Couverture de RISA_762

Article de revue

L'évolution des frontières. Évolutions et risques dans la gestion du contrôle des frontières dans les pays occidentaux

Pages 279 à 301

Notes

  • [*]
    Berry Tholen est professeur adjoint au département d’administration publique, université Radboud, Pays-Bas. Traduction de l’article paru en anglais sous le titre : « The changing border : developments and risks in border control management of Western countries».
  • [1]
    Je remercie, pour leurs précieux commentaires, le rédacteur en chef et les arbitres scientifiques de cette revue, ainsi que les participants aux ateliers sur le thème de l’évolution de la nation (« The Changing Nation ») organisés lors de la conférence 2009 de l’IISA à Helsinki.
  • [2]
    Informations du département de l’Immigration et de la Citoyenneté du gouvernement australien, http://www.immi.gov.au/media/statistics/statistical-info/oad/totalmovs/totmov.htm
  • [3]
  • [4]
    Statistiques de RITA, Office américain de statistiques sur les transports (http://www.transtats.bts.gov/)
  • [5]
  • [6]
    Dans le présent article, je ne m’en remettrai pas au droit international pour identifier des critères d’évaluation des risques du nouveau contrôle frontalier, mais bien aux idéaux et aux valeurs qui semblent le sous-tendre.
  • [7]
    Voir aussi (Nozick, 1974: 176-180).
  • [8]
    De fait, la coopération européenne dans le domaine de la réglementation de l’immigration et du contrôle frontalier n’est pas totalement compatible avec l’UE. Dans cet article, je n’entrerai pas dans les complications qui découlent de cette incompatibilité.
  • [9]
    L’idée d’un modèle de cercles concentriques de frontières et de contrôle frontalier est explicitement formulée dans plusieurs documents de stratégie, comme celui de la présidence autrichienne de l’UE (Doc 9809/98, CK4, Bruxelles, juillet 1998), du ministère britannique de l’Intérieur (Our Vision and Strategy for the Future, mars 2007) ou du comité consultatif néerlandais sur les affaires étrangères (Vreemdelingenbeleid en terrorismebestrijding, 2003). Je remercie Sophie Scholten pour ces références.
  • [10]
  • [11]
    http://ec.europa.eu/budget/library/publications/budget_in_fig/dep_eu_budg_2008_en.pdf
  • [12]
  • [13]
  • [14]
    Mémo CE 08/94 Date 12/02/2008
  • [15]
    Les sanctions pour les transporteurs sont apparues dans la Convention d’application de Schengen (1990) et en 2001 dans une directive européenne.
  • [16]
  • [17]
    Comme pour l’UE, voir, par exemple, « Préparer les prochaines évolutions de la gestion des frontières dans l’Union européenne » (2008/2181(INI)) et d’autres projets mentionnés dans le rapport du PE A6-0061/2009
  • [18]
    http://www.airports.org/cda/aci_common/display/main/aci_content07_c.jsp?zn=aci&cp=1-5-54_666_2__
  • [19]
    Voir les références des notes 2 et 3.
  • [20]
    http://www.migrationpolicy.org/ITFIAF/Insight-7-Meyers.pdf, http://ec.europa.eu/budget/library/ publications/budget_in_fig/dep_eu_budg_2008_en.pdf.
  • [21]
    Voir les études et commentaires de l’UNHCR (http://www.unhcr.org/protect/PROTECTION/ 484ea4942.pdf), du Conseil de l’Europe, du Conseil européen sur les réfugiés et les exilés (http:// www.ecre.org/files/Access.pdf) et du Parlement européen.
  • [22]
    Chambre des Lords britannique, enquête sur Frontex/Date : 05-10-2007
  • [23]
    Mémo CE 08/86 du 13 février 2008
  • [24]
    Ministre italien des Affaires étrangères Frattini, communiqué de presse du 27 avril 2009 http:// www.esteri.it/MAE/EN/Sala_Stampa/ArchivioNotizie/Approfondimenti/2009/04/20090427 Frattini_CAGRE.htm?LANG=EN.
  • [25]
    Les formes de coordination internationale dans le domaine de la réglementation de l’immigration en Europe, en Amérique du Nord et en Océanie varient bien entendu. La comparaison des conséquences de ces différences sort du cadre du présent article.
  • [26]
    Communiqué de l’UNHCR du 31 mars 2009 http://www.unhcr.org/news/NEWS/49d229b72.html (dernière consultation: 17/5/09).
  • [27]
    Jandl, par exemple, fait observer une évolution dans les modes de trafic de migrants et les méthodes utilisées par les passeurs aux frontières orientales de l’Europe (Jandl, 2007). Pour des indications similaires pour le Pacifique Sud, voir Schloenhardt (Schloenhardt, 2001)
  • [28]
    Un autre exemple : les dépenses dans l’UE pour le pilier liberté, sécurité et justice (réglementation des flux migratoires incluse) en 2007-2008 ont augmenté de 16,7 %. Au cours de la même période, les dépenses consacrées à la coopération au développement et à l’aide humanitaire n’ont augmenté que de 3,3 % (http://ec.europa.eu/budget/library/publications/budget_in_fig/dep_eu budg_2008_en.pdf)

1 – Introduction [1]

1 Depuis quelques années, les gouvernements en Europe, en Amérique du Nord et en Australie introduisent de nouveaux instruments de contrôle des frontières. Les journaux européens ont par exemple informé leurs lecteurs de la création de FRONTEX, une agence européenne chargée de la coordination opérationnelle des frontières extérieures de l’UE. Aux États-Unis, les augmentations budgétaires et de personnel pour les unités de contrôle des frontières à la frontière mexicaine sont régulièrement relatées dans l’actualité. En Australie, les accords conclus avec des États insulaires tels que Nauru afin qu’ils acceptent de s’occuper des demandeurs d’asile attirent l’attention. Ces mesures sont de nature relativement différente. Chacune semble en outre liée à ces situations régionales propres : l’intégration en cours d’États membres de l’UE en Europe et les problèmes géographiques classiques en Amérique du Nord et en Océanie.

2 Ceux qui voyagent régulièrement auront cependant sans doute remarqué des évolutions similaires dans d’autres régions aussi, essentiellement dans l’usage de nouvelles technologies d’identification. Au RU, le programme utilisant ces nouveaux dispositifs s’appelle e-Border ; en Australie, on trouve SmartGate, ePassports et eVisitor ; et le département de la Sécurité intérieure aux États-Unis invite les gens à utiliser US-VISIT. Les noms sont différents, mais leur forme et leur fonction sont essentiellement les mêmes.

