Notes
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Laboratoire Interuniversitaire de Psychologie, Université Pierre Mendes-France, BSHM, BP 49, 38040 Grenoble Cedex 9, France. E-mail : florian.delmas@upmf-grenoble.fr.
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Ce qui vaut pour les variables de construction des explications autres que l’orientation vaut aussi pour les inférences causales qu’elles déterminent, c’est-à-dire pour les différents types d’explications internes (p. ex., l’effort, l’intention) et externes (p. ex., la chance, les circonstances, la volonté d’autrui). Si le traitement méthodologique de l’hypothèse d’une confusion entre valeur et orientation implique de regrouper correctement les explications internes et les explications externes, il ne nécessite pas en revanche d’aller au-delà en faisant une distinction et/ou des comparaisons au sein des explications internes et au sein des explications externes. Par exemple, il n’est pas impossible que pour expliquer un bon résultat universitaire, l’explication interne en termes de but de maîtrise (« je tiens à bien comprendre les contenus enseignés ») soit plus valorisée par l’enseignant que le recours à l’intention de faire une bonne performance (« je voulais avoir une meilleure note que les autres »), autre explication interne, mais cette prédiction n’est pas l’objet de la présente recherche (pour une recherche qui la teste, cf. Darnon et al., 2009).
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[2]
En conséquence, on ne peut considérer a priori le questionnaire mis au point pour les besoins de cette expérience comme une échelle d’internalité, c’est-à-dire comme un questionnaire qui produirait un score d’internalité dont l’interprétation échapperait à la critique méthodologique que nous formulons (i.e., un score quantifiant de manière valide la préférence pour l’internalité). Pour le dire autrement, l’emploi de ce questionnaire ne permet pas a priori de tester l’hypothèse de l’existence d’une norme d’internalité en calculant des scores d’internalité (cf. Discussion générale, “Propositions méthodologiques pour tester l’hypothèse d’une norme d’internalité”).
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[3]
Le Pré-test 3 a été effectué après la collecte des données de l’Expérience 3, à la demande d’un des experts.
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Au lieu de parler d’exemption, il serait plus exact de dire que l’on a défini des critères de validité ad hoc : selon Jouffre (2003, p. 74), reprenant la position de Dubois (1994, pp. 51-52), la validité de la mesure d’internalité serait établie dès lors qu’un questionnaire met à jour des résultats conformes à la prédiction basée sur l’hypothèse d’une norme d’internalité pour les « paradigmes » d’autoprésentation, d’identification et des juges. Le test positif d’une hypothèse garantissant en quelque sorte la validité des mesures faites, il nous semble que cette conception de la validité d’une mesure présente manifestement un risque de circularité.
1L’hypothèse de l’existence d’une norme d’internalité formulée par Beauvois (1984), puis par Beauvois et Dubois (1988), a donné lieu en une vingtaine d’années à la constitution d’un champ de recherche important en France (pour une revue de question, cf. Dubois, 2003). Cette hypothèse a été initialement proposée par Jellison et Green (1981, p. 644), pour qui les attributions internes sont socialement plus approuvées et plus valorisées que les attributions externes. Par attribution interne, on entend les explications qui situent la cause d’un événement dans les caractéristiques de l’acteur. Elles s’opposent ainsi aux attributions externes, celles qui réfèrent à la chance, aux circonstances ou à autrui. Beauvois et Dubois (1988, p. 301) ont défini cette norme comme : « la valorisation sociale des explications des événements psychologiques (comportements et renforcements) qui accentuent le poids de l’acteur comme facteur causal ». Ce processus de valorisation sociale des explications internes aurait pour résultat de conférer une plus grande valeur sociale aux explications internes qu’aux externes lorsqu’il s’agit d’expliquer un événement donné. Soulignons, car c’est là que se situe l’intérêt de cette norme, que la valorisation des explications internes vaudrait tout autant pour les événements socialement valorisés que pour ceux qui ne le sont pas. Cette norme trouverait son origine dans l’utilité sociale que confère aux explications internes le fonctionnement des sociétés de type libéral (Beauvois, 1984, 1994 ; Beauvois & Dubois, 1988 ; Dubois 1994).
2Les questionnaires d’internalité sont les instruments de prédilection des recherches destinées à montrer l’existence d’une norme d’internalité. Leurs items sont presque tous construits selon le même principe, à savoir la présentation de la description d’un événement suivi d’au moins deux explications, l’une interne, l’autre externe. La procédure expérimentale consiste à demander au sujet sous différentes consignes soit de choisir une des explications, soit, beaucoup plus rarement, d’évaluer chaque explication indépendamment des autres. Notre recherche vise à savoir s’il existe un biais dans ces questionnaires qui consisterait en une confusion entre la valeur sociale des explications proposées et leur orientation (interne vs externe).
