Couverture de RISA_754

Article de revue

Pour une présentation réelle et objective de l'information financière publique – Analyse des lacunes en Allemagne et recommandations dans le cadre du programme de réforme

Pages 783 à 794

Notes

  • [*]
    Ulf Papenfuß est adjoint de recherche et s’intéresse plus particulièrement à la gestion financière publique et à la gouvernance publique, université Helmut-Schmidt, Hambourg. Allemagne.
  • [**]
    Christina Schaefer est professeure de gestion publique et ses recherches portent essentiellement sur la gestion financière publique et la gouvernance publique, université de sciences appliquées de Berlin. Traduction de l’article paru en anglais sous le titre : “Public financial reporting in true and fair terms – Discussion on shortfalls in Germany and recommendations for the reform agenda”.
  • [1]
    Les auteurs remercient les deux arbitres scientifiques pour leurs précieux commentaires.
  • [2]
    Étant donné l’absence de définitions standard internationales généralement acceptées pour classer les formes d’organisations dans le cadre desquelles les activités du secteur public sont réalisées, le terme « coopération », dans le cadre de notre article, concerne les « entreprises que l’État contrôle de façon significative parce qu’il en est propriétaire ou qu’il détient une participation majoritaire ou minoritaire significative » (définition de l’OCDE du terme « entreprises publiques », OCDE, 2004). Cela comprend les cas où l’État détient une participation relativement limitée dans une entreprise mais se doit néanmoins d’agir comme un actionnaire responsable et informé (OCDE, 2004).
  • [3]
    Dans ce contexte, voir aussi le règlement (CE) n° 254/2009 de la Commission européenne du 25 mars 2009 modifiant le règlement (CE) n° 1126/2008 portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, pour ce qui concerne l’interprétation 12 du Comité d’interprétation des normes internationales d’information financière (IFRIC).

1 – Objet [1]

1On observe une tendance internationale qui consiste à confier les activités du secteur public à des sociétés externes au secteur public proprement dit. En conséquence, les coopérations [2] ont gagné en importance dans le cadre de la gestion financière publique ainsi que dans la prestation de services publics. Ce processus a renforcé le poids financier des coopérations par rapport au secteur public fondamental et donc aussi leur influence sur la situation financière du secteur public, en particulier aux niveaux des gouvernements régionaux et locaux. En outre, les activités des coopérations ont une influence considérable sur l’efficience, l’efficacité et la qualité des services publics, et elles assurent également leur durabilité (Grossi/Mussari, 2008, Batista/Benito, 2006).

2Afin de retrouver un système de direction et d’information pour le gouverne ment ainsi que pour l’administration publique, des rapports financiers consolidés s’imposent, qui incluent les coopérations. Indépendamment des analyses essentiellement techniques sur les informations comptables et financières qui s’imposent, il ne faut pas oublier l’objectif premier de toutes les réformes de la gestion financière publique : offrir une base d’information et de gestion de sorte à ce que les activités du secteur public puissent être effectuées de façon efficiente et efficace (Pollitt, 2001). En Allemagne, par exemple, les référendums contre la poursuite de la privatisation de la prestation de service public se multiplient et le nombre de citoyens qui y participent connaît une forte hausse, ce qui illustre les angoisses qui existent au sujet de la baisse de la qualité et de la hausse des prix.

3Le présent article s’intéresse essentiellement à la corporatisation des activités de l’État dans le contexte de l’information financière publique. Le but est d’examiner les principales réformes nécessaires et la façon d’améliorer les critères de notification et de consolidation afin de mieux tenir compte des particularités du secteur public. Nous verrons que peu de mesures s’imposent pour axer le débat essentiellement technique sur son objectif fondamental : la prestation efficace et efficiente des services publics.

4Dans la deuxième partie, nous mentionnons par conséquent les objectifs des systèmes comptables et d’information financière. Cela nous permettra d’évaluer les actuelles réformes de la gestion financière telles qu’elles sont menées dans la partie 3, et de formuler des recommandations pour la suite, comme nous le proposons dans la partie 4.

