Notes
-
[1]
« The Jewish Diaspora and Israel », The Economist, le 11 janvier 2007.
-
[2]
« ZAKA head hits Neturei-Karta rabbi », Jerusalem Post, le 12 mars 2007.
-
[3]
Motiba's Tattoos : A grand-daughter's journey from America into her Indian Family's Past, Barnes&Noble, 2000.
-
[4]
Pavan K. Varma, Le Défi indien, Pourquoi le XXIe siècle sera le siècle de l'Inde, Arles, Actes Sud, 2005. Voir la recension de cet ouvrage réalisée par Marie-Aimée Tourres, La Revue internationale et stratégique, no 65, printemps 2007, p. 203-204.
-
[5]
« La lutte contre le terrorisme dans les démocraties occidentales : État de droit et exceptionnalisme », La Revue internationale et stratégique, no 66, été 2007, p. 9-23.
Regards sur la Russie
Qui dirige la Russie ? / Jean-Robert Raviot, Paris, éd. Lignes de repère, 2007
1L'élection aisée de Dmitri Medvedev à la présidence de la Fédération de Russie, début mars 2008, a souvent été présentée dans les médias comme la simple intronisation d'un candidat désigné plusieurs mois à l'avance par Vladimir Poutine. Pourtant, cette élection suscite, au-delà des doutes sur le déroulement du scrutin, des interrogations de fond sur le système politique russe : qui gouverne réellement à Moscou ? Quels sont les jeux de pouvoir autour du président ? Quelles sont les nouvelles élites russes, leurs cercles de mobilisation et leurs trajectoires ?
2C'est à ces interrogations centrales que répond l'ouvrage de Jean-Robert Raviot. Fin connaisseur de la Russie et de son système politique, l'auteur dénonce d'emblée un travers courant des observateurs de ce pays, voire de certains de ses habitants : la tentation de l'analyser à travers le prisme d'une « normalité » qui serait représentée par l'Occident. C'est souvent à l'aune des démocraties occidentales ou de la mondialisation que sont appréciées les évolutions d'un pays dont les dirigeants, au début des années 1990, souhaitaient un retour au « monde civilisé » après la longue « parenthèse » soviétique. Or, ce cadre d'analyse, qui engendre nombre de préjugés et de clichés, n'est pas pertinent pour comprendre les mécanismes du pouvoir en Russie ou pour jauger leur évolution. Le premier mérite – et non le moindre – de Qui dirige la Russie ? est donc de replacer les événements dans leur juste perspective, en tentant de comprendre la Russie « pour ce qu'elle est ». Ce qui caractérise en premier lieu le système politique russe, c'est ce que Jean-Robert Raviot appelle le « kremlinocentrisme », c'est-à-dire le rôle central du Président, dans les institutions (la Constitution de 1993 instaure un régime « présidentialiste ») comme dans la pratique du pouvoir. Le « kremlinocentrisme » est indissociable du césarisme qui a marqué, au début des années 1990, le nouveau régime russe en combinant dans la figure du président plusieurs types de légitimité (notamment démocratique et charismatique). Enfin, le « kremlinocentrisme » est commun à Boris Eltsine et à Vladimir Poutine, qui en font toutefois des usages différents. Sous Boris Eltsine, la figure du président est centrale parce qu'il est l'arbitre d'un système de pouvoir polycentrique et concurrentiel. Vladimir Poutine, au contraire, réorganise les ressources politiques à partir du Kremlin, désormais au sommet de la verticale du pouvoir.
3Le second aspect fondamental dans la Russie post-soviétique tient à la jonction de plusieurs cercles d'élites du pouvoir. Les membres de la nomenklatoura sont toujours présents dans les années 1990, une nomenklatoura qui a su s'adapter à la construction du capitalisme mais dont les pratiques et les mentalités, prégnantes au sein de l'élite du pouvoir post-soviétique, sont inchangées. À la faveur des privatisations et de la démocratisation apparaissent aussi de nouveaux profils au sein de l'élite du pouvoir, les oligarques et les élus ou professionnels de la politique, qui pour Jean-Robert Raviot s'apparentent davantage à des « fonctionnaires politiques ». La présidence de Vladimir Poutine, qui instaure un capitalisme administré, coïncide avec l'émergence de ce que l'auteur nomme la korpokratoura, nouvelle élite caractérisée, comme la nomenklatoura, par une forte interpénétration entre le monde politique et le monde des affaires. Dmitri Medvedev, président d'une génération nouvelle, en est l'un des meilleurs représentants.
4En décortiquant les mécanismes de circulation des élites, Jean-Robert Raviot donne toutes les clés nécessaires pour comprendre le fonctionnement du pouvoir dans la Russie post-soviétique. Il en pronostique également le devenir, en soulignant le principal défi auquel sont confrontées les nouvelles élites russes : le « déficit méritocratique » (la déconnexion entre la position sociale occupée et les qualifications), source majeure de défiance du peuple vis-à-vis d'élites qui sont dès lors considérablement fragilisées par ce déficit de légitimité.
5Laure Delcour
6IRIS
Moscou et le monde. L'ambition de la grandeur : une illusion ? / Anne de Tinguy (sous la dir.), Paris, CERI/Autrement, 2007
7Analyser les ressorts de la nouvelle posture russe en matière de politique étrangère, mesurer la réalisation des ambitions extérieures affirmées par Moscou et cerner les défis extérieurs que doit relever la Russie, tels sont les objectifs de l'ouvrage dirigé par Anne de Tinguy. À l'heure où le « retour » de la Russie sur la scène internationale, souvent associé à la tonalité anti-occidentale des discours de Vladimir Poutine, reçoit un large écho dans les médias, Moscou et le monde a le grand mérite d'interroger le projet de puissance russe en se plaçant dans un registre encore trop peu exploité.
8C'est en effet un bilan dépassionné de la diplomatie russe depuis le début du siècle que proposent les auteurs. La question centrale de Moscou et le monde est bien de savoir si, au-delà de l'assurance manifestée par ses dirigeants, la Russie est devenue une force de proposition sur la scène internationale, capable de contribuer à la résolution des principaux défis stratégiques et de s'entourer de partenaires fiables pour stabiliser son environnement.
9Pour tenter de réponse à cette question, l'ouvrage rassemble autour d'Anne de Tinguy, spécialiste reconnue de la politique étrangère russe, des chercheurs (Vladimir Baranovsky, Isabelle Facon et Anaïs Marin) qui, tout en partageant une connaissance approfondie de la Russie, s'attachent chacun à analyser une facette de sa diplomatie. Les auteurs passent ainsi en revue les principaux aspects de la diplomatie poutinienne (relations avec les États-Unis, l'Union européenne et les ex-Républiques soviétiques), mais aussi des thématiques moins visibles ou méconnues (relations avec le monde arabo-musulman, acteurs et prise de décision en matière diplomatique). Au total, c'est donc un panorama d'ensemble des relations extérieures de la Russie de Vladimir Poutine qui est proposé dans Moscou et le monde.
