Notes
-
[1]
Du côté américain, Jimmy Carter, son proche conseiller Zbigniew Brzezinski, le secrétaire d’État Cyrus Vance et le membre du NSC William Quandt. Du côté israélien, le ministre des Affaires étrangères Moshé Dayan et le ministre de la Défense Ezer Weizman. Du côté égyptien, deux ministres des Affaires étrangères, Ismaïl Fahmy et Mohammad Kamel.
-
[2]
Le texte français de la résolution, lui, ne laisse aucune ambiguïté : « Retrait des forces des territoires. »
-
[3]
Jimmy Carter, Keeping Faith : Memoirs of a President, Toronto, Bantam Books, 1982, p. 288, 326, 374.
-
[4]
Richard B. Parker, The Politics of Miscalculation in the Middle East, Bloomington, Indiana University Press, 1993, p. 3-122.
-
[5]
Formule d’Itzhak Shamir, reprise plus tard par Binyamin Néthanyahou puis Ariel Sharon : Robert Anciaux, Vers un nouvel ordre régional au Moyen-Orient ?, Paris-Montréal, L’Harmattan, 1997, p. 71.
-
[6]
Cyrus R. Vance, Hard Choices : Critical Years in America’s Foreign Policy, New York, Simon & Schuster, 1983, p 186.
-
[7]
Moshé Dayan, Paix dans le désert. Compte rendu personnel des négociations de paix égypto-israéliennes, Paris, Fayard, 1981, p. 35.
-
[8]
Un des proches de Sadate l’aurait souligné dès la visite à Jérusalem. Ezer Weizman, The Battle for Peace, Toronto, Bantam Books, 1981, p. 60-61.
-
[9]
William B. Quandt, Camp David : Peacemaking and Politics, Washington (DC), Brookings Institution, 1986, p. 80.
-
[10]
Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 249-250.
-
[11]
Voir entre autres Camille Mansour, Israël et les États-Unis, ou les fondements d’une doctrine stratégique, Paris, Armand Colin, 1995, p. 169-262 ; Melani McAlister, Epic Encounters : Culture, Media, and US Interests in the Middle East, 1945-2000, Berkeley, University of California Press, 2001, p. 155.197.
-
[12]
Weizman dira aux Égyptiens, lors de la première rencontre : « Si nous perdons une seule guerre, nous perdons tout » (Weizman, The Battle for Peace, op. cit., p. 60).
-
[13]
Entretien avec deux anciens hauts responsables du Mossad, Tel-Aviv, 17 juin 2008.
-
[14]
Mais il existe des situations dans lesquelles le Mossad se mue lui-même en négociateur pratiquement jusqu’au stade ultime des négociations, comme dans le cas de celles qui menèrent au traité de paix israélo-jordanien en 1994.
-
[15]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 163 ; Zbigniew Brzezinski, Power and Principle : Memoirs of the National Security Adviser, 1977-1981, New York, Farrar-Straus-Giroux, 1983, p. 83-85 ; William B. Quandt, Peace Process : American Diplomacy and the Arab-Israeli Conflict since 1967, Washington, Brookings, Rev. Éd. 2001, p. 179.
-
[16]
Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 277.
-
[17]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 180, 183 ; Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 281.
-
[18]
Ibid., p. 163. Voir aussi Brzezinski, Power, op. cit., p. 88.
-
[19]
Voir la vibrante plaidoirie de Sadate pour une paix nécessaire pour pallier les difficultés socio-économiques, in Mohammed Kamel, The Camp David Accords, Londres, 1986, p. 367.
-
[20]
Bahgat, Korany, Ali E., Hillal Dessouki (eds), The Foreign Policies of Arab States, Boulder (Col.), Westview Press, 1991, p. 163.
-
[21]
L’expression est du ministre des Affaires étrangères égyptien, qui l’utilise à plusieurs reprises : Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 44 ; Ismail Fahmy, Negotiating for Peace in the Middle East, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1983, p. 104.
-
[22]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 35, 44. Brzezinski partage la vision de ce risque, un accord séparé étant comme « instable de manière inhérente » (cf. Power, op. cit., p. 113).
-
[23]
Sur la centralité de la question palestinienne pour les Égyptiens, voir Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 125-126, 310-311 ; Vance, Hard Choices, op. cit., p. 170.
-
[24]
Yezid Sayigh, Armed Struggle and the Search for State : The Palestinian National Movement, 1949-1993, Oxford, Oxford University Press, 1999, p. 333-339, 422.
-
[25]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit. p. 37 ; Fahmy, Negotiating for Peace, op. cit. p. 8. Ses ministres des Affaires étrangères souhaitaient que Sadate joue plus habilement de Moscou comme contrepoids dans la relation à Washington. Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 37-38, et Fahmy, Negotiating for Peace, op. cit., p. 170-171.
-
[26]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 76.
-
[27]
Ibid., p. 37 ; Fahmy, Negotiating for Peace, op. cit., p. 170.
-
[28]
Sur la position du gouvernement, voir Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 26.
-
[29]
Ibid., p. 85.
-
[30]
Ibid., p. 39.
-
[31]
Quandt, Peace Process, op. cit., p. 190.
-
[32]
Adel Safty, « Egyptian negotiations and decisionmaking from Sinai to Camp David : The preponderance of the psychopolitical perceptions of the leader as decisionmaker », International Studies, 28, 4, 1991, p. 427.
-
[33]
Weizman, The Battle for Peace, op. cit., p. 190.
-
[34]
Washington Post, « The 20-year US-Israeli battle over land for peace », 10 avril 1988.
-
[35]
Vance, Hard Choices, op. cit. p. 189.
-
[36]
Charles Enderlin, Paix ou guerres : les secrets des négociations israélo-arabes (1917-1997), Paris, Stock, 1997, p. 390 ; Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 53.
-
[37]
Ibid., p. 116-117.
-
[38]
Le discours est très éloquent de la position égyptienne : « Je ne suis pas venu chez vous pour conclure un accord séparé entre l’Égypte et Israël. Aucun accord séparé entre nos deux pays ne peut garantir une paix juste. Ce n’est pas tout. Même si les accords de paix sont conclus entre tous les États de la confrontation et Israël, sans solution juste du problème palestinien, la paix globale, stable et juste ne pourra être réalisée. [...] Comment arriver à la paix ? Il y a des vérités qu’il faut présenter dans toute leur force et leur clarté : il y a une terre arabe qu’Israël a conquise par la force et qu’il occupe toujours par la force armée. Nous exigeons fermement un retrait de ces territoires, y compris de Jérusalem. [...] Je ne suis pas venu chez vous pour vous présenter une demande de retrait de vos forces des territoires occupés. Le retrait complet de la terre arabe conquise en 1967 va de soi. [...] Le cœur du problème, c’est la question palestinienne. [...] Les droits légitimes du peuple palestinien ne peuvent être démentis ni ignorés. [...] Car le problème palestinien est l’essentiel et se trouve au cœur de la lutte. Aussi longtemps qu’il n’est pas résolu, cette lutte s’accroîtra et prendra de nouvelles dimensions. La paix ne peut être réalisée sans les Palestiniens. La solution, c’est la création d’un État pour le peuple palestinien [...] » (Enderlin, Paix ou guerres, op. cit., p. 403-404). Oussama el-Baz ajoutera à Camp David que le problème palestinien, « s’il était mis de côté, ignoré, ferait sans cesse éruption comme se réveille un volcan intermittent » (cité in Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 183-184).
-
[39]
L’expression est de Dayan (ibid., p. 152).
-
[40]
Brzezinski, Power, op. cit. p. 239-247 ; Quandt, Peace Process, op. cit., p. 194-197.
-
[41]
Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 151, 153, 166.
-
[42]
Quandt, Peace Process, op. cit., p. 193.
-
[43]
Sadate et son ministre des Affaires étrangères se sentiront en « camp de détention », Begin en « camp de concentration »... (Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 321-353 ; Vance, Hard Choices, op. cit., p. 223).
-
[44]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 266.
-
[45]
Weizman, The Battle for Peace, op. cit., p. 365.
-
[46]
Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 386, Brzezinski note aussi la formule. Mais, observant que Begin cédera sur ce point, il en conclura que le Premier ministre n’est pas inamovible idéologiquement (Brzezinski, Power, op. cit., p. 263).
-
[47]
Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 220.
-
[48]
Shibley Telhami, Power and Leadership in International Bargaining : The Path to the Camp David Accords, New York, Columbia University Press, 1990, p. 162-167.
-
[49]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 109, 121.
-
[50]
Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 220.
-
[51]
Quandt, Peace Process, op. cit., p. 184.
-
[52]
Ibid., p. 196.
-
[53]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 257.
-
[54]
Quandt, Peace Process, op. cit., p. 201.
-
[55]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 50-51.
-
[56]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 101, 237, 254. Voir aussi Vance, Hard Choices, op. cit., p. 181.
-
[57]
À son épouse Rosalynn, Carter aurait décrit Begin comme un « psychopathe » et se serait demandé, devant ses conseilleurs, si Begin avait toute sa raison (Brzezinski, Power, op. cit., p. 261, 264).
-
[58]
Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 82, 163, 221.
-
[59]
Quandt, Peace Process, op. cit., p. 202.
-
[60]
Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 348.
-
[61]
Ibid., p. 406.
-
[62]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 249, 269.
-
[63]
Enderlin, Paix ou guerres, op. cit., p. 393.
-
[64]
Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 30, 83, 85.
-
[65]
Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 312.
-
[66]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 246.
-
[67]
Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 164.
-
[68]
Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 312.
-
[69]
Ibid., p. 300.
-
[70]
Ibid., p. 228.
-
[71]
Ibid., p. 349.
-
[72]
Ibid., p. 377.
-
[73]
Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 211.
-
[74]
Quandt, Peace Process, op. cit., p. 184.
-
[75]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 203.
-
[76]
Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 397 ; Vance, Hard Choices, op. cit., p. 228 ; Quandt, Peace Process, op. cit., p. 203 ; Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 236-238. Pour Brzezinski, c’est là le pire échec de Camp David (Brzezinski, Power, op. cit., p. 273).
-
[77]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 238.
-
[78]
L’Administration américaine était consciente de cette carte : voir Vance, Hard Choices, op. cit., p. 243.
-
[79]
Quandt, Peace Process, op. cit., p. 189 ; Brzezinski, Power, op. cit., p. 109.
-
[80]
Ibid.
-
[81]
Yitzhak Shamir, Summing up, London, Weidenfeld & Nicolson, 1994, p. 235.
-
[82]
Quandt, Peace Process, op. cit., p. 201.
-
[83]
Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 145.
-
[84]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 145-149, 349-351.
-
[85]
Enderlin, Paix ou guerres, op. cit., p. 407.
-
[86]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 51.
-
[87]
Voir le chapitre « Dummy settlements in the desert », in Weizman, The Battle for Peace, op. cit., p. 137-147.
-
[88]
Ibid., p. 370.
-
[89]
Ibid., p. 366.
-
[90]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 372-374.
-
[91]
Abba S. Eban, Personal Witness : Israel through my Eyes, New York, G. P. Putnam’s Sons, 1992, p. 591, 600.
-
[92]
Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 359.
-
[93]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 270.
-
[94]
Carter le fait dès la première rencontre avec Begin en juillet 1977 (Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 290, 413).
-
[95]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 237.
-
[96]
Même si avec le temps plusieurs ministres deviendront critiques de Camp David ; Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 97.
-
[97]
Dayan va jusqu’à qualifier certains points de vue de Begin d’ « outranciers et déraisonnables » (ibid., p. 197).
-
[98]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 226.
-
[99]
Ibid., p. 163 ; Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 275-277.
-
[100]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 97.
-
[101]
Ibid., p. 102. Pour des exemples de telles tentatives du cabinet Begin, voir Vance, Hard Choices, op. cit., p. 186.
-
[102]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 109.
-
[103]
Ibid., p. 96-98, 248-249 ; Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 313.
-
[104]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 278.
-
[105]
Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 358.
-
[106]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 122.
-
[107]
Tohami, cité in Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 67.
-
[108]
Sur le manque de « culture » de base, sur la capacité à négocier, voir Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 110, 122.
-
[109]
Mais on pourrait arguer ironiquement, même si le parallèle reste un peu court, qu’Assad n’a jamais récupéré le Golan. Et l’apprenti-négociateur, naïf, a, lui, récupéré le Sinaï...
-
[110]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 174.
-
[111]
Ibid. ; Quandt, Peace Process, op. cit., p. 200.
-
[112]
AAAAIbid.,BBBB p. 202.
-
[113]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 374-375.
-
[114]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 254.
-
[115]
Cyrus Vance le dit plus « intuitif que méthodique » : Vance, Hard Choices, op. cit., p. 174.
