Couverture de RISA_722

Article de revue

Bonne gouvernance, professionnalisme, éthique et responsabilité

Pages 159 à 176

Notes

  • [*]
    Demetrios Argyriades est professeur d’administration publique au John Jay College, City University of New York. Il est rapporteur du groupe de travail de l’IISA sur « Administering Global Governance and on the Human Factor ». Traduit de l’article paru en anglais sous le titre : « Good Governance, professionalism, ethics and responsibility ».
  • [1]
    Les dénonciations du « mal » sont devenues un trait habituel du discours politique. Elles ont commencé avec l’« empire du mal » et se sont poursuivies avec l’« axe du mal ».
  • [2]
    Par ex. « Public Integrity », une revue de l’American Society of Public Administration, en est à sa septième année d’existence.
  • [3]
    Les chartes « citoyennes » ou destinées à la « clientèle » ainsi que les « codes de conduite » sont aujourd’hui devenus un élément important dans presque tous les pays et les secteurs professionnels.
  • [4]
    La littérature consacrée au thème de la corruption est abondante. Le lecteur pourra consulter : H. George Frederickson et Richard K. Ghere (dir.) (2005) Ethics in Public Management, New York : M.E. Sharpe ; Gerald Caiden, O.P. Dwivedi et Joseph Jabbra (2001) Where Corruption Lives, Conn. Kumarian Press ; J.F. Bayart, Stephen Ellis et Beatrice Hibou (1999) The Criminalization of the State in Africa, Bloomington, Indiana, Indiana University Press ; J. Cartier-Bresson (2000) « The Causes and Consequences of Corruption : Economic Analyses and Lessons Learnt » dans « No Longer Business as Usual : Fighting Bribery and Corruption », Paris, OCDE ; M.W. Collier (2002) « Explaining Corruption : an Institutional Approach in Crime, Law and Social Change », 38(1) ; A. Doig et Stephanie McIvor (1999) « Corruption and its Control in the Development Context : an Analysis and Selective Review of the Literature » dans Third World Quarterly, 20(3) ; R. Klitgaard (1988) Controlling Corruption, Berkeley, CA, University of California Press ; R. Klitgaard (1999) « Combating Corruption and Promoting Ethics in the Public Service » dans Public Service in Transition : Enhancing its Role, Professionalism, Ethical Values and Standards ; New York Nations unies, p. 100-10 ; S. Rose-Ackerman : (1999) Corruption and Good Government : Causes, Consequences, Strategies and Reform, Cambridge, Cambridge University Press ; A. Sen (2000) Development as Freedom New York, Alfred Knopf; Transparency International (TI) site Internet : www.transparency.org.
  • [5]
    A/RES/55/2 datée du 18 septembre 2000.
  • [6]
    Termes du Président R. Reagan à l’occasion de son discours inaugural, en janvier 1981.
  • [7]
    Programme des Nations unies pour le développement, Bureau régional pour l’Europe et la CEI : « The Shrinking State : Governance and human Development in Eastern Europe and the Commonwealth of Independent States » ; et « Poverty in Transition », New York, PNUD, 1997, document des Nations unies E/1998/77, p. 2, paragraphes 60-suiv. Voir également le message de l’Administrateur assistant et Directeur, Bureau régional pour l’Europe et la CEI, PNUD, Nations unies : « Decentralization : Conditions for Success : Lessons from Central and Eastern Europe and the Commonwealth of Independent States » ; ST/ESA/PAD/SER.E/7, New York Nations unies, 2000, p. 9. M. Kruiderink déclare plus précisément : « Nombreux seront ceux dans la région qui se souviendront des années 1990 comme d’une décennie de trouble social et économique que ni eux, ni ceux qui offrent des conseils ou une assistance financière n’avaient prévu…. Le «tout le pouvoir à l’État» a été échangé contre le «tout le pouvoir au marché» ; la main visible de l’autorité centralisée a été remplacée par la main invisible du marché ».
  • [8]
    Voir également Institut international des sciences administratives (IISA), Administration publique et globalisation : Administration internationale et supranationale, Actes, Bologne et Saint-Marin 2000, p. 34.
  • [9]
    Déclaration du millénaire A/RES/55/2, 18.9.2000
  • [10]
    Même au Secrétariat des Nations unies, le « Département de l’administration et de la gestion » a été rebaptisé. On l’appelle désormais le « Département de la gestion » ; le « Bureau de l’administration du personnel » est quant à lui devenu le « Bureau de la gestion des ressources humaines ».
  • [11]
    Par conséquent, la Grande-Bretagne du New Labour redéfinit l’égalité : celle-ci fait davantage référence aux perspectives qu’aux biens distribués. L’on part du principe selon lequel l’inégalité croissante des biens distribués et la marginalisation au sein des pays et d’un pays à l’autre n’ont pas de conséquences sur les perspectives ou les possibilités. Sur ce thème, voir Geraldine J. FraserMoleketi « Quality Governance for Sustainable Growth and Development » dans International Review of Administrative Sciences, 69(4) : 463 et suiv. Voir aussi « Meritocracy in America: ever higher society to ascend » dans The Economist, 1er janvier 2005.
  • [12]
    Rapport dans The New York Times, lundi 25 avril 2005, p. A13.
  • [13]
    En annonçant ce Prix, le New York Times (samedi 8 octobre 2005, p. A2) observait : « Le Prix Nobel de la Paix a été attribué à l’AIEA et à son chef, Mohammed El Baradei, que l’administration Bush a essayé, mais en vain, de démettre de ses fonctions il y a quelques mois à peine. Ce prix représentait le soutien marqué à l’égard d’un homme et d’une agence qui ont longtemps jouté avec le Président Bush et son gouvernement à propos de la façon de faire face à l’Irak et à l’Iran.
  • [14]
    « he d’ethike ex ethous perigignetai », Éthique à Nicomaque II, 1103a 17.
  • [15]
    « estin de ethos to toiouton ho deloi proairesin », Poétique 1450b, 8-9, extrait de Antoine Makrydemetres (2004) Prosengiseis ste Theoria ton Organoseon (approches de la théorie des organisations) Athènes, Kastaniotes, p.425.
  • [16]
    À savoir des paramètres normatifs qui son traduits, en latin, par les termes fas et nefas.
  • [17]
    Éthique à Nicomaque 1103b, 5-9.
  • [18]
    Les activités déplorables qui ont lieu dans les prisons de Guantanamo et d’Abu Ghraib, les tentatives d’étouffement de l’affaire et l’interpellation, ensuite, des « petits soldats » exclusivement ont été analysées de façon détaillée dans la presse internationale. Voir les éditoriaux du New York Times, jeudi 26 et vendredi 27 août 2004 ; voir aussi l’éditorial du vendredi 7 janvier intitulé « Mr. Gonzales Speak » (M. Gonzales parle), l’éditorial intitulé « Rewarding Mr. Gonzales » (M. Gonzales récompensé) du mercredi 5 janvier 2005 et l’article intitulé « Promoting Torture’s Promoter » (Promotion du promoteur de la torture) dans la page éditoriale de la même date ; voir l’éditorial intitulé « Rewarding the Commander, despite Abu Ghraib » (Le commandant récompensé, malgré Abu Ghraib) dans le Herald Tribune du 23 juin 2005.
  • [19]
    « Ho de anexétastos bios ou biotós », 28A12 ; voir aussi Alexander Nehamas (1998) « The Art of Living : Socratic Reflections from Plato to Foucault », Berkeley, University of California Press.
  • [20]
    « …Mesótes duo Kakón », Éthique à Nicomaque : 1107a, 1129a.

