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Article de revue

Le Programme des Nations unies pour le développement, un « machin » onusien utile ?

Pages 64 à 74

Notes

  • [1]
    Les analyses et conclusions de cet article sont de la seule responsabilité des auteurs. Elles ne reflètent pas nécessairement le point de vue officiel de la Représentation permanente de la France auprès des Nations unies. Contact auteur : anna.lipchitz@gmail.com
  • [1]
    Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les États fragiles sont définis comme : « les pays caractérisés par un manque d’engagement politique et/ou par une faible capacité à développer ou mettre en œuvre des politiques en faveur des pauvres, par la présence de conflits violents et/ou une faible gouvernance. » (OCDE/CAD, Piloting the principles for good international engagement infragile states, Fragile States Group, Concept Note, 2005.)
  • [2]
    DANIDA, Performance management framework for Danish development cooperation 2006-2007, Copenhague, 2005.
  • [3]
    DFID, Multilateral Effectiveness Scorecard, Londres, 2004.
  • [4]
    Enquêtes de terrain de la coopération française, 2008.
  • [5]
    ODI, Multilateral donors: stakeholders perceptions revealed, Londres, 2007.
  • [1]
    Jean-Marc Châtaigner, « Réformer l’ONU : mission impossible ? », Revue française d’administration publique, n° 126, Paris, 2008.

1Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), pierre angulaire des activités opérationnelles de développement des Nations unies, a été créé en 1965 afin d’aider les pays en développement (PED) à renforcer leurs capacités nationales pour accéder à un développement humain durable. Il agit avec un budget annuel de 5 milliards de dollars dans 166 pays où il concentre ses efforts sur la gouvernance démocratique (34% des dépenses), la réduction de la pauvreté et la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (31%), la prévention des crises et relèvement (16%) et l’environnement et le développement durable (10%). Le PNUD vise à assurer le renforcement des capacités des PED, c’est-à-dire à favoriser le développement des institutions pour garantir l’appropriation du processus de développement par les bénéficiaires. Le PNUD a cependant une réputation mitigée, son efficacité est parfois mise en question. Quelle est la part de responsabilité du PNUD et celle des pays membres de son conseil d’administration censés l’aiguiller ?

Un PNUD à image contrastée

L’image positive de ses activités opérationnelles

2Le PNUD bénéficie d’une bonne image dans la majorité des pays en développement, liée probablement à sa décentralisation et à sa présence historique sur le terrain. L’agence est appréciée pour ses actions en faveur du dialogue politique, pour la qualité de ses conseils techniques et pour son plaidoyer en phase avec les campagnes gouvernementales. Ses actions dans le renforcement des capacités sont appréciées. Son rôle est incontestable dans la gouvernance démocratique : il participe à l’organisation de la tenue d’un scrutin toutes les trois semaines quelque part dans le monde. Il est également reconnu dans le domaine de la prévention des crises, qu’elles soient d’origine conflictuelle ou naturelle, et du relèvement post-crise. Le PNUD est contributeur majoritaire (c’est-à-dire qu’il fait partie de ceux dont l’aide cumulée atteint 90% de l’aide totale) dans vingt-deux pays, tous des États fragiles []. Il possède en effet les qualités indispensables en contexte de crise : brefs délais de réaction et rapide mise à disposition des ressources. Il joue également un rôle central dans les activités de gestion des crises au sein du système onusien, en coordonnant les actions des multiples acteurs et en assurant la transition de l’humanitaire vers le développement.

3Les enquêtes de coopération, portant sur les activités opérationnelles du PNUD, sont globalement positives. Selon une enquête de la coopération danoise [], le PNUD aurait fait des progrès significatifs dans le développement, la structuration et la mise en place d’une gestion et d’un système axés sur les résultats. La coopération britannique [] lui octroie la meilleure note globale en synthétisant ses performances internes et ses résultats au niveau des pays. Le MOPAN, Réseau d’évaluation des performances des organisations multilatérales, et la coopération française [] perçoivent un alignement des programmes du PNUD avec les stratégies nationales de réduction de la pauvreté. Selon l’Overseas Development Institute [], un important think tank britannique, ces raisons inciteraient les PED à souhaiter que les financements complémentaires transitent par le PNUD plutôt que par d’autres organisations.

