Note
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Une précédente version, plus courte, de cet article a été présentée au séminaire intitulé « Pauvreté comme violation des droits humains » à l’unesco à Paris le 29 avril 2003. J’adresse mes remerciements au personnel de l’unesco pour son travail d’organisation et son hospitalité, ainsi qu’à tous les participants au séminaire pour les discussions animées et instructives.
1L’objectif de cet article n’est pas de présenter une étude exhaustive de la question générale de la pauvreté et des droits humains. Mon intention est davantage de poursuivre le but plus restrictif, mais à mon sens particulièrement pertinent, d’analyser certaines des conditions dans lesquelles la pauvreté pourrait être un jour considérée comme une violation des droits humains.
2Mon argument est développé comme suit. La Déclaration universelle des droits de l’homme comporte des articles « progressistes », sur lesquels peut se fonder une telle perspective, mais aussi des articles « conservateurs » qui, au contraire, sont susceptibles de compromettre l’utilisation de la Déclaration comme fondement de la lutte contre la pauvreté. Il existe alors une contradiction constitutive dans la Déclaration. Cela s’explique par le fait que nous vivons actuellement dans une logique économique mondialisée qui se reflète dans ces articles conservateurs. Cette logique crée ce que j’appellerai une « concurrence existentielle » et incite ainsi les plus riches à lutter (beaucoup) moins contre la pauvreté que ce que prescriraient les articles plus progressistes de la Déclaration. Il en résulte que, pour faire de la Déclaration la base de la lutte contre la pauvreté, il est nécessaire d’envisager la mise en œuvre de réformes conceptuelles et institutionnelles, y compris une éventuelle reformulation de certains articles, de manière à donner aux articles progressistes la priorité sur les articles conservateurs.
3Si ces réformes peuvent être menées à bien, la Déclaration des droits de l’homme elle-même deviendra alors une base solide pour que la pauvreté soit considérée comme une violation des droits humains.
La « simplicité volontaire » ou la pauvreté en tant que caractéristique systémique de notre logique économique
4La pauvreté est un état individuel de manque dans un certain nombre de dimensions de l’existence jugées, objectivement ou subjectivement, cruciales, et que l’on ne peut nécessairement réduire à la dimension classique du revenu (Sen, 1992, 1999 ; Dasgupta, 1993). Cet état de manque peut être un état absolu (l’individu se situe en-dessous d’un seuil de pauvreté) ou un état relatif (l’individu se situe dans le bas d’une échelle d’indices de qualité de vie, dont aucune valeur ne tombe en-dessous du seuil de pauvreté). Bien évidemment, le manque peut dans certains cas être à la fois relatif et absolu : les individus les plus pauvres dans une société peuvent aussi être absolument pauvres – et cet absolu peut, à son tour, être soit universel (le même seuil de pauvreté peut être appliqué à toutes les sociétés), soit spécifique (chaque société peut posséder son propre seuil de pauvreté, selon ses critères socioculturels).
5Depuis quelques décennies, différents chercheurs en sciences sociales, ainsi que différents mouvements de la société civile, ont fait circuler un ensemble d’idées et de pratiques autour de la « pauvreté choisie », appelée aussi parfois « simplicité volontaire » (Dominguez et Robin, 2001 ; Elgin, 1981; Pierce, 2000). À mon sens, ces idées et pratiques peuvent être interprétées comme des façons pour les individus de tenter volontairement d’assumer un certain degré de pauvreté relative, et ce dans la mesure où ils sont devenus de plus en plus sceptiques quant au lien traditionnellement établi entre la lutte contre la pauvreté relative et l’enrichissement collectif croissant. Ce scepticisme s’explique essentiellement de deux manières. D’une part, la lutte contre la pauvreté par la croissance a tendance à générer des modalités d’interaction sociale (telles que la poursuite de l’« efficacité » productive et allocative) qui produisent des effets existentiels néfastes pour ceux qui, à travers ces mécanismes, deviennent relativement moins pauvres : dépression, saturation, convoitise croissante, insatisfaction endémique, etc. D’autre part, le système économique même, qui enrichit relativement certains individus, a tendance à requérir, à ses « marges », le maintien et parfois même l’aggravation de la pauvreté absolue de nombreux autres individus. Ainsi, le prix à payer pour l’enrichissement relatif de certains serait double et impliquerait notamment de limiter vraiment, pour des raisons systémiques, la lutte contre la pauvreté absolue de certaines catégories sociales et/ou de certaines régions géographiques « périphériques ». Cela explique pourquoi, aux yeux des penseurs et des acteurs de la « pauvreté choisie », il est aussi crucial de reconsidérer l’échelle de relativité de la pauvreté quand celle-ci n’est plus absolue. L’échec de cette démarche nous conduirait à des impasses du fait des exigences systémiques du système économique actuel.
