d’apprécier celle-ci lorsqu’elle vient fraîchement d’être votée par le législateur. C’en est une autre que de vérifier si effectivement, plusieurs années ou décennies après, la différence de traitement répond ou non aux objectifs de la loi [24]. Le cas d’espèce est ici révélateur de ce que le Conseil, en opérant un contrôle très limité sur la concordance aux objectifs de la loi, reste en-deçà de ce qu’ « offre » par comparaison le contrôle de conventionnalité.
28Allons plus avant. Lorsque l’exception gallinacée fut admise en 1964, c’était à la demande du Gouvernement qui insista pour faire valoir que l’interdiction de tout nouveau lieu de combats de coqs signifiait la consécration d’une « exception momentanée » : les combats de coqs allaient probablement s’éteindre d’eux-mêmes [25]. On sait maintenant que ce n’est pas vrai. Les combats de coqs demeurent et leur extinction progressive est restée un vœu pieux. En d’autres termes, contrairement à ce qu’énonce le Conseil au regard du principe d’égalité, il n’y a pas de rapport direct entre la différence de traitement législatif, fondée sur « deux pratiques distinctes par leur nature », et l’objectif de la loi.
II – La tradition locale ininterrompue des combats de coqs face a leur droit à ne pas souffrir : le contrôle évité et la persistance d’un enjeu de constitutionnalité
29Aurait-il été possible au Conseil d’aller plus avant ? Les règles procédurales que se fixe le juge ne le permettent actuellement pas. Elles tiennent au respect du principe de l’interdiction de statuer ultra petita. Cette interdiction, qu’une partie de la doctrine retient [26] - non sans contradiction avec l’absence de contrôle concret du juge de la QPC - s’entend logiquement dans un contrôle ouvert à des requérants individuels. Mais le Conseil, et c’est là qu’il y a matière à discussion, pratique cette interdiction souplement puisqu’il recourt abondamment aux moyens soulevés d’office, qui ne se ne confondent pas avec les moyens d’ordre public devant le juge administratif.
30Devant le Conseil, l’ultra petita comprend trois éléments : la demande qui cristallise le cadre du litige (ici centrée sur l’alinéa 8 de l’article 521-1 du Code pénal), les conclusions (la demande en inconstitutionnalité) et les moyens (ici le principe d’égalité au regard de la différence de traitement accordée aux combats de coqs et aux courses de taureaux). Accéder à la conclusion aurait conduit prima facie à unifier – sinon rapprocher - les deux régimes de tradition locale ininterrompue.
31Mais cette censure aurait pu aussi, possiblement, conduire à questionner la constitutionnalité de la souffrance animale. Il ne nous semble pas qu’il eût été impossible d’étirer le principe de l’ultra petita sans l’enfreindre démesurément. L’objet de la QPC portait bien sur le 8e alinéa (exception de construction). Mais par voie de conséquence, le 7e alinéa (exception au délit d’interdiction d’acte de sévices et/ou de cruauté animale) était bien concerné en tant qu’effet de la demande de QPC. Ces deux alinéas devraient, en tant qu’éléments inséparables, être examinés ensemble. Dans ces conditions, étendre le débat sur le 7e alinéa aurait été plus logique que sa réduction, en raison de la cristallisation de l’objet du litige, à l’interdiction de construction de nouveaux gallodromes. Cela aurait été en contradiction avec une acception stricte du principe procédural de l’ultra petita. C’est l’optique que le Conseil a privilégiée, se conformant à sa position constante.
32Mais, cela n’aurait pas été en contradiction avec le principe procédural de l’ultra petita, entendu souplement. Du reste, le juge est allé plus loin que le seul moyen relevé, lié à la rupture de l’égalité de traitement, dès lors que – sur sa propre initiative - il a admis que : « les dispositions contestées ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ». C’est bien un principe ultra petita extensible que le Conseil pratique, au moins au regard des moyens de l’examen de l’affaire, en tant que moyen soulevé d’office. S’il le fait, c’est dans le cadre circonscrit du litige (incrimination de nouveaux gallodromes estimée inconstitutionnelle). Cette précision, anodine en apparence et peu claire, peut s’entendre par rapport au degré de clarté et de précision de l’alinéa 8 en termes de légalité pénale, comme cela avait été le cas dans la précédente QPC relative aux corridas [27].