3 La première affirmation que nous souhaitons formuler ici est que les mesures en apparence différentes évoquées plus haut sont autant d’exemples d’évolutions similaires que ces dernières. Dans ces trois régions, de nouveaux instruments de contrôle des frontières ont été introduits au cours de ces deux dernières décennies et globalement, ces évolutions entraînent une intensification du contrôle frontalier. Dans ce nouveau système de contrôle, on s’intéresse moins à la traversée proprement dite des frontières territoriales qu’au processus dans son ensemble, des réservations auprès des compagnies aériennes et de l’émission de billets et autres demandes de visa à la surveillance des individus après leur arrivée. Cette évolution vers une nouvelle gestion des frontières entraîne plusieurs multiplications. Le contrôle aux frontières territoriales est de plus en plus associé à un système de vérifications avant et durant le voyage et après l’arrivée. En conséquence, le modèle basé sur une frontière unique n’apparaît plus comme le modèle approprié. L’image des cercles concentriques est beaucoup plus appropriée. Dans le nouveau système, en outre, les organismes existants se voient confier de nouvelles tâches, de nouveaux organismes sont créés et de nouveaux types d’acteurs sont associés à la mise en œuvre (organismes nationaux et internationaux, acteurs privés et pays tiers). Dans ce nouveau mode de contrôle des frontières, la demande d’informations (intelligentes) a augmenté et débouché sur l’introduction de nouvelles technologies et de nouveaux systèmes d’information. En somme, ce nouveau mode de contrôle des frontières a entraîné une multiplication des frontières, une multiplication des acteurs et une multiplication des données et des technologies.
L’une des principales explications donnée par les autorités pour justifier ces évolutions concerne le nombre important et en augmentation constante de voyageurs dont elles doivent s’occuper. Le nombre total de voyageurs au départ et à destination de l’Australie dépasse, et de loin, les 20 millions chaque années. [2] Le transport aérien dans la seule UE concernait 800 millions de passagers en 2004, contre 200 millions au milieu des années 70. Les déplacements entraînant une traversée des frontières de l’UE représentent un tiers de ce nombre et ont augmenté de 8 % par an ces dernières années. [3] Les États-Unis ont enregistré 300 millions de mouvements transfrontaliers en 2008. Soixante pour cent de ce nombre concerne des déplacements en voiture ou en bateau. [4] À l’instar de l’UE, les États-Unis appréhendent chaque année plusieurs centaines de milliers d’individus tentant de traverser la frontière clandestinement. [5]
Étant donné les évolutions considérables dans les instruments de contrôle des frontières, comment évaluer cette nouvelle forme de gestion des frontières dans les pays occidentaux ? Une brève analyse des multiplications indique que des arrangements plus sophistiqués et exhaustifs ont été introduits. Ces nouveaux instruments pourraient certes permettre de mieux gérer le nombre énorme de voyageurs, mais sont-ils aussi suffisamment bien pensés pour éviter les conséquences indésirables ? On peut entendre depuis quelques décennies des détracteurs parler d’enceinte autour de l’Occident, d’ensemble protégé en Occident, de forteresse européenne ou de solution pacifique (P. Andreas, T. Snyders, 2000; Pijpers, 2005; Stratton, 2002). Ce nouvel instrument de contrôle des frontières a-t-il des conséquences négatives, comme le prétendent les détracteurs ? Quels sont en réalité les risques de ce nouveau type de contrôle frontalier ?
Dans le présent article, je commencerai par décrire un cadre normatif pour évaluer les évolutions en cours dans le contrôle des frontières, en me basant sur des études dans les domaines de la théorie politique et de la philosophie du droit. Au chapitre 3, j’étaierai mon affirmation selon laquelle un nouveau type de contrôle des frontières voit le jour et donnerai un aperçu de trois multiplications interconnectées. Ensuite, dans la 4e partie, je présenterai les conséquences (probables) des multiplications au moyen d’observations issues d’études empiriques et juridiques. Enfin, en reliant ces conséquences au cadre normatif, nous pourrons épingler les risques du système de contrôle des frontières qui voit peu à peu le jour.

2 – Les objectifs et l’utilité du contrôle frontalier

4 La question centrale dans la littérature philosophique normative sur l’immigration est la question de savoir si la réglementation de l’immigration est justifiée. Les études dans ce domaine examinent si, d’un point de vue libéral (libertaire, libéral-égalitaire ou libéral-nationaliste), les frontières doivent être ouvertes ou si des arguments convaincants existent pour justifier une fermeture relative (B. Barry, R.E. Goodin, 1992; Cole, 2000; Tholen, 1997). Comme l’indique Brian Barry, même lorsqu’ils semblent défendre l’idée de frontières ouvertes au départ, ces courants philosophiques finissent par défendre un certain niveau de fermeture. S’agissant du niveau de fermeture visé, cependant, les courants philosophiques ne sont pas très précis. Ils ne seraient pas en mesure de discréditer les actuelles politiques des pays occidentaux (B. Barry, 1992). Les véritables questions concernent dès lors la sélection entre différents types de migrants potentiels et les instruments stratégiques de contrôle appropriés (Tholen, 2004).

5 Lorsque l’on tente d’identifier les valeurs qui doivent guider le choix des instruments stratégiques dans le domaine de la réglementation de l’immigration, deux domaines apparaissent. Le premier concerne la réalisation effective des objectifs des politiques et le second, les effets secondaires indésirables. Dans ce chapitre, je vais étudier ces deux domaines afin de formuler les objectifs et les valeurs devant être pris en compte dans la conception d’instruments de réglementation de l’immigration.

2.a – Réalisation efficace des objectifs

6 Les instruments de réglementation de l’immigration efficaces doivent essentiellement exclure les individus ne devant pas entrer dans le pays et garantir l’accès de ceux qui le peuvent. Il nous faut bien sûr étayer cette affirmation. Qui sont ces personnes dont l’accès doit être garanti et celles qui ne peuvent pénétrer dans le pays selon les théories politiques libérales ? [6]

7 Garantir l’accès Les théories libérales en matière de migration varient sur le plan des critères de sélection à appliquer. Certaines préconisent un accès privilégié pour les personnes, à présent à l’étranger, qui sont dans un certain sens proches et précieuses, tandis que d’autres soutiennent que cet argument ne peut être défendu d’un point de vue libéral (Carens, 1988; Tholen, 2009; Walzer, 1983). Certains soutiennent, pour donner un autre exemple, que les personnes économiquement utiles doivent bénéficier d’un accès, et pas les autres (Risse, 2008). Les différentes positions libérales s’accordent néanmoins sur un point : les frontières doivent être ouvertes aux groupes de personnes vulnérables que l’on ne peut aider qu’en les laissant entrer.

8 Les arguments classiques en faveur de l’accès des personnes vulnérables se retrouvent dans Vers la paix perpétuelle d’Emmanuel Kant. Kant nuançait le droit à la réglementation de la migration, soulignant l’importance particulière de l’endroit. Il plaidait pour un droit de visiteur pour tous les individus sur tous les territoires nationaux. La surface de notre globe étant limitée, aucun individu ni aucune communauté ne jouissent d’un droit fondamental plus grand à accéder à un endroit donné qu’un autre. On ne peut traiter avec hostilité les personnes qui arrivent sur un territoire. On ne peut expulser des personnes que lorsque ces expulsions ne présentent aucun danger pour elles. Le droit de visite (« visitors right ») n’est pas un droit d’invité (« guest right ») ; un accord mutuel supplémentaire s’impose pour devenir un participant ou un membre de cette société (Kant, 1795/1991: 3e article final). John Locke, dans son Second traité (Second Treatise), donne un autre exemple. Le droit à la propriété (ou mieux : le droit à disposer de sa propriété) est limité par une condition : il n’est légitime que si « il en reste assez, et d’aussi bonne qualité, en commun pour d’autres » (Locke, 1690/1982: 2e traité par. 27). [7] Le devoir ou le mérite d’aider les nécessiteux, le cas échéant en leur accordant un accès au territoire (et à la société), a été développé plus récemment par différents auteurs de différentes manières. Tous semblent cependant d’accord sur le fait qu’il est injustifiable de refuser l’accès et l’asile à ceux dont les besoins ne peuvent être soulagés qu’en entrant dans un pays capable de leur offrir la sécurité (Carens, 1992; Singer, 1988; Walzer, 1983: 44/5). Dans le droit international, ainsi que dans le droit national des pays occidentaux, cette idée commune a trouvé une expression un peu plus limitée dans le principe de nonrefoulement. Ce principe interdit aux pays de refuser l’accès à leur territoire à ceux qui craignent d’être persécutés (ces craintes devant être fondées).
Garantir l’exclusion En ce qui concerne la question de savoir qui peut à juste titre être exclu, on retrouve des arguments et des positions tout aussi variés dans la théorie normative. Dans les arguments nationalistes libéraux, on souligne les menaces pour une culture ou une religion communes, qui justifient l’exclusion de certains groupes (Gans, 1998; Tamir, 1993). Les partisans de la théorie égalitaire libérale s’inquiètent des menaces pour les systèmes de sécurité sociale et la cohésion sociale (Walzer, 1983; Woodward, 1992). Les inquiétudes des auteurs libertariens sont cependant communes à toutes les théories : on peut limiter l’immigration et la libre circulation lorsque l’ordre public et la sécurité sont en jeu. Cet argument est même accepté par Carens dans son article souvent cité Aliens and Citizens: the Case for Open Borders (Carens, 1987).
Ces considérations en matière d’ordre et de sécurité ont un parallèle dans les articles sur l’ordre public et la sécurité nationale dans le droit international. La réglementation de l’immigration pour des raisons de sécurité et d’ordre public semble s’être intensifiée depuis le 11 Septembre. Les étudiants dans le domaine de l’immigration internationale invoquent souvent les politiques de lutte contre le terrorisme pour expliquer les évolutions dans le contrôle frontalier évoquées au chapitre 2.