2 – Les principaux objectifs des systèmes de comptabilité générale et d’information financière : le principe directeur pour les prochaines étapes de réforme

5Afin d’analyser la situation des réformes de la gestion financière publique et de formuler des recommandations pour la suite, il convient de déterminer les objectifs des systèmes de comptabilité et d’information financière. Une fois les objectifs définis, nous pourrons définir les obligations qui s’ensuivent.

6Au début du processus de réforme, les détracteurs ont notamment attribué la situation peu satisfaisante des systèmes de comptabilité publique et d’information financière publique à la poursuite simultanée d’un nombre trop grand d’objectifs (Mülhaupt, 1993, Public Audit Forum, 2002, Jones, 2006). Ils ont aussi accentué la nécessité de rappeler les objectifs urgents et principaux. Quelle que soit la méthode comptable choisie, ou sa situation dans la gamme des modalités, entre la comptabilité de caisse et la comptabilité d’exercice, tout le monde est d’accord pour dire que l’objectif premier de tout système de comptabilité et d’information financière doit être « d’offrir des informations utiles pour éclairer la prise de décisions ainsi que les plus adaptées pour répondre au besoin de responsabilité des ressources (cependant définies) » (OCDE, 1993, cf. Benito/Brusca/Montesinos, 2007, Naik, 2005, Lüder, 2007).

7La conception et la mise en œuvre de la méthode et du système précis, ainsi que le principal défi des réformes de la gestion financière publique, sont essentiellement définis en répondant à la question suivante : « quel est le système de comptabilité et d’information financière le plus approprié pour répondre aux besoins des utilisateurs de l’information financière, compte tenu des obligations de rendement et comptables actuellement applicables à l’environnement du secteur public ? » (OCDE, 1993, cf. Carnegie, 2005).

8Lüder, par exemple, applique cette approche pour définir des obligations de base en matière de comptabilité et d’information financière applicables aux besoins en information propres à la nouvelle gestion d’un État moderne. Pour répondre aux besoins en information d’un État moderne dans le cadre de la prise de décisions et de la comptabilité, la comptabilité et l’information financière doivent viser à offrir, premièrement, des informations clairement structurées sur les coûts et les résultats et, deuxièmement, une information financière, pour donner au Parlement et aux citoyens un aperçu objectif et complet de l’ensemble des activités du secteur public.

9Selon l’opinion prédominante, ces deux objectifs exigent des informations financières qui donnent un aperçu objectif et réel de l’actif net, de la situation financière et des résultats des opérations (Carnegie, 2005, Lüder, 2007). En conséquence, la transparence de l’information financière dans le secteur public exige non seulement une exhaustivité des informations sur l’actif et le passif du secteur public propre ment dit, mais aussi une information financière sur l’ensemble des activités qui font intervenir des entités gouvernementales connexes (FIC, 2006).

3 – Réflexions sur « l’évasion du budget » et la « recherche de niches dans le budget »

10Depuis plusieurs décennies, le secteur périphérique de nombre de pouvoirs publics s’est développé de manière constante au détriment du secteur public proprement dit. En conséquence, l’influence des coopérations a gagné en importance dans deux aspects principaux :

  • La prestation et la qualité des services publics, et
  • Le rendement financier
Ces évolutions dans l’environnement du secteur public ont à leur tour suscité des changements dans les obligations comptables pour répondre aux objectifs fondamentaux mentionnés dans la partie 2. Cette question est examinée dans la littérature depuis un certain temps, et plus particulièrement en ce qui concerne les états financiers consolidés. Les réflexions sur la situation de la réforme de la gestion financière publique en Allemagne doivent cependant tenir compte de deux éléments :
  1. La comptabilité et l’information de caisse dans le secteur public fondamental ne permettent plus d’atteindre les objectifs premiers.
  2. Dans l’actuelle réforme financière du secteur public, la comptabilité et les systèmes d’information financière d’exercice ne permettent pas non plus d’atteindre les objectifs premiers.
1. La comptabilité de caisse dans le secteur public fondamental, qui est encore pratiquée en Allemagne dans une certaine mesure, a favorisé l’externalisation des entités du secteur public endettées. Cette méthode permet donc au secteur public de dissimuler sa situation d’endettement et, par exemple, ses déficits dans la gestion des ressources humaines en transférant son autorité financière et son personnel au secteur périphérique (Edeling/Stölting/Wagner, 2004). Dans le contexte de la réforme allemande, ce comportement est considéré comme « Flucht aus dem Budget » : une « évasion du budget ». Celui-ci a accusé des déficits avec des conséquences à long terme pour le rendement financier du secteur public.