La tradition locale ininterrompue : un statut constitutionnel incertain
33Il est admis tant par le législateur que par la Cour de cassation que la notion de tradition locale ininterrompue est une notion de fait, dont le juge est amené à préciser l’existence ou l’inexistence. Comme toute notion de fait, elle peut être l’objet d’interprétations variées [28]. Il ne nous semble pas utile de revenir sur ce que la doctrine a commenté [29].
34La nature constitutionnelle de la notion de tradition locale ininterrompue est incertaine, sauf en ce qui concerne son absence d’arbitraire au regard de l’article 8 DDCH [30]. Dans l’affaire Jismy R., le juge ne l’a pas abordée puisqu’il a fondé la différence de situation sur une différence de situation. Dans la QPC précédente sur la constitutionnalité des corridas, le juge avait l’occasion de préciser celle-ci. Alors que l’argument de la rupture d’égalité semblait nettement plus évident que dans l’affaire des combats de coqs (comment justifier qu’il soit possible de pratiquer la tauromachie ici et la réprimer ailleurs ?), le Conseil avait retenu la conformité de l’article 521-1, 7e alinéa, première phrase [31], du Code pénal à l’article 6 DDHC, sur la base de cette même méthodologie de contrôle. Mais l’application de cette méthode n’avait été claire que de loin [32] : une différence de situation justifiait-elle deux traitements légaux distincts selon les zones hors tradition locale et celles incluant celles-ci ? Ou une dérogation au principe d’égalité était-elle justifiée par un motif d’intérêt général ? Le Conseil s’était gardé de dire ouvertement que la tradition locale ininterrompue formait un motif d’intérêt général (ce qui n’aurait pas été sans discussion) ou que celle-ci formait une différence de situation (on ne voit pas objectivement comment ce serait le cas car la souffrance animale est la même quel que soit son lieu). Il s’était contenté de considérer que l’existence de la tradition locale ininterrompue, et « pour les seuls actes qui relèvent de cette tradition », était en rapport direct avec l’objet de la loi. Ainsi l’application de sa méthodologie de contrôle fut-elle tronquée car seul le rapport avec l’objectif de la loi fut l’objet d’un jugement [33]. Une partie de la doctrine y a vu, ni plus ni moins : « une déliquescence du principe constitutionnel d’égalité » [34]. Cette décision semble accréditer le soupçon d’une faveur tauromachique au Conseil [35]. En l’état, la notion de tradition locale ininterrompue est dotée d’un statut législatif, sa qualité de motif d’intérêt général n’est pas établie et le débat sur sa constitutionnalité a été volontairement évité.
35Or il y a matière à débat. Tout d’abord, la vocation universaliste de la Constitution française fait douter qu’elle puisse fournir une base favorable à celle-ci. Les exceptions culturelles tiennent à l’article 75 (droit du statut personnel) et au principe fondamental reconnu par les lois de la République en Alsace-Moselle [36], qui joue un rôle important en matière religieuse [37]. Mais elles ont vocation implicitement ou explicitement extinctive. La mention des langues régionales « patrimoine (linguistique) de la France » a une vocation ornementale, déclarative. Surtout, le rapport du principe et de l’exception doit retenir ici l’attention. La tradition locale ininterrompue (al. 7 de l’article 521-1) joue comme une exception au principe de la répression pénale posé par le premier alinéa de cette disposition. Mais, en réalité, il s’agit d’une dérogation car il n’y a aucun rapport de causalité entre le principe et l’exception. Il y a effectivement, d’un côté, une préoccupation animalière (le principe) qui trouve une limite dans une exception de nature culturelle : la nature limitée par la culture, pourrait-on dire. Au nom de la préservation des valeurs culturelles, faut-il tout tolérer ? Non. C’est un débat de valeurs, qui complète la discussion juridique formelle. Cette dérogation n’a pas de sens car elle dénature le système de la rationalité juridique qui établit des exceptions pour le rapport qu’elles entretiennent avec le principe qu’elles sont censées amoindrir. Un système juridique ne peut pas être construit sur l’irrationalité, comme c’est le cas ici.