-
[116]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 118, 122.
-
[117]
Selon Carter, Sadate passa très peu de temps à Camp David avec son équipe. Il était « mal à l’aise » quand ses conseillers étaient autour de lui lorsque le président égyptien voulait s’entretenir avec son homologue américain (Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 342).
-
[118]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 174.
-
[119]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 120.
-
[120]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 284.
-
[121]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 142.
-
[122]
Ibid., p. 120.
-
[123]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 175.
-
[124]
Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 322.
-
[125]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 259.
-
[126]
Ibid., p. 262.
-
[127]
Ibid., p. 272.
-
[128]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 366. Brzezinski relate une promesse « non écrite » de Carter de soutien à l’Égypte sur l’affaire des colonies (Brzezinski, Power, op. cit., p. 272).
-
[129]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 371.
-
[130]
Ibid.
-
[131]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 226.
-
[132]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 358.
-
[133]
Quandt, Peace Process, op. cit., p. 208-209.
-
[134]
Carter y voyait la preuve que ses suspicions de Camp David que Begin faisait la paix avec l’Égypte pour garder la Cisjordanie étaient fondées : Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 405, 409, 421.
-
[135]
Cité in Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 287.
-
[136]
Ibid., p. 278.
-
[137]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 241.
-
[138]
Ibid., p. 282.
-
[139]
Quandt, Peace Process, op. cit., p. 235-237.
-
[140]
Ibid., p. 229.
-
[141]
Sans surprise, l’application du volet palestinien s’interrompit rapidement. Begin avait dit au négociateur israélien sur ce volet, Yossef Burg : « Parlez de ce que vous voulez avec les Palestiniens, mais ne concluez rien. » Yossef Burg l’a confié à un ancien haut responsable du Mossad interrogé par l’auteur. Tel-Aviv, 17 juin 2008. Dayan puis Weizman démissionnèrent en 1981 pour dénoncer le manque de volonté de Begin d’avancer avec les Palestiniens.
-
[142]
C’est une thèse chère à Yossi Beilin interrogé par l’auteur à Tel-Aviv, 11 juin 2002.
-
[143]
George P. Shultz, Turmoil and Triumph : My Years as Secretary of State, New York, Macmillan, 1993, p. 1028-1029.
-
[144]
Financial Times, « Israel : Shamir vows to fend off us pressure on Israel », 5 avril 1989.
-
[145]
Le Monde, « L’étrange “programme” du Premier ministre israélien », 23 avril 2001.
-
[146]
James A. Baker, The Politics of Diplomacy : Revolution, War and Peace, New York, Putnam, 1995, p. 123 ; voir aussi la section « Selling his own creation back to Shamir », p. 124-125.
-
[147]
Ibid., p. 117.
-
[148]
« Every time I went to Israel Sharon would announce the opening of a new settlement. And we finally said : “Wait a minute, we are not going to accept that.” [...] After what we are giving them routinely every year, coming to us and asking us for ten billion dollars more, and telling us in the same time they are not going to pay any attention to pay any attention to America’s policy vis-à-vis building settlement he [Yitzhak Shamir] basically said : “Its is not your business. We want the money but we are not going to pay any attention to your policy position” » (entretien avec le secrétaire d’État James Baker, 5 décembre 2002).
-
[149]
En particulier l’ultranationaliste attaché, proche des colons, Yoram Ettinger. Entretien avec l’ambassadeur d’Israël en poste à Washington au début des années 1990, Zalman Shoval, 19 août 2002.
-
[150]
Voir le discours sous hhhttp:// bushlibrary. tamu. edu/ papers/ 1991/ 91091200. html.
-
[151]
HHttp:// wwwww. state. gov/ p/ nea/ rls/ rm/ 21193. htm. Quant à Jimmy Carter, il n’a cessé de se rapprocher de ceux qu’il avait finalement laissé tomber à Camp David, les Palestiniens...
1Les négociations de Camp David débouchèrent sur un « accord-cadre pour la paix au Proche-Orient », un « accord-cadre pour la conclusion d’un traité de paix entre l’Égypte et Israël », traité qui sera négocié les mois suivants. Le Sommet de Camp David constitue le temps fort, la phase paroxystique d’un processus qui débute avec l’initiative de Sadate et son fameux voyage à Jérusalem en automne 1977 et s’achève avec la signature formelle du traité de paix israélo-égyptien, en mars 1979. Ce processus représente un succès pour la diplomatie israélienne qui parvint à faire prévaloir la plupart de ses paramètres, malgré les demandes et pressions insistantes de la partie adverse, l’Égypte, et du médiateur américain. Sur la base des Mémoires des principaux protagonistes [1], nous allons mettre en lumière les techniques israéliennes de négociation et rechercher les causes de leur succès.
LE CADRE DE NEGOCIATIONS
Le cadre diplomatique
2Le cadre de référence pour la résolution du conflit israélo-arabe après 1967 est la célèbre résolution 242 qui rappelle l’article 2 de la charte ( « l’acquisition de territoires par la guerre est inadmissible » ) mais laisse, dans sa version anglaise, une ambiguïté sur l’étendue des retraits de territoires occupés par Israël durant la guerre de juin 1967. La formule anglaise withdrawal of Israeli forces from occupied territories peut en effet se comprendre de deux façons : « retrait des forces israéliennes des territoires occupés » ou « retrait de forces israéliennes de territoires occupés » [2].
3Le vaste sujet des exégèses de la résolution dépassant largement le cadre de cet article, on notera seulement qu’une forme de consensus émergea, qui admettait uniquement des modifications « mineures » de frontières par rapport à celles du 4 juin 1967. Le principe « les territoires occupés contre la paix » formera le cadre de référence permanent depuis 1967. Certains gouvernements israéliens, dont celui de Begin à Camp David, avancèrent que la non-admissibilité d’acquisition de territoires par la force ne s’appliquait pas à des « guerres défensives » [3], même si dans les faits, en 1967, Israël prit l’initiative d’attaquer ses voisins, au terme d’une crise présentant tous les symptômes d’une « escalade non voulue » [4]. D’autres gouvernements israéliens entendirent substituer à la formule « les territoires [occupés] contre la paix » la formule en apparence si joliment égalitaire « la paix contre la paix » [5]... et garder les territoires ! Pendant Camp David, les négociateurs israéliens avancèrent aussi que, si la résolution 242 s’appliquait à tous les fronts, elle n’impliquait pas un retrait « sur tous les fronts » [6] car Israël n’était, selon Dayan, « pas disposé à se retirer » de Cisjordanie [7].
Les rapports de force
4Si le cadre du droit international, incarné ici dans la résolution 242, est indispensable pour comprendre toutes les initiatives de paix depuis 1967, on ne peut faire l’économie d’envisager sous l’angle du rapport des forces le cadre de négociations dans lequel Camp David et toutes les autres négociations post-1967 ont été opérées. Une telle démarche fait sens car il a été souvent postulé que l’issue des négociations est largement fonction, reflet, des rapports de force prévalant en entrée de négociation. Cela quand bien même l’idée sous-jacente, implicite à toute négociation depuis 1945, est que le droit doit l’emporter sur la force.
a) Asymétrie complète des positions de négociation entre Arabes et Israéliens
5Les bargaining chips tangibles sont entre les mains d’Israël qui contrôle les territoires conquis en 1967, supposés servir de monnaie d’échange contre la reconnaissance de l’État juif et de ses frontières, des accords de paix avec arrangements de sécurité, et une normalisation des relations. En plus de détenir la monnaie d’échange concrète, Israël dispose non seulement d’une supériorité militaire écrasante mais aussi d’une supériorité diplomatique, un soutien des États-Unis lui étant acquis en principe, même si ceux-ci se présentent comme d’ « honnêtes courtiers ».
6Les interlocuteurs arabes disposent a priori d’une supériorité juridique, puisque le droit international, tel qu’il s’exprime dans la Charte des Nations Unies, ne reconnaît pas l’acquisition de territoires par la force. Mais la supériorité militaire israélienne, ultimement dans sa dimension nucléaire, rend quasiment impossible une récupération par la force des territoires occupés [8]. Faute d’une volonté politique et militaire de la communauté internationale de faire valoir ce droit, les Arabes ne peuvent presque s’en remettre qu’à la volonté israélienne de résoudre le conflit par voie diplomatique. Ou attendre des jours meilleurs, quand l’équilibre des forces penchera en leur faveur.
7Pour amadouer Israël, les États arabes n’ont pratiquement comme cartes que la reconnaissance, la proclamation de fin du conflit et la normalisation des relations. Ces éléments peuvent ne peser pas lourd face à des gouvernements israéliens qui ont eu tendance à considérer les traités de paix comme des chiffons de papier, même s’ils sont garantis par une super-puissance (« Il n’existe pas de garantie au monde capable de garantir une garantie », dira Begin lors des négociations) [9], et pour lesquels l’essentiel a souvent été le maintien de rapports de force militaires favorables et la possession d’actifs territoriaux, à l’image de la célèbre formule de Moshé Dayan : « Mieux vaut Sharm el-Sheikh sans la paix que la paix sans Sharm el-Sheikh. » [10]
b) Levier limité des États-Unis sur leur allié et client israélien
8Malgré leur statut de superpuissance, les États-Unis semblent avoir (ou se donner) peu de moyens pour influencer les décisions du gouvernement israélien. Cet état de fait n’est pas seulement lié aux caractéristiques propres à la scène domestique américaine – réceptivité culturelle, religieuse au « récit » israélien et au poids politique des supporters d’Israël [11]–, mais à une donnée récurrente des relations entre les superpuissances et leurs alliés régionaux au Moyen-Orient.
Les implications du rapport de force
9De ces deux caractéristiques du cadre de négociations post-1967, il découle que c’est donc Israël qui constitue l’élément actif, décisif, qui dispose d’une latitude d’entrer ou non en négociations susceptibles de permettre des avancées diplomatiques. En 1971, les Israéliens refuseront des avances de Sadate. En 1977, ils décideront d’aller de l’avant.
10La nature des biens négociables, leur distribution parmi les parties (biens tangibles négociables quasi entièrement, d’un côté ; biens intangibles quasi entièrement, de l’autre) déterminent les termes de l’échange possible et créent une situation dans laquelle Israël, même tenté par un accord de paix, peut être amené à hésiter. Les biens tangibles sont au final échangés contre une valeur peu tangible, le traité de paix. La renonciation aux biens tangibles est difficilement réversible, sauf par une nouvelle guerre et une victoire militaire. La renonciation au traité de paix par les Arabes dans le cas où il leur semblerait favorable d’attaquer l’État juif est des plus simples. Dans la vision souvent inquiète du monde qu’ils sécrètent, les dirigeants israéliens peuvent s’imaginer que leurs interlocuteurs arabes entrent en négociation pour un accord de paix qui leur permette de récupérer les territoires, mais continuent d’aspirer, en leur for intérieur, à une éradication d’Israël. Celle-ci sera rendue bien plus aisée après qu’Israël aura renoncé au « glacis défensif » et aux « frontières naturelles » que constituaient à ses yeux les territoires conquis en 1967. Une attaque surprise massive et coordonnée, du type de celle lancée le jour du Kippour 1973, mais depuis les frontières d’avant la guerre des Six Jours, aurait pour Israël des conséquences dramatiques. Comme l’avance à plusieurs reprises l’équipe de négociations israélienne : Israël ne peut pas se permettre de perdre une guerre [12]. Les Arabes, oui.
11Tant pour des raisons idéologiques – Grand Israël du Likoud mais aussi courants annexionnistes ou sécuritaires au sein des travaillistes – qu’à cause de la fragilité des coalitions, les différents gouvernements israéliens qui se succèdent à partir de 1967 n’entendent pas rétrocéder la totalité, ni même, pour certains, des parties significatives des territoires occupés en 1967. Le seul cadre dans lequel Israël peut espérer faire valoir de telles prétentions est celui de négociations directes en vue d’accords séparés. En cas de négociations multilatérales, il sera difficile à des acteurs tentés par l’échange d’accepter les conditions israéliennes. Ils seront soumis à de fortes pressions de groupe et risquent de ne jamais pouvoir faire défection de la ligne du camp arabe la plus extrême face à Israël.
12Donc, en cas de négociations impliquant de se départir du statu quo issu de 1967, la diplomatie israélienne doit trouver des interlocuteurs arabes susceptibles d’accepter l’inacceptable aux yeux des Arabes pris comme un collectif, c’est-à-dire de mener des négociations dans le cadre le plus favorable à Israël, directes, bilatérales – avec une éventuelle médiation, essentiellement américaine –, en vue d’un accord séparé. La bilatéralisation des négociations implique, de la part de la partie qui s’y prête, une rupture de la solidarité arabe. Deuxièmement, la partie arabe devra accepter des modifications territoriales favorables à Israël. C’est-à-dire, in fine, accepter que des territoires arabes pris par la force puissent être annexés à l’État hébreu.