4Grâce à cette image positive, le PNUD a gagné une légitimité incontestable au sein de la sphère onusienne, au sein de laquelle il assure aujourd’hui la cohérence des actions de développement des différentes agences. Il est également réputé pour sa conception d’outils de mesure du développement.

Un rôle majeur de coordination et de production intellectuelle

5Le PNUD est reconnu pour son rôle de renforcement de la cohérence et de l’efficacité des politiques et des programmes des agences de développement des Nations unies sur le terrain. En effet, la multitude d’agences onusiennes (Programme alimentaire mondial, UNICEF, UNAIDS-ONUSIDA, OMS...) aux mandats variés et non harmonisés, et les modes de financement disparates et généralement imprévisibles ont affaibli l’efficacité des Nations unies dans la sphère du développement []. En 1997, l’ancien Secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a lancé une grande réforme de coordination des Nations unies et a donné au PNUD un rôle majeur de coordinateur. En 2006, la réforme « Unis dans l’action » a prolongé cette première réforme, visant « la cohérence de l’action du système des Nations unies dans les domaines du développement, de l’aide humanitaire et de la protection de l’environnement ». Sous l’impulsion de l’administrateur du PNUD, Kemal Dervis, huit pays se sont désignés pilotes en 2007 pour tester grandeur nature une plus forte coordination des activités de développement sur le terrain (Albanie, Cap-Vert, Mozambique, Pakistan, Rwanda, Uruguay, Viêt-nam, Tanzanie). Depuis cette réforme, une coordination au niveau national se dessine lentement et certains acteurs présents sur le terrain reconnaissent le rôle actif du PNUD dans l’harmonisation des initiatives onusiennes.

6Enfin, la réflexion du PNUD sur le développement est appréciée. En plus de son travail sur les concepts d’Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et de biens publics mondiaux, le PNUD a largement contribué à l’émergence du développement humain, complémentaire au fameux « consensus de Washington », qui orientait jusqu’au début des années 1990 les politiques des institutions financières internationales. Au-delà de la simple croissance de revenus nets, le développement humain fait référence à la création d’un environnement favorable au développement des opportunités des hommes et des femmes pour participer aux activités économiques de leur pays et en bénéficier.

Une tendance à la dispersion et au manque de cohérence

7Les résultats plutôt positifs des enquêtes de coopération contrastent avec certaines critiques, plus ou moins sévères. Le PNUD est souvent montré du doigt pour son manque de cohérence lié à son très large mandat et à son plan stratégique confus. Alors que son mandat vise le renforcement de la cohérence et de l’efficacité des politiques et des programmes des agences de développement des Nations unies, sa tendance à empiéter sur le mandat d’autres agences onusiennes illustre une coordination avec les autres acteurs présents sur le terrain encore faible. Si des progrès sont appréciables grâce à la formulation de programmes communs dans le cadre de la réforme « Unis dans l’action », un manque de communication avec les opérations de maintien de la paix, par exemple, est souvent dénoncé. La santé est également un exemple de chevauchements entre agences onusiennes. Si, dans les textes, les justifications de chaque agence pour traiter de la santé sonnent juste, elles conduisent sur le terrain à une dispersion des ressources. De plus, le PNUD limite souvent sa coopération avec les autres agences de développement à de simples réunions ponctuelles ne débouchant pas forcément sur des projets concrets. En outre, les agents du PNUD seraient trop peu présents sur le terrain et cantonnés dans leurs bureaux, ce qui semble aller à l’encontre des impératifs du renforcement des capacités, passant par la transmission d’expertise et donc par un contact étroit avec les administrations locales.

8Avant de cautionner ces critiques liées à un manque de cohérence des actions du PNUD, il convient de s’interroger sur la marge de manœuvre dont dispose cette agence à vocation universelle. En effet, il est peut-être un peu facile de dénoncer la dispersion du PNUD ; la nature même de son mandat l’oblige à une présence dans l’ensemble des pays et sur des domaines liés au développement, l’obligeant alors à renoncer à se centrer sur une activité à forte valeur ajoutée.

