Couverture de RI_161

Article de revue

Action humanitaire et adoption d’enfants étrangers en Suisse. Le cas de Terre des hommes (1960-1969)

Pages 81 à 94

Notes

  • [1]
    Une première version de cet article a été présentée dans le séminaire Aktuelle Forschungen ʓur Geschichte des 19. und 20. Jahrhunderts à l’université de Bâle, le 20 mai 2014. Cet article est issu de notre recherche doctorale en cours à l’EHESS et à l’INED, qui a été financée par une bourse d’études de la Fondation CAPES du ministère de l’Éducation brésilien (BEX 0216-09). Nous tenons à remercier vivement Mathilde et Catherine Zagala, ainsi que Fabrice Cahen pour leurs relectures et leurs conseils stimulants. Merci également à Paul-André Rosental, Silvia Maria Fávero Arend, Christine Théré, Martin Lengwiler, Yves Denéchère et Joëlle Droux pour leur soutien.
  • [2]
    Edmond Kaiser (1914-2000) fut un des fondateurs de Terre des hommes, son principal responsable et sa principale figure publique pendant vingt ans, jusqu’à son éviction en 1980.
  • [3]
    D’après l’autobiographie d’Edmond Kaiser, La Marche aux enfants, Lausanne, Éditions Pierre-Marcel Favre, 1979, chapitre « Apprentis et compagnons » et Archives du Comité international de la Croix-Rouge (ci-après : ACICR), Fonds Archives générales/Enfants (AG-Enfants), B.AG.239.008-001.01, lettre de Terre des hommes (Jean-Claude Jaccard) au directeur exécutif du CICR à Genève (Roger Gallopin), 3 août 1960.
  • [4]
    Vera Hajtó, « The “wanted” children. Experiences of Hungarian children living with Belgian foster families during the interwar period », The History of the Family, vol. 14, 2009, pp. 203-216 ; Célia Keren, « L’évacuation et l’accueil des enfants espagnols en France : cartographie d’une mobilisation transnationale (1936-1940) », thèse de doctorat de l’EHESS, 2014 ; Friederike Kind-Kovács, « The “other” child transports: World War I and the temporary displacement of needy children from Central Europe », Revue d’histoire de l’enfance irrégulière, n° 15, 2013, pp. 75-109 ; Aura Korppi-Tommola, « War and children in Finland during the Second World War », Paedagogica Historica, vol. 44, n° 4, 2008, pp. 445-455 ; Tatiana Smirnova, « The outcomes for Soviet children evacuated to Czechoslovakia in the early 1920s », Russian Studies in History, vol. 48, n° 4, 2010, pp. 26-50.
  • [5]
    Archives fédérales suisses (ci-après : AFS), E2003A.1970, Croix-Rouge suisse/Secours aux enfants, Rapport et demande de renouvellement de financement à la Division des organisations internationales du Département de politique générale, 29 juin 1955.
  • [6]
    Yves Denéchère, « Nouvel acteur et nouveau phénomène transnationaux : Terre des Hommes et l’adoption internationale (1960-1980) », Relations internationales, vol. 142, n° 2, 2010, pp. 119-136.
  • [7]
    Karen Balcom, The Traffic in Babies. Cross-Border Adoption and Baby-Selling between the United States and Canada, 1930-1972, Toronto, University of Toronto Press, 2011 ; Arissa Oh, « Into the arms of America: The Korean roots of international adoption », thèse de doctorat, Université de Chicago, 2008.
  • [8]
    Yves Denéchère, « Des adoptions d’État : les enfants de l’occupation française en Allemagne (1945-1952) », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, vol. 57, n° 2, 2010, pp. 159-179 ; Tara Zahra, The Lost Children: Reconstructing Europe’s Families after World War II, Cambridge, Harvard University Press, 2011, notamment le chapitre « Children as spoils of War in France ».
  • [9]
    Yves Denéchère, Des enfants venus de loin. Histoire de l’adoption internationale en France, Paris, Armand Colin, 2011 ; Juliette Halifax, « L’adoption plénière en France : de l’établissement d’une filiation légale à la constitution d’une filiation sociale », thèse de doctorat, Muséum national d’histoire naturelle, 2007 ; Fábio Macedo, « Histoire transnationale de l’adoption d’enfants étrangers en France, en Suisse et au Brésil (1850-1990) », thèse de doctorat en cours, EHESS.
  • [10]
    La Conférence nationale suisse de service social était une association siégeant à Zurich qui réunissait en son sein des associations privées qui se consacraient au service social, ainsi que l’ensemble des services sociaux publics (municipaux, cantonaux et fédéraux).
  • [11]
    Archives d’État de Genève (ci-après : AEG), Fonds Union internationale de secours aux enfants/Union internationale de protection des enfants (ci-après : UISE-UIPE), A.16.1, Conférence nationale suisse de service social, Séminaire pour les problèmes suisses d’adoption, 1963.
  • [12]
    AEG, Fonds UISE-UIPE, A.16.1, Conférence nationale suisse de service social, Séminaire pour les problèmes suisses d’adoption, intervention de la directrice de la section suisse du Service social international (Élisabeth Bertschi), 18 avril 1963. Il convient de préciser que le terme « adoption internationale » était employé dès les années 1950 dans les milieux juridiques internationaux et de service social francophones. Le terme anglophone était intercountry adoption et donna lieu à des traductions littérales dans des textes onusiens de l’époque (« adoption entre pays »). Nous avons privilégié dans cet article l’expression « adoption d’enfant étranger », plus largement employée à l’époque, pour désigner l’acte d’adoption d’un enfant par des parents de nationalité distincte.
  • [13]
    AEG, Fonds UISE-UIPE, A.16.1, Conférence nationale suisse de service social, Séminaire sur les problèmes suisses d’adoption, rapport du groupe de travail « L’enfant et l’adoption », 22 avril 1963.
  • [14]
    ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.008-001.01, lettre des Amis suisses de la Cimade (Edmond Kaiser) au délégué du CICR à Genève (Roger du Pasquier), 1er juillet 1960.
  • [15]
    Les journalistes Marco Flaks et Roger Dubois sont cités directement et indirectement dans la correspondance entre Edmond Kaiser et le CICR, ainsi que dans celle interne au CICR.
  • [16]
    ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.008-001.01, note d’information interne (Pierre Gaillard) au directeur exécutif du CICR à Genève (Roger Gallopin), 5 juillet 1960.
  • [17]
    Raphaëlle Branche, « Entre droit humanitaire et intérêts politiques : les missions algériennes du CICR », Revue historique, n° 609, 1999, pp. 101-125.
  • [18]
    Annette Becker, Oubliés de la Grande Guerre. Humanitaire et culture de guerre, 1914-1918, Paris, Hachette, 2003 ; Isabelle Vonèche Cardia, Neutralité et engagement. Les relations entre le Comité international de la Croix-Rouge et le gouvernement suisse (1938-1945), Lausanne, Société d’histoire de la Suisse romande, 2012 ; ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.008-001.02, lettre du CICR (Pierre Gaillard) au secrétaire-général de la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge (M. Dunning), 2 avril 1958.