13Le premier objectif, a priori délicat, serait facilité par la nature non démocratique des régimes arabes. Le dirigeant dispose en théorie d’une certaine latitude pour décider d’entrer en négociation avec Israël selon sa propre lecture de ses intérêts. Dans la mesure où le chef d’État dispose de services de sécurité efficaces, l’opposition aura peu de leviers pour lui faire barrage.
14Pour Israël, trouver un dirigeant arabe susceptible de faire défection de la ligne commune et d’entamer des négociations selon le mode préféré par son adversaire implique des pratiques diplomatiques exploratoires et des acteurs particuliers. Le plus pressenti est le Mossad. Le service secret a en effet, parmi ses fonctions, celle de nouer et de maintenir des contacts avec des responsables d’États sans relations diplomatiques avec Israël. Selon d’anciens responsables du Mossad, la principale raison de cette division du travail provient du fait que les interlocuteurs de tels États, en particulier arabes, « mettent leur tête entre les mains des Israéliens qui entament un contact avec eux » [13]. La moindre fuite peut en effet mettre en danger la vie de celui qui a osé prendre langue avec Israël. Le seul organisme capable de maintenir le secret, selon leurs dires, est le Mossad et non le ministère des Affaires étrangères. Le risque de fuite est d’autant plus fort ailleurs qu’il peut toujours se trouver, parmi les personnes impliquées, des éléments qui ne souhaitent pas l’établissement d’un canal de négociation pouvant aboutir à des concessions. De plus, le Mossad est directement soumis au Premier ministre. Son important réseau de relais permet pratiquement de trouver un accès, fût-il indirect et compliqué, à n’importe quel interlocuteur souhaité dans le monde. Y compris dans le monde arabe. En principe, après avoir établi avec succès le premier contact, le Mossad cède rapidement la place aux professionnels de la négociation. Tel sera le cas dans le processus de Camp David [14].
LE PROCESSUS DE CAMP DAVID : LES POSITIONS DE DEPART DES DIFFERENTES PARTIES
La position de départ américaine
15L’administration Carter se fixe comme objectif d’arriver à un règlement global du conflit israélo-arabe afin de réduire les risques d’une nouvelle guerre dans la région, voire d’une confrontation entre super-grands [15]. La recherche de cet accord global passerait par une étape de négociations multilatérales, avec, si nécessaire, concertation américano-soviétique. Une telle démarche comporte des aspects déplaisants ; Henry Kissinger s’était évertué à ne reconnaître aucun rôle constructif à l’URSS au Moyen-Orient pour la sortir du jeu diplomatique dans cette région cruciale. Mais la concertation peut éviter des blocages.
16Dans le cadre de ce règlement global, les Palestiniens doivent voir reconnus leurs « droits légitimes ». Le président américain a en tête des droits élémentaires comme « le droit de vote, de s’assembler pour débattre des sujets qui affectent leur vie, le droit de propriété – sans crainte de la voir confisquée –, le droit d’être libéré d’un régime militaire » [16]. Carter a évoqué en mars 1977 la nécessité d’un « foyer » (homeland) sans oser publiquement lui donner de contenu précis (il sera au mieux qualifié d’ « entité palestinienne »). Cette évocation de la nécessité d’un foyer « palestinien » constitue une première. Même si le mot « État » ne sera jamais prononcé, les Palestiniens doivent pouvoir « participer à déterminer leur avenir » ; l’occupation militaire et la colonisation doivent cesser. Israël doit appliquer la résolution 242 à tous les fronts et se retirer sur les frontières du 4 juin 1967 avec éventuellement des modifications territoriales mineures [17].
17L’Administration est consciente qu’une approche « activiste et équilibrée » comporte des risques politiques [18]. Mais, pour l’intérêt national américain, l’enjeu est d’éviter que les impasses diplomatiques ne finissent par permettre un retour de l’URSS dans la région, voire n’engendrent une nouvelle guerre, ce qui justifie cette prise de risque. Au début de sa présidence, Jimmy Carter semble accorder peu d’attention aux limites que le système politique américain peut placer à son action. Carter se veut en rupture avec la diplomatie secrète et les « ambiguïtés constructives » de Kissinger, et privilégie le parler vrai.
La position de départ égyptienne
18Pour Le Caire, il s’agit de sortir d’un cycle de guerres et de course aux armements délétères, menées certes au nom d’intérêts arabes, mais dont l’Égypte a payé le prix fort, et de récupérer par la diplomatie la totalité du territoire égyptien occupé par Israël. Par la paix, l’Égypte pourrait réallouer une partie des ressources absorbées par la course aux armements avec l’État hébreu, et mieux faire face aux défis d’une démographie galopante que l’économie et le legs de Nasser peinent à gérer [19]. Les émeutes de la faim de janvier 1977 ont manifesté toute la fragilité socio-économique du pays [20]. Les Égyptiens souhaitent établir une forme de non-belligérance, pour ne nouer des relations de paix complètes qu’au moment où un règlement global aura été atteint.
19Tout en se méfiant des risques de blocage dans le cadre de négociations multilatérales (en particulier le veto de la Syrie avec laquelle l’Égypte est en désaccord depuis les accords de désengagement), Le Caire cherche à éviter de sembler conclure avec Israël une paix séparée qui isolerait l’Égypte de son « espace vital » [21] arabe. De plus, une paix sans accord global laisserait intact le nœud du conflit israélo-arabe, ce qui ne manquerait pas de susciter de nouvelles tensions, des crises, voire des guerres dans lesquelles l’Égypte pourrait se trouver entraînée à nouveau, malgré elle [22]. Elle n’entend pas transiger sur le cœur du problème : la résolution de la question palestinienne [23]. Les Palestiniens sont supposés avoir tout à gagner des efforts égyptiens : dès 1974 et 1977, une entité palestinienne en Cisjordanie et Gaza constitue une étape acceptable [24]. Une amorce de règlement de la question par l’initiative égyptienne casserait la suspicion de paix séparée et de trahison des intérêts arabes. Elle forcerait les autres nations à suivre. De plus, cela conférerait à l’Égypte un prestige et manifesterait son rôle de leader du monde arabe, dans la guerre comme dans la paix.
20Dans sa recherche de la paix, le président Sadate se méfie de l’URSS qui « lui est personnellement hostile » [25] et souhaite l’appui des États-Unis [26], qui, selon lui, « détiennent 90 % des cartes » de par la dépendance d’Israël à leur égard [27].
La position de départ israélienne
21Le gouvernement israélien issu des élections de mai 1977 veut, pour des raisons idéologiques ou sécuritaires, accroître la mainmise sur les territoires occupés de Gaza, la Cisjordanie, Jérusalem-Est et le Golan [28]. Son hypothèse est que le temps travaille en faveur d’Israël. Le ministre de l’Agriculture Ariel Sharon affirme que, deux décennies plus tard, il y aura un million de colons dans les territoires occupés et toute rétrocession deviendra absurde et impossible [29].
22La coalition au pouvoir entend par-dessus tout éviter un scénario cauchemardesque : que les États-Unis, de concert avec l’URSS, soutenus par l’Europe et les non-alignés, veuillent imposer un accord de paix sur la base du consensus international, c’est-à-dire un retrait israélien des territoires occupés et une reconnaissance des droits des Palestiniens. La pression sur Israël deviendrait insupportable. En deçà de ce risque, le cabinet israélien essaiera de modérer les envies d’activisme des Américains. Leur rôle doit se cantonner à faciliter l’instauration de négociations bilatérales. Ils sont priés de ne pas prendre position publiquement sur les points de désaccord avec Israël, tels que les frontières, les colonies ou la question palestinienne [30].
23Au-delà de ces objectifs « négatifs », le gouvernement israélien espère sortir un pays clé de toute coalition militaire arabe. Dayan l’a dit à Carter en octobre 1980 : sans l’Égypte il n’y a plus de guerre majeure possible contre Israël [31]. Même au prix d’un retrait du Sinaï, la position du cabinet Begin est de maintenir des colonies, des aéroports militaires et des forces à l’est de la péninsule pour prévenir une éventuelle offensive égyptienne. Même si d’autres moyens (force multinationale) parviennent aux mêmes fins, exiger le maintien de colonies offre une carte de négociation qui force l’Égypte à se concentrer sur la récupération de sa péninsule, récupération qui soudain ne va plus d’elle-même, et sur nul autre dossier [32].
24La paix devrait être complète, avec reconnaissance et normalisation des relations. Le traité de paix devrait l’emporter sur tout engagement préalable de défense mutuelle signé par l’Égypte avec d’autres États.
25Dans le cadre des négociations avec l’Égypte, il faudra éviter à tout prix une extension du concept de retrait des territoires occupés à la Cisjordanie et plus encore à Jérusalem-Est. Le but, au contraire, est de consolider les gains territoriaux de la guerre des Six Jours, jugés essentiels. Renoncer au Sinaï pour mieux garder la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est [33]. Le successeur de Begin, Itzhak Shamir, ne s’y trompera pas, déclarant que, une fois le retrait du Sinaï effectué, Israël avait respecté la résolution 242 qui demandait le retrait de « territoires ». Ayant rempli ses obligations, il pouvait rester en Cisjordanie et à Gaza [34]...
26Quand Américains et Égyptiens mettent à l’ordre du jour la question palestinienne, il s’agit pour Israël de ne pas voir reconnu un droit des Palestiniens à l’autodétermination sur leur terre qui puisse évoluer vers un État. Mais, tout au plus, de concéder une autonomie limitée, ayant trait aux personnes et non à la terre, qui permettrait de pérenniser l’occupation, voire de formaliser l’extension de la souveraineté israélienne à la Cisjordanie et Gaza.
27Comme on le voit, la position de départ israélienne est en contradiction avec les demandes égyptiennes. Rien de surprenant à cela : résoudre des positions de départ peu compatibles constitue à la fois l’objet et l’art de la négociation. Plus intéressant est le fait que plusieurs composants de la position israélienne sont en délicatesse à la fois avec le consensus international et avec les intérêts perçus et objectifs des États-Unis. Par quelles méthodes de négociation et en exploitant quelles configurations le gouvernement Begin va-t-il réussir à faire prévaloir la majorité de ses paramètres et faire céder tant la partie adverse que le médiateur, censé être la superpuissance protectrice d’Israël, donc théoriquement doté d’un levier ?
LES NEGOCIATIONS
28Dans l’examen des négociations du processus de Camp David, nous allons nous intéresser spécifiquement aux techniques et pratiques des négociateurs israéliens qui vont permettre d’altérer les positions de départ de chacune des deux autres parties. Nous examinerons ensuite les éléments de configuration qui ont permis aux Israéliens de donner la pleine mesure de leurs méthodes.
29Les ballons d’essai américains au printemps et au cours de l’été 1977 sont inquiétants pour le gouvernement israélien. La nouvelle Administration ne fait aucun mystère de ses ambitions : lancer rapidement une initiative de paix et réunir à Genève une conférence internationale pour résoudre le conflit israélo-arabe. Cyrus Vance laisse entendre que l’OLP pourrait être invitée si elle accepte la résolution 242, même avec des « réserves » [35]...
30Pour Israël, il faut dépasser le cadre multilatéral en réalisant une ou plusieurs percées bilatérales. Le roi Hussein de Jordanie, avec lequel Israël avait à de nombreuses reprises tenu des pourparlers secrets, est approché, mais la voie bilatérale avec le souverain hachémite est exclue tout de suite. Lorsque le ministre israélien des Affaires étrangères Moshé Dayan le sonde sur sa disposition à accepter un « compromis territorial » en Cisjordanie, le roi répond : « Il est temps que vous, les Israéliens, compreniez la signification du terme “compromis territorial” pour les Arabes. Cela signifie reconnaître la légalité de l’occupation et de l’annexion de nos terres ; ni moi ni aucun autre leader arabe ne pourrons jamais accepter. » [36]
31Durant l’été 1977, le Mossad reçoit de la part de l’Égypte des signaux de disposition à entamer des négociations de paix. Son directeur général va rencontrer son homologue égyptien au Maroc. Puis Moshé Dayan y rencontre Hassan Tohami, le vice-Premier ministre égyptien, le 16 septembre 1977. La piste égyptienne est d’autant plus importante que la pression s’accentue : Américains et Soviétiques formulent une « déclaration commune » le 1er octobre 1977 qui marque une évolution particulièrement préoccupante pour le gouvernement Begin. Il y a péril en la demeure si Américains et Soviétiques parrainent conjointement la conférence et, face à certains blocages, imposent une solution forcément proche du consensus international. Sadate et les Israéliens partagent un objectif commun : ni lui ni eux ne souhaitent un retour diplomatique de l’URSS. La fuite en avant bilatérale semble souhaitable à tous les deux [37].