Norme d’internalité et questionnaires d’internalité
3Si on parcourt attentivement la littérature, on notera qu’à une exception près, ni la proposition théorique d’une norme d’internalité, ni les preuves empiriques qui la soutiennent n’ont fait l’objet de traitements critiques. Comme nous l’avons dit, cet article a pour objectif d’analyser de manière critique les questionnaires d’internalité d’où proviennent pour une très grande part les preuves de l’existence d’une norme d’internalité. Il en existe plusieurs adaptés à des populations définies (les enfants, les adultes…) et/ou à des domaines définis (l’école, la famille, le travail). Nous prendrons comme exemple d’instrument de mesure le questionnaire d’internalité pour élèves de primaire de Dubois (1994). Un item comprend la description d’un événement (p. ex., item 2, « lorsqu’ils ont une mauvaise note en grammaire ») suivi de deux explications, l’une interne (« certains enfants disent : c’est parce que j’ai voulu aller trop vite ») et l’autre externe (« d’autres enfants disent : c’est parce que le maître a été vite pour expliquer la leçon »). La consigne de remplissage peut varier, mais dans tous les cas, le sujet doit choisir l’une des deux explications. Il s’agit d’un questionnaire à choix fermé comme la plupart des questionnaires d’internalité. Un « score d’internalité » est calculé en sommant le nombre de choix internes de l’élève. Le test d’hypothèse consiste à comparer les scores moyens observés sous des consignes qui induisent différents niveaux de normativité.
4Les recherches utilisant des questionnaires d’internalité ont montré de manière très consistante que lorsque l’on demande explicitement de répondre à ce type de questionnaire pour « se faire bien voir » (les auteurs parlent de « consigne pronormative »), le score d’internalité est toujours très supérieur à celui observé quand la consigne requiert de « se faire mal voir » (les auteurs parlent de « consigne contre-normative » ; cf. Beauvois & Le Poultier, 1986). Classiquement, les questionnaires d’internalité sont aussi administrés sous une consigne dite « standard » dans la littérature. Il s’agit d’une consigne qui « invite les sujets à choisir pour chaque événement proposé l’explication ou les explications leur convenant le mieux » (Dubois, 1994, p. 64). Pour notre part, de manière plus descriptive, nous parlerons de « consigne d’autoprésentation personnelle » dans la suite. Sous cette consigne, le score moyen se situe soit à un niveau intermédiaire à celui observé avec les deux autres consignes, soit au même niveau que lorsqu’il s’agit de « se faire bien voir ». On a interprété ces résultats comme une preuve empirique de l’existence d’une norme d’internalité. Explicitons les soubassements de cette interprétation. Elle résulte de la combinaison de deux assertions indépendantes. La première porte sur la mesure, et postule que le score d’internalité quantifie la préférence pour l’internalité en matière d’explication des événements. On suppose que lorsqu’ils répondent, les gens choisissent les explications internes des questionnaires principalement parce qu’elles sont internes plutôt qu’externes. La dénomination « questionnaire d’internalité » exprime clairement ce présupposé. La seconde assertion porte sur la variation des scores selon la situation sociale : si la préférence pour les explications internes provient d’une norme sociale, plus la consigne de remplissage augmente la pression normative, plus cette préférence devrait être élevée. Par pression normative, il faut entendre la pression à produire des comportements socialement valorisés, en l’occurrence, des choix explicatifs socialement valorisés. Parce que les résultats empiriques montrent sans conteste que le score d’internalité s’élève systématiquement quand augmente la pression normative, on a conclu à l’existence d’une norme d’internalité.
Un biais méthodologique dans les questionnaires d’internalité ?
5Selon nous, cette conclusion mérite d’être questionnée. Pourquoi ? Parce que si la véracité de la seconde assertion ne fait pas de doute, on peut en revanche légitimement douter de celle de la première. En effet, en l’absence de preuve de la validité de construit des questionnaires d’internalité, rien ne prouve qu’ils permettent bien de quantifier ce qu’ils sont censés mesurer, à savoir la préférence pour l’internalité relativement à l’externalité en matière de choix explicatif. Si ces questionnaires ne mesurent pas l’internalité, que mesureraient-ils alors ? Pour être en mesure de répondre à cette question, il nous paraît nécessaire de commencer par reconsidérer la signification qu’il convient de donner aux variations des scores d’internalité sous les différentes consignes employées dans la littérature.
6Tout d’abord, remarquons que les consignes dites « pronormative » et « contre-normative » demandent aux sujets ni plus ni moins que de choisir les explications qu’ils jugent les plus valorisées socialement dans le premier cas, et les moins valorisées dans le second. Dès lors, le score d’internalité observé quantifie, d’une part, la valeur des explications internes relativement à celles des externes sous consigne « pronormative » et, d’autre part, la valeur des explications externes relativement aux internes sous consigne « contre-normative ». La différence des scores obtenus avec ces deux consignes mesure en conséquence la différence moyenne de valeur sociale des explications internes et externes du questionnaire d’internalité utilisé. Ainsi, le résultat couramment obtenu sous ces consignes de sélection selon la valeur montre, en lui-même, que les explications internes qui figurent dans les questionnaires d’internalité en usage sont en moyenne socialement plus valorisées que leurs alternatives de réponses externes. Rappelons que les scores observés sous consigne d’autoprésentation personnelle se situent à un niveau proche de ceux enregistrés sous consigne « pronormative ». De ce fait, nous approuvons la conclusion suivant laquelle les gens répondent en choisissant les explications valorisées quand ils répondent pour eux-mêmes. Cependant, comme nous l’avons dit, se pose la question de savoir si la valeur des explications internes et externes diffère bien parce que les unes sont internes et les autres externes, c’est-à-dire en raison de leur orientation.
