Notes
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[1]
JO n° 56 du 13 juillet 1991, (…), JO n° 12 du 6 février 1997.
-
[2]
L’article 1 de la loi sur la protection de l’environnement régit les relations publiques en ce qui concerne : la protection de l’environnement et de la santé des populations ; la préservation de la biodiversité ; la protection et l’utilisation des éléments de l’environnement ; le contrôle et la gestion des activités polluantes ; le monitoring environnemental ; la prévention et la limitation des pollutions ; les stratégies, programmes et plans de protection de l’environnement, la collecte et l’accès à l’information environnementale ; l’organisation économique des activités de protection de l’environnement ; les droits et les devoirs de l’État, des collectivités territoriales, des personnes physiques et morales en matière de protection de l’environnement.
-
[3]
JO n° 67 du 27 juillet 1999, modifié par JO n° 12 du 13 février 2015.
-
[4]
JO n° 65 du 11 août 2006.
-
[5]
Terme générique utilisé à maintes reprises par le législateur bulgare qui, à la lecture croisée des articles 11 et 46 de la LE, englobe l’ensemble des ressources aquatiques, ainsi que les sources naturelles d’eau, lacs, marais et terres autour des aqueducs, ponts, des canalisations et des réseaux d’assainissement. Mais le terme n’étant pas défini, c’est une notion non-limitative.
-
[6]
JO n° 45 du 28 mai 1996, (…), JO n° 98 du 28 novembre 2014.
-
[7]
Par la directive 2010/75/UE, un certain nombre de modifications substantielles ont été apportées aux directives suivantes : directive 78/176/CEE du Conseil du 20 février 1978 relative aux déchets provenant de l’industrie du dioxyde de titane, directive 82/883/CEE du Conseil du 3 décembre 1982 relative aux modalités de surveillance et de contrôle des milieux concernés par les rejets provenant de l’industrie du dioxyde de titane, directive 92/112/CEE du Conseil du 15 décembre 1992 fixant les modalités d’harmonisation des programmes de réduction, en vue de sa suppression, de la pollution provoquée par les déchets de l’industrie du dioxyde de titane, directive 1999/13/CE du Conseil du 11 mars 1999 relative à la réduction des émissions de composés organiques volatils dues à l’utilisation de solvants organiques dans certaines activités et installations, directive 2000/76/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 décembre 2000 sur l’incinération des déchets, directive 2001/80/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2001 relative à la limitation des émissions de certains polluants dans l’atmosphère en provenance des grandes installations de combustion et directive 2008/1/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2008 relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution.
-
[8]
Article 2, §17 de la directive 1999/13/CE, « tout composé organique ayant une pression de vapeur de 0,01 kPa ou plus à une température de 293,15 K ou ayant une volatilité correspondante dans les conditions d’utilisation particulières. Aux fins de la présente directive, la fraction de créosote qui dépasse cette valeur de pression de vapeur à la température de 293,15 K est considérée comme un COV ».
-
[9]
Article 2, §4 de la loi sur la propreté de l’air atmosphérique, modifiée.
-
[10]
JO n° 89 du 6 novembre 2007, (…), JO n° 98 du 28 novembre 2014.
-
[11]
Article 1, §1 de la loi sur les sols.
-
[12]
Idem, article 5, §2.
-
[13]
JO n° 125 du 29 décembre 1997, (…), JO n° 98 du 28 novembre 2014.
-
[14]
JO n° 133 du 11 novembre 1998 ; (…) ; version consolidée du JO n° 98 du 28 novembre 2014.
-
[15]
Article 5 de la LTP.
-
[16]
JO n° 77 du 9 août 2002, (…), JO n° 98 du 28 novembre 2014.
-
[17]
Texte amendé à plusieurs reprises en raison de la construction du système « Natura 2000 » ; dernière modification au JO n° 98 du 28 novembre 2014.
-
[18]
Directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages et Directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages.
-
[19]
Le territoire de la Bulgarie classé Natura 2000 est de 34,34 %, ce qui est le taux le plus élevé par rapport à la superficie respective des pays.
-
[20]
Aux termes de l’article 5 de la loi sur les territoires protégés du 11 novembre 1998, modifiée, les catégories de territoires protégées sont au nombre de six (voir supra).
