Introduction
1Le système administratif chinois fait l’objet de restructurations organisationnelles et de réformes périodiques depuis le début des années 1980. Apparemment, l’ensemble du processus de réforme administrative, qui possède " des caractéristiques chinoises ", comme l’indiquent souvent les chercheurs, coïncidait avec la tendance mondiale en matière de réforme administrative (Lan, 2000). En comparaison avec les réformes des pays industrialisés, le point de départ de la réforme administrative chinoise était différent et la Chine a ensuite suivi une voie différente en raison de son contexte sociopolitique tout à fait particulier (Burns, 2000). Les réformes administratives dans la Chine post-Mao sont intervenues au cours de la période de transformation socioéconomique à grande échelle, c’est-à-dire pendant le passage d’une économie centrale planifiée à une économie de marché, et dans le cadre de la transition d’une société agricole traditionnelle à une société moderne et industrielle. Une transformation de ce type a non seulement des conséquences sur les conditions économiques de la population chinoise, mais elle transforme également les paramètres de gouvernance politique en Chine (Burell, 2001).
2La mondialisation et l’intégration croissante de la Chine dans l’économie mondiale expliquent également le caractère inexorable des réformes administratives en Chine. La mondialisation a fait de la compétitivité nationale la priorité absolue des gouvernements, et la Chine ne fait pas exception à la règle. Le processus d’intégration économique dans l’économie mondiale a fait peser une grande pression sur le fonctionnement du gouvernement chinois et sur sa capacité de réaction. Il s’est avéré que l’intervention considérable du gouvernement dans l’économie chinoise dans un passé récent n’était plus adaptée à l’économie de marché et au libre échange. Afin d’attirer et de conserver les investissements étrangers sur son territoire et d’assurer un niveau élevé de croissance économique, le gouvernement chinois fait l’objet de pressions permanentes, tant internes qu’extérieures, en faveur de l’adoption de politiques et de pratiques conformes à l’évolution et à la pratique mondiales. Le rôle du gouvernement et ses fonctions ont par conséquent été repensés maintes fois et réadaptés.
3Depuis 1982, cinq vagues de restructuration institutionnelle du gouvernement central ont été mises en œuvre, à savoir les réformes de 1982, de 1988, de 1993, de 1998 et de 2003 (quasiment une réforme tous les cinq ans). Ces cinq vagues de réformes peuvent également être regroupées en trois périodes : la réforme de 1982 et celle de 1988 interviennent pendant la période des années 1980, les réformes de 1993 et de 1998, pendant celle des années 1990, et la réforme de 2003, pendant la période du début du nouveau siècle. Cet article a pour but d’examiner ces réformes administratives et plus particulièrement celle du Conseil des Affaires d’Etat,
4le gouvernement central de la Chine. Nous partons du principe que les réformes administratives en Chine doivent être interprétées comme une stratégie adoptée par l’État communiste afin de faire face à la transformation socioéconomique axée sur le marché et de répondre à la nécessité d’améliorer l’efficience et l’efficacité du gouvernement dans le contexte de la mondialisation économique. Parallèlement à cela, nous avançons également que bien que les réformes administratives chinoises présentent certains points communs avec la tendance mondiale en ce qui concerne le développement de la gouvernance, elles sont de toute évidence limitées en raison de la nature autoritaire du système de Parti-État.
I – La réforme administrative chinoise dans son contexte : cadre analytique
5Dans le présent article, nous nous intéressons essentiellement à la réforme administrative du Conseil des Affaires d’Etat, le gouvernement populaire central de la République populaire de Chine (RPC). En tant que premier organe exécutif du pays, le Conseil des Affaires d’Etat exerce un vaste éventail de fonctions et de compétences. Quatre types d’organisations officielles relèvent globalement de celui-ci : (a) les ministères et commissions (buwei jigou), (b) les bureaux directement placés sous son autorité (zhishu jigou), (c) les bureaux exécutifs (banshi jigou) et (d) les institutions directement placées sous son autorité (zhishu shiye danwei). Parmi ces organisations, les ministères et commissions sont les unités constitutives du Conseil des Affaires d’Etat (zucheng bumen). Dans l’actuelle nomenclature chinoise, ces organisations peuvent être rangées dans les quatre catégories suivantes (Luo, 1998, pp.8-17) : (a) les " départements de contrôle macroéconomique ", qui sont responsables de la gestion de l’économie nationale, comme le ministère des Finances et la Commission d’État pour l’économie et le commerce (State Economic and Trade Commission), (b) les " départements de gestion économique spécialisée ", qui sont responsables de la gestion des secteurs économiques et industriels spécialisés, (c) les départements chargés de l’administration de l’éducation, de la sécurité sociale et de la gestion des ressources, comme le ministère du Personnel, du Travail et de la Sécurité sociale, et celui de l’Éducation, et (d) les organes d’État qui administrent les affaires d’État et politiques, comme les ministères responsables de l’ordre public, de la sécurité publique et de la sécurité de l’État, et les ministères responsables de la planification familiale, de la radio, du cinéma et de la télévision, ainsi que celui de la culture. Le nombre d’organismes d’État intégrés dans le Conseil des Affaires d’Etat varie d’un gouvernement à l’autre tout au long de l’histoire de la RPC.