36Enfin, au regard du principe d’égalité, une multitude de questions sont posées : égalité territoriale (pourquoi certains territoires bénéficieraient-ils de la qualité de tradition locale ininterrompue et pas d’autres ?) ; égalité animale (pourquoi certains animaux seraient-ils l’objet de souffrance de divertissement, au nom d’une tradition locale ininterrompue, et pas d’autres ?) ; égalité culturelle (pourquoi restreindre les traditions locales ininterrompues aux coqs et aux taureaux ?)…
La constitutionnalisation du droit à ne pas souffrir : l’animal et les droits de l’homme
37Grâce au paravent des règles procédurales, le Conseil n’a pas abordé le fond du débat : la constitutionnalisation du droit de l’animal à n’être l’objet d’aucun acte humain de sévices et/ou de cruauté. Le débat prend véritablement toute sa dimension en termes de hiérarchie normative, qui ne dépasse pas actuellement le niveau législatif. L’interdiction des actes de souffrance animale, sur la base des lois de 1850 et 1951, d’un côté, entendue comme un principe général ; une tradition locale ininterrompue, sortie de sa condition coutumière infra-législative, grâce aux lois pénales successives de 1951, 1963 et 1964, d’un autre côté, envisagée comme une exception au principe. C’est, pour certains, un conflit de valeurs où l’exception culturelle est prééminente [38]. Pour arbitrer l’équilibre entre le principe et l’exception, et éviter que l’exception ne porte une atteinte démesurée au principe, le Conseil a recouru, mais c’est bien insuffisant, au principe de l’égalité juridique.
38Si ce n’est pas au Conseil d’écrire la Constitution, cela lui arrive en cas de nécessité. La QPC n’est pas un office constitutionnel subalterne et il lui arrive de créer des normes constitutionnelles. Construire un droit constitutionnel de l’animal à ne pas souffrir, sauf en cas d’extrême nécessité, sur la base de la loi Grammont prise comme le fondement d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFLR), aurait été possible puisqu’elle a été adoptée durant la deuxième République. C’est une loi de la IVe République, celle du 24 avril 1951, « inique » pour certains blogs engagés [39], qui a donné en France une valeur législative à la notion de tradition locale ininterrompue. La tolérance sociale à l’égard l’interdiction légale de pratiquer des mises à mort a-t-elle pesé comme élément contredisant la naissance d’un PFLR animalier ?
39Il y a bien un débat en France sur la souffrance animale, et notamment celle des coqs. Il est politique et citoyen. Des pas sont faits pour réprimer toute souffrance animale mais ils restent en l’état de proposition parlementaire [40]. Des progrès législatifs sont faits sur le statut de l’animal et de sa nature. En 1976, la loi n° 76-629 du 10 juill. 1976 sur la protection de la nature a reconnu à l’animal sa qualité d’être sensible. En 2015, le Code civil a été réformé pour reconnaître à l’animal la qualité d’« être vivant doué de sensibilité » (loi n° 2015-177 du 16 février 2015). La notion même de sensibilité est très vaste : elle inclut autant la souffrance, envisagée par rapport à la mort, que la douleur de l’animal [41] et le bien-être de celui-ci. Pour Jean-Pierre Marguénaud, cette qualification essentielle permet le dépérissement de la théorie de l’animal-chose [42].
40Les raisons d’un droit constitutionnel de l’animal à ne pas souffrir restent à construire. Mais il ne faut pas chercher très loin. Comme l’avait déjà écrit Suzanne Antoine : « L’animal domestique a le droit de ne pas souffrir inutilement et de ne pas être mis à mort sans nécessité » [43] car, comme le souligne l’éthicien Peter Singer la souffrance est le point de départ de toute position éthique et toute prise de conscience [44]. Jeremy Bentham l’avait explicité : « Le jour viendra peut-être où le reste de la création animale acquerra ces droits qui n’auraient jamais pu être refusés à ses membres autrement que par la main de la tyrannie. (…) Et quel autre critère devrait marquer la ligne infranchissable ? Est-ce la faculté de raisonner, ou peut-être celle de discourir ? Mais un cheval ou un chien adultes sont des animaux incomparablement plus rationnels, et aussi plus causants, qu’un enfant d’un jour, ou d’une semaine, ou même d’un mois. Mais s’ils ne l’étaient pas, qu’est-ce que cela changerait ? La question n’est pas : Peuvent-ils raisonner ? ni : Peuvent-ils parler ? mais : Peuvent-ils souffrir ? » [45].
