Notes
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[1]
Edina Soldo, Aix-Marseille Université, IMPGT, CERGAM, EA4225, Charlène Arnaud, Université de Versailles Saint-Quentin, ISM, LAREQUOI, Courriel : charlene.arnaud@gmail.com. Olivier Keramidas, Aix-Marseille Université, IMPGT, CERGAM, EA4225 (France).
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[2]
Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) : regroupement de communes ayant choisi de développer plusieurs compétences en commun, l’EPCI est un échelon territorial récent en France qui s’est particulièrement développé depuis la loi Chevènement de juillet 1999.
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[3]
L’exploitation en régie fait référence ici à l’internalisation de la gestion de l’évènement au sein des services administratifs de la CPA. Il s’agit d’une gestion en régie directe (définie plus amplement dans la seconde section de la partie théorique).
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[4]
Le projet de réforme territoriale en France est issu des propositions faites par le Comité pour la réforme des collectivités locales présidée par Edouard Balladur (mars 2009). Deux enjeux majeurs sont soulevés : (1) la nécessité de « simplifier et rationaliser, pour mettre fin au « mille-feuille administratif » que représente la superposition de 36 789 communes, 101 départements, 26 régions et 15 900 syndicats intercommunaux », (2) « clarifier le partage des compétences entre les niveaux d’administration ». Cette réforme s’inscrit dans le chantier plus vaste de gestion du niveau de l’endettement qui passe, au niveau de l’État, par la Réforme Générale des Politiques Publiques. (Citations issues du site internet vie publique : http://www.vie-publique.fr/).
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[5]
Il apparaît de manière évidente que la fracture entre la seule administration publique et l’émergence d’un véritable management public territorial est liée, en France, à la politique de décentralisation des années 80 qui a, successivement, attribuées compétences, autonomie et donc marges de manœuvres aux collectivités territoriales.
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[6]
Les activités relevant du secteur culturel (audiovisuel, littérature, arts plastiques, spectacle vivant, patrimoine) produisent des biens et services symboliques, qui jouent un rôle crucial dans les sociétés contemporaines.
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[7]
Cette dernière est entendue comme « la capacité d’apporter des solutions optimales, en termes de qualité, de coûts et de délais, aux demandes exprimées par les partenaires de la vie culturelle pour la définition d’objectifs, la mise en œuvre de programmes, la mobilisation de financements et la réalisation technique de projets » (Mollard, 2009, p. 3).
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[8]
Le système public français décentralisé se caractérise par cinq échelons territoriaux d’intervention : l’État, la région, le département, les établissements publics de coopération intercommunale et les communes. De par la clause générale de compétence (instaurée dans les lois successives de décentralisation), tous ces échelons peuvent intervenir dans le champ culturel.
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[9]
Cette partie a d’ores et déjà fait l’objet de développements en partie similaires dans des contributions précédentes des auteurs.
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[10]
Les auteurs entendent par « Problématiques » les grands domaines de réflexion sur lesquels les managers doivent se pencher pour chaque volet du management culturel évènementiel (stratégique, mise en œuvre interne et externe).
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[11]
Les auteurs entendent par « Facteurs Clés de Succès Génériques » les préconisations managériales déclinables à différents projets culturels de territoire. Ces facteurs clés émergent suite à l’analyse critique du cas de la saison « Picasso-Aix 2009 » (c’est-à-dire au regard des « observations issues du cas de la CPA »).
Introduction
1Alors que les territoires se trouvent en face d’un phénomène grandissant de globalisation, les managers territoriaux sont de plus en plus enclins à mettre en œuvre des évènements « à haute valeur ajoutée et à fort potentiel d’image, censés apporter aux villes renommée, supplément d’âme et impact médiatique » (Gravari-Barbas et Jacquot, 2007). Pourtant, malgré l’engouement d’un grand nombre de territoires pour la culture, il n’est pas certain que l’action culturelle mise en œuvre soit fructueuse (Lucchini, 2002). Parce que le succès n’est jamais garanti, cette recherche vise à déterminer les conditions managériales requises pour que les impacts socio-économiques d’un évènement culturel produit en régie directe, soient positifs et durables sur le territoire organisateur. Elle invite donc à repenser le management d’un évènement culturel produit par une collectivité locale à l’aune de finalités stratégiques se traduisant par une attractivité durable du territoire (politique, économique, sociale et citoyenne).
2L’analyse du cas de la saison « Picasso-Aix 2009 » sur le territoire de la Communauté du Pays d’Aix [2] (CPA), au travers d’entretiens semi-directifs menés auprès d’un échantillon représentatif des parties prenantes de l’évènement, permet, grâce à une analyse de contenu manuelle, de mettre en exergue les modalités et pratiques managériales émergentes. Cette recherche permet ainsi d’éclairer les managers sur « l’amont », c’est-à-dire sur ce qui permet de mener à bien un évènement culturel produit en régie directe.
