Notes
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Willem Elbers travaille au Centre for International Development Issues de l’Université Radboud de Nijmegen (Pays-Bas). Courriel : W.elbers@maw.ru.nl et Bas Arts, au Forest and Nature Conservation Policy Group de l’Université et centre de recherche de Wageningen (Pays-Bas). Courriel : Bas.Arts@wur.nl
Traduction de l’article paru en anglais sous le titre : « Keeping body and soul together : Southern NGOs’ strategic responses to donor constraints ».
Copyright © 2011 IISA — Vol 77 (4) : 743-764 -
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D’autres critères normatifs (comme la bonne gouvernance et la durabilité) constituent aussi des conditions, mais ils ne sont pas suivis de manière aussi stricte que le genre, tant pour l’ONGS proprement dite que pour ses projets.
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Michael (2004 : 134-139) et Bornstein (2003 : 400-401) remarquent des problèmes similaires liés au refus des bailleurs de fonds de financer les coûts de base, ce qui indique que les problèmes mis en avant dans la présente étude ne sont pas propres aux ONGS de notre échantillon.
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Les répondants soutiennent également que les financements à court terme et ponctuels sont problématiques car ils ne permettent pas de renforcer la confiance et de favoriser l’apprentissage, ce qu’ils considèrent comme des éléments essentiels pour des relations de qualité.
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Plusieurs répondants considéraient la collecte et le traitement de données et la rédaction de rapports comme une source importante de frustration et de cynisme. Ils trouvaient non seulement que les rapports étaient peu utiles à leur propre organisation, mais l’absence de réactions les amenait également à se demander si les rapports étaient effectivement utilisés.
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Les répondants ont également indiqué que certains types d’activités ne sont tout simplement pas compatibles avec la planification axée sur des résultats prévisibles. Le responsable d’une ONG ghanéenne active dans le domaine de la paix et de la réconciliation, par exemple, nous a expliqué qu’un bailleur de fonds exigeait des prévisions détaillées des résultats des années à l’avance, alors que cela est tout simplement impossible compte tenu de la dynamique de la paix et de la réconciliation.
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Les typologies existantes (par exemple, Ashfort et Gibbs (1990), Oliver (1991), Hernes (2007) ou Alexander (1998)) ne classent pas les comportements stratégiques du point de vue explicite de l’atténuation des pressions institutionnelles contradictoires.
Introduction
1Les relations entre les organismes donateurs et les ONGS sont caractérisées par une dépendance aux ressources, ce qui se traduit souvent par des asymétries de pouvoir. Dans le cadre de leurs conditions de financement, les bailleurs de fonds sont connus pour exercer une influence sur la préparation et la mise en œuvre des projets des ONGS (Lister, 2000 ; Michael 2004), pour imposer des conditions en matière de contrôle, de notification et d’évaluation (Bornstein, 2003 ; Ebrahim, 2002 ; Ashman, 2001 ; Elbers et Schulpen, 2010) et pour affecter les financements à des activités bien précises (Michael, 2004 ; Bornstein, 2003). Les détracteurs laissent entendre que les conditions imposées par les bailleurs de fonds peuvent avoir toutes sortes de conséquences indésirables, comme l’invalidation des approches participatives, une sensibilité culturelle moindre, un affaiblissement des liens avec la communauté locale et un affaiblissement des valeurs fondamentales (Hailey, 2000 ; Wallace et al., 2006). Les recherches antérieures sur les asymétries de pouvoir entre les bailleurs de fonds et les ONGS insistent sur la domination des premiers sur les secondes, et dressent un tableau assez sombre de la capacité des ONGS à privilégier leurs préférences personnelles et à neutraliser les contraintes négatives imposées par les bailleurs de fonds.
2Dans notre article, qui s’appuie sur une recherche qualitative faisant intervenir 41 ONGS au Ghana et en Inde, nous posons deux questions interconnectées qui n’ont pas encore été abordées de manière systématique dans la littérature : (1) Qu’est-ce qui rend les conditions imposées par les bailleurs de fonds problématiques compte tenu de l’importance accordée à l’adhésion locale et à la solidité de même qu’à l’autonomie des ONGS et (2) comment les ONGS tentent-elles, d’une manière stratégique, de répondre à ces conditions qu’elles considèrent comme problématiques ?
3Nous commencerons par situer la recherche dans le cadre du débat sur les asymétries de pouvoir dans les relations entre bailleurs de fonds et ONGS et sur les conséquences indésirables des conditionnalités des bailleurs de fonds. Après une analyse des questions liées à la méthodologie, nous aborderons nos questions de recherche. Pour ce faire, nous recourrons à deux procédures analytiques distinctes. Premièrement, nous épinglerons les différentes conditions imposées par les bailleurs de fonds auxquelles les ONGS sont habituellement confrontées et examinerons leurs conséquences compte tenu de l’importance accordée à une société civile solide et autonome et à l’adhésion locale. Deuxièmement, sur la base d’un processus d’itération entre la littérature institutionnaliste organisationnelle, d’une part, et nos observations empiriques sur le terrain, d’autre part, nous établirons une typologie des réponses stratégiques des ONGS aux conditions imposées par les bailleurs de fonds. Nous conclurons notre article par une analyse des implications de nos observations pour les ONGS et les organismes donateurs.
Les conditions imposées par les bailleurs de fonds et les asymétries de pouvoir
4Dans la mission en œuvre de leur mission, la plupart des ONGS sont tributaires des organismes donateurs pour assurer leur survie (Tvedt, 2006 ; Riddell, 2007). Même si la situation varie d’un pays à l’autre, les possibilités locales de collecter des fonds dans les pays en développement sont souvent limitées ou soumises à des lourdeurs administratives. Très peu d’ONGS peuvent se contenter des cotisations et autres commissions pour assurer leur subsistance (Fowler, 2000a). De plus, les autorités locales ou les fondations privées ne veulent pas que leur aide serve à financer des activités pouvant être perçues comme politiques (Michael, 2004).
5Il est bien connu que la dépendance financière des ONGS à l’égard des bailleurs de fonds entraîne des asymétries de pouvoir (voir Ebrahim, 2002 ; Hudock, 1995 ; Fowler, 2000b ; Fernando, 2007 ; Lister, 2000, Ashman, 2001 ; Morse et McNamara, 2006 ; Brinkerhoff, 2002). Nombreuses sont les études qui révèlent que les qualités que les ONGS amènent dans la relation, comme les connaissances locales, les liens avec la communauté locale, la capacité de mise en œuvre et la compréhension culturelle, n’ont pas le même poids, lors des négociations, que les fonds apportés par les bailleurs de fonds. Les organismes de financement sont en outre connus pour définir leurs politiques en ne faisant que peu intervenir leurs « partenaires » du Sud (Lister, 2001 ; Elbers et Schulpen, 2010). Par conséquent, les détracteurs soutiennent que les programmes de développement sont dominés par les bailleurs de fonds (Mawdsley et al., 2002) et que les ONGS ne sont généralement plus en mesure de définir et d’appliquer d’autres notions du développement (Townsend et al., 2004). La littérature sur les ONG axées sur le développement dit dès lors des ONGS qu’elles sont perdantes au niveau de leur influence.
