Notes
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[1]
J.-M. Bécet, in J.-M. Bécet et D. Le Morvan (dir), Le droit du littoral et de la mer côtière, Economica 1991, p. 134.
-
[2]
http://bastia.tribunal-administratif.fr/media/document/TA_BASTIA/intervention-plu-loi-littoral.pdf
-
[3]
CE, 5 novembre 2004, Association Bretagne Littoral Environnement « BLEU », req. n° 264819, Bulletin de jurisprudence droit de l’urbanisme (BJDU), 2005, p. 123.
-
[4]
CE, 26 juillet 1985, Union régionale pour la défense de l’environnement, de la nature, de la vie et de la qualité de vie en Franche-Comté (URDEN), req. n° 35024, Rec. p. 251.
-
[5]
La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement a étendu ce dispositif au contentieux des règlement locaux de publicité (art. L. 581-14-1 du Code de l’environnement).
-
[6]
CAA Paris, 27 février 2001, Association syndicale libre du lotissement Te Maru Ata, req. n° 97PA00895, BJDU 2001, p. 122.
-
[7]
CE, 28 mai 2001, SARL Minoterie Frances, req. n° 218374, Rec. p. 249.
-
[8]
CE, 27 septembre 2006, Commune du Lavandou, req. n° 275924, publié aux tables du Lebon, Droit de l’environnement n° 144, décembre 2006, p. 369, note L. Bordereaux, BJDU 1/2007, p. 46, concl. C. Devys.
-
[9]
CAA Nantes, 4 mai 2010, Commune de Belz, req. n° 09NT01343.
-
[10]
CAA Nantes, 4 mars 2011, M. Verneret, req. n° 09NT02285.
-
[11]
CE, 27 juillet 2009, Commune du Bono, req. n° 306946.
-
[12]
M. Piquard (dir.), « Perspectives pour l’aménagement du littoral français », La Documentation française 1974, 266 pages.
-
[13]
Instruction du 4 août 1976 concernant la protection et l’aménagement du littoral et des rivages des grands lacs, JO du 6 août 1976, p. 4758.
-
[14]
JO Sénat du 17 décembre 1985, p. 4013.
Agglomération ou un village situé sur une commune littorale voisine
Cour administrative d’appel de Douai, 13 octobre 2011, Commune du Touquet-Paris-Plage, n˚ 11DA00341
1Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 2 mars 2011, 19 mai 2011 et 27 juin 2011 au greffe de la cour administrative d’appel de Douai, présentés pour la commune du Touquet-Paris-Plage, représentée par son maire en exercice, par la SCP Gros, Hicter et Associés ; la commune du Touquet-Paris-Plage demande à la Cour :
21° D’annuler le jugement n° 0906543 du 29 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé, à la demande de l’association Groupement de défense de l’environnement dans l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer, l’arrêté de son maire, en date du 4 août 2009, accordant à M. A un permis de construire une maison d’habitation sur un terrain cadastré section BD n° 280 et n° 281 situé allée des Tulipes ;
32° De rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif ;
43° De mettre à la charge de l’association Groupement de défense de l’environnement dans l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer la somme de 2 000 € en application des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ;
5Vu les autres pièces du dossier ;
6Vu le Code de l’environnement ;
7Vu le Code de l’urbanisme ;
8Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature ;
9Vu le décret n° 77-760 du 7 juillet 1977 relatif aux associations exerçant leurs activités dans le domaine de la protection de la nature, de l’environnement et de l’amélioration du cadre de vie ;
10Vu le Code de justice administrative ;
11Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
12Après avoir entendu au cours de l’audience publique le rapport de M. Hubert Delesalle, premier conseiller, les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Hicter, avocat, pour la commune du Touquet-Paris Plage et Me Busson, avocat, pour l’association Groupement de défense de l’environnement dans l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer ;
13Considérant que la commune du Touquet-Paris-Plage relève appel du jugement du 29 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé, à la demande de l’association Groupement de défense de l’environnement dans l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer, l’arrêté de son maire, en date du 4 août 2009, accordant à M. A un permis de construire une maison d’habitation sur un terrain cadastré sections BD n° 280 et n° 281, situé allée des Tulipes, dans le cadre du lotissement des Tulipes et des Boutons d’Or ;
14Sur la fin de non-recevoir opposée en première instance :
