1Dans les pays membres de l’OCDE les deux dernières décennies ont vu affluer tout un courant d’idées nouvelles et d’initiatives en matière de gestion publique. Notre Examen tente de parvenir à mieux comprendre comment certaines de ces idées nouvelles ont œuvré en réalité en se penchant sur une sélection de leviers majeurs de la politique de réforme la gestion publique. Sur la base de ces résultats, notre Examen étudie de manière plus générale l’évolution qu’a connu sur la même période la façon d’appréhender la gestion publique et la gouvernance en vue d’aider ceux qui ont en charge la politique de la gestion publique à mieux se préparer aux futures échéances.
2L’impulsion du changement est venue des développements technologiques, économiques et sociaux survenus dans la deuxième moitié du 20ème siècle. Même si dans bien des pays ce sont des tensions budgétaires qui ont déclenché les réformes, les pressions en faveur du changement provenaient du fait que les gouvernements étaient de plus en plus en porte-à-faux avec des sociétés en train de changer qui avaient des attentes nouvelles et différentes.
3L’administration publique joue un rôle plus important dans les pays de l’OCDE qu’il y a vingt ans. Mais la nature des problèmes d’action publique et les méthodes utilisées pour y faire face sont en train de subir une profonde transformation. Les administrations publiques passent de la prestation directe de services à l’attribution d’un rôle plus important aux entités privées et une régulation accrue des marchés. La portée de la réglementation mise en œuvre par les pouvoirs publics est également en train de s’étendre à de nouveaux domaines socio-économiques.
4Après des décennies durant lesquelles les nouvelles initiatives de la puissance publique pouvaient être financées par des recettes supplémentaires, les tensions budgétaires se traduisent aujourd’hui par le fait que les pays membres de l’OCDE ont atteint les limites du financièrement accessible. Malgré des années de réforme du secteur public, la pression à la hausse des dépenses publiques demeure ; il est impératif que les administrations continuent à s’adapter aux besoins évolutifs de la société tout en respectant les limites fixées en matière de dépenses.
5Les administrations ont opéré ces vingt dernières années des changements majeurs dans leur mode de gestion du secteur public. La plupart des administrations publiques au sein de l’OCDE sont devenues plus efficientes, plus transparentes et orientées vers l’usager, plus souples et plus axées sur les performances. Toutefois, les dispositions propres à l’administration publique sont inextricablement liées aux institutions fondamentales de gouvernance publique. Les réformateurs doivent tenir compte des impacts possibles des réformes sur les valeurs de gouvernance de portée générale.
Leçons tirées des principaux leviers de la politique de la gestion publique
L’administration ouverte
6Dans les pays membres de l’OCDE les administrations deviennent plus ouvertes et plus transparentes, accessibles et consultatives. Ce phénomène trouve son expression dans de nouvelles lois et institutions et un vaste éventail de mesures d’action publique. Aujourd’hui, 90 % des pays de l’OCDE ont une loi sur la liberté d’information et des services du médiateur et plus de 50 % disposent de normes de services au consommateur.
7Un défi permanent pour les administrations est de satisfaire les attentes sans cesse croissantes des citoyens en termes de services plus accessibles et de haute qualité. Actuellement, un défi majeur que doivent relever les pays de l’OCDE face à la menace du terrorisme est de préserver l’ouverture de l’administration tout en garantissant la sécurité nationale et l’application efficace des lois.
Améliorer les performances du secteur public
8Les administrations sont aujourd’hui beaucoup plus axées sur les performances. Les promoteurs de la notion de performance ont développé la planification, la communication et le contrôle formalisés dans de nombreuses administrations. La plupart des pays de l’OCDE ont adopté une gestion et une budgétisation axées sur les performances : 72 % intègrent des données non financières sur les performances dans leur documentation budgétaire. Ainsi l’information dont disposent les gestionnaires et les décideurs s’en est trouvée accrue et améliorée.
9Toutefois, les administrations doivent se garder de surestimer les possibilités que recèlent les approches liées aux performances pour changer les comportements et la culture et de sous-estimer les limites des systèmes basés sur les performances. Les approches liées aux performances exigent une souplesse de gestion accrue. Ceci étant, les défis majeurs résident dans le juste équilibre à trouver entre cette souplesse et le contrôle, et l’intégration de systèmes d’évaluation des performances dans le système d’imputabilité classique du pays en question. Trop de souplesse peut conduire à des abus et une mauvaise gestion ; une souplesse insuffisante risque de rendre le service public peu efficace et peu réceptif. Il faut veiller davantage à maîtriser les coûts de transaction de la performance et à optimiser le contrôle par les pairs et les motivations internes.
Moderniser la responsabilité et le contrôle
10Au cours des 15 dernières années, la manière dont l’administration a gardé la maîtrise de nombreuses opérations complexes a évolué du fait des innovations technologiques, des modifications de taille et d’organisation de l’administration et de l’introduction de la gestion et de la budgétisation axées sur les performances. Les principales tendances en matière de contrôle dans les pays membres de l’OCDE sont le passage d’un contrôle a priori à un contrôle a posteriori et la mise en place de procédures de contrôle interne plus rigoureux. En pratique, cela signifie substituer à l’inefficience mais aussi à la certitude relative du contrôle de la régularité et de la légalité de chaque opération l’efficience plus grande et l’incertitude relative de la vérification du bon fonctionnement des systèmes. Le défi à relever est de conserver le contrôle de systèmes dans lesquels la délégation de pouvoirs est accrue et qui comportent davantage d’agences indépendantes et de prestations de service assurées par des tiers.