Introduction: Du gouvernement à la gouvernance

1L’une des maximes les plus célèbres de François de la Rochefoucauld soutient que « l’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu ». Cette description serait-elle appropriée pour décrire le discours politique et une grande partie de la pratique politique au cours de cette première décennie du vingt-et-unième siècle ? On ne peut nier que, dans la mémoire des vivants, l’on s’est rarement tant répandu en éloges, on a rarement tant parlé de la vertu ; et la corruption de même que le vice ont rarement été critiqués aussi fermement et de façon aussi indignée. Partout dans le monde, les dirigeants politiques rivalisent en se posant en fermes défenseurs du principe et en adversaires du « mal » [1]. Tant au niveau national qu’international, les ateliers et les cours consacrés à l’éthique et au professionnalisme abondent. Les revues consacrées à l’intégrité publique [2] et les codes de conduite prennent de l’ampleur. Comme beaucoup d’autres publications, elles ont vu le jour soi-disant en réponse à une demande populaire [3]. Les stratégies de lutte contre la corruption sont venues s’ajouter aux domaines de prédilection des conseillers en gestion qui, en échange d’honoraires non négligeables, se déplacent aux quatre coins de la planète à la demande de gouvernements soucieux de prouver, sur les plans intérieur et international, qu’ils font de leur mieux pour lutter contre cette pandémie. Avec quel niveau d’efficacité ? Difficile à dire.

2En attendant, la corruption prospère. Le phénomène, pas vraiment nouveau, a gagné en notoriété au cours des dix ou quinze dernières années en raison, surtout, de son ampleur, de sa propagation et de la multitude des formes qu’elle prend dans les différentes cultures. [4] Internationalement reconnu comme un spécialiste de la question, le professeur Robert Klitgaard la définit comme « l’utilisation malveillante d’une position à des fins non officielles ». Et d’expliquer qu’elle se développe « dans des conditions de monopolisation du pouvoir, de manque de transparence et d’imputabilité » (Klitgaard, 1999 : 100). Cependant, les récentes tentatives de diffusion du pouvoir et de suppression des monopoles d’État, ou l’injection des approches issues du secteur privé dans la prestation de service public, n’ont pas vraiment abouti. Au contraire, puisqu’elles ont sans doute aggravé le problème dans certains pays. Exceptionnellement polyvalente, la corruption revêt de nombreuses formes. Pour n’en citer que quelques-unes : abus de pouvoir aux fins de profit personnel ; subornation, vol, détournement de fonds ; fraude et acceptations de dessous-de-table ; activités d’acquisition de rentes ; fraude fiscale ; extorsion et intention de resquiller ; sollicitation de faveurs sexuelles ou autres ; pratique de la discrimination, du « clientélisme », du patronage et du copinage ; omission de dire la vérité ; distorsion de la réalité ou falsification des preuves de façon malhonnête dans le but de s’insinuer dans les bonnes grâces des riches et des puissants. On trouve des exemples de corruption dans toute une série de pays, quel que soit leur niveau de développement. Malheureusement, la corruption touche désormais tous les secteurs professionnels et certains bastions traditionnels de l’honnêteté et de la moralité. Pas même les universités, les institutions religieuses, les organisations internationales et les assemblées législatives ne sont épargnées. Le fossé profond entre la théorie et la pratique, la dissonance, en réalité, entre le discours officiel et la réalité manifeste ont avant tout contribué au cynisme du grand public et au déclin de sa confiance. Bien plus que des erreurs de jugement, ces signes d’incohérence ont sapé la crédibilité des institutions publiques et nui à l’image de l’État.

3Les termes « État » et « public » ne valant manifestement plus grand-chose, ce n’est sans doute pas une coïncidence s’ils sont tous deux absents du débat permanent sur la « modernisation » et la réforme du secteur public. Mais un changement de vocabulaire constitue-t-il la bonne solution pour le problème qui nous occupe ? La langue est féconde en termes nouveaux et séduisants pour « commercialiser » les idées. Le terme « gouvernance », probablement en haut de la liste, domine le discours depuis dix ans. L’expression « du gouvernement à la gouvernance » est devenue la nouvelle panacée. Elle désigne des systèmes essentiellement décentralisés, basés sur la coopération, dans lesquels le service public et l’entreprise privée, de même que la société civile, participent au partage des pouvoirs. Si l’on tient compte de sa nouveauté, la fréquence et l’omniprésence de ce nouveau terme sont véritablement extraordinaires. Pour preuve, dans le Social Science Citation Index (SSCI), qui surveille l’apparition d’articles dans les revues à l’échelle mondiale, l’utilisation du terme a augmenté d’un facteur de 30 en quinze ans à peine (Fraser-Moleketi, 2005 : 146). Même si, dans une certaine mesure, le mimétisme, produit ou encouragé par la mondialisation et la marchéisation, est peut-être en partie responsable de ce phénomène, il est également lié aux nouvelles préoccupations générales et à ce qu’on pourrait appeler les « conceptions actuelles » prédominantes.

4Le moment choisi pour cette évolution n’est sans doute pas un hasard. La découverte de la « bonne gouvernance » et son apothéose surviennent après une décennie d’attaques véhémentes à l’égard du « gouvernement » et de l’État providence, mais aussi à la suite des événements cataclysmiques qui ont entraîné l’éclatement de l’URSS, sans doute le premier exemple mondial d’« État tentaculaire ». Pour d’« innombrables hommes et femmes de toutes croyances, de tous pays et de toutes races qui ont été victimes de la… croyance dans les Lois inexorables du Destin historique » (Popper, 1957 : III), il s’agissait véritablement de la révélation d’un Dieu qui n’était plus. Pour les générations qui ont été bercées par « Le meilleur des mondes » d’Huxley ou « 1984 » d’Orwell, des œuvres présentées au monde comme représentant le destin incontournable de l’humanité, ce « Götzen-dämmerung », ce crépuscule des idoles du sophisme historiciste (n’en déplaise à Friedrich Nietzsche et Karl Popper) aurait dû être considéré comme un grand soulagement. Cependant, la période de grâce qui a suivi le déclin du dogme marxiste-léniniste s’est avérée de courte durée. On était convaincu que la fin de la Guerre froide allait marquer le début d’une nouvelle ère de paix, de désarmement et de progrès, d’étroite coopération entre les États membres des Nations unies dans la mise en œuvre des programmes globaux. Malheureusement, l’esprit de pluralisme démocratique dont s’est en grande partie inspirée l’importante Déclaration de l’Assemblée du Millénaire [5] n’a pas survécu longtemps à ce sommet au seuil du 21ème siècle.