  • [19]
    ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.008-001.01, note d’information interne (Pierre Gaillard) au directeur exécutif du CICR à Genève (Roger Gallopin), 5 juillet 1960 et lettre du CICR (Pierre Gaillard) au délégué du CICR à Paris (William H. Michel), 6 juillet 1960. Sur les camps d’internements français en Algérie : Sylvie Thénault, Violence ordinaire dans l’Algérie coloniale : camps, internements, assignations à résidence, Paris, Odile Jacob, 2012.
  • [20]
    Ivan Jablonka montre en détail dans Enfants en exil : transfert de pupilles réunionnais en métropole (1963-1982), Paris, Seuil, 2009, comment, à la même époque, fut menée une politique d’État agressive de transferts d’enfants africains en France métropolitaine, sans que la question du déracinement fut avancée.
  • [21]
    ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.008-001.01, lettre du général Parlange à TDH (Jean-Claude Jaccard), 26 octobre 1960.
  • [22]
    ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.008-001.01, procès-verbaux d’entretiens télépho­niques avec la Croix-Rouge suisse et l’Union internationale de protection de l’enfance à Genève, 17 et 18 novembre 1960.
  • [23]
    ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.008-001.01, procès-verbal d’entretien entre le délégué du CICR (Michel Martin), Jean-Claude Jaccard et Edmond Kaiser à Lausanne, 23 novembre 1960.
  • [24]
    ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.008-001.01, lettre du CICR (Pierre Gaillard) à TDH (Jean-Claude Jaccard), 29 novembre 1960.
  • [25]
    ACICRR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.008-001.01, lettre de la Délégation générale du gouvernement français en Algérie (Max Moulins) à TDH (Jean-Claude Jaccard), 15 février 1961.
  • [26]
    AFS, E2003A.1978, TDH, note informative de TDH envoyé à l’Aide suisse à l’étranger, mai 1963.
  • [27]
    Code civil suisse du 10 décembre 1907, Livre deuxième : Droit de la famille, Titre septième : De l’établissement de la filiation, chap. III : De l’adoption, Articles 264-269.
  • [28]
    AEG, Fonds UISE-UIPE, A.16.1, Conférence nationale suisse de service social, Séminaire pour les problèmes suisses d’adoption, rapport du groupe de travail « L’enfant et l’adoption », 22 avril 1963.
  • [29]
    Edmond Kaiser, op. cit., pp. 246-247.
  • [30]
    AFS, E2003A.1978, TDH, rapport d’activité de TDH au 31 décembre 1962 ; rapport d’activité de TDH 1963 et 1964 ; extrait du rapport d’activité 1967 (in : Edmond Kaiser, op. cit., p. 303.)
  • [31]
    AFS, E2003A.1978, tdh, note interne concernant Terre des hommes rédigée par les services de la Division des organisations internationales au chef du Département politique fédéral, 13 juin 1966.
  • [32]
    AFS, E2003A.1988, Questions d’adoption, Terre des hommes.
  • [33]
    AFS, E2807.1974, Vietnam I, message du président Lyndon Johnson au conseiller fédéral Willy Spühler, 25 juillet 1965 ; correspondance interne au Département politique fédéral suivi du projet de réponse au président Lyndon Johnson, 5 août 1965.
  • [34]
    ACICR, Fonds AG-Enfants, b.ag.239.223-003.01, lettre de TDH (Edmond Kaiser) au chef des secours du CICR (M. Amann), 30 août 1965.
  • [35]
    ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.223-003.01, lettre du CICR (J.-P Maunoir) à TDH (Edmond Kaiser), 2 septembre 1965.
  • [36]
    ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.223-003.01, note de la délégation du CICR à Saïgon (André Tschiffeli) au cicr (J.-P Maunoir) sur la visite et les démarches de TDH sur place, octobre 1965.
  • [37]
    Cette distinction était faite explicitement à cause de la gravité des brûlures causées par le napalm.
  • [38]
    AFS, E2003A.1978, TDH, lettre du docteur Charles Hahn (TDH) au conseiller fédéral Willy Spühler, 6 février 1966 ; ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.223-003.01, procès-verbal d’entretien entre le CICR et le directeur-administrateur de la Division des Affaires consulaires et de l’immigration au Département d’État à Washington, 20 octobre 1965.
  • [39]
    AFS, E2003A.1978, TDH, réponse du ministre chef de la Division des organisations internationales du Département politique fédéral (M. Burckhardt) au directeur de la Police fédérale des étrangers (Elmar Mäder), 8 décembre 1965.
  • [40]
    AFS, E2807.1974, Vietnam I, note interne de la Division des organisations internationales du Département politique fédéral, 24 mai 1966 ; E2003A.1978, TDH, « Note au chef de la Division des organisations internationales », 25 mai 1966 ; « Notice complémentaire sur Terre des hommes », 26 mai 1966.
  • [41]
    AFS, E2003A.1978, TDH, note de l’ambassadeur de Suisse en Israël à la Division des affaires politiques du Département politique fédéral, 1er juin 1966 ; télégramme du Parti socialiste lausannois (Christian Ogay, Henri Galland) au Département politique fédéral (Willy Spühler), 23 mai 1966 ; « Conseil national, Question écrite Bringolf-La Tour-de-Peilz, du 7 juin 1966 ».
  • [42]
    AFS, E2003A.1978, TDH, « Note au chef de la Division des organisations internationales », 25 mai 1966.
  • [43]
    AFS, E2807.1974, Vietnam I, note à usage interne intitulée « Terres des Hommes », Division des Organisations internationales du Département politique fédéral, 24 mai 1966.
  • [44]
    AFS, E2003A.1978, TDH, « Orientation à l’intention de la presse », Département fédéral de justice et police, Secrétariat du département, 25 mai 1966.
  • [45]
    AFS, E2003A.1978, TDH, note de la Police fédérale des étrangers à la Division des affaires poli­tiques du Département politique fédéral, le 12 août 1966 ; « À propos de l’accueil d’enfants vietnamiens en Suisse, position de la Conférence nationale suisse de travail social », 4 juillet 1966.
  • [46]
    Alfred E. Von Overbeck, « Quelques observations sur la révision du droit suisse de l’adoption », Conférence à la Société fribourgeoise des juristes, Fribourg, 6 mars 1967. (in AEG, Fonds UISE-UIPE, A.16.2).
  • [47]
    AEG, Fonds UISE-UIPE, A.16.2, lettre du SSI-Suisse au Département fédéral de justice et police, 17 mars 1966.
  • [48]
    AEG, Fonds UISE-UIPE, A.16.2, Conférence nationale suisse de travail social, Programme du deuxième Séminaire sur les problèmes suisses d’adoption, 19-21 juin 1969.
  • [49]
    AFS, E2003A.1980, TDH, communiqué du Département fédéral de justice et police sur l’accueil durable en Suisse d’enfants vietnamiens, 30 juin 1967 ; circulaire de la Police fédérale des étrangers aux polices cantonales sur l’admission d’enfants orphelins ou abandonnés du Vietnam en vue de leur placement chez des parents nourriciers, 27 juillet 1967.