-
[21]
Terme curieusement choisi par les interprètes du texte européen. Pourtant la différence sémantique entre « élimination » et « réparation » est considérable, à croire que le législateur limite la portée de la loi de transposition.
-
[22]
JO n° 43 du 29 avril 2008, (…), JO n° 53 du 13 juillet 2012.
-
[23]
Article 1, §1, de la loi du 29 avril 2008 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et l’élimination des dommages environnementaux (LRE).
-
[24]
Article 15 de la LRE
-
[25]
JO n° 27 du 29 mars 2005, (…), JO n° 68 du 2 août 2013.
-
[26]
Aux termes l’article 83 de la LOGM, l’autorité compétente est soit le Ministère de l’environnement et des eaux, soit le Ministère de l’agriculture et des denrées alimentaires.
-
[27]
JO n° 86 du 30 septembre 2003, (…), JO n° 53 du 13 juillet 2012.
-
[28]
Article 1, §3, de la LGD.
-
[29]
JO L 182, p. 1. ; Recours introduit le 27 mars 2014 – Commission européenne / République de Bulgarie, Affaire C-145/14.
-
[30]
Bruxelles, 3 janvier 2014, Environnement: la Commission poursuit la Bulgarie devant la Cour de justice pour ses décharges illégales, Communiqué de presse, MEMO 14/36.
1Le droit bulgare de l’environnement a fait l’objet d’innombrables modifications substantielles ces quinze dernières années et en particulier depuis l’entrée de la Bulgarie dans l’Union européenne (UE) le 1er janvier 2007.
2Avant de lancer le processus de mise en conformité des règles nationales aux dispositions européennes, le législateur bulgare avait pris, vers la fin des années 90, quelques initiatives notamment dans le domaine de la protection de l’environnement. Le droit bulgare de l’environnement a évolué vers un rapprochement marqué avec le droit européen par l’élaboration plus systématique de stratégies nationales relatives tant à la protection de la nature, qu’à sa gestion.
3Il est à noter que deux imperfections majeures nuisent à l’efficacité du droit bulgare de l’environnement. La première, de nature technique, réside dans l’absence de code de l’environnement et dans une juxtaposition désordonnée des textes. La deuxième, de nature conceptuelle, réside dans la structuration du droit en matière d’environnement, caractérisée par une opacité avérée. Dans ce contexte, cette première chronique sera consacrée aux principales sources du droit de l’environnement bulgare sans pour autant s’attarder sur les imperfections.
4D’emblée, il est important de souligner que la Constitution bulgare [1] consacre de façon formelle le droit pour les citoyens de bénéficier d’un environnement sain. En effet, l’article 55 de la Constitution prévoit que les citoyens doivent pouvoir vivre dans un environnement sain et bénéfique pour leur santé. La contrepartie est qu’ils sont tenus de protéger l’environnement.
5Par ailleurs, la Constitution bulgare se veut pro-environnementale car son article 15 dispose que « la République bulgare assure la protection et la restauration de l’environnement, le maintien de la richesse naturelle, et l’utilisation rationnelle des richesses du sous-sol et des ressources du pays ». Ainsi l’État bulgare est-il tenu d’une obligation positive multiforme.
6Plus concrètement la loi sur la protection de l’environnement (LPE), du 25 septembre 2002, constitue l’acte majeur en droit bulgare de l’environnement. Cette loi n’englobe pas moins de 172 articles répartis en onze titres, complétés par quelques dizaines de pages de dispositions diverses modifiant d’autres textes en droit bulgare de l’environnement. C’est pourquoi, les praticiens considèrent que c’est la loi phare du droit de l’environnement bulgare.
7L’une des particularités du texte réside dans son chapitre IV- les articles 60 et suivants- qui crée une autorité administrative chargée de la gestion des activités de protection de l’environnement. C’est une société de droit public, dénommée la Société de gestion des actions de protection de l’environnement (SGAPE). Le but de cette structure, comme son nom l’indique, est de réaliser des projets environnementaux, des initiatives en exécution des stratégies étatiques et municipales et des programmes en matière d’environnement. Par conséquent, la SGAPE, censée être la cheville ouvrière des politiques écologiques et environnementales, est de facto devenue une agence, une autorité de gestion de fonds.