6Il semble que les déséquilibres de pouvoir, qui ont toujours existé dans les relations entre bailleurs de fonds et ONGS, se soient aggravés ces dernières années. L’aide ne tient pas ses promesses et les doutes se multiplient concernant sa légitimité et son efficacité. S’inspirant des idées et des pratiques du managérialisme, les organismes donateurs ont renforcé les mesures de contrôle et d’imputabilité pour améliorer leur efficacité, leur efficience et leur transparence (Wallace et al., 2006 ; Roberts et al., 2004). Cela a notamment entraîné l’adoption généralisée de normes professionnelles de mesure de l’impact, de planification et d’imputabilité, de politiques programmatiques définies de façon plus stricte et une évolution vers des relations davantage contractuelles (Mawdsley et al., 2002 ; Hailey, 2000 ; Roberts et al., 2004, Desai et Snavely, 2007). En outre, les bailleurs de fonds s’éloignent de plus en plus des modalités de financement de base flexibles au profit de financements basés sur des projets (Wallace et al., 2006).
7Les ouvrages traitant des conséquences négatives des conditions imposées par les bailleurs de fonds pour les ONGS sont relativement peu nombreux, mais on en trouve de plus en plus. Tandis que les exigences des bailleurs de fonds deviennent plus strictes et que les relations deviennent plus formelles, les ONGS sont de plus en plus obligées de jouer le rôle de sous-traitants dans un environnement concurrentiel (Hailey, 2000). L’on dit de l’importance accordée aux résultats tangibles et à l’imputabilité qu’elle dépolitise les organisations et les transforme en simples « exécutants » des politiques des bailleurs de fonds (Bornstein, 2003). Markowitz et Tice (2002) remarquent, par exemple, que l’exposition à des exigences « professionnelles » a transformé les organisations axées sur la communauté locale dotées d’une orientation activiste en organisations professionnelles de prestation de services. Non seulement les organisations ont perdu leurs liens avec la communauté locale, mais leur processus décisionnel interne est devenu très hiérarchique. Wallace et al.(2006) font observer que les outils de planification rationnels ne font pas bon ménage avec les approches en matière de développement axées sur la population. Plus précisément, ils montrent que l’accent mis sur le contrôle et la planification en vue d’obtenir des résultats prévisibles se concilie difficilement avec les approches qui sont caractérisées par un degré considérable d’imprévisibilité et qui privilégient le processus par rapport au produit. Les détracteurs indiquent que les ONGS ont de plus en plus de mal à maintenir en place les éléments qui les distinguaient au départ des entreprises ou des agences bi/ multilatérales : sensibilité culturelle, approches participatives, liens étroits avec la communauté locale et forte motivation intrinsèque (Hailey, 2000).
8L’une des idées que l’on retrouve dans toutes les études mentionnées plus haut est que la nature de plus en plus « professionnelle » des exigences des bailleurs de fonds ébranle la valeur ajoutée des ONGS. Dans le présent article, nous dépassons cette perspective en examinant l’influence des conditions imposées par les bailleurs de fonds sur deux dimensions qui n’ont, pour l’instant, pas fait l’objet d’études systématiques : (1) la solidité et l’autonomie des ONGS et (2) l’adhésion des ONGS aux interventions en faveur du développement. Les auteurs reconnaissent généralement que les ONGS doivent être solides et autonomes si elles veulent effectivement contribuer à la réduction de la pauvreté et à la gouvernance démocratique (Mercer, 2002 ; Biekart, 1999 ; Edwards 2004 ; Fox, 1996). Dans la même veine, la doctrine du développement reconnaît généralement que les organisations locales doivent assurer le contrôle de la définition et de la mise en œuvre des interventions en faveur du développement si l’on veut qu’elles soient efficaces et durables (Fowler, 1997 ; Chambers, 1997 ; Hoksbergen, 2005 ; OECD, 2005). Le choix de ces deux dimensions illustre par conséquent la priorité accordée aux aspects qui sont considérés comme des conditions préalables essentielles pour une aide privée efficace en faveur du développement.
9Nous pensons qu’il est indispensable de compléter l’analyse de l’influence (négative) des conditions imposées par les bailleurs de fonds par une étude de la capacité des ONGS à gérer ces conditions. Compte tenu de la tendance des auteurs à dire des ONGS qu’elles n’ont que peu de marge de manœuvre pour résister aux pressions des bailleurs de fonds, aucune étude à ce jour n’a examiné de manière systématique les différentes stratégies employées par les ONGS pour faire face de façon stratégique aux exigences des bailleurs de fonds. Cela a donné lieu à une image quelque peu caricaturée des relations bailleurs de fonds-ONGS, où les premiers sont (trop) décrits comme le partenaire rétractable dans une structure de pouvoir asymétrique, basée sur la dépendance financière (Harrison, 2007). Même si l’on ne peut nier les asymétries de pouvoir Nord-Sud dans le domaine de l’aide au développement, la question est de savoir si elles sont absolues, comme on le laisse entendre. Giddens (1984) propose la notion de dialectique du contrôle pour exprimer l’idée que tout partenaire, quelle que soit la relation dans laquelle il trempe, est toujours en mesure d’employer au moins un certain pouvoir compensateur. Il ose même prendre l’exemple du bourreau et de sa victime. Même celle-ci peut toujours influencer son bourreau, aussi limitée soit cette influence. Giddens utilise ce concept pour répondre aux théoriciens du pouvoir qui, selon lui, ont tendance à surévaluer les structures de pouvoir par rapport aux capacités des agences, comme Lukes (1974) ou Foucault (1994). Dans la deuxième partie de notre article, nous étudions le point de vue de Gidden de manière empirique en nous basant simultanément sur la théorie institutionnaliste organisationnelle (DiMaggio et Powell, 1983 ; Meyer et Rowan, 1977) en guise d’orientation conceptuelle. En associant une analyse critique de l’influence des conditions imposées par les bailleurs de fonds à une analyse de la capacité des ONGS à gérer ces conditions, nous proposons une perspective plus équilibrée en ce qui concerne les relations de pouvoir entre les bailleurs de fonds et les ONGS.
Données et méthodes
10Pour cette étude, nous nous sommes basés sur des entretiens avec des membres d’ONG au Ghana et en Inde, réalisés sur une période de huit mois en 2008. Compte tenu de l’objet de la recherche, à savoir étudier le large éventail d’expériences des ONGS avec les conditions négatives des bailleurs de fonds — ainsi que leurs réactions à ces conditions —, notre stratégie d’échantillonnage visait avant tout à obtenir la plus grande variété possible. En sélectionnant des ONG situées dans deux pays connus pour leurs secteurs de la société civile très différents (Heinrich, 2007), nous avons pu inclure dans notre étude un éventail plus large d’organisations, d’expériences et de pratiques. Nous avons choisi les organisations sur la base de leur stratégie d’intervention principale, une méthode reconnue dans la classification des ONG en faveur du développement (Vakil, 1997). Conformément à Riddel (2007), nous avons établi une distinction entre trois stratégies d’intervention majeures : (1) la réduction directe de la pauvreté (projets spécifiques destinés à des groupes de pauvres bien précis), (2) le processus d’influence des politiques (par ex., lobbying, action militante, sensibilisation et éducation au développement et (3) le renforcement de la société civile (par ex., renforcement des capacités, renforcement des réseaux, développement du leadership). Les critères de sélection secondaires comprenaient l’ampleur, l’âge et le type de groupes concernés, la situation géographique et le nombre de bailleurs de fonds. Par ailleurs, seules des ONG financées par des organismes donateurs actifs au niveau international ont été sélectionnées. Deux grandes techniques ont été utilisées pour identifier les organisations correspondant à nos critères. Premièrement, nous avons fait appel aux connaissances des spécialistes de la société civile locale pour sélectionner les ONG répondant à nos critères. Deuxièmement, nous avons effectué un sondage en boule de neige pour identifier les organisations en dehors du réseau d’experts locaux (Ritchy et Lewis, 2003). Au final, 41 organisations ont participé à l’étude ; 19 au Ghana et 22 en Inde (voir tableau 1).