1 « Mouvement de secours immédiat et direct à l’enfance misérable du monde [1] », telle était la définition statutaire et la devise phare, pendant plusieurs années, de l’association lausannoise Terre des hommes (TDH), créée en 1960 par quelques militants de la cause enfantine : quatre journalistes, un médecin, un pasteur, deux professionnels de l’univers associatif, un comptable et quatre autres bénévoles, dont Edmond Kaiser, son mentor [2]. Ce dernier était issu des rangs des Amis d’Emmaüs, œuvre qu’il avait lui-même fondée quelques années plus tôt à l’appel d’un proche de l’abbé Pierre, avant de se consacrer à son propre « mouvement » à la fin des années 1950, tout d’abord nommé Les Compagnons, puis Amis suisses de la Cimade et, enfin, Terre des hommes [3]. Initialement consacrés à l’assistance aux indigents à Lausanne, Edmond Kaiser et ses proches se fixèrent un objectif beaucoup plus ambitieux et sans aucun doute inatteignable : celui de sauver l’enfance malheureuse du monde. Dans ce but, ils mirent en place un système de déplacement et d’accueil d’enfants étrangers en Suisse et ailleurs en Europe, suivi d’hospitalisations et d’adoptions, de fait et de droit.

2 En 1960, l’organisation d’évacuations et de déplacements internationaux d’enfants, à but humanitaire et à titre temporaire, en temps de guerre et d’après-guerre pour des raisons sanitaires était loin d’être une nouveauté en Europe. La mise en place de telles opérations dépendait largement de la participation active d’organismes d’entraide privés. Lors de la Grande Guerre, dans l’entre-deux-guerres et à partir de la Seconde Guerre mondiale, les exemples en furent nombreux et l’historiographie s’est déjà penchée sur certains d’entre eux : enfants russes envoyés en Tchécoslovaquie, enfants hongrois en Belgique, enfants espagnols en France et enfants finlandais en Suède [4]. En Suisse, la Croix-Rouge locale dirigea un vaste programme d’accueil d’enfants étrangers (français, grecs, allemands, autrichiens, etc.) entre 1941 et 1955 ; plus de 180 000 enfants furent alors placés dans des institutions hospitalières et dans des familles d’accueil [5].

3 Partout où ces enfants étrangers furent accueillis, des adoptions de fait ou de droit eurent lieu, mais à la marge, en mettant parfois dans l’embarras les acteurs privés et publics des pays hôtes vis-à-vis de leurs homologues dans les pays d’origine des enfants. Ce qui changea en Suisse et en Europe avec Terre des hommes dans les années 1960, c’est précisément que l’adoption de fait ou de droit de ces enfants étrangers accueillis dans un but humanitaire devint non plus une exception, mais une politique assumée : l’enfant victime de la guerre et de la misère avait désormais vocation à avoir une nouvelle famille dans un nouveau pays. Les recherches d’Yves Denéchère portant sur la branche française de Terre des hommes montrent déjà le rôle inédit joué par cette association en France [6]. Mais comment son action se déroula-t-elle dans son propre pays, en Suisse ? Et dans quel contexte helvétique et international s’inscrivirent ces changements ?

4 Aux États-Unis, où il n’existait aucune tradition d’accueil temporaire des enfants touchés par des guerres à l’étranger, des pratiques d’adoption d’enfants étrangers, sur fond humanitaire ou non, étaient apparues au moins depuis les années 1930 et furent largement favorisées, à la fois par une forte demande domestique d’enfants à adopter, un réseau privé et associatif très actif et la présence de l’armée nord-américaine en Europe et en Asie après 1945 [7]. En France, après la Seconde Guerre mondiale, outre le facteur militaire qui prit une tout autre tournure en Allemagne et en Autriche occupées entre 1945 et 1949 [8], ce fut également la capacité des individus et des associations à faire le lien entre la demande interne croissante et l’offre d’enfants adoptables à l’étranger qui permit le développement de cette modalité d’adoption dans le pays [9]. En Suisse, État neutre, le contexte de l’adoption d’enfants n’était pas très éloigné de celui des États-Unis, de la France ou de tout autre pays occidental accueillant des enfants étrangers pour y être adoptés.

5 Au milieu du XXesiècle, l’adoption apparut dans tous ces pays comme une possibilité alternative de reproduction pour des adultes de milieux urbains ne pouvant pas ou plus avoir d’enfants. Le but des adoptants était celui de former une famille, composée indifféremment d’enfants « de sang » ou adoptés, légitimes ou illégitimes, nationaux ou étrangers. De plus, la pénurie d’enfants à adopter sur le sol national, ajoutée à des lois d’adoption vétustes et/ou contraignantes et à la recherche individuelle d’enfants de même phénotype ou de même confession, favorisa le départ à l’étranger de ceux et celles qui en avaient les moyens pour se procurer des enfants a priori orphelins ou abandonnés dans des pays plus pauvres. Dans ce contexte, les interventions humanitaires internationales, notamment en réponse à des guerres, devinrent des opportunités d’adoption. Et c’est précisément là que réside la particularité du développement de l’adoption d’enfants étrangers en Suisse.

6 Quel rôle précis joua l’action humanitaire de Terre des hommes dans le tournant pris par l’adoption d’enfants étrangers dans la Suisse des années 1960 ? Quelle fut la réaction des autorités suisses et de l’univers associatif helvétique ? Quel cadre juridique soutenait ces adoptions ? Cet article cherche à montrer la spécificité institutionnelle de l’adoption d’enfants étrangers dans les années 1960 en Suisse. Plus précisément, le passage d’un système adoptif exclusivement national, où les enfants étrangers adoptés ne l’étaient que de façon très rare, à un système adoptif de plus en plus dépendant du contexte international et des enfants étrangers. À travers les deux premières grandes campagnes internationales de l’association lausannoise TDH, lors des guerres d’Algérie puis du Vietnam, nous verrons comment cette petite et jeune association à caractère humanitaire s’empara de la thématique de l’enfance touchée par les guerres et par la misère, puis revendiqua l’utilisation de l’adoption d’enfants comme une forme de solidarité humanitaire internationale ; comment aussi, en ouvrant une brèche dans le système rigide de l’aide humanitaire publique et privée en Suisse, son action influença directement le droit suisse relatif à l’adoption d’enfants et toucha un point sensible de l’histoire récente de la famille en Suisse et dans le monde.

Enfants d’Algérie

7 La Conférence nationale suisse de service social organisa en 1963 à Lucerne un Séminaire pour les problèmes suisses d’adoption, le premier du genre dans le pays [10]. L’objet principal de la rencontre était la modernisation des procédures de l’adoption d’enfants, notamment pour des questions de protection de l’enfance. Pourtant, certaines thématiques centrales passèrent à l’époque quasiment inaperçues, tels le faible nombre d’enfants suisses à adopter et l’adoption d’enfants étrangers, ou ne furent même pas évoquées, comme l’action humanitaire [11]. D’un côté, bien que l’« adoption internationale » d’enfants fût partie intégrante du programme officiel du Séminaire, le but n’était nullement de discuter de son existence en Suisse, mais plutôt de déterminer comment intégrer sur le plan domestique les « principes » récemment établis en la matière par les Nations Unies à la suite du nombre croissant d’adoptions internationales par des couples nord-américains [12]. De l’autre, dans le rapport du groupe de travail « Enfant et adoption », il était recommandé aux organismes helvétiques de « s’efforcer d’instruire le public sur les diff icultés et les embûches de l’adoption », notamment sur le fait que « le nombre d’enfants à adopter [était] toujours bien inférieur à celui des couples inscrits pour une adoption en Suisse » [13]. Aucune de ces thématiques n’apparut néanmoins dans le rapport final du Séminaire. Les archives laissent ainsi penser que les ser­vices sociaux suisses soit n’étaient pas informés des cas d’adoption d’enfants étrangers par des couples suisses (et du rôle d’intermédiaire joué par des associations locales), ce qui est très peu probable, soit qu’ils ne voulaient pas discuter officiellement d’une question qui les dépassait et les gênait. Car, comme nous le verrons, dès 1961, Terre des hommes avait organisé publiquement des adoptions de fait et de droit d’enfants algériens en Suisse, et s’était heurté à une forte résistance du milieu associatif d’entraide internationale helvétique.