6En évoquant ici les mouvements de simplicité volontaire, je ne cherche pas à les placer au centre d’une stratégie de réduction ou d’éradication de la pauvreté. La raison tient davantage en ce que la philosophie sous-jacente à ces mouvements (ou plutôt leur vision du sens de la vie collective) met en lumière deux aspects que je considère comme extrêmement importants :
- un certain degré, modéré, de pauvreté relative, loin de devoir être éradiqué, devrait être au contraire promu ;
- éradiquer la pauvreté absolue, ainsi que la part indésirable de la pauvreté relative, ne peut se faire de l’intérieur d’un système économique dont la logique de fond requiert et reproduit les conditions de perpétuation de la pauvreté relative, voire peut-être de la pauvreté absolue.
7Ainsi, par opposition, les défenseurs de la simplicité volontaire posent le problème (qu’ils considèrent comme insurmontable mais que nous pouvons, pour l’instant, utiliser au moins comme point de départ d’une réflexion ouverte) de savoir comment réduire ou éradiquer la pauvreté au sein d’un système économique dont la logique d’ensemble démontre une sorte de besoin structurel de pauvreté. De plus, ce système produit continuellement des images d’enrichissement et de prétendu épanouissement humain qui, au moins au-delà d’un certain seuil, ne sont que des appauvrissements humains déguisés en abolition imaginaire et illusoire de tout manque et de toute finitude (Rahnema, 2003).
Limiter la question de la violation des droits humains
8Dans sa contribution à ce débat, Pierre Sané nous invite à repenser la pauvreté comme une violation des droits humains. Cela implique d’analyser les concepts et les enjeux relatifs à la pauvreté considérée comme une violation des droits humains, et plus précisément d’aboutir à la formulation d’une assise conceptuelle de la problématique qui appréhende la pauvreté sous cet angle. Il est donc nécessaire de se demander s’il existe, au sein de ce vaste corpus philosophique et jurisprudentielle sur les droits humains, quelque chose comme un droit à la non-pauvreté et un droit individuel à cette non-pauvreté.
9Si l’on prend acte de ce que j’ai avancé précédemment, et si l’on admet donc que certains individus peuvent avoir de bonnes raisons (notamment le souci d’une réelle lutte contre la pauvreté absolue) de choisir une certaine pauvreté relative, la question se précise davantage : existe-t-il dans le corpus des droits humains un droit à ne pas subir une pauvreté relative intolérable ? (Il faut remarquer que la pauvreté absolue en est une composante.)
10Pourtant, la question posée mérite une analyse plus poussée. Tant que nous n’avons pas statué sur ce que nous considérons comme une pauvreté relative intolérable, nous nous exposons à ce que les travaux de philosophie politique sur le libéralisme ont appelé « l’objection des goûts dispendieux » (Dworkin, 1981). Le manque relatif de celui qui possède trois voitures alors que ses voisins en ont cinq ne peut être mis sur le même pied que le manque d’eau potable dans certains villages d’Afrique subsaharienne ou même que l’incapacité structurelle d’obtenir un diplôme universitaire qui touche certaines catégories sociales des pays les plus riches. Par conséquent, il convient de préciser la question encore davantage : existe-t-il, dans le corpus des droits humains, un droit de ne pas subir une pauvreté qui soit (a) résulte d’un manque absolu, soit (b) se situe sur une échelle de relativité qui a elle-même été jugée acceptable ? En d’autres termes, si nous pouvons contourner l’objection des goûts dispendieux, nous pouvons être en mesure de situer ce qui est absolu même au sein de la pauvreté relative. L’absolu en question se comprend en référence non à l’humanité en tant que telle, mais aux caractéristiques socioculturelles les plus élémentaires par lesquelles les individus ont besoin de trouver le sens de leur existence. Faute d’une meilleure terminologie, je formulerais la question ainsi : existe-t-il dans le corpus des droits humains un droit à ne pas subir la pauvreté qui témoigne soit (a) d’un manque humainement absolu, soit (b) d’un manque socioculturellement absolu ? Il convient de noter que ces deux points (a) et (b) couvrent à la fois la pauvreté absolue et tous les aspects de la pauvreté relative considérés comme « vraiment intolérables » dans un contexte socioculturel donné. (Pour clarifier cette question, on peut garder à l’esprit la caractérisation suivante : le manque socioculturellement absolu est quelque chose que même un défenseur particulièrement radical de la simplicité volontaire ne choisirait jamais.)