3La première partie de cet article revient sur la littérature abordant la conception et la réalisation des évènements culturels. L’objectif est d’aboutir à trois propositions de recherche qui seront discutées par la suite (I). Il est fait référence ici à des propositions de recherche et non pas à des hypothèses. Cela tient au positionnement épistémologique des chercheurs et à la logique de raisonnement mobilisée dans cette recherche. L’hypothèse, telle qu’entendue par K. Popper, renvoie à des démarches hypothético-déductives fondées sur la validation/réfutation des hypothèses. Notre objectif ici est de construire une réflexion sur la base de schémas de pensée intégrant des logiques inductives et abductives et non plus uniquement déductives, comme le conseille A. David (1999). Ainsi nous inscrivons-nous dans une démarche exploratoire de type abductif. L’abduction se définit comme « l’opération qui, n’appartenant pas à la logique, permet d’échapper à la perception chaotique que l’on a du monde réel par un essai de conjecture sur les relations qu’entretiennent effectivement les choses […]. L’abduction consiste à tirer de l’observation des conjectures qu’il convient ensuite de tester et de discuter » (Koenig, 1993, p. 7). Les trois propositions formulées dans cette recherche apparaissent dans le corps de texte au fur et à mesure des éléments théoriques qui viennent les nourrir. Cependant, elles sont bel et bien le fruit d’un long travail fait d’aller-retour entre théorie et terrain. D’ailleurs, un effet miroir apparaît dans la partie résultat, structurée elle-même autour des réponses apportées à ces trois propositions. Ainsi, sur la base de l’analyse qualitative du cas de la saison « Picasso-Aix 2009 » (II), les résultats, articulés autour des trois propositions de recherche, permettent de mettre en exergue les conditions de succès requises pour la production d’un évènement culturel en régie directe (III).
Concevoir et mettre en œuvre un événement culturel : de l’organisation au territoire
4La revue de littérature qui s’accompagne de la présentation de trois propositions de recherche, replace le caractère évènementiel de la manifestation au regard d’une notion de pérennité territoriale. La démarche analytique est ainsi construite autour de trois volets : la phase de formulation et de conception de la stratégie culturelle (P1) ; les impacts d’une exploitation en régie [3] sur le management interne à l’organisation publique porteuse du projet (P2) et la structuration d’un système de gouvernance territoriale efficace autour du projet (P3).
L’évènement culturel comme objectif intermédiaire de la stratégie territoriale
5Cette recherche s’inscrit dans la lignée des travaux traitant du management territorial stratégique (Divay et Mazouz, 2008 ; Hernandez, 2008 ; Decoutère et Ruegg, 1996). Les changements qui apparaissent dans diverses sphères de la vie locale (et notamment la réforme territoriale française en cours [4]) constituent l’un des tournants dans le métier des décideurs locaux faisant de plus en plus appel à la pensée stratégique. Au cœur de ce nouveau management [5], la notion d’intention stratégique territoriale émerge (Hernandez, 2008). Loin d’une simple extrapolation du présent, l’intention stratégique (Hamel et Prahalad, 1989) permet à l’organisation de se projeter dans l’avenir, de penser à son futur souhaité, à ce qu’elle aspire à devenir. « Territorialiser » cette notion nécessite de prendre en compte les spécificités du territoire et de gérer la dualité qui s’opère entre le contexte et l’action (Hernandez, 2008).
6Pour autant, le processus stratégique ne se réduit pas à l’étape ultime qu’est l’intention stratégique. Cette finalité est sous-tendue par la détermination d’objectifs intermédiaires. Ainsi, si « les visions de villes assez comparables sont aussi assez semblables dans les grandes orientations » (Divay et Mazouz, 2008, p. 342), les objectifs intermédiaires qu’elles se fixent pour atteindre leur intention stratégique varie en fonction des acteurs et des spécificités du territoire. Certains choisiront ainsi la mise en œuvre d’un évènement culturel spécifique auquel ils attribueront des fonctions en termes de développement du territoire.
7Manifestation planifiée avec un début et une fin délimités et mis en œuvre dans un but précis (objectifs assignés), l’évènement culturel renvoie ainsi à la dialectique éphémère/durable. Ephémère dans son existence, il peut cependant produire des impacts pérennes sur le territoire (Gravari-Barbas et Jacquot, 2007, p. 2). Il se distingue des autres évènements par la création artistique toujours présente (création/diffusion) et renvoie à une définition restreinte du « culturel » entendu comme secteur d’activité [6], excluant par là-même les évènements d’ordre religieux, traditionnel ou encore folklorique. L’évènement culturel se caractérise enfin par une double problématique de développement territorial et d’ancrage local de l’action. Ainsi conforte-t-il le rôle de la culture en termes de développement durable (externalités de la culture) tout en la mobilisant comme médium afin de donner du sens au territoire et de le différencier.
8Dans une approche fonctionnelle des évènements, on peut considérer qu’il existe une typologie allant de la petite manifestation locale au méga évènement, construite autour des fonctions attribuées à chacun d’eux. Dans le cadre de cette recherche, il convient de s’arrêter quelques instants sur « l’évènement phare ». Ce dernier se définit comme un évènement majeur (foire, exposition, manifestation culturelle et sportive…) unique ou récurrent, à durée limitée et mis en œuvre sur un territoire principalement pour « améliorer la visibilité, l’attrait et la rentabilité d’une destination touristique » (Getz, 2005). Ce « produit touristique spécifique » (Hall et Page, 2009) possède une telle importance en termes d’attractivité, de qualité ou de publicité, qu’il constitue pour le territoire un véritable avantage concurrentiel (Hall, 1989 ; Ritchie, 1984).
9P1. Pour participer au renfort de l’attractivité durable d’un territoire, l’évènement culturel doit s’inscrire dans un processus stratégique territorial comme objectif intermédiaire.
