A. BERGE, M. COLLOT et J. MOTTET (dir.), Paysages européens et mondialisation, Champ Vallon, coll. Pays/Paysages, Seyssel, 2012, 440 pages
1La présente publication, issue d’un travail pluridisciplinaire, vise fondamentalement à s’interroger sur l’inscription et le devenir des paysages dans le contexte de la mondialisation. Qu’elles soient l’œuvre de géographes, de sociologues ou de spécialistes de littérature, les diverses contributions permettent d’appréhender l’ambivalence des rapports entre les paysages européens et la mondialisation. Menacés par cette dernière, les paysages sont aussi des atouts pour l’Europe face aux mutations actuelles, car ils constituent un élément central de son identité culturelle, et partant, un facteur d’unification des peuples qui la composent.
2L’intervention de la Convention européenne du paysage (Florence, 2000) renouvelle la réflexion des chercheurs de ces différentes disciplines, en particulier ceux qui adoptent une perspective historique (notamment Y. Luginbühl), du fait des multiples ruptures conceptuelles qu’elle opère : passage d’une conception élitiste à une conception sociale du paysage, inscription dans le cadre des droits de l’homme à travers le droit à un paysage de qualité, promotion de la participation du public aux politiques paysagères (A. Bergé).
3M. Prieur, qui a rédigé la Convention de Florence, consacre précisément son article inaugural aux aspects juridiques de la « première convention internationale du XXIe siècle en matière d’environnement ». Il rappelle les principaux mécanismes du texte, en mettant en relief à la fois l’impact de la Convention sur les droits nationaux et sa fonction de dynamisation de la coopération internationale. Mais bien au-delà, M. Prieur se place dans une démarche résolument prospective : il avance plusieurs propositions pour améliorer la mise en œuvre de la Convention, laquelle n’est pas exempte de lacunes. Il pointe spécialement la nécessité de créer une Conférence des parties et un Comité d’application de la Convention de Florence, deux institutions dont on sait bien qu’elles sont essentielles à la conjuration du syndrome des sleeping treaties, malheureusement répandu dans le domaine environnemental.
4Simon JOLIVET,
5ATER à l’université de Limoges,
6CRIDEAU-OMIJ EA 3177.
C.A. MOLINARO, Direito Ambiental Proibição de retrocesso, Libraria Do Advogadi editora, 2007
7Le principe de non-régression en droit de l’environnement trouve ses sources internationales dans la déclaration de Rio+20 et d’autres instruments de droit souple, tandis que des juridictions suprêmes nationales et la doctrine précisent sa portée. En ce sens, l’ouvrage de Carlos Alberto Molinaro détaille des fondements et précise sa méthodologie.
8Cette recherche conduit l’auteur à revenir sur les spécificités de l’environnement en tant qu’objet de droit, dans la mesure où sa préservation conditionne la vie. L’environnement est également présenté comme un « lieu de rencontre » aux fonctions sociales essentielles. Pourtant, il fait l’objet d’une dégradation généralisée et appelle des adaptations juridiques pour garantir un retour à l’équilibre. Cette préservation de la nature vise à sauvegarder la dignité de la personne humaine et concourt à la sécurité juridique en fixant un cap aux autorités normatives. L’auteur précise ensuite les mécanismes du principe en justifiant sa relativité dans une nécessaire conciliation avec d’autres intérêts généraux. Il insiste encore sur les limites de cette régression qui ne devrait pas dépasser un seuil plancher de protection. Il exprime enfin la nécessité d’appréhender les impacts normatifs dans l’espace et dans le temps.
9Ce livre présente des qualités en termes de clarté, de synthèse et de réflexion, et constitue un travail de première main pour appréhender ce nouveau principe du droit de l’environnement.
10Christophe KROLIK,
11Docteur en droit,
12CRIDEAU-OMIJ EA 3177,
13Lauréat du prix Alexandre KISS de l’UICN.