2.b – Éviter les conséquences négatives

9 Dans le discours juridique, des normes et autres règles spécifiques sont exprimées, qui limitent et orientent les gouvernements dans l’exercice de leurs compétences. Ces règles de bonne gouvernance tentent d’éviter les conséquences négatives dans la réalisation même de fins légitimes. Dans les théories libérales, les conséquences négatives pour les individus sont souvent présentées en termes de préjudices et elles distinguent différents types de préjudices : le préjudice matériel ou les coûts matériels au sens strict, le préjudice physique (blessures, risques pour la santé, mort) et le préjudice intangible (qui influence l’estime de soi, etc.) (Feinberg, 1986).
Le préjudice dans chacune de ces catégories peut survenir dans la mise en œuvre de la réglementation sur l’immigration. Les instruments employés peuvent porter préjudice à la propriété des individus ou les amener à devoir verser d’importantes sommes d’argent. Les instruments peuvent même mettre la vie de certains individus en danger. Ce serait, par exemple, le cas si l’on utilisait des mines terrestres ou des armes automatiques dans les contrôles frontaliers. Le dernier type concerne les actes brutaux ou discriminatoires qui entraînent des préjudices de nature intangible. Margalit défend l’idée qu’il faut tenir compte de ce type de préjudice. Il soutient que la bonne gouvernance n’est pas seulement une question de justice, mais aussi une question de bienséance. Les comportements brutaux et discriminatoires sont en contradiction avec le principe de bienséance et causent du tort aux individus (Margalit, 1996).
Se pose alors la question suivante : dans quelle mesure doit-on éviter les préjudices ? Plus précisément : qu’en est-il si les immigrants prennent sciemment des risques dans leur volonté de traverser les frontières et se blessent ou perdent la vie ? Si, par exemple, des migrants tentent de traverser un désert sans posséder le matériel nécessaire ou tentent de traverser la mer dans de petites embarcations, doit-on rejeter la responsabilité aux pays qui contrôlent la frontière ?
En principe, on dirait que les personnes qui prennent des mesures susceptibles d’entraîner un préjudice pour autrui doivent au moins les avertir des conséquences et des risques de leur projet. Cela s’applique aussi bien aux individus qu’aux gouvernements.
Le lien entre gouvernements et individus est par ailleurs nettement moins symétrique que celui entre individus. La responsabilité des gouvernements de s’assurer que les individus ne sont pas lésés semble plus grande que la responsabilité des individus. Plus on a de pouvoir, plus grande est la responsabilité (Mellema, 1997). Cela signifie que les gouvernements ont non seulement le devoir d’informer les individus au sujet des conséquences de leurs actions, mais qu’ils doivent aussi tenir compte du fait que malgré ces mises en garde, les individus peuvent tout de même décider de se mettre en danger, et qu’ils doivent prendre des mesures complémentaires pour éviter que leur sécurité ne soit mise en péril.
Cette brève description des objectifs justifiés de la réglementation en matière d’immigration et des types de préjudices à éviter nous apporte un ensemble de critères d’évaluation des mesures de contrôle aux frontières : garantir l’exclusion de ceux qui menacent l’ordre et la sécurité, garantir l’accès des réfugiés, éviter les traitements brutaux et discriminatoires, éviter les coûts importants pour les migrants potentiels et éviter qu’ils perdent la vie ou se blessent. Nous pouvons à présent passer à la question suivante : quelles sont les conséquences probables des nouveaux contrôles frontaliers et comment devons-nous les évaluer ?

3 – Évolutions dans le contrôle frontalier

3.a – Des municipalités aux États à la coopération régionale

10 Jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle, le sort des étrangers indésirables en Europe était globalement une affaire locale. Suite aux troubles nationaux et internationaux à partir de 1870, les gouvernements nationaux ont été amenés à participer à la préparation de la législation sur les étrangers. Le contrôle des mouvements a cependant continué à être assuré au niveau local jusqu’à un stade avancé du XXe siècle. Après la Première guerre mondiale, la mise en œuvre du contrôle frontalier a de plus en plus été centralisée au sein d’agences nationales (Leenders, 1993).
Les historiens soutiennent qu’il faut interpréter l’implication croissante du gouvernement national dans le contrôle frontalier comme un élément de l’invention et de l’évolution de l’État nation (Zolberg, 2003). Le contrôle du mouvement des personnes fait partie du « caractère d’État » (« state-ness ») des États modernes, soutient Torpey. « Depuis quelques siècles, les États sont parvenus à prendre aux prétendants rivaux, comme les églises et les entreprises privées, le «monopole des moyens légitimes de mouvement» » (Torpey, 2000: 1, 3). Ce processus a donné naissance à des agences nationales de contrôle frontalier, mais aussi à des passeports et des visas, en Europe, aux États-Unis, en Australie et ailleurs.
D’aucuns indiquent que l’intégration européenne, et le développement d’une communauté régionale post-nationale – ou plus généralement, le passage d’États modernes à des formes postmodernes de gouvernance – vont marquer la fin des contrôles frontaliers. Et en Europe, de fait, l’intégration a entraîné la libre circulation au sein du territoire commun des États membres de l’UE. [8] L’européanisation de la réglementation sur l’immigration n’a pourtant pas entraîné une réduction du contrôle frontalier aux frontières extérieures. À de nombreux égards, l’UE semble agir comme un État moderne : il existe une agence commune responsable du contrôle frontalier, de même que des règles communes pour les documents d’identification et les règles relatives aux visas, etc. Si l’européanisation de la réglementation sur l’immigration a apporté quelque chose de nouveau, c’est une intensification ou une multiplication des contrôles des mouvements. Ces multiplications ne sont de plus pas propres à l’Europe, et c’est l’idée que j’évoque dans ce chapitre.

3.b – trois multiplications dans le contrôle frontalier dans les pays occidentaux

11 Dans le cadre de la discipline de l’administration publique, nombreux sont ceux qui constatent un élargissement des façons dont les gouvernements tentent de gouverner depuis quelques décennies. Cet élargissement est désormais couramment qualifié de « gouvernance ». Ce que désigne essentiellement ce terme, c’est la participation de nombreux agents, publics et privés, dans la réalisation des objectifs gouvernementaux. Cette évolution dans la mise en œuvre se retrouve également dans le domaine de la réglementation sur l’immigration. Dans ce domaine, cependant, l’élargissement des moyens de réaliser les objectifs présente deux aspects supplémentaires : des lieux et des moments d’intervention plus nombreux et une multiplication des technologies (de données) utilisées. Ces trois évolutions sont liées de plusieurs manières, comme nous allons le voir. Je commencerai néanmoins par donner un bref aperçu de chacune d’entre elles.

12 Les lieux (et les manifestations) des frontières Le contrôle frontalier en Europe, mais aussi en Amérique du Nord et en Australie, porte de plus en plus sur le contrôle de frontières. On constate que le modèle basé sur une frontière unique cède de plus en plus souvent la place à un modèle basé sur des cercles concentriques. [9] En d’autres termes, les voyageurs et les migrants potentiels doivent traverser de nombreuses frontières avant d’atteindre leur destination, ou ils peuvent à tout le moins rencontrer une frontière à plusieurs endroits différents.