6Comme indiqué plus haut, le Conseil des Affaires d’Etat a subi des réformes administratives périodiques dans la Chine post-Mao. Cet article a pour but d’examiner ces réformes dans le contexte de la marchéisation et de la mondialisation. Notre première hypothèse est que la réforme administrative est un moyen ou un outil destiné à réorganiser l’État communiste afin de s’adapter au contexte économique de marché actuel et de renforcer sa capacité de gouvernance. Cette approche, que nous qualifions d’" instrumentaliste ", peut permettre d’interpréter les réformes administratives mises en œuvre dans les années 1980 et 1990. Notre seconde hypothèse est que la réforme administrative chinoise peut être interprétée comme une réaction à la pression suscitée par la mondialisation économique.
7Cette approche, que nous qualifions de " réactive " ou d’" effet d’élasticité ", s’applique essentiellement aux réformes administratives mises en œuvre à la suite de l’adhésion de la Chine à l’OMC en décembre 2001.
8La marchéisation est une tendance et un phénomène mondiaux depuis le début des années 1980. Dans le cadre de la campagne menée sans relâche par Thatcher et Reagan, l’application des principes de marché au secteur public est devenue à la mode dans la prestation de service public, la mise en œuvre des programmes sociaux ainsi que dans la formulation et la mise en œuvre des politiques aux États-Unis et au RU. Dans le cadre de la restructuration et de la gestion du secteur public et des finances publiques, les pays en développement ont suivi des approches de marché aux appellations variables, telles que " reinventing government " ou " nouveau management public " (Hood, 1991; Lane, 1997). Suite à cela, les valeurs et les pratiques du marché se sont peu à peu imposées dans la gestion macroéconomique et dans la gestion du secteur public des pays développés. La sphère d’influence des principes de marché s’est encore étendue après la chute du communisme dans l’ancienne Union soviétique et dans les pays d’Europe centrale et orientale au début des années 1990. Même dans les pays qui possèdent encore un régime communiste, le passage de l’économie planifiée à l’économie de marché semble inévitable, voire dans le vent, à l’instar de ce qui s’est passé en Chine. Les pays moins développés ont souvent été tiraillés entre la pression les incitant à copier les réformes bien connues de certains pays développés et la nécessité de mettre en place une capacité de gestion de base (Kettl, 2000). Dans l’ensemble, les forces du marché ont eu une influence pénétrante et profonde sur l’administration publique.
9La mondialisation et la marchéisation sont interchangeables dans une large mesure car la seconde est elle-même une tendance mondiale et la première est dominée par les forces et les principes du marché. La mondialisation est synonyme de renforcement de la concurrence ou de concurrence sans frontière ou presque, ce qui signifie que les investissements, les prestations, la production et l’innovation d’un pays donné ne sont plus entravés par les frontières nationales. La nécessité de faire face à la concurrence dans un contexte de mondialisation rapide pose un problème majeur pour les gouvernements du monde entier. À l’ère de la mondialisation, comme l’indiquent Evans et Cerny (2003), le principal défi auquel sont confrontés les " gouvernements du monde entier " est la nécessité de répondre à la mondialisation. Les pays diffèrent dans les réponses apportées au processus de mondialisation en fonction de leur taille, de leur niveau économique et technologique, de leur situation économique sur les marchés mondiaux, de leur composition culturelle, des relations entre l’État et l’économie (Green, 1997). Le processus de mondialisation est perçu comme brouillant les frontières nationales, comme modifiant les solidarités au sein des États-nations et entre ceux-ci et comme affectant profondément la constitution des identités nationales et des groupes d’intérêts (Morrow et Torres, 2000). Les grands États et les acteurs internationaux, comme les pays puissants tels que les États-Unis, les institutions financières globales telles que le FMI et la Banque mondiale, et les organismes internationaux tels que l’OMC, jouent un rôle de plus en plus important dans la définition du programme de réforme. Ils subordonnent souvent l’octroi de l’aide à la réforme de la gestion.
10Conscients de l’importance de la compétitivité dans l’économie mondiale, de nombreux pays ont lancé des programmes de réforme sérieux et souvent pénibles afin d’attirer les investissements et l’aide internationaux. Les pays doivent absolument développer la capacité de leur système administratif au moyen de réformes efficaces. La réforme administrative est ainsi devenue un mouvement mondial. Selon Worthley et Tsao (1999), le mouvement mondial de réforme administrative comporte huit principes majeurs, à savoir : (1) accent mis sur les compétences professionnelles en gestion, (2) préférence pour la privatisation, l’externalisation et la concurrence plutôt que pour l’administration publique (3) séparation des fonctions commerciales et non commerciales, (4) accent mis sur la réduction des coûts, l’efficience et les mesures d’austérité, (5) abandon progressif des formalités administratives au profit des résultats (prolifération des indicateurs de rendement), (6) réforme fondamentale, (7) bataille politique en tant qu’élément propre au processus de réforme, et (8) changement dans la culture, la mission, la structure et le processus de l’administration. Selon une analyse de Burns (2001), la tendance mondiale en matière de réforme administrative dans les démocraties capitalistes développées comprend cinq composantes clés, à savoir la décentralisation, la déréglementation, la marchéisation et la réduction de l’État.