11Étant donné l’incompatibilité entre le système de comptabilité d’exercice pratiqué dans le secteur privé et le système de compatibilité de caisse, les dettes dissimulées dans ce qu’on appelle les « Schattenhaushalten » (les « budgets fictifs ») deviennent simplement invisibles. Par exemple, la ville de Solingen (165 000 habitants) est parvenue à obtenir un budget dépourvu de dettes en transférant l’ensemble de ses dettes, environ 75% de ses investissements et 40% de son personnel, depuis le centre vers le secteur périphérique (Srocke, 2004). En réalité, cependant, les dettes continuent à augmenter rapidement. Les enquêtes au niveau du gouvernement local ont démontré que dans de nombreux cas, plus de 50% des emprunts contractés par les autorités locales allemandes servent à régler les dettes des activités décentralisées du secteur public (Edeling/Stölting/Wagner, 2004). La corporatisation n’est pas la seule responsable, mais très souvent, la décentralisation d’unités publiques exige en effet des emprunts à court terme coûteux et peut entraîner de sérieux coûts à long terme compte tenu de la responsabilité constante de l’autorité publique. Cela comprend le risque d’insolvabilité, le manque à produire, etc. On constate un besoin urgent de faire face à ce problème. Les emprunts à long terme du gouvernement central ont augmenté de 2,6 % entre 2005 et 2006 et les emprunts à court terme, plus chers (en termes de taux d’intérêt), de pas moins de 11,9 % (Office statistique fédéral, 2007). Ce dernier aspect peut notamment être attribué au fait qu’en vertu de la loi allemande sur le budget de caisse, le passif à court terme n’est pas inclus dans le budget et ne « pèse » donc pas sur celui-ci à première vue.

12Ces actions ne sont bien sûr qu’une solution rapide à court terme. L’ « évasion du budget » est par conséquent la principale raison pour laquelle la comptabilité et l’information financière en Allemagne ne remplissent plus leurs objectifs premiers.

132. L’analyse du débat axé sur les aspects techniques et l’évolution de la réforme de la gestion financière publique en Allemagne permet d’identifier une deuxième catégorie : la « recherche de niches dans le budget ». Par exemple, en Allemagne, au niveau du gouvernement local, la comptabilité et l’information financière d’exercice ainsi que la loi sur les budgets ne sont pas harmonisés en raison du système fédéral. En conséquence, le gouvernement local allemand représente un patchwork d’états financiers variés et tout juste comparables. Cela a incité les autorités à identifier les degrés de liberté dans la structure et le contenu des systèmes comptables, les règles de mesure et les obligations d’information (Lüder/Jones, 2003). En bref, on peut considérer cela comme une « recherche de niches dans le budget ». Par exemple, l’évaluation d’un seul et même bâtiment au niveau de gouvernement local varie considérablement en fonction de l’État fédéral dans lequel il se situe (cf., pour une analyse détaillée, Glöckner/Mühlenkamp, 2008, qui démontrent, pour un bâtiment d’une valeur de remplacement de 6 928 750, que sa valeur au bilan varie entre 3 500 000 en Rhénanie-Du-Nord-Westphalie et 666 000 en Basse-Saxe). Compte tenu de ces niches, il est extrêmement difficile d’obtenir une vision réelle et objective, et par conséquent d’atteindre l’un des objectifs premiers.