La mise en œuvre d’un évènement culturel en régie directe : Un bouleversement des pratiques managériales
10L’élaboration et la mise en œuvre d’un évènement culturel s’inscrit dans ce que d’aucuns nomment l’ingénierie culturelle [7]. Il convient de resituer cette démarche dans le contexte économique et institutionnel français. En France, la culture est en effet un « droit constitutionnel » et le secteur culturel fait l’objet d’une aide et d’une régulation importante de la part du secteur public. La culture s’inscrit dans les biens publics en ce qu’elle est source d’externalités positives multiples pour les individus, les entreprises et plus globalement les territoires (Greffe, 2006, Heilbrun et Gray, 2001 ; Abbing, 1980). Dès lors, il est admis que cette activité doit être soutenue, assurée ou contrôlée par les collectivités (État, collectivités déconcentrées et décentralisées). De par les spécificités mêmes du champ culturel, ce contrôle est complexe. La majorité de la production culturelle est issue, non pas du secteur public, mais du privé (entreprises ou associations à but non lucratif). Pour autant, il est évident que le fort niveau de subventions, impliquant des cahiers des charges précis, permet d’orienter à minima l’activité du secteur.
11Par ailleurs, le choix des modalités de gestion du service public détermine en grande partie le rôle et l’autonomie des organisations porteuses de projets culturels (régie directe, régie autonome, établissements publics, délégation de service public à une organisation privée…). Dans le cas de la saison « Picasso-Aix 2009 », il s’agit d’une exploitation en régie. Un service public est dit en régie directe lorsqu’une personne publique se charge de sa gestion considérant l’ensemble des risques liés à une telle exploitation (financiers, humains, logistiques, etc.). En d’autres termes, dans le cadre d’une régie directe, la collectivité assure elle-même la gestion du service public, avec ses propres moyens techniques, humains et financiers et ne dispose ni d’organes spécifiques ni de personnalité morale (article L.2221-8 du CGCT).
12Le caractère éphémère et rare de l’évènement ainsi que sa nature culturelle viennent enfin questionner le mode de gestion des opérations courantes d’une collectivité publique et appellent au renouvellement des pratiques et modalités managériales (Koenig, 2006). « S’organiser pour créer nécessite l’adoption de règles de gestion et de comportement différentes de celles généralement mises en œuvre dans le cadre de productions régulières » (Benghozi, 2006, p. 3).
13P2. La mise en œuvre d’un évènement culturel nécessite de renouveler les modes de gestion quotidiens de l’organisation publique porteuse du projet
La nécessaire mise en place d’un système de gouvernance territoriale pour une attractivité durable du territoire
14De nombreux travaux ont donc montré que derrière les choix politiques et stratégiques effectués en matière culturelle et évènementielle, c’est bien l’attractivité du territoire qui est en jeu et ainsi son positionnement sur le marché (Greffe, 2006). Pour autant, ces travaux privilégient généralement la dimension purement économique ou marketing (attractivité économique) visant l’attraction, principalement à court-terme, de flux externes au territoire. Il paraît donc nécessaire de replacer l’analyse des stratégies d’évènementiel culturel à l’aune d’une préoccupation de développement durable de l’attractivité territoriale, c’est-à-dire dans une lecture multidimensionnelle des impacts des actions mises en œuvre (cf. tableau 1).
Référentiel d’analyse de l’attractivité territoriale durable. Adapté de Soldo (2010)
Référentiel d’analyse de l’attractivité territoriale durable. Adapté de Soldo (2010)
15Il apparaît évident que dans une finalité d’attractivité multidimensionnelle, le portage public du projet doit être accompagné d’un réel investissement et d’une intégration des parties prenantes territoriales qui gravitent autour du projet, et notamment les acteurs politiques, les acteurs culturels, les entreprises locales, ainsi que les habitants.
16L’événement culturel implique donc la mise en place d’une gouvernance territoriale, permettant de « créer les territoires comme des acteurs collectifs » (Le Galès, 2006, p. 10) et de « gérer des activités ponctuelles, ayant une logique propre, en relation avec des partenaires multiples » (Benghozi, 2006, p. 3). Dans cette optique, les partenariats « ouvrent des perspectives prometteuses pour une gouvernance future qui établirait une culture de convergence et de complémentarités multiples entre le public et le privé » (Sedjari, 2005, p. 17). Il est essentiel de comprendre que ce n’est pas le partenariat en lui-même qui détermine une bonne gouvernance mais les acteurs qui s’en emparent et se l’approprient. Ce partenariat fait alors prévaloir des potentialités positives et facilite innovation et expérimentation sur le territoire.
17Or, dans un système où s’emboîtent diverses échelles de décision [8] ; l’hybridation de règles et la négociation sont indispensables. Il est nécessaire d’inventer de nouveaux modes d’articulation et de régulation (Vion et Le Galès, 1998), de nouveaux lieux de concertation, de nouvelles techniques d’action et de décision, ainsi que de nouveaux processus, et ce afin de maintenir la stabilité et le développement du territoire (Leloup, Moyart et Pecqueur, 2005, p. 327). En d’autres termes, il s’agit de mettre en exergue les relations entre les différents acteurs qui concourent à la réalisation d’un projet culturel dans un espace donné. L’émergence d’une dynamique collective est alors largement fonction de la capacité des acteurs du territoire à sortir de leur système de références pour prendre en compte les objectifs et les valeurs des partenaires (Casteigts, 2003).
18P3. Lorsqu’il est défini comme objectif intermédiaire, l’évènement culturel nécessite une mise en action collective de l’ensemble des parties prenantes du projet
L’analyse de contenu manuelle comme traitement d’une étude de cas unique et exemplaire
19Il convient à présent de revenir sur les aspects méthodologiques de cette recherche.
20Il est nécessaire, dans un premier temps, de repréciser les enjeux méthodologiques de l’étude de cas unique (1). L’exemplarité du cas de la saison « Picasso-Aix 2009 » sera ensuite mise en exergue (2). Enfin, la démarche qualitative sera explicitée et défendue (3).