11Depuis le lancement de la réforme économique et de la politique de la porte ouverte à la fin des années 1970, la Chine a entamé son processus de transition d’une économie dirigée vers une économie de marché et elle s’est progressivement intégrée dans l’économie mondiale. La transition sans heurts de la Chine et son intégration progressive dans l’économie mondiale l’obligent à améliorer la capacité du gouvernement à gérer l’évolution de la vie et des structures sociales et économiques. Cette transition passe par un système administratif et une relation entre le gouvernement et les entreprises compatibles avec l’économie de marché. Dans ce contexte, les dirigeants chinois ont vu dans la restructuration administrative un moyen efficace de faire progresser la mise en œuvre de l’économie de marché. L’adhésion de la Chine à l’OMC lui donne l’impression d’être plus vulnérable et obligée de s’adapter aux exigences de l’OMC. Par conséquent, le gouvernement chinois est constamment confronté à une situation pressante et doit en même temps faire face aux conséquences de la mondialisation et à la tendance mondiale en matière de réforme administrative. Les vagues de réforme administrative mises en œuvre depuis le début des années 1980 ont fait apparaître la gêne de même que le désir du gouvernement chinois à l’égard des changements internes et externes. À l’instar de certains pays développés, la Chine a également adopté les principales mesures de réforme administrative, comme la réduction des effectifs, la décentralisation, et même la privatisation. Les efforts consentis par les décideurs politiques chinois pour transformer les fonctions du gouvernement en ce qui concerne l’économie nationale s’inscrivent dans le cadre de l’esprit de transfert et de délégation, et la réduction des effectifs de l’administration illustre l’importance accordée à la rentabilité et l’efficacité.
12Même si les expériences de la Chine en matière de réforme administrative présentent une certaine similitude avec la tendance mondiale, des différences existent également, en raison de la nature autoritaire de son système politique et du manque de maturité de l’économie de marché. Comme l’indique Burns (2001), bien que la marchéisation, la dérégulation et la privatisation soient des politiques officielles fondamentales utilisées dans les réformes administratives dans les pays développés, leur application en Chine est moins caractéristique et moins manifeste. En d’autres termes, la Chine a adopté son propre train de stratégies de réformes. La principale raison à cela concerne l’enchevêtrement des appareils politique et administratif dans le cadre du système de Parti-État. Dans le contexte actuel, toute tentative de réforme du système administratif passe par une adaptation de la relation entre le parti au pouvoir et le gouvernement, la dépolitisation de la bureaucratie dans une certaine mesure et, bien sûr, la séparation de l’État et des entreprises. La réduction de l’intervention de l’État et la séparation entre l’État et les entreprises impliquent également que la participation du Parti dans la vie économique doit être limitée (Huque et Yep, 2003). Dans ces circonstances, la formulation et la mise en œuvre de la réforme administrative sont subordonnées à la volonté du Parti communiste chinois (PCC). Afin de réduire la résistance des bénéficiaires de l’actuel système, des compromis et des interventions sont bien entendu essentiels. Par conséquent, la réforme administrative dans la Chine postMao a évolué de façon progressive mais réactive et suivi un parcours en zigzag. Dans les années à venir, une approche proactive et une réforme politique ou constitutionnelle en faveur de la démocratisation devront être adoptées afin de transformer comme il se doit cette administration surdimensionnée, politisée et fortement interventionniste léguée par l’État léniniste et par l’économie dirigée soviétique et de mettre en place un système de gouvernement efficace et adapté à une économie de marché normale.
II – Les réformes administratives dans les années 1980 : Reconfiguration institutionnelle
13La Chine est entrée dans une ère de réforme à la fin des années 1970, lorsque Deng Xiaoping estrevenuausommetdupouvoirpolitique.AfindemoderniserlaChinesocialisteappauvrie, Deng a lancé la réforme économique et la politique de la porte ouverte. Conscient que la restructuration administrative était le garant de la réforme économique, Deng s’est lancé dans la restructuration des organisations en sureffectif et faisant double emploi au sein du Parti et de l’État au début des années 1980. Depuis cette époque, le gouvernement central chinois applique des réformes administratives périodiques conformément à l’évolution et à la profondeur de la réforme économique et de la politique de la porte ouverte. Pendant la période des années 1980, deux vagues de réformes administratives ont été mises en œuvre, respectivement en 1982 et 1988, dans le but de réorganiser le gouvernement central. La Chine se trouvant alors dans la phase initiale de sa réforme économique axée sur le marché, les réformes de 1982 et 1988 étaient donc davantage caractérisées par une reconfiguration institutionnelle que par une réorientation fonctionnelle (voir tableau 1).
A – La réforme de 1982 : rétablissement de l’ordre et de l’autorité
14Au départ, le gouvernement central a commencé à étendre sa fondation afin de faire face à la croissance des activités et de rétablir son autorité (ce second objectif était le plus urgent). Il a donc cherché à centraliser le pouvoir étant donné qu’il visait une restauration économique rapide par le biais de décisions administratives traditionnelles. La politique de réforme économique et d’ouverture au monde extérieur a également encouragé l’expansion du Conseil des Affaires d’Etat. En 1981, le nombre d’organismes d’État atteignait un nouveau record historique (100), et les effectifs dépassaient les 51 000 personnes (Su et Han, 1993). La centralisation de l’autorité au niveau du gouvernement central engendrait à nouveau des problèmes de manque d’efficacité et de gaspillage d’énergie et de ressources.
15La première vague de réforme administrative au niveau central a par conséquent été lancée en 1982. Son principal objectif était de réduire la taille de l’État de même que ses effectifs et d’améliorer l’efficacité administrative. Cette réforme a fait passer le nombre total d’organismes au sein du Conseil des Affaires d’Etat de 100 en 1981 à 61 en 1982. Les effectifs des départements du Conseil des Affaires d’Etat sont passés de 51 000 à 30 000 personnes (Zhang, Yang et Feng, 1998, p.18). Les autres mesures adoptées dans cette vague de réforme administrative comprenaient l’imposition d’un âge limite pour les fonctions gouvernementales à tous les niveaux et le renforcement du professionnalisme des fonctionnaires. Plus de 30 000 cadres expérimentés ont ainsi été mis à la retraite, dont 145 travaillaient au niveau des ministères. Parallèlement à cela, la proportion de fonctionnaires détenteurs d’un diplôme universitaire est passé de 37 pour cent à 52 pour cent au cours de cette période (Lan ,2001, 443; Worthley et Tsao, 1999, 574).
