Couverture de RI_146

Article de revue

De l'économie de guerre au secours philanthropique : care et les enjeux de l'aide américaine dans l'Europe de l'après-guerre

Pages 25 à 41

Notes

  • [1]
    Akira Irye, Global Community. The Role of International Organizations in the making of the Contemporary World, Berkeley-Los Angeles-Londres, Univ. of California Press, 2002, p. 37 sq.
  • [2]
    L’historiographie de care reste très lacunaire et dominée par des acteurs de l’institution : Wallace J. Campbell, The story of Care: a personnel account, New York, Praeger, 1990 ; Stanford Orson Cazier, Care : a study in cooperative voluntary Relief, [s.l.], [s.n.], New York Public Library (nypl)-care 4 ; Harold Gauer, Selling big Charity, La Glendale, Precision Process Books, 1990 ; Charles Bloomstein, History of care, [1952] (histoire commanditée par le directeur de care, Paul C. French, mais qui n’a jamais été publiée, le manuscrit et les travaux préparatoires se trouvent à la nypl-care 1 à 3) ; Karl Ludwig Sommer, Humanitäre Auslandshilfe als Brücke zu atlantischer Partnerschaft : care, cralog, und die Entwicklung der deutsch-amerikanischen Beziehungen nach Ende des Zweiten Weltkriegs, Brême, Selbstverlag des Staatsarchivs, 1999 ; Godehard Weyerer, « care Packages. Gifts from Overseas to a Defeat and Debilited Nation », in Detlef Junker (éd.), The United States and Germany in the Era of the Cold War, 1945-1990. A Handbook, Washington ; Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 522-527. Nous nous sommes fondé pour cette contribution sur les fonds archivistiques de l’agence américaine conservés à la New York Public Library, <http://www.nypl.org/sites/default/files/archivalcollections/pdf/care.pdf>.
  • [3]
    Philippe Ryfman, Une histoire de l’humanitaire, Paris, La Découverte, 2008, p. 37-38.
  • [4]
    Rachel M. McCleary, Global Compassion: Private Voluntary Organizations and u.s. Foreign Policy since 1939, New York, Oxford University Press, 2009, p. 16-41.
  • [5]
    Merle Curti, American Philanthropy Abroad, New Brunswick, Transaction Inc., 1988 [1963].
  • [6]
    Stanford Orson Cazier, Care…, et Harold James Seymour, Design for giving: the story of the National War Fund, inc., 1943-1947, New York, Harper, 1947.
  • [7]
    Engagé au grade de capitaine durant la Première Guerre mondiale, il occupe un poste d’administrateur pour l’ara, puis de chef de mission en Tchécoslovaquie. Après 1945, il sera actif dans le Food for Peace Program, et the American Freedom from Hunger Foundation, nypl-care 4.
  • [8]
    Chapitre Supply Division, Charles Bloomstein, History of care… Le colis pèse 30 pounds (13,61 kg) et est constitué de 10 pd. de viande, 6,5 pd. de céréales, 3,6 pd. de pudding et confiture, 2,3 pd. de légumes, 3,9 pd. de sucre et sucreries, 1,1 pd. de café, cacao et jus de fruits en poudre, 0,8. pd. de lait en poudre, 0,5 pd. de beurre, 0,4 pd. de fromage, le reste est composé de cubes de soupes et de cigarettes.
  • [9]
    Voir les accords avec le Département de l’Agriculture américain, 17 janvier 1946 (nypl-care 14) et avec le War Assets Administration (15 février 1946, nypl-care 23) pour la vente de 2,8 millions de colis Ten-in-One au prix de 6,5 dollars l’unité.
  • [10]
    Rachel M. McCleary, Global compassion…
  • [11]
    By-Laws of Care, 28 novembre 1945, nypl-care 1.
  • [12]
    Fortune, décembre 1947.
  • [13]
    Minutes du Board of Directors de care, 15 février 1947, nypl-care 1170.
  • [14]
    Télégramme du Département d’État à ses légations à l’étranger, 14 novembre 1945, nypl-care 14.
  • [15]
    Wallace J. Campbell, History of care…, p. 32.
  • [16]
    Agence publique en charge de coordonner les activités des institutions privées et les liaisons avec les agences étrangères.
  • [17]
    Richard Dominic Wiggers, « The United States and the Refusal to Feed German Civilians after World War II », in Steven Bela Vardy, T. Hunt Tooley (éd), Ethnic Cleansing in Twentieth-Century Europe, New York, Columbia University Press, 2003, p. 441-466.
  • [18]
    Dates de la signature des principaux accords : France, 1er avril 1946, Norvège, 5 avril 1946, Finlande, 17 avril 1946, Italie, 26 avril 1946, Pays-Bas, 1er mai 1946, Autriche, 3 juin 1946, Pologne, 10 mai 1946, Grèce, 19 juin 1946, Allemagne, zone us, 5 juin 1946, Berlin, zone us, 15 juin 1946, Allemagne, zone gb, 21 juin 1946, Allemagne, zone fr, 8 novembre 1946, Tchécoslovaquie, 27 juillet 1946, Roumanie, 7 février 1947, Irlande, 3 juillet 1947, Belgique, 8 juillet 1947, Bulgarie, 7 juillet 1947, Hongrie, 23 septembre 1947, Chypre, 1er octobre 1947, Yougoslavie, 26 décembre 1950, nypl-care 23.
  • [19]
    Rapport de Lincoln Clark, 14 mars 1947, nypl-care 23.
  • [20]
    Stanford Orson Cazier, Care…, p. 136 sq.
  • [21]
    Chapitre 13, « Les donateurs », Charles Bloomstein, History of care
  • [22]
    Dossier Allemagne, notes du manuscrit de Charles Bloomstein, nypl-care 2.
  • [23]
    Dossier France, notes du manuscrit de Charles Bloomstein, nypl-care 2.
  • [24]
    Rapport de C. French suite à une conférence à Paris en présence des délégués en Europe, 27 avril 1947, nypl-care 1170.
  • [25]
    Fortune, décembre 1945.
  • [26]
    Charles Bloomberg, History of Care…, p. 111.
  • [27]
    Minute Board of Directors, 10 septembre 1946, nypl-care 14.
  • [28]
    Chapitre 3 « Reorganization », Charles Bloomberg, History of Care…
  • [29]
    Fortune, décembre 1947.
  • [30]
    Foster Rhea Dulles, The American Red Cross: A History, New York, Harper, 1950.
  • [31]
    Dossier sur Division de Supply, nypl-care 3.
  • [32]
    Dans cet accord, care s’engage à libérer un million de paquets inclus dans l’accord de février 1946 au bénéficie de l’unrra, il reste donc pour care 1,8 million de colis, dont le prix d’achat est baissé à 4,25 dollars. En novembre, care libère 300 000 colis supplémentaires, mais, le 22 janvier, care commande un nouveau lot de 308 510 colis, nypl-care 15.
  • [33]
    Entretien de Charles Bloomstein avec Louis S. Scherer, chef de la Supply Division, 26 octobre [1949], nypl-care 3.
  • [34]
    Chapitre 8, Stanford Orson Cazier, Care…, nypl-care 4.
  • [35]
    nypl-care 899.
  • [36]
    Minutes, Board of Directors, 7 août 1945, nypl-care 1170.
  • [37]
    Chapitre 4, Stanford Orson Cazier, Care…, nypl-care 4.
  • [38]
    Fortune, décembre 1947.
  • [39]
    Né à Philadelphie, journaliste au The Philadelphia Record, directeur d’État (Pennsylvanie) pour le Writers Project, secrétaire exécutif pour le National Service Board for Religious Objectors durant la guerre. Il est nommé directeur exécutif en octobre 1946.
  • [40]
    Charles Bloomstein, History of care…, p. 391.
  • [41]
    « Report on World Food and Conditions », [1948] de Paul Comly French, nypl-care 25.
  • [42]
    nypl-care 3.
  • [43]
    Charles Bloomstein, History of care…, p. 413.
  • [44]
    « The Home Office », chapitre 5, Charles Bloomstein, History of care
  • [45]
    Stanford Orson Cazier, Care…, p. 180.
  • [46]
    Enquête présentée par la Reaction Analysis Branch, Information Service Division, Public Affaire Office, 6 mai 1950 nypl-care 17.
  • [47]
    « care Inc. », Fortune, décembre 1947.
  • [48]
    Godehard Weyerer, « care Packages… ».
  • [49]
    Charles Bloomstein, History of care…, p. 363.
  • [50]
    Programme de publicité pour sept mois, débutant le 1er juin [1948], Paul C. French [1948], nypl-care 14.
  • [51]
    Cette loi permet aux agences volontaires privées de bénéficier pour leur programme de secours des surplus alimentaires de l’agriculture américaine.