11Ainsi posée, notre question montre clairement que l’enjeu de la pauvreté comme violation des droits humains rejoint, par sa nature même, l’enjeu des manques absolus, ou ce que Sen appelle le manque de « capacités absolues ». Afin d’éviter trop de jonglages terminologiques, je placerai tous ces manques absolus sous le terme générique de « misère » – un terme qui recouvre, selon moi, l’ensemble des manques humainement ou socioculturellement absolus qui sont involontairement subis. L’hypothèse cruciale sous-jacente est, bien évidemment, qu’aucun individu dans le monde ne peut « choisir » un manque absolu ; sans cette hypothèse, il est clair qu’aucun argument en faveur de la misère comme une violation des droits humains ne peut être développé. La question est alors : existe-t-il dans le corpus des droits humains un droit à ne pas vivre dans la misère, ainsi que je l’ai définie ici ?
12Le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme stipule que « la plus haute aspiration de l’homme » est « l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère » (c’est moi qui souligne). Il n’existe donc aucune ambiguïté dans la Déclaration, d’autant plus qu’une série d’articles spécifie un certain nombre de ces droits, en particulier les articles 22 et 25. Si ces articles étaient effectivement mis en œuvre, il semble évident qu’ils suffiraient à faire rempart contre tous les manques humainement et socioculturellement absolus. Pourquoi, dès lors, avons-nous encore à réfléchir à une formulation qui fonderait conceptuellement l’appréhension de la pauvreté comme une violation des droits humains ? À mon sens, une partie de la réponse est la suivante : cette même Déclaration contient également d’autres éléments philosophiques susceptibles de rendre caduque la lecture optimiste que je viens de suggérer et ces éléments peuvent être invoqués pour que s’instaure un ordre économique international qui peut générer, de manière structurelle, de la misère au sens défini précédemment. L’autre partie de la réponse tient en ce que le rapport de force économique et militaire actuel est tel que la Déclaration des droits de l’homme, ainsi que tout l’appareil des Nations unies, ne pèsent que de peu de poids face aux intérêts de ceux qui pourraient le plus agir pour éradiquer la misère à l’échelle de la planète (P. Unger, 1996 ; Sogge, 2002 ; Mann, 2003).
13Ces deux éléments de réponse me serviront de fil conducteur pour la suite de mon analyse. Tout d’abord, je me pencherai sur l’ambiguïté pour ainsi dire constitutive de la Déclaration des droits de l’homme elle-même. Je porterai ensuite mon attention sur la question du rapport de force effectif qui rend actuellement la Déclaration inopérante comme instrument de lutte contre la misère. Il ne s’agit pas ici de présenter un constat défaitiste des limites actuelles du corpus des droits humains, mais plutôt de clore cette présentation en dégageant certaines pistes de réflexion pour une réforme fondamentale de l’ordre mondial à mettre en œuvre de manière urgente si l’on veut considérer sérieusement l’idée de la pauvreté/misère comme violation des droits humains.
L’ambiguïté constitutive de la Déclaration des droits de l’homme
14Pour rappel au lecteur, voici la longue liste des droits et libertés inscrits dans la Déclaration (un expert peut bien sûr se dispenser de la lire) :
- Art. 3 : le droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ;
- Art. 4 : l’interdiction de l’esclavage ;
- Art. 5 : l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
- Art. 6 : la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique ;
- Art. 7 : l’égalité devant la loi et le droit à une égale protection de la loi ;
- Art. 8 : le droit à une action juridique contre ceux qui violent les droits fondamentaux ;
- Art. 9 : l’interdiction de l’arrestation, de l’exil ou de la détention arbitraires ;
- Art. 10 : le droit à un procès équitable ;
- Art. 11 : la présomption d’innocence et le droit à une défense ;
- Art. 12 : une protection de la vie privée, légalement sanctionnée ;
- Art. 13 : (1) le droit de circuler librement dans son pays ; (2) le droit de quitter son pays et d’y revenir ;
- Art. 14 : le droit d’asile devant la persécution ;
- Art. 15 : le droit à une nationalité et à changer de nationalité ;
- Art. 16 : l’égalité dans le mariage et la prééminence de la cellule familiale ;
- Art. 17 : (1) le droit à la propriété ; (2) la protection contre une privation arbitraire de sa propriété ;
- Art. 18 : la liberté de conscience et de pensée ;
- Art. 19 : la liberté d’opinion et d’expression ;
- Art. 20 : la liberté d’association ;
- Art. 21 : la liberté d’accès à des responsabilités politiques ;
- Art. 22 : le droit à la sécurité sociale, aux droits économiques indispensables à la dignité personnelle ;
- Art. 23 : (1) le droit au travail, au libre choix de son travail ; (2) l’égalité des salaires ; (3) le droit à une rémunération équitable ; (4) la liberté de fonder des syndicats ;
- Art. 24 : le droit aux loisirs ;
- Art. 25 : le droit à la satisfaction de ses besoins fondamentaux ;
- Art. 26 : le droit à l’éducation (gratuite au moins pour l’éducation élémentaire) et l’égalité des chances pour les études supérieures ; les objectifs spécifiques de l’éducation (compréhension, tolérance, amitié) ;
- Art. 27 : l’accès libre et égal à la culture, la protection de la propriété intellectuelle ;
- Art. 28 : le droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que soient respectés les droits de l’homme ;
- Art. 29 : les devoirs de l’individu et les limites que les droits d’autrui imposent à l’exercice des droits de chaque personne ;
- Art. 30 : les restrictions sur l’interprétation des articles 2 à 29.