Réaffectation des ressources et restructuration
11Le fait que l’administration doit fixer des limites encadrant les dépenses et réaffecter les ressources à l’intérieur de ces limites a changé la procédure budgétaire qui est passée d’une fonction instrumentale à celle de vecteur principal de la gestion stratégique. Il est fréquent également que la procédure budgétaire serve de vecteur pour une réforme plus globale de la gestion.
12Pour l’administration moderne, la capacité de modifier les structures organisationnelles est essentielle. Cependant les changements structurels – qu’il s’agisse du démantèlement d’organisations existantes ou de la création de nouvelles organisations – ne peuvent être entrepris à la légère. Le démantèlement d’organisations peut entraîner une perte de continuité, de mémoire institutionnelle et de capacité à long terme. La prolifération d’organismes publics indépendants, plus ou moins autonomes, rend difficile toute action collective ou coordination. Les États doivent bien cerner les forces et les faiblesses structurelles des systèmes en place et s’appuyer sur leurs points forts.
L’emploi de mécanismes de type marché
13Les différentes sortes de mécanismes de type marché sont devenues plus courantes dans les pays de l’OCDE mais on constate des différences marquées entre les pays concernant leur utilisation. Ces mécanismes sont capables de générer des gains d’efficience considérables. Mais les décisions d’utiliser des mécanismes de type marché doivent être prises au cas par cas et il est primordial pour le succès de leur mise en œuvre que ces instruments aient été conçus de manière spécifique. Il demeure important de protéger les principes essentiels de la gouvernance, de ne pas confondre l’avantage privé et l’intérêt public ou de masquer la responsabilité vis-à-vis du public ou transparence. Les administrations doivent protéger leur autonomie pour l’action future si les priorités changent.
Moderniser l’emploi public
14La nature de l’emploi public dans les pays de l’OCDE a évolué de manière significative. Dans de nombreux pays, les dispositions relatives à l’emploi des fonctionnaires se sont rapprochées de celles du secteur privé parce que leur statut et leurs conditions d’emploi ont été modifiés. Les politiques d’emploi de plus en plus individualisées sont devenues pratique courante, notamment la contractualisation et la rémunération liées aux performances, cette dernière étant appliquée aujourd’hui dans les deux tiers des pays de l’OCDE.
L’application de ces politiques a tendance à rendre l’existence d’une culture collective plus difficile. Les premiers réformateurs ont sous-estimé la complexité que revêtait l’adoption de techniques du secteur privé dans le secteur public. Toutefois dans bien des pays, il n’est pas possible d’envisager un maintien des dispositions traditionnelles en matière d’emploi public.
Conclusions plus générales sur la gestion publique et la gouvernance
15La modernisation est dépendante du contexte. S’il est vrai que tous les gouvernements sont actuellement touchés par les évolutions à l’échelle de la planète, il n’y a pas de gestion publique universellement valable. L’histoire, la culture et le niveau de développement donnent aux gouvernements des caractéristiques et des priorités différentes. Le travail d’adaptation peut bénéficier des enseignements apportés par d’autres administrations, mais sauf si les pays sont vraiment très semblables, les enseignements retirés seront plus profitables au niveau de la dynamique des systèmes qu’à celui des instruments et des pratiques spécifiques.
16Le problème tel qu’il se pose aujourd’hui concerne la façon dont on organise le secteur public de façon à ce qu’il puisse s’adapter aux besoins évolutifs de la société, sans perdre la cohérence de la stratégie et la continuité des valeurs de gouvernance Des administrations modernisées sont censées être plus réceptives à certains groupes de citoyens. Dans un service public différencié et fragmenté, la capacité d’action collective a un coût. Les nouvelles approches de la gestion doivent aller au delà de la contractualisation et de l’établissement de comptes-rendus pour s’intéresser derechef à l’articulation entre l’intérêt général d’une part et les motivations et les valeurs des individus d’autre part.
17Les administrations publiques doivent s’adapter à des sociétés qui évoluent en permanence. Il n’est pas question de réaliser une « réforme » une fois pour toutes, mais de posséder la capacité de mener une politique de gestion publique pour la totalité de l’administration, en permettant ainsi aux gouvernements de procéder à des ajustements en ayant présent à l’esprit l’ensemble du système. Des mesures efficaces de gestion publique demandent que l’on diagnostique clairement les problèmes et que l’on évalue les résultats obtenus.
18Les attentes et demandes d’administration des citoyens ne diminuent pas mais augmentent de plus de plus : ils attendent une ouverture, une qualité de service élevée, des solutions à des problèmes plus complexes et le maintien des droits à prestations sociales. Les réformes menées dans le secteur public ces vingt dernières années ont amélioré sensiblement l’efficience mais les administrations de l’OCDE sont aujourd’hui confrontées à un défi majeur qui est de dégager de nouveaux gains d’efficience pour financer les demandes croissantes adressées au gouvernement du 21ème siècle. Au cours des vingt prochaines années, les décideurs auront à faire face à des choix politiques difficiles. Dans la mesure où la plupart des gouvernements ne peuvent pas accroître la part de l’économie qu’ils prélèvent des pressions s’exerceront dans certains pays sur les programmes de droits à prestations sociales. Les concepteurs de systèmes de gestion publique seront encore sollicités. Cela exigera des qualités de leader de la part de fonctionnaires dont les capacités techniques, managériales et politiques auront été renforcées, qui réfléchiront et planifieront de façon concertée et sauront coopérer avec d’autres acteurs.