10Pour chacune des thématiques évoquées, l'ouvrage met en lumière le décalage entre les nouvelles ambitions de grandeur affichées par la Russie et les réalisations effectives de sa diplomatie. La confiance retrouvée sur la scène internationale est incontestablement à porter au crédit de la présidence Poutine. Elle s'appuie sur une économie en plein essor qui permet à la Russie de peser sur le plan international. Vladimir Poutine a ainsi rendu leur fierté aux Russes, humiliés dans les années 1990 par la faiblesse de leur État et les revers de leur diplomatie. Cependant, cette nouvelle assurance masque deux défaillances étroitement liées. La Russie n'a pas su comprendre les évolutions politiques de ses ex-satellites (élargissement de l'OTAN, révolutions de couleurs) ; la révolution orange en Ukraine est symptomatique de ses difficultés à « sortir de l'Empire ». Faute de savoir s'adapter, Moscou a, au fil du temps, raidi ses positions et privilégié une politique fondée sur les rapports de forces, d'autant que l'augmentation du prix des hydrocarbures lui en donne désormais les moyens. La Russie semble aujourd'hui enfermée dans une logique de conflictualité dans son partenariat avec l'Union européenne comme dans son rapport aux États-Unis. Parallèlement, elle n'a pas réussi à développer de nouveaux partenariats durables : ses relations avec la Chine ne sont pas dénuées de méfiance et ses liens avec le monde arabo-musulmans restent superficiels. Vladimir Poutine a certes permis à son pays d'apaiser le syndrome douloureux de la perte de puissance et d'être davantage présent sur la scène internationale. Mais, en faisant le choix d'une logique d'opposition plutôt que celui d'une force de proposition, il ne lui a pas permis d'être véritablement influent. Au total, la confiance revendiquée par le Kremlin dissimule à la fois de réelles vulnérabilités (notamment sur le plan économique) et l'incapacité à abandonner des schémas hérités de la période soviétique pour développer un modèle russe d'attractivité, capable de concurrencer ceux des États-Unis ou de l'Union européenne.
11Laure Delcour
12IRIS
La Russie / Pierre Thorez (sous la dir.), Paris, CNED/SEDES, 2007, 381 p.
13Ayant consacré sa thèse d'Etat à l'étude de la région caucasienne, Pierre Thorez est, en France, un des plus éminents connaisseurs de la géographie de la Russie. Ses travaux font scientifiquement autorité et son dernier opus (auquel participent également Yvette Vaguet, Vladimir Kolossov et Andreï Treïvich) ne déroge pas à la règle.
14Brillant, le texte se distingue par une volonté d'exhaustivité qui transparaît au travers d'une approche démonstrative classique et efficace. Aux premiers chapitres de géographie générale succède une typologie régionale, qui repose sur un découpage géopolitique novateur, en l'occurrence les sept okrougs fédéraux mis en place par le Kremlin en 2000. L'auteur s'en explique. D'une part, il s'agit de donner vie à une démarcation administrative récente mais dont la substance reprend « l'idée des macro-régions économiques qui avaient été instaurées par le pouvoir soviétique ». D'autre part, ces territoires offrent une cohérence statistique certaine. Par ailleurs, leur fonctionnement interne, plus ou moins centré autour d'une capitale politique où réside le représentant du pouvoir central, est révélateur d'évolutions majeures, dictées notamment par une activité urbaine qui métropolarise de plus en plus le territoire russe. Enfin, ce découpage permet de saisir, à l'échelle régionale, quelques grandes lignes de force qui singularisent un espace russe profondément « disparate ».
15Un des très grands mérites de l'ouvrage de Pierre Thorez réside dans la capacité de l'auteur à réfléchir sur les conséquences globales que l'écroulement du système communiste a entraînées sur une société traumatisée par une « transition » au cours de laquelle « le terme “démocrate” a pris une connotation très négative pour une partie de la population ». Fâcheusement, la population russe a surtout retenu de l'après-1991 l'enkystement d'une crise économique sans précédent concomitante à la montée irréfragable de la corruption et de la criminalité cependant que certaines coteries proches du pouvoir organisaient le véritable « racket » de l'outil productif de l'État. Subséquemment, la période postsoviétique s'est caractérisée par une stricte aggravation des fractures sociales au profit exclusif d'une « minorité agissante » dont l'avatar paroxystique demeure la caste dominante des oligarques. A contrario, la majorité a surtout souffert d'une libéralisation à la hussarde tant du jeu politique qu'économique : « passive et résignée, [elle est surtout] plus soucieuse d'assurer sa subsistance que les orientations du pays ». À cet égard, la claire détérioration des équilibres démographiques du pays traduit éloquemment l'entropie sociale du pays.
16En outre, l'auteur replace objectivement à sa juste valeur l'action économique et sociale de feue l'URSS. Il rappelle notamment que cette dernière avait eu le mérite de faire passer « la Russie d'une société agrarienne à une société industrielle dotée de bases sans doute obsolètes mais qui avaient le mérite d'exister ». De fait, l'actuel regain de puissance du pays s'explique, en partie, par la volonté du pouvoir « autoritaire » en place aujourd'hui à Moscou de « moderniser et d'accroître le potentiel » productif du pays, et ce « fort de l'héritage soviétique en terme d'infrastructures et de main d'œuvre ». Dès lors, les grands avantages comparatifs de la Russie d'aujourd'hui sont ceux de l'Union soviétique de jadis : les hydrocarbures, les matières premières minérales, l'industrie lourde reconvertie et ajustée aux standards de production les plus performants... Et les mêmes points faibles demeurent, l'agriculture au premier chef.
17Mais cela n'exclut pas des mutations et des innovations permanentes qui permettent d'insérer la Russie dans le vaste système monde. À cette aune, la Russie dispose d'un atout maître : la ville de Moscou. Pôle de cristallisation du « business » russe, place privilégiée des investissements étrangers. La capitale est aujourd'hui une agglomération de 10,7 millions d'habitants, deux fois plus peuplée que Saint-Pétersbourg. Point de convergence des réseaux de transport, elle accapare désormais une grande partie de l'activité de pointe de la Russie. Avec un revenu moyen par habitant deux fois supérieur à la moyenne russe, Moscou se complaît dans l'étalement d'une richesse insolente et parvenue alors que l'essentiel de sa population souffre de la pauvreté et de la spéculation foncière qui règnent dans « une des villes les plus chères du monde ».
18En définitive, tout lecteur avide de mieux connaître la Russie fera son miel d'une synthèse remarquable qui réunit d'insignes qualités : rigueur formelle, brillante articulation du propos, précision statistique et factuelle avec un vrai souci du détail qui dénote une grande fréquentation des espaces analysés.
19Stéphane Dubois
20Agrégé de géographie
Le Tatarstan. Pays des musulmans de Russie / Fred Hilgemann, Paris, Autrement, coll. « Frontières », oct. 2007, 214 p.
21Le Tatarstan est une République de Russie située à 800 km à l'est de Moscou, grande comme l'Irlande, dont la population de 3,7 millions d'habitants est pour moitié composée de musulmans. La journaliste Fred Hilgemann nous invite à l'y suivre dans un petit livre très agréable à lire rédigé sur le mode du documentaire.