5Depuis, ce changement de cap et l’évolution du climat politique survenue entretemps ont été attribués aux événements du 11 septembre. Il ne fait aucun doute que le lâche attentat contre les Tours jumelles a eu des conséquences traumatisantes sur l’opinion publique américaine et dans le reste du monde, qu’il a eu des répercussions sur les comportements, de sorte qu’il fut possible d’accepter ou de revenir à une mentalité digne de la Guerre froide, qui semble si déplacée, tellement en contradiction, en réalité, avec le contenu des discours qui ont salué la venue du nouveau millénaire. On ne peut nier, d’autre part, que l’évolution colossale et la fermeture d’esprit que cela a produit dans des segments de l’opinion publique ont bénéficié d’une préparation préliminaire. Les attaques provenant de la droite radicale avaient lentement préparé le terrain. Cela a commencé au début des années 1980. L’État étant discrédité et considéré comme la « source de nos problèmes, pas leur solution » [6], la gouvernance a été « réinventée » et largement mise en pratique. Contrairement à l’« État tentaculaire », un terme extrêmement péjoratif, cette expression à la fois ancienne et nouvelle, qui remonte au XVIIe siècle, a été savamment interprétée pour envoyer un message positif. La Banque mondiale, qui l’a pour la première fois utilisée en 1989, a préparé un livre sur ce sujet en 1992, dans lequel une définition de la « gouvernance » est proposée. Selon cette étude, le terme désignait la « manière dont le pouvoir est exercé dans la gestion des ressources économiques et sociales d’un pays en vue de son développement ».

On y ajoute que la « bonne gouvernance est symbolisée par une élaboration des politiques prévisible et éclairée (à savoir des processus transparents), une bureaucratie empreinte d’une éthique professionnelle, un organe exécutif de l’État responsable de ses actions et une société civile dynamique qui participe aux affaires publiques et où tous se comportent dans le respect du droit ».
(Banque mondiale, 1994 : VII)
Une « œuvre de taille », pourrait-on dire, mais rien de particulièrement neuf ; certainement une description appropriée de ce dont le monde a besoin aujourd’hui, mais guère de ce qui existe effectivement, si ce n’est dans quelques rares pays, essentiellement développés. En ce qui concerne les conditions nécessaires pour se rapprocher de cette norme, le rapport de la Banque en question établissait de nouveaux paramètres qui redéfinissaient, sans ambiguïté, les normes en matière de réforme du secteur publique et d’importance de l’État :
« Le nouveau modèle passe par un État plus petit, équipé d’une bureaucratie professionnelle et responsable, capable de créer un “environnement favorable” à la croissance conduite par le secteur privé, qui se libère effectivement des fonctions de base, comme la gestion économique, et qui œuvre en faveur de la réduction durable de la pauvreté ».
(Banque mondiale, 1994 : XVI)

Bonne gouvernance, allègement de l’État… et la fin de l’Histoire

6Combinée à une croyance implicite dans la capacité du secteur privé à diriger l’agenda de la croissance, la notion de « réduction de l’État » est apparue comme un élément critique du « Consensus de Washington » (Stiglitz, 2002, 1998), qui dominait la scène au début des années 1990. Ce modèle conservait encore une aura importante tandis que le siècle touchait à sa fin. Il paraissait imminent dans un rapport au titre significatif : « The State in a Changing World », produit par la Banque mondiale en 1997. Beaucoup de choses avaient cependant changé entre-temps. De vastes régions du monde étaient encore en proie à une récession économique et à la crise de l’endettement qui a suivi, ce qui avait entraîné les interventions mixtes de la Banque mondiale et du FMI et leurs programmes d’ajustement structurel. Face à ces crises, cependant, le monde avait également assisté au « miracle » des tigres d’Asie orientale, où les gouvernements avaient joué un rôle véritablement prépondérant, totalement imperméable aux conditionnalités étrangères. L’«évidement de l’État» (Harlow, 2000) avait perdu son éclat d’antan. En Afrique, en Europe orientale et dans une grande partie de l’Amérique latine, les pays commençaient à se rendre compte des résultats néfastes des « thérapies de choc » et des « grands éclatements » (Hesse, 2000 ; Newland, 1996 ; Randma, 2001) qu’avaient entraîné les ajustements structurels. Les grands espoirs s’évanouissaient tandis que l’on constatait les échecs, fortement prévisibles, après les premières promesses de victoire et de succès rapides.

7Les organismes d’aide ont reconnu, bien que tardivement, les erreurs et les effets externes négatifs des précédentes approches. En 1997, par exemple, deux rapports du PNUD, de même que le rapport sur la XIIIe réunion d’experts sur le Programme d’administration et de finances publiques de l’Organisation des Nations unies, épinglaient la dégradation rapide des conditions sociales non seulement en Europe de l’Est, mais aussi dans d’autres parties du monde. La XIIIe réunion d’experts appelait les États membres à reconstruire et à renforcer leur capacité institutionnelle dans le domaine de la politique sociale. [7] Dans son rapport sur l’État, également publié en 1997, la Banque mondiale s’efforçait de souligner les erreurs liées à l’importation aveugle de « modèles » généralement inappropriés :

8

« Les facteurs qui influent sur l’efficacité de l’État varient considérablement d’un pays à l’autre selon le stade de développement. Ils ne sont pas les mêmes en Nouvelle-Zélande ou aux Pays-Bas, et au Népal, par exemple. Et même à niveau de revenu égal, la taille du pays, sa composition ethnique, sa culture et son régime politique confèrent à chaque État un caractère unique… ».
(Banque mondiale, 1997 : 1)

9Les institutions de base de l’État ont été sérieusement endommagées dans plusieurs régions du monde. Reste à espérer que des enseignements ont été titrés dans ce processus. On peut dire que le premier enseignement concerne les risques liés aux panacées qui accompagnent les modèles « fourre-tout ». L’« allègement de l’État » faisait partie de ces modèles. Conçu au départ en Nouvelle-Zélande, il illustrait la culture et la tradition de common law des pays anglo-saxons, notamment l’Australie, la Grande-Bretagne et l’Amérique du Nord. Le modèle s’est ensuite infiltré dans d’autres régions du monde grâce à une commercialisation intelligente de la part de consultants en gestion ou par le biais du FMI et de la Banque mondiale, qui l’ont imposé comme conditionnalité. Étant donné le contexte opportun, personne ne remettait ces politiques en cause puisqu’elles étaient appliquées avec un certain succès dans certains pays nordiques et à Singapour, notamment. Des problèmes sont néanmoins apparus lorsque les mesures de ce type ont été introduites dans des pays où le cadre institutionnel nécessaire était quasiment inexistant, où les services fournis par l’État ne pouvaient pas l’être par le secteur privé à un coût raisonnable et où la culture de la gestion reposant sur une éthique du travail et le respect de l’État de droit faisait encore défaut.

10Avec le triomphe du néolibéralisme, une vague de « managérialisme » a soudain déferlé sur la planète. Celle-ci s’accompagnait d’une approche technocratique, d’un raisonnement instrumental et d’une pensée unidimensionnelle, qui minimisait les complexités et/ou les particularités des contextes nationaux. Ce manque d’importance accordé au contexte a contribué, au fil du temps, à l’extraordinaire croissance d’une véritable industrie de ce qu’on appelle les « meilleures pratiques », considérées de façon abstraites, et des transferts de politiques concomitants, qui « faisaient… la part trop belle à la justification économique de la réforme et ne tenaient pas suffisamment compte des adaptations juridiques et institutionnelles de base » (Hesse, 2000). Comment expliquer ce climat d’orthodoxie économique à une époque qui prônait le triomphe de la démocratie et du pluralisme ? Pourquoi, tandis que le vingtième siècle touchait à sa fin, des solutions uniformes ont-elles remplacé le dialogue constructif et la tolérance à l’égard de la diversité dans la gouvernance et la gestion ? Dans cet article, nous proposons deux réponses : l’une réside dans ce que les Dr Hesse et Pollitt ont appelé « l’illusion de la convergence globale » (Hesse, 2000; Pollitt, 2001). Présentés en des termes linéaires, le « changement », la « modernisation », la « transition » et la « mondialisation » désignaient des tendances qui étaient souvent considérées comme quasi-universelles, animées par des forces historiques qui allaient irréversiblement dans une seule direction : le triomphe des marchés, la réduction de l’État, la disparition progressive des anciennes cultures « traditionnelles » et la convergence des valeurs. Selon cette pensée, le marché constituait le modèle dont devait s’inspirer la réforme du secteur public dans l’« État-management » de demain. Un univers de cultures essentiellement définies par leur histoire, leur géographie, leurs coutumes et leur religion était soigneusement subdivisé par ordre décroissant en termes de qualité et d’efficience. Il comprenait des « héros et des voyous, des leaders et des traînards, (tous) en route pour le pays de cocagne » (Premfors, 1998).