  • La première frontière rencontrée par le voyageur l’est parfois déjà dans le pays de départ. L’UE, les États-Unis et l’Australie utilisent une liste de pays dont les ressortissants doivent faire une demande de visa avant de pouvoir voyager.
  • La deuxième frontière peut être rencontrée au moment où le voyageur tente de quitter son pays ou un pays voisin en bateau ou en avion. Avant de partir, il va encore une fois tomber sur la frontière européenne, ou américaine ou encore australienne. Les pays de destination ont posté des agents de liaison dans les « pays producteurs de réfugiés », qui sont chargés de participer au contrôle des documents lors des vérifications avant l’embarquement afin de réduire le nombre de voyageurs clandestins.
  • Lorsqu’ils passent par des pays tiers pour atteindre leur destination finale, les voyageurs constatent parfois que ces pays intermédiaires bloquent leur accès à l’Europe, à l’Amérique du Nord ou à l’Australie. Ces pays de transit font en réalité office de zones tampons, en refusant l’accès aux personnes qui se verront probablement refouler une fois arrivées dans le pays de destination (Edwards, 2003; Guild, 2001; Guiraudon, 2003; Kesby, 2007; G. Lahav, V. Guiraudon, 2000; Lavenex, 1998).
La multiplication des frontières entraîne l’apparition de nouvelles formes de contrôle en dehors des frontières classiques, mais aussi sur le territoire national. En Europe, les contrôles sur les personnes traversant les frontières intérieures n’ont pas totalement disparu. Dans plusieurs pays, en outre, des contrôles frontaliers mobiles ont été mis en place au-delà des frontières, de même qu’une obligation générale d’être en possession d’une carte d’identité (Groenendijk, 2003; G. Lahav, 2004).
Agents et agences concernés Dans le domaine du contrôle des frontières, comme dans beaucoup d’autres, on observe un abandon du gouvernement au profit de la gouvernance. De nouveaux acteurs, mais aussi de nouveaux types d’acteurs sont désormais associés au contrôle frontalier depuis quelques décennies.
(Nouvelles) agences gouvernementales. En Europe, la suppression des frontières internes n’a pas entraîné de réduction du nombre d’organismes de contrôle ni des effectifs dans ce secteur. En réalité, les contrôles internes ont été maintenus et se sont renforcés, en particulier dans les aéroports et les ports, aux postes de contrôle mobiles et aux frontières extérieures (Groenendijk, 2003). Aux États-Unis, les ressources et le personnel consacrés au contrôle des frontières ont augmenté. Le budget des contrôles frontaliers aux États-Unis a régulièrement augmenté, passant de 281 milliards US$ en 1985 à 1660 milliards en 2002. Le personnel responsable du contrôle frontalier est passé de 3638 personnes en 1986 à 11 633 en 2002.
Au cours de cette période, le financement a augmenté de 519 % et les effectifs, de 221 %. [10] Au début du millénaire, l’INS comptait plus de forces armées que toute autre force fédérale de maintien de l’ordre (P. Andreas, 2000: 4; W. A. Cornelius, 2001: 662). Dans l’UE, les dépenses consacrées au volet liberté, sécurité et justice (y compris droits fondamentaux et justice, sécurité et libertés, flux migratoires) en nombres absolus ne sont pas la rubrique la plus importante inscrite au budget (0,7 milliards d’euros en 2008 sur un total de 129,1 milliards), mais c’est l’un des domaines connaissant la croissance la plus rapide. Entre 2007 et 2008, les dépenses ont augmenté à raison de 16,7 % alors que la croissance totale du budget de l’UE pour cette période n’était que de 2,2 %. [11] En Australie, le budget du département de l’Immigration et de la Citoyenneté est passé de 0,4 milliards de dollars australiens en 1999/2000 à 1,3 milliards en 2004/2005, puis à 2,0 milliards en 2009/2010. [12]
En Europe, par ailleurs, une nouvelle agence commune a vu le jour : Frontex. Elle a pour mission de coordonner et d’aider les agences nationales, de faciliter les opérations conjointes et les formations et d’organiser l’action concertée. [13] Les actions conjointes des États membres ont en outre leur place dans le réseau européen de patrouilles (REP) et elles peuvent être menées par des équipes d’intervention rapide aux frontières (RABIT). Frontex participe également à l’optimisation des systèmes de données et de leur usage par les États membres. [14]
Pays tiers. Les candidats à l’adhésion à l’UE ont, dans une certaine mesure, mis en œuvre la politique européenne d’immigration au fil des ans. Pour répondre aux critères d’adhésion, des pays comme la Pologne et la Hongrie ont copié la réglementation européenne en la matière et sont ainsi devenus de fait des agents de l’UE dans le contrôle frontalier. Ces pays et d’autres ont également intégré le système européen de réglementation en matière d’immigration dans le cadre de la politique européenne de « pays tiers sûr ». Cette politique, qui est inscrite dans la réglementation dans les autres régions, suppose que l’UE renvoie les demandeurs d’asile dans des pays de transit « sûrs ». Certains pays voisins de l’UE copient aussi cette politique (Lavenex, 2006). On observe des réactions similaires dans la relation entre les États-Unis et le Mexique (P. Andreas, T. Snyders, 2000). Des pays tiers sont aussi désormais associés dans le cadre de traités spécifiques conclus avec l’UE – par exemple, l’Afghanistan, les Balkans occidentaux, la Fédération russe et les États-Unis –, axés sur les voyageurs et les migrants (Guild, 2006). Parallèlement à ces transferts de politiques, des transferts financiers interviennent quelquefois. La Pologne, par exemple, a reçu des financements allemands pour mettre en place son système de contrôle frontalier. On trouve un exemple similaire en Australie, qui a payé deux États insulaires du Pacifique pour accueillir les demandeurs d’asile – une pratique à laquelle on a mis fin en 2008 (NRCHandelsblad, 02-08-2008).
Acteurs privés. À la fin des années 80 et au début des années 90, les pays européens [15], l’Australie, la Nouvelle-Zélande et d’autres ont commencé à imposer des amendes aux compagnies transportant des passagers n’étant pas en possession des documents de voyage nécessaires. Les compagnies aériennes et maritimes ont ainsi commencé à participer à la mise en œuvre du contrôle frontalier. Les sanctions les incitent à vérifier les documents et, afin d’éviter les amendes, elles refusent de transporter les voyageurs irréguliers (ne possédant pas tout ou une partie des documents requis). En associant les acteurs privés, ces États ont adopté une pratique qui existait aux États-Unis depuis le XIXe siècle (Zolberg, 2006). En 2004, l’UE a adopté une directive afin de recueillir des informations préalables sur les passagers pour les transférer ensuite aux autorités de l’immigration du pays de destination avant le départ. L’Europe a également adopté des règles similaires dans ce domaine, qui existaient déjà aux États-Unis. Dans le cadre de cette législation, les transporteurs privés ont encore une fois été associés au contrôle frontalier : cette fois afin de recueillir et de transférer des données. Cette obligation de recueillir et de transférer les données (les « informations préalables sur les passagers ») fait aussi intervenir d’autres agents privés, comme les agents de voyages, dans la pratique du contrôle (Guiraudon, 2001; Scholten, 2008).
Technologies et systèmes d’information La troisième multiplication concerne les technologies utilisées dans le contrôle frontalier. Celles-ci comprennent des technologies de surveillance, d’identification et de stockage/d’analyse des données.
  • Nouvelles technologies de surveillance. Depuis quinze ans, les pays occidentaux ont mis en place de nouveaux instruments afin d’identifier le franchissement illégal des frontières. Citons par exemple les outils à rayon X, les dispositifs de mesure de la température corporelle et les systèmes d’analyse de l’air, qui visent à détecter la présence de personnes cachées dans les camions ou les conteneurs maritimes (Broeders, 2007; W. A. Cornelius, 2001: 663).
  • Technologies d’identification. Aux États-Unis, en Australie et en Europe, de nouveaux instruments ont été développés et adoptés dans le domaine de la biométrie. Ils font intervenir des moyens automatisés d’identifier les individus sur la base de caractéristiques physiques ou comportementales. Ces techniques comprennent la prise d’empreintes, la lecture d’empreintes rétiniennes et de l’iris, la géométrie de la main et des doigts, les empreintes vocales et la reconnaissance faciale (Broeders, 2007; W. A. Cornelius, 2001: 663).
  • Bases de données, moteurs de recherche et dispositifs d’analyse de données. En Europe, depuis quinze ans, plusieurs systèmes de données ont été introduits et sont régulièrement améliorés : (1) Système d’information Schengen : une base de données contenant des millions d’informations sur des personnes recherchées pour divers motifs (arrestation, entrée refusée, personnes disparues ou placées sous protection policière, témoins ou personnes convoquées par la justice, surveillance discrète ou vérifications spécifiques). Le système sert divers objectifs pour différentes autorités. (2) Eurodac : une base de données contenant les empreintes digitales des demandeurs d’asile et des immigrants clandestins cherchant à entrer dans un État membre de l’UE. Son objectif est de déterminer le pays responsable de la demande d’asile. (3) Système d’information sur les visas : contient les informations transmises par les États membres sur chaque visa délivré, sur chaque décision prise à la suite d’une demande de visa, sur chaque visa refusé, annulé ou révoqué et sur chaque extension de visa (Brouwer, 2008). Des systèmes similaires ont été introduits aux États-Unis et en Australie. [16]
Parallèlement à l’introduction de nouvelles technologies, de nouveaux types de données sont recueillies :
  • des informations préalables sur les passagers relatives aux caractéristiques des réservations, aux programmes de voyage, etc.
  • les mouvements des individus (entrée et sortie) ; l’historique de leurs déplacements, mais aussi de leurs demandes de documents et de visas.
Parmi les motivations invoquées pour justifier ces mesures, citons l’élimination des menaces potentielles et, parallèlement à cela, la volonté de faciliter le passage des frontières pour les véritables voyageurs. Parmi les exemples de programmes de ce type, citons SmartGate (en Australie) et Previum et No-Q (aux Pays-Bas).
Ces différentes innovations technologiques ont amené certains observateurs à parler de « frontières électroniques » ou de « frontières numériques » (Broeders, 2007; Brouwer, 2008; Engbersen, 2001).