22L'ouvrage compte trois parties composées chacune d'une demi-douzaine de courts chapitres. La première décrit les relations tumultueuses de Kazan, la capitale tatare, avec Moscou. L'auteur y montre que, si le Tatarstan fut avec la Tchetchénie, le seul membre de la Fédération russe à refuser le traité fédéral en 1992, la trajectoire des deux républiques indépendantistes divergea rapidement : la Tchetchénie sombrait dans la guerre tandis que le Tatarstan avait l'intelligence de reconnaître la souveraineté russe pour obtenir en contrepartie un statut très avantageux. Ce statut est toutefois remis en cause par la reprise en main autoritaire de Vladimir Poutine
23La deuxième partie est consacrée aux religions. Reprenant sans guère le mettre en doute le discours officiel, Fred Hilgemann décrit un équilibre pacifique entre les confessions musulmane et orthodoxe. L'Islam des Tatars, cet « euro-islam » pragmatique et tolérant qui n'exige pas des femmes qu'elles se voilent ni ne bannit l'alcool, est érigé en modèle. La menace islamiste existe pourtant. L'Arabie saoudite, l'Iran construisent des mosquées et financent des madrasas. L'organisation terroriste Hizb ut-Tahrir est implantée au Tatarstan – même si l'inculpation de terrorisme permet parfois au pouvoir d'incarcérer sans autre forme de procès des opposants gênants. Et la coexistence avec les orthodoxes et les catholiques n'est pas toujours facile.
24La dernière partie traite de questions économiques et sociales. Trois articles sont consacrés à « l'ultra-capitalisme » qui semble prospérer. Le Tatarstan a l'avantage d'hériter d'une solide base industrielle – les usines Kamaz produisent un quart du parc automobile russe – et de disposer de ressources pétrolières et gazières importantes. Il verse aujourd'hui, comme le reste de la Russie, dans une dérive mafieuse qu'encouragent quasi-ouvertement le président Mintimer Chaïmiev et les membres de sa famille dont, dit-on, les revenus quotidiens s'élèveraient à 1 million de dollars (p. 26). L'ouvrage se conclut avec trois articles sur l'état inquiétant de la société tatare : nourrissant à l'égard de l'étranger des sentiments schizophrènes qui oscillent entre xénophobie et fascination, n'entretenant aucune illusion sur la classe politique qui la dirige, la société tatare semble avoir perdu ses repères.
25Yves Gounin
Géopolitique régionale
1421. L'année où la Chine a découvert l'Amérique / Gavin Menzies, Paris, Intervalles, 2007, 415 p.
26L'ouvrage de Gavin Menzies est-il une énorme farce reposant sur des interprétations tronquées, ou au contraire l'une des plus importantes découvertes, susceptible de réécrire l'histoire du monde des cinq derniers siècles ? Entre ces deux extrêmes, les avis sont très partagés. Publié en Anglais en 2003, vendu à plus d'un million d'exemplaires et traduit dans plus de 25 langues, 1421 a tardé à attirer l'attention des éditeurs français, sans doute un peu hésitants devant le sujet. C'est que la thèse soutenue par l'auteur, selon laquelle des navigateurs chinois auraient, bien avant Colomb, Magellan ou Cook, exploré le monde et installé des colonies sur tous les continents, a fait beaucoup parler d'elle, soulevant l'indignation de certains, attirant les louanges d'autres.
27En 1421, sous la direction de l'empereur Zhu Di et de son amiral Zheng He, quatre amiraux peu connus à échelle internationale, Hong Bao, Zhou Man, Zhou Wen et Yang Qing (ce dernier étant le plus célèbre, grâce à ses périples dans l'Océan Indien), auraient embarqué à bord de navires gigantesques, avec pour objectif d'explorer le monde et, par la suite, d'y apporter la civilisation chinoise. Mais les troubles politiques des premières décennies de la dynastie Ming, associés au souhait des fonctionnaires impériaux (les mandarins) de privilégier les affaires intérieures, eurent finalement raison des désirs de conquêtes. La Chine s'enferma dès lors dans un isolationnisme qui la conduisit lentement vers sa décadence, tandis que l'Europe, pourtant si en retard au Xvème siècle, s'étendait sur tous les continents, et dominait le monde. Toutes les traces des expéditions furent pour leur part détruites, et les installations navales laissées à l'abandon. Ne subsiste quasiment aucun témoignage de ces voyages fantastiques.
28G. Menzies a mené une enquête sur dix ans, qui l'a conduit à passer des heures dans les bibliothèques de multiples pays à la recherche d'indices, mais aussi à l'écoute des témoignages et des multiples sources permettant de bâtir sa thèse. Parti de l'intuition du marin passionné par les cartes anciennes, G. Menzies s'est toujours interrogé comment les explorateurs européens avaient-ils pu, lors de leurs premiers voyages, partir avec des cartes d'une précision étonnante, représentant des continents où ils étaient censés être arrivés les premiers. La suite est une longue enquête, qui nous conduit devant une étonnante stèle dans les îles du Cap Vert, ou nous emmène sur les côtes californiennes et mexicaines, dans le sud de la Nouvelle-Zélande et chez les peuples aborigènes australiens. Des peuples qui présentent des traces ADN en provenance de Chine, des épaves retrouvées dans des régions que les Occidentaux ne découvrirent que des siècles plus tard, des plantes et des animaux venus d'ailleurs que les Européens découvrirent à leur arrivée, et que seuls des navires gigantesques auraient pu apporter. La version française de cet ouvrage a l'immense mérite de proposer une très longue postface, dans laquelle G. Menzies complète la plupart des sujets qu'il aborde dans son livre, apportant de nouvelles preuves, et revenant avec force détail sur les péripéties de sa thèse, que de nombreux universitaires occidentaux continuent de dénigrer.
29L'ensemble est d'une étonnante cohérence. Bien sûr, quelques détails ça et là semblent être d'avantage tirés de son interprétation que de faits incontournables, mais il est difficile de contester que quelque chose à dû se produire en cette fameuse année 1421. Et ce quelque chose, fut-il aussi important que G. Menzies l'affirme, n'en est pas moins un événement considérable, qui devrait inviter historiens, anthropologues, cartographes, géographes, botanistes, météorologistes et autres à pousser les recherches, pour voir à quoi ont vraiment pu ressembler ces flottes, et où sont-elles allées.
30Barthélémy Courmont
31IRIS
Planet India, l'ascension turbulente d'un géant démocratique / Mira Kamdar, Arles, Actes Sud, 2007
32Mira Kamdar est Senior fellow à la World Policy Institute et Asian Society. Son dernier essai Planet India déjà traduit en six langues, suit un précédent succès [1] retraçant ses mémoires sur son passé avec l'Inde. M. Kamdar est en effet fille de père indien et de mère danoise. Elle vit aujourd'hui aux États-Unis. Ce passé explique son enthousiasme à dépeindre un pays qui lui est cher et qu'elle perçoit comme un incontournable colosse économique.
33Avec un taux de croissance de 9,2 %, une population de 1,2 milliard d'habitant (population la plus jeune du monde) et une classe moyenne aussi grande que la population des États-Unis, il est difficile d'ignorer l'Inde en matière de géopolitique bien que la Chine continue de monopoliser les commentaires médiatiques.
34Le premier chapitre est intéressant pour ce fait. M. Kamdar y décrit la communauté indienne et son rôle aux États-Unis, qu'elle qualifie de nouvelle force politique puissante (p. 57). Les liens économiques entre les deux pays, souvent sous-estimés, sont en fait plus importants qu'on ne le pense.