15Nous pouvons pousser plus loin encore le raisonnement. L’article 13 pourrait être utilisé pour créer une sorte de « contrainte incitative » sur les bâtisseurs de l’ordre mondial : étant donné le droit à la libre circulation des personnes, seul un effort concerté pour éradiquer les facteurs générant la misère localement pourra minimiser (si cela s’avère nécessaire) les flux migratoires vers les pays les plus riches. De plus, ce même article 13 peut être utilisé comme un instrument, au moins partiel, de définition endogène de la misère : dans une société donnée, ce qui sera considéré comme de la misère est ce qui poussera les individus à émigrer (avec l’hypothèse plausible selon laquelle le niveau de vie qui amène un individu à préférer un pays étranger à son propre pays est inférieur, ou égal, au niveau de vie que la culture locale identifie à la misère).
16Ces quelques éléments mériteraient, bien évidemment, d’être approfondis par une discussion analytique nettement plus poussée. Néanmoins, ils suffisent déjà à induire une présomption très favorable quant à la possibilité d’utiliser le cadre existant de la Déclaration des droits humains pour fonder un rejet de principe, plus que simplement instrumental, de la misère. Bien évidemment, nous pouvons ajouter à l’argumentation cette notion déterminante selon laquelle la misère, en tant que violation des articles 22, 25 et 28, rend pour la plupart des personnes impossible l’exercice effectif des différents droits et libertés spécifiés dans les autres articles. C’est une dimension du problème qui se trouve au cœur des débats entre les perspectives rawlsienne et marxiste notamment (Peffer, 1990 ; Rawls, 1993 ; Bidet, 1995).
17Il convient néanmoins de rester prudent. Un article crucial menace de réduire à néant l’ensemble de cette perspective optimiste. Il s’agit évidemment de l’article 17. Associé en partie avec l’article 20 (interprété comme incluant la « liberté d’entreprendre ») et l’article 22 (interprété comme incluant, dans les droits économiques, un certain droit au refus de la ponction fiscale), il peut aisément être utilisé pour justifier un système économique mondial (et également au sein de chaque pays, y compris dans les pays du Nord) fondé sur un double droit : (a) le droit pour chaque individu de garder pour lui-même non seulement sa propriété, mais également les fruits de cette propriété (y compris quand cette propriété prend la forme d’un « capital humain ») ; et (b) le droit pour chaque individu de consacrer ces fruits à l’accroissement de sa propre propriété plutôt qu’à l’amélioration de la qualité de vie d’autrui. Les articles 22, 25 et 28 ne peuvent, par conséquent, être mis en œuvre que sous la contrainte de ce double droit : si tel est le cas, la seule lutte contre la misère qui sera alors permise au nom des droits humains sera une lutte qui aura été jugée au préalable compatible avec le système – lui-même légitimé par la Déclaration – d’incitations fondant la logique économique dominante et exprimé par ce double droit.
18Nous sommes ainsi face à une question absolument cruciale, qui marque toute l’ambiguïté constitutive de la Déclaration : à quoi donner la priorité lexicale – au complexe <22-25-28> ou au complexe <17-20-22>, chaque complexe étant assorti des biais d’interprétation soulignés précédemment ?
19C’est, par essence, cette question (ainsi que ses différentes implications pratiques) qui a occupé depuis les années 1970 les théories de la justice distributive, auxquelles le trio formé par Rawls (1971, 1993, 2001), Nozick (1974) et Cohen (1992, 1995, 2000) me semble fournir un point de départ incontournable. Dans leur sillage, différentes théories de la justice internationale (par exemple Beitz, 1979 ; Pogge, 1989, 2002 ; Rawls, 1999) ont été développées. Fondamentalement, tout le débat entre « libéralisme politique » et « (néo-)libéralisme économique » tourne autour de la question de la hiérarchisation de ces deux complexes de droits (ou de certaines de leurs variantes). La nécessité d’une hiérarchisation découle donc d’une ambiguïté constitutive, que certains nommeraient peut-être « indécidabilité », au cœur du corpus même des droits humains. Sans aucun doute, il incombe, entre autres tâches cruciales, à la philosophie politique aujourd’hui de doter les théories de la justice de « mécanismes de hiérarchisation ». À partir de la perspective suggérée par Pierre Sané dans son introduction, la tâche est plus précisément de mettre en avant et de justifier (en combinant une éthique de l’émotion et une éthique de la justification rationnelle) la priorité morale de <22-25-28> sur <17-20-22>.