8En outre, la LPE transpose de nombreux textes européens qui portent tant sur les aspects de droit public que sur les aspects de droit privé de l’environnement. Le champ d’application de la LPE est très large et englobe onze domaines d’intervention [2].
9Le contexte général étant posé, cette première chronique proposera de façon succincte une analyse portant sur le droit de la protection de la nature, d’une part, et sur le droit des risques industriels et environnementaux, d’autre part.
I – Droit de la protection de la nature
10Sans exhaustivité cette partie sera consacrée aux textes régissant les ressources naturelles, telles que l’eau, l’air et l’atmosphère, les sols et les forêts en Bulgarie, puis aux régimes de gestion du territoire et de la biodiversité. La majorité des dispositifs avait été élaborée vers la fin des années 90 mais a subi des évolutions continues dans un souci d’alignement sur les normes européennes.
A – Ressources naturelles
11Parmi les ressources naturelles bulgares l’une des plus importantes est certainement l’eau dans la mesure où le territoire national est doté d’innombrables sources d’eaux douces et minérales.
12La loi sur les eaux (LE) [3] du 27 juillet 1999 est un texte composé de près de deux cents articles qui évolue continuellement depuis qu’il a été voté. Cette loi instaure les régimes de propriété et de gestion des eaux sur le territoire bulgare en considérant que l’eau est une ressource commune de la nation. En outre, l’article 3, a, énonce que les eaux douces constituent une ressource stratégique pour la République. C’est ainsi que l’objet global de la loi est de mettre en place une gestion intégrée de l’eau dans le but de préserver la santé humaine. Par ailleurs, l’article 116 de la LE, tel que modifié en 2006 [4], énonce que toutes les eaux et les « objets d’eau » [5] doivent être protégés contre l’épuisement, la pollution et la dégradation afin de garantir un environnement bénéfique pour la santé et les écosystèmes. D’un point de vue administratif, ce texte répartit les tâches d’entretien et de gestion dans le domaine de l’eau. En effet, plusieurs Ministères interviennent en fonction de la destination et de l’usage de l’eau. Les collectivités territoriales se trouvent chargées de la gestion des réseaux d’assainissement et un régime spécifique d’autorisation est créé pour les exploitants- personnes physiques ou morales- des ressources en eau.
13Une deuxième ressource, certes abstraite, est l’air. La problématique de la qualité de l’air atmosphérique est relativement ancienne pour le droit bulgare de l’environnement car elle fut consacrée par une loi, promulguée le 28 mai 1996, portant sur la propreté de l’air atmosphérique (LPA) [6]. Il est intéressant de relever que le législateur bulgare a œuvré en faveur de la qualité de l’air bien avant que le législateur européen ne commence à s’occuper de la question. Les raisons sont historiques et résident dans l’héritage problématique de l’industrie lourde du régime communiste. Ce texte a progressivement subi de nombreuses modifications substantielles, dont la dernière, datant du 21 décembre 2012, contenue dans la loi rectificative sur la qualité de l’air atmosphérique et qui transpose les dispositions de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles [7]. En outre, ce texte met en place un cadre juridique contraignant pour les substances dites COV [8].
14Il ressort d’emblée dans l’article premier de la loi LPA que l’impératif prioritaire est la préservation de la santé des hommes et des femmes et de leurs enfants mais pas uniquement. Le même article précise que la protection du bien-être des animaux et des végétaux, ainsi que de leurs habitats est une priorité de l’État. De surcroît, le texte pose un cadre réglementaire de contrôle des activités susceptibles de causer une pollution atmosphérique ou de nature à détériorer la qualité de l’air. Et comme si cela ne suffisait pas, le « fourre-tout » se termine par l’insertion de dispositions relatives aux exigences de qualité des combustibles liquides [9].
15Les sols de la Bulgarie constituent une troisième ressource naturelle importante. À cet égard, la loi sur les sols (LS) [10] du 6 novembre 2007, votée par la 40e Assemblée nationale de la Bulgarie, pose un cadre juridique contraignant pour la préservation de l’état écologique des sols.
