Dès sa prise de fonctions en septembre 2019 à la tête de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ancienne ministre allemande de la Défense d’Angela Merkel, a déclaré qu’elle dirigerait une Commission géopolitique. De manière étonnante, cette affirmation constamment reprise n’a suscité de réactions hostiles ni de la part des États membres, souvent timorés et réticents à tout ce qui a trait à un discours de puissance de l’Union européenne (UE), ni même de la part du Conseil de l’UE, généralement attaché à la répartition des rôles consacrée par le traité. En réalité, c’est bien l’Union en tant que telle qui s’affiche désormais comme géopolitique.
Cela traduit une maturation des esprits et la prise de conscience d’une certaine vulnérabilité de cette Union « postmoderne », allergique à la notion même de puissance, analysée comme la cause des deux guerres mondiales meurtrières, et au contraire fondée sur l’ouverture économique la plus large et la culture du compromis. Tout cela était bel et bon dans un monde prévisible et où prévalait le multilatéralisme. La donne change dans un monde de plus en plus brutal, dominé de nouveau par les rapports de force. Paraphrasant Gideon Rachman au sujet de l’Allemagne, Frank-Walter Steinmeier, président de la République fédérale a estimé que la faiblesse de l’UE était d’« être herbivore dans un monde de carnivores ».
L’environnement stratégique de l’Europe a changé radicalement au cours des dernières années avec le retour d’attitudes impériales d’États-continents, comme la Chine et la Russie, nostalgiques de leur gloire passée et en même temps soucieux de prendre leur revanche sur l’humiliation attribuée aux Occidentaux à un moment de leur histoire, ou encore la Turquie…