41Si la doctrine voit dans la Charte de l’environnement un potentiel constitutionnel faisant de l’animal un objet du droit constitutionnel [46], la concrétisation constitutionnelle reste au pas de la porte. L’illustration du droit constitutionnel brésilien qui, avec l’interprétation de l’article généraliste 225 sur l’environnement, a permis une protection de la souffrance animale (taureaux et coqs) [47], mais qui rend compte de la nécessité de considérer la protection animale dans le cadre plus large du droit de l’environnement, de façon à voir en eux une composante d’un environnement écologique, équilibré et durable. L’enjeu normatif est de taille : éviter le spécisme (discrimination homme – animal), éviter l’humanisation de l’animal (assimilation homme – animal). La question du droit de l’animal à ne pas souffrir n’est qu’un aspect de cette constitutionnalisation. Il n’y a pas en l’état actuel de droit constitutionnel animal en France, qu’il prenne sa source dans le droit des droits de l’homme (droit à ne pas souffrir, droit à la liberté et droit à la vie) ou dans le droit de l’environnement (équité au sein d’une même espèce / équité générationnelle / équité entre les espèces) [48].
Dispositions législatives concernées
42Loi du 2 juillet 1850 relative aux mauvais traitements exercés envers les animaux domestiques (loi Grammont), instituant le délit de mauvais traitements, en public et abusif, aux animaux
43Loi n° 51-461 du 24 avril 1951 portant modification de la loi du 2 juillet 1850 relative aux mauvais traitements envers les animaux, portant dés-incrimination du délit de mauvais traitements en cas de tradition ininterrompue invoquée
44Loi n° 63-1143 du 19 novembre 1963 relative à la protection des animaux portant réforme du cadre répressif des mauvais traitements : acte public ou non public de cruauté envers l’animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité. L’exception des courses de taureaux est maintenue en cas de tradition locale ininterrompue invoquée
45Loi n° 64-690 du 8 juillet 1964 modifiant la loi n° 63-1143 du 19 novembre 1963 relative à la protection des animaux portant extension de la dés-incrimination en cas de combats de coqs et la création de nouveau gallodrome est interdite
Date de mise en ligne : 31/12/2015
Notes
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[1]
Décision n° 2015-477, QPC du 31 juillet 2015, M. Jismy R. [Incrimination de la création de nouveaux gallodromes].
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[2]
Pour ne citer que la décision la plus médiatique, objet de saisines multiples (Président de la République, Président du Sénat et députés) : Décision n° 2015-713 DC, 23 juillet 2015, Loi relative au renseignement.
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[3]
Dans la précédente QPC, qui a validé la conformité à la Constitution de l’alinéa 7, de l’article 521-1 du Code pénal, en ce qui concerne la composante des courses de taureaux, le Conseil n’est pas considéré comme lié par le verbe « invoquer » et a utilisé celui d’ « établir » : Décision n° 2012-271 QPC du 21 septembre 2012 - Association Comité radicalement anti-corrida Europe et autre [Immunité pénale en matière de courses de taureaux]. Il est possible de soutenir que l’établissement d’une tradition relève de la preuve de celle-ci, alors que l’invocation se contente d’opposer cette tradition. Sur l’imprécise notion d’ « invocation », en creux comparée à celle de « établissement », telle qu’interprétée par le juge : Pierre Soubelet, « Corridas : confusion sur la « tradition locale ininterrompue », Recueil Dalloz, 2002, p. 2267.
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[4]
À propos d’un combat de coqs, organisé sur la commune de Gondecourt (à 20 km au sud de Lille : lieu de tradition) mais dans la cour d’école, sous un préau, en remplacement du gallodrome fermé pour effondrement de sa toiture : http://www.lavoixdunord.fr/region/tensions-autour-des-combats-de-coqs-a-gondecourt-les-ia25b50445n2689152 (consulté le 31 août 2015).
-
[5]
H. Delzangles, « Les animaux objets de ″traditions locales ininterrompues″, l’exemple de la corrida », Revue semestrielle de droit animalier, 2/2012, p. 457.
-
[6]
Thierry Auffret Van des Kemp, « Le droit insensible à la sensibilité des animaux sauvages en liberté », Droit animal, Éthique et sciences, juillet 2011, n° 70, p. 5 : « une situation absurde, un non-sens scientifique et un contresens moral ».
-
[7]
Suzanne Antoine, « Le droit de l’animal : évolution et perspectives », Recueil Dalloz Sirey, 1996, p. 126 : sur la conception « humanitaire » de la protection animale dans la loi de 1850 et la conception « animalière » de la loi de 1951.