Terre des hommes, le Comité international de la Croix-Rouge et la question du déracinement des enfants

8 En 1960, avant que Terre des hommes ne fût officiellement constituée, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) saisit, avant toute autre grande structure privée ou publique helvétique, l’étendue du projet de la première intervention humanitaire internationale de l’association lausannoise : accueillir en Suisse et en Europe des milliers d’enfants algériens touchés par la guerre d’indépendance en Algérie [14]. Il s’agissait de placer ces enfants dans des colonies de vacances, chez des particuliers ou dans des établissements hospitaliers suisses, pour des séjours allant de trois à quatre semaines à « tout le temps qu’il faudra ». Edmond Kaiser, principal responsable de TDH, et ses émissaires genevois, les journalistes Marco Flaks et Roger Dubois, avaient préalablement contacté le CICR et lui avaient demandé un soutien financier et logistique [15]. Les responsables du CICR décidèrent cependant qu’il n’était « pas question de leur verser des fonds [16] ».

9 Le but du CICR, pas toujours enclin à financer les projets des Croix-Rouge nationales elles-mêmes, n’était pas, en effet, de financer d’autres organismes humanitaires. De plus, ils étaient réticents à participer à un projet qui semblait très complexe à mettre en place et qui allait, selon eux, à l’encontre de l’intérêt des enfants, du fait de leur déracinement. En outre, le CICR avait déjà négocié avec la France les limites de son intervention en Algérie, et celle-ci ne comportait pas le transfert d’enfants algériens en Suisse [17]. Fidèle au légalisme et à la quête de neutralité qui le caractérisait au moins depuis la Première Guerre mondiale, quitte à rester muet sur les abus des belligérants, le CICR avait de surcroît déjà refusé son soutien à un projet d’action similaire de la Croix-Rouge allemande en 1958 [18].

10 Pourtant, même si les membres du CICR doutaient vraisemblablement de la capacité d’un groupe d’amateurs anonymes, dépourvus de toute expérience dans l’action humanitaire internationale, à mener à bien une telle opération, ils décidèrent de ne pas indisposer « ce groupe de per­- sonnes », et de se renseigner « par acquit de conscience » sur les dé­- marches à accomplir pour obtenir des autorisations de sortie pour les enfants bloqués dans des camps en Algérie, dits « centres de regroupement » [19]. Ce ne fut donc ni financièrement, ni logistiquement que les délégués du CICR décidèrent de soutenir TDH, mais politiquement, et ce, partiellement et sous réserve. D’autre part, bien que constituant un argument solide pour ne pas aider TDH, la question du déracinement des enfants ne fut pas évoquée dans les discussions internes entre les membres du CICR. Elle n’apparut que lorsqu’il s’agit de dissuader TDH de poursuivre son projet. Ce qui donne à penser, sans correspondre à une conviction intime, que cet argument était purement rhéto­rique [20].

11 Dans les mois qui suivirent, tandis que le CICR tentait de rester à l’écart, TDH entamait des négociations directes avec l’armée française en Algérie, plus précisément avec l’inspecteur général des regroupements, le général Parlange. Ce dernier répondit non seulement personnellement très favorablement à la proposition initiale d’héberger une trentaine d’enfants algériens en Suisse, mais s’engagea en outre à attirer l’attention de sa hiérarchie « sur le grand intérêt » qu’elle présentait [21]. Par suite, le CICR, offusqué par l’initiative de TDH, sortit de l’ambiguïté avant même qu’un accord fût définitivement trouvé.

12 Après avoir contacté la Croix-Rouge suisse et l’Union internationale de protection des enfants pour s’assurer de leur soutien, y compris sur la question du déracinement, Michel Martin, membre du CICR à Genève, se rendit à Lausanne pour rencontrer personnellement les dirigeants de TDH[22]. Sa mission était à la fois de repérer si l’association était engagée politiquement en faveur des Algériens, de les dissuader de poursuivre l’entreprise, et de découvrir s’ils disposaient, le cas échéant, des moyens nécessaires pour conduire une telle opération. Martin développa à nouveau les mêmes arguments : le CICR et la Croix-Rouge française faisaient déjà un travail sur place, jugé plus efficace ; le déracinement et le « choc psychologique qui seraient infligés aux enfants lors de leur retour en Algérie » ne devaient pas être négligés ; enfin, il fallait s’attendre à « l’opposition probable des autorités françaises à toute action internationale » [23]. Cependant, non seulement le délégué du CICR ne réussit pas à les dissuader d’atteindre leurs objectifs, mais il sortit lui-même de cette rencontre avec une « bonne impression [des] animateurs de Terre des hommes ». Martin conclut ainsi son rapport d’entretien : « Je pense que nous pouvons leur faire confiance pour mener à bien l’opération qu’ils envisagent. »

13 TDH obtint ainsi du CICR l’aide de son délégué en Algérie pour accéder à « des autorisations d’hospitalisation de ces enfants en Suisse [24] ». Les résistances liées au déracinement des enfants disparurent alors. Cependant, un certain nombre d’interrogations surgirent, liées notamment aux placements familiaux des enfants algériens.

Des placements hospitaliers et familiaux

14 Après quelques mois de négociations, le 15 février 1961, le délégué général de la France en Algérie, Max Moulins, autorisa officiellement un premier convoi de trente enfants [25]. Suivirent alors un second le 6 mai, un troisième le 30 mai, et bien d’autres, avant et après les accords d’Évian de 1962 qui mirent un terme au conflit. Entre fin février 1961 et mai 1963, TDH organisa l’accueil en Suisse de 574 enfants, dont 200 pour des « placements hospitaliers » et 374 pour des « placements familiaux » [26]. Parmi ces placements familiaux, quelques-uns débouchèrent sur des adoptions de droit, mais surtout de fait, adoptions qu’Edmond Kaiser appelait non sans malice des « accueils à vie ». Cet effort rhétorique permettait à TDH d’en faire un acte plus léger, plus en phase avec le caractère prétendument humanitaire de l’intervention menée par l’association et, par conséquent, de détourner l’attention de leur aspect pas tout à fait légal.