J. SANTILLI, Agrobiodiversity and the Law : Regulating genetic resources, food security and cultural diversity, Earthscan, Abingdon and New York, 2012, 348 pages
14J. Santilli nous fait entrer ici dans la complexité de la ou plutôt des multiples réglementations sectorielles, nationales comme internationales, qui influent positivement ou négativement sur l’utilisation et la conservation de l’agrobiodiversité, ou biodiversité agricole. L’auteur retrace d’abord l’histoire de ce jeune concept : injustement négligée en comparaison de la biodiversité sauvage, la biodiversité agricole gagne une attention croissante depuis quelques années. Elle est cependant écartelée entre le droit des semences, le droit de la propriété intellectuelle, le droit rural et enfin le droit de l’environnement. En analysant successivement ces différents corpus normatifs, J. Santilli dresse un constat peu reluisant : le droit des semences et le droit de la propriété intellectuelle, tels qu’ils sont conçus actuellement, ont un impact globalement défavorable sur la biodiversité agricole, que le droit de l’environnement semble avoir des difficultés à contrebalancer. L’auteur formule donc un ensemble de propositions, aussi riches que diverses, afin d’améliorer la situation. Pour en donner un aperçu, on peut citer par exemple la valorisation du rôle des aires protégées dans la conservation de la biodiversité agricole, notamment par la création d’une catégorie spécifique d’aires protégées.
15Simon JOLIVET,
16ATER à l’université de Limoges,
17CRIDEAU-OMIJ EA 3177.
C. VERDURE (coord.), La vie des entreprises au regard de la protection de l’environnement : entre contraintes et opportunités, Limal, Anthemis, 2012, 289 pages
18Les normes environnementales sont-elles des contraintes qui freinent les entreprises ou, au contraire, sont-elles des tremplins leur offrant de nouvelles opportunités ?
19Cette question d’actualité est d’autant plus importante que la protection de l’environnement constitue pour les entreprises une problématique incontournable. Toutefois, son appréhension suscite certaines hésitations.
20En effet, défendre cette cause constitue un investissement souvent contraignant pour les entreprises : la lourdeur administrative, la complexité des règles et les difficultés de mise en œuvre de plans d’action sont souvent perçues comme un frein au développement de la société.
21Toutefois, malgré ces contraintes, l’engagement peut se révéler payant en offrant aux entreprises de nouvelles opportunités commerciales : en se protégeant davantage vis-à-vis des concurrents, en investissant sur des marchés émergents ou encore en atteignant une position économique plus avantageuse.
22Une telle dualité des rapports entre la vie des entreprises et la protection de l’environnement a été examinée de manière approfondie au sein de l’ouvrage, et ce au regard de questions d’actualité et de grande importance pratique. Pensons notamment aux marchés publics, à la gestion des déchets, la directive I.E.D., le règlement REACH, les quotas de gaz à effet de serre, et la responsabilité sociale des entreprises en matière d’environnement.
23Au détour de différents exposés, les auteurs se sont évertués à présenter les avantages et les inconvénients pour les entreprises de la protection de l’environnement. Ils jettent ainsi certaines bases d’un nouveau droit de l’environnement, pouvant être appréhendé par les entreprises de manière optimale.
24Adélie POMADE,
25Christophe VERDURE.
Image(s) & environnement, sous la direction de Marie-Pierre BLIN-FRANCHOMME, LGDJ, Ed. Presse de l’Université de Toulouse 1 Capitole (IFR 1), mars 2012, 316 pages
26Cet ouvrage présente les actes du colloque organisé, les 21 et 22 janvier 2010, par l’EJERIDD (Equipe de recherche sur le droit du risque industriel). Reposant sur une approche pluridisciplinaire, il développe des problématiques récentes qui confèrent à l’image environnementale le statut d’enjeu de société. Les différentes « images » de l’environnement sont l’objet de communications, qui émanent d’universitaires et de professionnels. Elles sont organisées sous deux angles thématiques.
27Après une introduction du professeur Boris Bernabé sur « les miroirs de l’environnement », le premier thème traite de « L’image de (et dans) l’environnement », appréhendée comme construit juridique qui se réfère au droit de l’environnement, mais aussi au droit de l’homme.
28Le professeur Jean-Pierre Marguénaud s’intéresse au renouvellement de l’image de l’environnement dans le contexte des Droits de l’homme. Il note l’extension du droit à la liberté d’expression des dénonciateurs de faits portant préjudice à des consommateurs, défenseurs actifs de l’environnement. Il constate qu’une nouvelle image de l’environnement s’est imposée avec l’arrêt Tătar c/ Roumanie (27 janvier 2009) qui, en se référant à l’article 8 de la CEDH, fonde la reconnaissance d’un droit à la jouissance d’un environnement sain et protégé. Mathilde Boutonnet analyse le passage du risque certain au risque incertain en droit de l’environnement.