16En effet, la loi régit « les relations publiques en matière de préservation des sols et leurs fonctionnalités, ainsi que leur utilisation durable et leur restauration pérenne » [11] comme une composante de la politique environnementale de la République bulgare. Les objectifs du texte, énumérés à l’article 2, sont au nombre de trois : prévention de la détérioration des sols et de leurs fonctionnalités, préservation durable des fonctionnalités des sols, restauration des fonctionnalités détériorées des sols. Il en ressort que l’aspect utilitariste de la notion de sols est importante, grâce à l’emploi multiple du terme « fonctionnalité ».
17C’est une loi dont la portée réside dans l’instauration d’un système de contrôle délégué et de suivi scientifique de l’état chimique et biologique des sols. Un inventaire des sols pollués et/ou détériorés est a priori créé [12]. Cependant, il est regrettable de constater que la question de la dépollution des anciennes friches industrielles n’est pas réellement traitée par ce texte.
18Une quatrième ressource très importante pour la Bulgarie est constituée par les forêts qui sont l’une des grandes richesses du pays. Leur protection est régie par la loi sur les forêts (LF) [13] dans sa version consolidée de 2014. L’objet de la loi est de mettre en place un cadre des actions publiques relatives à la protection, à la domanialité, et à l’utilisation des territoires forestiers de la République bulgare dans le but de garantir une gestion multifonctionnelle et durable des écosystèmes forestiers. Conformément à l’article 4 de la LF, trois catégories de zones forestières coexistent : zones d’exploitation forestières, forêts de protection de récréation, et zones spéciales protégées. Il s’agit d’établir une gestion spéciale et dédiée selon la catégorie et donc les fonctionnalités des forêts.
19Bien que cette problématique ne fasse pas l’objet de développements dans le cadre de cette première chronique, il est néanmoins utile de soulever la question des domaines skiables de la Bulgarie. Même si l’amendement de la loi sur les forêts, permettant de façon contrôlée la coupe ciblée de bois, n’a pas abouti lors des 41e et 42e Assemblées nationales, il faut s’attendre à ce que de nouvelles initiatives de réforme en la matière soient à l’ordre du jour de la nouvelle législature. Cette problématique est révélatrice de l’ambiguïté qui existe dans les pays européens en voie de développement, comme la Bulgarie, lorsqu’il s’agit de faire la balance des intérêts économiques et environnementaux.
B – Gestion de l’environnement
20La problématique de la gestion de l’environnement est complexe et réside essentiellement dans la manière dont les autorités publiques abordent la gestion du territoire national bulgare. La composition et le fonctionnement de la société de gestion des actions de protection de l’environnement (SGAPE) ne seront pas envisagés en raison du particularisme de cette structure de droit public. En revanche, l’attention sera portée sur les régimes généraux de gestion de l’environnement, tels que ceux de la classification du territoire national, la préservation de la biodiversité et l’évaluation environnementale des programmes, plans et projets d’investissement.
21La loi sur les territoires protégés (LTP) du 11 novembre 1998 [14] est l’une des premières lois en droit de l’environnement bulgare. Il résulte de ses dispositions [15] qu’il existe en Bulgarie, six catégories de territoires protégés (réserve, parc national, monument naturel, réserve entretenue, parc naturel, zone protégée). Les forêts, terres et bassins d’eaux font aussi partie des territoires protégés mais une lecture croisée avec la LF est toutefois nécessaire. Les territoires urbanisés, les villes et tout autre terrain frappé par un acte administratif de régulation (plans locaux d’urbanisme, schéma d’aménagement) sont exclus des zones protégées.
22Il est utile de rappeler que la LTP est une loi qui s’inscrit dans un processus législatif d’envergure. En effet, la loi sur la protection des terres agricoles de 1996, la loi sur la propreté de l’air atmosphérique de 1996, la loi sur forêts de 1997 et la loi sur les eaux de 1999 complètent le panel environnemental du droit bulgare. À cela s’ajoute le régime de la loi sur la biodiversité qui transpose en droit national le dispositif « Natura 2000 » de l’UE.