3.c – Multiplications interconnectées

13 Dans les chapitres qui précèdent, j’ai brièvement décrit l’introduction et l’évolution de trois types de nouvelles mesures. Les documents stratégiques dans tous les pays occidentaux laissent entendre que dans les trois domaines, d’autres nouveautés sont attendues. [17] On peut en conclure que ces dernières décennies, le contrôle frontalier s’est intensifié : des budgets plus importants, plus de personnel et une multiplication des acteurs concernés, des données recueillies et des technologies. Ces évolutions sont en outre intervenues simultanément en Amérique du Nord, en Europe et en Australie (P. Andreas, T. Snyders, 2000; W. A. Cornelius, 2004; Torpey, 2000). Tous les éléments n’étaient, c’est certain, pas neufs dans chaque région – aux États-Unis, par exemple, les acteurs privés sont associés au contrôle frontalier depuis le XIXe siècle et en Europe, des technologies particulières d’identification ont été testées et utilisées à la fin des années 30. Leur multiplication simultanée à grande échelle au niveau mondial en fait néanmoins un phénomène nouveau. Cette observation soulève quelques questions intéressantes : comment expliquer cette intensification du contrôle frontalier ? Les mesures prises dans les différentes régions sont-elles vraiment similaires, ou varient-elles au niveau de leur rythme, de leur conception ou de leurs résultats ? Quelle influence les différences géographiques, politiques et administratives entre ces régions ont-elles sur la forme et l’efficacité réelles du contrôle frontalier intensifié ? Aussi intéressantes soient ces questions explicatives, je ne tenterai pas d’y répondre dans la suite de cet article. Je m’intéresserai plutôt aux conséquences de ces multiplications.

14 En décrivant les trois multiplications, j’ai brossé le tableau d’un contrôle frontalier plus intense – une évolution quantitative. Cette description ne serait toutefois pas complète si l’on n’examinait pas le lien qui existe entre ces évolutions. Chacune d’entre elles est déterminée par les autres et présuppose leur existence. La multiplication des frontières suppose la participation de nombreux agents et l’échange de quantités massives de données. L’introduction de nouvelles technologies suppose que l’on a besoin de données devant être recueillies par de nouveaux agents.
En reliant ces différentes multiplications entre elles, on comprend mieux qu’elles font partie d’une évolution vers un type différent de contrôle frontalier. Cette nouvelle approche ne vise pas simplement à surveiller les frontières : elle vise aussi à gérer le mouvement des personnes. Elle n’est plus simplement réactive, mais bien proactive et régulatrice. Elle ne vise plus uniquement à exclure certains individus du territoire d’un État, mais aussi à bloquer le mouvement de groupes potentiellement dangereux le plus tôt possible. En somme, ces évolutions dans le contrôle frontalier se traduisent par une évolution qualitative vers un nouveau type d’instrument de réglementation des voyages et de l’immigration.

Tableau 1

Deux types de contrôle frontalier

Tableau 1
Contrôle frontalier classique Nouveau contrôle frontalier Acteurs responsables Unique Multiples Lieu et moment du contrôle Uniques Multiples et flexibles Recours à la technologie Limité Multiple type d’action Réactive Proactive Orientation du processus Au cas par cas Basé sur le risque Objet du contrôle Contrôle d’individus Contrôle des flux

Deux types de contrôle frontalier

15 Nous ne tenterons pas d’expliquer dans cet article cette évolution vers un nouveau type de gestion des frontières ; un phénomène semble toutefois étroitement lié à cette évolution : on doit faire face à un nombre énorme (et en constante augmentation) de voyageurs internationaux depuis quelques décennies. Le nombre de passagers aériens augmente de 5 % environ par an, avec un total mondial de 4,8 milliards de personnes en 2007. La majorité des vols internationaux concernent les États-Unis, l’Europe et des pays d’Asie comme le Japon. [18] Le taux de croissance annuelle des déplacements aériens internationaux à destination des pays occidentaux dans les années 90 et au début des années 2000 était supérieur à 8 %. [19]

16 Dans le présent article, cependant, je ne m’intéresse pas aux raisons de ces multiplications, mais bien à leurs conséquences.

4 – Valeurs, multiplications et risques

17 Dans ce chapitre, nous allons présenter les conséquences (probables) des multiplications et des évolutions observées dans le contrôle frontalier depuis quelques décennies. J’évoquerai les résultats d’études récentes dans le domaine du contrôle frontalier et les commentaires formulés par des ONG sur les évolutions stratégiques. Afin d’uniformiser cette description, les catégories d’objectifs et de valeurs présentées au chapitre 2 serviront de fil conducteur. Nous pourrons ainsi identifier les risques du nouveau contrôle frontalier. Une évaluation complète n’est, c’est certain, ni possible, ni voulue compte tenu de ces sources.

4.a – Exclure les menaces pour la sécurité et l’ordre

18 Les multiplications mentionnées plus haut ont, dans une large mesure, été introduites après le 11 Septembre et la sécurité de même que la lutte contre le terrorisme sont souvent invoquées parmi les motivations. Quelle est l’influence des nouvelles formes de contrôle frontalier en termes de garantie de l’ordre et de la sécurité ? Il est relativement difficile de répondre à cette question. Plusieurs fois ces dernières années, les gouvernements ont affirmé que les nouvelles mesures, y compris celles en matière de contrôle frontalier, contribuaient à prévenir les attentats terroristes. Les informations sur ces actions étant confidentielles, il est cependant impossible de vérifier ces affirmations et de s’en servir afin d’examiner la situation de plus près. Dans les études sur la police et la sécurité d’une manière plus générale, il est difficile d’établir un lien entre la criminalité et les arrestations enregistrées et les différentes mesures.

19 Même s’il n’existe aucune étude sérieuse et exhaustive, les chercheurs dans le domaine de l’immigration et les études sur la police sont sceptiques quant à l’efficacité des nouvelles formes de contrôle frontalier dans le cadre de la lutte contre la criminalité. Ils évoquent l’opinion de hauts fonctionnaires de police, qui ont de sérieux doutes quant à l’efficacité, par exemple, du contrôle frontalier mobile (Groenendijk, 2003, 146; Saux, 2007).

20 Il existe des études sur des aspects bien précis du contrôle frontalier. Certaines agences gouvernementales et autres chercheurs ont mené des études sérieuses sur l’efficacité des nouvelles mesures pour empêcher le passage d’immigrés clandestins à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Depuis le début des années 90, les États-Unis ont durci leurs mesures coercitives. Les études d’évaluation s’intéressent à l’évolution du nombre de personnes appréhendées ainsi qu’aux données issues d’enquêtes menées au sein de communautés mexicaines. En 2001, sur la base d’une analyse des arrestations, le General Accounting Office américain, par exemple, concluait en déclarant que « même si les appréhensions d’étrangers clandestins ont évolué, rien n’indique clairement que le nombre global de migrants clandestins entrant aux États-Unis par la frontière du sud-ouest a baissé » (cité dans W. A. Cornelius, 2001: 667). En 2007, une analyse d’une vaste enquête menée parmi les migrants a conduit les chercheurs à conclure que « le durcissement des contrôles frontaliers a extrêmement peu d’influence sur la propension à immigrer de manière clandestine aux États-Unis. Les restrictions politiques imposées dans le domaine de l’immigration sont loin de contrebalancer les motivations économiques et familiales à l’origine de l’immigration » (W. A. Cornelius, Salehyan, I., 2007). Une récente évaluation à grande échelle d’études faisant appel à différentes méthodologies concluait que les résultats étaient mitigés, mais que l’on pouvait dire d’une manière générale que l’intensification du contrôle frontalier n’avait que peu ou pas d’effet dissuasif et d’exclusion. L’une des conséquences manifestes du durcissement du contrôle frontalier est cependant que cela réduit la propension des migrants à quitter à nouveau le nouveau pays (pour une brève période) ; l’intensification du contrôle frontalier ne permet probablement pas de réduire le nombre de migrants ayant accès au pays, mais encourage ceux qui y sont déjà entrés à y rester (Muhlhausen, 2006).
Les observations des études axées sur les mesures prises à certaines frontières, comme celles que nous venons d’évoquer, ne peuvent simplement se généraliser aux conséquences des multiplications dans le contrôle frontalier dans son ensemble. Rien ne prouve par ailleurs que les individus qui ont l’intention de perpétrer des actes terroristes et criminels ont recours à la traversée clandestine des frontières. On peut néanmoins raisonnablement penser que si les mesures de contrôle des frontières parviennent, dans une certaine mesure, à exclure les individus et les groupes qui constituent des menaces pour l’ordre et la sécurité, ces individus et ces groupes chercheront alors d’autres itinéraires et des pays plus accessibles. La conséquence logique est alors que les gouvernements de tous les pays et de toutes les régions sont constamment amenés à maintenir « leur barrière » à un niveau au moins aussi élevé que celle des autres. (Je reviendrai sur cette « course aux arguments » par la suite, au point (d).) Le risque qui en découle est que les coûts du contrôle frontalier ne cessent d’augmenter même si son efficacité reste parfois relativement limitée dans les faits. Les coûts du contrôle frontalier dans l’UE (sans prendre en compte les coûts calculés dans les budgets des États membres) augmentent chaque année de plus de 15 %. Aux États-Unis, les coûts sur une période de 17 ans ont augmenté de plus de 500 % (W. A. Cornelius, 2001). [20]