35Le deuxième chapitre « L'Inde imagine son avenir » est riche d'enseignements pour qui veut comprendre le phénomène grandissant du bollywood ainsi que le rôle exceptionnellement puissant que joue la télévision dans la transformation de l'Inde depuis son lancement par le gouvernement en 1959. Le but initial de l'unique chaîne nationale était de contribuer à former et unifier une nation. En 1983, l'accès à la télévision touchait à peine 28 % de la population. Depuis 1991, date de l'ouverture de l'Inde, l'explosion médiatique a envahi les foyers. C'est maintenant 90 % des Indiens qui ont accès à plus de 350 chaînes internationales. « La télévision a été une force en faveur de la démocratisation des aspirations. » (p. 79).
36Les cinq autres chapitres retracent les différentes autres facettes du grand boom économique indien. Les sujets aussi divers que la politique, l'agriculture, les castes, l'éducation, le problème urbain versus rural, la santé ainsi que le problème du nucléaire ou du terrorisme y sont présentés.
37Le lecteur est emporté au travers une Inde qui prospère, mais il est aussi invité à garder en mémoire qu'elle n'est pas uniquement un pays qui sait réduire ses coûts de production grâce à l'innovation, ou être le plus grand pays d'accueil en matière d'outsourcing. Des entreprises comme Infosys ou Tata ne doivent pas illusionner. En effet, il existe une Inde pauvre qui est bien réelle. La croissance de l'Inde a été fulgurante mais aussi inégale. Pas moins de 800 millions d'Indiens vivent avec moins de 2 dollars par jour. L'état de l'éducation décrit dans le chapitre 5 (p. 233-245) reste alarmant malgré les efforts prometteurs de certaines ONG comme Azim Premji. 53 % des femmes et 30 % des hommes sont analphabètes comme le sont encore 26 % des jeunes âgés de 15 à 25 ans.
38Les problèmes sanitaires exposés dans le chapitre 6 sont particulièrement révélateurs de cette Inde de la misère et de la maladie. Mais il existe aussi un énorme potentiel. Particulièrement captivant est l'exemple du Dr Shetty et de son hôpital cardiologique Narayana Hrudayalaya à Bangalore. Il y utilise les technologies les plus avancées pour réduire les coûts des traitements cardiaques et les rendre accessibles aux démunis des zones rurales du Karnataka via des diagnostiques à distance et une télé-médicine avec les médecins de l'hôpital général. M. Kamdar conclut son ouvrage en soulignant que la situation critique des pauvres et leur séduction possible par « les promesses de la force brutale » est l'épée de Damoclès du rêve indien en pleine évolution. Mais, « si nous avons la chance d'assister à une véritable renaissance indienne, la réinvention de l'Inde sera un exemple pour réinventer le monde » (p. 320).
39De lecture facile, cet essai s'adresse plutôt aux novices de l'Inde. La passion de l'auteur est ressentie tout au long du texte. La documentation est rigoureuse et les faits décrits sont nombreux. Les multiples anecdotes et citations d'interviews rendent le texte vivant mais plutôt sous un angle d'un collage d'information qu'une réelle analyse.
40L'ouvrage est un excellent snap-shot du moment présent mais avec un risque d'obsolescence relativement rapide. C'est donc un livre à lire maintenant pour quiconque veut en savoir plus sur l'Inde dont les ouvrages de ce style restent encore rares sur le marché français. Il est un bon complément d'un autre essai Le défi indien et aussi traduit de l'anglais par André Lewin [2]. Cet autre livre présente de nombreuses clés de lecture de la situation actuelle de l'Inde et du comportement de sa population via une déconstruction d'une multitude de mythes, de clichés et d'images fabriqués et véhiculés par des marchands de rêve.
41Dr Marie-Aimée Tourres
42Directeur
43Manchester Business School, Malaisie
Un candide en Terre sainte / Régis Debray, Paris, Gallimard, 2008
44Régis Debray vient de rédiger, à nouveau après Feu sacré, Dieu un itinéraire, un grand ouvrage sur la question d'Israël et de la Palestine et sur le rôle du religieux dans les conflits. Il refait aujourd'hui l'itinéraire de Jésus au sein du Proche-Orient et traverse les frontières avec des difficultés inconnues il y a deux mille ans (passeports, frontières fermées, tracasseries de toutes sortes...). Nazareth est en Israël. Bethléem en Palestine. Tyr et Sidon sont au Liban. Césarée de Philippe en Syrie, Béthanie et Gadara en Jordanie. L'auteur rencontre surtout les tensions confessionnelles des trois religions du Livre et observe comment juifs, chrétiens et musulmans vivent leur foi. Il rappelle que les religions séculières n'ont jamais su répondre à la question de la mort tout en se déclarant lui-même agnostique. En tant qu'observateur, il rappelle en cette Terre sainte le mélange des genres religieux et séculier intimement imbriqués. Seul un observateur à l'écoute des autres et liant culture et sensibilité peut dénouer le fil du labyrinthe « comme Germaine Tillon avant guerre dans l'Aurès ou Jacques Berque dans le Rif Seuls ces vagabonds feront, sur le tard, gagner du temps à leur pays pour avoir su en perdre dans leurs jeunes années ». Le sens de la formule, un style percutant, la restitution d'un vécu et d'entretiens très riches rendent la lecture passionnante et stimulante. Citons parmi les florilèges « L'État juif est démocratique pour les juifs et juif pour les Arabes ; un Fassan Nasrallah en lévite est moins médiéval qu'un Hariri en costume cravate ; pour Israël le Hezbollah est chiite, il est Libanais pour les Libanais ». Cet ouvrage est à la fois témoignage, chronique et méditation. Il s'adresse aux croyants comme aux agnostiques. Il est un modèle de tolérance et de compréhension de ce Proche Orient compliqué avec lequel on arrive avec des idées simples et souvent manichéennes.
45Les solutions politiques durables à la crise du Proche Orient ne sont pas militaires. Elles passent évidemment aujourd'hui par la reconnaissance réciproque diplomatique des États d'Israël et de Palestine en respectant les frontières de 1967. Elles impliquent des réformes économiques réductrices des énormes inégalités en termes de revenus, d'emplois, d'accès aux biens essentiels ou de sécurisation de l'accès à l'eau pour des populations cohabitant dans un territoire de très faible taille. Mais elles supposent aussi, comme le relate à merveille cet ouvrage, la compréhension des différentes représentations, frustrations, croyances et humiliations des acteurs du bas et de leurs porte-parole politiques acceptant la différence et permettant de dépasser les haines et rejets de l'autre.
46Philippe Hugon
47IRIS
L'Afrique humiliée / Aminata Traoré, Paris, Fayard, 2008
48L'on connaît les cris de colère d'Aminata Traoré, ancienne ministre de la Culture au Mali, femme militante et altermondialiste qui actualise le Kia, expression samo du Burkina Faso invitant au courage et au combat. Elle est une animatrice des Forums sociaux mondiaux. Les révoltes portent dans ce nouvel ouvrage sur le discours humiliant de Nicolas Sarkozy à l'université Cheikhy Anta Diop, sur la politique française d'immigration traduisant les peurs de la différence et de l'étranger, sur la privatisation de la CMDT, sur l'absence de mémoires face au rôle qu'ont joué les immigrés les soldats africains dans la croissance française ou dans la guerre. Au-delà de la révolte contre l'humiliation, Aminata Traoré réclame avec raison le droit à la dignité. Il reste évidemment à voir, au-delà des mots et des symboles quelles seraient les solutions alternatives sur le plan pratique et politique (critiques que faisait Erik Orsenna à l'auteur dans son ouvrage Voyage au pays du coton). Qui écoute et lit ce plaidoyer altermondialiste. Dans le film de Abderrahmane Sissako Bamako deux cours cohabitaient, celle de la justice où les acteurs du haut dont Aminata Traoré dénonçaient le FMI et la Banque mondiale dans un discours altermondialiste Nord/Sud qui avaient pour seuls interlocuteurs les militants, et celle de l'habitation où, au-delà de ces discours les Africains, acteurs du bas, vivaient les souffrances et les joies du quotidien. Les deux cours ne se rencontraient pas. On peut craindre que cet ouvrage ne s'adresse qu'au seul cercle Nord/Sud et qu'il n'enclenche que faiblement une action politique et une pratique sociale nouvelles.