1Considéré par certains auteurs comme le produit d’une nouvelle forme d’internationalisme issu de la Seconde Guerre mondiale, le Committee for Assistance and Remittance for Europe (care), qui deviendra à partir de 1952, le Committee for Assistance and Remittance for Everywhere est exemplaire des enjeux et des problèmes des actions de secours de l’immédiat après-guerre [1]. Cette agence issue de la tradition philanthropique américaine est mise sur pied quelques mois après la fin des combats avec comme principal objectif l’envoi de colis alimentaires financés par des donateurs étasuniens en faveur de particuliers européens.

2Constitué à sa fondation par vingt-deux associations privées américaines, ce cartel est généralement présenté comme un élément représentatif d’une nouvelle étape de l’histoire de l’humanitaire après 1945 [2]. Rompant avec le caractère confessionnel ou communautaire des associations volontaires caritatives américaines et les agences officielles engagées dans le secours aux populations européennes après la Première Guerre mondiale, à l’image de l’American Relief Administration (ara), care est souvent admis comme un élément significatif « d’une floraison assistancielle privée » en réponse aux conséquences désastreuses de la guerre [3].

3À notre sens, une étude plus approfondie des premiers pas de l’histoire de care questionne cette interprétation et apporte un éclairage différent à cette analyse de l’histoire de l’action de secours de l’après-guerre. Notre propos est de montrer que l’action de care constitue, dans un premier temps, une opération destinée à assurer les envois de colis des différentes communautés émigrées aux États-Unis vers leurs familles et connaissances en Europe. Ainsi, care s’inscrit dans une longue tradition caritative ethnique et traduit le maintien de fortes attaches des populations immigrées avec l’Europe. Son développement se construit sur la volonté de trouver une alternative aux difficultés posées par le trafic postal, profondément perturbé par la destruction des voies de communication, la désorganisation des services publics, mais aussi les déplacements de populations. Pourtant, les premiers pas de care sont extrêmement difficiles, menaçant à plusieurs reprises la poursuite du projet. L’agence volontaire nécessite plus de dix-huit mois pour consolider son action, au prix d’une très large campagne publicitaire et d’importants appuis publics. Ces conditions essentielles à la survie puis au développement postérieur de care questionnent l’importance de la mobilisation de la société américaine, très sollicitée depuis 1941 par les différentes campagnes de la Croix-Rouge américaine ou du National War Fund.

4Comme nous le verrons, cette nouvelle institution, malgré son origine privée, poursuit d’une certaine manière la voie ouverte par l’ara à la fin de la Première Guerre mondiale. Sous le contrôle étroit de l’administration publique, care s’impose comme un instrument au service de la politique étrangère américaine. Inspirée par l’action menée à la fin de la Grande Guerre par Herbert C. Hoover, elle constitue, par son caractère privé et volontaire, un instrument intéressant pour développer une action parallèle et complémentaire à celles de l’United Nations Relief and Rehabilitation Administration (unrra) et des armées alliées. Par son caractère individuel et par la création d’un lien direct entre la population américaine et les victimes européennes, l’aide apportée par care est considérée par ses promoteurs comme un instrument utile pour la création d’un courant d’empathie pour l’Amérique dans un contexte de début de la Guerre froide, en particulier dans les zones d’occupation en Allemagne.

Reinventer l’ara ?

5L’association care s’inscrit dans un mouvement plus général qui débute avec la mobilisation et la création aux États-Unis d’une multitude d’agences privées volontaires au début de la Seconde Guerre mondiale pour l’envoi de secours vers les pays victimes de la guerre. Issue généralement d’associations et de clubs locaux, cette action se fonde sur les liens des communautés immigrées avec leur pays d’origine, l’invasion progressive des pays européens par les forces de l’Axe mobilisant successivement les différentes communautés à travers les sociabilités ethniques et religieuses. Ainsi, fin 1941, 424 agences privées sont enregistrées auprès du President’s Committee on War Relief Agencies, en charge du contrôle et de la coordination des organisations humanitaires par l’administration publique, soit presque le double qu’en 1939 (240). La majorité de celles-ci est organisée sur une base nationale et laïque [4].

6Malgré ses origines civiles, cette action significative fait l’objet d’un étroit contrôle des autorités américaines, en particulier à travers le President’s War Relief Control Board (wrcb, 1942-1946) qui prend la suite, en juillet 1942, du President’s Committee on War Relief Agencies (1939-1942). Poussé par la volonté des autorités d’organiser, de contrôler et de garantir l’efficacité des institutions privées, le wrcb promeut la mise en place de grandes associations sur une base nationale (American Relief for Czechoslovakia, American Relief for France…) qui absorbent de nombreuses agences locales actives depuis 1939 et imposent l’adjectif « américain » dans leur désignation [5].

7Ce processus de cartellisation est favorisé par la mise sur pied en 1943 du War National Fund, qui centralise la récolte des donations par l’organisation de grandes campagnes nationales annuelles (1943, 1944 et 1945). L’objet est d’éviter les confusions et les doublons produits par le développement associatif des premières années, mais aussi de mobiliser avec de puissants moyens de publicité, la société étasunienne. Ses contributions à ce fonds s’élèvent pour ces trois campagnes à 750 millions de dollars, dont la moitié est réservée à l’aide extérieure [6]. Ces revenus sont redistribués aux principaux cartels, organisés, comme nous l’avons vu, par pays, voire éventuellement par type d’action, ce qui donne un instrument de contrôle et d’intervention décisif aux autorités.