23Au niveau de la diversité biologique et de la protection des espèces et des habitats, c’est la loi sur la biodiversité (LB) du 9 août 2002, modifiée [16], qui fixe le cadre de la gestion des sites. C’est un texte relativement ancien dans le droit bulgare de l’environnement mais qui est en constante évolution [17]. C’est aussi un texte d’intégration de directives car il transpose les dispositions relatives à Natura 2000 [18], en complément avec le titre V de loi sur la protection de l’environnement de la même année. Au fond, par son article premier, c’est une loi qui encadre les relations entre l’État, les collectivités territoriales, les personnes physiques et morales, notamment en ce qui concerne la protection et l’utilisation durable de la diversité biologique de la République bulgare. Ce faisant, la portée de la LB est très large. C’est un texte qui classe la biodiversité comme un patrimoine commun de la nation qu’il faut impérativement protéger. À ce propos, nombreuses sont les associations de protection de l’environnement qui, avec les instruments du droit européen, commencent à structurer un bloc écologique dans le pays [19]. Sur les aspects techniques, l’article 3 de la LB met en place un système de réseau écologique national. Ce dernier est composé de zones protégées Natura 2000, territoires protégés [20] et quelques zones bien spécifiques aux intérêts particuliers.
24Une autre problématique importante réside dans la gestion de l’environnement, singulièrement dans celle dite « gestion en amont ». Il s’agit essentiellement des régimes de l’évaluation environnementale et des études d’impact. À titre de précision, en droit bulgare, les deux notions relèvent de deux régimes différents. Les études d’impact concernent essentiellement les projets d’investissement privé, alors que l’évaluation environnementale est plutôt réservée aux initiatives publiques.
25En premier lieu, l’évaluation environnementale est réglementée par les articles 84 à 91 de la LPE. Ces dispositions mettent en place un système d’analyse obligatoire, intégrée aux plans et programmes susceptibles de produire un impact significatif sur l’environnement. De plus, un régime d’évaluation environnementale est imposé pour un certain nombre d’activités présumées risquées pour l’environnement. En deuxième lieu, les études d’impact sont régies par les articles 92 à 102 de la LPE. Les deux systèmes d’analyse et d’autorisation se chevauchent dans les cas où les projets reposent sur un partenariat public-privé, ce qui est souvent le cas des projets d’envergure, comme les constructions d’infrastructures. Ainsi, le législateur a tacitement créé un régime de double autorisation qui, naturellement, complique la réalisation des projets et rallonge sensiblement les délais administratifs. En effet, les opérateurs privés ont du mal à anticiper la réaction des autorités publiques car les critères d’appréciation ne sont pas exactement les mêmes dans les deux procédures.
II – Droit des risques industriels et environnementaux
26Force est de constater que la problématique des risques industriels et environnementaux est sous-estimée par le législateur bulgare. En effet, aucune législation complète et consolidée sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) n’existe en Bulgarie. La loi sur la protection de l’environnement se contente de confier un certain nombre de missions et de compétences à des autorités administratives, telles le Ministère de l’environnement, les directions régionales, les comités de bassins, les directoires des territoires classés, et la SGAPE. Néanmoins, nous nous intéresserons à la question de la responsabilité environnementale qui est intimement liée aux problématiques des risques industriels et environnementaux, puis à quelques régimes spécifiques qui traitent de façon sous-jacente des risques patents pour l’environnement bulgare.
A – Responsabilité environnementale
27La loi sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et l’élimination [21] des dommages environnementaux du 29 avril 2008 [22], comme son intitulé l’indique (partiellement), opère une transposition de la directive 2004/35/CE, du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux. Cette dernière constitue la première législation communautaire comptant parmi ses objectifs principaux l’application du principe « pollueur-payeur ». Elle établit un cadre commun de responsabilité en vue de prévenir et de réparer les dommages causés aux espèces animales et végétales, aux habitats naturels et aux ressources en eau, ainsi que les dommages affectant les sols.
28Le régime de responsabilité s’applique, d’une part, à certaines activités professionnelles explicitement énumérées et, d’autre part, aux autres activités professionnelles lorsque l’exploitant a commis une faute ou une négligence. Par ailleurs, il est imposé aux autorités publiques de veiller à ce que les exploitants responsables prennent eux-mêmes ou financent les mesures nécessaires de prévention ou de réparation. Qu’en est-il alors de la transposition bulgare ? La loi de 2008 consacre pour la première fois le principe « pollueur-payeur » en droit national [23].