Classification des orientations des ONG dans l’échantillon
Classification des orientations des ONG dans l’échantillon
11Les données recueillies pour cette étude se composaient d’entretiens semi-structurés avec des responsables d’ONG. Cela nous a permis de recueillir systématiquement des données sensibles, tout en permettant aux répondants de partager leurs expériences et leurs interprétations sur la base de leurs perspectives, ainsi que de parler de questions qui n’étaient pas abordées dans le guide d’entretien. Les répondants étaient les personnes chargées de gérer les relations avec les organismes donateurs. Il s’agissait généralement du directeur général ou de son équivalent. Les entretiens duraient généralement entre une et deux heures et ont tous été réalisés en face à face. Dans plusieurs cas, des ONGS ont été interrogées deux fois, lorsque le premier entretien était particulièrement riche. Nous avons poursuivi la collecte de données jusqu’à en arriver au point où les nouveaux entretiens ne faisaient que confirmer les entretiens antérieurs et n’apportaient aucune nouvelle information. Tous les entretiens ont été enregistrés et transcrits en vue de leur analyse.
12L’analyse des données s’est réalisée en deux temps : (1) codification des transcriptions d’entretiens et (2) analyse des caractéristiques des relations parmi les codes. Nous avons commencé par scinder les données en trois grandes catégories : les conditions imposées par les donateurs, les problèmes associés à ces conditions et les réponses stratégiques. Dans l’analyse des données appartenant à chaque catégorie principale, nous avons travaillé de manière itérative en passant des transcriptions à la littérature concernée pour définir des codes appropriés afin « d’ouvrir » encore les données. Ce n’est qu’en analysant les réponses stratégiques des ONGS que les codes ont été explicitement extraits de la théorie (institutionnelle). Dans le cadre de l’analyse, nous avons revu et développé nos idées initiales en identifiant les tendances et les (in)cohérences entre les différents entretiens et les codes. Les codes existants ont été modifiés pour créer des codes plus simples, plus solides, pouvant être plus facilement reliés les uns aux autres (voir Strauss et Corbin, 1998). Les résultats de notre démarche nous ont permis d’étudier systématiquement, d’identifier et d’illustrer les (problèmes associés aux) conditions imposées par les bailleurs de fonds et les réponses stratégiques des ONGS à ceux-ci.
13Nous pensons que notre échantillon de 41 ONGS a suffi pour appréhender l’ensemble des (problèmes associés aux) conditions imposées par les donateurs et les réponses stratégiques des ONGS à ceux-ci. Étant donné que les conditions imposées par les bailleurs de fonds identifiées dans cette étude font désormais partie intégrante du domaine du développement international (voir aussi Mawdsley et al., 2002 ; Bornstein, 2003 ; Wallace et al., 2006 ; Michael, 2004), il est probable que les expériences épinglées dans notre étude ne soient pas propres aux ONGS comprises dans notre échantillon. La question de savoir si certains problèmes associés aux conditions imposées par les bailleurs de fonds sont plus fréquents que d’autres ou si certaines stratégies sont plus souvent employées sort cependant du cadre de cette étude. Afin d’améliorer la validité de la recherche et la sensibilité du thème de recherche, nous avons promis l’anonymat aux répondants. Une version antérieure du présent article a par ailleurs été communiquée à certaines des ONGS ayant participé à cette étude afin d’obtenir leurs réactions. Cela n’a entraîné aucune modification majeure — seulement quelques améliorations mineures.
Les conséquences indésirables des conditions imposées par les bailleurs de fonds
14Dans le présent article, nous entendons par « conditions imposées par les bailleurs de fonds » les conditions que doivent respecter les ONGS dans les phases de préfinancement, de projet ou de post-projet pour pouvoir obtenir une aide financière de la part des organismes donateurs (Wallace et al., 2006 : 12). Les bailleurs de fonds, dans notre analyse, sont des organisations qui offrent des financements privés officiels en faveur du développement. Cette définition comprend les agences bilatérales et multilatérales, les organismes d’aide privés et les associations caritatives. Nous commencerons par décrire brièvement les différentes conditions imposées par les bailleurs de fonds que nous avons identifiées dans notre étude de terrain. Nous poursuivrons en examinant les conséquences négatives de ces conditions pour (1) la solidité et l’autonomie des ONGS et (2) leur adhésion aux interventions en faveur du développement.
La nature des conditions imposées par les bailleurs de fonds
15Nous avons constaté que les conditions imposées par les bailleurs de fonds portaient sur trois domaines principaux : la définition et la planification des projets, l’imputabilité et la structure des fonds (voir tableau 2). Tandis que les différents bailleurs de fonds soumettent leurs financements à des conditions bien particulières, celles mentionnées dans le tableau 2 sont toutes régulièrement rencontrées par les ONGS qui ont participé à cette étude.
Les principaux domaines des conditions imposées par les bailleurs de fonds
Les principaux domaines des conditions imposées par les bailleurs de fonds
16Le premier ensemble de conditions concerne la définition et la planification des projets. L’ensemble ou presque des bailleurs de fonds imposent des conditions qui décrivent le type de projets qu’ils cherchent à appuyer (voir aussi Elbers et Schulpen, 2010, Michael, 2004). Les critères comprennent généralement des (sous-)thèmes, des groupes cibles, des stratégies et des zones géographiques. La plupart des bailleurs de fonds ont « intégré » la problématique hommes-femmes dans leurs politiques programmatiques, ce qui veut dire que tous les projets doivent tenir compte de la question de l’égalité des sexes. [2] Beaucoup de bailleurs de fonds encouragent par ailleurs le recours aux cadres logiques pour définir les objectifs des projets et les moyens de les atteindre grâce à des indicateurs visant à mesurer et vérifier les progrès (voir aussi Wallace et al., 2006). Si des différences existent entre les organismes donateurs, l’accent est généralement mis sur la planification afin d’obtenir des résultats prévisibles.
17Le deuxième ensemble de conditions concerne l’imputabilité (ascendante) des ONGS et aborde la performance financière et des projets. La plupart des bailleurs de fonds comptent sur des rapports narratifs et financiers périodiques, qui passent en revue les progrès réalisés et les résultats des projets par rapport aux objectifs, aux résultats attendus, aux indicateurs, au calendrier et aux budgets formulés dans les contrats initiaux (voir aussi Ebrahim 2002, 2003). La plupart des bailleurs de fonds attendent aussi des ONGS qu’elles utilisent des formats de notification bien précis et exigent un compte bancaire distinct pour le projet qu’ils financent. De même, les ONGS font généralement l’objet d’évaluations et d’audits financiers indépendants obligatoires.