15Considérant qu’aux termes de l’article II de ses statuts, « l’association Groupement pour la défense de l’environnement dans l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer a pour objet social : 1° La défense de la nature et de l’environnement ; dans cet objectif, il œuvre en faveur de la protection des milieux et des habitats naturels, des espèces animales et végétales, des équilibres fondamentaux écologiques, de l’eau, de l’air, des sols, des sites, des paysages et du cadre de vie ; il lutte (…) en faveur d’un aménagement du territoire et d’un urbanisme respectueux de l’environnement. (…) 3° La prospection, dans son aire géographique de compétence (…) des sites et des milieux naturels à protéger et à gérer (…) ; qu’en l’absence de limitation géographique résultant de ces dispositions, l’association doit être regardée comme ayant un objet national quelle que soit sa dénomination » ; que, néanmoins, en application du deuxième alinéa de l’article L. 142-1 du Code de l’environnement, l’association, qui est agréée au titre désormais de l’article L. 141-1 du Code de l’environnement, pour l’ensemble de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer, lequel inclut la commune du Touquet-Paris-Plage, justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation du permis de construire litigieux concernant un terrain situé dans les dunes forestières du Touquet, dès lors que cette décision présente un rapport direct avec son objet statutaire, lequel est suffisamment précis ; que, par suite, c’est à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir opposée par la commune du Touquet-Paris-Plage ;
16Sur la légalité de l’arrêté du 4 août 2009 :
17Considérant qu’aux termes de l’article L. 600-4-1 du Code de l’urbanisme issu de l’article 37 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 : « Lorsqu’elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d’urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l’ensemble des moyens de la requête qu’elle estime susceptibles de fonder l’annulation ou la suspension, en l’état du dossier » ; qu’en vertu de ces dispositions, il appartient au juge d’appel, saisi d’un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l’annulation d’un permis de construire en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d’annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d’apprécier si l’un au moins de ces moyens justifie la solution d’annulation ; que, dans ce cas, le juge d’appel n’a pas à examiner les autres moyens de première instance ; que, dans le cas où il estime, en revanche, qu’aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n’est fondé, le juge d’appel, saisi par l’effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens ; qu’il lui appartient de les écarter si aucun d’entre eux n’est fondé et, à l’inverse, en application des dispositions précitées de l’article L. 600-4-1 du Code de l’urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d’entre eux lui paraissent fondés, sur l’ensemble de ceux qu’il estime, en l’état du dossier, de nature à confirmer, par d’autres motifs, l’annulation prononcée par les premiers juges ;
18Considérant qu’aux termes de l’article L. 146-1 du Code de l’urbanisme : « Les dispositions du présent chapitre déterminent les conditions d’utilisation des espaces terrestres, maritimes et lacustres : dans les communes littorales définies à l’article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 146-4 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : « I. L’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement (…) » ;
19Considérant qu’il résulte des dispositions du I de l’article L. 146-4 du Code de l’urbanisme, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 3 janvier 1986 dont elles sont issues, que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les zones déjà urbanisées, caractérisées par une densité significative des constructions, mais qu’aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d’autres constructions, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées des agglomérations ;
20Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le terrain d’assiette du projet litigieux est entouré principalement des espaces naturels constitués par la forêt du Touquet ; que les constructions à usage d’habitation situées à proximité de ce projet sont implantées sur de vastes parcelles ; que le terrain d’assiette se situe ainsi dans une zone d’urbanisation diffuse ainsi que l’a estimé à bon droit le Tribunal ; que la construction projetée ne peut être regardée comme étant en continuité avec l’agglomération du Touquet, distante d’un kilomètre environ selon la requérante, dont elle est séparée par le golf, d’ailleurs classé en zone ND au plan d’occupation des sols, alors même que celui-ci serait aménagé et que la route qui relie le lotissement à l’agglomération comporterait des constructions ; que la commune du Touquet-Paris-Plage ne saurait utilement soutenir que la construction projetée serait en continuité avec l’agglomération de la commune de Cucq, alors