29De manière générale le texte portant sur la responsabilité environnementale fixe, aux termes de son article 2, la nature des dommages environnementaux, les prérogatives de la puissance publique en matière de dommages environnementaux, les procédures d’application des mesures de prévention et de réparation, la responsabilité financière des opérateurs, ainsi que les exigences en matière de coopération dans l’échange d’informations sur les dommages environnementaux. En outre, le texte de loi précise, dans son article 3, en conformité avec l’article 2 de la directive 2004/34/CE, les dommages environnementaux entrant dans le champ d’application de la responsabilité environnementale.
30La loi de 2008 aurait pu avoir le mérite de créer un registre officiel des opérateurs susceptibles de nuire à l’environnement [24]. Mais ce système, semblable à celui de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) en France, n’est pas efficace dans la mesure où ce registre n’existe pas encore en accès libre pour les citoyens.
B – Dispositifs sectoriels sous tension
31Plusieurs législations bulgares suscitent des controverses, des critiques mais aussi des revendications sociales dans l’application et le respect des règles. Dans le cadre de cette chronique l’attention sera portée sur deux dispositifs : celui concernant les organismes génétiquement modifiés et celui portant sur les déchets.
32En premier lieu, la loi sur les organismes génétiquement modifiés (LOGM) du 27 mars 2005 [25] est un texte que l’État bulgare est l’un des rares à maintenir. La Bulgarie est en état de blocage de l’agriculture d’OGM, même si de très puissantes campagnes de lobbying institutionnel sont en cours et qu’un projet d’amendement en faveur de l’industrie des « OGM » - les grands de l’agro-alimentaire américain- est dans les coulisses de l’Assemblée nationale.
33Pour le moment, c’est une législation spéciale et transversale dans la mesure où elle pose un cadre juridique très contraignant quant aux relations public-privé, ainsi que sur toute la chaîne d’utilisation des organismes génétiquement modifiés, à commencer par les essais en laboratoire, puis l’import-export, et enfin la commercialisation. En somme, toute importation ou exportation est contrôlée par les services de l’État [26], mais également toute mise sur le marché d’un produit OGM ou issu d’un produit OGM ou ayant des éléments de composition OGM, qui doit être autorisée au préalable par le Ministre de l’agriculture et des denrées alimentaires (article 59 de la LOGM). De ce fait, l’on considère que la Bulgarie n’autorise pas le développement du marché des OGM en application du principe de précaution. C’est par ailleurs l’une des seules lois qui l’évoque de façon formelle (article 1, §2).
34En deuxième lieu, la problématique des déchets en Bulgarie est constante. C’est un secteur qui est voué à croître en raison du retard considérable dans la mise en place des nouveaux modèles économiques. Naturellement cela perturbe la réalisation de projets viables sur le long terme, comme ceux issus des filières dites « REP » (responsabilité élargie du producteur), et donc contrarie la bonne absorption des fonds européens. En substance, le législateur a créé par la loi sur la gestion des déchets (LGD) [27] un cadre général de la gestion et du contrôle des déchets. Le paragraphe 2 de l’article 1 la LGD traite de la question des exigences pesant sur les produits dangereux. En revanche, la disposition consacrée à la gestion des déchets est purement déclarative « la gestion des déchets a pour objectif de prévenir, diminuer et limiter leur impact négatif sur la santé humaine et l’environnement. » - et aucune précision sur l’approche et la manière de faire n’existe [28].
35La loi sur la gestion des déchets est l’une des nouvelles législations directement inspirée par le droit européen. Cette dernière transpose les dispositions de la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives. En dépit des efforts de transposition des anciennes directives portant sur les déchets, force est de constater que l’État bulgare ne dispose pas encore d’un système effectif de gestion des déchets.
36Par ailleurs, un nouveau texte devrait voir le jour. La Bulgarie a été condamnée par la Cour de Justice de l’Union européenne pour manquement aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 14 de la directive 1999/31/CE, du 26 avril 1999, concernant la mise en décharge des déchets, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour garantir que les décharges existant dans le pays ne puissent pas continuer à fonctionner à compter du 16 juillet 2009 à moins de répondre aux exigences de la directive [29]. En réponse à l’avis motivé (les derniers datant du 16 juillet 2013 et du 10 février 2014), les autorités bulgares ont reconnu que, à cette date, en Bulgarie, plus de 100 décharges non conformes étaient encore en activité.