8Ce double mouvement de centralisation et de nationalisation des agences privées est certes étroitement lié à la volonté de garantir une gestion efficace des collectes publiques, des ressources alimentaires, des moyens de transport et de limiter les acteurs extérieurs sur le terrain d’opération militaire. Mais il s’agit également de contrôler étroitement les opérations humanitaires, perçues comme un instrument politique et diplomatique de l’effort de guerre et d’organiser en parallèle un système efficace de collaboration entre l’armée, le gouvernement et les agences civiles au moment de faire face aux besoins des populations libérées ou occupées.

9La nécessaire planification de l’occupation du territoire européen et le souvenir de l’action de l’ara à la fin de la Première Guerre mondiale sont à l’origine des premières discussions en vue de mettre sur pied un système d’envois de colis vers l’Europe. Durant l’année 1943, le wrcb autorise Arthur Ringland (1882-1981) [7], directeur exécutif de l’institution et ancien chef de mission de l’ara en Tchécoslovaquie, et James Brunot à proposer un projet. Cette réflexion est menée alors qu’en parallèle, le gouvernement américain décide début 1944 de développer une politique plus active en faveur du sauvetage des victimes du national-socialisme, avec la mise sur pied, début 1944, du War Refugee Board.

10À la suite du débarquement en Normandie, le wrcb conçoit plusieurs scénarios. Cependant, le refus de la Croix-Rouge américaine de participer à une opération de vente de colis et la volonté du gouvernement américain de ne pas lancer sous son égide une action qui puisse être interprétée comme une remise en cause de son soutien à l’unrra, expliquent sans doute le choix de soutenir la formule basée sur des organisations privées.

Une gestation difficile

11L’organisation et les objectifs de care suivent assez logiquement les principes de la politique des autorités américaines visant la centralisation et le contrôle des initiatives caritatives privées. En conséquence, care s’inscrit dans un modèle qui cherche à dépasser les frontières traditionnelles de la philanthropie ethnique ou religieuse pour se mettre au service d’un label américain. Cependant, care ne se réduit pas à une simple institution écran, qui, couverte par ces apparences privées, cache la main de Washington. En effet, le projet care connaît une gestation extrêmement difficile. Jusqu’à l’arrivée du premier colis care, le 8 mai 1946 au port du Havre, celui-ci est plusieurs fois menacé d’être abandonné, ce qui suggère les hésitations et les tâtonnements des autorités étasuniennes partagées entre les priorités imposées par l’administration des populations des pays libérés, l’engagement américain au sein de l’unrra et la gestion publique des initiatives privées.

12Sans être un projet abouti du Département d’État, care est certes le produit des principes et des projets discutés au sein du gouvernement à partir de 1943. Cependant, sa réalisation est essentiellement possible par l’engagement d’une élite portée par le souvenir héroïque de l’action d’Hoover après la Première Guerre mondiale et guidée par une large connaissance de la complexe machine administrative et militaire mise en place par le gouvernement américain durant la guerre. Parmi les initiateurs de care et ses futurs employés, on distingue des hauts fonctionnaires de l’État ou de l’unrra, comme A. Ringland ou Alexander B. Hawes, conseiller diplomatique pour l’unrra, des anciens militaires, notamment engagés dans la gestion de la complexe économie de guerre de l’armée, et des spécialistes du commerce industriel. Par exemple, Louis S. Scherer, premier responsable de la Supply Division de care, est un ancien cadre des services de l’approvisionnement de l’armée durant la guerre au bénéfice d’une longue expérience dans l’une des plus grandes sociétés de distribution et de vente de produits au détail, Sears, Roebuck & Co.

13Sur ce point, ce personnel inscrit care en rupture avec les institutions animées par des volontaires issus des milieux religieux et de l’émigration. Malgré la dimension non lucrative de l’agence, l’institution est gérée comme une véritable entreprise commerciale. La professionnalisation qui est à l’œuvre dans la mise sur pied d’un tel cartel est liée à l’engagement financier et institutionnel des principales agences privées, mais aussi à la possibilité de mobiliser rapidement d’importantes quantités de nourriture.

14Dans cette perspective, le lancement du projet care se concrétise par l’existence d’un important stock de colis de nourriture appartenant à l’armée américaine, qui avaient été préparés dans la perspective de l’occupation du Japon. En effet, à la fin de la guerre, les entrepôts de l’armée conservent 7,7 millions de paquets Ten-in-One, un colis prévu pour nourrir dix soldats durant un jour, soit trois repas complets pour 40 000 calories de produits cuisinés. Produit de « luxe », destiné aux soldats dans l’attente de la mise en place de cuisines de campagne, il est emballé dans un matériel robuste prêt à résister aux intempéries et aux changements climatiques [8].

15Malgré la possibilité d’acquérir une partie de ces paquets de nourriture prêts à la consommation et la fondation officielle du cartel, le 11 novembre 1945, la nouvelle agence affronte de nombreux obstacles administratifs et financiers. Ses responsables doivent obtenir le soutien des principales institutions publiques engagées dans le contrôle des agences caritatives et de l’économie de guerre avant d’acquérir ces colis et débuter leur vente. En fait, durant les mois de décembre 1945 et janvier 1946, le comité de care fait face à une véritable course contre le temps, qui menace sérieusement le lancement du projet.

Principes

16Une fois ces premiers problèmes dépassés, care parvient finalement à obtenir 2,8 millions de colis Ten-in-One[9]. Il faut souligner que cet important montant engage l’association dans une opération ambitieuse et très délicate au niveau financier. Pour conquérir une place décisive dans le marché très concurrentiel de l’aide vers l’Europe, à un moment où de nombreuses associations volontaires disparaissent face à la baisse des contributions privées après 1945 [10], care se développe sur des principes simples et un modèle qui, comme nous l’avons vu, s’inscrit dans l’évolution de la politique philanthropique du gouvernement américain. Sur une base « non profitable », care vend à un prix très favorable des colis à des particuliers américains, pour leur envoi à des destinataires désignés par les donateurs. Selon l’article 1 de ces statuts, « […] the principal purpose of the association is to mitigate the suffering of victims of the war by facilitating voluntary contributions of food and other commodities to designated individuals and organizations in aeras of need » [11].

17De cette façon, care garantit aux Américains qui souhaitent envoyer de l’aide par la poste de ne pas être la proie d’entreprises commerciales profitant de la forte demande sur ce marché. Il faut noter qu’à la fin de la guerre l’envoi de paquets postaux vers l’Europe est une pratique généralisée. En 1946, plus de 27 millions de colis sont envoyés outre-mer par poste [12]. L’objectif de care est donc de jouer le rôle d’intermédiaire entre le donateur-expéditeur avec le bénéficiaire-destinataire et de garantir la livraison de ces paquets cadeaux dans les 120 jours. Suite à l’achat du colis, un bon est envoyé au destinataire désigné par le donateur, lui permettant d’acquérir son colis correspondant dans les entrepôts de stockage, par les services postaux ou directement chez lui en fonction du système de distribution existant dans chaque pays. Ce mode de fonctionnement développé par care peut paraître assez simple, mais il est difficile à mettre en œuvre dans le contexte de l’après-guerre.