Dispersion et manque de cohérence du PNUD : info ou intox ?

Difficulté à mesurer les résultats des actions du PNUD

9Il n’existe pas de méthode rigoureuse et unanime pour mesurer l’impact des activités sur le développement, et encore moins dans le domaine du renforcement des capacités. Le renforcement des capacités est un processus long et complexe qui ne saurait être apprécié sur le court terme. Il est difficile de savoir si les performances d’un acteur de développement en particulier sont réellement imputables à un renforcement des capacités, à l’assistance offerte par des acteurs extérieurs ou à des facteurs endogènes. Dès lors, la nature même de la mission du PNUD rend l’évaluation et l’appréciation de résultats concrets très complexes.

Le PNUD doit-il recentrer son action ?

10Compte tenu des critiques énoncées en termes de dispersion des activités, il est tentant d’encourager le PNUD à rechercher une spécialité à forte valeur ajoutée, comme l’appui à la gouvernance démocratique ou à la prévention des crises et le relèvement. Cependant, le mandat universel du PNUD conféré par sa nature onusienne l’oblige à assurer une présence équitable dans l’ensemble des pays en développement. Son plan stratégique, accepté par tous les États membres, le décrit comme un acteur de dernier ressort, comblant les zones ou secteurs orphelins de l’aide. Ceci explique pourquoi le PNUD est condamné à une certaine dispersion géographique et sectorielle de ses activités.

11En réalité, plus que la concentration de ses activités dans un domaine ou un type de pays, le PNUD gagnerait à formuler plus clairement son plan stratégique en articulant de manière plus cohérente ses actions.

La communication, maillon faible du PNUD

12Les liens logiques unissant les interventions opérationnelles du PNUD n’apparaissent pas clairement dans sa stratégie. Le PNUD vise la réduction de la pauvreté grâce au renforcement des capacités. Deux pré-conditions à cela : la gouvernance démocratique et la prévention ou le relèvement des crises. Des actions de court terme sont nécessaires en parallèle comme la mise en place de filets sociaux (création d’emplois par l’investissement dans des travaux d’infrastructure à forte intensité de main-d’œuvre par exemple) et de projets de microfinance. Les pandémies ainsi que les discriminations à l’égard des femmes, freins au développement, sont à prendre en compte dans une stratégie globale de réduction de la pauvreté, comme l’environnement dans une perspective de développement durable. En présentant son plan stratégique sous cette forme, le PNUD donnerait une image plus cohérente de ses actions et éviterait certaines critiques quant à sa tendance à la dispersion.

13De plus, le PNUD a un effort de communication à fournir afin de rendre plus visible son positionnement dans chaque catégorie de pays où il intervient (pays les moins avancés, pays à revenus moyens, pays contributeurs nets, pays en crise), en mettant en relief sa valeur ajoutée pour chacune. En effet, il peut paraître choquant que le PNUD alloue autant de ressources à l’Europe qu’aux pays arabes. Pourtant, ce n’est pas parce qu’un pays affiche un revenu moyen par habitant élevé que des problèmes de développement humain ne se posent pas. Une plus grande transparence des actions spécifiques du PNUD dans chaque pays partenaire relativiserait son image d’organisation dispersée.

Le PNUD n’exploite pas assez son potentiel de recherche

14Le PNUD a favorisé l’émergence de l’indice de développement humain (IDH) qui prend en compte trois nouveaux indicateurs (longévité, éducation et niveau de vie en parité, pouvoir d’achat) permettant d’introduire l’idée de bien-être dans la mesure du développement. Le PNUD a contribué à l’expansion de ce mode de calcul en publiant chaque année depuis 1990 un Rapport mondial sur le développement humain reprenant l’IDH comme référence et faisant l’état des lieux des progrès du développement.