18Le troisième ensemble de conditions concerne les modalités de financement proprement dites. La plupart des bailleurs de fonds affectent leurs fonds à des dépenses bien précises et beaucoup ne permettent pas aux bénéficiaires d’utiliser leur argent pour couvrir leurs frais généraux (par ex., pour leurs dépenses en immobilisations, les ressources humaines et la collecte de fonds) (voir aussi Michael, 2004). En outre, les bailleurs de fonds se basent sur des délais prédéterminés pour assurer leur financement, qui vont généralement de un à trois ans. De même, certains bailleurs de fonds obligent les bénéficiaires à mentionner le nom du bailleur de fonds, par exemple dans les déclarations publiques ou sur les véhicules (branding).
Conséquences pour la solidité et l’autonomie des ONGS
19Le refus des bailleurs de fonds de financer les frais généraux a des conséquences énormes sur la capacité des ONGS à assurer leur survie et à se renforcer :
Ils vous donnent juste de quoi couvrir les frais de papeterie… Mais cela engendre d’énormes problèmes. En effet, comment faire pour fonctionner, pour payer le loyer, pour garder le personnel, comment améliorer et maintenir l’expertise ? […] On ne peut pas développer une organisation avec ce type de financements (entretien du 31 mars 2008).
21Les répondants au Ghana et en Inde ont expliqué qu’ils se démenaient pour développer leurs organisations et assurer leur maintien. Une série de problèmes ont été mis en avant, comme la capacité à attirer du personnel de qualité et à le retenir, les investissements dans la recherche et le développement du personnel, ainsi que le temps et les ressources nécessaires à l’apprentissage. Plusieurs organisations ont affirmé devoir tirer le diable par la queue en raison de l’insuffisance des ressources de base. De même, en l’absence de ressources de base, les répondants ont indiqué avoir du mal à diversifier leurs ressources et à trouver les capitaux nécessaires pour investir dans des moyens de générer des recettes internes. [3] Plusieurs répondants ont indiqué que le refus des bailleurs de fonds de financer les frais fondamentaux créait en réalité des motivations perverses :
Ensuite, on se met à gonfler les dépenses dans un tas de domaines [dans le budget]. Parce que vous savez que si vous ne gonflez pas le budget, vous allez certainement avoir des problèmes par la suite (entretien du 31 mars 2008)
23Cette attitude, comme l’a indiqué un autre répondant, engendre la méfiance dans la relation. Ce phénomène est problématique car les organisations ne font preuve de transparence que lorsqu’elles savent que le fait de communiquer les problèmes et autres difficultés ne va pas entraîner la fin de la relation de financement.
24Les problèmes mentionnés plus haut, qui découlent de l’insuffisance des ressources de base, sont aggravés par les périodes de financement courtes et les contrats ponctuels privilégiés par certains bailleurs de fonds. Ces modalités de financement n’offrent pas la stabilité nécessaire pour développer et maintenir l’expertise. En outre, elles ébranlent également la capacité des ONGS à réaliser une planification à long terme :
La durée du contrat est essentielle si l’on souhaite définir une vision pour l’organisation. Pour faire des projets à long terme, on a besoin de stabilité sur une longue période. Cela veut dire aussi que l’on a besoin d’obtenir un montant prévisible par année (entretien du 19 mars 2008).
26Les répondants ont indiqué que les modalités de financement à court terme et ponctuelles les obligeaient à consacrer beaucoup de temps et de ressources à la recherche de fonds. Évidemment, ils préfèrent, de loin, les financements émanant de bailleurs de fonds connus pour privilégier les relations à long terme. [4]
27Beaucoup de répondants nous ont expliqué qu’ils étaient obligés de consacrer beaucoup de temps et de ressources à leurs obligations d’imputabilité au détriment de leurs activités fondamentales (voir Wallace et al., 2006 et Markowitz et Tice, 2002 pour des observations similaires). Tandis que certains bailleurs de fonds sont flexibles en termes de présentation et ne demandent qu’un rapport par an, d’autres exigent des rapports financiers et narratifs mensuels, qui doivent être présentés d’une manière bien précise. Une ONG indienne, par exemple, avait quatre bailleurs de fonds qui exigeaient chacun un compte bancaire distinct, des rapports financiers et narratifs distincts, basés sur des présentations distinctes. Pour répondre à ces exigences, l’organisation a recruté du personnel bien formé, qui est chargé de recueillir et de traiter les données et de rédiger les rapports (en langue anglaise). Nous n’avons rencontré que quelques organisations qui sont parvenues à négocier un rapport commun pour satisfaire simultanément différents bailleurs de fonds. [5]
28Enfin, beaucoup d’ONGS avaient d’énormes difficultés à rester fidèles à leur mission initiale en raison de l’insuffisance de financements de base et des contrats à court terme et ponctuels. Idéalement, la mission d’une ONGS est l’expression fondamentale de ce que défend l’organisation ; elle représente son identité et permet de prioriser les actions. Tandis que certaines ONGS ne semblaient pas accorder beaucoup d’importance à la cohérence avec leur mission, beaucoup d’autres estimaient que c’était essentiel :
Quand on commence à modifier la mission, c’est la nature de l’organisation qui change. On a tendance à oublier la cause défendue ou toutes les choses pour lesquelles on se battait au départ. On commence à s’appuyer sur les mots à la mode, comme « VIH » ou « changements climatiques », et on finit par devenir un simple titulaire de projet. […] J’ai vu beaucoup d’organisations être victimes de ce phénomène (entretien du 28 août 2008).
30Les répondants ont expliqué que la cohérence avec la mission était également essentielle pour développer et maintenir l’expertise dans un certain domaine. Ils ont en outre indiqué que cet aspect déterminait aussi en grande partie la question de savoir si une organisation était perçue comme solide, digne de confiance et soucieuse de l’intérêt de ses bénéficiaires. Les ONGS dépourvues d’aide financière de base et de rentrées de fonds stables n’ont cependant pas toujours la possibilité d’adopter une position de principe ou de se montrer trop critiques envers les bailleurs de fonds.
Conséquences pour l’adhésion locale
31Beaucoup de répondants ont parlé de bailleurs de fonds dont les critères programmatiques étaient définis de façon tellement précise que les organisations concernées avaient du mal à défendre les priorités locales. Le responsable d’une ONG ghanéenne nous a expliqué que dans ce cas, « les bailleurs de fonds vous voient comme un exécutant de leurs idées, et non comme celui qui doit prendre la tête des efforts pour transformer la société » (entretien du 28 avril 2008). Tandis que les responsables de certaines ONGS ne semblaient pas opposés à l’obligation de respecter les préférences des bailleurs de fonds, beaucoup estimaient que cela nuisait à leurs activités car ils avaient du mal à adapter les projets aux réalités locales et à être attentifs aux besoins définis au niveau local. Durant le travail sur le terrain, nous avons rencontré plusieurs organisations dont les activités étaient loin d’être attentives aux besoins locaux. Par exemple, une ONG ghanéenne s’occupant de l’eau et de l’assainissement avait reçu des fonds de la part de son (unique) bailleur de fonds pour construire dix puits creusés à la main. Les communautés locales avaient cependant une préférence marquée pour les puits de forage. L’ONG a par conséquent dû se rendre auprès de pas moins de cinquante communautés pour en trouver dix « disposées » à accueillir les puits. Même si le responsable de l’ONG reconnaissait tout à fait que ses activités étaient déterminées par le bailleur de fonds, il a expliqué qu’en l’absence d’autre source de financement, la survie était sa principale priorité.