49Philippe Hugon
50IRIS
Amérique latine, les élections contre la démocratie ? / Olivier Dabène (sous la dir.), Paris, Presses de Sciences Po, 381 p.
51Une douzaine d'élections présidentielles ont été tenues entre novembre 2005 et décembre 2006 en Amérique latine. Après le « virage à gauche » amorcé au début du siècle dans plusieurs États du continent, les experts devaient profiter de cette vague électorale pour vérifier la confirmation de cette tendance et, au-delà, de l'enracinement de la démocratie dans la région. Fruit des contributions du colloque « l'Amérique latine aux urnes » (CERI-IHEAL-Maison de l'Amérique latine, décembre 2006), cet ouvrage collectif dessine un bilan contrasté.
52Les Latino-américains sont allés voter, sans violences notables, et c'est déjà un fait à souligner, car dans le contexte de scepticisme croissant, la démocratie demeure parfois fragile. Les auteurs s'accordent pour pointer la crise de confiance de la population envers la classe politique, et notamment envers les partis. Aller voter, oui, mais pour un individu, un leader charismatique, un candidat de l'antisystème (Rafael Correa en Equateur, Evo Morales en Bolivie) ou de la manière forte (Ollanta Humala au Pérou, Alvaro Uribe en Colombie). Ce besoin d'alternance, après des années de politique néolibérale, explique le virage à gauche (Bachelet au Chili, Lula au Brésil, Kirchner en Argentine, Ortega au Nicaragua) ; doublé d'un phénomène de « personnalisation », il pourrait confirmer le risque populiste.
53Là est bien le drame de l'Amérique latine : pour combattre la pauvreté et le marasme économique, les institutions financières internationales ont soutenu des régimes politiques prompts à mener les politiques économiques orthodoxes. Indéniablement, la croissance est de retour, l'inflation est maîtrisée, le taux de pauvreté baisse légèrement. Mais les inégalités sociales demeurent terribles, discréditant la classe politique prodigue en promesses, et incitant les classes pauvres à écouter un autre discours, ou à soutenir l'émergence d'une nouvelle génération d'hommes politiques construisant leur réputation d'abord à l'échelle locale. Cette polarisation politique entre tenants et adversaires du néolibéralisme trouve son corollaire dans l'intérêt croissant pour les questions internationales : ouverture aux investissements étrangers ou renforcement de la souveraineté nationale ? Coopération avec les États-Unis (promotion de la zone de libre-échange) ou mise en place prioritaire des institutions proprement latino-américaines (Mercosur, Banque du Sud) ? Impliqué dans toutes ces questions, le « facteur Chavez » devient, dans certains cas, un élément majeur de la campagne.
54Cette dégradation de la cohésion sociale prend parfois un tour dramatique et explique l'aspect conflictuel de la politique dans des pays comme la Bolivie ou le Pérou (Cf. la contribution très intéressante de Carmen Rosa Balbi Scarneo, « le phénomène Humala »). Ces deux pays illustrent bien les freins à l'instauration d'une véritable démocratie dans de nombreux pays d'Amérique latine : clivages socio-économiques et raciaux se recoupant, toute une partie de la population ne bénéficie que d'une citoyenneté de seconde zone. Ainsi, alors que l'instauration de la démocratie est présentée souvent comme la panacée dans les questions de développement, l'intérêt du livre est de rappeler qu'un système électoral démocratique n'apporte pas la solution définitive, surtout lorsqu'il n'assure pas la représentativité de la population exclue : « Dans les sociétés où s'intensifie la violence délinquante, où la population cherche à migrer et où la politique de la rue peut à tout moment faire chuter un président, ce sont alors les élections qui ne jouent pas suffisamment leur rôle de canal d'expression institutionnalisé », rappelle en introduction Olivier Dabène.
55Les constats ainsi dégagés sont confirmés dans deux cas d'études publiés l'année dernière : Roderic Ai Camp, Politics in Mexico – The Democratic Consolidation (New York, Oxford University Press, 2e éd., 2007), et Steve Ellner, Miguel Tinker Salas, Venezuela, Hugo Chavez and the Decline of an « exceptional Democracy », (New York, Rowman & Littlefield Publishers, 2007). Le second, notamment, montre que les graves clivages sociaux caractérisant le Venezuela, que l'on décrivait trop souvent comme une démocratie sans histoire, ont entraîné la situation quasi révolutionnaire de l'ère Chavez.
56Yannick Prost
Les démocraties face au terrorisme
Le risque anti-terroriste / Anne Giudicelli, Paris, Le Seuil, 2007
57Premier rempart face au risque terroriste, le moyen antiterroriste se révèle être aussi, à ses dépens, un élément stimulateur.
58Journaliste spécialiste du monde arabe et musulman, ancienne chargée de mission au ministère des Affaires étrangères et fondatrice de l'agence d'expertise « Terrorisc », Anne Giudicelli fait ici part de son analyse sur les contradictions profondes de cette lutte entre un « Occident » aux tendances répressives et un islamisme toujours plus fertile.
59Loin d'atteindre ses objectifs premiers, la guerre menée à l'encontre de la mouvance al-Qaïda se complexifie avec le temps. Force est de constater que ce mouvement s'adapte sans peine aux mesures mises en œuvre par les différents gouvernements européens et américains. Dès lors, le devenir des libertés publiques est plus difficile à appréhender, alors que l'État, par ses hommes politiques et ses services de renseignement, présage d'une catastrophe à venir et au nom de la sécurité collective tente de légitimer une situation d'exception, où surveillance et répression deviennent excessives. Ces mesures protectrices, à long terme, nourrissent les revendications de ce terrorisme d'inspiration islamiste. « Elles n'ont contribué ni à empêcher toutes les actions terroristes sur ou à partir de leur sol [...] ni à faire baisser le niveau de menace. Elles ont en revanche contribué à exposer davantage l'Europe » (p. 109).
60L'auteur s'attelle ici de manière singulière à redéfinir les bases du système d'al-Quaïda et fait état d'une mutation permanente des cellules actives de ce dernier. Ainsi, le vecteur technologique que représente Internet, véritable moteur de promotion des réseaux islamistes, donne lieu à une course effrénée entre création de sites clandestins de diffusion et de recrutement, et leur laborieuse poursuite par les autorités.
61Par ailleurs, les récents attentats de Londres, le 7 juillet 2005, soulèvent de nouvelles questions pour les puissances occidentales. Ce danger qui semblait, auparavant venir de l'étranger, tend aujourd'hui à se développer au sein même des États menacés. Ainsi, tout citoyen, qu'il soit ou non issu de la minorité musulmane, est susceptible d'être enrôlé au sein de ces groupuscules et de commettre un jour un attentat. « La menace n'est plus seulement exogène mais aussi endogène » (p. 70).