15Si la formulation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) en 2000 a marqué la reconnaissance mondiale de la notion de développement humain, l’IDH n’est toujours pas utilisé comme critère d’allocation des ressources au sein du PNUD. Il est principalement exploité pour sensibiliser les gouvernements aux questions de développement, mais le PIB par habitant est toujours l’unique critère de classification des pays pour la répartition des ressources. En effet, une reclassification des pays selon un nouveau critère, quoique plus pertinent que le PIB par habitant, n’est pas forcément souhaitée par les pays en développement qui craignent une réallocation des ressources à leur détriment. De plus, le PIB par habitant reste la référence de la mesure du développement pour le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, et le PNUD a tout intérêt à garder la même s’il souhaite promouvoir des projets communs. Ainsi, les activités de recherche menées par le bureau des études de développement du PNUD restent déconnectées des prises de décision en termes de budget à allouer. Ce lien raffermirait pourtant la cohérence des actions du PNUD.

16Finalement, il semblerait que l’image dispersée du PNUD soit plutôt due à un manque de communication qu’à de réelles incohérences. Mais peut-on réellement reprocher au PNUD de manquer de cohérence alors que ses pays membres imposent des conditions à l’utilisation de leurs contributions financières ?

Trop facile de critiquer le PNUD !

Une efficacité du PNUD tributaire des pays où il intervient

17Le moyen principal choisi par le PNUD pour parvenir à son objectif de réduction de la pauvreté, à savoir le renforcement des capacités, n’est pas le plus simple. Les praticiens du développement avouent n’avoir qu’une idée fragmentaire de la façon dont les capacités se développent. Cette difficulté à identifier les processus menant au renforcement des capacités complique la tâche du PNUD, qui reste pourtant indispensable.

18En effet, il existe des facteurs endogènes aux pays partenaires qui mènent au renforcement des capacités de l’État par lui-même, ce qui explique une meilleure réussite des projets dans certains pays par rapport à d’autres. Si les résultats d’un programme de renforcement des capacités sont décevants, les compétences de l’organisation ne sont pas systématiquement en cause. Les conditions nécessaires au développement des capacités sont nombreuses et rarement réunies. Premièrement, une conjoncture politique et institutionnelle difficile peut ralentir considérablement le processus, indépendamment des efforts fournis par l’agence de développement. De plus, le succès d’un projet de renforcement des capacités dépend étroitement de la volonté des États à reconnaître leurs carences, condition nécessaire à l’appropriation des projets. En outre, un programme de renforcement des capacités aura plus de chances d’atteindre ses objectifs s’il existe au sein de l’État partenaire une forme de stimulus comme une revendication pressante des citoyens par exemple.

Des États favorisant leurs intérêts nationaux plutôt que les logiques multilatérales

19Le PNUD est entièrement financé par des contributions volontaires sous trois formes : les ressources régulières (20%), les ressources affectées à une thématique ou à une zone géographique selon la volonté du donateur bilatéral ou multilatéral (50%) et les ressources locales qui sont les ressources issues des prestations achetées au PNUD par les gouvernements des pays en développement (30%). Ces ressources affectées et locales sont comptabilisées dans le budget global de l’organisation, mais le PNUD n’a en réalité pas de pouvoir décisionnel sur elles puisqu’il ne fait qu’exécuter des programmes préconçus par les gouvernements des pays donateurs.

20Les ressources régulières du PNUD constituent donc la base de l’action multilatérale du PNUD, elles se sont élevées à 1,10 milliard de dollars en 2008 (la Norvège, les Pays-Bas et la Suède étant les principaux donateurs) et les ressources affectées à 3,63 milliards. La France ne se place qu’en onzième position en 2009 derrière la Suisse, avec une contribution de 43,2 millions de dollars aux ressources régulières et 9,8 millions aux ressources affectées.