La phase purement bilatérale (novembre-décembre 1977)
32Sadate est convaincu qu’une « barrière psychologique » doit être brisée avant de pouvoir entamer des négociations. Son voyage spectaculaire à Jérusalem est censé prouver le sérieux de ses intentions et initier une dynamique de paix. S’il ne produit un accord, il aura du moins « démasqué l’intransigeance israélienne ». D’entrée de jeu, le président égyptien insiste lors de son discours à la Knesset sur son refus d’une paix séparée, l’exigence d’un retrait complet des territoires occupés, et la nécessité de trouver une solution au « cœur du problème », la question palestinienne [38].
33Lors des discussions d’Ismaïlia en décembre 1977, le gouvernement Begin refuse une évacuation complète du Sinaï et n’entend concéder aux Palestiniens qu’une « autonomie administrative » très limitée, sans droits nationaux. L’impasse est totale. L’Administration américaine va devoir entrer en jeu pour éviter l’échec définitif qui décrédibiliserait Sadate et pourrait ramener l’influence soviétique au Moyen-Orient. C’est la fin du processus bilatéral.
Phase trilatérale, avec médiation
34Pour le gouvernement Begin, l’entrée en scène des États-Unis laisse planer le danger que Washington, se posant en médiateur, finisse par proposer leur plan, voire impose un « diktat américano-arabe » [39]. Une bonne partie des demandes de Sadate ne font que reprendre le consensus international et Israël risque d’être mis sous pression. Et, de fait, Washington imagine, lors de ses consultations avec les Égyptiens, une forme de collusion, voire de quasi-complot diplomatique par lequel les Égyptiens soumettraient une contre-proposition dure à l’insatisfaisant plan d’autonomie de Begin. Ce dernier la repousserait violemment. Et les Américains mettraient au point une formule de compromis dont on verrait bien qui la refuserait, exposant ainsi son intransigeance [40]. Déjà les Juifs américains, jusque-là relais des positions du gouvernement israélien, commencent à sourciller devant l’attitude jugée excessivement rigide de Begin [41]. En Israël même, un important mouvement pour la paix attaque l’inflexibilité du Premier ministre. Contre toute attente, les Américains ont été déçus de découvrir un Carter parfois « plus pro-arabe que Sadate » [42] et le plan n’a pas été mené jusqu’au bout.
35Face à l’impasse, le président Carter décide fin juillet 1978 de convoquer un sommet tripartite. Il porte sur deux volets : un volet purement égyptien (le retrait du Sinaï et la normalisation des relations), et un volet « palestinien », portant sur des accords de principe quant au devenir de la Cisjordanie et de Gaza. Ce volet est censé servir d’étape importante vers un règlement global.
36Camp David constituera un forum de négociation très particulier. Le président américain engageant son temps (il imaginait quelques jours, il y en eut treize !), son prestige et la puissance de sa nation, il serait très difficile de se refuser à ses propositions de compromis. Le caractère informel, la claustration [43], la pression constante du médiateur, les conséquences d’un échec sont censés renforcer la motivation d’aboutir. Le sommet ne peut se terminer que sur un accord ou un échec total qui signifierait la fin du processus de paix. Les Américains soulignent qu’on ne saurait se contenter d’un vague accord de principe.
Les techniques israéliennes de négociation lors du processus de Camp David
37Comme tout au long du processus qui mène des efforts de Carter pour convoquer une conférence de paix en 1977 à la signature du traité de paix israélo-égyptien en mars 1979, la diplomatie israélienne déploie à Camp David des stratégies particulières pour contrecarrer le risque que le médiateur, superpuissance dont Israël dépend à l’époque pour une bonne partie de ses moyens militaires, n’exerce de trop fortes pressions en vue de solutions diplomatiques dont le gouvernement israélien ne veut pas.
38Dans cette optique, une première stratégie consiste à afficher une fermeté idéologique sans faille, pour se montrer insensible aux influences. Begin ne cesse de répliquer aux demandes de compromis du médiateur américain : « Cela est inacceptable », « Non possumus », « Nous n’accepterons pas cela » [44]. Et si Carter répond : « Vous devrez l’accepter », Begin réplique : « Monsieur le Président, pas de menaces, s’il vous plaît. » [45] Reprenant un psaume de l’Ancien Testament, Begin déclare préférer « perdre son œil droit et sa main droite » plutôt que de démanteler une colonie [46]. Carter affirme : « La réponse du Premier ministre Begin à tout ce que nous proposons est non, non, non. » [47] Cette inamovibilité a constitué le roc contre lequel les tentatives du médiateur sont venues se briser, assurant le succès de Begin à Camp David [48]. Mais, selon Brzezinski, les Israéliens purent se montrer d’autant plus inflexibles qu’ils se sentaient libres de résister aux pressions américaines, car ils avaient acquis la conviction que l’Administration n’oserait aller jusqu’à une confrontation ouverte avec le gouvernement israélien et ses supporters à Washington [49].
39Menahem Begin utilisera encore une autre méthode : essayer de convaincre le médiateur que son intérêt ne réside pas dans l’activisme diplomatique et la mise sous pression d’Israël. L’État hébreu est présenté comme « seul rempart face à l’URSS », il ne saurait être affaibli [50]. Les États-Unis devraient se contenter de rassembler les parties autour de la table des négociations et ne pas s’engager dans des questions de « substance » [51]. Pour toucher la fibre chrétienne du président, Begin présente également Israël comme une puissance qui vole au secours des chrétiens persécutés au Liban [52]. Il essaiera à plusieurs reprises de replacer le processus en cours dans une séquence temporelle incluant la Shoah, laissant entendre que les concessions demandées par Sadate réduisent Israël à l’état de la démocratie tchèque laissée sans défense après Munich. Par sa négociation, Sadate lui-même voudrait affaiblir et condamner l’État juif [53]. Mais le président et ses conseillers ont une vision trop affirmée des intérêts des États-Unis dans la région pour se laisser aisément manipuler de la sorte.
40Autre méthode, l’esquive des sujets qui fâchent. Elle peut prendre la forme de négociations procédurières sur des détails qui font perdre de vue les principes simples censés présider au règlement du conflit [54]. Menahem Begin en fera un art. Les Égyptiens dénonceront en lui le Shylock du Marchand de Venise, ce qui n’améliorera pas leur réputation d’antisémites [55]... Les Américains brocarderont sa « pédanterie légaliste et son inclination à trouver refuge dans des esquives procédurières » [56]. Le secrétaire d’État trouve « inconséquentes » les critiques de Begin aux propositions américaines, critiques qui relèvent d’un « exercice de sémantique » [57]. Begin, mais aussi Dayan, exaspèrent ainsi les médiateurs américains. Tant le président que le secrétaire d’État perdent à plusieurs reprises leur sang-froid [58]. Mais, dans les négociations, celui qui perd son sang-froid affaiblit son pouvoir...
41La guerre de tranchées sur le sens des mots, les ambiguïtés favorables et les doubles sens ne servent pas qu’à épuiser l’adversaire ou à gagner du temps : elle peut tout changer. Ainsi, le Premier ministre obtiendra que la résolution 242 s’applique aux « négociations » sur la Cisjordanie et Gaza, pas au « résultat » des négociations. Petite nuance essentielle : du coup, Begin pourra arguer qu’il n’y a plus d’obligation de retrait israélien. Pour Quandt, il aura là « remporté une manche » capitale, alors que Sadate n’y aura vu que du feu [59].
42L’esquive peut être évasive. Ainsi, quand Carter « coince » Begin avec des questions sans échappatoire – par exemple quand il exprime son sentiment que le Premier ministre israélien cède sur le Sinaï pour mieux garder la Cisjordanie –, Begin reste « évasif » [60]. Quand il l’accuse, après Camp David, de multiplier des déclarations radicales sur la Cisjordanie pour empêcher que des leaders arabes modérés se joignent au processus de paix, Begin reste là aussi « évasif » [61]. Mais il n’est pas le seul à pratiquer l’esquive des sujets de fond et de substance. Moshé Dayan le fait dans un autre style. Il ne se réfugie pas dans les questions de sémantique et de procédure, mais formule au besoin, aux dires des interlocuteurs américains, des réponses aux « termes et idées vagues, obscurs, élusifs » [62]. Lors du tout premier entretien avec un officiel égyptien – l’entrevue secrète avec Tohami au Maroc – Dayan resta probablement à dessein peu clair sur la question de la rétrocession totale du Sinaï à l’Égypte. Si les sources israéliennes peuvent ainsi nier qu’il se soit engagé, l’Égyptien « put comprendre que la question de la rétrocession ne poserait pas problème » [63]. À ce stade-là, si Dayan avait été clair, le processus de paix avec l’Égypte ne se serait probablement pas enclenché. Et Dayan pourra affirmer à Sadate à Camp David que jamais Israël n’a accepté un retrait des colonies et bases militaires du Sinaï, espérant faire plier le raïs...
43Face à ces stratégies d’évitement et d’esquive, les Américains ne perdent pas de vue les principes du processus et vont tenter d’acculer leurs interlocuteurs à dévoiler leurs positions réelles. On trouve de nombreux échos de la contre-stratégie d’évitement américaine dans les mémoires des négociateurs israéliens quand, par exemple, Dayan dit qu’ils vont « droit au but », posent des questions « précises », ne « lâchent pas prise » [64]. L’Administration sait à l’occasion extraire l’essence intransigeante des positions dissimulées derrière les manœuvres sémantiques et procédurières du Premier ministre et le mettre au pied du mur. À l’issue d’une réunion où Begin se livra à de telles manœuvres, Carter, agacé, fait un résumé de la position israélienne, exposant « six non » de Begin.
« Pas de retrait politique ou militaire d’une partie quelconque de Cisjordanie ; pas d’arrêt dans la construction de nouvelles implantations ou l’expansion d’implantations existantes ; pas de retrait des colons israéliens du Sinaï où ils ne peuvent pas rester sous une protection des Nations Unies ou de l’Égypte ; la résolution 242 du Conseil de sécurité ne s’applique pas à la Cisjordanie ni à Gaza ; pas question d’accorder un pouvoir réel aux Palestiniens, qui ne peuvent participer à la détermination de leur propre avenir. » [65]
44Carter sous-entend qu’avec de telles positions tout accord est impossible, et que les Israéliens ne cherchent donc pas la paix. Le « recadrage » par Carter gêne profondément Moshé Dayan et Ezer Weizman [66]. Begin, « comme assommé, le visage tiré et gris de cendre » [67], ne peut « nier la précision d’aucun [des points] », mais déplore que Carter présente la thèse israélienne de manière trop « négative » [68].
45Lorsque Begin ne peut se dérober à des demandes, il donne des engagements clairs, il n’hésite pas à utiliser des termes agréables aux oreilles de ses interlocuteurs, mais auxquels il confère le sens qui l’arrange. Carter est ainsi d’abord positivement surpris, en décembre 1977, du plan d’autonomie du Premier ministre, pour découvrir ensuite que « ses bons mots avaient de multiples significations que mes conseillers et moi n’avions pas compris à ce moment » [69]. De même, si Begin ne cesse de parler de « pleine autonomie » palestinienne durant le Sommet de Camp David, les négociateurs américains se rendent compte petit à petit qu’Israël aurait un droit de veto sur « à peu près tout point de substance que les Palestiniens pourraient décider » [70]. À tel point d’ailleurs que Carter va qualifier le plan d’autonomie de « subterfuge » [71], ajoutant même : « Si j’étais un Arabe, je préférerais l’occupation israélienne actuelle à votre proposition. » [72]
46Le flou constitue un point clé de la stratégie de négociation israélienne, en particulier sur le volet palestinien des négociations. Dayan entend dépasser les divergences sur les problèmes majeurs « en utilisant des formules vagues que chaque partie pourrait interpréter à sa manière » [73]. Les Américains aspirent à un accord précis sur le Sinaï mais admettent de plus en plus de simples accords « de principe » sur le volet palestinien, si bien qu’ils finissent par se prêter au jeu. Si l’ambiguïté créative, chère à Kissinger, est un vieux principe de négociation, le jeu avantage nettement Israël. Car si chaque partie peut interpréter les formules vagues à sa guise, celle qui détermine au final la réalité sur le terrain, donc qui impose son interprétation, c’est bel et bien Israël, la puissance occupante des territoires sur lesquels porte la négociation...