16À ce stade de la transition initiale à l’économie de marché, le gouvernement était encore omnipotent. Cependant, la pression qui pesait sur l’État et le gouvernement en faveur de leur retrait de la gestion directe et de leur intervention dans les secteurs économiques n’était pas très manifeste ou importante. C’est pour cette raison que la réforme de 1982 privilégiait uniquement la réduction des effectifs et la réorganisation du gouvernement central et que les fonctions du gouvernement n’ont subi qu’une adaptation superficielle. En conséquence, la structure de base et le système de gouvernance basé sur l’économie planifiée sont restés intacts, à tel point que la bureaucratie centrale s’est de nouveau développée au cours des années suivantes. À la veille de la réforme de 1988, le nombre total de départements relevant du Conseil des Affaires d’Etat était de 72, en plus des 82 organes provisoires existant au niveau central (Wang, 1998).
B – La réforme avortée de 1988
17La structure gouvernementale en sureffectif et inefficace handicapait fortement la progression de la réforme économique lancée peu de temps auparavant ainsi que la réforme politique proposée lors du 13e Congrès du Parti communiste chinois (PCC) en 1987. Les tensions entre les systèmes et mécanismes économiques récemment introduits et l’ancien système politico-administratif devinrent si fortes qu’une nouvelle vague de réforme administrative a dû être mise en œuvre en 1988 afin de faire face aux problèmes d’autrefois qui refaisaient surface.
18Contrairement à la réforme de 1982, la réforme de 1988 a été lancée dans le discours lié à la réforme politique. Par conséquent, cette réforme visait non seulement à réduire la taille de l’État et à le réorganiser, mais aussi à transformer les fonctions du gouvernement en ce qui concerne l’économie en séparant l’appareil du Parti et le gouvernement (dans le cadre du slogan " le Parti dirige le Parti ") ainsi que le gouvernement et les entreprises publiques. En somme, la réforme visait à renforcer la capacité du gouvernement central en matière de contrôle macroéconomique. Cette réforme a réduit le nombre d’organes au sein du Conseil des Affaires d’Etat, qui sont passés de 72 à 65 fin 1988. Cependant, tandis qu’elle poursuivait des objectifs ambitieux, la réforme de 1988 s’est heurtée à une forte résistance de la part de la bureaucratie et des cadres du Parti (Lan, 1999). Mais surtout, cette réforme a été lancée dans un environnement politique et économique non favorable. Le repli économique depuis 1988 a entravé la bonne mise en œuvre de la réforme et, de fait, la situation chaotique au lendemain de l’incident du 4 juin 1989 a tout simplement marqué la fin de cette ambitieuse initiative de réforme. Les principaux objectifs de la réforme n’ont par conséquent pas été atteints.
C – Analyse
19Bien que les réformes administratives lancées dans les années 1980 aient fait progresser la rationalisation du système administratif chinois, elles n’ont pas clairement redéfini ou réellement modifié les compétences et fonctions du gouvernement en ce qui concerne l’économie. En d’autres termes, le régime communiste n’est pas parvenu à trouver une fonction légitime en ce qui concerne la réforme économique axée sur le marché capable de profondément transformer le système existant. Un certains nombre de problèmes fondamentaux qui existaient dans le système administratif n’ont pas été abordés ou résolus.
20Premièrement, par exemple, les fonctions du gouvernement et celles des entreprises étaient toujours mêlées, ce qui entraînait une intervention directe de la part du gouvernement dans les activités des entreprises. Afin de mettre en œuvre l’intervention directe du gouvernement dans les entreprises, un grand nombre de départements de gestion spécialisée responsables des secteurs économiques ont été créés et maintenus. Ceux-ci menaient des activités qui auraient dû être menées directement par les entreprises. Par ailleurs, compte tenu de la priorité peu objective accordée au contrôle mutuel par les ministères responsables de la gestion globale et ceux responsables de la gestion spécialisée, un grand nombre de leurs fonctions se chevauchaient. Dans de nombreux cas, cela s’est traduit par l’apparition et le maintien d’une situation dans laquelle plusieurs ministères s’occupaient d’activités similaires, de conflits entre les ministères et, dès lors, par un manque d’efficacité dans le fonctionnement du gouvernement. Deuxièmement, le gouvernement était institutionnellement fortement intégré dans la société et dans l’économie, la gestion des affaires économiques et sociales reposait essentiellement sur des moyens administratifs. Des organismes administratifs ont été créés pour s’occuper d’un grand nombre d’affaires qui auraient dû être traitées conformément au droit ou par le biais d’organes sociaux intermédiaires. Troisièmement, le problème des sureffectifs se posait encore au sein des ministères et faisait peser un énorme fardeau financier sur les finances nationales. Parallèlement au développement de l’économie de marché, des réformes administratives complémentaires étaient inévitables.