37En conséquence, d’importantes évolutions sont attendues en matière de législation relative aux déchets, d’autant plus que « la Commission européenne s’inquiète de ce que la Bulgarie ne protège pas ses habitants contre les effets d’une mauvaise gestion des déchets. Malgré les précédents avertissements qui lui ont été adressés par la Commission, la Bulgarie compte toujours de nombreuses décharges exploitées en violation de la législation de l’Union sur les déchets et sur la mise en décharge, qui représentent un risque sérieux pour la santé humaine et l’environnement. » [30].
Conclusion sur le passé industriel et les enjeux
38De graves problèmes écologiques existent dans les grandes villes et les centres industriels et miniers. Quels sont les facteurs qui ont provoqué la détérioration de l’environnement en Bulgarie ? Il s’agit tout d’abord de l’ancien modèle de développement basé sur l’industrie lourde, grosse consommatrice d’énergie et de matières premières, modèle d’autant plus contestable qu’il s’agissait d’un petit pays sans tradition industrielle lourde, pauvre en énergie et matières premières, et impliquant l’utilisation de gisements de minéraux de faible teneur. Le niveau technologique des entreprises industrielles bulgares – la plupart utilisant des équipements soviétiques – est une autre cause d’aggravation de la pollution. La plupart des usines ont été construites sans dispositif d’épuration. Aujourd’hui environ 70 % de la pollution de l’air en Bulgarie provient du pays même, les 30 % restants venant des pays situés à l’ouest (Italie, Serbie et Monténégro), mais aussi de Roumanie et d’Ukraine. Une grande partie des cours d’eau, dans leur cours moyen et inférieur, sont également atteints, et la Bulgarie exporte ses eaux polluées vers la Grèce. Un tiers de la population (incluant toutes les agglomérations urbaines) subit des conditions de pollution de l’air constamment au-dessus des seuils autorisés. Il est cependant difficile de comparer une telle situation avec celle des pays occidentaux car, pour la plupart des polluants, les normes bulgares sont plus sévères.
39Cependant, le territoire national bulgare est doté d’une richesse unique : sa nature. La biodiversité est l’une des plus riches en Europe, les ressources en eaux douces et minérales sont de très bonne qualité, les forêts et les montagnes bulgares sont d’une grande beauté. C’est ainsi que le grand défi que la République bulgare devra relever dans les dix prochaines années dans le domaine du droit de l’environnement sera la mise en place d’un système juridique consolidé et contraignant qui préserve les richesses naturelles, réoriente l’économie mais qui ne freine pas complètement la réalisation de projets, plans et programmes. Peut-être est-il temps de lancer le processus de simplification du droit par la codification environnementale ?
Mots-clés éditeurs : gestion de l’environnement, droit des risques industriels et environnementaux, droit de la protection de la nature
Date de mise en ligne : 31/12/2015.
Notes
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[1]
JO n° 56 du 13 juillet 1991, (…), JO n° 12 du 6 février 1997.
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[2]
L’article 1 de la loi sur la protection de l’environnement régit les relations publiques en ce qui concerne : la protection de l’environnement et de la santé des populations ; la préservation de la biodiversité ; la protection et l’utilisation des éléments de l’environnement ; le contrôle et la gestion des activités polluantes ; le monitoring environnemental ; la prévention et la limitation des pollutions ; les stratégies, programmes et plans de protection de l’environnement, la collecte et l’accès à l’information environnementale ; l’organisation économique des activités de protection de l’environnement ; les droits et les devoirs de l’État, des collectivités territoriales, des personnes physiques et morales en matière de protection de l’environnement.
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[3]
JO n° 67 du 27 juillet 1999, modifié par JO n° 12 du 13 février 2015.
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[4]
JO n° 65 du 11 août 2006.
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[5]
Terme générique utilisé à maintes reprises par le législateur bulgare qui, à la lecture croisée des articles 11 et 46 de la LE, englobe l’ensemble des ressources aquatiques, ainsi que les sources naturelles d’eau, lacs, marais et terres autour des aqueducs, ponts, des canalisations et des réseaux d’assainissement. Mais le terme n’étant pas défini, c’est une notion non-limitative.