47En ultime recours, Begin n’hésite pas à faire des promesses qu’il n’a pas l’intention de tenir, et tente des coups de poker. Lors de sa première visite à Washington en juillet 1977, il promet à Carter que, si l’Administration américaine ne rend pas publiques ses demandes à Israël de retour aux frontières de 1967, il mettra un frein à la colonisation [74]. Peu après son retour en Israël, Begin légalise des colonies. À nouveau, en septembre 1977, les engagements de retenue à propos des colonies ne sont pas respectés. Begin et Dayan, pris sur le fait quelques mois plus tard, se rétractent et nient avoir fait des promesses pourtant clairement enregistrées dans les papiers américains [75]. Quand, aux dernières heures de Camp David, Carter demande un gel de la colonisation en Cisjordanie pendant la période intérimaire de cinq ans, point clé des négociations qui doit permettre à Sadate de présenter les accords-cadres comme plus qu’un accord séparé, Begin accepte et promet de coucher cette promesse sur le papier. Carter prend note et s’en félicite. Mais, profitant de ce que l’Administration américaine est occupée à préparer les ultimes détails de la signature, Begin prend le risque de ne donner le document écrit qu’après la signature des accords. Son texte modifie du tout au tout la concession en la réduisant à une interruption de trois mois. Face à la consternation des Américains, Begin nie avoir promis plus. Carter découvre trop tard qu’il s’est fait gruger [76]. Quelques semaines plus tard, Begin passera même outre à la promesse des trois mois. Et il réinterprétera d’autres termes de l’autonomie promise dans les accords-cadres dans un sens qui les vide de leur contenu [77].
48Les négociateurs israéliens n’hésiteront pas à utiliser une méthode plus délicate : l’intimidation, la menace et le chantage face aux dirigeants américains. Délicate, car, sur le papier, les États-Unis sont une superpuissance et Israël dépend, à l’époque, de Washington pour une large part de son budget militaire. La menace d’une confrontation entre l’Administration et les partisans d’Israël aux États-Unis peut s’avérer cependant payante. Mais également risquée si le président décide d’en appeler ouvertement à la Nation, au nom de l’intérêt des États-Unis, contre Israël et ses soutiens. De plus, une confrontation ouverte peut profondément inquiéter l’opinion publique israélienne, majoritairement très attachée à l’alliance américaine, et se retourner contre le gouvernement qui en prend le risque [78]. En octobre 1977, Moshé Dayan et Jimmy Carter engagent un bras de fer suite au communiqué américano-soviétique. Dayan menace d’en appeler aux Juifs américains, et parle de confrontation avec l’Administration. Carter lui répond qu’une telle confrontation pourrait avoir lieu si Dayan ne coopère pas et que cette confrontation serait très dommageable à Israël [79]. Cependant le président fera machine arrière. Pour Brzezinski, à la suite de cet épisode, Moshé Dayan et l’ambassadeur israélien ont forcément pris la mesure de leur pouvoir sur un président sensible à leurs pressions [80].
49Enfin, ultime stratégie, il s’agit de gagner du temps. Si le médiateur américain se montre trop insistant, il faut, par-dessus tout, jouer du cycle électoral. Le président devient plus prudent au fur et à mesure que sa réélection approche. S’il ne modère pas ses pressions sur Israël, il prend le risque de ne pas être réélu, à cause des campagnes hostiles lancées contre lui. L’Administration suivante mesurera ce qu’il en coûte de mettre le gouvernement israélien sous pression. Elle se montrera plus prudente. Se prêter au jeu de la négociation, faire le dos rond, gagner du temps et attendre, telle est l’ultime stratégie des gouvernements israéliens. Le successeur de Begin, pressé par les Américains au Sommet de Madrid, en 1991, aurait eu cette formule significative : « Négociez, dix ans s’il le faut, mais n’aboutissez pas. » Brouillé avec l’administration Bush qui le talonne au sujet des colonies, il attendra qu’elle s’en aille, écrivant : « Tout ce que nous pouvions faire était [...] de compter sur notre patience et, par-dessus tout, nous souvenir que rien n’est jamais statique pour toujours et qu’avec le temps, fréquemment notre plus précieux allié, la situation pourrait changer. » [81]
50Jouer sur le facteur temps s’applique aussi aux négociations elles-mêmes qu’il s’agit de faire durer le plus longtemps possible, sur des points de détail, pour pousser les interlocuteurs à lâcher du lest sur les questions essentielles. Selon Quandt, Begin exploitait avec maestria le facteur temps. Quand l’équipe israélienne affirma après douze jours que l’on pourrait aboutir à un accord plus proche des positions américaines sur la question de l’autonomie palestinienne, mais qu’il faudrait « encore une semaine », Quandt avoue que personne n’en avait plus le courage. Et les Américains préférèrent aller dans le sens des demandes israéliennes et aboutir au plus vite [82].
51Face à l’Égypte, la stratégie israélienne consiste d’abord à essayer de trancher les questions essentielles directement avec l’autocrate dont on a perçu le désir d’aboutir et qui s’avère peu versé dans toutes les subtilités de l’art de la négociation. Traiter avec lui autant que faire se peut en aparté, le couper le plus possible des « mauvaises influences » de ses ministres, généraux et conseillers, et surtout des diplomates de carrière, trop liés à leurs collègues arabes [83]. Sadate accepte, voire provoque, des réunions avec Ezer Weizman, l’Israélien qu’il considère comme « amical », ou encore avec Moshé Dayan lui-même, malgré les réticences du raïs à l’égard du conquérant du Sinaï. Ces réunions se font le plus souvent hors la présence de diplomates professionnels. Qui n’en apprirent parfois la teneur qu’à travers les livres des négociateurs israéliens [84], publiés plus tard. À Camp David, cependant, la méfiance est devenue telle que les Israéliens négocient essentiellement avec le médiateur, à charge pour lui d’obtenir des concessions de la part du président égyptien.
52Lors de pourparlers avec des interlocuteurs arabes, la méthode la plus créative, mais aussi la plus provocante, consiste à se doter, en cours de processus de paix, de nouvelles cartes. Ariel Sharon, père de cette méthode, aime à créer des colonies d’implantation dans les territoires sur lesquels portent les négociations. Si les colonies ne peuvent être stoppées par la contrepartie ou par le médiateur, c’est un gain en termes de stratégie de colonisation israélienne. Si elles suscitent tollés et pressions, on pourra y renoncer en guise de concession [85]. Contre, bien entendu, une concession de la partie adverse. Évidemment, Israël risque de se faire taxer de mauvaise foi, mais le bargaining power n’en reste pas moins accru. La méthode risque de provoquer des réactions américaines. Mais, aussi longtemps que Washington réagit mollement et n’entame pas de confrontation, la stratégie est gagnante. Peu après la visite de Sadate, sur le conseil de Sharon, le gouvernement met en chantier les assises de 23 nouvelles colonies dans le Sinaï. Sans surprise, les Égyptiens vivent le geste comme une insulte, surtout au lendemain de l’ouverture spectaculaire de leur président [86]... C’est à l’issue de cet épisode que la presse égyptienne se déchaînera contre Begin, voyant en lui le Shylock du Marchand de Venise. Ezer Weizman, qui avait désavoué ce plan lors des délibérations au gouvernement, ira jusqu’à dénoncer ces propos « dignes des stéréotypes antisémites » [87].
Les accords-cadres
53Après treize jours de négociations interminables à Camp David, Israël va lâcher du lest sur le volet égyptien des négociations, l’évacuation complète du Sinaï. Israël va accepter l’évacuation des bases aériennes et surtout des colonies qui constituaient autant des bargaining chips, pour une bonne partie de l’équipe de négociation, qu’un réel point idéologique, pour Begin. Lui, à qui Weizman disait qu’il fallait choisir entre ces colonies et la paix, n’acceptera de céder sur ce point qu’après le blanc-seing de Sharon, contacté par les ministres de la Défense et des Affaires étrangères [88].
54En revanche, grâce à la fermeté inébranlable de Begin et à son utilisation du facteur temps, le médiateur américain devra, dans les derniers jours, remanier sa proposition de compromis sur le volet palestinien et le lien entre les deux volets de « tant d’amendements israéliens » qu’elle en devint « méconnaissable », selon Weizman [89]. Le ministre égyptien des Affaires étrangères assiste, impuissant, à l’effondrement de la position égyptienne : « Chaque heure, nous apprenions de nouvelles concessions. » [90] Sadate et les États-Unis vont accepter de n’inclure le volet palestinien que sous une forme très atténuée, proche du plan d’autonomie proposé par Begin en décembre 1977 que Carter avait considéré comme un « subterfuge ». Les termes vagues pouvaient, selon l’interprétation et l’application données, devenir la « déclaration Balfour des Palestiniens » et lancer une réelle dynamique d’autodétermination et de fin de l’occupation [91]. Mais l’absence de mécanisme de force obligatoire et de lien conditionné avec le volet égyptien allait permettre à Begin, qui contrôlait le terrain et les populations, de laisser ce volet lettre morte. Et, de fait, les « accords-cadres pour un règlement global » ne vont constituer la base que d’un traité de paix séparé israélo-égyptien.
LES FACTEURS AYANT PERMIS AUX TECHNIQUES ISRAELIENNES DE NEGOCIATION DE DONNER LEUR PLEINE MESURE
55Begin et ses négociateurs utilisent les techniques de négociation décrites ici dans le cadre posé par une lecture avisée tant des limites et opportunités découlant de la structure des systèmes politiques des trois États impliqués que du degré de résolution des décideurs de la partie adverse et du médiateur.
56Jouant des caractéristiques du système politique israélien, Begin peut accroître son pouvoir de négociation en utilisant à son profit la profonde division de la société quant à l’avenir des territoires occupés. Cette division augmente sa marge de manœuvre de négociation. Il peut utiliser son extrême droite pour refuser des concessions demandées par l’Égypte et le médiateur américain. Quand les Américains demandent de laisser tomber les colonies du Sinaï, Begin répond que cela « ferait tomber son gouvernement » [92], que ce serait un « suicide politique » [93]. L’équipe Carter tente d’esquiver ces objections en produisant des sondages qui montrent des majorités favorables à la paix et aux concessions [94]. Il n’empêche, les Américains seront impressionnés par les opposants au processus, minoritaires mais très bruyants. Et ils admettront en pratique, peut-être un peu facilement, la thèse de Begin [95]. Qui, lui, sait pouvoir se permettre des concessions car il est soutenu par un gouvernement que Dayan juge étonnamment « docile » au Premier ministre [96], une coalition solide et un mouvement pour la paix qui se développe au sein de la population. La pluralité, la polarisation de la société israélienne, de son parlement et de son gouvernement accroissent donc la marge de manœuvre du Premier ministre.
57L’équipe israélienne de négociation présente une configuration et une division du travail particulièrement efficaces, jouant sur les dissensions mêmes : Begin se méfie de Dayan qui, comme Weizman, est choqué par l’intransigeance du Premier ministre [97]. Dayan et son ex-beau-frère Weizman ne s’apprécient guère. Mais les différences mêmes servent à augmenter le pouvoir de négociation de l’équipe dont le Premier ministre constitue l’élément plus dur. Si dur que son intransigeance menace à tout moment de rendre impossible tout progrès. À côté de Begin, Dayan, Weizman et Barak apparaissent comme modérés ; ils évitent que l’image d’intransigeance qu’il donne soit perçue comme celle d’Israël et offrent de la position israélienne une image plus « légitime ».
58Dayan, Weizman et Barak apparaissent aux yeux des médiateurs américains comme des hommes de bonne volonté, obligés d’obtenir des concessions supplémentaires pour pouvoir convaincre leur Premier ministre, sur le mode de : « Aidez-nous à vous aider. » Aux derniers instants des négociations à Camp David, Carter essaie désespérément de trouver une formule qui permette à Sadate de sauver la face et de ne pas paraître signer une paix séparée. Il veut reprendre dans l’accord la non-reconnaissance par les États-Unis de l’annexion de Jérusalem-Est par Israël. Begin refuse absolument et menace de partir sur-le-champ. Carter ne tente pas un face-à-face pour le persuader de rester, comme il l’avait fait deux jours auparavant avec Sadate. Avec son secrétaire d’État, le président, furieux, reçoit Moshé Dayan et lui demande si « Israël a l’intention de dire aux États-Unis que ceux-ci ne peuvent pas même déclarer publiquement leur position nationale ». Dayan, embarrassé, explique que Begin ne peut pas accepter. Cet incident montre tout le succès de la division des tâches au sein de l’équipe israélienne : Begin est intransigeant et empiète sur l’intérêt national américain, mais « Dayan est un homme sérieux en lequel nous avions tous les deux [le président et le secrétaire d’État] confiance » [98], et le fait qu’il présente ce point comme susceptible de faire capoter les négociations va entraîner les Américains à revoir leur copie et à chercher chez Sadate les moyens d’apaiser Begin...