14Bien sûr, ni l’application de la comptabilité et de l’information de caisse traditionnelle dans le secteur public fondamental, ni le statu quo dans la réforme de la gestion financière publique sur la base de l’approche fondée sur la comptabilité d’exercice ne remplissent les objectifs premiers de la comptabilité et de l’information financière. En Allemagne, le débat sur la façon de procéder a atteint un point crucial. Les détracteurs, notamment parmi les politiciens et les agents de l’administration publique, expriment des doutes quant à la contribution d’une comptabilité d’exercice à l’amélioration du rendement et à la direction des activités du secteur public. En outre, les enquêtes font clairement apparaître que, pour les personnes concernées, les investissements monétaires dans le processus de réforme n’ont pas encore été compensés par les avantages promis (Kuhlmann/Bogumil/Grohs, 2008). La fatigue manifeste des réformes, en particulier au niveau du gouvernement local, renforce les arguments de ceux qui préconisent l’option relative à la comptabilité de caisse. En revanche, le maintien de la procédure de réforme choisie ne paraît pas une option acceptable non plus.

15Si l’on veut obtenir un système comptable et d’information plus significatif, il est surtout nécessaire d’éliminer l’ « évasion du budget » en supprimant la coexistence des systèmes de comptabilité de caisse et d’exercice et d’établir des critères de consolidation généralement acceptés. Il est en outre essentiel de prévenir la « recherche de niches dans le budget » en développant des systèmes harmonisés de comptabilité d’exercice afin de mettre fin aux degrés de liberté dans la structure et le contenu des systèmes comptables, des règles de mesure et des obligations d’information. Dans la partie qui suit, nous examinons de plus près certains aspects importants et analysons les idées proposées pour permettre au système comptable et d’information d’atteindre à nouveau ses objectifs premiers.

4 – Recommandations en faveur d’une amélioration de l’information et de l’imputabilité

4.1 – Considérations sur les moyens de prévenir « l’évasion du budget » et notamment grâce à l’identification des structures de risque

16Dans le cadre du débat sur la consolidation, il convient de tenir davantage compte de l’évolution de la structure de risque pour déterminer si les éléments d’actif doivent ou non être inscrits au bilan.

17La consolidation sur la base des normes appropriées au titre du droit privé (à savoir les NCI/IFRS, les PCGR américains, le code commercial allemand HGB), ou des normes IPSAS, est généralement approuvée dans la littérature et la pratique. L’application de l’un des concepts issus du droit privé constituerait assurément une solution pratique. Le fait que les coopérations relevant du droit privé les utilisent est en soi un élément convaincant.

18Cependant, si la décision politique doit appliquer l’un de ces concepts – en Allemagne, par exemple, la plupart des réformes à tous les niveaux appliquent le Code commercial allemand HGB –, il est très important de ne pas oublier les caractéristiques propres au secteur public. Les concepts de contrôle en tant qu’approche de base pour déterminer l’entité comptable dans la consolidation dans le secteur privé ne tiennent pas compte comme il se doit des structures de risque du secteur public. Plus précisément pour le cas allemand, bien que pas de jure mais de facto, l’autorité publique est très souvent politiquement obligée d’assumer les dettes des coopérations en cas d’insolvabilité (sauvetage de la faillite).

19Afin de mieux tenir compte des structures de risque, la planification globale suivante, qui porte sur le cas européen, peut apporter des idées intéressantes pour enrichir les débats à venir:

  1. Fonder les comptes consolidés sur les normes privées. Justification : les coopérations relevant du droit privé appliquent déjà ces normes.
  2. Assurer la faisabilité pratique en tenant compte des critères de Maastricht pour décider si une entité, compte tenue de son actif et de son passif, doit être rangée ou non parmi les autorités publiques. Pour être considérée comme une autorité publique sur la base des directives, une entité doit remplir cumulativement les trois conditions suivantes :
    1. Il doit s’agir d’une entité institutionnelle.
    2. Elle doit être financée par une taxation obligatoire et/ou réaffecter ses recettes et son actif, ou elle doit être contrôlée par l’État.
    3. Moins de 50 % de ses coûts de production doivent être couverts par des bénéfices.
    Justification : les pays de l’UE doivent appliquer ces critères pour démontrer s’ils satisfont ou non aux directives de Maastricht. En développant un ensemble totalement nouveau de critères dont on n’a pas vérifié dans la pratique la compatibilité avec les critères de Maastricht, les praticiens risquent de ne pas pouvoir (ou vouloir) offrir les ressources nécessaires.
  3. Tenir compte dans ce contexte de la décision d’Eurostat sur le traitement comptable des partenariats public-privé dans les comptes nationaux, qui visait à l’origine à apporter une aide pratique pour l’application des critères de Maastricht. STAT/04/18 définit l’impact des coopérations sur le déficit/excédent du gouvernement et la dette au égard aux risques assumés. Eurostat recommande de classer les actifs parmi les actifs non gouvernementaux, et dès lors de ne pas les inscrire au bilan de l’État, lorsque les deux conditions suivantes sont satisfaites :
    • Le partenaire privé assume le risque de construction, et
    • Le partenaire privé assume au moins le risque lié à la disponibilité ou celui lié à la demande.
    Justification : sur la base de la recommandation d’Eurostat, les politiciens et les autorités publiques sont invités à tenir un inventaire critique de leurs coopérations et de leurs structures de risque et de passif.
  4. Tenir compte des questions soulevées au sujet de l’impact des règles d’Eurostat sur l’identification du risque budgétaire. Par exemple, le FMI reproche aux règles d’Eurostat de ne pas être appropriées car elles supposent que les PPP sont toujours entamés pour les bonnes raisons (à savoir pour obtenir des gains en efficience). En réalité, d’après les détracteurs, la plupart des PPP ont des chances d’appartenir à la catégorie des investissements privés, même si l’État assume de nombreux risques. Le partage des risques présente par conséquent des aspects négatifs et on est encouragé à concevoir les projets de sorte à ce qu’ils ne doivent pas être inscrits au budget (cf. Schwartz, 2006).
  5. Intégrer dans le débat et examiner les suggestions contenues dans le document de consultation du Conseil des normes comptables internationales (CNCI) intitulé « Accounting and Financial Reporting for Service Concession Arrangements » (publié en mars 2008) sur le plan des risques et des récompenses. Ce document de consultation examine de nombreuses approches qui méritent d’être envisagées en raison des aspects controversés mentionnés plus haut. Parmi les réglementations possibles, le document examine la norme d’information financière (FRS) britannique n° 5 du Conseil des normes comptables (ASB), intitulée « Reporting the Substance of Transactions », qui stipule que « la question de savoir si une entité a accès à des avantages est déterminée par la question de savoir si elle supporte les risques propres à ces avantages ». Le Conseil des normes comptables britannique a par ailleurs publié un amendement à sa FRS 5, Reporting the Substance of Transactions.
Le document de consultation examine en outre l’Interprétation 12, Service Concession Arrangements (IFRIC 12), publiée par le Comité d’interprétation des normes internationales d’information financière (IFRIC) du Conseil des normes comptables internationales [3] (pour une analyse, voir p. 28 de la version finale du document de consultation du CNCI). Le document de consultation résume de nombreux aspects du débat qui débouche sur une perspective prometteuse. Il est intéressant d’intégrer ces idées dans les débats en Allemagne également et de tenir compte d’autres analyses comparatives.

4.2 – Améliorer la valeur informative des états financiers eu égard aux particularités du secteur public

20Maintenant que nous avons illustré la question spécifique du risque dans le cadre de la question de savoir si un élément d’actif doit être ou non inscrit au bilan, nous examinons dans la présente partie les moyens d’améliorer la transparence du bilan et du système d’information eu égard aux particularités du secteur public.

211. Répartition en « actifs négociables » et « actifs des pouvoirs publics » Il existe une pratique bien établie qui consiste à appeler le budget « programme gouvernemental sur le plan financier ». Une fois les objectifs d’une législature définis, le budget donne des informations sur la stratégie du gouvernement pour atteindre ses objectifs de façon efficiente et efficace. Le budget est donc plus qu’un simple « compte en T » de chiffres. Il donne des informations complémentaires sur les éléments d’actif nécessaires pour atteindre les objectifs. Certains sont bien sûr des actifs purement financiers, comme des prêts. D’autres sont des facteurs de production nécessaires pour offrir un certain service public, et encore une fois, d’autres n’assurent ni la fonction de financement, ni celle de prestation. Les paragraphes suivants portent sur ces éléments d’actif nécessaires pour offrir un service public donné et sur ceux qui ne sont nécessaires ni pour assurer la fonction de financement, ni pour assurer celle de prestation.