20Évidemment, accomplir la totalité de cette tâche serait ici impossible ; c’est le projet d’une vie qui mérite qu’on s’y lance, comme les travaux de Thomas Pogge le démontrent largement. Pourtant, comme je l’explique dans l’introduction de cet article, ce que je me propose de faire est plus modeste. Mon intention est de mettre en lumière le contexte politico-économique actuel avec lequel, tôt ou tard, ces réflexions philosophiques devront entrer en conflit et qu’elles devront tenter de réformer. Pour aller droit au but, je qualifierai ce contexte de pseudo-démocratie quasi capitaliste. Ce contexte a deux caractéristiques principales : une organisation capitaliste de marché de la production et des échanges et une organisation politique formellement démocratique ; le préfixe « quasi » vient rendre compte de tous les manquements, dans la pratique, aux principes d’une économie purement capitaliste, tandis que le préfixe « pseudo » rend compte de tous les manquements, dans la pratique, aux principes d’une démocratie totale (cf. par exemple Fotopoulos, 2002 ; R.M. Unger, 1998). Je dois insister d’emblée sur le fait que ce contexte n’est pas, formellement parlant, incompatible avec le contenu du corpus des droits humains. C’est justement dans cette apparente innocuité que réside la difficulté actuelle de la lutte contre la pauvreté.
21Je n’essaierai pas de démontrer que la logique de la pseudo-démocratie quasi capitaliste est nécessairement incompatible avec l’éradication de la misère, mais plutôt qu’elle peut l’être, de par sa genèse historique et ses fondements existentiels. Mon objectif est de proposer une approche de la pauvreté en termes de droits humains dans deux cas, c’est-à-dire d’une part à l’adresse de ceux qui croient qu’il y a nécessairement incompatibilité et d’autre part pour ceux qui pensent que la compatibilité est au moins possible. Tout d’abord, il convient de se pencher sur ce que j’entends par discrimination systémique.
La centralité économique de la discrimination systémique
22L’une des caractéristiques principales des modes d’organisation économique qui ont dominé l’histoire est la discrimination systémique. Elle a deux composantes essentielles : de manière interne, la domination fonctionnelle (Cohen, 1978 ; Meiksins-Wood, 1991) ; de manière externe, la conquête (Abernethy, 2000 ; Chomsky, 1993). Ces deux composantes sont anonymes : la domination fonctionnelle s’exerce de fonctions supérieures à fonctions subalternes ; la conquête s’exerce de territoires pénétrants à territoires pénétrés. L’objet de la domination fonctionnelle comme de la conquête est l’exercice d’un pouvoir d’extraction de surplus matériel. Ceci n’exclut pas, bien évidemment, l’existence d’autres dimensions plus symboliques (non matérielles) liées à la possession d’un surplus.
23Au sein d’un tel mode d’organisation, les différentiations discriminatoires, telles que la hiérarchie des places, les jugements collectivement ou individuellement intériorisés concernant valeur et rang, etc., sont de nature systémique, c’est-à-dire que, sans elles, la logique d’ensemble du système s’effondre. Je citerai deux exemples, parmi d’autres possibles, qui caractérisent des discriminations systémiques capitalistes : (a) tandis qu’un nombre limité de prolétaires peut souhaiter devenir capitaliste et en être vraiment capable, l’ensemble de la classe ouvrière ne peut devenir capitaliste sans que l’on quitte la logique du capitalisme même (Cohen, 1988) ; (b) on peut démontrer qu’une concurrence parfaitement juste ne peut remplir sa fonction sociale de mécanisme de sélection – en d’autres termes, seule une concurrence qui est de manière inhérente biaisée et déséquilibrée peut faire fonctionner les incitations du marché (Arnsperger et De Villé, 2002).
24Cette logique d’ensemble du système économique (domination/conquête) et les différentiations discriminantes qu’elle implique ont varié selon les époques historiques, mais elles possèdent néanmoins une fonctionnalité existentielle constante qui, insérée dans une succession de modalités historiques, produit ce qui apparaît comme une « trajectoire civilisationnelle ». Cette thèse serait trop longue à développer ici : la fonctionnalité existentielle à laquelle je fais allusion fait référence à une expansion possessive en tant que refus fantasmatique (au niveau individuel et/ou collectif) de la finitude mortelle (cf. par exemple Becker, 1974 ; Brown, 1958). Envisagé sous cet angle, le système économique est un mécanisme complexe de (re-)distribution interpersonnelle des finitudes existentielles. En Occident, ce mécanisme a pris la forme capitaliste de règles visant à permettre – à tous en principe, à une minorité en pratique – de concourir individuellement pour repousser le plus loin possible les bornes matériellement (et donc aussi symboliquement) repérables de la finitude (Wallerstein, 1983).