7À cette question, on pourrait tout aussi bien répondre que les explications sont choisies par les sujets en fonction non de leur orientation, mais de leur valeur. Par construction, valeur et orientation des explications seraient confondues dans les questionnaires d’internalité en usage. Sous cette hypothèse, dans le cas des questionnaires utilisant un format de réponse Likert, les explications internes retenues pour y figurer auraient en moyenne une valeur plus grande que les explications externes présentes. Toujours sous cette hypothèse, dans le cas des questionnaires à choix forcé, les paires dans lesquelles l’explication interne aurait plus de valeur que son alternative externe seraient majoritaires, non par nécessité, mais par construction. Remarquons que, comme l’hypothèse d’une norme d’internalité, cette hypothèse expliquerait elle aussi parfaitement le résultat systématiquement obtenu d’une augmentation du nombre de choix internes lorsqu’augmente la pression à choisir des réponses valorisées ou, si l’on préfère, la pression normative.
8Une telle confusion entre valeur et orientation dans les questionnaires empêcherait de savoir à partir des résultats rapportés dans la littérature, entre valeur et orientation, quelle est la variable qui régule effectivement les choix explicatifs. Bien qu’elle ait été négligée dans la littérature, cette hypothèse d’un biais méthodologique reste concevable dans la mesure où il n’existe pas, à notre connaissance, de preuves que les questionnaires d’internalité mesurent bien l’internalité et pas autre chose, en l’occurrence, la valeur sociale (cf. Crowne & Marlowe, 1960). Pour illustrer concrètement notre propos, reprenons l’item donné en exemple. Selon l’interprétation en vigueur, pour expliquer le fait d’avoir une mauvaise note en grammaire, les élèves choisissent plus volontiers « j’ai voulu aller trop vite » que « le maître a été vite pour expliquer la leçon » parce que la première explication est interne et la seconde externe. Sous l’hypothèse d’une confusion, on pourrait tout aussi bien supposer qu’ils choisissent la première parce qu’elle est plus socialement valorisée que la seconde, l’orientation intervenant secondairement, voire pas du tout, dans leur choix. De la sorte, s’ils avaient eu à choisir entre « je n’avais pas envie d’apprendre ma leçon » et « la règle de grammaire était compliquée », ils auraient choisi la plus socialement valorisée, la seconde plutôt que la première. Dans ce cas, ils auraient choisi l’externe plutôt que l’interne. Dire que la valeur des explications est confondue avec leur orientation signifie que, dans les questionnaires d’internalité en usage, le cas de figure correspondant à notre exemple d’item emprunté au questionnaire de Dubois (1994) serait majoritaire, et celui inventé pour illustrer notre propos, minoritaire.
9On ne trouve pas dans la littérature de recherches qui questionnent comme nous venons de le faire les mesures de l’internalité. Seul Gangloff (1997) fait exception. Après avoir analysé le contenu des questionnaires existants, il a avancé (p. 2) : « On constate en effet que les questionnaires dits d’internalité ne sont pas exclusivement centrés sur l’internalité mais qu’ils font conjointement varier deux dimensions situées sur le même registre. Plus précisément, le type d’internalité mis en scène dans ces questionnaires est bien particulier puisque renvoyant toujours exclusivement à un registre atrophié, limité par “naturalisation” […] à des caractéristiques de bon aloi, comme les efforts ou la conscience professionnelle ». Parlant « d’infraction méthodologique », il a noté que les explications internes montrent les gens sous un jour favorable et les externes comme des gens attribuant leur conduite à des explications dites « subversives » parce qu’elles remettent en cause l’ordre social. Afin de montrer le bien fondé de son point de vue, il a construit des questionnaires qui opposent des explications internes « subversives » à des explications externes qu’il nomme « allégeantes ». Il a montré qu’avec un tel questionnaire, les résultats habituels en situation d’autoprésentation s’inversent : les explications externes « allégeantes » sont bien plus choisies que les explications internes « subversives ». Il a conclu à l’existence d’une norme non d’internalité mais d’allégeance. Pour notre part, nous ne pensons pas que la méthode consistant à construire un questionnaire en biaisant systématiquement l’appariement des explications dans le sens inverse de celui que l’on conteste permette de conclure à l’existence de quelque norme que ce soit. En effet, l’identification d’un biais méthodologique privant les données de leur validité, il devient impossible de tirer la moindre conclusion théorique à partir d’elles. Il revient néanmoins à Gangloff (1997) le mérite d’avoir pointé la possibilité d’un biais de sélection des explications dans les questionnaires d’internalité. Dix ans après cette publication, force est de constater que la critique de Gangloff (1997) n’a pas retenu l’attention des chercheurs travaillant dans le champ de la norme d’internalité (voir aussi, Gangloff, 1998).