22La question de savoir si un élément d’actif est rattaché à un facteur de production ou non est le résultat d’une décision politique sur la façon de mettre en œuvre le programme gouvernemental. Lorsqu’un élément d’actif donné n’est pas nécessaire, il ne remplit plus de fonction publique fondamentale et son externalisation, voire sa vente, peuvent être envisagées. La question à se poser dans ce contexte est par conséquent la suivante : l’élément d’actif contribue-t-il à réaliser une activité publique fondamentale ou non ? Si la réponse est non, cela indique la capacité de l’entité à obtenir un allégement de dette sans aide extérieure. Si la réponse est oui, cela indique que cet élément d’actif est une partie essentielle du programme mis au point par le gouvernement pour atteindre ses objectifs et qu’il ne va donc pas faire l’objet d’une privatisation. La proposition suivante porte sur la façon d’intégrer cette transformation dans le bilan et, ce faisant, d’engager les politiciens à divulguer leurs états financiers sous une forme écrite et clairement organisée.

23Dans le processus de réforme allemand, plusieurs systèmes comptables ont été développés et sont entrés sur le « marché public » dans le cadre de projets pilotes. En réalité, ils ne varient pas considérablement dans leur contenu. En termes de solution résultante, cependant, Lüder recommande que les éléments d’actif à long terme soient répartis dans deux postes dans le bilan : les « éléments d’actif négociables » et les « éléments d’actif des pouvoirs publics » (Lüder, 1994, Lüder, 2007). Cette seconde catégorie comprend tous les éléments d’actif dont l’autorité publique a besoin pour assumer ses fonctions fondamentales et tous les éléments d’actif qui ne sont pas négociables. En conséquence, les pouvoirs publics doivent organiser un débat politique sur la question de savoir si les éléments d’actif doivent être reconnus comme des éléments « négociables » ou non.

24S’ils sont négociables, ces éléments d’actif peuvent faire l’objet d’une privatisation. Dans le cas contraire, les politiciens énoncent clairement que l’élément d’actif est nécessaire à la réalisation de fonctions publiques fondamentales et donc essentiel pour le public. La violation de cet énoncé politique a par conséquent des conséquences légales et a plus d’importance que tous les mots prononcés durant une campagne électorale.

25En outre, dans le cadre de la gestion de la dette publique, tous les postes conte nus dans la catégorie des « éléments d’actif négociables » indiquent la capacité de l’autorité publique à réduire ses dettes. Ces informations deviendront plus importantes lorsque de nouvelles autorités publiques devront demander des prêts, par exemple lorsqu’on vérifie leur solvabilité dans le contexte de Bâle II.

262. Se concentrer sur une analyse plus détaillée de l’actif financier inférieur à 20 % et illustrer son importance stratégique Lorsque le pouvoir public détient moins de 20 % d’une coopération selon la notion de contrôle, elle est classée sous la rubrique « actif financier » du bilan. Dans le secteur public, cependant, les participations minoritaires n’assument souvent pas de fonction financière en termes d’actions, d’obligations, etc., mais sont d’une grande importance en ce qui concerne l’intérêt public général. Par exemple, une participation de 10 % dans un institut de recherche qui étudie les sources d’énergie renouvelables n’est pas mesurée sur le plan financier, mais par son impact sur la prestation du service public « approvisionnement énergétique ». En conséquence, une participation minoritaire de ce type ne doit pas être reprise dans les actifs financiers servant exclusivement des intérêts financiers mais – au moins – être reprise séparément et être accompagnée, par ex., de commentaires sur son potentiel stratégique, son rendement et sa contribution à la prestation de service dans les remarques sur les comptes consolidés.