25Cette dynamique de (re-)distribution interpersonnelle des finitudes se fonde sur deux instruments principaux : la ruse et la force, qui vont souvent de pair. Par la ruse, on fait passer l’extraction de surplus pour une opération d’« échange » mutuellement avantageux – ce qui implique que l’alternative à l’échange soit ou bien la menace de la force brutale, ou bien la menace de l’exclusion symbolique de la partie qui refuse de participer à l’« échange ». Par la force, on extrait un surplus sans faire appel à la rhétorique de l’avantage mutuel. Dans un cas comme dans l’autre, la (re)distribution interpersonnelle des finitudes s’opère sous la forme d’un transfert forcé, qui à la fois repose sur les discriminations systémiques et tend à les perpétuer (Amin, 1973). Les seuls individus qui parviennent à se libérer d’un tel échange forcé sont ceux qui sont capables de passer, d’une certaine façon, du « bon côté » de la discrimination (l’ouvrier qui devient capitaliste, le petit paysan qui devient un acteur important de l’industrie agroalimentaire) sans, pourtant, en modifier le caractère systémique.
26On reproche régulièrement à ce type d’analyse de négliger la catégorie de l’échange vrai, c’est-à-dire de tous les échanges dont le caractère mutuellement avantageux ne repose ni sur la ruse, ni sur la force (effective ou latente). En fait, cet échange n’est pourtant pas omis, il est simplement considéré comme un phénomène secondaire ou dérivé : ce genre d’échanges a lieu une fois que les parties ont renoncé à la concurrence existentielle qui semble, à mon sens, caractériser de manière plus fondamentale les systèmes économiques que nous avons connu et dans lesquels nous vivons encore. Dans l’échange « vrai », il n’y a de place pour aucun des phénomènes qui ont si massivement et si tristement marqué notre histoire économique : au niveau interne, la paupérisation et l’exploitation des travailleurs sans propriété, remplacées aujourd’hui par une course à la « flexibilité » (avec en toile de fond, aujourd’hui, une apparente mais intangible prospérité des « classes laborieuses », cf. Shulman, 2003 ; Toynbee, 2003) ; et au niveau externe, le démembrement colonial des peuples et des cultures, progressivement remplacé par une domination indirecte sur les flux de matières premières et des ressources élémentaires par des mécanismes postcoloniaux (Jalée, 1965 ; Klare, 2001). Je n’entends pas nier qu’il puisse exister quelque chose comme l’« utopie de l’échange vrai » ; en effet, c’est précisément cet horizon que visent ceux (le plus souvent trop hâtivement, au point de le tenir déjà pour pratiquement atteint) qui croient au potentiel du capitalisme à s’améliorer de manière constante (cf. par exemple Lévy, 2000). La question cruciale est pourtant précisément de savoir si cette logique est à même de défaire « de son propre intérieur », pour ainsi dire, la dynamique de la concurrence existentielle qui a été jusqu’à présent son véritable moteur historique.
27L’analyse faite précédemment repose sur une vaste recherche que j’ai menée ces dernières années sur les fondements politiques et existentiels du capitalisme (Arnsperger, 2002, 2003). Comme je l’ai présentée ici, elle va certainement sembler trop sommaire à de nombreux lecteurs ; pourtant, concernant le thème de la misère et de son éradication, elle amène à des questions philosophiques assez importantes, que je souhaite traiter à présent. Ces questions sont en rapport avec la structure incitative du capitalisme de marché et avec les opportunités conceptuelles et institutionnelles offertes aux pays riches pour les pousser à faire plus que ce à quoi leurs propres dispositifs économiques ne les inciteraient. En conséquence, la section suivante sera consacrée à la question de savoir comment certains articles de la Déclaration peuvent être modifiés et accompagnés d’innovations institutionnelles concrètes.
Créer les bonnes incitations pour ceux qui peuvent agir davantage contre la misère
28À mes yeux, il est assez clair que la logique systémique du capitalisme est l’une des modalités historiques les plus récentes et les plus complexes de la concurrence existentielle. Ainsi, cette logique systémique génère et perpétue un ensemble de mécanismes incitatifs qui ne peuvent motiver les agents individuels qu’au sein d’un mode particulier de discrimination systémique. Cela soulève d’importantes questions. Cette logique a-t-elle, comme le croient ses détracteurs, un « besoin structurel » de misère afin que la logique incitative puisse fonctionner (d’une part, il faut des « gagnants » et des « perdants » clairement identifiables, d’autre part il faut maintenir une distribution mondiale des ressources de plus en plus inégale, distribution qui est « nourrie » par des fondements existentiels) ? Ou cette logique a-t-elle, comme le pensent ses défenseurs, la capacité de maintenir ces mécanismes incitatifs et les discriminations systémiques correspondantes même sous la pression qu’exerce un enrichissement progressif des pauvres et des « perdants » de la concurrence existentielle ?