59L’équipe américaine a entamé le processus diplomatique au Moyen-Orient avec audace et bonne volonté. Les décideurs américains savaient que leur initiative de règlement du conflit israélo-arabe allait impliquer des tensions avec Israël et une mobilisation contre eux des supporters d’Israël aux États-Unis [99]. Vance, Brzezinski et Carter lui-même déclarent vouloir résister aux pressions et aux campagnes lancées contre eux par les amis d’Israël. Brzezinski dit avoir cru Jimmy Carter sincère quand il affirmait « être prêt à perdre la présidence pour une paix réelle au Moyen-Orient » [100]. Durant les négociations, les responsables américains étaient souvent exaspérés par l’intransigeance, voire les pressions israéliennes. Ils avaient parfois l’impression que les Israéliens voulaient « transformer les États-Unis en un satellite de leur politique plutôt qu’une force indépendante travaillant à un règlement [du conflit israélo-arabe] » [101]. Mais, selon son conseiller Brzezinski, « le président, bien que parfois dur avec les négociateurs israéliens, n’indiquait pas assez clairement que, s’il était défié, il n’hésiterait pas à en appeler au pays et à engager une confrontation totale » [102]. Les partisans d’Israël lançaient contre l’administration Carter des campagnes de plus en plus critiques. Le Parti démocrate dut annuler des banquets de levée de fonds à New York et Los Angeles tant les défections de membres avaient été nombreuses [103].
60Mais le temps passant, même si Jimmy Carter se laisse encore aller à dire, en décembre 1978 : « Je serais prêt à perdre mon élection parce que je vais m’aliéner la communauté juive, mais je pense qu’il est important d’éviter que les Arabes tombent sous l’influence soviétique. Ainsi, si nécessaire, il faut être plus dur avec Israël », ses conseillers l’invitent de plus en plus à la prudence [104]. À condition de faire plier la partie la plus malléable, Carter a à portée de main un accord historique entre Israël et l’Égypte sur lequel il pense pouvoir capitaliser le jour venu. En revanche, s’obstiner à arracher un accord plus équilibré, même si cela permet d’atteindre un objectif de politique étrangère plus large et sert l’intérêt national américain, risque de coûter cher sur la scène intérieure. Il cherchera donc assez naturellement la ligne de moindre résistance : Sadate.
61L’Égypte de Sadate est un système politique centralisé de culture relativement autoritaire. À Camp David, face au médiateur, les négociateurs israéliens essaient de tirer parti de la structure de pouvoir autocratique de l’Égypte : selon eux, Sadate peut se permettre le luxe de faire des concessions face à Israël, car le président a toute latitude pour influencer son opinion publique. Pour les Israéliens, Sadate peut accepter des concessions a priori extrêmes comme le maintien des colons israéliens dans le Sinaï [105]. S’il ne les suit pas sur ce point, Carter crédite cependant Sadate d’une plus large marge de manœuvre face à une éventuelle opposition en Égypte, et ne l’en presse que plus fort de faire des concessions. La structure centralisée et autoritaire du pouvoir égyptien constitue en fait une limitation au pouvoir de négociation du chef de l’État égyptien.
62L’équipe égyptienne de négociation reflète la nature centralisée et autoritaire du régime, avec comme ultime, si ce n’est unique, décideur le président. Un président qui a ses impératifs propres, son système cognitif, un facteur temps potentiellement plus marqué que pour des institutions, par nature plus pérennes, avec une dimension personnelle supplémentaire : Sadate avait eu des crises cardiaques et aurait été atteint d’un cancer. Pour son ministre des Affaires étrangères, « son impatience et enthousiasme pour un succès » à atteindre sans délai relevaient « peut-être de ce qu’il savait ses jours comptés » [106]. En cas d’obstruction israélienne, le décideur égyptien pourrait avoir tendance à préférer un actif immédiat, concret – la récupération du Sinaï –, à un actif moins tangible, la résolution du drame palestinien et une paix globale au Moyen-Orient. La réticence des dirigeants palestiniens à oser suivre Sadate et les attaques des éléments les plus radicaux contre l’Égypte deviennent par ailleurs un motif de grief pour Sadate, et la cause palestinienne en perd de son attrait.
63Sadate étant le décideur, ses caractéristiques cognitives constituent un facteur de poids dans le processus de négociation. Quelles sont-elles ? Sadate se fait présenter comme « un homme d’honneur, de principe et de noblesse » [107]. Les critiques du président au sein du ministère égyptien des Affaires étrangères relèvent d’abord qu’il ne possède pas la culture, la formation, le background et les talents nécessaires à la négociation internationale [108] : contrairement à Assad, Sadate n’est pas le Bismarck de l’Orient [109]. Les interlocuteurs américains, à commencer par Kissinger qui le fréquenta en premier, ou même israéliens, sont parfois ébahis de la facilité avec laquelle Sadate peut soudain lâcher prise, surtout en aparté, contre l’avis de son cabinet ou du ministère des Affaires étrangères. Le président semble partir du principe que la générosité des intentions et la bonne volonté doivent entraîner des accords aisés et rapides [110]. Il ne comprend pas ou est indifférent aux subtilités du langage diplomatico-juridique et « les tractations sémantiques l’ennuient » [111]. La combinaison du manque de maîtrise de l’art de négocier et du peu de sensibilité aux détails du sens ont parfois des conséquences dramatiques. Dans certains stades critiques de la négociation, Sadate n’aurait pas compris que le remplacement de tel mot par un autre changeait du tout au tout la nature de telle ou telle concession. Pour Quandt, Sadate ne vit probablement même pas comment Begin l’emporta par un jeu de sémantique et couvrit son interprétation de la non-applicabilité de la résolution 242 à la Cisjordanie. Carter, pressé d’aboutir, avait admis l’ « ambiguïté ». Sadate n’aurait pas réalisé qu’il laissait là échapper l’application du volet palestinien [112].
64Si Sadate ne possédait pas la formation de diplomate, il ne pensait pas moins avoir une idée bien précise « au niveau stratégique » de l’intérêt de l’Égypte, une vision large que les « spécialistes » du ministère des Affaires étrangères, qui, selon lui, tenaient leur président pour un « idiot », n’avaient pas [113]. À leur supposée condescendance, Sadate répondait par le mépris hautain de l’homme sage qu’il pensait être. Les Américains appréciaient de fait en lui l’ « homme de vision » qui a une « perspective stratégique large », tout en admettant qu’il était plus « intuitif que méthodique », et déploraient son « imprécision » [114]. Sadate croyait en sa « bonne fortune », en ses intuitions [115], en son « flair » [116]. En conséquence de ce sentiment de détenir la vérité et la voie, il n’hésitait pas à mener en tête-à-tête des réunions décisives, surtout avec Carter [117]. Et à prendre seul, contre l’avis du ministère des Affaires étrangères ou de son cabinet, les décisions cruciales.
65Selon la plupart des témoignages, le président égyptien aurait par ailleurs accordé un poids prépondérant aux relations humaines, à l’amitié, la confiance et la loyauté [118]. Pour gagner la sympathie et la confiance d’une personne qu’il estimait, Sadate n’hésitait pas, selon Mohammad Kamel, à aller dans son sens, à adopter une partie de sa position, à consentir d’extrêmes concessions et à faire preuve de flexibilité [119]. Dans cette veine, Sadate dira à Carter : « Je vais représenter vos intérêts comme s’ils étaient les miens, vous êtes mon frère. » [120] Affaiblissant la position égyptienne, le raïs reçoit Weizman en plein sommet de la Ligue arabe au Caire alors que l’armée israélienne envahit le Liban en mars 1978. Quand son ministre des Affaires étrangères stupéfait découvre ce « coup de poignard dans le dos » qui ruine les chances de rapprochement entre l’Égypte et les Arabes qui se méfient de l’échappée solitaire égyptienne, Sadate répond : « Vous ne comprenez pas, Weizman est mon ami. » [121] Dès qu’une personne était qualifiée de « vrai ami », Sadate « lui révélait son for intérieur, offrant l’occasion de l’exploiter ou de le duper à ceux qui le souhaitaient » [122]. À Camp David, Sadate dévoile tôt à Carter les concessions ultimes que pourrait faire l’Égypte. Mais Carter les transmet aux Israéliens qui considèrent ces positions comme un point de départ et ne vont cesser de tirer la négociation dans leur sens.
66Le président égyptien voulait par-dessus tout l’alliance et l’amitié des Américains. Il avait cru trouver en Carter un ami et un homme digne de confiance [123]. Le président américain dira d’ailleurs que Sadate, à Camp David, avait à son égard « trop confiance » [124]. Venant buter contre l’intransigeance de Begin, Carter exploitera cette amitié pour obtenir les concessions nécessaires aux exigences israéliennes. Carter soulignait combien Sadate « était toujours prêt à venir dans son sens quand il le lui demandait » [125]. Les derniers jours de Camp David, quand il va réviser le projet américain dans un sens favorable aux limites de l’inflexible Premier ministre israélien, il va se tourner vers Sadate, sachant le projet « difficile à accepter », mais « comptant lourdement sur sa relation spéciale avec le raïs » pour l’amener à céder [126].
67Quand Sadate fait mine de vouloir quitter Camp David, Carter lui déclare qu’un tel départ signifierait « la fin de cet effort de paix [...], probablement la fin de ma présidence [...] et, last but not least, cela signifierait la fin de quelque chose qui m’est très précieux : mon amitié avec vous » [127]. Aux ultimes heures, les plus critiques, du sommet, Sadate aurait accepté les demandes de Carter pour satisfaire les Israéliens car il avait la parole de Carter que celui-ci, qui serait réélu grâce au succès de Camp David, s’attacherait à reprendre le dossier palestinien lors de son second mandat [128]. Sadate dit à son ministre des Affaires étrangères avoir une telle confiance en son ami américain qu’il « signerait sans lire ce que Carter lui présenterait comme bon » [129]. Le président américain lui ayant expliqué qu’aller plus loin dans le sens de l’Égypte « lui coûterait son job » [130], Sadate se devait de l’aider à parvenir à un accord. Quitte à sacrifier ses propres intérêts car Carter reconnaissait lui-même l’ « imperfection » que représentait l’absence de lien clair entre les deux volets (qui faisait de facto de l’accord-cadre un possible accord séparé). Mais le président « assura » à Sadate qu’il œuvrerait à ce qu’Israël honore le volet palestinien. Comme le conclut le secrétaire d’État, « Sadate avait confiance en Carter et il donna son assentiment » [131]. Le ministre égyptien des Affaires étrangères, découvrant la dynamique et l’étendue des concessions, en conclut que « Sadate avait capitulé sans conditions au président Carter qui, à son tour, avait capitulé sans conditions à Menahem Begin » [132].
DES ACCORDS-CADRES AU TRAITE DE PAIX
68Dans les mois suivant les accords-cadres, la diplomatie israélienne doit parachever son succès en transformant ces accords en une réelle paix séparée dont les principes (retrait des territoires occupés) ne fassent pas tâche d’huile. Après Camp David, les jeux n’étaient pas aussi faits que pouvaient le laisser supposer les déclarations officielles arabes. En octobre 1978, un envoyé saoudien vient interroger l’administration Carter sur sa volonté de poursuivre le processus. Le roi Hussein de Jordanie demande et obtient des clarifications. L’OLP elle-même sonde les Américains [133].
69Sadate, de son côté, ayant réalisé le risque que les accords-cadres débouchent sur une simple paix séparée, essaie, de son côté, de ramener par la petite porte le « lien » entre les deux volets, et d’éviter de se retrouver si engagé avec Israël que tout lien avec les États arabes en soient coupés. Pour les Israéliens, il faudra donc imposer sans la moindre ambiguïté le principe de « primauté des obligations » et faire répudier par l’Égypte toute obligation militaire avec ses pairs arabes.
70Ensuite, pour pouvoir vider de son contenu le volet palestinien des accords-cadres, il faudra s’assurer que l’Égypte ne puisse établir un lien entre les deux volets et soumettre ses progrès dans la normalisation avec Israël – comme un échange d’ambassadeurs – à des avancées dans le dossier palestinien. Sadate, comprenant l’étendue de ce qu’il avait concédé à Camp David, tentera au contraire de maintenir un lien entre les deux dossiers, et voudra éviter la clause de primauté des obligations qui parachève le caractère « séparé » de la paix avec Israël.