Principales réformes administratives dans les années 1980
Principales réformes administratives dans les années 1980
III – Les réformes administratives dans les années 1990 : Transformation fonctionnelle en faveur de l’économie de marché
21La tournée d’inspection de Deng Xiaoping dans le Sud début 1992 et ses négociations en série en cours signalaient la fin de la période de stagnation politique et de ralentissement économique entamée au lendemain de l’incident du 4 juin. Le 14e Congrès du PCC en automne 1992 confirmait officiellement l’introduction d’une économie de marché dans la Chine communiste, ce qui a grandement favorisé la réforme économique chinoise et l’a fait évoluer vers une nouvelle étape. Suite à cela, la Chine a accéléré et approfondi sa réforme économique axée sur le marché en l’étendant à tous les horizons ou presque, à l’exception de la réforme politique. Celle-ci passait par la redéfinition du rôle du gouvernement en ce qui concerne la vie économique nationale. L’incompatibilité entre les institutions gouvernementales et le système administratif, d’une part, et le développement d’une économie de marché, d’autre part, devenait encore plus manifeste. Une réforme dans ce domaine s’imposait d’urgence afin de s’adapter au développement d’une économie de marché et de promouvoir le développement économique et social en Chine. Dans ce contexte, la réforme administrative mise en œuvre dans les années 1990 privilégiait essentiellement la modification/transformation fonctionnelle du gouvernement (voir tableau 2).
A – La réforme de 1993 : Un timide pas en avant
22Cela s’est par conséquent traduit par une nouvelle vague de réforme administrative en 1993. Contrairement aux restructurations institutionnelles mises en œuvre dans les années 1980, la réforme de 1993 possédait trois traits distinctifs. D’abord, son principal objectif était d’inventer un système administratif répondant aux exigences de développement d’une économie de marché en Chine. Deuxièmement, la notion de " réforme du système administratif " (xingzheng guanli tizhi gaige) était proposée pour la première fois dans l’histoire de la réforme administrative chinoise, ce qui sousentendait que la réforme allait au-delà de la simple restructuration institutionnelle (rappelons qu’auparavant, seule la notion et l’approche de " réforme institutionnelle " (jigou gaige) était employée pour réorganiser le gouvernement). Troisièmement, l’objectif fondamental de cette réforme consistait à transformer les fonctions du gouvernement en le séparant des entreprises publiques (Wang, 1998). Plus précisément, la réforme de 1993 visait à réduire la taille des organes administratifs, à transformer les fonctions du gouvernement et à empêcher les ministères et les fonctionnaires d’administrer des entreprises à but lucratif. La réduction de la taille du gouvernement a été réalisée dans le cadre du programme " sanding fangan " (le " programme des trois corrections, à savoir la correction des effectifs, de la fondation et des fonctionnaires), censé être appliqué à chacun des organes constitutifs du Conseil des Affaires d’Etat. Par ailleurs, des progrès considérables ont été réalisés en ce qui concerne le renforcement du professionnalisme de la fonction publique grâce à l’introduction du système de fonction publique basé sur l’examen de recrutement en 1993, lors de l’adoption de la première loi sur la fonction publique.
23Compte tenu du principe directeur qui consistait à transformer les fonctions du gouvernement et à séparer ce dernier de la gestion des entreprises publiques, les ministères chargés de la gestion économique spécialisée du Conseil des Affaires d’Etat s’exposaient à des changements plus importants. Le ministère de l’Industrie légère et le ministère de l’Industrie textile ont été placés au banc d’essai : les deux ministères ont ensuite été transformés respectivement en Conseil national chinois de l’industrie légère et en Conseil national chinois du textile. La création de ces conseils visait essentiellement à en faire des intermédiaires entre le contrôle du gouvernement et les entreprises (You, 1998). En outre, la corporatisation a également joué un rôle important dans la restructuration du Conseil des Affaires d’Etat dans le cadre de la réforme de 1993. Le ministère de l’Aéronautique et de l’Astronautique a été séparé du Conseil des Affaires d’Etat et la Société chinoise d’aéronautique et d’astronautique a vu le jour.
24Suite à la réforme, le nombre d’organes relevant du Conseil des Affaires d’Etat est passé de 86 à 59, et le personnel du gouvernement central a été réduit de 20 pour cent (Zhao, 1998, p.71). Cependant, les ministères responsables de la gestion économique n’ont pas été réduits autant que certains l’espéraient. Par conséquent, les objectifs préalablement définis de la réforme de 1993 n’ont pas été totalement atteints. En théorie, cette vague de réforme institutionnelle aurait dû produire davantage de résultats positifs étant donné que le Parti avait déjà énoncé l’orientation de la réforme (en faveur d’une " économie de marché socialiste "), intégrée dans la Constitution en 1993. La population a attribué les échecs de cette réforme à l’absence de nouvelle approche et de leadership de la part de Li Peng, alors Premier ministre du Conseil des Affaires d’Etat, désigné concepteur du programme de réforme (Zheng, 1998). Cet argument n’est cependant pas si convaincant si la population tient compte de l’ensemble des acteurs politiques et de leur influence dans la formulation des politiques, et notamment du rôle du Parti dans le processus de réforme.
B – La réforme de 1998 : De nouveaux défis à relever
25Parallèlement à l’implantation profonde de l’économie de marché, l’incompatibilité du système administratif subsistant avec la nécessité d’une véritable économie de marché a refait surface. Dans ce contexte, à nouveau, une nouvelle vague de réforme administrative du Conseil des Affaires d’Etat a été lancée début 1998. Les objectifs officiels de la réforme de 1998 étaient les suivants : mettre en place un système administratif efficace, bien coordonné et réglementé, créer un corps d’administrateurs compétents et professionnels et mettre au point progressivement un système administratif aux caractéristiques chinoises capable de s’adapter à l’économie de marché socialiste (Luo, 1998, p.10).