32Les conditions imposées par les bailleurs de fonds influencent non seulement l’orientation des projets, mais aussi la manière dont ils sont définis et programmés. Lorsque les organisations sont obligées de procéder d’une manière qui va à l’encontre de leurs principes, de leurs priorités ou de leurs pratiques d’apprentissage, l’adhésion locale s’en trouve ébranlée (voir aussi Wallace et al., 2006 ; Mawdsley et al., 2002). Par exemple, beaucoup d’organisations ont expliqué qu’elles avaient été obligées « d’intégrer » des composantes liées à la question hommes-femmes ou au VIH/sida dans leurs projets alors qu’elles n’étaient pas convaincues de leur pertinence. Plusieurs ONGS ont également indiqué que leur mode de définition des projets tournait autour de la nécessité de présenter des résultats tangibles, au détriment parfois de leur propre intérêt : « J’ai l’impression qu’ils ne s’intéressent pas à la façon dont nous faisons les choses. Dans quelle mesure avons-nous renforcé leur autonomie ? Quels enseignements peut-on en tirer ? Voilà ce qui compte pour nous » (entretien du 13 avril 2008). D’autres répondants ont expliqué que compte tenu des modalités de financement « contraignantes », ils évitaient les expérimentations et autres innovations.
33La rigidité de certains bailleurs de fonds lorsqu’il s’agit de permettre aux ONGS de s’écarter du programme initial pour un projet nuit à l’aptitude de celles-ci à s’adapter aux évolutions qui surviennent dans l’environnement du projet. Les ONGS sont généralement tenues de présenter des plans de travail détaillés, qu’elles sont contractuellement tenues de respecter dans le cadre de la mise en œuvre. Le cadre logique habituellement utilisé est connu pour être un outil de planification relativement rigide : « Quand on en arrive à la troisième année [d’un projet], une grande partie du contexte a évolué et vos propres approches ont changé. On est cependant tenu de s’en tenir au cadre logique qu’on a défini trois ans auparavant » (entretien du 24 septembre 2008). Étant donné que la logique initiale des projets ne tient souvent pas la route dans la pratique compte tenu de la fréquence des changements imprévus qui surviennent dans l’environnement, un certain niveau de flexibilité est considéré comme essentiel pour une bonne mise en œuvre. Beaucoup de répondants nous ont pourtant parlé de bailleurs de fonds qui n’autorisaient aucun écart par rapport à la documentation initiale des projets, même si les circonstances locales avaient complètement changé sous l’effet d’événements imprévus. [6]
34Le fait de réserver des fonds à des activités ou des causes particulières, rendant impossible le transfert de fonds réservés à une fin vers d’autres, limite encore plus la flexibilité durant la mise en œuvre. Le responsable d’une ONG ghanéenne nous fait part de son expérience :
Dans le cadre des obligations de notification qu’ils imposent, les bailleurs de fonds ont beaucoup d’influence sur ce qui se passe sur le terrain. Beaucoup participent à la gestion locale, tout doit correspondre de manière exacte avec ce qui est écrit dans la documentation du projet. […] Cela limite la flexibilité. Par exemple, lorsque la documentation de projet parle d’un véhicule à quatre roues, certains bailleurs de fonds ne vous autorisent pas à changer cela pour opter pour quatre motos, même si cette solution est moins coûteuse (entretien du 2 mai 2008).
36Les répondants ont souligné que dans les projets complexes à long terme, il était impossible de tout prévoir.
37Beaucoup de responsables d’ONGS ont également déclaré avoir beaucoup de mal à assurer la durabilité des projets en cours en raison de la façon dont le financement est structuré. Pour les ONGS devant s’occuper de contrats à court terme et ponctuels, la durabilité des projets est souvent une cause constante de souci (voir aussi Michael, 2004). Plusieurs répondants ont parlé de projets parfaitement efficaces qui avaient échoué à la fin de la période contractuelle faute d’être parvenus à trouver un nouveau bailleur de fonds à temps :
Nous avions un projet dans le domaine de l’éducation des jeunes filles qui commençait à donner des résultats, mais juste avant la fin du contrat, il [le bailleur de fonds] a revu sa politique. Il nous a dit qu’il s’occuperait à présent de l’eau et de l’assainissement et a mis fin à son financement. Nous n’avons pas pu trouver un nouveau bailleur de fonds à temps et tout ce que nous avions fait a échoué. […] C’était une catastrophe, qui a failli entraîner la fermeture de l’organisation (entretien du 13 avril 2008).
39Le responsable de cette ONG a expliqué qu’en raison de l’échec du projet, son organisation ne pouvait plus répondre aux attentes des parties prenantes locales, ce qui a suscité des tensions et une perte de crédibilité. Il a par ailleurs été obligé de licencier du personnel compétent et expérimenté.
40En somme, nos observations indiquent que les conditions imposées par les bailleurs de fonds ont un impact profond sur les ONGS et leurs activités. Nous avons épinglé certaines configurations de conditions de ce type qui ne cadrent pas avec l’importance accordée à l’adhésion locale et à une société civile solide et autonome. En ce sens, nos observations font apparaître un certain paradoxe : tandis que les conditions imposées par les bailleurs de fonds sont souvent motivées par la volonté d’améliorer l’efficacité et l’efficience, il arrive qu’elles aient l’effet inverse dans la pratique. Le fait que plusieurs de nos observations concordent avec les conclusions d’autres études (voir Bornstein, 2003 ; Markowitz et Tice, 2002 ; Mawdsley et al., 2002, Michael, 2004 ; Wallace et al., 2006) est la preuve que les problèmes associés aux conditions imposées par les bailleurs de fonds sont généralisés.
Réponses stratégiques aux conditions contradictoires imposées par les bailleurs de fonds
41Nous entendons par « réponses stratégiques » les réponses conscientes et actives que les ONGS apportent aux (opportunités ou aux problèmes associés aux) conditions imposées par les bailleurs de fonds. Étant donné la complexité du comportement organisationnel, des orientations conceptuelles s’imposent pour identifier de manière systématique les réponses stratégiques des ONGS aux conditions imposées par les bailleurs de fonds. La littérature sur les ONG contient cependant très peu de recommandations à cet égard. La théorie institutionnaliste organisationnelle (voir DiMaggio et Powell, 1983 ; Meyer et Rowan, 1977) contient néanmoins de nombreux documents qui permettent de mieux comprendre le comportement organisationnel. La plupart des études institutionnelles antérieures s’intéressaient à la conformité aux pressions institutionnelles (DiMaggio et Powell, 1983). En respectant les normes ou les procédures acceptées et en se lançant dans des activités considérées comme pertinentes par les principales parties prenantes, les organisations assurent leur légitimité aux yeux de ces parties prenantes. Les organisations qui ne respectent pas les règles ou les normes extérieures sont souvent perçues comme illégitimes, ce qui compromet leur capacité à attirer des ressources et affecte par conséquent leur survie (Suchman, 1995 ; Scott, 2008).