71Selon les Américains, des déclarations intempestives de Begin sur l’avenir de la Cisjordanie et la décision spectaculaire de renforcer considérablement la colonisation en Cisjordanie en octobre 1978 ont également pour objectif de rendre impossible que les Palestiniens et la Jordanie se joignent au processus. Et visent donc à promettre une paix séparée qui n’étende pas les rétrocessions à d’autres territoires. Pour Carter, Begin cède le Sinaï pour mieux garder les autres territoires occupés [134]. Weizman n’en fait pas mystère, déclarant, à Cyrus Vance : « Si quelqu’un, Américain ou Arabe, s’imaginait que notre évacuation du Sinaï pourrait être prise comme modèle pour les autres fronts, il se trompait lourdement. Ni en rive occidentale, ni à Gaza, ni sur le plateau du Golan nous n’évacuerions nos colonies ou cesserions de maintenir une présence militaire. » [135]
72Face au baroud égyptien, Begin mais aussi Moshé Dayan s’accrochent à leurs stratégies de refus gagnant. Dayan sut tenir tête de manière telle au président Carter que ce dernier dut aller chercher les concessions chez les Égyptiens : « Quand le président vit que nous ne bougerions pas, et que poursuivre les débats ne servirait à rien, il suggéra que Hansell, Barak et Rosenne récrivissent les clauses litigieuses sous une forme acceptable pour nous, et nous demanda si, dans ce cas, nous pourrions recommander à notre gouvernement d’approuver le traité. » [136] Face aux refus israéliens, l’Administration américaine, pressée d’en finir, va à nouveau chercher la ligne de moindre résistance et utiliser l’ « amitié » de Sadate et sa volonté d’ « aider Carter ». Malgré son sursaut pendant les mois de négociation du traité de paix, Sadate, « qui n’aurait pas pu être plus coopératif », finira en mars 1979 par accepter les formules américaines contre l’avis de son cabinet [137]. S’affichant « soucieux de la position de Carter », il voudra aider le Président à surmonter les obstacles élevés par Begin et à ne pas perdre les élections [138].
73La retraite opérée par Jimmy Carter d’un règlement global à un accord séparé avec des clauses floues et non engageantes sur les Palestiniens pour rendre possible l’accord ne fut pas anodine en termes de l’intérêt national américain. Il existait une possibilité d’explorer les chances d’élargir Camp David et de renforcer le camp pro-américain. Mais cela nécessitait un engagement de la part des États-Unis, des pressions considérables sur le gouvernement Begin, et par conséquent des risques politiques que Carter n’était plus prêt à prendre [139]. La Maison-Blanche préféra renoncer à son grand dessein afin de ménager sa scène intérieure.
CONCLUSIONS
74Les Américains affirmèrent que, tout imparfaits qu’ils étaient, les accords représentaient « les marges extrêmes du possible à ce temps-là » [140]. À Camp David, ce fut dans une large mesure Begin qui détermina les limites du possible. Ses méthodes de négociation et celles de son équipe n’ont rien d’intrinsèquement original, de spécifiquement israélien, ni de particulièrement machiavélique. Elles appartiennent au répertoire universel du négociateur. C’est leur exploitation habile et à outrance dans un contexte correctement interprété de rapports de force, de limites et opportunités relevant des systèmes politiques et de la résolution des participants, qui forma une stratégie de négociation efficace et fit le succès de Begin lors du processus de Camp David. Il put ainsi faire prévaloir ses positions clés contre l’Égypte et le médiateur américain. Il avait renoncé au Sinaï contre la paix, mais, par des formules sémantiques habilement négociées, il put ne rien céder de concret en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem-Est [141].
75Le gouvernement israélien avait joué sa stratégie de négociation sur l’hypothèse de base qu’il était possible de se limiter à une paix séparée avec l’Égypte en se retirant du Sinaï seulement. Il serait ainsi possible de faire l’économie d’une autonomie palestinienne qui aboutirait à un État. Israël pourrait poursuivre la colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est et atteindre une majorité juive qui rendrait toute rétrocession absurde. Ariel Sharon s’était trompé. Certes, lui-même et les gouvernements qui se succédèrent en Israël après Camp David ne ménagèrent pas leurs efforts pour multiplier les colonies. Mais, trente ans après Camp David, malgré tous les efforts, les colons sont tout au plus 400 000. À Gaza, trente-sept ans de colonisation permirent d’installer un nombre de colons inférieur à trois semaines de croissance démographique de la population locale palestinienne... Ariel Sharon, le chantre de la colonisation, comprit le message, se retira de la bande de Gaza, et envisagea un État palestinien sur la plus grande partie de la Cisjordanie.
76Sadate faisait le pari que le monde arabe ne pourrait se passer longtemps de l’Égypte qui serait rejointe plus tard par les « modérés », comme la Jordanie et l’Arabie Saoudite. L’Égypte aurait donné l’élan, la paix ne resterait pas séparée. Certes, à sa surprise, la Jordanie et l’OLP n’eurent pas le courage de le suivre de son vivant. Mais il avait vu juste : une décennie après Camp David, l’Égypte retrouvait la place qui était sienne dans le monde arabe. Quinze ans après la signature des accords israélo-égyptiens, la Jordanie faisait de même. L’Arabie Saoudite proposa un plan de paix en 1981, et un plan de paix plus audacieux en 2002.
77Le succès des techniques de négociations décrites ici, dans un contexte et des limites correctement lus, a permis à Israël de bloquer en partie les demandes de ses contreparties arabes et des médiateurs, de remporter des victoires tactiques et de repousser les concessions. Mais, comme l’avaient prévu Sadate et ses conseillers, le problème palestinien refit éruption « comme un volcan intermittent ». À chaque crise, de nouvelles initiatives diplomatiques virent le jour, où les conditions de départ étaient plus exigeantes envers Israël [142].
78Jimmy Carter a laissé le gouvernement Begin vider de tout sens le volet palestinien car une autre position revêtait trop de risques politiques. Il estimait que l’on reviendrait plus tard sur cette question cruciale. Mais elle ne revint à l’agenda diplomatique par la vertu de Carter ou de ses successeurs, encore moins par celle de Begin ou de Shamir, mais par la résolution des populations palestiniennes qui se soulevèrent contre l’occupation, dix ans après Camp David. George Shultz [143] puis, de manière plus décidée encore, James Baker et George Bush reprirent le plan d’autonomie de Camp David. Itzhak Shamir tenta alors les mêmes techniques de négociation que Begin : il se déclara « immune aux pressions » [144], tenta avec une certaine « roublardise » [145] de rester évasif sur les sujets qui fâchent, proposa une autonomie limitée qu’il revit rapidement à la baisse [146], resta vague sur d’éventuels engagements, ne tint pas les promesses sur la colonisation [147], espérant gagner du temps jusqu’à une Administration plus accommodante. Afin de « créer des faits accomplis sur le terrain » et des cartes de négociation, Ariel Sharon annonçait la construction de nouvelles colonies à chaque visite du secrétaire d’État [148]. Mais, à la différence de Begin et son équipe, Shamir utilisa ces techniques de négociation en interprétant mal le contexte. Le génie de l’équipe de négociation de Begin avait justement été d’utiliser de manière agressive des techniques dans le cadre de limites bien interprétées. Lisant mal la configuration nouvelle en Amérique, induit en erreur par des diplomates trop optimistes quant au levier d’Israël sur la Maison-Blanche [149], Shamir osa engager une confrontation ouverte avec l’Administration sur la question des colonies. Le président Bush en appela à la nation contre « un puissant lobby » [150], au nom de l’intérêt de l’Amérique. Shamir perdit et ne put échapper à la Conférence de Madrid et à la relance d’un plan d’autonomie inspiré de l’esprit des accords-cadres, mais beaucoup plus ambitieux dans ses applications. La crise provoquée par Shamir inquiéta profondément l’opinion publique israélienne attachée à l’alliance américaine et contribua à entraîner sa chute aux élections face à Rabin, décidé de faire de la paix une « priorité ». Il explora la possibilité d’un accord avec les Palestiniens à travers le processus d’Oslo. Certes, ce dernier vint échouer plus tard au second Sommet de Camp David. Mais au début des années 2000, suite au second soulèvement palestinien, George W. Bush fixa un cap que Carter n’avait jamais osé évoquer : « Un État palestinien souverain, indépendant, viable. » [151]
79Il est fort possible que ces évolutions, beaucoup plus lentes en tout cas que prévu par les protagonistes, relèvent des hasards historiques et non de la clairvoyance et du sens de l’Histoire des présidents égyptien et américain. Il n’empêche, leurs analyses sous-jacentes étaient justes. Celles du gouvernement Begin, fausses. Même les meilleures stratégies de négociation utilisées au mieux dans le cadre des rapports de force, mais fondées sur des hypothèses de base erronées car ignorant les dynamiques historiques, ne sauraient, semble-t-il, durablement déterminer le cours de l’Histoire.
Notes
-
[1]
Du côté américain, Jimmy Carter, son proche conseiller Zbigniew Brzezinski, le secrétaire d’État Cyrus Vance et le membre du NSC William Quandt. Du côté israélien, le ministre des Affaires étrangères Moshé Dayan et le ministre de la Défense Ezer Weizman. Du côté égyptien, deux ministres des Affaires étrangères, Ismaïl Fahmy et Mohammad Kamel.
-
[2]
Le texte français de la résolution, lui, ne laisse aucune ambiguïté : « Retrait des forces des territoires. »
-
[3]
Jimmy Carter, Keeping Faith : Memoirs of a President, Toronto, Bantam Books, 1982, p. 288, 326, 374.
-
[4]
Richard B. Parker, The Politics of Miscalculation in the Middle East, Bloomington, Indiana University Press, 1993, p. 3-122.
-
[5]
Formule d’Itzhak Shamir, reprise plus tard par Binyamin Néthanyahou puis Ariel Sharon : Robert Anciaux, Vers un nouvel ordre régional au Moyen-Orient ?, Paris-Montréal, L’Harmattan, 1997, p. 71.
-
[6]
Cyrus R. Vance, Hard Choices : Critical Years in America’s Foreign Policy, New York, Simon & Schuster, 1983, p 186.
-
[7]
Moshé Dayan, Paix dans le désert. Compte rendu personnel des négociations de paix égypto-israéliennes, Paris, Fayard, 1981, p. 35.
-
[8]
Un des proches de Sadate l’aurait souligné dès la visite à Jérusalem. Ezer Weizman, The Battle for Peace, Toronto, Bantam Books, 1981, p. 60-61.
-
[9]
William B. Quandt, Camp David : Peacemaking and Politics, Washington (DC), Brookings Institution, 1986, p. 80.
-
[10]
Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 249-250.
-
[11]
Voir entre autres Camille Mansour, Israël et les États-Unis, ou les fondements d’une doctrine stratégique, Paris, Armand Colin, 1995, p. 169-262 ; Melani McAlister, Epic Encounters : Culture, Media, and US Interests in the Middle East, 1945-2000, Berkeley, University of California Press, 2001, p. 155.197.
-
[12]
Weizman dira aux Égyptiens, lors de la première rencontre : « Si nous perdons une seule guerre, nous perdons tout » (Weizman, The Battle for Peace, op. cit., p. 60).
-
[13]
Entretien avec deux anciens hauts responsables du Mossad, Tel-Aviv, 17 juin 2008.
-
[14]
Mais il existe des situations dans lesquelles le Mossad se mue lui-même en négociateur pratiquement jusqu’au stade ultime des négociations, comme dans le cas de celles qui menèrent au traité de paix israélo-jordanien en 1994.
-
[15]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 163 ; Zbigniew Brzezinski, Power and Principle : Memoirs of the National Security Adviser, 1977-1981, New York, Farrar-Straus-Giroux, 1983, p. 83-85 ; William B. Quandt, Peace Process : American Diplomacy and the Arab-Israeli Conflict since 1967, Washington, Brookings, Rev. Éd. 2001, p. 179.
-
[16]
Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 277.
-
[17]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 180, 183 ; Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 281.
-
[18]
Ibid., p. 163. Voir aussi Brzezinski, Power, op. cit., p. 88.
-
[19]
Voir la vibrante plaidoirie de Sadate pour une paix nécessaire pour pallier les difficultés socio-économiques, in Mohammed Kamel, The Camp David Accords, Londres, 1986, p. 367.
-
[20]
Bahgat, Korany, Ali E., Hillal Dessouki (eds), The Foreign Policies of Arab States, Boulder (Col.), Westview Press, 1991, p. 163.
-
[21]
L’expression est du ministre des Affaires étrangères égyptien, qui l’utilise à plusieurs reprises : Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 44 ; Ismail Fahmy, Negotiating for Peace in the Middle East, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1983, p. 104.
-
[22]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 35, 44. Brzezinski partage la vision de ce risque, un accord séparé étant comme « instable de manière inhérente » (cf. Power, op. cit., p. 113).