-
[8]
Assemblée Nationale, Proposition de résolution relative au statut juridique de l’animal de compagnie, n° 1509, 5 novembre 2013.
-
[9]
Le Monde, « Combats de coqs : l’interdiction de construire de nouveaux gallodromes confirmée », 31 juillet 2015 ; Journal de l’île de La Réunion, « Combats de coqs : l’interdiction de nouveaux gallodromes jugée conforme à la Constitution ».
-
[10]
Cour de cassation, Jismy R., 2 juin 2015, arrêt n° 2631.
-
[11]
Opinion de Jean-Luc Neumann, consultant en droit de l’animal : http://www.animaletdroit.com/2015_07_01_archive.html#.VeB8WLztmko (consulté le 29 août 2015).
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[12]
Ce point de vue ne fait pas l’unanimité dans la doctrine universitaire, qui s’était exprimée sur les corridas : Bertrand de Lamy, « Indulto pour la corrida », Revue de sciences criminelles, 2013, p. 427. Pour Agnès Roblot-Troizier, « Chronique de jurisprudence, Droit administratif et droit constitutionnel », RFDA, 2013, p. 141 : la corrida est une « polémique », qu’il ne convient pas d’apprécier.
-
[13]
Franck Johannès, « Le Conseil constitutionnel, gardien de l’État plus que des libertés », Analyse, Le Monde, 21 août 2015.
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[14]
L’énoncé est faussement clair : ce n’est pas la construction d’un gallodrome en soi qui est passible d’une incrimination, mais les combats de coqs s’y déroulant.
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[15]
Voir Décision n° 2009-578 DC du 18 mars 2009, Loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.
-
[16]
JOAN, Débats, 18 juin 1964, p. 2040.
-
[17]
En toute logique, si l’on peut comparer 2 et 4, l’on ne peut pas comparer x et y. Comment, en transposant cette argumentation, établir avec certitude que x est égal à 2 et y à 4 ou que les courses de taureaux sont l’égal des combats de coqs ? Cela n’a aucun sens logique et chercher à s’y adonner n’a guère de sens, autre que celui de répondre à une question.
-
[18]
Dans le même sens : Xavier Perrot, « L’athlète des gallodromes Le coq de combat animal domestique et de compétition », Revue semestrielle de droit animalier, 2/2012, p. 319 et s., sp. p. 328.
-
[19]
JOAN, Débats, 10 octobre 1963, p. 5127.
-
[20]
Jérôme Roux, « Au regard de quelles normes soulever la question prioritaire de constitutionnalité », in La question prioritaire de constitutionnalité, sous la dir. Dominique Rousseau, Gazette du Palais,-Lextenso éditions, 2010, p. 52.
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[21]
Carolina Cerda-Guzman, Droit constitutionnel et institutions de la Ve République 2014-2015, Galino-Lextenso 2015, @1810, p. 558.
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[22]
Décision n° 2011-123 QPC du 29 avril 2011, M. Mohamed T. [Conditions d’octroi de l’allocation adulte handicapé] : « Dans le contrôle a posteriori, le Conseil a tout le loisir de contempler, au vu de ses effets et des conditions dans lesquelles le législateur l’a supprimée, l’erreur d’appréciation commise alors. Toutefois, si le Conseil avait, comme le requérant l’invitait à le faire, tiré la conclusion que la différence de traitement alors instituée n’est pas en rapport avec l’objet de la loi, il aurait introduit une dissociation entre le contrôle abstrait a priori et le contrôle abstrait a posteriori. Ce n’est pas la solution retenue : l’éventuelle erreur du législateur ne peut pas constituer une cause d’inconstitutionnalité au seul motif qu’elle est susceptible d’être constatée a posteriori. Si, dans le cadre du contrôle a priori, le Conseil ne censure pas des dispositions qui lui paraissent inopportunes ou contreproductives, ce n’est pas parce qu’il craint de se tromper et qu’il hésite à contredire un législateur qui pourrait avoir raison. La retenue du Conseil constitutionnel tient à la nature de ses pouvoirs qui « ne sont pas de même nature que ceux du Parlement » et ne lui permettent pas de substituer son appréciation à celle du législateur. En ce sens, le fait que l’éventuelle erreur est prévisible (dans le contrôle a priori) ou qu’elle a pu être constatée (dans le contrôle a posteriori) n’est pas de nature à modifier le contrôle qu’exerce le Conseil constitutionnel sur l’adéquation de la mesure contestée au but poursuivi ».