Enjeux méthodologiques de l’étude de cas unique
21« De façon abstraite, on peut définir un cas comme un phénomène donné qui se produit dans un contexte délimité » (Miles et Huberman, 2003, p. 55) par une temporalité et par un espace. L’étude de cas « est une recherche empirique qui étudie un phénomène contemporain dans un contexte réel, […] et dans laquelle on mobilise des sources empiriques multiples » (Yin, 2003, p. 25).
22Il existe différentes formes d’étude de cas (Yin, 2003). Il est choisi ici de travailler sur un cas unique (dans une approche holiste) « en soulignant que la présentation de la particularité d’un contexte, la narration d’une histoire riche et singulière est de nature à augmenter la force de la démonstration » (Evrard, Pras et Roux, 2009, p. 134). En effet, l’étude de cas unique permet une approche ethnographique en profondeur et facilite l’imprégnation du chercheur. Elle permet également de confirmer, de remettre en question ou d’étendre une théorie existante et de travailler sur des cas révélateurs. Or, la présentation de la saison culturelle « Picasso-Aix 2009 » laisse entrevoir les éléments saillants de l’exemplarité du cas.
Le cas « Picasso-Aix 2009 » : la Communauté du Pays d’Aix aux commandes de la saison culturelle [9]
23La CPA, créée en janvier 2001, compte aujourd’hui 34 communes membres et 350 000 habitants. Située aux portes de Marseille, c’est au travers d’une politique culturelle qui lui est propre qu’elle se démarque des territoires voisins (cf. Encadré 1). En effet, la relation entre Aix-en-Provence et Marseille est depuis toujours conflictuelle, alimentée par des positionnements différents et des images territoriales qui les placent aux antipodes. Pourtant, à l’approche du méga évènement « Marseille Provence, Capitale européenne de la culture », une collaboration semble se dessiner entre les deux territoires.
Encadré 1. Objectifs de la saison « Picasso-Aix 2009 »
- Ambition internationale de l’événement organisé : objectifs économiques et marketing
- Accroître la renommée du Pays d’Aix à l’international :
- Exposition majeure coproduite avec la Réunion des Musées Nationaux (ambition internationale, volonté de s’imposer parmi les grandes expositions internationales) ;
- Montée en puissance du musée Granet considéré comme l’un des grands musées d’Europe (positionnement et marketing international) ;
- Attirer des touristes nombreux (objectif : atteindre un niveau de fréquentation comparable à « Cézanne 2006 ») :
- Ouverture de sites remarquables (ouverture du château de Vauvenargues, site inédit : opération marketing, produit très attractif pour les touristes) ;
- Accroître la renommée du Pays d’Aix à l’international :
- Ambition locale de l’événement organisé : objectifs de démocratisation culturelle et d’animation du territoire
- Mailler culturellement et animer le territoire :
- Programmation pluridisciplinaire sur 12 mois dans le cadre d’une saison qui investit l’ensemble des communes de la CPA ;
- Fédération et mobilisation des acteurs locaux (intégration des parties prenantes) ;
- Démocratiser la culture sur le territoire :
- Développement d’un volet pédagogique, afin de sensibiliser le public scolaire
- Grille tarifaire adaptée aux différents publics (en fonction de l’âge, des revenus, de la localisation, etc.)
- Mailler culturellement et animer le territoire :
- Ambition stratégique de l’événement organisé : préfigurer le projet « Marseille Provence 2013, Capitale européenne de la culture » (MP 2013)
- Positionner la CPA comme un acteur culturel de poids au sein du projet MP 2013
24Après la rénovation du musée Granet et le succès de l’exposition « Cézanne en Provence » qui a accueilli 450 000 visiteurs en 2006, la CPA a organisé, en coproduction avec la Réunion des Musées Nationaux (RMN), l’exposition « Picasso-Cézanne » (371 936 visiteurs).
25Autour de l’exposition centrale, la saison « Picasso-Aix 2009 » a célébré le cinquantenaire de l’installation de Picasso sur les terres de Cézanne, dans le château de Vauvenargues, au pied de la Sainte-Victoire (montagne qui fait l’identité du paysage provençal et aixois). 63 manifestations sur le thème de la filiation entre les deux peintres ont été financées et labellisées saison « Picasso-Aix ». Le château où Picasso s’installa en 1959, dont il parlait en se targuant d’avoir acheté « la Sainte-Victoire de Cézanne », a ainsi ouvert ses portes au public pour la première fois au printemps. Afin d’associer un large public à cet événement, le musée Granet a accueilli le parcours multimédia « Picasso-Métamorphoses » et un partenariat a été mis en place avec l’académie d’Aix-Marseille, donnant le jour à près de 200 projets scolaires. Enfin, de multiples acteurs culturels du Pays d’Aix se sont mobilisés pour rendre hommage à un Pablo Picasso séduit par Cézanne, le seul de ses maîtres qu’il appelait… « Monsieur ».
26Cette saison culturelle, d’un budget total de 6 millions d’euros (dont 15 % de mécénat privé), peut être considérée comme un évènement d’envergure. L’exposition centrale « Picasso-Cézanne » est la quatrième exposition en France en 2009 en termes de visiteurs et la première de province. La saison culturelle, quant à elle, a accueilli plus d’un million de visiteurs dont 29 % de touristes étrangers.
27En termes de gestion, cet évènement n’a pas fait l’objet d’une mission externalisée mais d’une régie directe de la CPA. C’est l’ensemble des services qui s’est investi dans le projet, alors même que la gestion quotidienne des affaires était en cours. Bien entendu, les services de la culture (y compris le musée Granet) et de la communication ont été moteurs. Mais de nombreux autres services ont rempli les fonctions de support (comptabilité, informatique, ressources humaines, transports…).