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[6]
JO n° 45 du 28 mai 1996, (…), JO n° 98 du 28 novembre 2014.
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[7]
Par la directive 2010/75/UE, un certain nombre de modifications substantielles ont été apportées aux directives suivantes : directive 78/176/CEE du Conseil du 20 février 1978 relative aux déchets provenant de l’industrie du dioxyde de titane, directive 82/883/CEE du Conseil du 3 décembre 1982 relative aux modalités de surveillance et de contrôle des milieux concernés par les rejets provenant de l’industrie du dioxyde de titane, directive 92/112/CEE du Conseil du 15 décembre 1992 fixant les modalités d’harmonisation des programmes de réduction, en vue de sa suppression, de la pollution provoquée par les déchets de l’industrie du dioxyde de titane, directive 1999/13/CE du Conseil du 11 mars 1999 relative à la réduction des émissions de composés organiques volatils dues à l’utilisation de solvants organiques dans certaines activités et installations, directive 2000/76/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 décembre 2000 sur l’incinération des déchets, directive 2001/80/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2001 relative à la limitation des émissions de certains polluants dans l’atmosphère en provenance des grandes installations de combustion et directive 2008/1/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2008 relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution.
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[8]
Article 2, §17 de la directive 1999/13/CE, « tout composé organique ayant une pression de vapeur de 0,01 kPa ou plus à une température de 293,15 K ou ayant une volatilité correspondante dans les conditions d’utilisation particulières. Aux fins de la présente directive, la fraction de créosote qui dépasse cette valeur de pression de vapeur à la température de 293,15 K est considérée comme un COV ».
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[9]
Article 2, §4 de la loi sur la propreté de l’air atmosphérique, modifiée.
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[10]
JO n° 89 du 6 novembre 2007, (…), JO n° 98 du 28 novembre 2014.
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[11]
Article 1, §1 de la loi sur les sols.
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[12]
Idem, article 5, §2.
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[13]
JO n° 125 du 29 décembre 1997, (…), JO n° 98 du 28 novembre 2014.
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[14]
JO n° 133 du 11 novembre 1998 ; (…) ; version consolidée du JO n° 98 du 28 novembre 2014.
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[15]
Article 5 de la LTP.
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[16]
JO n° 77 du 9 août 2002, (…), JO n° 98 du 28 novembre 2014.
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[17]
Texte amendé à plusieurs reprises en raison de la construction du système « Natura 2000 » ; dernière modification au JO n° 98 du 28 novembre 2014.
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[18]
Directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages et Directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages.
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[19]
Le territoire de la Bulgarie classé Natura 2000 est de 34,34 %, ce qui est le taux le plus élevé par rapport à la superficie respective des pays.
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[20]
Aux termes de l’article 5 de la loi sur les territoires protégés du 11 novembre 1998, modifiée, les catégories de territoires protégées sont au nombre de six (voir supra).
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[21]
Terme curieusement choisi par les interprètes du texte européen. Pourtant la différence sémantique entre « élimination » et « réparation » est considérable, à croire que le législateur limite la portée de la loi de transposition.
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[22]
JO n° 43 du 29 avril 2008, (…), JO n° 53 du 13 juillet 2012.
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[23]
Article 1, §1, de la loi du 29 avril 2008 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et l’élimination des dommages environnementaux (LRE).
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[24]
Article 15 de la LRE
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[25]
JO n° 27 du 29 mars 2005, (…), JO n° 68 du 2 août 2013.
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[26]
Aux termes l’article 83 de la LOGM, l’autorité compétente est soit le Ministère de l’environnement et des eaux, soit le Ministère de l’agriculture et des denrées alimentaires.
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[27]
JO n° 86 du 30 septembre 2003, (…), JO n° 53 du 13 juillet 2012.
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[28]
Article 1, §3, de la LGD.
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[29]
JO L 182, p. 1. ; Recours introduit le 27 mars 2014 – Commission européenne / République de Bulgarie, Affaire C-145/14.
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[30]
Bruxelles, 3 janvier 2014, Environnement: la Commission poursuit la Bulgarie devant la Cour de justice pour ses décharges illégales, Communiqué de presse, MEMO 14/36.