29J’admets volontiers que ces questions se situent bien au-delà de l’analyse habituelle de la misère et de son éventuelle éradication. Pourtant, la vocation de la philosophie, comme investigation « radicale », est à mon sens précisément de remonter aux racines possibles et souvent lointaines des phénomènes. Ce n’est pas le lieu d’argumenter en faveur d’une réponse ou d’une autre. Il me semble plus judicieux, pour l’instant, de ne pas me prononcer quant au lien profond entre capitalisme et pauvreté et de poursuivre les recherches dans ces deux directions séparément. Ainsi, les deux dernières étapes de mon raisonnement s’attachent à ébaucher quelques idées concrètes sur le cadre conceptuel et institutionnel qui pourrait être développé autour de la misère et des droits humains.
Dans l’hypothèse où la logique du capitalisme a un « besoin structurel » de misère
30Dans ce premier scénario, nous partons du principe que la dynamique même des discriminations fonctionnelles (post-fordistes) et des conquêtes (néo-coloniales) requiert de manière intrinsèque le maintien de larges parties de la population mondiale dans des situations de manque humainement et / ou socioculturellement absolu. Si tel est le cas, alors dans notre objectif de donner la priorité au complexe <22-25-28> sur le complexe <17-20-22>, nous ne pouvons compter ni sur une théorie de la justice, ni sur une pratique revendicative qui échoue à défier la logique du capitalisme.
31À mon sens, tout l’effort doit alors se focaliser sur un révision de l’article 26 et de l’esprit dans lequel il doit être appliqué. Nous devons y inscrire de façon explicite le droit à une éducation qui non seulement favorise « la compréhension, la tolérance, l’amitié » entre toutes les nations et tous les groupes mais qui puisse également (a) favoriser une compréhension des liens entre la logique économique et notre angoisse existentielle universellement partagée et (b) promouvoir une réflexion et l’enseignement des systèmes sociaux dans lesquels les individus ne s’instrumentalisent pas mutuellement pour refuser leur finitude partagée en créant des discriminations systémiques.
32Comme l’objectif de cette éducation ne serait plus l’insertion « technique et professionnelle » au sein des catégories systémiques existantes, la question du financement public d’une éducation gratuite devrait être posée sous un angle nouveau, à travers au moins deux mesures :
- au niveau conceptuel, une réaffirmation forte de l’article 22 et de son absence de lien nécessaire avec l’article 17 ; ou, alternativement, une reformulation de l’article 17 qui préciserait que les objectifs du nouvel article 26 ne peuvent être considérés comme des causes de dépossession « arbitraire », ce qui est également stipulé dans l’article 30 ;
- au niveau institutionnel, la mise sur pied d’une véritable Agence des Alternatives Economiques (aae), au sein de laquelle des systèmes socio-économiques non capitalistes et plus généralement qui ne passent pas par l’instrumentalisation pourraient être étudiés et discutés publiquement. Cette dernière mesure légitimerait finalement l’existence d’une éducation publique « subversive » mais gratuite.
Dans l’hypothèse où la logique du capitalisme est compatible avec une éradication de la misère
33Dans ce second scénario, a priori plus « vendable » politiquement, le but n’est pas de restructurer le corpus des droits humains pour légitimer des alternatives systémiques ; au contraire, l’idée est plutôt de poursuivre la tradition du capitalisme démocratique en réduisant l’aspect « pseudo » et en renforçant l’aspect « quasi ». L’objectif est de faire usage des mécanismes incitatifs du capitalisme, même si cela implique de les « encadrer » de dispositifs démocratiques exigeants, de manière à générer un état du monde dans lequel la misère soit éradiquée. Dans ce cas, dans notre objectif de donner priorité au complexe <22-25-28> sur le complexe <17-20-22>, nous pouvons faire usage d’une théorie de la justice (et d’une pratique revendicative correspondante) qui propose des institutions au niveau national et international en mesure d’atteindre l’objectif d’une éradication de la misère au sein d’une économie capitaliste mondialisée comme celle que nous connaissons aujourd’hui.