28L’exemplarité du cas s’exprime tout d’abord au travers des finalités stratégiques définies au préalable par l’Établissement Public de Coopération Intercommunale pour cet « évènement phare ». Par ailleurs, la mise en œuvre de l’évènement en régie directe au sein d’une intercommunalité, ainsi que l’élargissement du système de gouvernance autour du projet permettent de questionner les problématiques organisationnelles et territoriales évoquées. Ainsi, ce cas semble exemplaire pour proposer un panel de préconisations managériales génériques et déclinables qui conditionnent la réussite d’un projet culturel de territoire assumé par une collectivité locale en régie directe.
Du recueil de données à l’analyse de contenu
29Si l’évaluation sur laquelle s’appuie cet article a mobilisé une méthodologie mixte, seules les données qualitatives ont été utilisées pour l’analyse.
Encadré 2. Dispositif méthodologique de l’évaluation d’impacts socio-économiques
- Objectif de l’évaluation : déterminer les impacts politiques, économiques et socio-citoyens de la mise en œuvre d’un évènement phare tel que la saison culturelle « Picasso-Aix 2009 » sur le territoire de la Communauté du Pays d’Aix.
- Durée de l’évaluation : avril 2009-mai 2010. Rapport publié en septembre 2010.
- Evaluation fondée sur une méthodologie mixte :
- 65 entretiens semi-directifs menés auprès d’un échantillon représentatif des parties prenantes
- Catégories de parties prenantes :
- Organisation porteuse de projet (services administratifs de la Communauté du Pays d’Aix et des Communes membres) – 26 entretiens
- Partenaires institutionnels (culturels, pédagogiques et médias) – 20 entretiens
- Partenaires privés (structures culturelles labellisées, structures socioculturelles et partenaires financiers et commerciaux) – 19 entretiens
- Thèmes du guide d’entretien
- Conception du projet
- Rôles et relations entre les parties prenantes
- Communication Impacts attendus / résultats
- 1164 répondants – questionnaire public (touristes et population locale) et non public (population locale)
- Données secondaires internes (aux différentes structures interrogées)
30Lors de la constitution de l’échantillon, deux types d’acteurs ont été ciblés, les acteurs porteurs du projet ainsi que les partenaires (institutionnels et privés) ayant contribué à la réalisation du projet (Cf. Encadré 2). 65 entretiens semi-directifs ont été menés, d’une durée variant de 45mn à 1h30 chacun, sur une période d’un an (avril 2009 à mai 2010). Ces entretiens ont fait l’objet d’une retranscription intégrale. Pour accroître les différences dans les données et le pluralisme des points de vue, il était nécessaire de varier le contexte d’observation. Pour cela, une attention particulière a été portée au fait d’interroger des personnes présentes sur l’ensemble du territoire de la CPA, ainsi que de varier les types de structure interrogées (taille, statut juridique, mission/objet) et les fonctions des personnes interviewées (artistes, administratifs, techniciens, élus, publics…). Plus précisément, l’échantillon final des personnes interrogées a été construit autour des critères suivants : le statut de la structure et par là même sa mission ; la localisation géographique ; le niveau de participation au projet ainsi que le degré d’implication de l’acteur.
31En termes d’analyse de contenu, dans la mesure où le codage procède de l’interprétation du chercheur, la métaphore du « bricolage méthodologique » peut-être utilisée pour qualifier le processus retenu (Allard-Poesi, 2003). L’expression de « bricolage » renvoie en effet, à la grande part d’inventivité et donc de liberté pour le chercheur. Si cette idée de « bricolage » est souvent pointée par les détracteurs de la méthodologie qualitative, ce processus est au service d’une finalité bien précise : participer « d’un processus de problématisation » (Allard-Poesi, 2011, p. 4).
32Parce qu’aucun logiciel ne peut interpréter les données à la place du chercheur (Van der Maren, 1997 ; Bourdon, 2000), malgré les arguments de ces outils « pratiques », le codage a été effectué de manière manuelle (Wanlin, 2007). Les auteurs ont opté pour une grille de codage semi-structurée, construite sur la base de la littérature et reflets des principales thématiques du guide d’entretien (cf. Encadré 2). Au-delà de ces catégories prédéterminées, le codage manuel a favorisé l’apparition de nombreuses autres catégories. De cette analyse de contenu ont ainsi émergé les propositions de recherche énoncées dans la revue de littérature et discutées dans les résultats ci-après.
Des étapes stratégiques et managériales qui conditionnent l’attractivité territoriale durable
33Les résultats s’articulent autour des trois grandes propositions formulées dans la revue de littérature. L’analyse critique des actions mises en place lors de l’évènement « Picasso-Aix 2009 » permet de dégager les principales conditions de succès requises dans le cadre de la régie directe d’un évènement culturel.
Pour une approche fonctionnelle des évènements culturels
34Il apparaît que la nature de l’évènement culturel détermine en grande partie les objectifs qui lui sont assignés. La saison culturelle « Picasso-Aix 2009 » est un évènement phare autour duquel a été construite une stratégie culturelle à forte dominante « marketing ».
35Le tableau 2 nous indique que le choix de l’évènement « Picasso-Aix 2009 » est pertinent. La pertinence de cette action est validée à l’aune de trois principaux arguments. (1) Tout d’abord, la politique culturelle est une compétence optionnelle de l’intercommunalité et, de par les institutions culturelles qui sont présentes sur le territoire ainsi que l’engagement d’un grand nombre d’acteurs culturels, le soutien et l’intervention de la CPA apparaissent comme essentiels. (2) Progressivement, les initiatives locales se sont structurées, notamment autour de la CPA qui se positionne comme chef de file. (3) Cette récente cohérence dans les initiatives culturelles confère au fur et à mesure au territoire un statut de lieu de culture et de création qui le rend d’autant plus attractif. Sur la base de ces observations, il est possible de dégager trois facteurs clés de succès génériques qui mettent l’accent sur la nécessité des diagnostics stratégiques territoriaux, le positionnement du porteur de projet et la lisibilité de l’action publique engagée.