11La représentation de cette corne d’abondance a reçu un nouveau coup de fouet au début des années 1990, au lendemain de l’effondrement de la puissante Union soviétique. On a rapidement considéré l’échec d’un système comme la preuve du triomphe de l’autre. Oubliant les leçons de l’Histoire et le caractère transitoire des idées, si nettement démontré dans le spectaculaire effondrement d’un système politique qui était encore considéré, dans les années 1940 et 1950, comme la voie vers l’avenir, les partisans des marchés libres présentaient cette soudaine évolution en des termes eschatologiques, comme l’aube d’une nouvelle ère. Un sentiment de déjà vu, mais aussi de finalité, se dégageait de façon très marquée du titre d’un ouvrage de Francis Fukuyama, publié peu après la chute de l’État soviétique : La fin de l’Histoire et le dernier homme. Le résultat ce discours a été profondément influencé par l’idéologie du « choix public » et la pensée managériale. L’on s’est rapidement rendu compte à quel point il reflétait les cultures administratives, de même que les véritables préoccupations de la plupart des pays du monde, développés comme en développement. On pourrait décrire l’image qu’il projetait comme une vision candide de la réforme de la gestion et de la mondialisation, une image qui promettait une victoire et un succès aisés et imminents. Comme dans Candide, de Voltaire, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, et on pourrait résumer la leçon de la façon suivante pour les praticiens de l’administration publique: convertissez-vous aux modalités du secteur privé ou prenez votre retraite et cultivez votre jardin.

12Cependant, tandis qu’il entrait dans le XXIe siècle, le monde réel ne ressemblait guère à une roseraie. Lors du sommet du millénaire, le Secrétaire général a jeté un froid sur les promesses des années précédentes devant les dirigeants des États membres réunis.

« Les bienfaits de la mondialisation demeurent concentrés dans un petit nombre de pays, à l’intérieur desquels ils sont inégalement répartis. De plus, depuis quelques dizaines d’années, un déséquilibre s’est instauré entre (l’action économique)… et… l’attention accordée à des objectifs sociaux… ».
(Rapport du Secrétaire général – Assemblée du millénaire, A/RES/55/2, 6 septembre 2000, voir aussi A/55/2, 18 septembre 2000)
Au lieu de la convergence promise, cette inégalité croissante s’est en revanche aggravée en raison d’une concentration massive du pouvoir et des richesses, des ressources et du savoir-faire, entre les mains d’un nombre très réduit de personnes, d’entreprises et de nationalités. Qu’a-t-on dès lors accompli en quinze années de promesses de réforme administrative en faveur de la démocratisation et du progrès économique ? Les rapports sur la situation mondiale [8] et le sommet du millénaire, de même que les nouvelles quotidiennes, suggèrent des conclusions inquiétantes : niveaux élevés de profonde pauvreté persistants, avec une inégalité et une insécurité humaine croissantes (Balogun, 2005, 2002) ; résurgence de la xénophobie et d’autres formes d’intolérance, provoquant quelquefois des crises humanitaires ; cycle apparemment interminable de la guerre, de la violence et de la répression ; vénalité, irrégularités, corruption et crime organisé d’une ampleur transnationale ; pandémies de l’ampleur du VIH/sida ; et détérioration rapide de l’environnement physique mondial.

Le gestionnaire entrepreneur

13L’aube du nouveau millénaire a été marquée par des déclarations proclamant l’importance des Nations unies et clamant la nécessité de promouvoir la paix, le désarmement, l’État de droit et la bonne gouvernance, parallèlement à une culture de la tolérance dans un monde à la diversité grandissante. [9] En quelques années, ces grandes espérances se sont envolées, confirmant la conception de notre ère de Peter Drucker comme une « ère de discontinuité » (Drucker, 1968, 1991). Il y a eu le 11 Septembre, puis la guerre en Irak. Simultanément, le monde a assisté au spectacle d’une série de méga-scandales impliquant d’énormes entreprises, comme Enron Corporation, Arthur Andersen, WorldCom, Xerox, Tyco, Cisco, Parmalat, Hollinger et Halliburton. Ces révélations massives de vénalité de la part des entreprises ont terni l’image idyllique de l’entreprise privée et jeté le doute sur les revendications de responsabilité sociale, que les prophètes du néolibéralisme avaient promues avant tant de vigueur dans les années 1980 et 1990. Non contents de faire l’éloge des vertus de l’entreprise privée, les partisans du néolibéralisme ont cherché à convertir l’État aux méthodes du secteur privé. Le « modèle de marché de l’État » était le produit de ces efforts. À l’apogée de la « réinvention », comme on a appelé ce mouvement, le président de Harley Davidson apprenait au vice président Al Gore à diriger le gouvernement comme l’industrie des motos (Stillman II, 2003 : 34).
En conséquence, la littérature donnait corps à un nouveau profil de fonctionnaire de haut niveau. Celui-ci a été mis en évidence dans le best seller d’Osborne et Gaebler sur la « réinvention du gouvernement » (Reinventing Government). Dans cet ouvrage, comme dans d’autres, le « gestionnaire-entrepreneur» est porté aux nues, par opposition au « bureaucrate » conventionnel stéréotypé – et diffamé. Cependant, en dernière analyse, on pourrait se poser la question suivante : qu’a produit ce modèle et en quoi est-il compatible avec l’archétype de ce fonctionnaire efficace et professionnel que les actuels codes de conduite prétendent cultiver, sur le plan intérieur et internationalement ? On l’a déjà dit : « On juge un arbre à ses fruits ». Malheureusement, ce qui se passe depuis quelques dizaines d’années n’est guère rassurant. En effet, on assiste sans doute aux conséquences d’un conflit pernicieux entre l’archétype du professionnalisme du service public inhérent aux codes qui abondent désormais dans le monde entier et les dogmes d’un modèle que nous devons au NMP et au mouvement de la « réinvention » (Pichardo Pagaza, 2004). Cela vaut sans doute la peine d’examiner ce conflit immanent et d’analyser ses principales dimensions :

« L’administration est l’administration »

14Simple, directe et percutante, cette affirmation tautologique est devenue la salve d’ouverture de la campagne en faveur du NMP. Laissant de côté les complexités propres à l’administration publique, ce nouveau message, « pragmatique », mettait en vedette les résultats financiers. Cependant, il a également révélé une propension à l’« interprétation », aux « petites phrases » et aux « slogans » qui, malheureusement, occupent désormais une place dominante dans le discours sur les questions d’administration et de gouvernance, ainsi que de politique publique (Roberts, 2005).