Diplomatie humanitaire

18care débute son opération en février 1946 par une série de conversations à Washington avec les représentants des pays libérés et les agences américaines privées [13]. Quelques semaines auparavant, fin novembre 1945, le Département d’État avait demandé à ses représentations à l’étranger d’informer les États intéressés de la mise sur pied de care et de donner leur entier soutien à cette opération [14]. Dans une deuxième étape, care mandate différents représentants au printemps 1946 en Europe afin d’obtenir des accords signés par les gouvernements autorisant le développement de son action. Ces premiers échanges sont possibles grâce au soutien actif de la diplomatie américaine et de l’unrra, dont les représentants facilitent les contacts et accueillent les représentants de care. Cependant, pour développer son projet, care conditionne ses envois à différentes exigences qui sont l’enjeu de ces premières négociations avec les pays récepteurs. En effet, l’administration américaine, plus précisément le War Assets Corporation, accepte de vendre les colis sous trois conditions : l’affranchissement des colis des taxes d’importation, leur protection par les autorités locales pour leur transport, stockage et distribution, ainsi que l’engagement à renoncer à des mesures discriminatoires contre les bénéficiaires, notamment par la baisse de leur rationnement [15]. Lors de ces négociations, le principal problème est la présence de sucre et surtout de cigarettes dans les colis Ten-in-One, ces marchandises représentant des produits très valorisés sur le marché noir, sans être des produits de première nécessité. Pour les autorités des États européens, dont les rentrées en devises sont extrêmement réduites, la défense des taxes sur ces produits constitue un enjeu financier loin d’être négligeable.

19L’organisation du service de distributions représente également un enjeu essentiel. L’institution américaine souhaite privilégier généralement des entreprises de transport privées ou des réseaux de caisses d’épargne. Le recours à des services privés garantit à care une plus large liberté d’action et un prix moins élevé. Ainsi, en France, après avoir travaillé avec l’agence publique L’Entraide française pour la libération[16], care parvient à signer un accord avec la Société générale des coopératives de consommation, puis avec la société privée Calberson, qui offre un meilleur prix d’opération. Cependant, la question des distributions est liée à des enjeux politiques, qui expliquent la volonté de certaines administrations d’imposer un système de distribution sous le contrôle des autorités publiques voire militaires. Ainsi, care est contraint de céder le contrôle de la distribution à l’agence officielle endsi en Italie, mais aussi le Central German Committee of Private Welfare Organisation under Laenderrat for Foreign Supplies (cgc) dans la zone américaine et au Zonal Welfare Advisory Committee (zwac) dans la zone anglaise en Allemagne.

20Les négociations concernant l’ouverture des zones d’occupation en Allemagne pointent différents problèmes posés par l’action de care. Alors que la politique américaine glisse progressivement d’une politique punitive à l’égard de l’Allemagne vers une politique d’assistance plus active, l’irruption d’un nouvel acteur privé, représente une ouverture dans un espace d’intervention dominé par l’armée et soumis aux enjeux imposés par le contrôle du territoire et des secours. La surveillance des opérations humanitaires, en parallèle à la répression judiciaire et au mouvement de dénazification, est liée à un processus de catégorisation visant à déterminer la « bonne victime » [17]. À l’opposé, le projet de care offre une nouveauté par sa dimension non discriminatoire, se réduisant à transmettre l’aide financée par les donateurs aux bénéficiaires, sans contrôle du profil de ces derniers, ce qui fera l’objet de nombreuses critiques contre care. Les autorités militaires américaines en Allemagne se montrent notamment très critiques à l’égard de l’aide « individuelle » proposée par le cartel. Le général Clay en particulier exige la concession d’une plus large aide « généralisée » en faveur des populations faisant face au plus grand besoin. Avec raison, il estime que le système de care bénéficie aux personnes ayant un « oncle » en Amérique, indépendamment de leur responsabilité et de leur situation personnelle durant la guerre et dans l’immédiat après-guerre.

21Cependant, la situation alimentaire catastrophique des populations européennes joue rapidement en faveur de care, qui signe avec les différents gouvernements concernés des accords successifs en trois grandes étapes. Le premier groupe de pays comprend les États scandinaves, la France, l’Italie, les Pays-Bas et la Pologne, avec qui care signe des conventions en avril-mai. Ce choix s’explique à la fois par des raisons pratiques (accès à la mer, présence d’une colonie importante aux États-Unis) et politiques (ex-pays occupés ou alliés). Une deuxième série d’accords débute en juin, avec la Grèce, l’Autriche, puis les zones allemandes occupées par les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France, et la Tchécoslovaquie. Enfin, dans un troisième temps, l’action de care s’élargit en 1947 par l’ouverture de nouveaux pays sous tutelle soviétique (Roumanie, Hongrie, Bulgarie), de la Belgique, dont l’administration se montre réticente à l’égard d’un possible accord, puis de Chypre, et finalement de la Yougoslavie [18]. En Angleterre, le gouvernement, qui se montre également critique sur le système de remise personnalisée promu par care, renonce à formaliser un accord, mais s’engage oralement à respecter les conditions imposées par l’agence américaine [19].

22La majorité des pays d’Europe occidentale accueillent finalement de façon positive le projet care, car il leur permet d’apporter une réponse, malgré les limites qu’il comporte, aux besoins alimentaires de la population. Le début de l’opération care coïncide avec une période particulièrement délicate après un hiver exceptionnellement froid, notamment en Allemagne dont la population, de février à mai, subit une forte baisse des rations alimentaires dans les zones américaines et britanniques (1 550 à 1 180 calories par jour) [20]. Ainsi, dans les zones occupées, care accepte finalement certaines concessions et s’engage à distribuer 50 % de ses envois sans recourir au principe de la désignation par les donateurs, une exigence semblable est formulée pour la zone britannique (40 % pour l’aide dite « générale »). Cependant, cet objectif sera loin d’être atteint, les envois individuels représentant dans les deux premières années de l’action de care en Europe, plus de 95 % des envois totaux [21].

Problèmes

23Guidée par des objectifs inspirés par le succès précédent de l’ara, la première étape de l’activité de care en Europe est un échec relatif. En effet, l’agence fait face à de nombreuses difficultés pour garantir un service efficace. Mis à part des taux de change très défavorables, care est confrontée à d’importants problèmes pour livrer ses colis dans des délais raisonnables. La destruction des voies de communication occasionne des retards de plus de six mois pour les livraisons destinées à l’Allemagne [22]. Dans ce dernier pays, seuls les ports de Hambourg et Brême sont encore en fonction. Le port de Brême, qui est le principal point d’entrée de l’aide alimentaire, est la proie à l’insécurité, les entrepôts étant l’objet de pillages réguliers par les dockers eux-mêmes. En France également, on évalue à plus de 5 % les pertes de colis pour vol et pillage dans le port du Havre [23]. Malgré les difficultés pour trouver des entrepôts sécurisés, des locomotives en fonctionnement, des camions et des wagons étanches, les équipes de care en Europe parviennent néanmoins à installer un service régulier notamment grâce à l’appui de l’unrra et des services de distribution. Cependant, care fait face à d’autres problèmes liés notamment à la destruction d’une partie des villes et aux déplacements massifs de population qui rendent difficile l’utilisation des adresses fournies par les donateurs et l’identification des bénéficiaires, en particulier au Sud et à l’Est de la Pologne [24].