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[23]
« À quoi sert le contrôle de l’adéquation dans la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel ? », à paraître in RFDC 2015 : « La réduction du contrôle de l’adéquation à celle de l’existence d’un lien rationnel entre la mesure et l’objectif poursuivi : le Conseil n’est jamais allé jusqu’à s’interroger sur l’efficacité de la mesure législative qui lui est soumise, que le contrôle exercé ait été a priori ou même - et la solution, plus récemment apportée, était moins évidente - a posteriori ».
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[24]
Partageant également cette critique, Valérie Goesel-Le Bihan estime que deux situations se présentent : « On comprend évidemment que le Conseil ne souhaite pas interférer dans l’appréciation de l’efficacité lorsqu’elle résulte - comme en matière économique - d’une lecture elle-même politique des faits. En revanche, lorsque les faits parlent d’eux-mêmes (ou presque), une telle abstention est plus contestable, qui laisse au législateur le pouvoir de maintenir les apparences et de nier la résistance du réel », « A quoi sert le contrôle de l’adéquation dans la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel ? », à paraître in RFDC 2015. Voir également du même auteur, « Les griefs susceptibles d’être utilement invoqués dans le cadre d’une QPC », La Semaine Juridique Édition Générale n° 27, 6 juillet 2015, doct. 807, sur l’assimilation des deux types de contrôle (abstrait et concret) et le manque de « finesse » qui en résulte.
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[25]
M. Pierre Dumas, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement : « On sait que le Gouvernement a fait voter la loi du 19 novembre 1963 pour réprimer par des peines correctionnelles les actes de cruauté envers les animaux. Il ne peut donc que s’ en remettre à la sagesse de l’Assemblée pour apprécier si, en vertu d’une tradition ininterrompue et dont on vient de nous citer les lettres de noblesse, les combats de coqs doivent être, comme les courses de taureaux, considérés comme faisant exception aux principes qui font l’objet de la loi de -1963. Je suis convaincu d’ailleurs que l’Assemblée nationale voudra considérer que la dérogation proposée actuellement ne peut être qu’une exception, je dirai même une exception momentanée (nous soulignons). Pour sa part, le Gouvernement attachait une grande importance à l’article 2 de la proposition de M. Arthur Moulin qui spécifiait que toute création d’un nouveau gallodrome est interdite sous peine des sanctions prévues à l’article 453, alinéa 1, du code pénal. Je ne pense pas qu’il soit dans l’esprit de quiconque de vouloir protéger, développer et encourager les combats de coqs. Il s’agit, là où ils sont une tradition et où sans doute aussi des intérêts matériels non négligeables se trouvent engagés, d’en tenir compte pour aussi longtemps qu’ils existeront. Mais sous prétexte de ménager une assez longue période de transition au cours de laquelle cette pratique, qu’on peut juger cruelle, finirait par disparaître peu à peu, il ne faudrait pas qu’il soit possible de créer de nouveaux gallodromes et de voir les combats de coqs renaître sans cesse ».
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[26]
Carolina Cerda-Guzman, Droit constitutionnel et institutions de la Ve République 2014-2015, Galino-Lextenso 2015, @1809, p. 558. Voir contra, mais sur le terrain du moyen soulevé d’office ouvert dans le cadre de la QPC : Bernard Hémery, « La procédure devant le Conseil constitutionnel », in La question prioritaire de constitutionnalité, sous la dir. Dominique Rousseau, Gazette du Palais,-Lextenso éditions, 2010, p. 119.
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[27]
Voir, pour une analyse critique de la clarté et de la précision de la notion de tradition locale ininterrompue de nature exclure la responsabilité pénale, Agnès Roblot-Troizier, « Chronique de jurisprudence, Droit administratif et droit constitutionnel », RFDA, 2013, p. 141.
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[28]
Pierre Soubelet, « Corridas : confusion sur la « tradition locale ininterrompue », Recueil Dalloz, 2002, p. 2267.
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[29]
Entre autres, Pascale Deumier, « La tradition tauromachique, source sentimentale du droit (ou l’importance d’être constant) », RTD civ., 2007, p. 57 et Pierre Tifine, « À propos des rapports entre l’usage, la coutume et la loi », RFDA 2002, p. 496.