« Laisser le gestionnaire gérer »

15Le cri de guerre du mouvement était également un slogan percutant. Celui-ci préconisait que l’on « libère » les gestionnaires « limités par des règles » de leurs « chaînes ». Le message inhérent de cet appel était la croyance selon laquelle les règlements constituaient un nœud serré qui asphyxiait les gestionnaires et tuait leur créativité. La devise « la primauté des résultats sur le processus » s’inscrivait dans le cadre de cette approche. Cela donnait clairement l’impression que la qualité des résultats dépendait du contrôle de l’ensemble des ressources nécessaires. L’expression « laisser les gestionnaires gérer » suggérait que l’absence de contrôle de ce type constituait un énorme obstacle pour ceux-ci. Cela nous amène à croire que cette idée provenait essentiellement de la protection excessive offerte au personnel et des pressions syndicalistes. Le dédain à l’égard des « bureaucrates dorlotés » est à l’origine de l’hostilité du nouveau management public à l’égard de tous les types de mesures de protection, de sa préférence pour les « trajectoires difficiles » et de sa propension à adopter des mesures qui mettent l’accent sur un accroissement de l’autorité des personnes qui exercent une autorité et de la discipline pour les employés (Leon, 1998). On a admis l’hypothèse que les mesures de protection sont inutiles, que la sagesse n’est accordée qu’à quelques élus et d’une élite de connaisseurs ayant les connaissances et les compétences, l’obligation, même, de mener et de diriger les autres dans l’intérêt du monde à long terme.

L’ère de l’exécutif impérial

16C’était le début de l’ère de l’exécutif impérial. La convergence de deux modèles a donné naissance à un archétype du nouveau gestionnaire public. La « réinvention » des termes a suivi peu de temps après. L’« administration » a été éliminée du langage courant [10] pour céder la place au « management », nettement plus «à la mode», et des notions telles que « démocratie », « égalité » et « liberté » ont été redéfinies afin de favoriser le rapprochement des normes du secteur public avec les pratiques du secteur privé. [11] Dans trop de pays et d’organisations, l’économie de l’offre et le nouveau management public ont entraîné dans leur sillage la disparition progressive des processus démocratiques sur le lieu de travail, un essor de l’arbitraire et une exploitation totale des groupes vulnérables, tout cela au nom de la liberté. Un sentiment de déjà vu vient à l’esprit lorsque l’on songe aux leçons de l’Histoire et aux classiques de la littérature. Comme pour justifier les nombreuses conséquences négatives de ce déséquilibre des pouvoirs et des inégalités flagrantes des richesses, les dirigeants d’entreprises et leurs apologistes ont assidûment promu le culte du « gestionnaire héroïque ». On parle beaucoup de « leadership » depuis quelques années, oubliant que ce terme a également été utilisé jusqu’à la nausée – et que l’on en a abusé – dans les années 1930. L’on partait du principe que les leaders charismatiques appliqueraient une autodiscipline et utiliseraient leur pouvoir de façon judicieuse (Khuruma, 2002). L’on pensait également que parmi tous les facteurs pertinents, le leadership faisait la différence.

17La cupidité et l’orgueil démesuré ont vite envahi les espaces public et privé. Les pays, les uns après les autres, de même que les organisations, nationales ou internationales, les unes après les autres, ont propulsé leurs cadres supérieurs vers des sommets inconnus. Le sentiment d’être bien au-dessus de la mêlée est renforcé par tous les incidents de la vie institutionnelle. L’exposition à la publicité et la nécessité primordiale de projeter une image percutante ont pour effet d’isoler les leaders dans une sorte de tour d’ivoire, où ils tombent facilement en proie à la flatterie des courtisans et à l’illusion d’invulnérabilité que promeuvent les sycophantes. La vénalité, le trafic d’influence et le copinage ont suivi. Malheureusement, les exemples sont nombreux parmi les parlementaires et les dirigeants exécutifs des organismes, aux niveaux national, international, gouvernemental et non gouvernemental.

Les petites phrases et le style par opposition au contenu

18Une caractéristique qui a aigri les choses est la pratique qui consiste à exiger des fonctionnaires, même subalternes, qu’ils participent à la « mobilisation des ressources » en faveur de leurs activités programmées. La mise en pratique du dicton « gagner et ne pas dépenser » était saluée car considérée comme s’inscrivant dans le cadre de la gestion entrepreneuriale. Dans l’esprit de l’époque, les fonctionnaires étaient encouragés à essayer de compléter leurs enveloppes budgétaires en sollicitant des aides auprès de parrains potentiels, tant dans le secteur privé que parmi les gouvernements donateurs. Même si personne ne dira que ces pratiques sont répréhensibles en soi, on devine à quoi elles mènent – création de dépendances et encouragement des complicités au fil du temps. On peut clamer son innocence et prétendre que tout cela est « sans engagement ». Il est cependant bien connu que les engagements sont rarement visibles. Par ailleurs, lorsqu’elles vont trop loin, ces pratiques mettent en péril les valeurs fondamentales du service public, notamment l’autonomie professionnelle, l’État de droit, l’égalité et l’inclusion. Si, comme le dit le proverbe, celui qui paie bien a le droit de choisir, l’aptitude à répondre aux besoins reste en chemin ; l’intérêt commun cède la place aux intérêts clientélistes et les programmes « régis par la demande » se transforment en programmes régis par l’offre. Ces pressions en faveur de la collecte de fonds et la nécessité de présenter des résultats ont eu des effets pervers sur la rigueur et l’éthique professionnelles. Si la « réputation… repose sur une interaction fructueuse… d’une durée limitée » (Pollitt, 2001), les « petites phrases » et les « relations publiques » remplacent le conseil équilibré et les « mesures à effet rapide », le développement de bonnes relations à long terme basées sur la confiance. L’on met en péril ces valeurs que sont le respect de l’objectivité et le souci du client et qui caractérisent le profil du professionnel du service public.

Le professionnalisme du service public et l’éthique de la responsabilité

19Le culte de la réussite et la « marchéisation des valeurs » ne se limitent pas au secteur public stricto sensu. Au dire de tout le monde, ces phénomènes se sont rapidement propagés au secteur non lucratif (Eikenberry et Kluver, 2004 : 132-40). Comme on pouvait s’y attendre, les résultats de cette tendance et de l’« entreprenariat social » sont mitigés. Une récente étude examinant ce phénomène identifie les résultats suivants : l’abandon du service aux pauvres pour servir ceux qui ont les moyens de payer ; une envie pressante de rejeter ceux qu’il est difficile de servir ; la priorité accordée aux demandes des clients plutôt qu’aux besoins de la communauté ; une plus grande importance accordée à la gestion et aux relations publiques au détriment de la prestation de service ; et des mesures en faveur du statu quo.