24Cependant, les causes essentielles des débuts très hésitants qui menacent de paralyser l’opération à la fin de l’année 1946, sont liées aux difficultés de care pour s’imposer sur le marché philanthropique américain. Le lancement de son action s’inscrit dans un contexte de reflux des dons pour l’aide privée. De même, care, en tout cas durant le premier semestre 1946, reste peu connue par les Américains. Au début septembre 1946, seuls 300 000 colis sont vendus, un résultat qui reste loin des attentes initiales.

25Une certaine confusion quant au caractère non lucratif de l’association semble également expliquer la réticence du public américain. Le prix de 15 dollars par colis détourne également une partie des donateurs potentiels, comme le suggère une enquête commandée par care. En moyenne, le prix dans un commerce de détail du contenu du colis standard en 1947 est estimé, sans les taxes et les frais d’envois à 9,60 dollars [25]. Sur la base d’un questionnaire distribué à 800 familles italiennes, polonaises et allemandes, il ressort que les émigrés allemands investissent pour les paquets réalisés par leur soin et destinés à leurs proches en Europe, en moyenne 13,62 dollars, les autres groupes uniquement entre 5,43 à 6,76 [26]. La baisse du prix du colis à 10 dollars en automne 1946, à la suite d’un accord avec l’armée, joue ainsi un rôle important dans l’augmentation des donations. Celle-ci suit de quelques semaines, en juin 1946, l’ouverture à care de la bi-zone américaine et anglaise en Allemagne, puis de Berlin (en septembre les autorités soviétiques acceptent que les résidents en zone soviétique puissent chercher des colis care dans les autres zones [27]). En conséquence, les ventes de paquets augmentent à 23 000 en juillet (en mai, les ventes se limitaient à 3 000 colis hebdomadaires). En septembre les ventes continuent sur une courbe ascendante, avec un peu moins de 100 000 colis mensuels. Cependant, malgré ces chiffres positifs, ceux-ci sont encore loin des 600 000 colis mensuels envisagés au début du projet [28].

Industrie de l’humanitaire

26L’institution affronte dans les premiers mois de son activité de nombreuses tensions, qui sont donc à la fois le fruit de l’échec de ses débuts et de la difficulté à suivre l’augmentation des commandes à partir de l’ouverture du marché allemand. Cette situation peut sembler paradoxale, mais elle illustre la gestation complexe d’une véritable entreprise de l’humanitaire de masse, inspirée des méthodes d’organisation de l’armée durant la guerre et issue de cet extraordinaire laboratoire de l’économie libérale qu’est New York.

27À l’image des principales associations caritatives américaines, care établit son siège à New York, centre de distribution de l’aide vers l’Europe. Elle devient à partir de 1947 une agence internationale, employant 830 collaborateurs à son siège. care construit son succès par la mise en place d’une économie du colis, comme le suggère de manière heureuse le titre d’un article du journal Fortune, en décembre 1947 : « care Inc. […] in which American Business methods are uniquely mixed with the spirit of charity » [29].

28Le passage d’une économie associative à une véritable industrie du secours alimentaire est perceptible par le développement de techniques d’empaquetage et de transport au service d’une plus grande rentabilité et efficacité, qui suivent le modèle utilisé notamment par la Croix-Rouge américaine durant la guerre [30]. Le centre productif de « colis » est basé à Philadelphie au Pier 38, dans un entrepôt de plus de 17 000 m2 employant 400 ouvriers et équipé de trois chaînes de montage capables de préparer 1 200 colis par heure. Ceux-ci sont déposés dans des palets d’une demi-tonne avant leur transfert vers un double dock, qui permet de charger en parallèle deux cargos avant leur départ pour l’Europe [31].

29Après l’épuisement du stock de « Ten-in-One », fin 1946 et l’écoulement de 1,8 million de colis de l’armée [32], care se voit contrainte pour poursuivre son action de lancer son propre « New Food Package », qui devient rapidement le « colis standard ». Constitué principalement de conserves et réunissant des produits capables de supporter une longue période d’entreposage et un transport transatlantique, le « colis standard » emballé dans du papier carton résistant à l’humidité, cherche à offrir une nourriture complémentaire pour combler les nombreuses lacunes de la diète des populations victimes de la guerre.

30Sur le modèle du Ten-in-One, le colis, composé de conserves, fruits secs, chocolat, offre, aux yeux de care, des produits de qualité avec un apport énergétique significatif. Dans ce contexte, des consultations sont ouvertes, en particulier avec une équipe de nutritionnistes, afin de rassembler les aliments les plus efficaces du point de vue calorique et de l’équilibre diététique, ainsi que les moins fragiles en termes de sécurité alimentaire. Avec ce colis, on cherche notamment à apporter une amélioration par rapport au colis militaire, dont le rapport prix-valeur calorique n’est pas optimal, notamment par la présence d’une forte proportion de viande, l’absence de farine ou de riz. Le nouveau colis avec une valeur nutritionnelle de 43 000 calories propose un meilleur rapport prix-valeur alimentaire. L’objectif essentiel est d’offrir une nourriture complémentaire qui puisse permettre aux populations européennes une diète plus variée avec un apport minimum de 2 600 calories par jour. Enfin, avec ce nouveau colis, care peut supprimer du colis les cigarettes (100 à 200 selon le modèle de colis), qui posent problème car ce produit est particulièrement apprécié sur le marché noir et sert généralement de monnaie alternative.

31Le New Food Package, est imaginé également en réponse à des contraintes administratives, humanitaires et financières : le prix total des aliments ne doit pas dépasser 7,50 dollars, le colis doit être résistant aux contraintes climatiques imposées par le transport et son poids ne pas excéder 10 kg (22 pounds) pour permettre son éventuelle expédition dans les postes européennes [33]. Il s’agit également de s’adapter aux exigences religieuses, en particulier des juifs orthodoxes, par l’introduction de nouveaux colis kosher, ainsi qu’aux préférences alimentaires des donateurs-acheteurs et des bénéficiaires-consommateurs. care propose progressivement un catalogue de colis adaptés aux goûts et nécessités des différents pays inclus dans sa zone d’action, avec la mise en vente d’une douzaine de colis (Italian and Greek Food, British Food, Holiday Package…), incluant également des colis comportant des couvertures et des vêtements (Blanket package, Woolen suiting, etc.).

32Le produit care apparaît progressivement à la frontière entre l’objet commercial et humanitaire. En outre, sa production impose à l’agence philanthropique de devenir un acteur commercial se fournissant en farine au Nebraska et en Indiana, en viande chez Sells Specialities à Brooklyn, en sucre auprès de Domino, en fruits secs auprès de California Fruit Cooperative, mais aussi à l’extérieur des États-Unis, notamment au Royaume-Uni (viande en conserves), à Cuba et en Israël (chocolat), au Brésil (café), etc. Cette politique d’achat se développe en parallèle avec l’ouverture de bureaux de vente à l’étranger, en été 1948 au Brésil, qui comprend une grande communauté japonaise, juive et européenne, au Canada, mais aussi à Santiago, Lima, Mexico [34].