qu’au demeurant, il ressort des pièces du dossier que des espaces boisés séparent le projet des dernières constructions implantées de part et d’autre de l’allée des Jonquilles sur le territoire de la commune du Touquet-Paris-Plage et avant l’agglomération de la commune de Cucq ; que l’ensemble des constructions situées à proximité ne constitue pas un village au sens des dispositions précitées du I de l’article L. 146-4, les plus proches, au nombre d’une vingtaine, ayant été réalisées principalement dans le cadre du lotissement autorisé par un arrêté du 5 août 1974 sous la forme de maisons d’habitation situées sur de vastes parcelles de 3 000 m², et celles, plus éloignées, situées le long de l’allée des Jonquilles, étant en tout état de cause séparées par des espaces forestiers ainsi qu’il vient d’être indiqué, sans aucune unité d’ensemble ; que le projet litigieux portant sur une seule maison d’habitation, ne constitue pas davantage une extension de l’urbanisation sous la forme d’un hameau nouveau intégré à l’environnement au sens des mêmes dispositions, quand bien même il constituerait l’une des constructions prévues dans le cadre du lotissement autorisé par un arrêté du 11 mai 2006 ; qu’enfin, la commune du Touquet-Paris-Plage ne saurait utilement se prévaloir d’un droit à construire qui résulterait de cette autorisation de lotir en application des dispositions de l’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme ou de l’autorité de chose jugée attachée au jugement nos 0402455-0402456 du tribunal administratif de Lille du 20 octobre 2005, lequel, en toute hypothèse, rejette des demandes d’annulation d’un arrêté du 19 décembre 2003 accordant l’autorisation de créer un autre lotissement, situé allée des Pâquerettes ;
21Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la commune du Touquet-Paris-Plage n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l’arrêté en date du 4 août 2009 du maire du Touquet ;
22Sur l’application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative :
23Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’association Groupement pour la défense de l’environnement dans l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer, qui n’est pas, dans la présente affaire, la partie perdante la somme de 2 000 € demandée par la commune du Touquet-Paris-Plage au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune du Touquet-Paris-Plage le versement à l’association Groupement pour la défense de l’environnement dans l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer d’une somme de 1 500 € au titre des frais de même nature exposés par elle ;
24Décide :
25Article premier. – La requête de la commune du Touquet-Paris-Plage est rejetée.
26Art. 2. – La commune du Touquet-Paris-Plage versera à l’association Groupement pour la défense de l’environnement dans l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer une somme de 1 500 € au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.
27Art. 3. – Le présent arrêt sera notifié à la commune du Touquet-Paris-Plage, à l’association Groupement pour la défense de l’environnement dans l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer et à M. A.
Note : Une extension de l’urbanisation peut-elle se faire en continuité de l’agglomération ou d’un village situé sur une commune voisine ?
28Vingt-cinq ans se sont écoulés depuis l’entrée en vigueur de la loi du 3 janvier 1986 relative à la protection, l’aménagement et la mise en valeur du littoral. Si les premiers commentateurs avaient pu s’inquiéter de l’imprécision des dispositions de la loi [1], la jurisprudence a apaisé leur crainte en apportant les précisions voulues. Toutefois, si les règles relatives à la bande de cent mètres, aux espaces remarquables ou aux espaces proches du rivage sont désormais bien circonscrites, il n’en va pas de même du principe d’extension de l’urbanisation en continuité avec les agglomérations et villages existants posé par l’article L. 146-4-I du Code de l’urbanisme. La compréhension de ce texte demeure imparfaite et entraîne l’annulation d’un nombre significatif de plans d’urbanisme et de décisions liées à l’usage du sol. Le tribunal administratif de Bastia a d’ailleurs jugé utile d’opérer un rappel des termes de la loi lors de sa rentrée solennelle [2]. Heureusement, la jurisprudence commence peu à peu à définir ce qu’il faut entendre par agglomérations et villages existants. Des questions originales subsistent toutefois et c’est à l’une d’entre elles qu’était confrontée la cour administrative d’appel de Douai puisqu’il s’agissait notamment de savoir si la continuité peut être admise avec une agglomération ou un village situé sur une commune littorale voisine.