15 Car le contexte juridique de l’adoption en Suisse restait, au début des années 1960, largement fondé sur les préconisations du Code civil de 1907, qui pouvaient suffire au début du siècle, lorsque les adoptions étaient très rares, mais qui étaient devenues obsolètes à cette époque [27]. Ainsi, l’ar­ticle 267 stipulait, à propos de l’adoption : « L’autorité ne peut la per­mettre, même lorsque les conditions de la loi sont remplies, que si l’adoptant a fourni des soins et secours à l’adopté ou si l’adoption est déterminée par d’autres justes motifs et n’est d’ailleurs pas préjudiciable à l’enfant. » Or, le programme de placements familiaux de type « accueil à vie » développé par TDH donnait justement l’occasion aux familles suisses de fournir « des soins et secours à l’adopté ». De plus, il était relativement aisé pour un avocat de plaider, à propos d’un enfant étranger accueilli depuis des mois voire des années en Suisse, originaire d’une contrée en guerre ou misérable, souvent orphelin ou abandonné, que le motif de l’adoption était « juste » et non « préjudiciable à l’enfant ». Ajouté à cela, comme on l’a vu précédemment, le nombre d’enfants suisses à adopter déjà inférieur à celui des couples candidats en 1963 [28], force est de constater que les conditions étaient réunies pour le succès de tels programmes. Edmond Kaiser semblait en outre sensible aux arguments des couples en mal d’enfants, ainsi qu’à leur soutien financier à la cause portée par TDH[29].

16 Si les textes de loi encadrant l’adoption étaient suffisamment flous pour permettre à TDH de se frayer une voie, il lui restait cependant à convaincre ses interlocuteurs en Suisse, et notamment le CICR et l’État fédéral. Car si l’accueil et l’hospitalisation d’enfants étrangers au lieu d’une aide sur place ne faisaient déjà pas l’unanimité, leurs placements suivis d’adoptions gênaient franchement les dirigeants associatifs humanitaires helvétiques ainsi que les autorités fédérales, au moins durant la première moitié des années 1960. Au contraire, le « public suisse » était tout à fait favorable à ces adoptions, et finançait par des « dons privés » la plupart des actions de TDH, à hauteur de 200 000 francs suisses entre 1961 et 1962, 155 000 en 1963, 250 000 en 1964, 656 000 en 1967 [30], des sommes non négligeables qui impressionnèrent les autorités suisses.

17 Cependant, ces dons ne résolurent pas tous les problèmes de TDH. Ainsi, en 1966, le ministre algérien de la Santé interpella le secrétaire général de l’Aide suisse à l’étranger sur le sort de 200 enfants placés par TDH en Suisse. Selon les renseignements obtenus par la Division des organisations internationales du Département politique fédéral, le risque était que ces enfants, au moins pour une partie, « seraient considérés par les familles qui les ont reçus comme “adoptés” par celles-ci, qui refuseraient en conséquence de les laisser repartir [31] ». Ce fut le cas de l’enfant algérien A., placé en 1963 à l’âge d’un an dans une famille vaudoise, qui le garda au moins jusqu’en 1975. Pourtant, sa mère biologique ne cessait de le réclamer, un rapatriement avait été prévu dès 1969 et l’ambassadeur de Suisse à Alger s’était mobilisé lui-même dans ce sens [32]. Ainsi, les autorités suisses au plus haut niveau étaient-elles déjà conscientes à cette époque du revers de la médaille de l’action humanitaire de TDH en Suisse et à l’étranger. Les dirigeants helvétiques décidèrent alors d’affronter TDH, sans toutefois en mesurer les conséquences. Leur échec les força à travailler avec TDH, à accepter ses pratiques, et même à les normaliser.

Enfants du Vietnam

18 En 1965, alors que les États-Unis intensifiaient la guerre au Vietnam et que la Suisse était appelée par le président Lyndon Johnson à faire la preuve de son statut de nation du « monde libre » et à accroître son aide humanitaire dans la région [33], TDH lança des consultations auprès de la Ligue des sociétés de la Croix-Rouge à Genève et du CICR à Genève et à Saïgon, afin de mieux comprendre la situation au Vietnam [34]. Edmond Kaiser fut ainsi informé du nombre, estimé à 25 000, d’enfants sans foyer secourus par différentes agences, et de l’existence de trois organismes nord-américains s’occupant de « l’adoption d’enfants vietnamiens par des Occidentaux » : Foster Parents Inc., International Rescue Committee et Catholic Relief Services [35]. Quelques semaines plus tard, Kaiser élabora un projet d’action et arriva à la mi-octobre au Vietnam, accompagné du médecin lausannois Charles Hahn. Il y obtint la sympathie des délégations diplomatiques suisses et du CICR, ainsi que l’accord des ministres locaux de la Santé, de l’Action sociale et des Affaires étrangères pour créer une base de TDH sur place, dans le but de soutenir les hôpitaux et les orphelinats et de sélectionner les enfants à envoyer en Europe pour y bénéficier de soins intensifs ou y être adoptés [36].

19 De même qu’en 1960, mais de façon plus élaborée et mieux organisée, TDH agit sur plusieurs fronts simultanément pour mettre en place son projet d’action humanitaire au Vietnam : conserver le soutien sous réserve du CICR ; consolider et développer l’insertion de TDH en Suisse et en Europe par le biais d’une fédération internationale (siégeant à Genève) et de ses filiales et relais dans différents cantons helvétiques, mais aussi en France, au Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg, en Italie et en République fédérale d’Allemagne ; obtenir l’accord de Saïgon pour autoriser les enfants à quitter le pays, et enfin, celui de Berne pour qu’ils puissent entrer en Suisse, assorti si possible d’une participation politique, financière et logistique de l’État fédéral. Comme on le verra, la campagne de TDH au Vietnam lui permit non seulement d’accéder, par des chemins tortueux, à une relation privilégiée avec l’État fédéral suisse, mais aussi d’infléchir la législation du pays sur l’adoption.

L’État fédéral suisse et Terre des hommes : une relation de compromis

20 Dès l’automne 1965, des tractations débutèrent en Suisse, au Vietnam, aux États-Unis et dans d’autres pays européens et asiatiques pour parvenir à un accord plusieurs mois après sur la nature de l’intervention de TDH à l’égard des enfants vietnamiens (aide sur place, déplacements pour des hospitalisations en Thaïlande, en Suisse ou ailleurs en Europe, suivis ou non d’un programme d’adoption), les profils d’enfants qui en feraient partie (seuls les blessés ou brûlés de guerre [37], et ceux et celles atteints par des maladies chroniques a priori non soignables sur place), et les moyens de transports utilisés (et qui en assumerait le coût). Cette fois-ci, TDH se heurta non seulement à l’opposition d’autres associations privées suisses, mais également à celle du Département d’État des États-Unis, de la Police fédérale des étrangers et du Département politique fédéral en Suisse.

21 La diplomatie nord-américaine redoutait les répercussions nationales et internationales de tels transferts d’enfants motivés par des raisons sanitaires, d’autant plus que les enfants brûlés l’étaient au napalm, amplement employé par l’armée des États-Unis au Vietnam. En effet, contrairement aux associations nord-américaines présentes sur place, qui n’envoyaient aux États-Unis que des enfants pour l’adoption, TDH envisageait surtout à ce stade des soins intensifs en Europe ; le programme d’adoption était en effet mis entre parenthèses, faute d’accord de Berne [38]. En Suisse, la Police fédérale des étrangers et le Département politique fédéral se déclarèrent, en interne, « sceptiques », mais ne voyaient « aucune possibilité de [s’opposer] à l’œuvre d’une organisation humanitaire qui se [déroulait] sur le plan exclusivement privé » [39]. L’association Terre des hommes était tolérée, sans plus.