Aperçu d’ensemble
10Notre propos portera ici uniquement sur la méthodologie mise en œuvre dans le champ d’investigation de la norme d’internalité. Rappelons que nous avançons que le choix des explications sous consigne d’autoprésentation personnelle pourrait être déterminé non par leur orientation mais par leur valeur, les deux variables se trouvant confondues dans les questionnaires en usage. Cette confusion consisterait en l’inclusion, dans les questionnaires d’internalité, d’explications internes en moyenne plus valorisées que les externes. Nous avons testé cette hypothèse en réalisant trois expériences. Toutes ont été menées afin de mettre en relation la valeur des explications d’un questionnaire et la probabilité qu’elles soient choisies en consigne d’autoprésentation personnelle. Dans la première expérience, les caractéristiques du Q I-E de Tarquinio et Dubois (1997) destiné à des étudiants ont été étudiées. Ce questionnaire utilisant un format de choix Likert, la valeur de chaque explication a pu être mesurée indépendamment de la valeur de ses alternatives. Dans la seconde expérience, nous nous sommes intéressés au questionnaire d’internalité pour élèves de primaire de Dubois (1994) que nous avons pris pour exemple plus haut. S’agissant d’un questionnaire à choix forcé entre deux explications, nous avons estimé pour chaque paire d’explications la différence de valeur de l’explication interne par rapport à l’externe afin d’observer l’effet de cette différence sur le choix explicatif. Cette seconde expérience n’ayant pas permis de statuer sur l’origine de la confusion entre valeur et orientation observée, nous en avons réalisé une troisième expérience pour laquelle un questionnaire a été mis au point. Nous avons généré des explications de valence négative et des explications de valence positive, afin de construire une variable catégorielle dichotomique « valence » dont les modalités, positive vs négative, représente les pôles opposés de la valeur. Précisons que dans l’ensemble du texte, lorsque nous employons « valeur », il s’agit de la valeur en tant que variable continue. Dans le questionnaire expérimental, la construction de paires d’explications, interne et externe, a été réalisée par le croisement factoriel de la valence (positive vs négative) de chacune d’elles. En faisant varier de la sorte la valeur de l’explication interne relativement à son alternative externe, l’Expérience 3 a permis d’observer simultanément comment fluctue la probabilité de choix de l’explication interne en consigne d’autoprésentation personnelle dans le cas de la confusion supposée, mais aussi, en l’absence d’une telle confusion et quand les explications externes sont socialement plus valorisées que les internes.
Expérience 1
11Le QI-E de Tarquinio et Dubois (1997) contient 32 items décrivant un événement psychologique suivi de quatre explications causales. Chacune de ces quatre explications exemplifie pour chaque item une case du croisement factoriel de l’orientation interne ou externe (I/E) et de la stabilité temporelle (cause stable vs instable). Par exemple, l’événement « Lorsque vous accédez à l’année supérieure » a pour propositions explicatives « vous êtes quelqu’un de travailleur » (interne stable), « vous vous donnez parfois de la peine » (interne instable), « c’est généralement ce qui se passe quand les enseignements sont bons » (externe stable) et « il y a des fois où vous faites partie des chanceux » (externe instable). Les événements concernent à part égales 4 domaines : la vie familiale, les relations sociales, la vie universitaire et les loisirs. La moitié des événements d’un même domaine est socialement valorisé positivement alors que l’autre moitié l’est négativement (le QI-E figure en totalité en annexe dans l’article orignal). Les événements décrivent pour moitié un comportement et pour moitié un renforcement. Contrairement à la très grande majorité des questionnaires d’internalité, le QI-E adopte un format Likert, le répondant étant invité à exprimer son degré d’accord avec chaque explication.
12Avant de poursuivre, précisons que contrairement à l’orientation, la variable « stabilité » ne fait pas l’objet d’une prédiction de la part de la théorie de la norme d’internalité. Ainsi, elle ne figure dans le QI-E qu’à titre exploratoire. Cette variable, comme d’autres variables de construction de matériel (p. ex., la contrôlabilité, Weiner, 1979), influe sans doute sur la valeur des explications. Cependant, compte tenu de notre hypothèse d’une confusion entre orientation et valeur dans les questionnaires d’internalité, savoir en quoi et/ou comment ces autres variables de construction contribuent à la valeur des explications ne figure pas dans les objectifs de cette recherche. [1]
13Afin de statuer sur la possibilité d’une confusion dans le QI-E, nous avons mesuré séparément le degré d’accord sous consigne d’autoprésentation personnelle et la valeur de chaque explication. Pour mesurer la valeur de chaque explication contenue dans le questionnaire, nous n’avons pas utilisé les consignes « pronormative » et « contre-normative ». Au lieu de cela, de manière à avoir la meilleure estimation possible de la valeur, nous avons demandé directement aux sujets d’évaluer sur une échelle bipolaire la valeur d’autoprésentation de chaque explication (très négative vs très positive). L’analyse des données a été faite en deux temps. Tout d’abord, nous avons comparé le degré d’accord et la valeur des explications internes à ceux des explications externes afin de vérifier que les premières obtiennent plus d’accord et ont simultanément plus de valeur que les secondes. Cette prédiction est en accord avec l’hypothèse d’une norme d’internalité. Ensuite, nous avons analysé les données en prenant pour unité d’analyse les explications du questionnaire. Pour chaque explication, le degré d’accord exprime la moyenne des réponses obtenues sous consigne d’autoprésentation personnelle. De même, la valeur de chaque explication exprime la moyenne des réponses obtenues sous consigne d’estimation de la valeur. Une analyse de régression a permis de tester l’effet de la valeur d’une explication et l’effet de son orientation sur le degré d’accord qu’elle remporte. Notre prédiction était qu’une explication reçoit un accord d’autant plus grand que sa valeur est élevée, son orientation n’intervenant pas.
Méthode
Sujets
14Cent vingt étudiants (17 hommes) inscrits en première année de psychologie à l’université de Grenoble ont participé à l’expérience. Tous les sujets ont dit avoir pour langue maternelle le français à l’exception d’un seul, qui n’a pas répondu à cette question. L’âge moyen est égal à 19.78 (SD = 4.42).