62Selon Anne Giudicelli « aucun gouvernement ne s'est risqué à établir le lien politique entre terrorisme, menace intérieure et immigration » (p. 106). Sont ici pointées du doigt les carences des politiques d'intégration européennes, leur échec étant intimement lié au développement d'un terrorisme intra-étatique. Si en réaction à ces faiblesses, la majorité de États poursuivent aujourd'hui des politiques de sécurisation à « double détente », menant sur le même front répression et prévention à l'égard des communautés à risque, une coopération supplémentaire doit encore être effectuée au niveau des membres de l'Union européenne.
63Enfin, si les sociétés penchent par défaut pour un durcissement de leurs mesures de protection, sont proposées dans cet ouvrage quelques propositions et méthodologies envisageables par les autorités concernées, aussi bien juridiques que sociétales. Ainsi, sans basculer dans l'amalgame mais en tenant compte du danger que peut représenter l'isolement social de certaines franges de la population face à la radicalisation, il semble opportun de ne pas minimiser l'importance du « dossier sensible sur les banlieues en France, cas d'école en matière de persistance des inégalités sociales touchant les populations issues de l'immigration, et de processus de communautarisation, prudemment maintenu étanche... » (p. 106).
64Jean-Loup Gouot
65IPRIS
La guerre contre le terrorisme. Dérives sécuritaires et dilemme démocratique / Colombe Camus, Paris, Éditions du Félin, coll. « Échéances », oct. 2007, 146 p.
66Depuis le 11 septembre 2001, la lutte contre le terrorisme est devenue une préoccupation stratégique majeure. Elle pose aux démocraties occidentales un défi de taille : comment garantir la sécurité des citoyens sans menacer les libertés individuelles ? Tel est le « dilemme démocratique » qu'explore Colombe Camus dont on avait lu avec intérêt dans ces colonnes un article sur ce sujet [3]. La question n'est pas nouvelle. Elle était au centre de l'ouvrage du sociologue belge Jean-Claude Paye, La fin de l'État de droit (La Dispute, 2004), dont nous avions rendu compte ici. Mais la présentation synthétique qu'en fait Colombe Camus dans l'agréable collection « Échéances » du Félin captera l'attention du lecteur intéressé par les risques de dérives sécuritaires que porte l'après 11 septembre. D'autant que l'auteur évite la dénonciation sans nuance de ces dérives que pouvait laisser augurer le parrainage un peu ostentatoire que lui apporte Amnesty International.
67Aussi objectif soit-il, le bilan de six années de « guerre contre le terrorisme » ne tourne pas à l'avantage des États-Unis. Colombe Camus montre comment Washington a choisi de répondre aux agressions du 11 septembre par l'usage de la force et dans quelles impasses cette « militarisation de la lutte contre le terrorisme » a conduit la première puissance mondiale. Elle documente ensuite les libertés prises par Washington avec le droit international : un chapitre est consacré à Guantanamo où les États-Unis ont cru pouvoir transférer les « ennemis combattants illégaux » et les juger selon des procédures dérogatoires au droit commun avant que la Cour suprême n'en décide autrement ; un autre chapitre est consacré aux « prisons secrètes » où des actes de torture sont parfois pratiqués (Bagram, Abou Ghraib) et aux « restitutions extraordinaires » de prisonniers effectuées en catimini.
68L'auteur évoque également les réponses institutionnelles apportées par les États-Unis au défi terroriste. Il s'agit d'une part d'une législation, l'USA Patriot Act, lourde de menaces pour les libertés individuelles. Il s'agit d'autre part de la création d'une administration, le ministère de la Sécurité intérieure (Office of homeland security), chargée de coordonner l'action des agences et services peu ou prou impliqués dans la lutte contre le terrorisme.
69La seconde partie de ce court ouvrage est consacrée aux politiques européennes, et particulièrement françaises, de lutte contre le terrorisme. Leur principale caractéristique est, à la différence du modèle américain, leur refus de la militarisation et l'accent mis sur la réponse judiciaire. Dans l'Union européenne, dès avant 2001, et plus encore après les attentats de septembre 2001, mars 2004 (Madrid) et juillet 2005 (Londres), une intense coopération policière et judiciaire s'est développée, dans le cadre du « troisième pilier » du Traité de Maastricht. La tentation est toutefois grande de profiter du traumatisme créé par ces attentats pour faire adopter des législations exceptionnelles. Et si l'adoption de ces dispositifs se heurte à une trop forte opposition, l'échelon européen où le processus de décision est encore trop technocratique est bien pratique, surtout si l'on invoque les exigences américaines (cf. les transferts des données personnelles des voyageurs aériens transatlantiques aux autorités américaines).
70La France reproduit à son échelle ce schéma. Elle a développé, avant le 11-Septembre 2001 et en réaction aux attentats terroriste qui l'ont frappée dans les années 1980 et 1990, une législation qui est souvent citée en modèle : l'infraction spécifique « d'association de malfaiteur en relation avec une entreprise terroriste » (AMT) combinée aux pouvoirs très étendus reconnus à la 14e section du parquet de Paris a permis d'engranger de jolis résultats dans la lutte anti-terroriste. Mais, en France comme aux États-Unis, le dilemme démocratique se pose : les errements de l'affaire Chalabi, qui vit la mise sous écrou de 176 islamistes soi-disant radicaux qui pour la plupart bénéficièrent de non-lieu, furent relaxés ou condamnés à des peines légères, illustrent les dérives possibles d'un régime potentiellement liberticide.
71Yves Gounin
Gouvernance mondiale
Les théories de l'Interétatique – Traité de Relations internationales (II) / Gérard Dussouy, Paris, L'Harmattan, coll. « Pouvoirs Comparés », 2007
72Le second tome du Traité de Relations Internationales de Gérard Dussouy [4], consacré aux théories des relations inter étatiques, vient compléter le premier tome, consacré aux théories géopolitiques. Le premier tome s'attachait à analyser les théories de la géopolitique en les replaçant dans leur contexte culturel et historique. Cet ouvrage novateur et brillant s'appuyait sur une analyse pluridisciplinaire et éclairait ainsi le lecteur – averti – sur les origines de la pensée en relations internationales en tentant de redonner un statut épistémologique à l'approche géopolitique. Ce premier traité apparaissait sans doute ainsi comme l'un des plus achevés sur la problématique du système international. La conception circulaire du système international fournie par l'auteur permet d'incruster la lecture géopolitique de la théorie des relations internationales comme pivot incontournable de ses développements ultérieurs. Ainsi, dans le second tome, Gérard Dussouy se livre à nouveau à une analyse précise et novatrice des théories de la science politique centrées sur les relations entre les États. Prônant pour un nécessaire retour au pragmatisme et un indispensable recours à la modélisation systémique, l'auteur se livre à une analyse des origines, de l'évolution et des mutations de l'acteur central des relations internationales : l'État. En effet, selon Gérard Dussouy, la question centrale en science politique reste l'État, son déclin ou son maintien, et son rôle : l'auteur refuse ainsi simplifier la complexité du monde contemporain en assimilant la montée de la globalisation à l'entrée dans l'ère « post-nationale » et se livre donc à une analyse pointue sur le rôle de l'État, le caractère central de la puissance et la souveraineté, qu'il refuse de considérer trop hâtivement en crise.