36Un autre enjeu du volet stratégique tient dans la cohérence et la légitimité de la stratégie construite autour de l’évènement culturel. Cette dernière est questionnée au travers d’une logique de continuité avec les autres actions engagées. (1) Cette continuité est d’abord d’ordre temporel. La saison « Picasso-Aix 2009 » constitue le second évènement phare de la stratégie culturelle aixoise. Dans la lignée de « Cézanne 2006 », cet évènement s’inscrit dans les projets préfigurant « Marseille Provence 2013, Capitale européenne de la culture ». Progressivement, la stratégie culturelle s’oriente autour du renouvellement triennal d’évènements labellisés. (2) Ensuite, la continuité s’inscrit dans une logique spatiale. La légitimité de l’évènement au niveau local est forte (ancrage) et elle trouve par ailleurs un écho au niveau national et international (rayonnement touristique et médiatique du territoire et du musée Granet). (3) L’ancrage de l’évènement qui s’appuie sur des ressources patrimoniales (lieux et personnages) est mis en exergue. Le projet a été pensé en cohérence avec les spécificités et les ressources du territoire. Ainsi, si en 2006 l’atelier de Cézanne constituait le « lieu phare » et central du projet, la saison Picasso s’est bâtie autour du Château de Vauvenargues où a habité le peintre. Cela amène à préconiser une véritable démarche stratégique de benchmark puis de différenciation qui s’ancre dans le territoire en se saisissant de ses ressources spécifiques, notamment patrimoniales.
37Enfin, dans une approche fonctionnelle du portefeuille territorial d’évènements culturels, il convient d’interroger l’efficacité de la saison culturelle étudiée en tant qu’objectif intermédiaire. (1) En effet, le choix de la production d’un évènement « phare » contribue à développer fortement l’attractivité externe du territoire dans une logique marketing. (2) De par l’ancrage fort de la thématique, l’évènement renforce également l’identité territoriale. Il participe à la construction symbolique du territoire en s’appuyant sur ses spécificités patrimoniales et naturelles. Sur la base de ces observations, il ressort que le succès d’une telle démarche dépend de la stratégie marketing mise en œuvre (interne et externe) et de la prise en compte de l’identité territoriale dans la démarche engagée.
Le nécessaire renouvellement du management au sein des services administratifs
38Le tableau 3 souligne le nécessaire renouvellement des pratiques et modalités managériales impliqué par une production culturelle en régie directe. C’est le choix de la CPA d’internaliser la mission porteuse du projet qui participe en effet directement à ce processus de changement. Dès lors, l’adaptation de la structure, du mode de gestion des ressources humaines ainsi que des outils mobilisés devient une nécessité.
Le projet comme outil de management interne
Le projet comme outil de management interne
39Deux éléments principaux sont à relever en termes de structure de gestion : l’instauration nécessaire d’un fonctionnement transversal et la création d’un groupe projet. (1) L’administration, historiquement cloisonnée, est encore perfectible dans la transversalité même si l’internalisation de la mission « Picasso-Aix 2009 » a obligé les différents services de la CPA à travailler ensemble et à coordonner leurs actions. (2) Par ailleurs, la mise en place, en forme plénière ou en petits comités, d’un groupe projet se réunissant de façon hebdomadaire, a assuré une certaine convergence, une mise en commun. Les acteurs ne sont pas toujours en ligne directe et pour eux, il faut que « la discussion transite ». Deux groupes se distinguent cependant : ceux qui sont dans une logique de résultats (groupe de référence – « noyau ») et ceux qui sont en attente (comité élargi). Sur la base de ces observations deux préconisations émergent. Il apparaît nécessaire de rendre plus naturelle la démarche de transversalité, en associant tous les services concernés au projet et en organisant des temps de réflexion et de travail commun. Pour répondre à cette logique, à l’instar de ce que la CPA a mis en place au printemps 2009, instaurer un groupe projet modulable en fonction des différents temps de la décision et de l’action paraît efficace.
40En ce qui concerne la gestion des Ressources Humaines, un certain nombre d’observations peuvent être faites. Tout d’abord, un manque d’expertise en interne est relevé (1). Cela conduit à un ressenti global assez négatif dans certains services auxquels aucune légitimité n’a été accordée car ils n’ont pas le statut d’experts ni l’expérience nécessaire (ex. service communication). Par ailleurs, des dysfonctionnements majeurs apparaissent en termes de recrutements, la CPA n’ayant pas anticipé suffisamment les besoins (2). Enfin, une dispersion de la responsabilité (groupe de projet élargi) ainsi qu’un manque de positionnement en termes de leadership génèrent des tensions et des temps de décision trop longs (3). Ces observations conduisent à formuler plusieurs préconisations. Dès la conception du projet, il convient de diagnostiquer les besoins nécessaires en ressources humaines. Lorsque les savoir-faire, compétences et connaissances ne sont pas disponibles en interne, il faut mener une campagne de recrutement bien en amont. Enfin, le leadership du projet ainsi que les rôles et missions attribués aux différents services administratifs doivent être clairement établis pour éviter une perte d’efficacité dans la mise en œuvre.