Procédure
15Soixante dix étudiants (6 hommes) ont rempli le questionnaire individuellement dans les conditions standards décrites par ses concepteurs, c’est-à-dire en exprimant leur degré d’accord avec chaque explication sur une échelle de 1 (pas du tout d’accord) à 6 (tout à fait d’accord). Cinquante autres étudiants (11 hommes) ont rempli individuellement une version modifiée du QI-E : au lieu d’exprimer leur degré d’accord, la consigne stipulait qu’il s’agissait de dire « quelle impression à autrui ferait une personne formulant cette explication », sur une échelle allant de 1 (très négative) à 7 (très positive). Hormis le changement de consigne et d’échelle de réponse, le reste du questionnaire était en tout point semblable au QI-E standard. Les passations ont eu lieu collectivement par groupe de 4 à 15 sujets. Pour terminer, les sujets indiquaient leur sexe, leur âge et leur langue maternelle au dos du questionnaire, puis prenaient part collectivement à la mise au point expérimentale.
Résultats
16À partir des réponses du groupe exprimant son degré d’accord, un score d’accord a été calculé séparément pour les explications internes et externes. L’accord moyen est légèrement plus élevé pour les explications internes (M = 3.85) que pour les explications externes (M = 3.74). La différence est statistiquement significative, t(69) = 2.54, p < .05. Les réponses obtenues sous consigne d’évaluation de la valeur véhiculée par chaque explication ont été analysées de manière semblable. Il s’avère, conformément à notre hypothèse, que les explications internes sont plus positives (M = 4.18) que les externes (M = 4.03), t(49) = 2.54, p < .05.
17Les données recueillies ont été ensuite traitées selon l’objectif principal. Il s’agissait de vérifier si la valeur d’une explication et/ou son orientation permettent de prédire le degré d’accord des répondants. Afin de le savoir, nous avons réalisé une analyse de régression en prenant comme unité d’analyse les explications du questionnaire. Pour chacune d’elles, nous avons estimé sa valeur moyenne sous consigne d’évaluation de la valeur ainsi que le degré d’accord moyen sous consigne d’autoprésentation personnelle. Une analyse de régression linéaire multiple a été réalisée avec pour variable dépendante le degré d’accord moyen obtenu par chacune des 128 explications, et pour prédicteur la moyenne des évaluations de la valeur et l’orientation (interne ou externe) de chacune d’elles. L’analyse révèle que ce modèle de régression est significatif, F(2, 125) = 50.30, p < .001, et qu’il explique une partie importante de la variance (R2 = .65). Elle indique que la valeur d’une explication permet de prédire le degré d’accord qu’elle remporte, B = .62, t(125) = 15.29, p < .001, alors que ce n’est pas le cas de son orientation I/E, B = .01, ns (voir Figure 1). L’analyse de régression dont il vient d’être question a été refaite en ajoutant l’interaction entre la valeur et l’orientation comme prédicteur. Cette analyse indique que l’interaction n’est pas significative, B = .06, ns.
Discussion
18Le degré d’accord avec les explications du QI-E est en moyenne plus élevé pour les explications internes qu’externes. Parallèlement, les explications internes sont plus positives que les externes. À partir de ces seuls résultats, on serait tenté de considérer, conformément à l’hypothèse d’une norme d’internalité, que les explications internes reçoivent plus d’accord parce qu’elles sont, en raison de leur orientation, plus valorisées que les externes. Cependant, l’analyse de régression montre sans aucune ambiguïté que, sous consigne d’autoprésentation personnelle, la valeur d’une l’explication influence le degré moyen d’accord qu’elle reçoit, alors que son orientation ne joue pas sur cette variable. En conséquence, pris dans leur ensemble, ces résultats attestent conformément à notre hypothèse que l’interprétation selon laquelle ce questionnaire mesure l’internalité, c’est-à-dire la préférence pour les explications selon leur orientation, est au moins sujette à caution. Ils montrent que ce problème d’interprétation provient d’une confusion entre orientation et valeur dans le QI-E. À cet égard, sous consigne d’autoprésentation personnelle, les réponses des sujets devraient être interprétées comme une mesure de préférence selon la valeur sociale des explications plutôt que comme une mesure de l’internalité.
19Il convient de souligner que, parce qu’il permet d’obtenir des réponses indépendamment pour chaque explication, le format de réponse Likert rend la démonstration de la confusion relativement simple. Cependant, peu de questionnaires d’internalité utilisent un tel format. Le biais mis en évidence ici tient-il au format de réponse du questionnaire ? Pour répondre à cette question, nous avons procédé à l’examen d’un second questionnaire d’internalité présentant le format de réponse le plus courant : le choix forcé entre plusieurs alternatives explicatives.
Expérience 2
20Cette seconde expérience reprend l’objectif et la procédure de la première. Notre choix s’est porté sur le questionnaire d’internalité pour élève de primaire de Dubois (1994). Ce questionnaire a été pris en exemple dans l’introduction. Rappelons qu’il comporte 16 événements suivis chacun d’une explication interne et d’une explication externe. Ces événements ont été produits par un croisement factoriel de la valeur sociale, positive vs négative, et du type d’événement, renforcement vs comportement (voir Annexe). S’agissant d’un questionnaire à choix forcé, répondre à un item consiste à exprimer une préférence pour l’une des explications comparativement à l’autre. En conséquence, si comme nous en faisons l’hypothèse, la valeur des explications intervient sous consigne d’autoprésentation personnelle, une explication n’est pas choisie en fonction de sa propre valeur, mais en fonction de la différence entre sa valeur et celle de son alternative. Avec ce format de réponse, notre hypothèse de confusion postule 1) que le choix d’une explication, qu’elle soit interne ou externe, est plus probable quand sa valeur est supérieure à celle de son alternative, et 2) que cette probabilité d’être choisie est d’autant plus grande que l’écart de valeur est élevé. Soulignons que cette hypothèse présume que le choix des explications sous consigne d’autoprésentation personnelle est indépendant de leur orientation, puisqu’elle ne prend en compte que le sens et la taille de la différence entre la valeur de l’explication interne et externe d’un item.