Publicité

33À l’écoute de l’offre et de la demande, care réussit finalement à s’imposer parmi les principales institutions humanitaires par une large entreprise de communication. Cependant, celle-ci se développe en plusieurs étapes oscillant entre les hésitations de certains membres de care soucieux de préserver l’identité non lucrative de l’association et la nécessité de développer les ventes, après des premiers mois d’activité très décevants.

34Dans une première étape, sous la direction du premier manager des ventes, John Speaks, publicitaire, ancien collaborateur de l’ara, la politique de communication s’adresse en particulier aux journaux des principales communautés immigrées. Sur la base d’un budget très limité, care bénéficie d’un premier appui décisif, après la décision du président Harry S. Truman de participer le 14 mai 1945, à une opération de publicité, largement couverte par la presse. Le président américain donne l’exemple en achetant 100 paquets care, soit dix par pays inclus dans l’opération. En mai également, Fiorello La Guardia, directeur de l’unraa, exprime à son tour son appui en déclarant à la radio que le paquet de care signifie « one of the best values I ever seen »[35]. D’autre part, l’American Banker Association, faisant suite à son engagement décisif lors de la campagne pour l’ara, accepte de diffuser dans ses filiales des informations sur l’action de care. Ce développement joue un rôle essentiel dans la présence progressive de care sur le territoire américain et son assise au niveau local, qui constituera un élément décisif de son succès.

35Durant l’été 1946, face aux résultats décevants du premier semestre de vente de colis, care décide de s’engager de manière plus résolue sur la voie publicitaire. Un budget de 50 000 $ est débloqué qui comprend notamment un programme de publicité dans 144 journaux [36]. Avec l’appui de conseillers en relations publiques, à l’image de Howard Chase, ex-vice-président de General Food, des entreprises publicitaires professionnelles sont mandatées par care, telles que Flannely & Woodward, entreprise spécialisée dans le marché féminin, et Benton & Bowles. À partir de ce moment, care communique par un discours cherchant à émouvoir les donateurs potentiels sur la situation européenne. De même, l’ensemble des moyens publicitaires est sollicité : deux à trois communiqués hebdomadaires sont préparés pour la presse à l’échelle nationale, alors que tous les quinze jours un communiqué est réservé pour la presse étrangère en dix langues. Des histoires personnelles sont rédigées et transmises en particulier à la presse religieuse et syndicale. Des annonces sont préparées pour les programmes radios. En parallèle, care a recours à d’autres formes de sollicitations, notamment par l’envoi de courrier aux institutions et donateurs potentiels, alors que des cartes postales sont remises aux populations européennes pour contacter leurs proches aux États-Unis, à l’exemple de l’opération faite à la fin de la Première Guerre mondiale.

36Cependant, le principal vecteur de cette conquête de l’espace public est le soutien de l’Advertising Council au début de l’année 1947, qui fait suite à l’appui de la Nation Publishers Association, qui offre des espaces publicitaires dans des journaux nationaux [37]. Cette puissante association, qui prend la suite du War Advertising Council, est créée par l’industrie publicitaire et des médias pour soutenir des campagnes de promotion sur des sujets considérés d’intérêt national en offrant des espaces de publicité gratuits. À partir de ce moment, care multiplie sa présence auprès du public américain, sous des formes les plus variées : care produit six petits films promotionnels (5 à 15 minutes) ; elle est présente sur les panneaux d’affichages de l’ensemble du pays, dans les transports publics, dans les journaux – notamment sous la forme de cartoons signés par le dessinateur O. Soglow dans le New York Magazin. Les résultats se traduisent, à la fin 1947, par une vente quotidienne de 20 000 colis. Durant l’année 1947, l’agence caritative atteint le chiffre de vente record de colis (39 millions de dollars) [38].

37L’entrée de care dans l’ère du marketing humanitaire se lit également dans son évolution institutionnelle. Après avoir été sous la direction d’un militaire, le général Haskell, qui permet à care de gagner la confiance des milieux officiels, le nouveau directeur dès 1947, Paul Comly French, est d’origine quaker, journaliste de formation, qui modernise l’organisation de l’institution, et qui incarne l’institution pour le grand public [39].

Psychologie

38Produit de l’économie de marché et de l’industrie de guerre américaine, le colis care s’impose comme un objet emblématique de l’aide américaine d’après-guerre, symbolisant les sentiments de solidarité du peuple américain avec les victimes de la guerre. Considérée comme l’« unofficial ambassador from the American people »[40], care constitue pour la diplomatie américaine un investissement extrêmement rentable. Selon Comly French, « They are person-to-person gifts, designed to build friendship and goodwill, designed to provide maximum value per dollar »[41]. Financée par la société civile, l’aide personnalisée proposée par care s’impose comme un moyen extrêmement efficace pour créer un courant de sympathie favorable aux États-Unis. Les acteurs de care se plaisent à comparer l’aide massive et « impersonnelle » des agences publiques et internationales fournies à la fin de la guerre, avec l’aide individuelle promue par care qui met en contact directement le peuple américain avec les bénéficiaires.

39Au-delà de sa dimension calorique, le colis care contient effectivement une dimension psychologique et symbolique qui explique son succès. Le « colis-cadeau » investit en particulier un imaginaire religieux que l’on retrouve dans une petite bande dessinée, qui comporte quelques vignettes en allemand réalisée par un(e) auteur(e) anonyme, certainement bénéficiaire de l’action care. Cette histoire illustrée intitulée « Ein care-Paket kommt » explique le fonctionnement du système care à travers le regard d’une famille bénéficiaire, qui reçoit un colis qui lui permet de préparer un repas de Noël familial et d’offrir quelques plaques de chocolats aux enfants [42]. La dernière vignette représente une colombe blanche portant des remerciements d’une ville européenne, certainement Berlin, volant en direction de la ville de New York. Vecteur de l’esprit fraternel et de l’espoir de la renaissance, le colis care s’impose comme la traduction de la solidarité occidentale dans un esprit de paix et de réconciliation. Pour Charles Bloomberg : « The package countains more than calories or warm clothing – it holds hope. And in a world this bleak, hope is perhaps the priceless ingredient […] by it’s work in breaking down barriers between nations and creating everywhere a feeling of friendship for America and Americans »[43].

40Mis à part cette dimension psychologique, care construit une image publique basée sur une double thématique, celle de l’enfance, comme expression de la victime innocente, et celle de l’aide massive du peuple américain. Celle-ci exprime un nouveau rapport des États-Unis avec les anciennes puissances ennemies, mais surtout elle suggère le rôle central de la puissante machine productive américaine dans la reconstruction de l’Occident, et la centralité de l’individu comme vecteur de démocratisation.

Bilan, impact

41Malgré ses débuts très difficiles et hésitants, care s’impose en quelques années comme une agence centrale parmi les acteurs des actions de secours dans l’immédiat après-guerre. Fin 1947, son aide, fondée pour l’essentiel sur l’envoi de paquets de nourriture, représente un montant de plus de 3,5 millions de colis distribués dans 14 pays différents. Elle devient la principale agence laïque et ces paquets représentent une part de plus de 40 % des secours convoyés par les agences américaines privées durant le premier semestre 1947 [44].