34Dans ce cas, l’effort doit selon moi porter principalement sur une combinaison judicieuse des articles 26 (mais cette fois non révisé) et 13 – une combinaison accompagnée impérativement par une refonte de l’article 14 et de l’esprit dans lequel il est appliqué. Doit y être inscrit de manière explicite le droit d’asile non seulement devant une persécution politique, mais également devant son équivalent de « persécution économique ». Il ne s’agit rien de moins que de réviser l’article 14 (par exemple en lui ajoutant un troisième alinéa) afin de favoriser progressivement l’émergence d’un statut de réfugié économique en tant que tel. Bien évidemment, l’instauration de ce statut provoquera l’opposition farouche des pays riches, qui utiliseront l’argument habituel selon lequel « personne ne peut ouvrir ses frontières à toute la misère du monde », argument dont les probables fondements existentiels ont été évoqués précédemment ; il est ainsi de la plus grande importance que la reformulation de l’article 14 s’accompagne d’au moins deux mesures supplémentaires :
- au niveau institutionnel, la mise sur pied d’une Organisation mondiale de l’équité (ome), dont la fonction serait analogue, dans le domaine de la redistribution planétaire, à celle de l’Organisation mondiale du commerce comme arbitre du commerce mondial. Cette ome aurait parmi ses principales attributions le « placement » des réfugiés économiques dans les différents pays riches (y compris la collecte d’un impôt national pour financer la mobilité des pauvres). Cette ome ne pourrait être dirigée par un pays riche et devrait rendre compte au pnud ;
- au niveau réglementaire, l’élaboration d’une règle (dont la mise en œuvre serait également supervisée par l’ome), spécifiant qu’aucun réfugié économique ne peut être renvoyé chez lui tant que le pib par habitant de son pays (ou toute autre mesure peut-être plus sophistiquée prenant en compte le niveau de vie individuel) n’a pas dépassé, pendant un certain nombre d’années successives, le seuil que les pays riches et pauvres auront ensemble, si possible avec d’autres organisations et en négociation avec l’ome, défini comme la misère. (Le fait de rendre obligatoire la négociation multilatérale du seuil peut réduire la tentation pour les pays riches de minimiser la mesure de la misère dans le monde en faisant appel à des critères relativistes que les pays pauvres auront tendance à rejeter.)
Remarques en conclusion
35Dans un scénario comme dans l’autre, les possibilités offertes aux individus les plus forts de gagner la bataille existentielle à travers les rouages systémiques du capitalisme sont réduites. Sans aucun doute, le second scénario est plus réaliste, en ce sens que le degré requis de renoncement sera moindre : il suffira pour les individus de renoncer à ces pratiques capitalistes qui créent les conditions de perpétuation de la misère et non aux pratiques capitalistes dans leur ensemble. Une question demeure cependant incertaine à ce premier stade de la réflexion : dans quelle mesure un tel renoncement simplement partiel n’est pas déjà incompatible avec l’enjeu existentiel de base qui perpétue la logique économique dominante ? L’avantage du premier scénario est, à cet égard, de poser de manière explicite le problème existentiel que le second se contente d’esquiver.
36Le premier scénario, en effet, insère clairement la problématique des droits humains dans une refonte radicale du sens existentiel même de l’économie. Il insiste sur le « travail existentiel » que l’humanité a besoin de faire sur elle-même – surtout le travail de réflexion de la minorité riche de l’humanité sur les raisons qui semblent la pousser à augmenter sa richesse aux dépens éventuels de la majorité pauvre. Le premier scénario met donc un accent significatif sur la place que ce « travail existentiel » doit occuper au sein des dynamiques éducatives et culturelles qui relèvent de la compétence de l’unesco. Qui plus est, même le second scénario, s’il doit générer même le plus petit changement dans les effets produits par une logique de domination fonctionnelle et de conquête qui reste intacte, ouvre la boîte de Pandore des mécanismes existentiels et de leurs effets systémiques.
37Clairement, toutes ces questions existentielles (habituellement cachées) se traduisent en des blocages politiques concrets. Ces individus ou ces groupes qui, principalement en Occident, ont construit des civilisations entières fondées sur le refus de la finitude à travers la domination économique (Brown, 1958) ne seront probablement pas enchantés par les propositions conceptuelles et institutionnelles faites précédemment et sont peu susceptibles de concéder le pouvoir que leur domination créatrice de pauvreté a consolidé pendant des siècles ou des décennies. Cela, hélas, n’est pas un problème philosophique ; il doit être résolu par des moyens politiques. Le seul espoir de l’auteur est que, en s’inspirant des propositions de réforme telles que celles suggérées ici, ainsi que des justifications qui leur ont été données, l’unesco puisse disposer d’une base plus solide pour argumenter en faveur de la nécessité de ces réformes, quelle que soit l’opposition politique qu’elles rencontrent, à court ou moyen terme.
Bibliographie
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Note
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[*]
Une précédente version, plus courte, de cet article a été présentée au séminaire intitulé « Pauvreté comme violation des droits humains » à l’unesco à Paris le 29 avril 2003. J’adresse mes remerciements au personnel de l’unesco pour son travail d’organisation et son hospitalité, ainsi qu’à tous les participants au séminaire pour les discussions animées et instructives.