29Au mois de décembre 2010, le maire de la commune littorale du Touquet-Paris-Plage avait délivré quatre permis de construire dans un lotissement autorisé au milieu des années 1970. A la requête de l’association Groupement de défense de l’environnement dans l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer, le tribunal administratif de Lille avait annulé ces quatre décisions au motif qu’elles autorisaient une extension de l’urbanisation contraire aux dispositions de l’article L. 146-4-I du Code de l’urbanisme. La commune a fait appel de ces jugements.
30Sur le plan de la procédure contentieuse, l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai fait application de solutions classiques. Pour ce qui est de l’intérêt donnant qualité pour agir, l’association requérante, pourtant dénommée « Groupement de défense de l’environnement dans l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer » avait omis de préciser dans ses statuts le champ géographique de son action. Conformément à une jurisprudence bien établie, l’association doit alors être regardée, quelle que soit par ailleurs sa dénomination, comme ayant un champ géographique national [3]. Sauf à ce que le projet querellé ait lui même un impact national, un tel champ géographique ne donne pas intérêt pour agir contre un projet local [4]. La fin de non-recevoir opposée en défense est toutefois écartée dans la mesure où la requérante est par ailleurs agréée au titre de l’article L. 141-1 du Code de l’environnement. Elle a dès lors qualité pour agir contre toute décision ayant un rapport direct avec son objet statutaire nonobstant l’imprécision de ses statuts.
31S’agissant de l’office du juge d’appel, la Cour fait une application des dispositions de l’article L. 600-4-1 du Code de l’urbanisme. Cet article, issu de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, oblige le juge, lorsqu’il annule une décision, à se prononcer sur tous les moyens invoqués par le requérant. Ce dispositif, qui participe du renforcement de la sécurité juridique des constructeurs, permet de faciliter la régularisation d’un projet en donnant au maître d’ouvrage une vision complète de la pertinence des moyens qui lui sont opposés. Il présente donc un intérêt certain qui lui vaut de ne plus être cantonné au seul droit de l’urbanisme [5].
32La jurisprudence a rapidement précisé l’application de ces dispositions dans l’hypothèse dans laquelle le juge d’appel est saisi d’un recours contre un jugement ayant annulé une décision en retenant plusieurs moyens. Certaines cours administratives d’appel avaient pu estimer que le juge d’appel qui confirmait le moyen d’annulation retenu par le premier juge devait également apprécier le bien-fondé des autres moyens dont il était saisi [6]. Le Conseil d’État a pour sa part simplifié la tâche du juge d’appel en le dispensant d’avoir à apprécier la pertinence des autres moyens soulevés dès lors qu’il confirme au moins l’un des moyens retenus par le premier juge [7]. En l’espèce, dès lors que la cour administrative d’appel de Douai confirme le moyen tiré de la violation de l’article L. 146-4-I du Code de l’urbanisme retenu par le tribunal administratif de Lille, elle n’était donc pas tenue de se prononcer sur les autres moyens invoqués en première instance et non retenus par le Tribunal.
33Si la Cour n’avait donc pas à faire preuve d’originalité sur les questions de procédure contentieuse, la question de fond qui lui était posée était en revanche plus singulière.