42En s’intéressant de plus près au bilan chiffré de care, il ressort que, malgré des actions non négligeables vers certains pays comme la Grèce ou l’Autriche, care est essentiellement, durant ses premières années, une opération tournée vers l’Allemagne. En septembre 1946, l’Autriche et l’Allemagne constituent les destinations de 80 % des donations de care[45]. L’importance de l’intervention en Allemagne est d’abord le résultat, comme nous l’avons vu, de la mobilisation des milieux immigrés d’origine allemande, qui ont grâce à la mise en place de care, pour la première fois, pu transmettre de l’aide à leurs proches et leurs familles en Allemagne.

43En ce sens, care joue parfaitement son rôle d’institution complémentaire des autres agences publiques et internationales. Il est certain que pour les forces d’occupation, engagées dans une politique de dénazification et de contrôle d’un territoire détruit et faisant face à des problèmes alimentaires extrêmement alarmants, la contribution de care n’est pas négligeable. Un sondage réalisé au début des années 1950 auprès de 1 950 personnes résidant dans l’ex-zone d’occupation américaine à Berlin (zone occidentale) et à Brême suggère qu’en moyenne un sondé sur onze a pu bénéficier d’une remise par care, un peu plus à Brême (1/7) et à Berlin (1/9). La majorité déclare avoir une bonne opinion de l’agence américaine, les principales critiques étant tournées vers le système de distribution considéré comme injuste [46].

44Il reste difficile de reconstruire le regard des bénéficiaires face à care, cependant, différents problèmes peuvent être pointés. Premièrement, care joue, pour l’essentiel, le rôle d’un « super facteur » motivé par des principes humanitaires. Son opération suit d’abord la demande des donateurs plutôt que la situation et les nécessités imposées par le terrain. Certes, l’urgence de la situation dans les zones occidentales en Allemagne coïncide de manière assez heureuse avec les demandes des donateurs. Faut-il voir là le témoignage de la maturité de la société civile américaine au moment d’identifier les besoins de l’Europe ? Selon nous, ce constat est la conséquence de la mobilisation de la communauté d’origine allemande aux États-Unis, bien organisée et avec des assises financières solides. En effet, care renonce, comme nous l’avons vu, à intervenir pour classer, vérifier voire orienter les dons. Cette politique est notamment à l’origine de plaintes en Angleterre dénonçant que certains bénéficiaires, après le début de l’action care en mars 1947, se rendent en Rolls Royce pour chercher leur paquet care, ou mandatent directement leur chauffeur pour récupérer leur colis. En Allemagne, il semble que le premier colis care distribué en Bavière fut destiné à l’ancienne secrétaire d’Adolf Hitler financé par « un admirateur » [47]. Deuxièmement, la valeur commerciale de son contenu dans l’Europe de l’après-guerre en fait un objet idéal pour alimenter le marché noir local et un moyen de s’enrichir rapidement. Il est difficile d’estimer l’impact du colis care de ce point de vue, mais cette question apparaît de manière récurrente dans différents pays. Troisièmement, le contenu de colis constitue pour l’essentiel un complément alimentaire pour l’amélioration de la situation de nombreuses familles allemandes, cependant la mise sur pied d’un service individuel représente un investissement supérieur à l’envoi massif de nourriture vers les populations nécessiteuses. Ainsi, care s’inscrit dans un marché de l’aide individuelle qui donne la priorité à un service plus attractif pour le donateur au prix de mobiliser une partie de ces moyens pour la constitution de colis individuels et pour la gestion administrative des demandes. Dans ce cadre, le modèle care répond à la fois à une demande d’une économie de l’humanitaire, mais s’impose rapidement comme un instrument très apprécié d’une diplomatie de la compassion et du secours.

45Produit de la guerre totale, care réélabore des techniques de production et de mobilisation issue de l’économie de guerre. D’une certaine manière, le carton estampillé care-usa des colis privatise des pratiques développées par l’armée en modifiant le rapport entre le donateur et les « victimes ». En ce sens, care peut être considérée comme une opération de neutralisation d’un instrument d’intervention militaire, le colis, mais aussi comme un prolongement de l’action de la Croix-Rouge américaine, qui envoie outre-mer des millions de colis pour les prisonniers de guerre alliés durant la guerre. Ces pratiques déterminent alors les formes de cette intervention d’après-guerre, qui bénéficient de ces expériences préalables.

46Dans un contexte de montée des tensions entre les blocs, le caractère « civil » du colis cadeau care s’impose comme un instrument psychologique utile à la reconstruction des liens avec la population allemande [48]. Face aux hésitations de la politique américaine à l’égard de l’Allemagne, care signifie une main tendue vers les populations allemandes, en particulier pendant le blocus de Berlin (à ce moment, les colis care contribuent pour 60 % à l’aide des organisations privées envoyée aux Berlinois) [49].

47La Guerre froide explique la consolidation de l’institution qui surmonte la baisse significative des contributions privées du public américain à partir de 1948, notamment suite à la mise sur pied du plan Marshall et à l’amélioration de la situation alimentaire sur le continent. L’agence subit également de profondes tensions qui divisent le comité. Ces épreuves vont précipiter la mutation de care, qui s’émancipe progressivement de la tutelle de ses membres fondateurs. En parallèle au lancement en juin 1948 par care du « personal Marshall plan. Send a care Package “now” » [50], cette transformation se traduit par une plus grande part de l’« aide générale », l’ouverture à son domaine d’action à de nouveaux espaces géographiques (Japon, Philippines, Pakistan, Thaïlande, Inde, etc.) et surtout par la participation à des programmes cofinancés par le gouvernement américain (Agricultural Act en 1949 [51]) ou par les institutions internationales (Book Fund avec l’unesco en 1949).