21Pour tester nos hypothèses, nous avons mis au point un indice mesurant la Différence entre la Valeur de l’explication Interne et celle de l’explication Externe pour chaque paire d’explications. Cette différence s’obtient en pratique par la soustraction de la valeur de l’explication externe à la valeur de son alternative interne. Par souci de concision, cette différence sera désignée par DVI-E dans la suite du texte. Indiquons qu’ainsi défini, cet indice prend une valeur positive dès lors que l’explication interne a une valeur supérieure à son alternative externe et un signe négatif dans le cas contraire. L’hypothèse d’une confusion prédit que les items des questionnaires ont en majorité une DVI-E positive plutôt que négative. Le test de l’hypothèse selon laquelle cette confusion relève du biais méthodologique consistera à montrer que sous consigne d’autoprésentation personnelle, le choix se porte préférentiellement dans la paire sur l’explication qui a le plus de valeur, que celle-ci soit interne ou externe. Autrement dit, nous prédisons que lorsque la DVI-E est positive, le choix se porte sur l’explication interne, et cela d’autant plus que la DVI-E est élevée. Elle prédit, au contraire, que lorsque la DVI-E est négative, l’explication externe est plus choisie que son alternative interne, et cela d’autant plus que la DVI-E est basse. Dans le cas où la valeur des explications est semblable, elle prédit l’équiprobabilité de choix. Ces prédictions correspondent à l’hypothèse statistique d’un lien linéaire croissant entre la DVI-E et la probabilité de choix de l’explication interne d’un item sur tout le continuum de la variable.
22Malgré plusieurs tentatives, nous ne sommes pas parvenus à mesurer directement la valeur de chaque explication à l’aide d’une échelle comme nous l’avons fait dans l’Expérience 1. En effet, il s’est avéré qu’un pourcentage non négligeable d’élèves ne parvient pas à dissocier, dans leur évaluation, la valeur d’une explication de la valeur de l’événement qu’elle explique. Rappelons que selon l’interprétation des résultats obtenus avec ces deux consignes développées dans l’introduction, les données ainsi recueillies permettent de savoir dans quelle mesure l’explication d’une paire est plus valorisée que l’autre. Aussi, la DVI-E peut être calculée à partir de la différence des probabilités de choix de l’explication interne sous chacune de ces deux consignes. En conséquence, pour estimer la différence entre la valeur des deux explications, nous avons recouru à des données collectées sous consignes « pronormative » et « contre-normative » en employant le questionnaire original à choix forcé.
Méthode
Sujets
23Au total, 90 élèves (48 garçons) fréquentant des écoles de l’agglomération Grenobloise, deux classes de CM1 (n = 46) et deux classes de CM2 ont participé à cette expérience. L’âge moyen des élèves est de 9.6 ans (SD = .67). Les données de deux élèves signalés « en grave difficulté de lecture » par leur enseignant n’ont pas été prises en compte dans les analyses statistiques.
Procédure
24L’ensemble des sujets a rempli successivement deux fois le même questionnaire au cours d’une même passation. Tous reçurent d’abord une consigne d’autoprésentation personnelle. Pour le remplissage du second questionnaire, la consigne a différé selon deux conditions : un groupe expérimental (n = 46, une classe de CM1 et une classe de CM2) a reçu une consigne « pronormative » (« répondre pour se faire bien voir d’un adulte ») alors qu’un autre groupe (n = 42) a reçu une consigne « contre-normative » (« répondre pour se faire mal voir d’un adulte »). Les passations ont eu lieu collectivement dans les classes en présence de l’enseignant(e), mais sans son intervention. Après le remplissage, les expérimentateurs demandaient aux élèves d’indiquer leur sexe et leur âge au dos du questionnaire, puis les remerciaient.
Résultats
25Dans un premier temps, le nombre de réponses internes pour chacune des deux consignes de remplissage a été calculé séparément pour les deux groupes expérimentaux. Pour le groupe ayant reçu en second lieu une consigne « pronormative », en autoprésentation personnelle ce score est plus bas (M = 11.02) qu’en consigne « pronormative » (M = 12.41), t(45) = 2.75, p < .01. Pour l’autre groupe, en autoprésentation, ce score est plus élevé (M = 11.81) qu’en consigne « contre-normative » (M = 3.40), t(41) = 16.05, p < .001. Ces résultats reproduisent à l’identique ceux observés jusqu’à présent dans les recherches manipulant la consigne d’autoprésentation.
