Les soulèvements de 2011 qui ont été regroupés sous l’appellation de « printemps arabes » ont tous un point commun qui tranche avec les contestations ayant rythmé depuis les indépendances la vie politique et sociale des pays concernés. Partout, en effet, ils ont été marqués par la présence massive des femmes parmi les manifestants et les activistes des mouvements. Cette présence, toutefois, n’a pas pris les mêmes formes selon les pays et n’a pas suscité partout les mêmes réactions. Et la différence de traitement dont elles ont été l’objet pendant et à la suite des insurrections donne de précieuses indications sur l’évolution des États de la région en matière de condition féminine.
Souvenons-nous, pour prendre la mesure de ce changement, des images des foules arabes résolues, pendant les premiers mois de 2011, à faire tomber des régimes jusque-là considérés comme inamovibles. Le 14 janvier 2011, une manifestation spectaculaire a lieu à Tunis, au terme de laquelle le président en place depuis vingt-trois ans, Zine El-Abidine Ben Ali, est renversé et chassé du pays. La foule de ce rassemblement est mixte, les hommes et les femmes y marchent côte à côte en nombre presque égal. Depuis le 17 décembre 2010, date du début du soulèvement à l’intérieur du pays, et jusqu’à la chute de Ben Ali, les femmes ont été partout au premier rang des manifestants, haranguant les insurgés, y compris dans les régions et les villes les plus conservatrices. En février, au Caire, l’occupation de la place Tahrir qui aboutit à l’éviction du président égyptien Hosni Moubarak après plusieurs décennies de pouvoir montre également une forte présence féminine, même si les femmes sont moins nombreuses qu’à Tunis et que la plupart d’entre elles sont voilées…