22 Ainsi, le 20 mai 1966, à l’aéroport de Genève, tandis que des membres de la presse, des autorités sud-vietnamiennes et des responsables de TDH attendaient que le premier convoi de trente-quatre enfants (trente-deux, selon la presse) franchisse la douane et les services d’immigration suisses, la Police fédérale des étrangers refusa, à la surprise générale, l’entrée sur le territoire à treize d’entre eux (vingt-quatre, selon la presse), au motif qu’il ne s’agissait pas d’enfants brûlés ou blessés lors d’affrontements, mais d’enfants malades, nuance qui, selon la police, aurait dû être respectée par TDH[40]. Le tollé fut immédiat. Ce qui aurait dû être une démonstration de fermeté de Berne vis-à-vis de TDH tourna au fiasco : les presses suisse, allemande, française, italienne, israélienne, mozambicaine, etc., les représentations diplomatiques suisses à l’étranger, les membres de la classe politique helvétique, tous se demandèrent les raisons de cette décision [41]. Quatre jours plus tard, une conférence de presse réunit au Parlement suisse les représentants de TDH, de la Police fédérale des étrangers, du Département fédéral de justice et police et du Département politique fédéral à ce sujet. Dans une note à usage interne, l’observateur du Département politique fédéral déplora l’absence de communication des autorités suisses dans cette affaire, ainsi que le « monopole de l’aspect politique » par Edmond Kaiser [42]. Le même jour, une autre note affirmait que « selon certaines rumeurs M. Kaiser, président de T[erre] d[es] H[ommes] en Suisse, que ses admirateurs portent aux nues, serait un futur candidat au Prix Nobel [43] ».

23 La situation devenait particulièrement embarrassante pour les autorités suisses, qui soupçonnaient en outre TDH d’avoir orchestré cet épisode afin de se poser en victime et de mener une campagne de presse virulente contre le gouvernement et son système d’entraide internationale. Ce qui était en effet vraisemblable, étant donné l’habileté avec laquelle TDH utilisait la presse à sa faveur. Ainsi, le lendemain, le 25 mai 1966, le Département fédéral de justice et police émit un communiqué, intitulé « Orientation à l’intention de la presse [44] ». Dans celui-ci, il revint sur la décision prise par la Police fédérale des étrangers à l’égard des enfants vietnamiens, et s’en désolidarisa en précisant « que seule la Police fédérale des étrangers [avait] eu à s’occuper de cette affaire ».

24 L’affaire permit à TDH de sortir beaucoup plus forte de ce bras-de-fer, et de bénéficier d’une ligne directe avec le Département politique fédéral. Dès lors, la coopération entre les autorités helvétiques et TDH se renforça, malgré l’opposition persistante de la Police fédérale des étrangers, d’une partie du Département politique fédéral et de la Conférence nationale suisse de travail social [45]. L’État fédéral suisse commença à soutenir l’action de TDH au Vietnam et ailleurs, comme il le faisait avec la Croix-Rouge suisse et le CICR, par l’envoi régulier de médicaments, de vivres, de lait en poudre et d’argent pour financer les hôpitaux locaux. Peu après, les autorités helvétiques n’eurent d’autre choix que de soutenir l’accueil et l’adoption d’enfants étrangers en Suisse.

La révision de la loi sur l’adoption et l’effet Terre des hommes

25 Dès 1957, le Département fédéral de justice et police avait mis en place une commission d’études dite Grossen, du nom du juriste responsable, pour entamer un processus de révision du droit suisse concernant l’adoption d’enfants. Cinq ans plus tard, celle-ci émit un rapport qui resta sans suite, jusqu’en 1966, lorsque les rebondissements de l’action humanitaire et des adoptions d’enfants étrangers portées par TDH attirèrent l’attention de tous sur le caractère vétuste de la loi suisse. Le problème, c’est que même le rapport de 1962 était alors obsolète, comme l’a bien noté le professeur Overbeck de l’Université de Fribourg : « Depuis lors, les idées ont encore passablement évolué en la matière [46]. » À l’étranger, d’un côté, de nouvelles lois nationales étaient mises en place partout en Europe (Pays-Bas, Royaume Uni, Luxembourg, Autriche, Allemagne de l’Ouest et de l’Est, Pologne, Albanie, France, Grèce, Belgique et Italie) ; de l’autre, des ententes et des conventions internationales tentaient déjà d’apporter une réponse aux adoptions d’enfants étrangers (Nations Unies en 1957 et 1960, Conférence de La Haye de droit international privé en 1965, Conseil de l’Europe en 1967). En somme, c’était un sujet que les autorités et les associations suisses ne pouvaient ignorer, quand elles n’étaient pas engagées directement et indirectement dans sa mise en œuvre.

26 Pourtant, si les Suisses décidèrent d’agir, ce ne fut vraisemblablement qu’en raison du contexte interne, et plus précisément de la visibilité prise par les adoptions d’enfants étrangers amenés en Suisse par l’action de TDH. C’est en tout cas ce que révèlent les différentes archives auxquelles nous avons eu accès, où les références implicites ou explicites à TDH sont omniprésentes. Ainsi, dans une lettre adressée en 1966 au Département fédéral de justice et police à propos de la révision de la loi sur l’adoption, la section suisse du Service social international, farouche opposant de TDH, précisa-t-elle : « Cette réglementation est d’autant plus urgente qu’en ce moment ont lieu de nouvelles tentatives afin de trouver des foyers d’accueil suisses pour des enfants en provenance de pays en voie de développement ou de régions troublées par la guerre [47]. » En 1969, lors du deuxième « Séminaire suisse sur l’adoption », contrairement au premier de 1963 évoqué précédemment, le sujet central fut bien, outre la révision de la loi suisse, l’adoption d’enfants étrangers et ses déclinaisons, « l’enfant européen », « l’enfant de couleur » et « l’adoption inter-raciale » [48].

27 Le fait est que TDH, dès le début de ses opérations en 1960, eut une influence sur l’ensemble du système suisse d’adoption d’enfants : des adoptés et adoptants jusqu’aux autorités cantonales et fédérales, en passant par les associations charitables ou humanitaires. Ce qui, à défaut d’une nouvelle législation qui n’apparut qu’en 1972, se traduisit par des circu­laires réglementant l’adoption d’enfants vietnamiens, émises explicitement à la demande de TDH, tant par le Département fédéral de justice et police que par la Police fédérale des étrangers [49]. L’association lausannoise était devenue un acteur incontournable.

Conclusion

28 L’analyse des dix premières années de l’action humanitaire de Terre des hommes en Suisse permet d’historiciser ce qui constitua une période centrale dans la modernisation de la loi d’adoption dans ce pays, ainsi que le rôle très important qu’y joua l’adoption d’enfants étrangers issue de l’action humanitaire, mais aussi la relation à la fois conflictuelle et de compromis entre l’association lausannoise, le Comité international de la Croix-Rouge et l’État fédéral suisse. Terre des hommes parvint à influencer tant les politiques intérieures suisses en matière d’adoption d’enfants, que ses politiques extérieures en matière d’action humanitaire. Taboue et indési­- rable en Suisse en 1960, l’adoption d’enfants étrangers sur fond huma­nitaire devint, à la fin de la décennie, une pratique de plus en plus courante et acceptée, et même normalisée par des circulaires spécifiques émises par les autorités fédérales, puis par la nouvelle loi sur l’adoption de 1972.