4.b – Le non-refoulement

21 Les analystes ont mis en avant les conséquences de la multiplication des acteurs dans le contrôle frontalier, et celles-ci ont une résonance familière pour les personnes qui connaissent les ouvrages d’AP axés sur le passage du gouvernement à la gouvernance : les conséquences indésirables de l’autonomie des agences : les transporteurs sont incités, compte tenu des sanctions possibles, à ne pas laisser entrer les personnes qui ne sont pas en possession des documents requis, même lorsqu’il s’agit de réfugiés. Les pays tiers, suite à des accords conclu avec l’UE, par exemple (ou qui appliquent l’acquis communautaire en vue d’une adhésion future), ont tendance à être moins enclins à assurer la protection des réfugiés que les États membres de l’UE, surveillés de près. Les agences dans l’UE et aux États-Unis ont elles-mêmes davantage tendance à privilégier l’exclusion des étrangers dangereux potentiels par rapport à l’inclusion des étrangers dans le besoin. Le fait de passer à côté d’un seul terroriste peut avoir de graves conséquences pour l’agence concernée, contrairement sans doute à l’exclusion accidentelle d’un certain nombre de réfugiés. [21] En somme, la multiplication des nouvelles agences, des acteurs privés et des pays tiers se traduit par un nouveau système de contrôle frontalier, qui a tendance à accorder la priorité à l’exclusion des individus non désirables tout en se désintéressant de l’inclusion des individus qui devraient se voir accorder un accès.

22 On a également épinglé un autre problème bien connu de la gouvernance dans le domaine du contrôle frontalier. Les critiques observent que les compétences mandatées de FRONTEX s’étendent rapidement tandis que le contrôle exercé sur cette agence reste relativement limité. Ils craignent tout particulièrement que l’agence n’accorde pas suffisamment d’importance aux droits humains. [22]

23 La multiplication des agents a amené les gouvernements à mettre au point de nouvelles façons de venir à bout des problèmes de coordination. Voici quelques exemples au niveau national : le programme néerlandais de gestion des frontières, le programme britannique E-border, au niveau de l’UE, EUROSUR[23], l’initiative Secure Border aux États-Unis et le Border Protection Command en Australie. Ces mécanismes de coopération font intervenir de nombreux acteurs privés et publics. Au niveau européen, Frontex tente de coordonner des activités transnationales. Les pays tiers peuvent eux aussi prendre part aux opérations conjointes de Frontex. Certains optent pour « la participation la plus large possible des pays tiers dans ces opérations communautaires ». [24] Dans ces réseaux organisés d’organisations, l’objectif consistant à exclure ceux qui doivent être exclus semble encore une fois l’emporter. Les organisations associées à ces réseaux et en particulier celles qui assurent la direction s’intéressent avant tout à l’ordre et à la sécurité. Dans le programme néerlandais de gestion des frontières, par exemple, l’autorité nationale de lutte contre le terrorisme joue un rôle déterminant. En outre, les programmes développés s’accompagnent généralement d’actions coercitives conjointes et produisent des données pouvant être utilisées dans l’analyse des risques. Ces nouveaux programmes de coopération mentionnent explicitement en tant qu’objectif principal la volonté d’empêcher les personnes d’entrer clandestinement dans l’UE ; la volonté de garantir le respect des droits humains aux demandeurs d’asile n’apparaît que rarement, voire jamais. [25] L’UNHCR a souligné le fait que certaines des personnes qui tentent de traverser la frontière clandestinement ont besoin d’une protection : « (En 2008, plus de 36 000 personnes sont arrivées en Italie par la mer depuis l’Afrique du Nord. Quelque 75 pour cent d’entre elles ont demandé l’asile et 50 pour cent environ parmi celles-ci ont bénéficié d’une certaine forme de protection internationale de la part des autorités italiennes ». [26]

24 Ce n’est pas seulement la multiplication des agents (gouvernance) qui augmente les chances d’exclusion des demandeurs d’asile. La multiplication des données peut aussi bloquer l’accès des personnes ayant besoin d’un asile. Les bases de données sur la migration qui sont reliées à des casiers judiciaires et à des listes de terroristes peuvent contenir des données erronées impossibles à vérifier sur-le-champ. En général, la collecte et l’assemblement de volumes de données de plus en plus importants augmentent aussi la possibilité d’erreurs. Les noms non occidentaux contenus dans les bases de données sont faciles à confondre, pour des raisons d’orthographe ou lorsque plusieurs personnes portent des noms identiques (Brouwer, 2002).
La multiplication des agents, associée à l’existence de nouvelles données et à l’usage de données dans différents systèmes, augmente considérablement le risque d’exclusion injustifiée dans le cadre du nouveau système de contrôle des frontières.

4.c – Absence de discrimination et de brutalité

25 Dans la forme simple de contrôle frontalier, les agents de la patrouille frontalière essaient de faire le meilleur usage possible de leur temps en examinant les papiers de certains voyageurs de plus près que ceux d’autres voyageurs. Ces façons de travailler sont souvent qualifiées de discriminatoires. La multiplication des frontières entraîne de plus grandes chances de discrimination. Des plaintes ont été rapportées dans les pays d’Europe concernant des membres de certains groupes de résidents autorisés ou de visiteurs qui sont sans cesse appréhendés dans le cadre de contrôles dans les gares ferroviaires, etc. Groenendijk signale l’existence d’observations similaires aux États-Unis et conclut que « généralement, on ne fait que rarement, voire pas du tout, attention aux effets négatifs de ces nouveaux contrôles » (Groenendijk, 2003: 142/3).

26 La multiplication des lieux et des moments des contrôles frontaliers n’est pas l’unique facteur responsable de la propension plus grande à la discrimination ; l’utilisation de nouvelles technologies y contribue également. La présence de vastes bases de données et de la technologie incite à combiner les données et à développer/utiliser des profils de recherche. Ici aussi, certains individus se font sans cesse appréhender en vue d’être contrôlés.

27 D’une manière générale, l’introduction de nouvelles technologies peut être avantageuse pour les voyageurs, par exemple lorsque cela permet de réduire les files d’attente. Mais cela veut aussi dire que de nouveaux risques peuvent provoquer de longs retards et des expériences encore plus désagréables. La collecte de données par de nombreuses agences, l’association de différents types de données par des agences qui ont toutes leurs habitudes et leurs objectifs propres, la possibilité d’erreurs à tous les niveaux et la possibilité de manipulation des données (à des fins d’usurpation d’identité) créent un risque de refus d’accès. Les individus, dans ce cas, se retrouvent dans la position difficile de devoir prouver que les données officielles sont erronées.

28 La plupart des individus ne savent pas si leurs données sont reprises dans des bases de données utilisées par le contrôle frontalier ; et lorsqu’elles le sont, ils ignorent pourquoi (Brouwer, 2008). Ils ne découvrent qu’ils sont repris dans la base de données que lorsqu’ils se voient refuser un visa ou l’accès à un pays.

4.d – Éviter les coûts élevés pour les voyageurs et les migrants

29 Le recours accru aux systèmes électroniques dans le contrôle frontalier permet de traiter d’importants volumes de passagers dans les aéroports et de voyageurs à d’autres points de contrôle frontalier. Chaque année, des milliards de passagers passent par les terminaux aériens, et beaucoup d’entre eux font l’objet de contrôles frontaliers dans ce cadre. Les voyageurs voient sans doute dans le développement de systèmes de frontières électroniques une réduction considérable des files d’attente et des temps d’attente par rapport à ce qu’ils connaîtraient sans cela. C’est précisément cet avantage qui est souligné sur les sites Web des autorités frontalières et dans les communiqués de presse pour expliquer l’introduction de nouvelles mesures.