26Afin d’atteindre les objectifs mentionnés plus haut, quatre principes censés guider la réforme de 1998 ont été définis : (a) réharmonisation des fonctions gouvernementales et séparation entre celles-ci et celles des entreprises conformément aux exigences du développement d’une économie de marché socialiste, (b) simplification, uniformisation et efficience grâce à une restructuration de l’organisation et de la structure internes du gouvernement, (c) réadaptation des compétences et de la responsabilité des département ministériels et des organes de l’État conformément au principe d’intégration des compétences et de la responsabilité, délimitation de leur responsabilité et répartition du travail, et amélioration du système opérationnel administratif, et (d) renforcement de la législation en ce qui concerne le système administratif conformément aux exigences de l’État de droit (Luo, 1998). D’une manière générale, la réforme de 1998 contenait trois éléments concrets, à savoir : rationaliser la bureaucratie, réduire ses effectifs et revoir les principales fonctions du gouvernement en ce qui concerne l’économie (Ngok et Chan, 2003).
27Étant donné que le principal objectif était de créer un gouvernement adapté à l’économie de marché socialiste, l’accent a été mis sur la restructuration des unités constitutives du Conseil des Affaires d’Etat, en particulier celles responsables de la gestion économique spécialisée. La réforme de 1998 mettait notamment l’accent sur le renforcement du contrôle global du gouvernement. Les départements généraux existants, tels que la Commission d’État pour l’économie et le commerce, le ministère des Finances et la Banque populaire de Chine, ont été transformés en départements de contrôle global. Parallèlement à cela, la Commission d’État à la planification, le pilier de l’économie planifiée, a été rebaptisée " Commission d’État à la planification du développement ". Tandis que le rôle de la Commission d’État à la planification du développement a été réduit, les fonctions de la Commission d’État pour l’économie et le commerce ont été renforcées, de même que son rôle. Ces départements se sont vu dotés de nouvelles fonctions, à savoir : maintien de l’équilibre du montant économique total, limitation de l’inflation, optimisation de la structure économique afin de réaliser le développement durable, rapide et efficace de l’économie nationale, amélioration du système et du mécanisme de contrôle macroéconomique et amélioration des moyens économiques et légaux. Par ailleurs, afin de renforcer le leadership du Conseil des Affaires d’Etat dans la restructuration économique, la Commission d’État à la réforme économique, qui était responsable de la conception des programmes de réforme économique dans les années 1980 et 1990, est devenue un organe de consultance de haut niveau, présidé par le Premier ministre et dont les membres se composent des ministres compétents. La Commission ne fait plus partie des départements constitutifs du Conseil des Affaires d’Etat.
28Conformément aux lignes directrices de la réforme, les départements de gestion économique spécialisée (les " ministères industriels ") sont devenus la principale cible de la réforme de 1998. La principale raison d’être de ces ministères industriels concernait l’administration des nombreuses entreprises publiques pour le compte de l’État. Dans le nouveau contexte, la plupart des ministères industriels devaient être démantelés. Tous les ministères de cette catégorie ont ainsi été transformés en bureaux, sous la direction de la Commission d’État pour l’économie et le commerce. Trois approches ont été adoptées pour restructurer ces départements : déclassement, corporatisation et regroupement :
- Le " déclassement " consistait à déprécier certains départements, qui passaient du statut de " ministères " à celui de " bureaux d’État " placés sous la direction de ministères et de commissions spécifiques, ou à celui de bureaux relevant directement du Conseil des Affaires d’Etat.
- La " corporatisation " revenait à transformer certains départements en sociétés d’État et à transférer leurs fonctions administratives initiales à d’autres organes.
- Le " regroupement " signifiait que certains départements devaient être regroupés au sein de ministères existants.
29Tandis que l’économie de marché est en plein essor en Chine, les activités illicites telles que la spéculation, la vente directe de produits par des moyens tentants et la production ou la vente de produits de contrefaçon ou non conformes aux normes se multiplient. Le désordre a exigé le renforcement de la fonction du gouvernement dans la réglementation du marché. Plutôt que de diriger directement le marché, le gouvernement chinois axe aujourd’hui sa fonction sur la régulation du marché et le maintien de l’ordre commercial. Dans le cadre de la réforme de 1998, le gouvernement s’est employé à renforcer les départements chargés du maintien de l’ordre et de la supervision en renforçant leurs fonctions. Les administrations d’État pour l’imposition, l’Administration d’État pour l’industrie et le commerce et le Bureau d’État à la qualité et la supervision technique ont vu leur fonction de supervision s’étendre et se renforcer. Le fait que le Bureau d’État à la qualité et la supervision technique, au départ un organe subordonné sous la direction de la Commission d’État pour l’économie et le commerce, relève désormais directement du Conseil des Affaires d’Etat va dans ce sens. Par la suite, l’Administration d’État à l’industrie et au commerce et le Bureau d’État à la qualité et la supervision technique sont passés au niveau ministériel en juillet 2001.
30Dans le cadre de la réforme de 1998, outre le Bureau général du Conseil des Affaires d’Etat, 15 des départements constitutifs du Conseil des Affaires d’Etat ont été supprimés, 4 ont été créés, 3, rebaptisés et 22, maintenus. Aujourd’hui, le Conseil des Affaires d’Etat comprend 29 départements constitutifs (en dehors du Bureau général du Conseil des Affaires d’Etat), 17 bureaux relevant directement du Conseil des Affaires d’Etat et 6 organes exécutifs. En outre, le Conseil des Affaires d’Etat compte 9 institutions axées sur les services sous sa direction, et 19 bureaux d’État relevant des ministères et commissions compétents. Afin de réduire encore l’intervention administrative dans la gestion des entreprises, 9 de ces dix bureaux ont été supprimés en février 2001. Entre temps, un nouveau Bureau d’État de la production en sécurité a été créé (People’s Daily, 20 février 2001, p. 2.). Conformément à l’objectif général de la restructuration organisationnelle, les effectifs du Conseil des Affaires d’Etat sont passés de 32 000 personnes à 16 700 (une réduction globale de 47,5 % de la main-d’œuvre) (Zhang, 1998, p.96).