34L’article L. 146-4-I du Code de l’urbanisme dont la violation avait été retenue par le tribunal administratif de Lille est la pièce maîtresse du dispositif de protection intégré dans le Code de l’urbanisme par la loi du 3 janvier 1986 relative à la protection, l’aménagement et la mise en valeur du littoral. Aux termes de ces dispositions, l’extension de l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec une agglomération ou un village existant ou sous forme de hameau nouveau intégré à l’environnement. Cet article, qui s’applique sur l’ensemble du territoire de la commune sans considération de distance par rapport à la mer, impose un regroupement de l’urbanisation afin de mettre un terme au mitage de l’espace littoral. Il est de ce point de vue proche de l’article L. 111-1-2 du Code de l’urbanisme qui interdit toute construction en dehors des parties urbanisées des communes sans document d’urbanisme. Dans une certaine mesure, il préfigurait également ce qui est aujourd’hui le droit commun de l’urbanisme puisque la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement généralise à l’ensemble du territoire les principes de gestion économe de l’espace que les communes littorales appliquent depuis 1986.
35Sur un plan théorique du moins, les dispositions de l’article L. 146-4-I du Code de l’urbanisme sont aujourd’hui clarifiées. Par un arrêt dont le considérant est érigé en principe, le Conseil d’État a rappelé qu’il résulte des dispositions du I de l’article L. 146-4 du Code de l’urbanisme, éclairé par les travaux préparatoires de la loi du 3 janvier 1986, que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les zones urbanisées caractérisées par une densité significative des constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres constructions, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées des agglomérations [8]. Cela signifie par exemple qu’un ensemble d’une cinquantaine de constructions à usage d’habitation, individuel ou commercial au croisement de deux voies publiques peut être qualifié d’agglomération [9] mais qu’à l’inverse une urbanisation dispersée [10] ou un hameau de vingt-huit constructions [11] ne peuvent recevoir cette qualification.
36Dans l’affaire soumise à la Cour, la configuration des lieux est originale. Les projets de constructions sont situés dans un lotissement autorisé en 1974 dans un espace boisé situé à environ un kilomètre de l’agglomération du Touquet. Les terrains d’assiette des constructions jouxtent un ensemble d’une dizaine d’habitations.
37A une centaine de mètres au Nord, au-delà d’un espace boisé, une dizaine d’autres constructions ont été édifiées. Au sud, séparée par un autre espace boisé d’une largeur de quelques dizaines de mètres, une urbanisation importante s’est développée. Cette dernière est située pour une petite partie sur la commune du Touquet et pour l’essentiel sur la commune voisine de Cucq qui est également soumise à la loi littoral.
38La Cour relève logiquement que les projets de constructions ne pouvaient pas être regardés comme étant situés en continuité de l’agglomération du Touquet, distante de plus de un kilomètre et dont ils étaient séparés par un golf classé en zone naturelle. C’est tout aussi logiquement qu’elle juge que les deux ensembles formant en tout une vingtaine d’habitations ne peuvent être assimilés à un village. Le nombre de constructions est insuffisant et un espace boisé sépare ces deux ensembles.
39La question de la continuité avec l’urbanisation plus importante située au Sud, à cheval sur les deux communes était, en revanche, moins évidente. La Cour n’a pas tranché le débat estimant que l’existence d’un boisement, bien que par endroit large d’à peine une dizaine de mètres, faisait obstacle à la continuité. Pouvait-elle de toute façon admettre cette continuité alors que l’essentiel de l’urbanisation est situé sur la commune voisine ?
40Rien dans la loi ne l’interdit. Les notions contenues dans les dispositions particulières au littoral du Code de l’urbanisme ne doivent pas être appréciées dans le strict cadre communal. Une commune peut fort bien prévoir une extension de l’urbanisation située en continuité de l’agglomération d’une commune littorale voisine. L’objectif de gestion économe de l’espace qui est au cœur de l’article L. 146-4-I n’en est pas affaibli. Il suffit d’ailleurs de réfléchir à l’échelle intercommunale pour réaliser qu’il n’y aurait aucun sens à exiger que les extensions de l’urbanisation prévues par une commune soient rattachées à une agglomération ou un village de ladite commune. Lorsque la traduction de la loi littoral est faite par un schéma de cohérence territoriale, c’est à cette échelle que sont identifiés les agglomérations et villages existants et peu importe alors que les extensions prévues le soient sur la commune voisine. La cour administrative d’appel de Douai ne l’exclut d’ailleurs pas. Si elle annule le permis de construire querellé, c’est parce que la continuité avec l’agglomération fait défaut et non pas parce que ladite agglomération serait située sur une commune voisine. Rien n’interdisait pas conséquent que la commune du Touquet développe son urbanisation en continuité avec l’agglomération de la commune de Cucq.