73L'État souverain reste ainsi « le seul intervenant multilatéral ou généraliste, le seul à disposer d'un complexe de capacités stratégiques et à pouvoir intervenir, de droit, dans tous les champs de la vie internationale ».
74Suite à cette réflexion préalable et nécessaire, l'auteur décrit les nouveaux courants théoriques en science politique. Les deux « néos » (néoréalisme et néolibéralisme) viennent contester l'approche réaliste du monde, contestation liée aux mutations du système international au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Mais depuis la fin des années 1980, l'approche rationaliste des deux « néos » a été mise en cause par deux courants plus ou moins radicaux : le constructivisme et le déconstructivisme, dont le but avoué est de « montrer que les transformations des identités [...] étaient ou sont en mesure de changer le monde ». L'auteur souligne la difficulté même d'accéder à la connaissance totale et objective de la réalité internationale. Cela serait presque une ineptie. La difficulté à s'extraire de la complexité du monde dont le sujet fait partie intégrante, l'effort de conceptualisation tout en abandonnant l'illusion de bâtir la théorie permettant de connaître le monde dans son intégralité et l'hégémonie de la pensée sur le monde des puissances dominantes constituent trois contraintes inhérentes à la réflexion sur les relations internationales.
75Gérard Dussouy parvient ainsi à relativiser les théories les unes par rapport aux autres sachant qu'aucune, en soi, ne saurait être une « copie du réel ». Il met ainsi en lumière leurs limites, parfois leurs errements quand elles sont trop autoritaires, mais il saisit aussi des complémentarités qui, au-delà des préjugés des théoriciens, sont susceptibles de contribuer à une modélisation systémique du monde des Etats, à laquelle l'immense majorité d'entre eux aspirent.
76Toutefois, l'auteur regrette la prééminence des écoles américaines et le manque de volonté (et même de désir) en Europe d'exprimer une vision spécifique.
77Il conclut finalement en reconnaissant que le passage d'un système international à un système mondial ne change fondamentalement pas les choses, les alternatives théoriques restant identiques : le laissez-faire ou la régulation, le social ou le politique.
78Le travail de Gérard Dussouy mérite d'être salué. Analyse de fond nourrie par un savoir encyclopédique, mûrie par de hautes lectures, ce travail appartient à un genre qui paraît presque désuet s'il n'était pas nécessaire. Excellant à établir des ponts entre les disciplines, l'auteur est finalement parvenu à redonner un nouveau statut théorique à la géopolitique.
79Charlotte Lepri
80IRIS
Savoirs et politiques de développement, Questions en débat à l'aube du XXIe siècle / V. Geronimi, I. Bellier, J.-L. Gabas, M. Vernières, Y. Viltard, Paris, Karthala/GEMDEV, 2007
81En 1993, le GEMDEV avait publié en anglais puis en français« l'Etat des savoirs sur le développement. Trois décennies de sciences sociales en langue française » en procédant à un découpage disciplinaire. Il présente aujourd'hui de nouveaux questionnements concernant le développement durable et les politiques de développement dans un contexte de mondialisation. La première partie vise à un dépassement disciplinaire pour fonder les politiques de développement. Le découpage se fait dans la seconde partie par champs analytiques, l'urbain, le rural, l'éducation, l'intégration régionale. L'ouvrage est passionnant et de très bonne facture. Il permet d'actualiser avec bonheur les savoirs sur le développement. Les éclairages sont très éclairants : savoirs du développement (Yves Viltard), notion de développement (Jean-jacques Gabas), big push et trappe à pauvreté (Vincent Geronimi), développement durable (Géraldine Froger). Les chapitres sur l'éducation (M. Vernières) et l'intégration régionale (Mainguy) donnent un complément utile à la palette des questionnements. Deux légers regrets. Le découpage n'est pas toujours évident entre savoirs et politiques de développement et développement : savoirs et politiques en question. Les contributions traitant de la transdisciplinarité sur le foncier (Étienne Leroy), les peuples autochtones (Irène Bellier) ou le développement rural (Frédéric Landy) ont en fait un fort marquage personnel disciplinaire tant par leur déroulement que par leurs références. Cet ouvrage par la qualité de la grande majorité des contributions mais aussi par les limites de certaines nous rappelle qu'avant d'avoir l'ambition de la pluri ou transdisciplinarité, il importe de comprendre les méthodes et les questionnements propres à chacune. C'est par les regards croisés que l'on peut viser ensuite la transdisciplinarité.
82Philippe Hugon
83IRIS
La gouvernance européenne. Un nouvel art de gouverner ? / Barbara Delcourt, Olivier Paye, Pierre Vercauteren (sous la dir.), Louvain-la-Neuve, Bruylant/Academia, coll. « Science politique », 2007
84Pour ancienne qu'elle soit, et malgré l'importante littérature qui lui a déjà été consacrée, la notion de « gouvernance » continue à être la source d'une intense réflexion. Globale, mondiale, internationale, européenne, bonne, ou mauvaise, peu importe le qualificatif qui l'accompagne, la gouvernance occupe le devant de la scène politique et scientifique depuis maintenant presque un quart de siècle. Paradigme pour la recherche en science politique pour les uns, norme orientée vers l'action pour les autres, le dilemme, lui aussi ancien, continue à alimenter les analyses, tant la plasticité des usages de la notion prête à confusion. Et ce n'est pas le moindre des intérêts de cet ouvrage que de tenter de clarifier ces questions en essayant de penser la gouvernance telle qu'elle trouve à s'appliquer au niveau européen depuis l'hypothèse selon laquelle nous serions en présence d'« un nouvel art de gouverner ».
85Produit d'un colloque organisé en mai 2003, à Bruxelles, par le réseau de recherche REGIMEN (Réseau d'études sur la globalisation et la gouvernance internationale et les mutations de l'État et des nations), cet ouvrage ne se contente pas d'acter l'existence de pratiques européennes que l'on pourrait saisir depuis le concept de gouvernance, mais il s'attache, surtout, à réinterroger la concordance entre le concept et la réalité des pratiques. Les tentatives, plus ou moins convaincantes, des différentes contributions consistent donc à mettre à distance ce concept de gouvernance, sans se laisser enfermer a priori par les définitions et les sens dont serait déjà porteur ce concept. La logique de l'ouvrage consiste ainsi à analyser la manière dont certains discours (scientifiques, politiques ou institutionnels) contribuent à forger le concept, avant de revenir, dans une seconde partie, sur la manière dont les pratiques des acteurs européens sont susceptibles d'incarner cette idée de gouvernance européenne préalablement analyser. On regrettera, cependant, que le concept de gouvernance ne soit pas davantage confronté à la question de la démocratie, perpétuant ainsi l'idée d'un concept se réduisant à une ingénierie. « Un nouvel art de gouverner » comme une technique en somme, excluant du champ de l'analyse la référence à la légitimité démocratique d'une telle pratique.
