En septembre 2020, lors d’un événement organisé par le think tank bruxellois Bruegel, le président du Conseil européen, le Belge Charles Michel, prononçait un discours intitulé « L’autonomie stratégique européenne est l’objectif de notre génération ». Quelle singulière évolution pour un concept apparu relativement récemment au détour d’une phrase des conclusions du Conseil européen. Car, dans les mots de Charles Michel, en devenant l’objectif de l’Union pour les vingt ou trente prochaines années, l’autonomie stratégique donne un nouvel élan au projet européen. Il est vrai que l’Union européenne (UE) vit depuis le milieu des années 2000, après l’introduction de la monnaie unique et après la grande réunification du continent européen, une crise de projet, qui a même pu confiner à la crise existentielle, au lendemain du vote en faveur du Brexit. L’autonomie stratégique serait ainsi cette nouvelle frontière du projet européen, la voie nouvelle de cette « union toujours plus étroite », rejetée par les Britanniques.
Les évolutions rapides du contexte géopolitique ont aussi joué un rôle essentiel dans la montée en puissance de cette notion d’autonomie stratégique. La présidence Trump aux États-Unis a constitué un facteur d’unité et de cohésion des Européens particulièrement important. Malgré le soulagement avec lequel l’élection de Joe Biden a été accueillie dans les chancelleries européennes, les questions de l’affirmation de l’Europe sur la scène mondiale et de son autonomie stratégique n’ont pas disparu, car il ne faut pas oublier que le retrait stratégique américain a commencé sous la présidence du démocrate Barack Obama…