29Le professeur Michel Prieur étudie l’élaboration d’un droit (international) au paysage. L’auteur constate que de nombreuses conventions traitent depuis longtemps du paysage comme objet de protection et de sanctuarisation, dans un esprit de conservation des milieux naturels, de protection du patrimoine mondial naturel et culturel (Convention de l’UNESCO de 1972) ou des « paysages naturels de grande beauté ». Il constate que le paysage ne devient un objet juridique reconnu, partie intégrante de l’environnement, qu’avec la Convention européenne du paysage (Florence, 2000).
30A partir de l’étude de la réglementation et de la jurisprudence, le professeur François-Guy Trébulle met en évidence la prise en compte de l’impact du facteur esthétique lors des autorisations d’urbanisme. Celui-ci peut justifier le refus d’autoriser un projet ne s’intégrant pas dans l’environnement (par ex. : panneaux solaires, etc.). De plus, l’invocation de ce facteur se développe dans les contentieux du voisinage.
31Me David Deharbe s’intéresse aux contentieux relatifs à l’énergie éolienne. Il montre que le juge administratif considère que la reconnaissance de l’intérêt d’un site ne suffit pas et qu’il demande à être convaincu de l’impact probable des aérogénérateurs sur le patrimoine paysager. L’utilisation de représentations imagées (photomontage) des paysages est utilisée à cette fin.
32Le conseiller François Nesi examine le préjudice d’atteinte à l’image résultant de pollutions subies par des collectivités territoriales et des parcs naturels. L’étude de la jurisprudence met en évidence qu’une personne, pouvant faire la preuve d’un intérêt collectif à agir, peut obtenir réparation de son préjudice ainsi que du préjudice collectif et objectif relatif aux dommages affectant la nature elle-même (préjudice environnemental).
33Dans le contexte de controverses très médiatisées faisant suite à des pollutions majeures, Julien Weisbein examine l’utilisation de dispositifs de visualisation du pétrole destinés à rendre visible les dommages causés à l’environnement, mais aussi à atténuer les craintes.
34Le professeur Jacques Larrieu s’intéresse à la dénonciation des pollutions dans le cadre de stratégies d’activisme vert. Il étudie les possibilités d’atteinte à l’image reposant sur des parodies de marques et de logos.
35La seconde partie traite de « L’image pour l’environnement ». Elle est consacrée à l’entreprise écocitoyenne, qui suppose l’émergence d’une gouvernance écologique de l’entreprise (développement durable, responsabilité sociale de l’entreprise, comptabilité verte…) et de nouvelles pratiques commerciales (loyauté écologique, l’écomarketing…).
36L’étude des chartes et codes de conduite, amène Isabelle Desbarats à souligner qu’une démarche socialement responsable peut conduire l’entreprise à souscrire unilatéralement un certain nombre d’engagements, dont la légitimité et la crédibilité restent posées.
37Pour le professeur Jacques Igalens, le concept d’entreprise ouverte sur son territoire, au cœur de relations avec ses parties prenantes, émerge avec la loi NRE (2001) qui, en introduisant l’obligation de reporting environnemental et social, a considérablement élargi le champ et la cible de communication de l’entreprise.
38Marie-Pierre Blin-Franchomme analyse les dispositions du Code de la consommation issues de la loi Grenelle 2 (étiquetage des classes énergétiques, contrôle des démarches commerciales trompeuses, définition des allégations environnementales) comme un instrument d’intégration des problématiques du développement durable dans le droit des consommateurs.
39Face au développement du greenwashing - pratique qui consiste, pour une entreprise, à se donner une image « verte » injustifiée afin de tromper le consommateur -, le professeur Gérard Jazottes étudie le fonctionnement du Jury de déontologie publicitaire (JDP) et montre qu’il peut devenir un instrument efficace de lutte.
40L’ouvrage se termine par le point de vue d’un publicitaire engagé, Laurent Terrisse, vice-président du réseau de commerce équitable Max Havelaar (France), qui démonte les mécanismes mis en place par des publicitaires cyniques pour bloquer la protection des consommateurs contre le greenwashing.
41L’ouvrage « Image(s) & environnement » témoigne de l’interaction des concepts de protection de l’environnement et de développement durable avec des attentes nouvelles de la société civile. Il conduit les acteurs économiques à repenser l’image de marque de l’entreprise ainsi que les relations de l’entreprise avec ses parties prenantes (salariés, clients, fournisseurs, partenaires commerciaux…) et son environnement naturel.
42Aïssatou NDIAYE.
Date de mise en ligne : 14/08/2015