26Dans un second temps, les données ont été traitées afin de tester l’hypothèse d’une confusion entre orientation et valeur dans le questionnaire. Afin d’estimer la DVI-E de chaque explication interne, nous avons combiné les résultats obtenus sous consignes « pronormative » et « contre-normative » de la manière suivante. Tout d’abord, la probabilité de choisir chaque explication interne d’un item sous chacune de ces consignes a été calculée séparément à partir des réponses des sujets. Ensuite, pour chaque explication interne, la probabilité d’être choisie sous consigne « contre-normative » a été soustraite de la probabilité d’être choisie sous consigne « pronormative ». Le résultat de cette soustraction a constitué l’estimation de la DVI-E de chaque explication interne [i.e., DVI-E = (prob. d’être choisie sous consigne « pronormative ») – (prob. d’être choisie sous consigne « contre-normative »)]. Ainsi, une explication interne toujours choisie pour se faire bien voir (prob. = 1) et jamais pour se faire mal voir (prob. = 0) a une DVI-E égale à +1. A l’inverse, une explication interne jamais choisie pour se faire bien voir (prob. = 0) et toujours choisie pour se faire mal voir (prob. = 1) a une DVIE de -1. Une explication interne choisie aussi souvent pour se faire bien que mal voir, c’est-à-dire, dont la probabilité d’être choisie est la même sous chaque consigne, a une DVI-E égale à zéro. La DVI-E moyenne de l’ensemble des explications est égale à 0.57 (SD = 0.31). Plus important, sur 16 explications internes que comporte le questionnaire, 15 présentent une DVI-E positive. Ainsi, conformément à notre hypothèse, les items pour lesquels l’explication interne a une valeur plus grande que son alternative externe sont majoritaires, en l’occurrence, massivement majoritaires, puisque un seul item fait exception. Ce résultat atteste comme attendu d’une confusion entre valeur et orientation dans le questionnaire. Cependant, dans la mesure où cette confusion est totale plutôt que partielle, l’hypothèse relative à la DVI-E négative ne peut être examinées avec ce questionnaire.
27L’hypothèse selon laquelle l’explication interne est d’autant plus choisie que sa DVE-I est élevée a été testée par une analyse de régression linéaire simple en prenant pour unité d’analyse les explications internes. Nous avons régressé la probabilité d’être choisie sous consigne d’autoprésentation personnelle sur la DVIE (voir Figure 2). La répartition selon la probabilité de choix indique que sur les 15 explications internes présentant une DVIE positive, 13 ont en moyenne plus de chance d’être choisies que leur alternative externe. Enfin, sur les trois explications internes situées en dehors du cadran supérieur droit, deux sont très proches de l’équiprobabilité de choix. L’analyse de régression montre qu’en dépit de la concentration des explications dans un même cadran, le modèle est significatif, F(1, 14) = 4.60, p = .05, R2 = .23. Ainsi, il s’avère conformément à notre hypothèse que plus une explication interne a une valeur supérieure à celle de son alternative externe, plus sa probabilité d’être choisie est élevée, B = 2.82, t(14) = 2.15, p = .05.
Note : les valeurs correspondent au numéro de l’item en annexe ; la position de l’alternative externe d’un item s’obtient sur le diagramme par symétrie par rapport au point de coordonnées (0,00 ; 0,50).
Discussion
28Constatons d’abord que les sujets de cette expérience se comportent comme les sujets des recherches effectuées dans la littérature sur la norme d’internalité. Sous consigne « pronormative » la probabilité de choisir une explication interne est plus élevée que sous consigne d’autoprésentation personnelle. Par contre, sous consigne « contre-normative », cette probabilité est plus basse qu’en autoprésentation personnelle. Comme nous l’avons indiqué plus haut, ces résultats sont habituellement interprétés comme une preuve empirique de la manifestation d’une norme d’internalité dans le contexte de la classe. Rappelons que nous sommes d’accord sur le fait que ces résultats montrent d’une part, qu’entre deux explications, les enfants choisissent pour s’autoprésenter personnellement celle qui a le plus de valeur et, d’autre part, que les explications internes présentes dans le questionnaire ont plus de valeur que les externes. Cependant, nous avons fait l’hypothèse que ces résultats ne prouvent pas l’existence d’une norme d’internalité dans la mesure où ils peuvent résulter d’un biais méthodologique.
29La mesure de la DVI-E avait pour but de nous permettre de le vérifier. Elle a permis de montrer que pour le questionnaire étudié, il existe bien une confusion dans la construction des paires d’explications : l’explication interne a, à une exception près, plus de valeur que son alternative externe. Conjointement, les explications internes sont plus choisies que leurs alternatives externes sous consigne d’autoprésentation personnelle. L’analyse de régression montre comme attendu que les deux variables sont reliées. D’une part, plus la DVI-E est élevée, plus l’explication interne est préférée à l’externe et, d’autre part, lorsque la DVI-E est nulle, les explications interne et externe d’une paire ont la même probabilité d’être choisies. Cependant, ce pattern de résultat porte sur des DVI-E qui, à une exception près, sont positives.
30Dans la mesure où seule la moitié positive du continuum de DVIE est exemplifié, force est de constater que cet état de chose ne permet pas de tester l’ensemble des hypothèses, et donc de départager les deux interprétations concurrentes. Autrement dit, l’absence d’items présentant une DVI-E négative empêche de connaître l’origine de la confusion observée. On pourrait en effet conclure que si les explications internes sont presque toutes plus positives que leur alternative externe, c’est parce qu’il existe une norme d’internalité qui valorise les premières au détriment des secondes et qu’il est donc normal que les DVI-E soient positives. On pourrait tout aussi bien conclure, comme nous le défendons, que la présence massivement majoritaire dans le questionnaire de paires d’explications présentant une DVI-E positive provient d’un biais méthodologique. Ainsi, les résultats de l’Expérience 2 sont à la fois compatibles avec l’hypothèse d’une valorisation normative des explications internes, et avec celle d’un biais dans l’instrument de mesure. L’Expérience 3 a eu pour objectif de permettre de trancher entre ces deux interprétations dans des conditions d’observation permettant de tester l’ensemble des prédictions de l’Expérience 2. Dans ce but, nous avons mis au point un questionnaire dont les paires d’explications exemplifient la totalité du continuum de DVI-E.