41Au regard de la problématique propre aux outils de gestion, il ressort que l’utilisation d’outils de communication et de reporting se développe entre services (1). Pour exemple, les nombreuses réunions font l’objet de compte-rendu avec relevé de décisions et les mails et le téléphone sont fréquemment utilisés pour évoquer les problèmes spécifiques. (2) D’autre part, des outils de gestion et logiciels propres au management de projet sont mis en place. Ils favorisent la mutualisation et la mobilisation des ressources, tout en garantissant une plus grande efficience de leur allocation au sein du projet. Malgré les évolutions observées, les outils développés demeurent parfois embryonnaires pour encourager la transversalité des modes de gestion. Ainsi, développer des outils de communication fondés sur le partage de données et l’interactivité (type plateformes collaboratives, open data…) améliorerait considérablement la transparence et la richesse de l’information en interne. Enfin, homogénéiser les outils de gestion support (logiciel de comptabilité, tableaux de bord…) favoriserait la cohérence des actions mises en place.
Une stratégie d’intégration des parties prenantes
42La production d’un évènement culturel nécessite une mise en action collective sur le territoire. Les différentes parties prenantes doivent être impliquées : élus territoriaux, structures culturelles, partenaires financiers, habitants ou encore commerçants. Il existe alors plusieurs niveaux de lecture tels que présentés dans le tableau 4 (strate 1. La sphère institutionnelle ; strate 2. La sphère culturelle ; strate 3. L’ensemble des parties prenantes).
Un système de gouvernance territoriale favorable à l’émergence d’une attractivité territoriale durable
Un système de gouvernance territoriale favorable à l’émergence d’une attractivité territoriale durable
43Au niveau des partenaires institutionnels, l’évènement a des effets indéniables. (1) Impulser la saison « Picasso-Aix » autour de l’exposition centrale au musée Granet permet l’élargissement de la problématique culturelle à l’ensemble de la CPA et intègre les différents lieux et opérateurs en ce qu’ils constituent une valeur ajoutée pour le territoire. Toutefois, le manque de relais de la part des services communaux a parfois entravé la volonté d’irrigation du territoire. (2) Par ailleurs, cet évènement renforce les liens existants avec les partenaires institutionnels des différents échelons territoriaux (Réunions des Musées Nationaux pour la coproduction de l’exposition, Départements et Région pour la labellisation et la subvention des acteurs culturels). Ces observations nous amènent à souligner deux conditions essentielles de la mise en action collective : l’association des élus locaux au projet dès sa conception ainsi que la formalisation de partenariats avec les principaux acteurs institutionnels.
44La cristallisation de la saison autour d’une thématique culturelle fédératrice est très positive en termes de gouvernance culturelle (1). (2) L’ensemble du territoire de la CPA est irrigué par les manifestations. Cela témoigne de l’engouement des acteurs culturels qui ont voulu être actifs, participer, décider, « en être ». (3) Cependant cette volonté de participer, ce foisonnement de projets proposés à la labellisation, doivent être maîtrisés. Tout l’enjeu du processus de labellisation est effectivement de créer un engouement autour de cette thématique et de favoriser l’émergence et l’intégration des acteurs clés. Mais il faut être capable d’assurer la cohérence de l’ensemble des manifestations labellisées tant en termes de qualité (4) qu’en termes de visibilité (5). Il en ressort que le choix de la thématique de l’évènement est primordial. Ensuite, l’intégration du vivier d’acteurs culturels local ne peut s’effectuer qu’après un diagnostic territorial qui permet l’identification de ces acteurs. Leur participation dépend largement de la mise en place de dispositifs incitatifs. Enfin, concernant la campagne de communication, il est indispensable de garantir une équité en termes de visibilité à l’ensemble des acteurs investis.
45En ce qui concerne la gestion des parties prenantes, on observe qu’il y a eu création de quelques partenariats à court terme entre structures culturelles, formalisation voire réactivation de certaines collaborations (ex. partenariats médias), mais qu’il n’y a pas eu de véritable pérennisation (1). Différents acteurs ont eu l’impression de passer à côté d’un véritable projet de territoire. (2) Pour aller plus loin, il apparaît même que des acteurs essentiels dans la mise en œuvre d’un tel projet n’ont pas été intégrés (notamment les centres sociaux), par manque de financement, de coordination entre les structures, de communication ainsi que d’information. (3) Pourtant, des efforts notoires ont été constatés en termes de mise à disposition d’outils d’accompagnement, de formation et d’information, pour les commerçants ainsi que les équipes pédagogiques des établissements scolaires participants. Pour exemple, 500 mallettes pédagogiques ont été mises à disposition des commerçants et des enseignants. (4) Enfin, le rôle de l’évaluation « chemin-faisant » en termes de transparence de l’action publique engagée est à souligner. Outre les outils d’accompagnement et la démarche d’évaluation qui apparaissent comme des leviers efficaces de gouvernance territoriale, deux préconisations peuvent être ajoutées. Tout d’abord, il est nécessaire d’insister sur la formalisation et la pérennisation des partenariats. Un outil pourrait être mis en place : la convention cadre qui engage les partenaires de façon pluriannuelle tout en autorisant des ajustements à la marge (avenants). Enfin, un diagnostic de l’ensemble des parties prenantes s’impose. Ce dernier doit permettre d’identifier les partenaires prioritaires en ce qu’ils participent directement à l’atteinte des objectifs du projet.