4.3 – Expérience pratique en Allemagne – Enseignements à tirer pour le pro gramme de réforme de la gestion financière

27Les résultats des réformes sont en grande partie déterminés par la présence d’une approche globale en matière de gestion de la modification des processus, des structures, etc. En Allemagne, étant donné qu’on a laissé passer la possibilité de prédéfinir des normes uniformes, la réforme de la gestion financière est caractérisée par une diversité conceptuelle. Cela concerne essentiellement la question décisive de savoir si l’on doit continuer à autoriser la comptabilité de caisse ainsi que les différentes approches concernant les détails techniques, comme les règles de mesure et les obligations d’information (cf. Lüder, 2006, et pour une analyse plus détaillée du travail du sous-comité « Réforme de la loi sur le budget local » (UARG) Budäus/Behm/Adam, 2003). D’une manière générale, chaque État fédéral a réinventé la roue pour son propre échelon local. L’Allemagne est par conséquent confrontée à des difficultés considérables en ce qui concerne la transparence, la comparabilité et donc l’absence de fondement solide pour prendre des décisions et des mesures.

28Une comparaison de différents pays indique que l’Allemagne peut tirer des enseignements des expériences acquises par d’autres pays. D’autres pays connaissant des problèmes comparables peuvent tirer des enseignements et peut-être éviter des lacunes similaires plus tôt dans le processus de réforme. Presque tous les pays ont établi des comités consultatifs chargés de définir les normes en matière de comptabilité générale dans le secteur public. L’Allemagne pourrait s’inspirer des structures organisationnelles, des compétences et de la composition de ces comités.

29La question de la création d’un comité consultatif chargé de définir les normes pour les échelons local et autres a été maintes fois examinée en Allemagne, tant par le monde académique que par les praticiens. On peut attribuer le fait que ces analyses n’ont pas encore été mises en œuvre à des motifs politiques essentiellement. Cependant, le statu quo indique clairement que la création d’un comité consultatif chargé de définir des normes est une étape essentielle pour atteindre les objectifs de la réforme. Les conclusions d’études empiriques réalisées il y a peu au niveau local révèlent que les personnes responsables recommandent la création d’un comité consultatif de ce genre (KGSt, 2008) et confirment le besoin d’agir. S’agissant de la mise en œuvre pratique, ce comité doit être relié à la conférence des ministres des finances et des ministres de l’intérieur pour les différents États fédéraux. Parmi ses membres, le comité doit comprendre des représentants des ministres des finances, des ministres de l’intérieur, des Cours des comptes, des agences statistiques financières, des comptables et des universitaires (Lüder 2006). À partir de là, le comité pourrait ensuite définir des normes en effectuant une ana lyse des meilleures pratiques infranationales et internationales.

30Enfin et surtout, si l’on veut que l’information financière publique évolue comme il se doit, il est essentiel de revoir les cadres juridiques, et notamment la loi sur le budget, afin de pouvoir tirer pleinement parti des aspects financiers des systèmes. Dans le cas de l’Allemagne, par exemple, le traditionnel rush saisonnier (en décembre) est attribué aux principes budgétaires, comme l’annualité et la spécificité, et n’est pas une question de comptabilité de caisse ou d’exercice.

31S’agissant du débat international dans son ensemble, on peut dire que les réformes de la gestion financière publique ne doivent plus fermer les yeux sur l’intérêt du fait de tirer des enseignements de l’expérience, que ce soit celle d’autres pays ou d’autres niveaux de gouvernement au sein d’un même pays. Si, dans le cas de l’Allemagne, on avait tenu compte d’emblée de ces expériences, on aurait immédiatement détecté les différences dans l’organisation des réformes. On aurait pu profiter de l’expérience mutuelle. En somme, on aurait pu gagner du temps et de l’argent dans le cadre du processus de réforme.

5 – Conclusion

32Dans le présent article, nous avons examiné les principales réformes nécessaires et l’amélioration des critères d’information et de consolidation afin de mieux tenir compte des particularités du secteur public. Nous avons vu qu’il fallait relativement peu de choses pour orienter la discussion essentiellement axée sur les aspects techniques sur son objectif fondamental : la prestation efficace et efficiente des services publics.