30 Elles ont cependant d’autres conséquences aussi. Comme indiqué plus haut, lorsque le contrôle frontalier s’est intensifié sur la frontière entre le Mexique et les États-Unis, les individus désireux de traverser la frontière ont simplement changé d’endroit. Cela a également entraîné un renforcement de « l’aide professionnelle » pour traverser les frontières clandestinement. Les honoraires des coyotes (les trafiquants professionnels de migrants clandestins sur la frontière séparant les États-Unis du Mexique) ont doublé, voire quadruplé en dix ans à partir du début des années 90. Le nombre de leurs clients a lui aussi augmenté compte tenu de la difficulté plus grande à traverser la frontière clandestinement (W. A. Cornelius, 2001: 668; R.T. Guerette, 2005). En Europe, selon les analystes, le durcissement des règles en matière de visas a entraîné une augmentation du nombre de migrants faisant appel à des trafiquants (Guiraudon, 2003: 210).
Les multiplications dans le contrôle frontalier, plus généralement, semblent entraîner l’apparition de nouveaux itinéraires (de migration clandestine) et de nouvelles méthodes. [27] Cela se traduit par une course aux armements dans le domaine du passage des frontières (Heckman, 2007), ce qui entraîne une hausse des dépenses publiques (« Des technologies de contrôle plus rapides, moins chères et plus fiables s’imposent » (Riley, 2006: 609) (Sassen, 2006). Les coûts augmentent aussi cependant pour les personnes désireuses de traverser les frontières clandestinement. Ces coûts correspondent de fait à des situations de traite des êtres humains et d’esclavage. En fermant certains itinéraires de voyage et de migration, les individus se sentent parfois obligés de prendre le risque de s’en remettre sans le savoir à des médiateurs associés à la traite de personnes et à la prostitution forcée (Twomey, 2000).

4.e – Éviter les morts

31 L’argent et la liberté ne sont pas les seuls éléments en jeu ; dans certains cas, il en va parfois de la vie des migrants. Entre octobre 1997 et juin 2001, 1013 migrants ont perdu la vie en essayant de traverser la frontière au sud-ouest des États-Unis, et ces chiffres sont sans doute en dessous de la réalité. Les données font apparaître une augmentation du nombre d’individus qui perdent la vie en essayant d’entrer clandestinement aux États-Unis. Le facteur explicatif serait que l’intensification du contrôle frontalier oblige les migrants à tenter leur chance dans des régions à l’environnement plus hostile. La politique de la dissuasion ne semble pas fonctionner puisque certains individus sont connus pour avoir tenté de traverser la frontière entre le Mexique et les États-unis pas moins de cinq fois, parfois plus (W. A. Cornelius, 2001: 667-671; R. T. Guerette, 2007).

32 Des conclusions similaires ont été tirées dans le cas de l’Europe. Les ONG estiment, sur la base de coupures de presse, à plus de 7000 le nombre de victimes entre 1993 et 2006. D’après Spijkerboer, les données disponibles n’indiquent pas que le renforcement des contrôles frontaliers de ces dernières années a entraîné une baisse du nombre de migrants clandestins. Plutôt que de renoncer à leur projet d’entrer en Europe, ces migrants ont simplement choisi des itinéraires de migration plus dangereux, des itinéraires qui les exposent à des risques encore plus grands (Amnesty, 2005; voir aussi Carling, 2007; Spijkerboer, 2007: 131). La région du Pacifique Sud, où les gens tentent de se rendre en Australie à partir d’Indonésie, surtout, émet des observations similaires (Edwards, 2003; Stratton, 2002).

Tableau 2

Les conséquences des multiplications à des fins spécifiques

Tableau 2
Multiplications Valeurs Lieux Agents technologies Garantir la sécurité et l’ordre Risque d’augmentation des mesures coûteuses sans amélioration de l’efficacité Risque d’augmentation du nombre d’acteurs concernés sans amélioration de l’efficacité Risque d’introduction de nouvelles technologies et de collecte de données plus nombreuses sans amélioration de l’efficacité Garantir un endroit sûr pour les réfugiés Exclusion en raison d’obstacles supplémentaires pour les migrants irréguliers Exclusion en raison de la structure d’incitation des agents Exclusion en raison de données erronées Absence de discrimination et de brutalité Appréhensions répétées Agents concernés qui agissent dans des environnements moins surveillés Discrimination dans le cadre de techniques de profilage Absence de coûts élevés pour les migrants et les voyageurs Recours accru aux passeurs en raison de la surveillance accrue Recours accru aux passeurs en raison de la multiplication des patrouilles frontalières Recours accru aux passeurs en raison des nouvelles technologies de détection Éviter les morts Perdent la vie en tentant d’échapper à de nouveaux sites de contrôle Perdent la vie en tentant d’échapper à des contrôles intensifiés Perdent la vie en tentant d’échapper à de nouveaux outils de surveillance

Les conséquences des multiplications à des fins spécifiques

5 – Conclusion

33 En Europe, en Amérique du Nord et en Australie, le contrôle frontalier a évolué ces dernières décennies. Cette évolution est d’ordre numérique : plus d’argent, plus de personnel, plus d’acteurs concernés, plus de technologie, etc. L’évolution est cependant aussi de nature plus fondamentale. Le contrôle frontalier a renoncé aux stratégies réactives au profit de stratégies proactives, le contrôle des voyageurs aux frontières au profit de la gestion des risques, le contrôle de l’identification au profit de la collecte de tous types de données et de leur utilisation à des fins de gestion de la mobilité à divers endroits de la planète. Cette nouvelle forme de contrôle frontalier entraîne une multiplication des frontières, ce qui débouche sur un modèle de contrôle frontalier semblable à des cercles concentriques ; il entraîne une multiplication des agences concernées, ce qui débouche sur une mise en œuvre de type « gouvernance » du contrôle frontalier ; et elle entraîne une multiplication des technologies, de la collecte et du traitement de données, ce qui débouche sur des procédures fortement automatisées.
Si le nouveau type de gestion des frontières permet d’assurer un flux relativement ordonné de milliards de voyageurs chaque année, il présente aussi certains risques.
La façon dont ce nouveau contrôle frontalier est organisé, les acteurs concernés et les incitants dont ils bénéficient, le type de données qui sont recueillies et la façon dont les données sont utilisées font ressortir l’intention de ne pas laisser entrer des individus qui sont potentiellement dangereux : les terroristes, les criminels. Il est difficile de dire si le nouveau contrôle frontalier est réellement efficace dans la réalisation de cet objectif. Ce dont on est plus sûr, cependant, c’est que le nouveau contrôle frontalier est moins soucieux de garantir l’accès aux personnes qui en ont besoin : les demandeurs d’asile. De fait, beaucoup de personnes à la recherche d’un asile ont plus de mal à se rendre aux États-Unis, en Europe ou en Australie compte tenu de ces multiplications. Le nouveau contrôle frontalier semble en outre entraîner plus de discrimination, un recours accru aux passeurs et une augmentation du nombre de décès chez ceux qui tentent de rejoindre l’Europe, les États-Unis ou l’Australie clandestinement.
La littérature éthique et philosophique sur la migration ne propose aucun critère précis pour évaluer la réglementation en matière de migration et les instruments utilisés dans ce cadre. Tout dépend par ailleurs du type de théorie libérale adopté en tant que principe directeur. Les différentes théories se rejoignent néanmoins sur certains points. Elles parlent toutes du devoir de venir en aide aux personnes dans le besoin, et plus particulièrement aux demandeurs d’asile. Une analyse des valeurs de base des théories libérales nous a aussi amenés à la question du respect des individus, qui constitue un principe directeur dans la réalisation de tout objectif justifiable.
Si l’on considère ces objectifs et ces valeurs libéraux sérieusement, il y a de bonnes raisons de remettre en question le nouveau système de contrôle frontalier. Quelle conclusion doit-on cependant tirer compte tenu des conséquences négatives du nouveau contrôle frontalier observées ?
Il existe deux réponses simples (et incompatibles) à cette question. La première est que les conséquences indésirables de l’instrument font que l’objectif proprement dit doit être discrédité. Si la réglementation en matière d’immigration exige ce type de contrôle frontalier, c’est qu’elle est elle doit être inappropriée. C’est la réaction qui est sous-entendue dans de nombreux commentaires émis récemment sur le contrôle frontalier occidental, qui emploient des métaphores telles que « forteresse », « communauté protégée » et « enceintes » (la forteresse Europe, le Mur autour de l’Occident, etc.). L’autre réponse adopte le point de vue opposé et soutient que malgré les lacunes actuelles dans le nouveau système de contrôle frontalier, les raisons de le développer existent. C’est la réaction que l’on observe souvent dans les débats politiques et les documents stratégiques spécialisés : il faut utiliser des méthodes plus sophistiquées, des technologies plus intelligentes, une coordination à plusieurs niveaux, etc. Cette seconde réponse n’est guère convaincante car elle suppose de nouvelles multiplications, ce qui ne ferait qu’accroître les risques. La première réponse se fonde sur une interprétation trop simpliste du lien entre l’objectif et l’instrument : trop simple sur le plan empirique (le nouveau contrôle frontalier ne semble pas être la seule forme possible de réglementation en matière de migration), et trop simple dans un sens plus fondamental (si tous les objectifs et les politiques perdent leur légitimité en raison d’effets secondaires négatifs, aucun objectif ou politique justifiable n’a de chances de subsister).
La première réponse a néanmoins assurément raison en indiquant que les instruments et les objectifs doivent être pris en considération ensemble. Le choix d’un instrument stratégique spécifique peut supposer que les objectifs stratégiques doivent être reconsidérés. Le maintien du nouveau système de contrôle frontalier a eu des conséquences voulues, mais aussi indésirables, auxquelles on pourrait remédier en revoyant la politique de migration. L’introduction d’une politique d’immigration réglementée en matière de travail (par un système de Cartes vertes, etc.) pourrait permettre de réduire les tentatives d’immigration clandestine. Et les politiques consistant à créer des lieux d’asile pour les réfugiés dans d’autres régions du monde feraient aussi partie de cette solution. Des initiatives dans ces deux directions existent déjà, mais leur portée semble encore relativement limitée (il n’existe pas de multiplication dans ces domaines qui soit comparable à celle qui s’est produite dans le contrôle frontalier comme indiqué plus haut) (Boswell, 2003; Spijkerboer, 2007). [28]
La seconde réponse, celle qui cadre avec la logique managériale de la gouvernane et les solutions technologiques, pourrait aussi être approfondie : la littérature sur la gouvernance et sur la technologie propose des mesures complémentaires de contrôle pour réduire les risques. Dans le domaine du contrôle frontalier, cela supposerait :