20L’étude concluait en disant que l’« entreprenariat social », par « l’importance qu’il accorde aux résultats financiers », a des conséquences négatives sur la participation civique ainsi que sur le capital social. Si la société civile est en danger, les actuelles tendances font apparaître un profond fossé entre le discours et la réalité dans la sphère publique. Sur les plans national et international, le discours public est empli de pieuses invocations en faveur du patriotisme, de l’éthique, de la démocratie, de la réceptivité, du professionnalisme, de la transparence et de la responsabilité. Paradoxalement, cependant, on a l’impression que, en réalité, tant la gestion que la politique, sur les plans national et international, se trouvent dans un profond creux moral. Ce que le modèle de marché a cultivé, c’est une confusion des rôles et un mépris des frontières entre le commerce et l’État. Le refus d’admettre l’identité de la profession de service public s’est accompagné d’un relativisme moral, en vertu duquel tous les moyens sont bons pour autant qu’ils renforcent la position et qu’ils contribuent à faire progresser les objectifs de ceux qui détiennent le pouvoir (Argyriades, 2003).
Malgré ce discours pieux, ce que les recommandations politiques projettent sur les écrans du public, c’est un modèle de comportement qui n’a que peu de rapport avec le modèle de vertu présenté dans les codes de conduite du monde entier. Un exemple contemporain confirme cette idée. Les récentes audiences du Congrès ont fait apparaître un profil dont les principales caractéristiques peuvent se résumer à la loyauté et à l’obéissance absolue au chef politique, ainsi qu’à une ardeur sans bornes pour faire progresser le programme du gouvernement. C’était exactement la « primauté des résultats sur le processus ». [12] Si l’on tient compte de l’actualité de ce profil, on aurait raison de se demander si les autres modèles ne se rapprochent pas plus de ce qu’on entend pas « professionnel du service public », ou par « professionnel » tout court. Le lauréat du Prix Nobel de la Paix 2005, le Dr El Baradei, en est un bon exemple. [13]

Les limites de l’obéissance

21Le débat politique qui entoure la crise actuelle contient de nombreuses informations sur le rôle légitime des professionnels au sein de l’État. Ce n’est pas de l’obligation de servir ou d’obéir dont il s’agit, mais bien des paramètres, des méthodes et des moyens qu’observent les professionnels du service public dans ce cadre. L’ardeur et le zèle sans bornes sont-ils acceptables ? Les « résultats » sont-ils la seule chose qui compte ? La fin justifie-t-elle les moyens ? D’aucuns semblent penser que oui. Cependant, les leçons de l’Histoire, et plus particulièrement de la Seconde Guerre mondiale, de même que les récents exemples et la législation internationale font apparaître une conclusion différente. Dans une remarquable déclaration attribuée à Richardson, le conseiller du Président Nixon soulignait à quel point les dirigeants politiques avaient besoin des « compétences, de la mémoire institutionnelle et des conseils sincères de leurs collègues fonctionnaires » (Pfiffner, 2003 : 257). Pour pouvoir émettre de tels conseils sincères, reposant sur les compétences, les fonctionnaires doivent se sentir libres de conseiller les autorités en toute conscience; ce qu’ils ne peuvent pas faire, quelles que soient les circonstances, c’est la déformer la réalité sciemment dans le but de s’insinuer dans leurs bonnes grâces.

Éthique et responsabilité

22Deux maximes d’Aristote font clairement ressortir la nature et l’importance de l’éthique, d’une part, et l’interdépendance étroite entre l’éthique et la responsabilité, de l’autre. La première se retrouve dans l’Éthique à Nicomaque[14]. Aristote explique que, comme le mot l’indique, le jugement et la conduite éthiques sont en grande partie le résultat des habitudes et de la socialisation. Dans la seconde, issue de la Poétique, il affirme que la conduite éthique est celle qui se manifeste dans l’exercice des choix. [15] Ces deux affirmations soulignent le rôle critique joué par la responsabilité personnelle dans l’éthique professionnelle et, dès lors, la nécessité d’établir et de maintenir un environnement qui permet, et qui facilite même, des choix éthiques faits en connaissance de cause par les agents de l’État. Un cadre institutionnel, qui favorise une conduite éthique, est indispensable à cette fin et en vue d’une bonne gouvernance en général. La présence d’une culture de la gestion n’est cependant pas moins importante. Celle-ci doit non seulement fixer les paramètres [16], mais aussi encourager les fonctionnaires à servir l’intérêt public. Même si, pour expliquer la question en des termes différents, les « stratégies de lutte contre la corruption » et les autres sanctions exogènes peuvent aider les fonctionnaires à suivre un chemin étroit et rectiligne, ce sont les valeurs, intégrées comme il se doit et mises en place de façon logique, qui, à terme, détermineront la personnalité des professionnels du service public et guideront leur façon d’agir. L’interdépendance étroite entre les structures institutionnelles et la culture est au cœur même de l’argumentation d’Aristote, et elle incarne ce qui différentie les institutions bien gouvernées des institutions corrompues. [17]

23L’expérience révèle l’importance fondamentale de l’exemple moral et du leadership dans la détermination des valeurs publiques. Il n’est sans doute pas étonnant que ces deux termes soient devenus des expressions à la mode, mais aussi de grands sujets de préoccupation depuis quelques années. Il ne s’agit pas de panacées. Nous devons nous souvenir que le vingtième siècle nous a offert quelques leçons douteuses à cet égard. Pendant les années 1920 et 1930, l’apothéose des leaders est devenue le signe et le trait distinctif des régimes totalitaires. Qui peut oublier le « Führer », le « Duce » et le « Caudillo », qui ont conduit l’Europe à la guerre ? L’importance des preuves historiques fait apparaître la valeur essentielle de cadres institutionnels capables de résister à l’assaut de dictateurs en herbe, mais aussi la nécessité de limiter les moyens des leaders démocratiques. Les institutions fixent les paramètres. Elles établissent les règles et les processus pour l’exercice du pouvoir. L’État de droit et l’application régulière de la loi constituent le premier exemple de paramètres qui ont pour effet non seulement de suivre des objectifs constructifs, mais aussi de réprimer les aventures opportunistes. Malheureusement, les récits de ces vingt dernières années n’ont, pour la plupart, pas tenu compte de l’importance de cette relation dialectique entre les institutions et les dirigeants et, d’une manière plus générale, entre les structures et la culture. Trompeurs et simplistes, ces récits révèlent : une mentalité fondée sur les résultats ; une obséquiosité face au pouvoir ; une plus grande distance hiérarchique et une disproportion dans la rémunération et le statut, en dépit de discours en faveur de « hiérarchies aplanies » ; une confusion des rôles et un mépris des frontières entre l’État et les entreprises ; une dénégation de l’identité de la profession de service public ; et, enfin et surtout, une fuite générale des responsabilités.