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[30]
Décision n° 2012-271 QPC du 21 septembre 2012 - Association Comité radicalement anti-corrida Europe et autre [Immunité pénale en matière de courses de taureaux].
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[31]
La seconde phrase de l’al. 7, explicitement non visée par la décision de QPC corrida, pourrait être contestée comme une question nouvelle.
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[32]
Il est intéressant de noter que la doctrine ne s’accorde pas sur la façon dont le Conseil a appliqué le moyen tiré de la rupture d’égalité. Pour Bertrand de Lamy, « Indulto pour la corrida », Revue de sciences criminelles, 2013, p. 427, l : « Le raisonnement du Conseil est parfaitement méthodique » alors que pour Agnès Roblot-Troizier, « Chronique de jurisprudence, Droit administratif et droit constitutionnel », RFDA, 2013, p. 141 : « Peu explicite quant au motif de la différence de traitement, la motivation de la décision pèche ensuite par son caractère circulaire ».
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[33]
Contra Charlotte Dubois, « La corrida dans l’arène de Montpensier : les Sages jouent aux Toréadors ! », Petites affiches, 27 décembre 2012 n° 259, p. 10, qui voit dans la convocation d’une tradition locale ininterrompue un motif d’intérêt général.
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[34]
Agnès Roblot-Troizier, « Chronique de jurisprudence, Droit administratif et droit constitutionnel », RFDA, 2013, p. 141.
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[35]
Charlotte Dubois, « La corrida dans l’arène de Montpensier : les Sages jouent aux Toréadors ! », Petites affiches, 27 décembre 2012 n° 259.
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[36]
CC, n° 2011-157 QPC, Somodia, 5 août 2011.
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[37]
Francis Messner, « Le droit alsacien-mosellan des cultes : d’une exception historique à la confirmation des particularismes », in Florence Faberon, Liberté religieuse et cohésion sociale : la diversité française, PUAM, 2015, p. 511 et s.
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[38]
Charlotte Dubois, « La corrida dans l’arène de Montpensier : les Sages jouent aux Toréadors ! », Petites affiches, 27 décembre 2012 n° 259, p. 10 : « Une autorisation explicite serait ici prévue par le septième alinéa de l’article 521-1 du Code pénal, réglant de ce fait un conflit de valeurs entre le respect des traditions et la protection animale : une hiérarchie des valeurs permet la préservation de la première au détriment de la seconde ».
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[39]
http://www.anticorrida.com/corrida/une-activite-illegale-mais-depenalisee/#fn-3912-1, consulté le 29 août 2015.
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[40]
Voir la proposition de loi visant à punir, sans exception, les sévices graves envers les animaux domestiques, apprivoisés, ou tenus en captivité, Sénat, session ordinaire de 2010-2011, n° 493, le 5 mai 2011.
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[41]
David Cantor, « Des biens de propriété », in Le projet grands singes : l’égalité au-delà de l’humanité, 1993, p. 332-333 : sur la douleur d’un gorille, emprisonné dans un zoo, contraint de quitter sa compagne.
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[42]
Jean-Pierre Marguénaud, « L’animal dans le nouveau code pénal », Dalloz 1995, p. 187.
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[43]
Suzanne Antoine, « Le droit de l’animal : évolution et perspectives », Recueil Dalloz Sirey, 1996, p. 126.
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[44]
Peter Singer, Les animaux aussi ont des droits, Le Seuil, 2013.
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[45]
Introduction aux principes de morale et de législation, 1789.
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[46]
Gassiot Olivier, « L’animal, nouvel objet du droit constitutionnel », Revue française de droit constitutionnel 4/2005 (n° 64), p. 703-732.
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[47]
Paulo Affonso Leme Machado, « L’environnement et la Constitution brésilienne », Cahiers du Conseil constitutionnel n° 15. Voir aussi, plus largement : Olivier Le Bot, « La protection de l’animal en droit constitutionnel. Étude de droit comparé », Lex Electronica, vol. 12 n° 2, in http://www.lex-electronica.org/docs/articles_27.pdf (consulté le 1er sept. 2015).
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[48]
Pour un travail de recherche étudiant sur le questionnement des sources de la protection animale : Emeline Montel, La protection de l’animal : Droit de l’environnement versus Droits de l’homme, IEP Aix-en-Provence, 2015, 132 p.