Olivier de France, Édouard Simon et Marc Verzeroli – Déflagration économique et financière, dette, euro, Ukraine, flux migratoires, Brexit, relations transatlantiques, sans même parler de la pandémie de Covid-19, l’Europe a semblé au cours de la dernière décennie voguer de crise en crise. Quel diagnostic faites-vous du projet européen dans ce contexte ?LUUK VAN MIDDELAAR – Je tente de montrer que s’opère un basculement d’époque qui affecte toute l’Europe, et donc l’Union européenne (UE) dans son fonctionnement politique et institutionnel. Celle-ci, en tant que communauté, a été créée pour un temps de paix. Il s’agissait de produire, ensemble, de la prospérité, notamment par le biais du marché et de stabilité continentale, le tout sous le parapluie stratégique américain. Il n’y avait donc aucune nécessité de se pencher sur de grandes questions, sécuritaires ou autres, en tant qu’Européens, ou en tout cas en tant qu’Union ou communauté européenne.
Mais, d’une part, le monde se transforme : notre rapport aux États-Unis évolue, nos voisins deviennent plus offensifs. Et, d’autre part, des projets que nous avons montés de notre propre volonté, et pour d’excellentes raisons, comme la monnaie unique, entraînent la nécessité de faire de la politique d’une autre façon. La manière dont je l’ai décrite dans mon dernier ouvrage paru en France est celle du passage d’un système européen axé avant tout sur la production de normes et de règles – pour le marché, les standards pour les produits, les taux de TVA, etc…