21Depuis 1999, la part des ressources affectées et locales dans les ressources totales du PNUD s’est très significativement accrue. Ce type de contributions, bien qu’augmentant le volume financier total, est souvent associé à des exigences supplémentaires en termes de charge de travail et de coût financier (réalisation de rapports d’activité sur les programmes financés par des ressources affectées en plus de son rapport annuel global). De plus, les financements sont pour la plupart annuels, ce qui entrave la pérennité des actions. Les plans de financements sont alors établis sur une base hypothétique supposant que les pays donateurs maintiendront au moins le niveau de leur contribution d’une année sur l’autre. Ce mode de fonctionnement engendre inévitablement des facteurs d’instabilité pour les programmes. Pour le moment, seuls les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Belgique et l’Australie ont des plans de financements pluriannuels (soit environ un quart des ressources régulières).

22Le mode de financement privilégié par les pays membres, en majorité affecté et annuel, est le reflet de leur manque d’implication dans les principes généraux du multilatéralisme. Si l’ONU et ses fonds et programmes de développement ont été créés, c’est bien dans le but de mettre en commun les efforts des États au service de l’amélioration du sort des populations du monde. Le multilatéralisme implique d’accepter de renoncer aux intérêts particuliers dans le but de servir une cause commune. Or, la majorité des pays donateurs ne joue pas le jeu et apporte des contributions financières de manière affectée. Au lieu de nourrir le PNUD par le biais de ressources régulières le laissant libre de décider de leur affectation selon les nécessités de la mise en œuvre du plan stratégique, les pays donateurs fournissent des financements sous conditions, en imposant au PNUD le pays ou le programme auquel ils veulent voir alloués leurs fonds, dans le but d’entretenir leur visibilité à l’échelle internationale et de servir leurs intérêts stratégiques particuliers en investissant dans un pays ou un programme donné. Certes, les lendemains de la crise économique et financière laissent moins de latitude budgétaire aux pays contributeurs et ont renforcé d’autant plus les exigences des citoyens envers l’utilisation des deniers publics. Raison de plus pour que le PNUD communique encore plus sur ses valeurs ajoutées, ce qui permettrait de contrecarrer le raisonnement du drapeau national sur l’utilisation de fonds multilatéral. Et raison de moins pour que les donateurs critiquent la dispersion des activités du PNUD. Si le PNUD a des efforts à fournir dans la présentation de sa stratégie pour rendre de manière plus visible la cohérence de ses activités et son rôle dans chaque type de pays, les pays donateurs ont une lourde responsabilité dans cette dispersion.

Les comportements divergents des pays membres

23Le PNUD doit également faire face aux divergences de position entre les pays donateurs et les pays bénéficiaires de ses programmes. Les premiers sont plus tournés vers le rapport coût/réalisation, étant plus focalisés sur la bonne utilisation des ressources allouées. Les seconds sont davantage préoccupés par les résultats, veillant à la réelle contribution des programmes du PNUD à l’amélioration du développement humain dans leur pays.

24Les débats en conseil d’administration reflètent directement ces préoccupations divergentes qui obligent le PNUD à jouer l’équilibriste entre les volontés des uns et des autres. Les pays donateurs pratiquent souvent le « micro-management » pour imposer au PNUD de rendre des comptes sur des points de détail sur lesquels ils devraient lui faire confiance. Paradoxalement, les pays donateurs manifestent très peu d’intérêt pour les documents de programme par pays ou même pour les processus d’allocations des ressources, pourtant essentiels. Les représentants des pays au conseil d’administration ne connaissent que très peu le terrain et la communication entre terrain et siège est souvent inexistante. Les programmes-pays sont alors systématiquement approuvés à l’unanimité en conseil d’administration sans aucune discussion.

25Quant aux pays bénéficiaires, les pays émergents notamment, ils sont souvent à l’origine de la pollution des débats par des questions politiques. S’ils accueillent positivement l’aide au développement dans le domaine de la réduction de la pauvreté, ils sont plus réticents aux projets de gouvernance démocratiques considérés comme une menace pour leur souveraineté. Ils sont méfiants à l’égard des questions liées à l’évaluation des programmes, craignant qu’un résultat négatif débouche sur une réallocation des ressources à d’autres pays plus performants ou inversement que des résultats trop positifs les fassent passer dans une catégorie de pays plus avancés recevant moins de ressources.