24L’érosion des valeurs s’est suivie d’une fuite des responsabilités. Cette évolution, qui a atteint de nouveaux sommets depuis la guerre en Irak, a mis du temps à se former :

« Dès 1956, William H. Whyte écrivait à propos de la tendance des organisations modernes à créer des « hommes d’organisation » serviles dont la loyauté était si étroitement liée aux souhaits de leurs supérieurs qu’ils se pliaient à leur volonté sans poser de question. Dans les années 1970, une vague d’ouvrages a commencé à déferler. Dans « Freedom Inside the Organisation : Bringing Civil Liberties to the Work Place » (La liberté au sein de l’organisation : intégrer les libertés civiles dans le lieu de travail), David Ewing (1977) regrette que les employés renoncent à la plupart de leurs droits lorsqu’ils arrivent sur leur lieu de travail chaque jour. Il qualifie les grandes organisations de « mini-gouvernements » et reproche le fait que « dans la pratique, les employés sont tenus d’être obéissants envers leurs supérieurs, par delà les considérations éthiques et juridiques, à l’instar des travailleurs dans les pays totalitaires. Ewing proposait une déclaration des droits pour les employés tombant sur le coup de la loi pour faire face à ce problème de domination des organisations. »
(Cooper, 2004)
Malheureusement, les exemples de comportement servile sont nombreux aux niveaux national et international, gouvernemental et non gouvernemental. Encouragé par l’opportunisme, encore plus que par la crainte des sanctions, ce comportement et le « nouveau discours » employé pour l’aborder ne se limitent pas à la vie publique. Leurs conséquences sur l’administration publique ont toutefois été particulièrement néfastes. Où se situent les causes de ce phénomène inquiétant ? Est-il le résultat d’un affaiblissement progressif des structures de la carrière professionnelle publique ? Il convient de rappeler que la « politisation » et la « privatisation » des nominations dans le service public sont deux caractéristiques manifestes des réformes du service public depuis le milieu des années 1980 dans plusieurs parties du monde. Tandis que la politique du service à vie a engendré, au fil du temps, un sentiment d’identité et produit une mémoire institutionnelle ainsi qu’un engagement en faveur de la promotion de l’intérêt général, le traitement de la fonction publique comme « n’importe quel autre emploi » est aujourd’hui devenu une idée courante. Il a déjà été dit que cette idée a trop souvent entraîné une augmentation du clientélisme, des activités d’acquisition de rentes et d’autres pratiques de corruption (Cox III). Quels que soient les gains en efficience – et ceux-ci sont loin d’être certains -, les inconvénients de cette pratique comprennent : une baisse de la responsabilité et de l’engagement professionnel en faveur de la recherche de l’excellence.

Autonomie professionnelle : La base de la conduite éthique dans le service public

25C’est à juste titre que l’on dit qu’il n’existe pas une profession publique unique, mais plusieures. Les gouvernements emploient toute une série de spécialisations et de compétences professionnelles. Ce qui distingue les membres du service public est leur engagement en faveur de l’intérêt général par opposition aux intérêts particuliers. Les notions d’« intérêt général » et d’universalité de valeurs sont essentielles à cet égard. Malheureusement, ces notions et ces valeurs sont critiquées ou traitées avec dérision depuis quelques années. D’abord, le nouveau management public, même s’il proclame un attachement de pure forme à l’éthique et au professionnalisme, a remis en cause leur importance relative en accordant la priorité aux trois « E » et en accordant la primauté aux « résultats sur le processus ». Plus récemment, l’offensive vient des néoconservateurs, qui remettent en cause l’universalité des valeurs et la rigueur professionnelle que cela implique. De façon implicite ou explicite, les partisans de cette idée ont fait comprendre que ces valeurs professionnelles dépendent en réalité d’une loyauté souveraine à l’égard de l’organisation, d’un groupe ou d’un État-nation. Conformément à cette approche, d’aucuns ont suggéré que les actions répréhensibles migrent vers un plan plus élevé lorsqu’on peut les considérer comme un devoir vis-à-vis de son pays, comme autorisées par la raison d’État ou comme des manifestations d’une obéissance inconditionnelle envers le chef politique. [18]

26Parfois édulcorées et qualifiées de « moyens nécessaires » ou de « dommages collatéraux », ces entorses au professionnalisme et cette absence de comportement civilisé ont récemment pris des proportions vraiment alarmantes, en particulier en ce qui concerne la conduite de la guerre. Inutile de dresser la liste des exemples. Ils sont malheureusement bien trop nombreux. Il n’est guère étonnant que ces incidents présentent des caractéristiques communes qui, indépendamment de leur manque de décence, font ressortir le vide moral qui grandit avec l’opportunisme. Personne ne conteste la présence de dilemmes éthiques, quelquefois très difficiles à résoudre, dans la vie publique. Aucune des responsabilités dont les fonctionnaires s’acquittent en leur qualité de gestionnaires, de conseillers ou de « technocrates » ne les dispensent de ces choix difficiles. Le fait de devoir faire face à des dilemmes moraux fait partie intégrante de leur fonction. La capacité à conseiller les autorités en toute conscience et le superbe exemple donné par ces quelques fonctionnaires de haut niveau qui ont eu le courage de le faire soulignent le devoir des professionnels de « mettre en évidence » ce en quoi ils croient mais en aucun cas de « se mettre à l’abri » ou de « faire mine de rien » lorsque des crimes sont perpétrés dans le cadre de leur mandat ou sous leur supervision. La complicité dans les actes répréhensibles et la fuite des responsabilités représentent les pires scénarios. L’on ne peut nier que l’incidence de cas de cette nature, qui impliquent des fonctionnaires de haut niveau qui ont tenté d’échapper aux réprimandes en utilisant leurs subalternes comme bouc émissaires, indique une tendance inquiétante. Si on laisse cette tendance, que l’on peut observer à tous les niveaux de l’État, se développer de façon anarchique, elle entraînera inévitablement une nouvelle dégradation marquée du professionnalisme du service public et de la confiance à l’égard de celui-ci.

27Le professionnalisme, d’une manière générale, mais le professionnalisme du service public surtout, supposent la primauté des principes et des connaissances sur l’opportunisme. C’est le contraire de l’opportunisme mercenaire et de l’obséquiosité face au pouvoir. La responsabilité personnelle doit dès lors prendre sa place au centre de l’éthique professionnelle. Par « responsabilité personnelle », on entend « adhésion » aux projets, aux décisions ou aux conseils dont un agent de l’État a fait partie ou a été l’agent. Les compétences de haut niveau ou les connaissances, si importantes soient-elles, ne sont que des conditions préalables à une action appropriée. L’expression « compétence neutre » implique qu’un professionnel les mettra au service d’une cause ou d’un dirigeant légitimes, quels qu’ils soient, qu’il soit ou non d’accord avec la philosophie sous-jacente. Il convient de souligner, d’autre part, que les termes applicables, dans ce contexte, sont « cause légitime » et dirigeant « légitime ».
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la pratique administrative et le droit international ont établi les paramètres de ce qu’est une attitude tolérable et, partant, d’une action légitime. Dans notre monde en rapide évolution, une réinterprétation constante, de même que des orientations supplémentaires, seront nécessaires. Par ailleurs, il faut considérer qu’une formation qui porte sur ces questions, apparentée à l’apprentissage tout au long de la vie, doit faire partie du développement professionnel et de la préparation opportune pour les tâches des postes de haut niveau, dans quelque domaine d’activité que ce soit. Le jugement critique et la formation s’imposent, car il n’existe pas de « one best way », de solutions « uniforme » dans l’éthique du service public. La « primauté des résultats sur le processus » ne fonctionne pas ! Quelle que soit leur complexité, la fréquence et l’omniprésence des dilemmes éthiques ne doivent pas intimider le professionnel du service public. La résolution de ces dilemmes va plus loin que la préparation aux fonctions du service public. Dans un sens très réel, elle donne des indications sur la vie juste. Car, pour reprendre les mots de Socrate, dans son « Apologie » intemporelle, une vie sans introspection, sans débat et sans exploration ne vaut d’être vécue [19]. Comme Aristote le dit : « la vertu est à mi chemin entre deux maux : l’insuffisance et l’excès » [20]. Par conséquent, la recherche de la vertu est une mission sans fin.