  • Un contrôle gouvernemental renforcé des acteurs concernés et des différents types d’incitants ; un plus grand contrôle du développement et de l’usage de la technologie.
  • Les individus devraient en savoir davantage sur les données recueillies, sauvegardées, traitées et utilisées et avoir leur mot à dire dans ce domaine.
  • D’autres types d’acteurs devraient être associés également aux réseaux d’agences, comme les associations de migrants et de voyageurs.
Globalement, ces élaborations réformistes des deux réponses simples pourraient permettre de réduire les risques du nouveau système de contrôle frontalier. Des recherches plus précises s’imposent avant de pouvoir déterminer si c’est effectivement le cas et quelle forme prendraient ces élaborations. Il ne fait cependant aucun doute qu’une terminologie bien tournée et de nouveaux outils fièrement présentés ne disent pas tout au sujet du nouveau système de contrôle frontalier.

Bibliographie

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  • Zolberg, A. R. (2006). A Nation by Design: Immigration Policy in the Fashioning of America. Cambridge (Ma): Harvard UP.

Notes

  • [*]
    Berry Tholen est professeur adjoint au département d’administration publique, université Radboud, Pays-Bas. Traduction de l’article paru en anglais sous le titre : « The changing border : developments and risks in border control management of Western countries».
  • [1]
    Je remercie, pour leurs précieux commentaires, le rédacteur en chef et les arbitres scientifiques de cette revue, ainsi que les participants aux ateliers sur le thème de l’évolution de la nation (« The Changing Nation ») organisés lors de la conférence 2009 de l’IISA à Helsinki.
  • [2]
    Informations du département de l’Immigration et de la Citoyenneté du gouvernement australien, http://www.immi.gov.au/media/statistics/statistical-info/oad/totalmovs/totmov.htm
  • [3]
  • [4]
    Statistiques de RITA, Office américain de statistiques sur les transports (http://www.transtats.bts.gov/)
  • [5]
  • [6]
    Dans le présent article, je ne m’en remettrai pas au droit international pour identifier des critères d’évaluation des risques du nouveau contrôle frontalier, mais bien aux idéaux et aux valeurs qui semblent le sous-tendre.
  • [7]
    Voir aussi (Nozick, 1974: 176-180).
  • [8]
    De fait, la coopération européenne dans le domaine de la réglementation de l’immigration et du contrôle frontalier n’est pas totalement compatible avec l’UE. Dans cet article, je n’entrerai pas dans les complications qui découlent de cette incompatibilité.
  • [9]
    L’idée d’un modèle de cercles concentriques de frontières et de contrôle frontalier est explicitement formulée dans plusieurs documents de stratégie, comme celui de la présidence autrichienne de l’UE (Doc 9809/98, CK4, Bruxelles, juillet 1998), du ministère britannique de l’Intérieur (Our Vision and Strategy for the Future, mars 2007) ou du comité consultatif néerlandais sur les affaires étrangères (Vreemdelingenbeleid en terrorismebestrijding, 2003). Je remercie Sophie Scholten pour ces références.
  • [10]
  • [11]
    http://ec.europa.eu/budget/library/publications/budget_in_fig/dep_eu_budg_2008_en.pdf
  • [12]
  • [13]
  • [14]
    Mémo CE 08/94 Date 12/02/2008
  • [15]
    Les sanctions pour les transporteurs sont apparues dans la Convention d’application de Schengen (1990) et en 2001 dans une directive européenne.
  • [16]
  • [17]
    Comme pour l’UE, voir, par exemple, « Préparer les prochaines évolutions de la gestion des frontières dans l’Union européenne » (2008/2181(INI)) et d’autres projets mentionnés dans le rapport du PE A6-0061/2009
  • [18]
    http://www.airports.org/cda/aci_common/display/main/aci_content07_c.jsp?zn=aci&cp=1-5-54_666_2__
  • [19]
    Voir les références des notes 2 et 3.
  • [20]
    http://www.migrationpolicy.org/ITFIAF/Insight-7-Meyers.pdf, http://ec.europa.eu/budget/library/ publications/budget_in_fig/dep_eu_budg_2008_en.pdf.
  • [21]
    Voir les études et commentaires de l’UNHCR (http://www.unhcr.org/protect/PROTECTION/ 484ea4942.pdf), du Conseil de l’Europe, du Conseil européen sur les réfugiés et les exilés (http:// www.ecre.org/files/Access.pdf) et du Parlement européen.
  • [22]
    Chambre des Lords britannique, enquête sur Frontex/Date : 05-10-2007
  • [23]
    Mémo CE 08/86 du 13 février 2008
  • [24]
    Ministre italien des Affaires étrangères Frattini, communiqué de presse du 27 avril 2009 http:// www.esteri.it/MAE/EN/Sala_Stampa/ArchivioNotizie/Approfondimenti/2009/04/20090427 Frattini_CAGRE.htm?LANG=EN.
  • [25]
    Les formes de coordination internationale dans le domaine de la réglementation de l’immigration en Europe, en Amérique du Nord et en Océanie varient bien entendu. La comparaison des conséquences de ces différences sort du cadre du présent article.
  • [26]
    Communiqué de l’UNHCR du 31 mars 2009 http://www.unhcr.org/news/NEWS/49d229b72.html (dernière consultation: 17/5/09).
  • [27]
    Jandl, par exemple, fait observer une évolution dans les modes de trafic de migrants et les méthodes utilisées par les passeurs aux frontières orientales de l’Europe (Jandl, 2007). Pour des indications similaires pour le Pacifique Sud, voir Schloenhardt (Schloenhardt, 2001)
  • [28]
    Un autre exemple : les dépenses dans l’UE pour le pilier liberté, sécurité et justice (réglementation des flux migratoires incluse) en 2007-2008 ont augmenté de 16,7 %. Au cours de la même période, les dépenses consacrées à la coopération au développement et à l’aide humanitaire n’ont augmenté que de 3,3 % (http://ec.europa.eu/budget/library/publications/budget_in_fig/dep_eu budg_2008_en.pdf)
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