Une réforme des activités opérationnelles à ne pas manquer

26Des chevauchements entre les mandats des différentes agences onusiennes persistent. L’approfondissement de la réforme « Unis dans l’action » est freiné actuellement par l’organe exécutifde certaines agences et par certains pays bénéficiaires de ses programmes résistant à la réforme et préférant une dispersion des pouvoirs des agences opérationnelles. Il existe en effet une certaine rivalité entre les agences qui craignent que cette réforme aboutisse à leur suppression ou à leur fusion avec les plus gros acteurs onusiens. Une telle fusion modifierait l’équilibre des pouvoirs entre pays en développement et système onusien, empêchant la profusion de guichets pour les pays en développement. En encourageant la notion de « responsable unique » qui aurait le pouvoir d’orienter les fonds selon les actions prioritaires qu’il dégagerait, une telle réforme limiterait en effet l’autonomie des agences opérationnelles vis-à-vis du reste de la sphère onusienne et l’influence que les pays en développement peuvent avoir sur elles.

27Au lendemain de la crise économique et financière, alors que les ressources se réduisent, cette réforme est pourtant la seule condition pour revitaliser l’image du PNUD, et plus globalement des Nations unies. Elle repose largement sur le dynamisme du PNUD, certes, mais aussi sur le budget alloué à la coordination, sur le comportement des autres agences de développement, onusiennes ou non, et sur l’attitude des pays en développement.

28?

29L’image d’un « machin » onusien inefficace ne correspond donc pas parfaitement à la réalité du PNUD. La nature de ses contributions (largement affectées et annuelles) et la schizophrénie des pays partenaires sont autant de facteurs affaiblissant son action de long terme et sa capacité à être cohérent. Sa présence universelle du fait de son caractère onusien et son rôle d’agence de dernier ressort l’obligent également à une certaine dispersion.

30Néanmoins, le PNUD devrait améliorer sa communication, pour démontrer sa cohérence et affirmer plus nettement sa valeur ajoutée. La crise économique et financière aurait été pour lui une – malheureuse – occasion pour imposer sa réflexion complémentaire au consensus de Washington. Alors qu’il aurait pu en sortir grand gagnant, il est passé presque inaperçu et il pourrait même souffrir d’une diminution des contributions des pays donateurs, confrontés à des contraintes budgétaires et cherchant à justifier l’utilisation des deniers de l’État.

31Espérons que le débat sur le prochain Rapport mondial sur le développement humain, portant sur l’indice de développement humain, permettra au PNUD de se remettre en selle, comme le prochain sommet sur les OMD, prévu en septembre 2010. Helen Clark, ancienne première ministre de la Nouvelle-Zélande désormais administratrice du PNUD, et Rebecca Grynspan, ancienne vice-présidente du Costa Rica devenue administratrice associée, nommées toutes deux récemment, pourraient saisir ces opportunités pour revitaliser l’image du PNUD et donner un second souffle à la réforme des activités opérationnelles des Nations unies. ?

Notes

  • [1]
    Les analyses et conclusions de cet article sont de la seule responsabilité des auteurs. Elles ne reflètent pas nécessairement le point de vue officiel de la Représentation permanente de la France auprès des Nations unies. Contact auteur : anna.lipchitz@gmail.com
  • [1]
    Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les États fragiles sont définis comme : « les pays caractérisés par un manque d’engagement politique et/ou par une faible capacité à développer ou mettre en œuvre des politiques en faveur des pauvres, par la présence de conflits violents et/ou une faible gouvernance. » (OCDE/CAD, Piloting the principles for good international engagement infragile states, Fragile States Group, Concept Note, 2005.)
  • [2]
    DANIDA, Performance management framework for Danish development cooperation 2006-2007, Copenhague, 2005.
  • [3]
    DFID, Multilateral Effectiveness Scorecard, Londres, 2004.
  • [4]
    Enquêtes de terrain de la coopération française, 2008.
  • [5]
    ODI, Multilateral donors: stakeholders perceptions revealed, Londres, 2007.
  • [1]
    Jean-Marc Châtaigner, « Réformer l’ONU : mission impossible ? », Revue française d’administration publique, n° 126, Paris, 2008.
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