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Date de mise en ligne : 01/06/2011

https://doi.org/10.3917/risa.722.0159

Notes

  • [*]
    Demetrios Argyriades est professeur d’administration publique au John Jay College, City University of New York. Il est rapporteur du groupe de travail de l’IISA sur « Administering Global Governance and on the Human Factor ». Traduit de l’article paru en anglais sous le titre : « Good Governance, professionalism, ethics and responsibility ».
  • [1]
    Les dénonciations du « mal » sont devenues un trait habituel du discours politique. Elles ont commencé avec l’« empire du mal » et se sont poursuivies avec l’« axe du mal ».
  • [2]
    Par ex. « Public Integrity », une revue de l’American Society of Public Administration, en est à sa septième année d’existence.
  • [3]
    Les chartes « citoyennes » ou destinées à la « clientèle » ainsi que les « codes de conduite » sont aujourd’hui devenus un élément important dans presque tous les pays et les secteurs professionnels.
  • [4]
    La littérature consacrée au thème de la corruption est abondante. Le lecteur pourra consulter : H. George Frederickson et Richard K. Ghere (dir.) (2005) Ethics in Public Management, New York : M.E. Sharpe ; Gerald Caiden, O.P. Dwivedi et Joseph Jabbra (2001) Where Corruption Lives, Conn. Kumarian Press ; J.F. Bayart, Stephen Ellis et Beatrice Hibou (1999) The Criminalization of the State in Africa, Bloomington, Indiana, Indiana University Press ; J. Cartier-Bresson (2000) « The Causes and Consequences of Corruption : Economic Analyses and Lessons Learnt » dans « No Longer Business as Usual : Fighting Bribery and Corruption », Paris, OCDE ; M.W. Collier (2002) « Explaining Corruption : an Institutional Approach in Crime, Law and Social Change », 38(1) ; A. Doig et Stephanie McIvor (1999) « Corruption and its Control in the Development Context : an Analysis and Selective Review of the Literature » dans Third World Quarterly, 20(3) ; R. Klitgaard (1988) Controlling Corruption, Berkeley, CA, University of California Press ; R. Klitgaard (1999) « Combating Corruption and Promoting Ethics in the Public Service » dans Public Service in Transition : Enhancing its Role, Professionalism, Ethical Values and Standards ; New York Nations unies, p. 100-10 ; S. Rose-Ackerman : (1999) Corruption and Good Government : Causes, Consequences, Strategies and Reform, Cambridge, Cambridge University Press ; A. Sen (2000) Development as Freedom New York, Alfred Knopf; Transparency International (TI) site Internet : www.transparency.org.
  • [5]
    A/RES/55/2 datée du 18 septembre 2000.
  • [6]
    Termes du Président R. Reagan à l’occasion de son discours inaugural, en janvier 1981.
  • [7]
    Programme des Nations unies pour le développement, Bureau régional pour l’Europe et la CEI : « The Shrinking State : Governance and human Development in Eastern Europe and the Commonwealth of Independent States » ; et « Poverty in Transition », New York, PNUD, 1997, document des Nations unies E/1998/77, p. 2, paragraphes 60-suiv. Voir également le message de l’Administrateur assistant et Directeur, Bureau régional pour l’Europe et la CEI, PNUD, Nations unies : « Decentralization : Conditions for Success : Lessons from Central and Eastern Europe and the Commonwealth of Independent States » ; ST/ESA/PAD/SER.E/7, New York Nations unies, 2000, p. 9. M. Kruiderink déclare plus précisément : « Nombreux seront ceux dans la région qui se souviendront des années 1990 comme d’une décennie de trouble social et économique que ni eux, ni ceux qui offrent des conseils ou une assistance financière n’avaient prévu…. Le «tout le pouvoir à l’État» a été échangé contre le «tout le pouvoir au marché» ; la main visible de l’autorité centralisée a été remplacée par la main invisible du marché ».
  • [8]
    Voir également Institut international des sciences administratives (IISA), Administration publique et globalisation : Administration internationale et supranationale, Actes, Bologne et Saint-Marin 2000, p. 34.
  • [9]
    Déclaration du millénaire A/RES/55/2, 18.9.2000
  • [10]
    Même au Secrétariat des Nations unies, le « Département de l’administration et de la gestion » a été rebaptisé. On l’appelle désormais le « Département de la gestion » ; le « Bureau de l’administration du personnel » est quant à lui devenu le « Bureau de la gestion des ressources humaines ».
  • [11]
    Par conséquent, la Grande-Bretagne du New Labour redéfinit l’égalité : celle-ci fait davantage référence aux perspectives qu’aux biens distribués. L’on part du principe selon lequel l’inégalité croissante des biens distribués et la marginalisation au sein des pays et d’un pays à l’autre n’ont pas de conséquences sur les perspectives ou les possibilités. Sur ce thème, voir Geraldine J. FraserMoleketi « Quality Governance for Sustainable Growth and Development » dans International Review of Administrative Sciences, 69(4) : 463 et suiv. Voir aussi « Meritocracy in America: ever higher society to ascend » dans The Economist, 1er janvier 2005.
  • [12]
    Rapport dans The New York Times, lundi 25 avril 2005, p. A13.
  • [13]
    En annonçant ce Prix, le New York Times (samedi 8 octobre 2005, p. A2) observait : « Le Prix Nobel de la Paix a été attribué à l’AIEA et à son chef, Mohammed El Baradei, que l’administration Bush a essayé, mais en vain, de démettre de ses fonctions il y a quelques mois à peine. Ce prix représentait le soutien marqué à l’égard d’un homme et d’une agence qui ont longtemps jouté avec le Président Bush et son gouvernement à propos de la façon de faire face à l’Irak et à l’Iran.
  • [14]
    « he d’ethike ex ethous perigignetai », Éthique à Nicomaque II, 1103a 17.
  • [15]
    « estin de ethos to toiouton ho deloi proairesin », Poétique 1450b, 8-9, extrait de Antoine Makrydemetres (2004) Prosengiseis ste Theoria ton Organoseon (approches de la théorie des organisations) Athènes, Kastaniotes, p.425.
  • [16]
    À savoir des paramètres normatifs qui son traduits, en latin, par les termes fas et nefas.
  • [17]
    Éthique à Nicomaque 1103b, 5-9.
  • [18]
    Les activités déplorables qui ont lieu dans les prisons de Guantanamo et d’Abu Ghraib, les tentatives d’étouffement de l’affaire et l’interpellation, ensuite, des « petits soldats » exclusivement ont été analysées de façon détaillée dans la presse internationale. Voir les éditoriaux du New York Times, jeudi 26 et vendredi 27 août 2004 ; voir aussi l’éditorial du vendredi 7 janvier intitulé « Mr. Gonzales Speak » (M. Gonzales parle), l’éditorial intitulé « Rewarding Mr. Gonzales » (M. Gonzales récompensé) du mercredi 5 janvier 2005 et l’article intitulé « Promoting Torture’s Promoter » (Promotion du promoteur de la torture) dans la page éditoriale de la même date ; voir l’éditorial intitulé « Rewarding the Commander, despite Abu Ghraib » (Le commandant récompensé, malgré Abu Ghraib) dans le Herald Tribune du 23 juin 2005.
  • [19]
    « Ho de anexétastos bios ou biotós », 28A12 ; voir aussi Alexander Nehamas (1998) « The Art of Living : Socratic Reflections from Plato to Foucault », Berkeley, University of California Press.
  • [20]
    « …Mesótes duo Kakón », Éthique à Nicomaque : 1107a, 1129a.

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