86Revenant sur l'application du concept de gouvernance à l'action extérieure de l'Union européenne, Barbara Delcourt propose un tour d'horizon des débats théoriques qui ont cours dans le champ des sciences politiques et des relations internationales autour de cette notion. « Concept indispensable, selon elle, à l'analyse des relations extérieures et de la politique étrangère de l'UE », elle n'en oublie pas, pour autant, d'en mentionner les limites. Elle justifie ainsi le recours à ce concept par la nécessité de disposer d'outils d'analyse permettant d'embrasser les spécificités de l'UE et les modes d'action extérieure singuliers qu'elle développe. Le concept de gouvernance « permettrait alors d'appréhender des phénomènes et des processus jusque là peu étudiés comme les effets des politiques européennes sur les politiques nationales (cf. la notion d'“européanisation”), la socialisation des élites et l'influence de son mode de fonctionnement sur les autres institutions internationales. Il aurait même vocation à se substituer à la notion de “politique étrangère” car, en un sens, la gouvernance externe recouvre un champ d'action politique plus large qui comprend le commerce, l'aide au développement et autres actions extérieures considérées comme des prolongements des compétences internes de l'UE. » (p. 17-18) Cette contribution a l'immense avantage, non seulement de proposer une série de définitions conceptuelles, mais également de mettre en lumière les enjeux, la portée et l'utilité, ou non, de ces définitions.
87Dans sa conclusion, Yves Palau revient sur l'hypothèse initiale. « S'il ne nous semble pas possible d'affirmer que la gouvernance européenne, telle qu'elle est exprimée par la Commission, constitue un art de gouverner absolument nouveau, il semble en revanche qu'elle systématise une manière de gouverner fondée sur un processus de découpage de la société en catégories différenciées et une tentative de prise en charge de chacune d'elles par une élite fondée sur l'expertise. » (p. 178-179) Quant à la portée scientifique du concept, l'auteur tente de synthétiser l'ensemble des contributions en opérant une distinction utile pour la compréhension du concept, puisqu'elle nous livre, indirectement, des éléments d'explication de son succès. Ainsi, pour l'auteur, au regard des contributions de l'ouvrage, la notion de gouvernance « apparaît assez pauvre sur le plan heuristique [ce concept] pouvant avantageusement être remplacé par d'autres notions ou concepts plus précis, tout en représentant un véritable intérêt stratégique et pratique pour ceux qui l'emploient » (p. 163). Loin de clore le débat sur la gouvernance en fournissant des réponses définitives, cet ouvrage s'attache au contraire à en relancer l'étude.
88Robert Chaouad
89Université Paris VIII
90IRIS
Mondialisation. La grande rupture / Charles-Albert Michalet, Paris, La Découverte, mars 2007, 166 p.
91Décédé en novembre 2007, Charles-Albert Michalet fut un auteur prolixe qui analysa le capitalisme mondial et son évolution. Dans son dernier ouvrage, il soutenait que la mondialisation, même s'il ne s'agit pas d'un phénomène nouveau, marque une quadruple rupture. La première a souvent été surévaluée. Il s'agit des délocalisations. L'auteur distingue les délocalisations keynésiennes (investissements dit « horizontal ») motivées par la recherche de débouchés, en général vers d'autres pays développés, des délocalisations néo-classiques (investissement dit « vertical ») qui visent à réduire les coûts unitaires de production. Le plus intéressant est qu'elles ne sont, ni l'une ni l'autre, destructrices d'emplois. Au contraire, nous dit C.-A. Michalet, exemple italien à l'appui, ce sont les firmes qui créent le plus d'emploi à l'étranger qui en créent dans leur propre pays.
92La mondialisation des échanges constitue une rupture autrement plus importante. L'essentiel des échanges commerciaux se fait aujourd'hui à l'intérieur d'une même branche industrielle, voire au sein de la même firme : par exemple, l'Allemagne exporte des composants automobiles vers les PECO qui les assemblent. Dans un système où les prix de transfert internes, fixés par la maison mère souvent sans relation avec les prix de marché, occupent une place croissante, la régulation par les prix devient caduque. Si bien que tous les indicateurs traditionnels de la comptabilité nationale sont frappés d'obsolescence : l'importation du Japon vers la France d'un véhicule Nissan enrichit-il ou appauvrit-il l'économie française ?
93La mondialisation financière constitue une troisième rupture. L'analyse a déjà été faite : les trois D (déréglementation du secteur bancaire, décloisonnement des banques d'affaires et de dépôt, désintermédiation des crédits bancaires) ont accéléré la circulation des capitaux, parfois en totale déconnection avec la sphère de l'économie réelle. La « gouvernance » des firmes a changé d'étalon. L'époque n'est plus à l'expansion mais à la valorisation dans une logique patrimoniale. L'important n'est plus de dégager des bénéfices, mais d'atteindre une rentabilité au moins égale à celle que les capitaux immobilisés dégageraient dans des activités comparables. Pour ce faire, on se recentre sur son cœur de métier ; on externalise les fonctions support qui obèrent le taux de rentabilité.
94La dernière rupture reste à venir. Elle concerne les politiques économiques qui sont encore doublement prisonnières des dogmes de l'économie classique et des frontières de l'État-nation. D'une part, l'heure n'est plus où l'économie d'un État se pilote par un habile policy mix. Les États ont perdu tout pouvoir en matière monétaire ; en matière budgétaire, les marges de manœuvre sont inexistantes. D'autre part, l'avantage compétitif (qui met en compétition des territoires plus ou moins attractifs) ayant supplanté l'avantage comparatif (où chacun gagnait à commercer), l'État n'a d'autre choix que de promouvoir une politique d'attractivité pour attirer les investissements étrangers. L'auteur signale à titre d'exemple qu'en France, malgré la création en 2001 de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), beaucoup reste à faire en termes d'image.
95Une fois ce constat posé, l'auteur évoque cinq attitudes possibles face à la mondialisation. Les deux premières sont trop extrêmes pour être retenues : le refus pur et simple ou l'acceptation inconditionnelle. La supranationalité, mondiale ou régionale, sont l'une et l'autre utopiques : aucune instance surplombante, ni mondiale ni même régionale, ne viendra « gouverner » la mondialisation. L'auteur place plus modestement ses espoirs dans une cinquième option : la « régulation » de la mondialisation à travers une multiplicité d'agences sectorielles chargées, chacune dans leur domaine, de pallier les dysfonctionnements de la mondialisation, de prendre en charge « les déséconomies externes » (p. 148). François Heisbourg ne disait rien d'autre dans le dernier chapitre de son récent ouvrage « L'épaisseur du monde » [5], quitte à laisser en suspens la question de l'arbitrage entre les impératifs contradictoires défendus par chacune de ces agences sectorielles.
96Yves Gounin
Notes
-
[1]
« The Jewish Diaspora and Israel », The Economist, le 11 janvier 2007.
-
[2]
« ZAKA head hits Neturei-Karta rabbi », Jerusalem Post, le 12 mars 2007.
-
[3]
Motiba's Tattoos : A grand-daughter's journey from America into her Indian Family's Past, Barnes&Noble, 2000.
-
[4]
Pavan K. Varma, Le Défi indien, Pourquoi le XXIe siècle sera le siècle de l'Inde, Arles, Actes Sud, 2005. Voir la recension de cet ouvrage réalisée par Marie-Aimée Tourres, La Revue internationale et stratégique, no 65, printemps 2007, p. 203-204.
-
[5]
« La lutte contre le terrorisme dans les démocraties occidentales : État de droit et exceptionnalisme », La Revue internationale et stratégique, no 66, été 2007, p. 9-23.