Conclusion
46La CPA, qui a tout d’abord opté pour une régie autonome (mission externalisée hors voie hiérarchique administrative classique pour « Cézanne 2006 »), s’est finalement orientée vers une régie directe pour gérer l’évènement « Picasso-Aix 2009 ». L’exploitation en régie, si elle implique un management beaucoup plus lourd en interne, octroie, en revanche, un pouvoir de décision et d’action plus fort à l’administration publique en charge du projet. Ce mode de gestion peut également être un accélérateur d’apprentissage et de changement, dans des bureaucraties administratives historiquement cloisonnées et fermées, mais qui s’orientent de plus en plus vers du management de projet ouvert sur le territoire et les partenaires potentiels. Les contributions managériales de cet article, clairement orientées vers les porteurs publics de projets culturels, apparaissent donc, dans ce contexte, cruciales afin de donner les clés d’un management public d’évènementiel culturel ancré dans le territoire. À ce titre, il semble intéressant d’évoquer une voie de recherche en direction du portefeuille d’évènements culturels dont disposent les territoires. En effet, de la petite manifestation locale au méga évènement, les attentes en termes d’impacts tout comme les modes de gestion vont être extrêmement disparates. Il serait donc opportun de questionner les différents éléments de ce portefeuille dans une approche comparée à l’échelle de l’évènement, et dans une approche stratégique globale au niveau du portefeuille. En effet, chaque évènement culturel est unique et l’analyse d’un seul évènement ne peut en aucun cas conduire à une généralisation des résultats. Une extension des études de cas d’évènements culturels tout comme la mise en œuvre d’une méthode quantitative confirmatoire apparaissent comme des voies de prolongement permettant de dépasser les limites de cette recherche. De plus, chaque territoire dispose de ressources spécifiques et de modalités de l’action publique locale propres. Ainsi, l’analyse de la stratégie d’évènementiel culturel du territoire de la Communauté du Pays d’Aix renvoie-t-elle à un territoire et à un contexte uniques. Au-delà de l’analyse d’un portefeuille territorial, une comparaison interterritoriale renforcerait également la validité des résultats.
47Enfin, si cet article s’est focalisé sur l’un des modes de gestion du service public (la régie directe), il convient de noter que dans le cadre de l’organisation d’un évènement culturel, le portage public peut s’exprimer dans d’autres modalités. Il serait donc extrêmement intéressant de proposer une analyse comparée qui permettent de mettre en exergue les points de divergence en termes de gestion d’évènementiel culturel.
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Mots-clés éditeurs : étude qualitative par investigation de cas unique, événement culturel, régie directe, stratégie et gouvernance territoriale, attractivité territoriale durable
Date de mise en ligne : 16/01/2014
https://doi.org/10.3917/risa.794.0779Notes
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[1]
Edina Soldo, Aix-Marseille Université, IMPGT, CERGAM, EA4225, Charlène Arnaud, Université de Versailles Saint-Quentin, ISM, LAREQUOI, Courriel : charlene.arnaud@gmail.com. Olivier Keramidas, Aix-Marseille Université, IMPGT, CERGAM, EA4225 (France).
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[2]
Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) : regroupement de communes ayant choisi de développer plusieurs compétences en commun, l’EPCI est un échelon territorial récent en France qui s’est particulièrement développé depuis la loi Chevènement de juillet 1999.
-
[3]
L’exploitation en régie fait référence ici à l’internalisation de la gestion de l’évènement au sein des services administratifs de la CPA. Il s’agit d’une gestion en régie directe (définie plus amplement dans la seconde section de la partie théorique).
-
[4]
Le projet de réforme territoriale en France est issu des propositions faites par le Comité pour la réforme des collectivités locales présidée par Edouard Balladur (mars 2009). Deux enjeux majeurs sont soulevés : (1) la nécessité de « simplifier et rationaliser, pour mettre fin au « mille-feuille administratif » que représente la superposition de 36 789 communes, 101 départements, 26 régions et 15 900 syndicats intercommunaux », (2) « clarifier le partage des compétences entre les niveaux d’administration ». Cette réforme s’inscrit dans le chantier plus vaste de gestion du niveau de l’endettement qui passe, au niveau de l’État, par la Réforme Générale des Politiques Publiques. (Citations issues du site internet vie publique : http://www.vie-publique.fr/).
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[5]
Il apparaît de manière évidente que la fracture entre la seule administration publique et l’émergence d’un véritable management public territorial est liée, en France, à la politique de décentralisation des années 80 qui a, successivement, attribuées compétences, autonomie et donc marges de manœuvres aux collectivités territoriales.
-
[6]
Les activités relevant du secteur culturel (audiovisuel, littérature, arts plastiques, spectacle vivant, patrimoine) produisent des biens et services symboliques, qui jouent un rôle crucial dans les sociétés contemporaines.
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[7]
Cette dernière est entendue comme « la capacité d’apporter des solutions optimales, en termes de qualité, de coûts et de délais, aux demandes exprimées par les partenaires de la vie culturelle pour la définition d’objectifs, la mise en œuvre de programmes, la mobilisation de financements et la réalisation technique de projets » (Mollard, 2009, p. 3).
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[8]
Le système public français décentralisé se caractérise par cinq échelons territoriaux d’intervention : l’État, la région, le département, les établissements publics de coopération intercommunale et les communes. De par la clause générale de compétence (instaurée dans les lois successives de décentralisation), tous ces échelons peuvent intervenir dans le champ culturel.
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[9]
Cette partie a d’ores et déjà fait l’objet de développements en partie similaires dans des contributions précédentes des auteurs.
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[10]
Les auteurs entendent par « Problématiques » les grands domaines de réflexion sur lesquels les managers doivent se pencher pour chaque volet du management culturel évènementiel (stratégique, mise en œuvre interne et externe).
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[11]
Les auteurs entendent par « Facteurs Clés de Succès Génériques » les préconisations managériales déclinables à différents projets culturels de territoire. Ces facteurs clés émergent suite à l’analyse critique du cas de la saison « Picasso-Aix 2009 » (c’est-à-dire au regard des « observations issues du cas de la CPA »).