Mise en ligne 01/07/2011

https://doi.org/10.3917/ri.146.0025

Notes

  • [1]
    Akira Irye, Global Community. The Role of International Organizations in the making of the Contemporary World, Berkeley-Los Angeles-Londres, Univ. of California Press, 2002, p. 37 sq.
  • [2]
    L’historiographie de care reste très lacunaire et dominée par des acteurs de l’institution : Wallace J. Campbell, The story of Care: a personnel account, New York, Praeger, 1990 ; Stanford Orson Cazier, Care : a study in cooperative voluntary Relief, [s.l.], [s.n.], New York Public Library (nypl)-care 4 ; Harold Gauer, Selling big Charity, La Glendale, Precision Process Books, 1990 ; Charles Bloomstein, History of care, [1952] (histoire commanditée par le directeur de care, Paul C. French, mais qui n’a jamais été publiée, le manuscrit et les travaux préparatoires se trouvent à la nypl-care 1 à 3) ; Karl Ludwig Sommer, Humanitäre Auslandshilfe als Brücke zu atlantischer Partnerschaft : care, cralog, und die Entwicklung der deutsch-amerikanischen Beziehungen nach Ende des Zweiten Weltkriegs, Brême, Selbstverlag des Staatsarchivs, 1999 ; Godehard Weyerer, « care Packages. Gifts from Overseas to a Defeat and Debilited Nation », in Detlef Junker (éd.), The United States and Germany in the Era of the Cold War, 1945-1990. A Handbook, Washington ; Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 522-527. Nous nous sommes fondé pour cette contribution sur les fonds archivistiques de l’agence américaine conservés à la New York Public Library, <http://www.nypl.org/sites/default/files/archivalcollections/pdf/care.pdf>.
  • [3]
    Philippe Ryfman, Une histoire de l’humanitaire, Paris, La Découverte, 2008, p. 37-38.
  • [4]
    Rachel M. McCleary, Global Compassion: Private Voluntary Organizations and u.s. Foreign Policy since 1939, New York, Oxford University Press, 2009, p. 16-41.
  • [5]
    Merle Curti, American Philanthropy Abroad, New Brunswick, Transaction Inc., 1988 [1963].
  • [6]
    Stanford Orson Cazier, Care…, et Harold James Seymour, Design for giving: the story of the National War Fund, inc., 1943-1947, New York, Harper, 1947.
  • [7]
    Engagé au grade de capitaine durant la Première Guerre mondiale, il occupe un poste d’administrateur pour l’ara, puis de chef de mission en Tchécoslovaquie. Après 1945, il sera actif dans le Food for Peace Program, et the American Freedom from Hunger Foundation, nypl-care 4.
  • [8]
    Chapitre Supply Division, Charles Bloomstein, History of care… Le colis pèse 30 pounds (13,61 kg) et est constitué de 10 pd. de viande, 6,5 pd. de céréales, 3,6 pd. de pudding et confiture, 2,3 pd. de légumes, 3,9 pd. de sucre et sucreries, 1,1 pd. de café, cacao et jus de fruits en poudre, 0,8. pd. de lait en poudre, 0,5 pd. de beurre, 0,4 pd. de fromage, le reste est composé de cubes de soupes et de cigarettes.
  • [9]
    Voir les accords avec le Département de l’Agriculture américain, 17 janvier 1946 (nypl-care 14) et avec le War Assets Administration (15 février 1946, nypl-care 23) pour la vente de 2,8 millions de colis Ten-in-One au prix de 6,5 dollars l’unité.
  • [10]
    Rachel M. McCleary, Global compassion…
  • [11]
    By-Laws of Care, 28 novembre 1945, nypl-care 1.
  • [12]
    Fortune, décembre 1947.
  • [13]
    Minutes du Board of Directors de care, 15 février 1947, nypl-care 1170.
  • [14]
    Télégramme du Département d’État à ses légations à l’étranger, 14 novembre 1945, nypl-care 14.
  • [15]
    Wallace J. Campbell, History of care…, p. 32.
  • [16]
    Agence publique en charge de coordonner les activités des institutions privées et les liaisons avec les agences étrangères.
  • [17]
    Richard Dominic Wiggers, « The United States and the Refusal to Feed German Civilians after World War II », in Steven Bela Vardy, T. Hunt Tooley (éd), Ethnic Cleansing in Twentieth-Century Europe, New York, Columbia University Press, 2003, p. 441-466.
  • [18]
    Dates de la signature des principaux accords : France, 1er avril 1946, Norvège, 5 avril 1946, Finlande, 17 avril 1946, Italie, 26 avril 1946, Pays-Bas, 1er mai 1946, Autriche, 3 juin 1946, Pologne, 10 mai 1946, Grèce, 19 juin 1946, Allemagne, zone us, 5 juin 1946, Berlin, zone us, 15 juin 1946, Allemagne, zone gb, 21 juin 1946, Allemagne, zone fr, 8 novembre 1946, Tchécoslovaquie, 27 juillet 1946, Roumanie, 7 février 1947, Irlande, 3 juillet 1947, Belgique, 8 juillet 1947, Bulgarie, 7 juillet 1947, Hongrie, 23 septembre 1947, Chypre, 1er octobre 1947, Yougoslavie, 26 décembre 1950, nypl-care 23.
  • [19]
    Rapport de Lincoln Clark, 14 mars 1947, nypl-care 23.
  • [20]
    Stanford Orson Cazier, Care…, p. 136 sq.
  • [21]
    Chapitre 13, « Les donateurs », Charles Bloomstein, History of care
  • [22]
    Dossier Allemagne, notes du manuscrit de Charles Bloomstein, nypl-care 2.
  • [23]
    Dossier France, notes du manuscrit de Charles Bloomstein, nypl-care 2.
  • [24]
    Rapport de C. French suite à une conférence à Paris en présence des délégués en Europe, 27 avril 1947, nypl-care 1170.
  • [25]
    Fortune, décembre 1945.
  • [26]
    Charles Bloomberg, History of Care…, p. 111.
  • [27]
    Minute Board of Directors, 10 septembre 1946, nypl-care 14.
  • [28]
    Chapitre 3 « Reorganization », Charles Bloomberg, History of Care…
  • [29]
    Fortune, décembre 1947.
  • [30]
    Foster Rhea Dulles, The American Red Cross: A History, New York, Harper, 1950.
  • [31]
    Dossier sur Division de Supply, nypl-care 3.
  • [32]
    Dans cet accord, care s’engage à libérer un million de paquets inclus dans l’accord de février 1946 au bénéficie de l’unrra, il reste donc pour care 1,8 million de colis, dont le prix d’achat est baissé à 4,25 dollars. En novembre, care libère 300 000 colis supplémentaires, mais, le 22 janvier, care commande un nouveau lot de 308 510 colis, nypl-care 15.
  • [33]
    Entretien de Charles Bloomstein avec Louis S. Scherer, chef de la Supply Division, 26 octobre [1949], nypl-care 3.
  • [34]
    Chapitre 8, Stanford Orson Cazier, Care…, nypl-care 4.
  • [35]
    nypl-care 899.
  • [36]
    Minutes, Board of Directors, 7 août 1945, nypl-care 1170.
  • [37]
    Chapitre 4, Stanford Orson Cazier, Care…, nypl-care 4.
  • [38]
    Fortune, décembre 1947.
  • [39]
    Né à Philadelphie, journaliste au The Philadelphia Record, directeur d’État (Pennsylvanie) pour le Writers Project, secrétaire exécutif pour le National Service Board for Religious Objectors durant la guerre. Il est nommé directeur exécutif en octobre 1946.
  • [40]
    Charles Bloomstein, History of care…, p. 391.
  • [41]
    « Report on World Food and Conditions », [1948] de Paul Comly French, nypl-care 25.
  • [42]
    nypl-care 3.
  • [43]
    Charles Bloomstein, History of care…, p. 413.
  • [44]
    « The Home Office », chapitre 5, Charles Bloomstein, History of care
  • [45]
    Stanford Orson Cazier, Care…, p. 180.
  • [46]
    Enquête présentée par la Reaction Analysis Branch, Information Service Division, Public Affaire Office, 6 mai 1950 nypl-care 17.
  • [47]
    « care Inc. », Fortune, décembre 1947.
  • [48]
    Godehard Weyerer, « care Packages… ».
  • [49]
    Charles Bloomstein, History of care…, p. 363.
  • [50]
    Programme de publicité pour sept mois, débutant le 1er juin [1948], Paul C. French [1948], nypl-care 14.
  • [51]
    Cette loi permet aux agences volontaires privées de bénéficier pour leur programme de secours des surplus alimentaires de l’agriculture américaine.
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