C – Réaliser l’irréalisable : Jusqu’à quel point ?
31La réforme de 1998 a été mise en œuvre à un moment crucial pour la Chine, qui s’acheminait vers une économie de marché. La transition vers l’économie de marché pose des problèmes particuliers au Parti-État chinois. Un paradoxe existe : d’une part, la Chine doit renoncer à son intervention excessive dans la vie économique nationale afin de faire place au marché et d’autre part, elle a aussi besoin d’une nouvelle capacité administrative afin de soutenir la réforme économique axée sur le marché. En d’autres termes, tandis que le gouvernement doit mettre fin à son intervention directe dans l’économie, il doit conserver un minimum de pouvoir de réglementation, voire le renforcer. Lorsqu’on analyse la réforme de 1998 sous cet angle, l’on s’aperçoit qu’elle a donné naissance à de nouveaux changements, qui constituent des facteurs décisifs de la nouvelle relation État-société et de la relation gouvernement-entreprises en termes de gouvernance économique. On remarque également un mélange de réduction et de renforcement du rôle du gouvernement en ce qui concerne l’économie et le marché dans la réforme de 1998. Par conséquent, cette réforme peut être interprétée comme une stratégie adoptée par le régime communiste au pouvoir pour faire face au contexte socioéconomique axé sur le marché et répondre à la nécessité de rendre le gouvernement plus efficient et plus efficace (Ngok and Zhu, 2003).
32La réforme de 1998 a été lancée à un moment critique de la réforme et du développement chinois et elle a sans aucun doute débouché sur des résultats remarquables. Depuis lors, la Chine est de plus en plus touchée par les influences de la mondialisation de l’économie. À cet égard, le malaise social et les problèmes économiques sont nombreux, comme l’augmentation du nombre de demandeurs d’emploi, les mauvais résultats des entreprises publiques, l’insuffisance de la demande intérieure, la corruption endémique, le fossé grandissant entre les pauvres et les riches et les disparités régionales croissantes. Autant de questions que le gouvernement doit aborder et traiter.
Principales réformes administratives dans les années 1990
Principales réformes administratives dans les années 1990
IV – La réforme administrative du nouveau Millénaire : Réorganisation du gouvernement face à la mondialisation économique et afin de relever le nouveau défi
33La réforme de 1998 était une réforme progressive caractérisée par ses traits transitoires. Bien que cette réforme soit parvenue dans une large mesure à séparer le gouvernement des entreprises et à revoir les fonctions du gouvernement, la Chine n’a pas encore mis en place un système administratif efficace, adapté à l’économie de marché et à la mondialisation. Le pays possède une structure fondée sur le Parti-État, dépourvue de mécanisme institutionnalisé destiné à tirer parti de l’autorité du gouvernement en ce qui concerne l’économie ; dans ce contexte, la réforme administrative a besoin d’une nouvelle avancée idéologique et d’une nouvelle dynamique. Outre l’intensification de la réforme axée sur le marché, l’intervention croissante de la Chine dans l’économie mondiale, symbolisée par son entrée dans l’OMC en novembre 2001, a donné au pays une nouvelle impulsion.
34Dans ce contexte, une nouvelle vague de réforme administrative a été lancée en mars 2003 lors de l’arrivée au pouvoir de la 4e génération de dirigeants politiques chinois, dirigée par Hu Jingtao, le Secrétaire général du PCC. Comme l’explique Wang Zhongyu, alors Conseiller d’État et Secrétaire général du Conseil des Affaires d’Etat, dans son rapport sur la réforme de 2003 présenté au Congrès national du peuple, " compte tenu de l’intensification de la réforme économique et des nouveaux développements depuis notre adhésion à l’OMC, une nouvelle réforme administrative doit être mise en œuvre afin de venir à bout des problèmes présents dans les actuelles organisations gouvernementales " (Wang, 2003).
35Lorsqu’on compare la réforme de 2003 avec celle de 1998, on observe une continuité manifeste eu égard à la création d’un système administratif efficace et adapté à l’économie de marché socialiste. Il n’en reste pas moins que la réforme de 2003 a des caractéristiques propres. Dans une certaine mesure, la réforme de 2003 peut être interprétée comme une réponse consciente du gouvernement chinois aux conséquences de la mondialisation économique. Comme l’indique l’économiste Zhang Zhuoyuan, l’un des principaux cerveaux du programme de réforme de 2003, " les engagements pris par le gouvernement chinois à l’égard de l’OMC stimulent la réforme administrative " (Xinhuanet, le 10 mars 2003).
36Dans ce contexte, les principaux objectifs de la réforme de 2003 consistaient à approfondir le système de gestion des actifs de l’État, à améliorer le système de contrôle macroéconomique, à renforcer le système de réglementation financière, à intégrer le commerce intérieur et extérieur et à renforcer les systèmes de réglementation de la sécurité alimentaire et de la sécurité dans la production (Wang, 2003). Pour y parvenir, les unités constitutives du Conseil des Affaires d’Etat en place devraient être restructurées. Nous présentons ci-dessous quelques exemples à titre indicatif :
- Une nouvelle Commission d’État de supervision des actifs a été créée afin de gérer les actifs de l’État pour le compte de celui-ci. En tant qu’institution spécialisée responsable de la gestion des actifs de l’État, cette Commission d’État est habilitée à administrer la propriété, les investissements et le personnel des entreprises publiques relevant directement du Conseil des Affaires d’Etat et à aider les entreprises de cette catégorie à participer à la concurrence internationale.