42Depuis les années 90, ceux qui s’intéressent à l’institutionnalisme ont démontré que les organisations font bien plus que passivement se conformer aux pressions environnementales (voir Ashfort et Gibbs, 1990 ; Edelman, 1992 ; Suchman, 1995 ; Oliver, 1991 ; DiMaggio, 1988). Même si un certain nombre de partisans de l’institutionnalisme ont étudié les réponses organisationnelles aux pressions institutionnelles négatives, ils n’ont pas encore mis au point de typologie cohérente dans ce domaine. [7] Nous avons par conséquent réalisé une synthèse entre la littérature existante sur les réponses stratégiques et les observations de notre étude pour proposer une nouvelle typologie. Notre typologie distingue les stratégies organisationnelles en fonction de leur objet. Sur la base d’un processus d’itération entre la littérature institutionnelle, d’une part, et nos observations empiriques, de l’autre, nous épinglons quatre grandes stratégies organisationnelles :
- Il arrive que les organisations essaient d’éviter les rapports avec les parties prenantes (Oliver, 1991 ; Tschirhart, 1996). En évitant de s’exposer aux pressions institutionnelles négatives, les organisations peuvent réussir à éviter de devoir transiger.
- Il arrive que les organisations essaient d’influencer le contenu des pressions institutionnelles (DiMaggio, 1988 ; Oliver, 1991 ; Alexander, 1998). En modifiant la nature même des pressions institutionnelles, les organisations peuvent parvenir à éliminer ou à limiter leur contenu problématique.
- Il arrive que les organisations essaient de se protéger des pressions institutionnelles inévitables (Alexander, 1996, 1998 ; Thompson, 1967). Lorsqu’un certain degré de conformité est tout bonnement inévitable, les organisations peuvent prendre des mesures compensatoires pour limiter les conséquences négatives des pressions institutionnelles.
- Il arrive que les organisations essaient de se donner une bonne image auprès des parties prenantes (Meyer et Rowan, 1977 ; Ashfort et Gibbs, 1990 ; Elsbach et Sutton, 1992 ; Ebrahim, 2002). En manipulant les perceptions des bailleurs de fonds, les organisations peuvent améliorer leurs chances d’obtenir la rentrée de fonds espérée tout en contournant la nécessité de devoir modifier leur nature ou leurs activités.
Réponses stratégiques des ONGS aux conditions négatives imposées par les bailleurs de fonds
Réponses stratégiques des ONGS aux conditions négatives imposées par les bailleurs de fonds
L’évitement
43L’évitement désigne un ensemble de tactiques visant à limiter ou à éviter les rapports avec les parties prenantes dont les conditions sont considérées comme problématiques (voir aussi Oliver, 1991 ; Tschirhart, 1996). Dans la présente étude, les ONGS considéraient l’évitement comme une stratégie prioritaire, son utilisation étant totalement indépendante des bailleurs de fonds. Nous avons épinglé trois tactiques d’évitement : la sélection, le rejet et la sortie.
44La sélection est une tactique proactive, qui consiste à s’assurer que l’organisation n’établit des relations qu’avec les bailleurs de fonds connus pour imposer des conditions compatibles. Le directeur d’une ONG ghanéenne active dans les activités de lobbying et de sensibilisation explique :
Avant d’aborder un nouveau bailleur de fonds, nous classons les candidats sur la base d’un certain nombre de critères. Nous examinons leur mode de fonctionnement, leur idéologie, leurs sources de financement, ce genre de choses, […] pour nous assurer que nous n’allons pas devoir transiger sur nos principes (entretien du 28 avril 2008).
46Il s’est avéré que bon nombre des ONGS qui ont participé à l’étude, en particulier les plus anciennes et les plus expérimentées, connaissaient très bien le « marché » des organismes donateurs. Les ONGS déterminent la compatibilité des bailleurs de fonds sur la base de leurs propres expériences, en décortiquant les sites Web et les documents stratégiques des bailleurs de fonds et en partageant leurs expériences avec d’autres ONGS. Parallèlement à cela, cependant, les répondants ont indiqué qu’il n’était pas toujours de mise de se montrer trop sélectif, en particulier lorsque l’organisation a désespérément besoin de financements.
47Le rejet est une tactique réactive dans le cadre de laquelle l’ONGS refuse une offre de financement en raison de conditions conflictuelles. Le directeur d’une ONG indienne active dans le développement rural nous fait part de son expérience :
On nous a offert une grosse somme d’argent, qui aurait pu considérablement nous faciliter la vie, mais nous avons refusé cette offre car en transigeant sur nos principes, la situation aurait été beaucoup plus grave (entretien du 6 septembre 2008).
49Le rejet est une tactique qui n’est pas toujours de mise, en particulier lorsque l’organisation se trouve dos au mur sur le plan financier. L’une des conséquences positives du rejet est que cela fait passer le message que l’ONGS refuse de transiger, ce qui peut en réalité renforcer son intérêt pour les bailleurs de fonds.
50La sortie est une tactique dans le cadre de laquelle l’ONGS met fin à une relation existante avec un bailleur de fonds pour éviter de s’exposer à de nouvelles conditions imposées par celui-ci. Le responsable d’une ONG indienne active dans le renforcement de l’autonomie des femmes illustre cette tactique comme suit :
Nous avons toujours dirigé notre organisation dans l’idée de pouvoir renoncer [à une relation financière avec un bailleur de fonds] à tout moment. Et nous l’avons fait une fois, lorsqu’il [un bailleur de fonds] voulait nous faire faire des choses que nous trouvions inacceptables (entretien du 18 septembre 2008).
52À l’instar du rejet, la sortie n’est pas une tactique que la plupart des ONG vont appliquer facilement. Le responsable d’une ONG ghanéenne nous a expliqué que la dépendance aux ressources l’avait amené à décider de ne pas mettre fin à sa relation avec son principal bailleur de fonds alors qu’il l’avait obligé à accepter une méthode à laquelle il n’adhérait pas vraiment : il y a ma fierté, puis il y a ma mission. Mais comme je vois les choses, il est préférable que je continue à faire travailler mes vingt collaborateurs (entretien du 25 avril 2008).
L’influence
53L’influence désigne un ensemble de tactiques dans le cadre desquelles les ONGS tentent d’éliminer ou de limiter le contenu problématique des conditions imposées par les bailleurs de fonds (voir aussi DiMaggio, 1988 ; Oliver, 1991 ; Alexander, 1998). Nous avons épinglé trois tactiques d’influence différentes : la négociation, la persuasion et l’implication. Le point commun entre ces tactiques est qu’elles visent toujours ou presque à « créer une exception à la règle ». En d’autres termes, nous avons rencontré très peu d’ONGS ayant affirmé avoir effectivement influencé les politiques à l’origine des conditions conflictuelles des bailleurs de fonds.