41La question pourrait toutefois recevoir une réponse différente dans l’hypothèse ou l’extension de l’urbanisation serait envisagée sur une commune littorale mais cette fois en continuité d’une agglomération ou d’un village situé sur une commune voisine non littorale. Le droit de l’urbanisme littoral est en partie fondé sur les principes dégagés dans les années 1970 par le rapport Piquard [12]. Celui-ci, après avoir rappelé le caractère rare et fragile du littoral, propose que la politique d’aménagement ne se limite pas au trait de côte mais appréhende une bande de plusieurs kilomètres de large dans laquelle l’implantation des activités serait régie en fonction de leur besoin de proximité de l’eau : c’est le principe de l’aménagement en profondeur. Il inspirera l’instruction du 4 août 1976 concernant la protection et l’aménagement du littoral et des rivages des grands lacs lorsqu’elle préconise le report des constructions le plus « en arrière possible du rivage de la mer » [13]. Il justifie également l’interdiction de construire de nouvelles routes de transit à moins de 2000 mètres du rivage posé par l’article L. 146-7 du Code de l’urbanisme. Lors des débats qui ont précédé l’adoption de la loi littoral, des parlementaires avaient, dans cette logique, proposé de rendre prioritaire une extension de l’urbanisation vers l’intérieur des terres [14]. Dans cette perspective, admettre qu’une urbanisation présente sur une commune non littorale soit prétexte à une extension de l’urbanisation sur une commune littorale serait contraire à l’un des principes qui oriente le droit de l’urbanisme littoral depuis maintenant quarante ans.
Mise en ligne 13/08/2015
Notes
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[1]
J.-M. Bécet, in J.-M. Bécet et D. Le Morvan (dir), Le droit du littoral et de la mer côtière, Economica 1991, p. 134.
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[2]
http://bastia.tribunal-administratif.fr/media/document/TA_BASTIA/intervention-plu-loi-littoral.pdf
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[3]
CE, 5 novembre 2004, Association Bretagne Littoral Environnement « BLEU », req. n° 264819, Bulletin de jurisprudence droit de l’urbanisme (BJDU), 2005, p. 123.
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[4]
CE, 26 juillet 1985, Union régionale pour la défense de l’environnement, de la nature, de la vie et de la qualité de vie en Franche-Comté (URDEN), req. n° 35024, Rec. p. 251.
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[5]
La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement a étendu ce dispositif au contentieux des règlement locaux de publicité (art. L. 581-14-1 du Code de l’environnement).
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[6]
CAA Paris, 27 février 2001, Association syndicale libre du lotissement Te Maru Ata, req. n° 97PA00895, BJDU 2001, p. 122.
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[7]
CE, 28 mai 2001, SARL Minoterie Frances, req. n° 218374, Rec. p. 249.
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[8]
CE, 27 septembre 2006, Commune du Lavandou, req. n° 275924, publié aux tables du Lebon, Droit de l’environnement n° 144, décembre 2006, p. 369, note L. Bordereaux, BJDU 1/2007, p. 46, concl. C. Devys.
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[9]
CAA Nantes, 4 mai 2010, Commune de Belz, req. n° 09NT01343.
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[10]
CAA Nantes, 4 mars 2011, M. Verneret, req. n° 09NT02285.
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[11]
CE, 27 juillet 2009, Commune du Bono, req. n° 306946.
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[12]
M. Piquard (dir.), « Perspectives pour l’aménagement du littoral français », La Documentation française 1974, 266 pages.
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[13]
Instruction du 4 août 1976 concernant la protection et l’aménagement du littoral et des rivages des grands lacs, JO du 6 août 1976, p. 4758.
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[14]
JO Sénat du 17 décembre 1985, p. 4013.