- Une nouvelle Commission de supervision bancaire a été créée afin de renforcer la supervision de l’ensemble des banques et des autres institutions financières et de se protéger contre les risques financiers de plus en plus nombreux dans une économie fortement mondialisée. Auparavant, la Banque populaire de Chine, la banque centrale du pays, faisait à la fois office de décideur en matière de devises et d’organe de mise en œuvre de la politique en matière de devises, ainsi que d’inspecteur du secteur bancaire. Ce mélange des fonctions a affaibli sa fonction de supervision du secteur et l’a rendue inappropriée.
- Conformément à cette évolution, l’actuelle Commission d’État à la planification du développement a été restructurée pour devenir la Commission d’État au développement et à la réforme.
37Prenons par exemple la création du ministère du Commerce afin d’illustrer les conséquences de la mondialisation économique sur le système administratif chinois. Avant la réforme de 2003, le commerce intérieur et extérieur, de même que la politique et les pratiques en matière d’antidumping et d’antisubventions était gérés par les différents départements ministériels. Le système de gestion fragmenté a entraîné la séparation du marché intérieur et du marché extérieur, la segmentation du commerce intérieur et extérieur, la partition des contingents d’importation et d’exportation et des réponses faibles et confuses aux différends commerciaux avec les partenaires étrangers. Cette situation n’était pas compatible avec les exigences de l’OMC, qui cherche à établir un marché mondial unifié, un ordre économique mondial. Afin de satisfaire aux exigences de l’OMC, d’intégrer le commerce intérieur et extérieur et de créer un système de marché moderne ouvert, unifié et compétitif, le ministère du Commerce a été créé sur la base d’une réforme de l’ancienne Commission d’État pour l’économie et le commerce et du ministère de l’économie et du commerce extérieurs. En somme, la création de ce nouveau ministère vise à donner naissance à un marché et à un système commercial intégrés dans le cadre de l’OMC et en réponse à l’ordre mondial de l’économie de marché.
Principales réformes administratives au cours du nouveau siècle
Principales réformes administratives au cours du nouveau siècle
V – Conclusion
38Les réformes administratives dans la Chine post-Mao ont enregistré des progrès considérables. Elles ont amené le pays à passer d’une économie planifiée stalinienne à une économie de marché et lui ont permis de s’intégrer dans l’économie mondiale. Les cinq vagues de réformes administratives ont suivi un parcours en zigzag avant d’en arriver au stade actuel. Il s’est également s’agi d’un processus progressif. Au départ, les objectifs de la réforme administrative concernaient essentiellement la réduction de la taille de l’État et de ses effectifs afin d’alléger le fardeau financier, de lutter contre la bureaucratisation excessive et de renforcer l’efficacité. À la fin des années 1990, la principale dynamique de la réforme était la marchéisation des activités économiques. Dans la vague de réforme plus récente, la mondialisation économique a joué un rôle décisif dans la définition de la réforme.
39En ce qui concerne les objectifs de réforme, les programmes des réformes menés dans les années 1980 étaient essentiellement axés sur la reconfiguration institutionnelle et plus particulièrement sur la restructuration institutionnelle. Tandis que la réforme orientée vers le marché progressait, les mesures de réforme mises en œuvre dans les années 1990 ont commencé à se concentrer sur la réorientation fonctionnelle et la transformation du gouvernement. L’objectif fondamental de la réforme était de séparer le gouvernement des entreprises et de réduire l’intervention du gouvernement dans la vie économique. Suite à l’admission de la Chine dans l’OMC, la réforme administrative du nouveau millénaire visait à adapter le gouvernement à la mondialisation économique.
40L’analyse et la comparaison qui précèdent révèlent que le gouvernement communiste a vu dans la réforme administrative chinoise une stratégie ou une mesure destinées à faire face au contexte socioéconomique axé sur le marché et à répondre au défi de la mondialisation économique. Dans un État autoritaire comme la Chine, l’objectif de la réforme administrative ne peut consister à affaiblir le gouvernement ou le leadership du PCC en séparant le Parti du gouvernement (comme l’a un jour proposé Zhao Ziyang dans son rapport adressé au 13e Congrès du PCC en 1987). Il s’agit plutôt de renforcer le rôle du gouvernement sous la direction du PCC en ce qui concerne la direction de la transition vers l’économie de marché et de la réponse à donner à la mondialisation économique.
41Même si la Chine a sérieusement tenté d’adapter le système administratif à l’économie de marché émergente, il reste encore beaucoup à faire pour que le pays puisse mettre en place une administration publique moderne. Compte tenu du caractère autoritaire du régime politique chinois, la réforme administrative ne suffira pas pour créer la structure administrative efficace indispensable à la création d’une économie de marché saine en Chine. En somme, il ne suffit pas de lancer des réformes administratives de façon périodique seulement pour transformer le système administratif surdimensionné, politisé et fort interventionniste actuellement en place et hérité de l’État léniniste ainsi que de l’économie dirigée soviétique. Les réformes administratives périodiques ne peuvent pas non plus garantir la transition sans heurts vers l’économie de marché et l’intégration réussie dans l’économie mondiale. Au vu de ce qui précède, les décideurs politiques doivent envisager une approche proactive, comprenant une réforme politique ou constitutionnelle.
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