54La négociation est une tactique dans le cadre de laquelle les organisations tirent leur influence de la dépendance mutuelle qui existe entre les bailleurs de fonds et les ONGS. Tandis que les ONGS ont besoin des organismes donateurs pour assurer leur survie financière, ceux-ci ont besoin d’être considérés comme venant en aide à des organisations efficaces, capables de communiquer leurs résultats pour atteindre leurs propres objectifs. Compte tenu de ce besoin qu’ont les organismes de donner la preuve de leur efficacité, les bons résultats et la crédibilité renforcent l’attractivité des ONGS auprès des organes de financement partenaires et renforce dès lors leur influence dans le processus décisionnel. La négociation est par conséquent une stratégie à laquelle ne peuvent recourir que les ONGS obtenant de bons résultats ou intéressantes pour d’autres raisons. Une organisation ghanéenne explique qu’« [en ce qui concerne le financement], nous en sommes arrivés à un stade où c’est le bailleur de fonds qui nous appelle, et non le contraire. Cela change complètement la façon de négocier, car ils ont davantage besoin de vous que vous d’eux » (entretien du 28 mars 2008). Certaines des ONGS mieux établies ont encore amélioré leur capacité de négociation en finançant elles-mêmes une partie du budget ou en invitant plusieurs bailleurs de fonds autour de la table de négociation, ce qui limite leur influence individuelle.
55La persuasion est une tactique qui consiste à formuler des arguments convaincants. Contrairement à la négociation, dans le cadre de laquelle les ONGS exploitent le besoin de réussite des organismes donateurs pour favoriser leurs préférences, la persuasion est déterminée, au final, par la qualité de l’argumentation et la susceptibilité des représentants de l’organisme donateur. Elle suppose par conséquent généralement la présence d’un certain niveau de contact personnel et de confiance. « On essaie essentiellement de leur faire entendre raison, de formuler des arguments dans l’espoir de les convaincre, par exemple, que leur nouvelle politique va compromettre la durabilité du projet ou engendrer des problèmes pour nos bénéficiaires » (entretien du 28 août 2008). L’un des moyens de rendre les arguments plus convaincants consiste à les accompagner de « preuves ». Une ONG indienne active dans le domaine du VIH/sida, par exemple, nous a expliqué que sa capacité à négocier avec les organismes donateurs s’expliquait par sa capacité de recherche : « Quant vous pouvez leur présenter des données qui confirment que votre méthode fonctionne, il devient très difficile pour eux [les bailleurs de fonds] de vous amener dans une autre direction » (entretien du 1er septembre 2008).
56L’implication est une tactique qui consiste à influencer les représentants du bailleur de fonds en les associant à un niveau personnel aux activités de l’ONGS. Les répondants ont expliqué que cette méthode débouchait sur une compréhension, qu’elle soit basée sur la compassion, la flatterie, la culpabilité ou la pitié, qui dépasse la « réalité papier » des rapports narratifs. Cela les amène par conséquent à « mieux comprendre notre travail, ainsi que la justification de certaines dépenses » (entretien avec le responsable d’une ONG ghanéenne, 3-4-08). Proches de la persuasion, les contacts fréquents en face à face et la confiance sont considérés par les répondants comme des conditions préalables nécessaires. Il n’est dès lors pas étonnant que les répondants considèrent le changement régulier de représentants du bailleur de fonds comme l’aspect le plus frustrant de leur relation avec les organismes donateurs.
La défense
57La défense désigne un ensemble de tactiques visant à prendre des mesures pour neutraliser, au du moins limiter, les conséquences négatives des conditions inévitables imposées par les bailleurs de fonds (voir aussi Alexander, 1996, 1998 ; Thompson, 1967). Il s’avère que les ONGS disposent de deux tactiques de défense : le bouclier de protection et la compensation.
58Le bouclier de protection est une tactique visant à éviter que certaines éléments ou activités essentiels de l’organisation ne soient exposés. En ne se conformant aux conditions que partiellement dans certains domaines, l’organisation se protège contre les conséquences les plus négatives des conditions du bailleur de fonds. Par exemple, le directeur d’une ONG indienne active dans la gestion des catastrophes explique comment il a fait face aux visites sur place de l’un de ses bailleurs de fonds :
Notre équipe sur le terrain avait déjà été sérieusement démoralisée par ces gens [les représentants des bailleurs de fonds] qui formulaient des commentaires non fondés et négatifs. Par conséquent, ce que nous faisons maintenant, c’est veiller à ce qu’il y ait toujours quelqu’un du bureau qui traite les relations avec les bailleurs de fonds, qui fasse office de bouclier de protection et qui tente littéralement de les garder à l’écart (entretien du 24 septembre 2008).
60Le bouclier de protection est une tactique qui ne fonctionne que dans une certaine mesure ; le fait d’en abuser risque en effet d’être remarqué à un moment donné.
61La compensation est une tactique dans le cadre de laquelle les ONGS obtiennent des fonds émanant d’autres sources pour couvrir les éléments que les organismes donateurs ne sont pas disposés à financer. Ces éléments peuvent par exemple concerner les frais généraux, ou les activités moins « séduisantes » liées aux projets. Une ONG ghanéenne active dans le développement communautaire, par exemple, explique « qu’il y a certaines choses que notre bailleur de fonds ne va pas financer, mais que nous considérons comme déterminantes pour l’organisation, comme nos frais de base et notre processus de responsabilité sociale. Nous finançons ces choses grâce à l’aide offerte par d’autres sources » (entretien du 13 avril 2008). Comme l’illustre cet exemple, le fait de disposer d’autres sources de financement est essentiel pour la tactique de la compensation. La plupart des organisations ayant participé à l’étude s’efforçaient par conséquent de diversifier leurs ressources, par exemple au moyen d’activités de consultance ou de la mise en location de bâtiments. Nous avons rencontré deux organisations qui avaient mis en place une unité de consultance distincte dans le but d’offrir à leur ONG des fonds discrétionnaires.
La description
62La description désigne un ensemble de réponses visant délibérément à manipuler les perceptions des bailleurs de fonds concernant le respect par les ONGS des conditions imposées (voir aussi Meyer et Rowan, 1977 ; Ashfort et Gibbs, 1990 ; Elsbach et Sutton, 1992 ; Ebrahim, 2002). Il s’est avéré que les ONGS étudiées dans notre recherche utilisaient trois tactiques lorsqu’elles appliquaient la description : le maquillage, la rétention et la représentation faussée.
63Le maquillage est une tactique dans laquelle les ONGS ne respectent les conditions imposées par les bailleurs de fonds que de manière superficielle, sans revoir leurs tâches ou procédures fondamentales réelles. Elle concerne les exigences visibles des bailleurs de fonds, dans l’objectif principal d’envoyer un signal aux organismes de financement. Les ONGS ayant participé à cette étude ont donné de nombreux exemples de maquillage. Plusieurs organisations ont, par exemple, admis que leur conseil d’administration, leur politique en matière d’égalité hommes-femmes ou leur plan stratégique avaient essentiellement une fonction symbolique. Plusieurs répondants ont indiqué que le maquillage était une stratégie potentiellement dangereuse, « car la crédibilité est essentielle si l’on veut rester en vie dans le monde des ONG. Si l’on se fait prendre, les conséquences sont catastrophiques » (entretien du 31 mars 2008).
64La rétention est une tactique qui consiste à supprimer des informations concernant l’organisation, les activités ou les résultats des ONGS qui sont susceptibles d’ébranler leur légitimité aux yeux des bailleurs de fonds. Il arrive que les ONGS craignent que le fait de partager ouvertement certaines informations débouche sur une mauvaise interprétation ou sur une ingérence non souhaitée dans leurs activités. Elles divulguent dès lors les informations de manière sélective, en conservant les informations susceptibles de placer l’organisation dans une position défavorable par rapport au bailleur de fonds. Plusieurs répondants ont par exemple reconnu qu’ils insistaient sur les bons résultats et minimisaient leurs échecs dans leurs rapports. Le responsable d’une ONG a indiqué ne pas divulguer l’ensemble des sources de financement de l’organisation dans ses rapports financiers car il craignait que cela n’entraîne une réduction des aides en faveur de ses frais généraux à l’avenir.