Mise en ligne 29/05/2015

https://doi.org/10.3917/ri.161.0081

Notes

  • [1]
    Une première version de cet article a été présentée dans le séminaire Aktuelle Forschungen ʓur Geschichte des 19. und 20. Jahrhunderts à l’université de Bâle, le 20 mai 2014. Cet article est issu de notre recherche doctorale en cours à l’EHESS et à l’INED, qui a été financée par une bourse d’études de la Fondation CAPES du ministère de l’Éducation brésilien (BEX 0216-09). Nous tenons à remercier vivement Mathilde et Catherine Zagala, ainsi que Fabrice Cahen pour leurs relectures et leurs conseils stimulants. Merci également à Paul-André Rosental, Silvia Maria Fávero Arend, Christine Théré, Martin Lengwiler, Yves Denéchère et Joëlle Droux pour leur soutien.
  • [2]
    Edmond Kaiser (1914-2000) fut un des fondateurs de Terre des hommes, son principal responsable et sa principale figure publique pendant vingt ans, jusqu’à son éviction en 1980.
  • [3]
    D’après l’autobiographie d’Edmond Kaiser, La Marche aux enfants, Lausanne, Éditions Pierre-Marcel Favre, 1979, chapitre « Apprentis et compagnons » et Archives du Comité international de la Croix-Rouge (ci-après : ACICR), Fonds Archives générales/Enfants (AG-Enfants), B.AG.239.008-001.01, lettre de Terre des hommes (Jean-Claude Jaccard) au directeur exécutif du CICR à Genève (Roger Gallopin), 3 août 1960.
  • [4]
    Vera Hajtó, « The “wanted” children. Experiences of Hungarian children living with Belgian foster families during the interwar period », The History of the Family, vol. 14, 2009, pp. 203-216 ; Célia Keren, « L’évacuation et l’accueil des enfants espagnols en France : cartographie d’une mobilisation transnationale (1936-1940) », thèse de doctorat de l’EHESS, 2014 ; Friederike Kind-Kovács, « The “other” child transports: World War I and the temporary displacement of needy children from Central Europe », Revue d’histoire de l’enfance irrégulière, n° 15, 2013, pp. 75-109 ; Aura Korppi-Tommola, « War and children in Finland during the Second World War », Paedagogica Historica, vol. 44, n° 4, 2008, pp. 445-455 ; Tatiana Smirnova, « The outcomes for Soviet children evacuated to Czechoslovakia in the early 1920s », Russian Studies in History, vol. 48, n° 4, 2010, pp. 26-50.
  • [5]
    Archives fédérales suisses (ci-après : AFS), E2003A.1970, Croix-Rouge suisse/Secours aux enfants, Rapport et demande de renouvellement de financement à la Division des organisations internationales du Département de politique générale, 29 juin 1955.
  • [6]
    Yves Denéchère, « Nouvel acteur et nouveau phénomène transnationaux : Terre des Hommes et l’adoption internationale (1960-1980) », Relations internationales, vol. 142, n° 2, 2010, pp. 119-136.
  • [7]
    Karen Balcom, The Traffic in Babies. Cross-Border Adoption and Baby-Selling between the United States and Canada, 1930-1972, Toronto, University of Toronto Press, 2011 ; Arissa Oh, « Into the arms of America: The Korean roots of international adoption », thèse de doctorat, Université de Chicago, 2008.
  • [8]
    Yves Denéchère, « Des adoptions d’État : les enfants de l’occupation française en Allemagne (1945-1952) », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, vol. 57, n° 2, 2010, pp. 159-179 ; Tara Zahra, The Lost Children: Reconstructing Europe’s Families after World War II, Cambridge, Harvard University Press, 2011, notamment le chapitre « Children as spoils of War in France ».
  • [9]
    Yves Denéchère, Des enfants venus de loin. Histoire de l’adoption internationale en France, Paris, Armand Colin, 2011 ; Juliette Halifax, « L’adoption plénière en France : de l’établissement d’une filiation légale à la constitution d’une filiation sociale », thèse de doctorat, Muséum national d’histoire naturelle, 2007 ; Fábio Macedo, « Histoire transnationale de l’adoption d’enfants étrangers en France, en Suisse et au Brésil (1850-1990) », thèse de doctorat en cours, EHESS.
  • [10]
    La Conférence nationale suisse de service social était une association siégeant à Zurich qui réunissait en son sein des associations privées qui se consacraient au service social, ainsi que l’ensemble des services sociaux publics (municipaux, cantonaux et fédéraux).
  • [11]
    Archives d’État de Genève (ci-après : AEG), Fonds Union internationale de secours aux enfants/Union internationale de protection des enfants (ci-après : UISE-UIPE), A.16.1, Conférence nationale suisse de service social, Séminaire pour les problèmes suisses d’adoption, 1963.
  • [12]
    AEG, Fonds UISE-UIPE, A.16.1, Conférence nationale suisse de service social, Séminaire pour les problèmes suisses d’adoption, intervention de la directrice de la section suisse du Service social international (Élisabeth Bertschi), 18 avril 1963. Il convient de préciser que le terme « adoption internationale » était employé dès les années 1950 dans les milieux juridiques internationaux et de service social francophones. Le terme anglophone était intercountry adoption et donna lieu à des traductions littérales dans des textes onusiens de l’époque (« adoption entre pays »). Nous avons privilégié dans cet article l’expression « adoption d’enfant étranger », plus largement employée à l’époque, pour désigner l’acte d’adoption d’un enfant par des parents de nationalité distincte.
  • [13]
    AEG, Fonds UISE-UIPE, A.16.1, Conférence nationale suisse de service social, Séminaire sur les problèmes suisses d’adoption, rapport du groupe de travail « L’enfant et l’adoption », 22 avril 1963.
  • [14]
    ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.008-001.01, lettre des Amis suisses de la Cimade (Edmond Kaiser) au délégué du CICR à Genève (Roger du Pasquier), 1er juillet 1960.
  • [15]
    Les journalistes Marco Flaks et Roger Dubois sont cités directement et indirectement dans la correspondance entre Edmond Kaiser et le CICR, ainsi que dans celle interne au CICR.
  • [16]
    ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.008-001.01, note d’information interne (Pierre Gaillard) au directeur exécutif du CICR à Genève (Roger Gallopin), 5 juillet 1960.
  • [17]
    Raphaëlle Branche, « Entre droit humanitaire et intérêts politiques : les missions algériennes du CICR », Revue historique, n° 609, 1999, pp. 101-125.
  • [18]
    Annette Becker, Oubliés de la Grande Guerre. Humanitaire et culture de guerre, 1914-1918, Paris, Hachette, 2003 ; Isabelle Vonèche Cardia, Neutralité et engagement. Les relations entre le Comité international de la Croix-Rouge et le gouvernement suisse (1938-1945), Lausanne, Société d’histoire de la Suisse romande, 2012 ; ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.008-001.02, lettre du CICR (Pierre Gaillard) au secrétaire-général de la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge (M. Dunning), 2 avril 1958.