33Dans un premier temps, il est essentiel de rappeler les objectifs urgents et fondamentaux de la comptabilité générale, à savoir fournir des informations utiles à la prise de décisions et appropriées pour répondre au besoin d’imputabilité en ce qui concerne les ressources. Une réflexion critique sur l’Allemagne montre que :

  1. La comptabilité et l’information financière de caisse dans le secteur public fondamental ne permettent plus d’atteindre les objectifs premiers.
  2. Dans le statu quo de la réforme financière du secteur public, les actuels systèmes de comptabilité et d’information financière d’exercice ne permettent pas non plus d’atteindre les objectifs premiers.
Pour que l’information financière puisse recommencer à offrir les informations nécessaires pour une prise de décisions efficace et efficiente, nous avons développé les suggestions suivantes dans notre article :
  1. Éliminer les « évasions du budget » et la « recherche de niches dans le budget » en tant que principales lignes directrices dans toute réforme de la gestion financière publique.
  2. Envisager de prévenir de façon plus intense « l’évasion du budget » en privilégiant l’identification des structures de risque.
  3. Diviser les éléments d’actif à long terme en « éléments d’actif négociables » et en « éléments d’actif des autorités publiques » afin de renforcer la valeur informative du bilan.
  4. Privilégier une analyse plus détaillée de l’actif financier inférieur à 20 % eu égard à son importance stratégique et à sa contribution pour la prestation de service public.
  5. Tirer des enseignements de l’expérience internationale et constituer un comité consultatif chargé de définir les normes en Allemagne et dans d’autres pays, qui tienne compte des normes comptables ainsi que de la loi sur le budget et des principes budgétaires.
Dans son ensemble, notre article devrait aussi contribuer à faire évoluer le débat sur la réforme en abandonnant les détails trop techniques pour le recentrer sur l’objectif fondamental des mesures de réforme : la prestation efficace et efficiente de services publics.

Bibliographie

Références bibliographiques

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  • Lüder, Klaus et Jones, Rowan (eds) (2003) Reforming Governmental Accounting and Budgeting in Europe. Frankfurt/Main: Moderne Wirtschaft.
  • Mülhaupt, Ludwig (1993) ‘Probleme der staatlichen und kommunalen Rechnungslegung und ihre Lösung’, in Helmut Brede et Ernst Buschor (eds) Das neue Öffentliche Rechnungswesen, pp.75–105. Baden-Baden: Nomos Verlag.
  • Naik, Barry (2005) ’A Cruel Accounting’, CA Magazine (12): 44–6.
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Notes

  • [*]
    Ulf Papenfuß est adjoint de recherche et s’intéresse plus particulièrement à la gestion financière publique et à la gouvernance publique, université Helmut-Schmidt, Hambourg. Allemagne.
  • [**]
    Christina Schaefer est professeure de gestion publique et ses recherches portent essentiellement sur la gestion financière publique et la gouvernance publique, université de sciences appliquées de Berlin. Traduction de l’article paru en anglais sous le titre : “Public financial reporting in true and fair terms – Discussion on shortfalls in Germany and recommendations for the reform agenda”.
  • [1]
    Les auteurs remercient les deux arbitres scientifiques pour leurs précieux commentaires.
  • [2]
    Étant donné l’absence de définitions standard internationales généralement acceptées pour classer les formes d’organisations dans le cadre desquelles les activités du secteur public sont réalisées, le terme « coopération », dans le cadre de notre article, concerne les « entreprises que l’État contrôle de façon significative parce qu’il en est propriétaire ou qu’il détient une participation majoritaire ou minoritaire significative » (définition de l’OCDE du terme « entreprises publiques », OCDE, 2004). Cela comprend les cas où l’État détient une participation relativement limitée dans une entreprise mais se doit néanmoins d’agir comme un actionnaire responsable et informé (OCDE, 2004).
  • [3]
    Dans ce contexte, voir aussi le règlement (CE) n° 254/2009 de la Commission européenne du 25 mars 2009 modifiant le règlement (CE) n° 1126/2008 portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, pour ce qui concerne l’interprétation 12 du Comité d’interprétation des normes internationales d’information financière (IFRIC).
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