-
[23]
Sur la centralité de la question palestinienne pour les Égyptiens, voir Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 125-126, 310-311 ; Vance, Hard Choices, op. cit., p. 170.
-
[24]
Yezid Sayigh, Armed Struggle and the Search for State : The Palestinian National Movement, 1949-1993, Oxford, Oxford University Press, 1999, p. 333-339, 422.
-
[25]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit. p. 37 ; Fahmy, Negotiating for Peace, op. cit. p. 8. Ses ministres des Affaires étrangères souhaitaient que Sadate joue plus habilement de Moscou comme contrepoids dans la relation à Washington. Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 37-38, et Fahmy, Negotiating for Peace, op. cit., p. 170-171.
-
[26]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 76.
-
[27]
Ibid., p. 37 ; Fahmy, Negotiating for Peace, op. cit., p. 170.
-
[28]
Sur la position du gouvernement, voir Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 26.
-
[29]
Ibid., p. 85.
-
[30]
Ibid., p. 39.
-
[31]
Quandt, Peace Process, op. cit., p. 190.
-
[32]
Adel Safty, « Egyptian negotiations and decisionmaking from Sinai to Camp David : The preponderance of the psychopolitical perceptions of the leader as decisionmaker », International Studies, 28, 4, 1991, p. 427.
-
[33]
Weizman, The Battle for Peace, op. cit., p. 190.
-
[34]
Washington Post, « The 20-year US-Israeli battle over land for peace », 10 avril 1988.
-
[35]
Vance, Hard Choices, op. cit. p. 189.
-
[36]
Charles Enderlin, Paix ou guerres : les secrets des négociations israélo-arabes (1917-1997), Paris, Stock, 1997, p. 390 ; Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 53.
-
[37]
Ibid., p. 116-117.
-
[38]
Le discours est très éloquent de la position égyptienne : « Je ne suis pas venu chez vous pour conclure un accord séparé entre l’Égypte et Israël. Aucun accord séparé entre nos deux pays ne peut garantir une paix juste. Ce n’est pas tout. Même si les accords de paix sont conclus entre tous les États de la confrontation et Israël, sans solution juste du problème palestinien, la paix globale, stable et juste ne pourra être réalisée. [...] Comment arriver à la paix ? Il y a des vérités qu’il faut présenter dans toute leur force et leur clarté : il y a une terre arabe qu’Israël a conquise par la force et qu’il occupe toujours par la force armée. Nous exigeons fermement un retrait de ces territoires, y compris de Jérusalem. [...] Je ne suis pas venu chez vous pour vous présenter une demande de retrait de vos forces des territoires occupés. Le retrait complet de la terre arabe conquise en 1967 va de soi. [...] Le cœur du problème, c’est la question palestinienne. [...] Les droits légitimes du peuple palestinien ne peuvent être démentis ni ignorés. [...] Car le problème palestinien est l’essentiel et se trouve au cœur de la lutte. Aussi longtemps qu’il n’est pas résolu, cette lutte s’accroîtra et prendra de nouvelles dimensions. La paix ne peut être réalisée sans les Palestiniens. La solution, c’est la création d’un État pour le peuple palestinien [...] » (Enderlin, Paix ou guerres, op. cit., p. 403-404). Oussama el-Baz ajoutera à Camp David que le problème palestinien, « s’il était mis de côté, ignoré, ferait sans cesse éruption comme se réveille un volcan intermittent » (cité in Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 183-184).
-
[39]
L’expression est de Dayan (ibid., p. 152).
-
[40]
Brzezinski, Power, op. cit. p. 239-247 ; Quandt, Peace Process, op. cit., p. 194-197.
-
[41]
Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 151, 153, 166.
-
[42]
Quandt, Peace Process, op. cit., p. 193.
-
[43]
Sadate et son ministre des Affaires étrangères se sentiront en « camp de détention », Begin en « camp de concentration »... (Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 321-353 ; Vance, Hard Choices, op. cit., p. 223).
-
[44]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 266.
-
[45]
Weizman, The Battle for Peace, op. cit., p. 365.
-
[46]
Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 386, Brzezinski note aussi la formule. Mais, observant que Begin cédera sur ce point, il en conclura que le Premier ministre n’est pas inamovible idéologiquement (Brzezinski, Power, op. cit., p. 263).
-
[47]
Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 220.
-
[48]
Shibley Telhami, Power and Leadership in International Bargaining : The Path to the Camp David Accords, New York, Columbia University Press, 1990, p. 162-167.
-
[49]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 109, 121.
-
[50]
Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 220.
-
[51]
Quandt, Peace Process, op. cit., p. 184.
-
[52]
Ibid., p. 196.
-
[53]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 257.
-
[54]
Quandt, Peace Process, op. cit., p. 201.
-
[55]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 50-51.
-
[56]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 101, 237, 254. Voir aussi Vance, Hard Choices, op. cit., p. 181.
-
[57]
À son épouse Rosalynn, Carter aurait décrit Begin comme un « psychopathe » et se serait demandé, devant ses conseilleurs, si Begin avait toute sa raison (Brzezinski, Power, op. cit., p. 261, 264).
-
[58]
Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 82, 163, 221.
-
[59]
Quandt, Peace Process, op. cit., p. 202.
-
[60]
Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 348.
-
[61]
Ibid., p. 406.
-
[62]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 249, 269.
-
[63]
Enderlin, Paix ou guerres, op. cit., p. 393.
-
[64]
Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 30, 83, 85.
-
[65]
Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 312.
-
[66]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 246.
-
[67]
Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 164.
-
[68]
Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 312.
-
[69]
Ibid., p. 300.
-
[70]
Ibid., p. 228.
-
[71]
Ibid., p. 349.
-
[72]
Ibid., p. 377.
-
[73]
Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 211.
-
[74]
Quandt, Peace Process, op. cit., p. 184.
-
[75]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 203.
-
[76]
Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 397 ; Vance, Hard Choices, op. cit., p. 228 ; Quandt, Peace Process, op. cit., p. 203 ; Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 236-238. Pour Brzezinski, c’est là le pire échec de Camp David (Brzezinski, Power, op. cit., p. 273).
-
[77]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 238.
-
[78]
L’Administration américaine était consciente de cette carte : voir Vance, Hard Choices, op. cit., p. 243.
-
[79]
Quandt, Peace Process, op. cit., p. 189 ; Brzezinski, Power, op. cit., p. 109.
-
[80]
Ibid.
-
[81]
Yitzhak Shamir, Summing up, London, Weidenfeld & Nicolson, 1994, p. 235.
-
[82]
Quandt, Peace Process, op. cit., p. 201.
-
[83]
Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 145.
-
[84]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 145-149, 349-351.
-
[85]
Enderlin, Paix ou guerres, op. cit., p. 407.
-
[86]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 51.
-
[87]
Voir le chapitre « Dummy settlements in the desert », in Weizman, The Battle for Peace, op. cit., p. 137-147.
-
[88]
Ibid., p. 370.
-
[89]
Ibid., p. 366.
-
[90]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 372-374.
-
[91]
Abba S. Eban, Personal Witness : Israel through my Eyes, New York, G. P. Putnam’s Sons, 1992, p. 591, 600.
-
[92]
Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 359.
-
[93]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 270.
-
[94]
Carter le fait dès la première rencontre avec Begin en juillet 1977 (Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 290, 413).
-
[95]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 237.
-
[96]
Même si avec le temps plusieurs ministres deviendront critiques de Camp David ; Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 97.
-
[97]
Dayan va jusqu’à qualifier certains points de vue de Begin d’ « outranciers et déraisonnables » (ibid., p. 197).
-
[98]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 226.
-
[99]
Ibid., p. 163 ; Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 275-277.
-
[100]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 97.
-
[101]
Ibid., p. 102. Pour des exemples de telles tentatives du cabinet Begin, voir Vance, Hard Choices, op. cit., p. 186.
-
[102]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 109.
-
[103]
Ibid., p. 96-98, 248-249 ; Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 313.
-
[104]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 278.
-
[105]
Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 358.
-
[106]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 122.
-
[107]
Tohami, cité in Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 67.
-
[108]
Sur le manque de « culture » de base, sur la capacité à négocier, voir Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 110, 122.
-
[109]
Mais on pourrait arguer ironiquement, même si le parallèle reste un peu court, qu’Assad n’a jamais récupéré le Golan. Et l’apprenti-négociateur, naïf, a, lui, récupéré le Sinaï...
-
[110]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 174.
-
[111]
Ibid. ; Quandt, Peace Process, op. cit., p. 200.
-
[112]
AAAAIbid.,BBBB p. 202.
-
[113]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 374-375.
-
[114]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 254.
-
[115]
Cyrus Vance le dit plus « intuitif que méthodique » : Vance, Hard Choices, op. cit., p. 174.
-
[116]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 118, 122.
-
[117]
Selon Carter, Sadate passa très peu de temps à Camp David avec son équipe. Il était « mal à l’aise » quand ses conseillers étaient autour de lui lorsque le président égyptien voulait s’entretenir avec son homologue américain (Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 342).
-
[118]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 174.
-
[119]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 120.
-
[120]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 284.
-
[121]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 142.
-
[122]
Ibid., p. 120.
-
[123]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 175.
-
[124]
Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 322.
-
[125]
Brzezinski, Power, op. cit., p. 259.
-
[126]
Ibid., p. 262.
-
[127]
Ibid., p. 272.
-
[128]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 366. Brzezinski relate une promesse « non écrite » de Carter de soutien à l’Égypte sur l’affaire des colonies (Brzezinski, Power, op. cit., p. 272).
-
[129]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 371.
-
[130]
Ibid.
-
[131]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 226.
-
[132]
Kamel, The Camp David Accords, op. cit., p. 358.
-
[133]
Quandt, Peace Process, op. cit., p. 208-209.
-
[134]
Carter y voyait la preuve que ses suspicions de Camp David que Begin faisait la paix avec l’Égypte pour garder la Cisjordanie étaient fondées : Carter, Keeping Faith, op. cit., p. 405, 409, 421.
-
[135]
Cité in Dayan, Paix dans le désert, op. cit., p. 287.
-
[136]
Ibid., p. 278.
-
[137]
Vance, Hard Choices, op. cit., p. 241.
-
[138]
Ibid., p. 282.
-
[139]
Quandt, Peace Process, op. cit., p. 235-237.
-
[140]
Ibid., p. 229.
-
[141]
Sans surprise, l’application du volet palestinien s’interrompit rapidement. Begin avait dit au négociateur israélien sur ce volet, Yossef Burg : « Parlez de ce que vous voulez avec les Palestiniens, mais ne concluez rien. » Yossef Burg l’a confié à un ancien haut responsable du Mossad interrogé par l’auteur. Tel-Aviv, 17 juin 2008. Dayan puis Weizman démissionnèrent en 1981 pour dénoncer le manque de volonté de Begin d’avancer avec les Palestiniens.
-
[142]
C’est une thèse chère à Yossi Beilin interrogé par l’auteur à Tel-Aviv, 11 juin 2002.
-
[143]
George P. Shultz, Turmoil and Triumph : My Years as Secretary of State, New York, Macmillan, 1993, p. 1028-1029.
-
[144]
Financial Times, « Israel : Shamir vows to fend off us pressure on Israel », 5 avril 1989.
-
[145]
Le Monde, « L’étrange “programme” du Premier ministre israélien », 23 avril 2001.
-
[146]
James A. Baker, The Politics of Diplomacy : Revolution, War and Peace, New York, Putnam, 1995, p. 123 ; voir aussi la section « Selling his own creation back to Shamir », p. 124-125.
-
[147]
Ibid., p. 117.
-
[148]
« Every time I went to Israel Sharon would announce the opening of a new settlement. And we finally said : “Wait a minute, we are not going to accept that.” [...] After what we are giving them routinely every year, coming to us and asking us for ten billion dollars more, and telling us in the same time they are not going to pay any attention to pay any attention to America’s policy vis-à-vis building settlement he [Yitzhak Shamir] basically said : “Its is not your business. We want the money but we are not going to pay any attention to your policy position” » (entretien avec le secrétaire d’État James Baker, 5 décembre 2002).
-
[149]
En particulier l’ultranationaliste attaché, proche des colons, Yoram Ettinger. Entretien avec l’ambassadeur d’Israël en poste à Washington au début des années 1990, Zalman Shoval, 19 août 2002.
-
[150]
Voir le discours sous hhhttp:// bushlibrary. tamu. edu/ papers/ 1991/ 91091200. html.
-
[151]
HHttp:// wwwww. state. gov/ p/ nea/ rls/ rm/ 21193. htm. Quant à Jimmy Carter, il n’a cessé de se rapprocher de ceux qu’il avait finalement laissé tomber à Camp David, les Palestiniens...