65La représentation faussée est une tactique dans laquelle les ONGS transmettent intentionnellement des informations inexactes aux bailleurs de fonds. C’est une tactique que les organisations utilisent parfois lorsqu’elles pensent que le fait de divulguer des informations correctes peut leur nuire. Il existe différents degrés de représentation faussée. Plusieurs répondants ont admis effectuer régulièrement des estimations « prudentes » en ce qui concerne leurs frais généraux lorsqu’elles présentent une proposition, réorienter des budgets déjà dépensés pour d’autres initiatives vers de nouveaux projets, répondant ainsi à l’obligation de faire « correspondre » les montants, ou redéfinir des items budgétaires autrefois associés à la mise en œuvre du projet pour en faire des frais de planification. Comme l’indique le responsable d’une ONG ghanéenne, « quand on travaille dans une ONG, on doit être malin, on doit agir dans les limites juridiques des procédures d’imputabilité pour survivre » (entretien du 1er avril 2008).
Conclusion et perspectives
66Dans cette étude, nous nous sommes intéressés (1) aux conséquences (potentiellement) négatives des conditions imposées par les bailleurs de fonds sur la solidité et l’autonomie des ONGS et sur leur adhésion aux interventions en faveur du développement et (2) aux stratégies utilisées par les ONGS pour faire face aux conditions imposées par les bailleurs de fonds. Notre étude enrichit la littérature à trois égards.
67Premièrement, elle appréhende systématiquement l’éventail complet de conditions que les bailleurs de fonds joignent à leurs financements, ainsi que les problèmes associés à celles-ci du point de vue des ONGS. Nos observations indiquent que certaines configurations de conditions imposées par les bailleurs de fonds nuisent à la solidité et à l’autonomie des ONGS et à l’adhésion locale aux interventions en faveur du développement. L’on constate que le refus de financer les frais généraux, les périodes de financement courtes, les contrats uniques et les exigences excessives en matière d’imputabilité entravent la capacité des ONGS à diversifier leurs ressources et à les assurer, à attirer et retenir du personnel de qualité, à investir dans la recherche, à prévoir les choses à long terme, à apprendre et à rester fidèles à leur mission initiale. Dans la même veine, les cadres programmatiques rigoureusement définis, la priorité accordée aux résultats plutôt qu’au processus, les modalités de financement rigoureuses, les périodes de financement à court terme et les contrats uniques entravent la capacité des ONGS à privilégier les priorités locales, à expérimenter et innover, à se lancer dans des activités orientées processus, à répondre aux événements imprévus et à assurer des résultats durables.
68Notre deuxième contribution concerne le fait que nous démontrons que les ONGS recourent à une série de stratégies pour faire face aux conditions imposées par les bailleurs de fonds, ce qui indique qu’elles ne sont pas impuissantes dans leurs relations avec les bailleurs de fonds. Plus précisément, nous avons mis au point une typologie cohérente de réponses stratégiques des ONGS aux conditions négatives imposées par les bailleurs de fonds, qui se composent des principales stratégies suivantes : la description, l’évitement, l’influence et la protection. Notre analyse fait apparaître que la plupart des stratégies disponibles exigent la présence d’autres sources de financement, de bons résultats ou des relations caractérisées par un certain niveau de confiance. Lorsque ces conditions ne sont pas présentes, les ONGS n’ont d’autre choix que de recourir à la manipulation des perceptions des bailleurs de fonds.
69Troisièmement, la présente étude suppose un programme de changement de la part des bailleurs de fonds. Compte tenu de nos observations, les bailleurs de fonds devraient reconnaître qu’ils contribuent eux-mêmes aux comportements indésirables des ONGS. Les conditions irréalisables imposées par les bailleurs de fonds sont à la base des stratégies des ONGS visant à manipuler leurs perceptions. Les bailleurs de fonds sont par conséquent eux-mêmes responsables de la méfiance qu’ils engendrent, de la création et du maintien d’une réalité virtuelle et de la réduction du potentiel d’apprentissage. Pour terminer, nous démontrons que de grandes incohérences existent entre ce que les bailleurs de fonds considèrent comme des conditions préalables essentielles pour une aide au développement privée efficace et leurs pratiques réelles. Cela veut dire que les bailleurs de fonds devraient soit revoir leurs points de départ en ce qui concerne l’efficacité de l’aide au développement privée, soit changer de comportement à l’égard des ONGS.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : conditionnalité imposée par les bailleurs de fonds, réponses organisationnelles, imputabilité, organisations non gouvernementales, bailleurs de fonds
Mise en ligne 02/01/2012
https://doi.org/10.3917/risa.774.0743Notes
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[1]
Willem Elbers travaille au Centre for International Development Issues de l’Université Radboud de Nijmegen (Pays-Bas). Courriel : W.elbers@maw.ru.nl et Bas Arts, au Forest and Nature Conservation Policy Group de l’Université et centre de recherche de Wageningen (Pays-Bas). Courriel : Bas.Arts@wur.nl
Traduction de l’article paru en anglais sous le titre : « Keeping body and soul together : Southern NGOs’ strategic responses to donor constraints ».
Copyright © 2011 IISA — Vol 77 (4) : 743-764 -
[2]
D’autres critères normatifs (comme la bonne gouvernance et la durabilité) constituent aussi des conditions, mais ils ne sont pas suivis de manière aussi stricte que le genre, tant pour l’ONGS proprement dite que pour ses projets.
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[3]
Michael (2004 : 134-139) et Bornstein (2003 : 400-401) remarquent des problèmes similaires liés au refus des bailleurs de fonds de financer les coûts de base, ce qui indique que les problèmes mis en avant dans la présente étude ne sont pas propres aux ONGS de notre échantillon.
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[4]
Les répondants soutiennent également que les financements à court terme et ponctuels sont problématiques car ils ne permettent pas de renforcer la confiance et de favoriser l’apprentissage, ce qu’ils considèrent comme des éléments essentiels pour des relations de qualité.
-
[5]
Plusieurs répondants considéraient la collecte et le traitement de données et la rédaction de rapports comme une source importante de frustration et de cynisme. Ils trouvaient non seulement que les rapports étaient peu utiles à leur propre organisation, mais l’absence de réactions les amenait également à se demander si les rapports étaient effectivement utilisés.
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Les répondants ont également indiqué que certains types d’activités ne sont tout simplement pas compatibles avec la planification axée sur des résultats prévisibles. Le responsable d’une ONG ghanéenne active dans le domaine de la paix et de la réconciliation, par exemple, nous a expliqué qu’un bailleur de fonds exigeait des prévisions détaillées des résultats des années à l’avance, alors que cela est tout simplement impossible compte tenu de la dynamique de la paix et de la réconciliation.
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Les typologies existantes (par exemple, Ashfort et Gibbs (1990), Oliver (1991), Hernes (2007) ou Alexander (1998)) ne classent pas les comportements stratégiques du point de vue explicite de l’atténuation des pressions institutionnelles contradictoires.