  • [19]
    ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.008-001.01, note d’information interne (Pierre Gaillard) au directeur exécutif du CICR à Genève (Roger Gallopin), 5 juillet 1960 et lettre du CICR (Pierre Gaillard) au délégué du CICR à Paris (William H. Michel), 6 juillet 1960. Sur les camps d’internements français en Algérie : Sylvie Thénault, Violence ordinaire dans l’Algérie coloniale : camps, internements, assignations à résidence, Paris, Odile Jacob, 2012.
  • [20]
    Ivan Jablonka montre en détail dans Enfants en exil : transfert de pupilles réunionnais en métropole (1963-1982), Paris, Seuil, 2009, comment, à la même époque, fut menée une politique d’État agressive de transferts d’enfants africains en France métropolitaine, sans que la question du déracinement fut avancée.
  • [21]
    ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.008-001.01, lettre du général Parlange à TDH (Jean-Claude Jaccard), 26 octobre 1960.
  • [22]
    ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.008-001.01, procès-verbaux d’entretiens télépho­niques avec la Croix-Rouge suisse et l’Union internationale de protection de l’enfance à Genève, 17 et 18 novembre 1960.
  • [23]
    ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.008-001.01, procès-verbal d’entretien entre le délégué du CICR (Michel Martin), Jean-Claude Jaccard et Edmond Kaiser à Lausanne, 23 novembre 1960.
  • [24]
    ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.008-001.01, lettre du CICR (Pierre Gaillard) à TDH (Jean-Claude Jaccard), 29 novembre 1960.
  • [25]
    ACICRR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.008-001.01, lettre de la Délégation générale du gouvernement français en Algérie (Max Moulins) à TDH (Jean-Claude Jaccard), 15 février 1961.
  • [26]
    AFS, E2003A.1978, TDH, note informative de TDH envoyé à l’Aide suisse à l’étranger, mai 1963.
  • [27]
    Code civil suisse du 10 décembre 1907, Livre deuxième : Droit de la famille, Titre septième : De l’établissement de la filiation, chap. III : De l’adoption, Articles 264-269.
  • [28]
    AEG, Fonds UISE-UIPE, A.16.1, Conférence nationale suisse de service social, Séminaire pour les problèmes suisses d’adoption, rapport du groupe de travail « L’enfant et l’adoption », 22 avril 1963.
  • [29]
    Edmond Kaiser, op. cit., pp. 246-247.
  • [30]
    AFS, E2003A.1978, TDH, rapport d’activité de TDH au 31 décembre 1962 ; rapport d’activité de TDH 1963 et 1964 ; extrait du rapport d’activité 1967 (in : Edmond Kaiser, op. cit., p. 303.)
  • [31]
    AFS, E2003A.1978, tdh, note interne concernant Terre des hommes rédigée par les services de la Division des organisations internationales au chef du Département politique fédéral, 13 juin 1966.
  • [32]
    AFS, E2003A.1988, Questions d’adoption, Terre des hommes.
  • [33]
    AFS, E2807.1974, Vietnam I, message du président Lyndon Johnson au conseiller fédéral Willy Spühler, 25 juillet 1965 ; correspondance interne au Département politique fédéral suivi du projet de réponse au président Lyndon Johnson, 5 août 1965.
  • [34]
    ACICR, Fonds AG-Enfants, b.ag.239.223-003.01, lettre de TDH (Edmond Kaiser) au chef des secours du CICR (M. Amann), 30 août 1965.
  • [35]
    ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.223-003.01, lettre du CICR (J.-P Maunoir) à TDH (Edmond Kaiser), 2 septembre 1965.
  • [36]
    ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.223-003.01, note de la délégation du CICR à Saïgon (André Tschiffeli) au cicr (J.-P Maunoir) sur la visite et les démarches de TDH sur place, octobre 1965.
  • [37]
    Cette distinction était faite explicitement à cause de la gravité des brûlures causées par le napalm.
  • [38]
    AFS, E2003A.1978, TDH, lettre du docteur Charles Hahn (TDH) au conseiller fédéral Willy Spühler, 6 février 1966 ; ACICR, Fonds AG-Enfants, B.AG.239.223-003.01, procès-verbal d’entretien entre le CICR et le directeur-administrateur de la Division des Affaires consulaires et de l’immigration au Département d’État à Washington, 20 octobre 1965.
  • [39]
    AFS, E2003A.1978, TDH, réponse du ministre chef de la Division des organisations internationales du Département politique fédéral (M. Burckhardt) au directeur de la Police fédérale des étrangers (Elmar Mäder), 8 décembre 1965.
  • [40]
    AFS, E2807.1974, Vietnam I, note interne de la Division des organisations internationales du Département politique fédéral, 24 mai 1966 ; E2003A.1978, TDH, « Note au chef de la Division des organisations internationales », 25 mai 1966 ; « Notice complémentaire sur Terre des hommes », 26 mai 1966.
  • [41]
    AFS, E2003A.1978, TDH, note de l’ambassadeur de Suisse en Israël à la Division des affaires politiques du Département politique fédéral, 1er juin 1966 ; télégramme du Parti socialiste lausannois (Christian Ogay, Henri Galland) au Département politique fédéral (Willy Spühler), 23 mai 1966 ; « Conseil national, Question écrite Bringolf-La Tour-de-Peilz, du 7 juin 1966 ».
  • [42]
    AFS, E2003A.1978, TDH, « Note au chef de la Division des organisations internationales », 25 mai 1966.
  • [43]
    AFS, E2807.1974, Vietnam I, note à usage interne intitulée « Terres des Hommes », Division des Organisations internationales du Département politique fédéral, 24 mai 1966.
  • [44]
    AFS, E2003A.1978, TDH, « Orientation à l’intention de la presse », Département fédéral de justice et police, Secrétariat du département, 25 mai 1966.
  • [45]
    AFS, E2003A.1978, TDH, note de la Police fédérale des étrangers à la Division des affaires poli­tiques du Département politique fédéral, le 12 août 1966 ; « À propos de l’accueil d’enfants vietnamiens en Suisse, position de la Conférence nationale suisse de travail social », 4 juillet 1966.
  • [46]
    Alfred E. Von Overbeck, « Quelques observations sur la révision du droit suisse de l’adoption », Conférence à la Société fribourgeoise des juristes, Fribourg, 6 mars 1967. (in AEG, Fonds UISE-UIPE, A.16.2).
  • [47]
    AEG, Fonds UISE-UIPE, A.16.2, lettre du SSI-Suisse au Département fédéral de justice et police, 17 mars 1966.
  • [48]
    AEG, Fonds UISE-UIPE, A.16.2, Conférence nationale suisse de travail social, Programme du deuxième Séminaire sur les problèmes suisses d’adoption, 19-21 juin 1969.
  • [49]
    AFS, E2003A.1980, TDH, communiqué du Département fédéral de justice et police sur l’accueil durable en Suisse d’enfants vietnamiens, 30 juin 1967 ; circulaire de la Police fédérale des étrangers aux polices cantonales sur l’admission d’enfants orphelins ou abandonnés du Vietnam en vue de leur placement chez des parents nourriciers, 27 juillet 1967.
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