Expérience 3
31Compte tenu de l’objectif général que nous venons d’évoquer, nous avons repris la méthode de l’Expérience 2, c’est-à-dire une méthode permettant de mesurer l’impact de la différence de valeur entre l’explication interne et externe sur la probabilité de choisir l’explication interne sous consigne d’autoprésentation personnelle. Cependant, afin de déterminer si la préférence attestée dans la littérature et dans l’Expérience 2 pour les explications internes provient de leur orientation ou de leur DVI-E, nous avons construit un questionnaire expérimental dont les événements sont associés à une paire d’explications selon l’une des 4 combinaisons suivantes : l’explication interne et l’explication externe sont positives, l’interne est positive et l’externe négative, l’interne est négative et l’externe positive, l’interne et l’externe sont négatives. Ce plan de construction des paires explicatives visait à savoir ce qu’il adviendrait dans les cas presque absents du questionnaire de Dubois (1994), mais critiques pour départager les interprétations des résultats issus des questionnaires d’internalité : lorsque l’alternative externe est plus positive que l’interne (c’est-à-dire en cas de DVI-E négative). Le croisement factoriel a été effectué dans le but de produire des paires d’explications exemplifiant tout le continuum de DVI-E. Précisons que la DVI-E a été estimée comme dans l’Expérience 2 à partir des réponses des sujets et traitée statistiquement comme une variable continue.
32À un niveau général, nous prédisons que les choix d’autoprésentation personnelle s’effectueront en fonction de la valeur des explications, plus précisément de la DVI-E. Dans le détail, nos hypothèses sur les choix sous consigne d’autoprésentation personnelle sont semblables en tous points à celles de l’Expérience 2. Pour rappel, nous prédisons qu’en cas de DVI-E positive, le choix se porte sur l’explication interne et, cela d’autant plus que la DVI-E est élevée. Dans le cas d’une DVI-E nulle, c’est-à-dire quand la valeur des explications est semblable, nous prédisons l’équiprobabilité de choix. Enfin, lorsque la DVI-E est négative, nous prédisons que l’explication interne est moins choisie que son alternative externe, et cela d’autant plus que la DVI-E est basse. Cette dernière hypothèse, qui n’a pu être testée dans l’Expérience 2, constitue l’hypothèse critique de cette expérience. Ces prédictions correspondent à l’hypothèse statistique d’un lien linéaire croissant entre la DVI-E et la probabilité de choix de l’explication interne d’un item sur tout le continuum.
Méthode
Sélection du matérieL
33Afin de mettre au point le questionnaire expérimental, trois pré-tests ont été réalisés. Le premier visait, à partir de réponses d’enseignants, à sélectionner des explications positives et négatives. L’objectif du second pré-test a été de vérifier que les caractéristiques du matériel ainsi produit valaient pour des élèves. Enfin, l’orientation interne versus externe des explications sélectionnées a été vérifiée dans le troisième pré-test.
Pré-test 1 : sélection d’explications internes et externes de valences positive et négative
34Pour chacun des 16 événements du questionnaire d’internalité pour élèves de primaire de Dubois (1994), nous avons produit deux ensembles de six à huit explications, l’un d’orientation interne, l’autre d’orientation externe. Ce matériel a donné lieu à la construction de deux questionnaires, chacun comportant des explications ne relevant que d’une seule orientation. Sur chaque page figurait la description de l’événement, l’ensemble d’explications et deux questions : « quelles sont les deux explications qui produiraient selon vous l’impression la plus positive à un adulte ? », puis à nouveau cette question, sauf que l’adjectif « négative » remplaçait « positive ». Ainsi, pour chaque événement, quatre réponses étaient demandées. Les deux questionnaires étaient remis chacun à huit professeurs des écoles qui ont bénéficié d’un délai d’une semaine pour le remplir individuellement. Les explications que les professeurs d’école ont désignées comme difficiles à comprendre pour des élèves de CM1-CM2 n’ont pas été prises en compte. A partir des réponses recueillies, nous avons calculé la fréquence de choix de chaque explication. Pour chaque événement, l’explication la plus fréquemment désignée comme la plus positive et celle désignée comme la plus négative dans les deux questionnaires ont été sélectionnées. Les quatre explications retenues pour chacun des 16 événements figurent en Annexe. A toutes fins utiles, soulignons dès à présent que, compte tenu de la méthode de sélection qui vient d’être décrite, la valence du matériel est une variable nominale, et seulement nominale. Autrement dit, si l’on sait pour une explication donnée si celle-ci a été perçue sans ambiguïté comme positive ou négative, on ignore sa valeur, c’est-à-dire l’intensité de sa positivité ou de sa négativité. Ainsi, rien ne permet de supposer, par exemple, que parmi le matériel sélectionné, les explications internes positives sont aussi positives que les explications externes positives, ou que les explications externes négatives sont aussi négatives que les explications internes négatives. [2]
Pré-test 2 : vérification des résultats du Pré-test 1 auprès d’une population d’élèves
35Afin de vérifier que la valence des explications sélectionnées à l’issue du Pré-test 1 correspond bien à la perception que peuvent en avoir les élèves, nous avons procédé à un second pré-test utilisant le matériel sélectionné à partir des réponses des enseignants. Pour ce pré-test, le questionnaire administré renfermait des items dont les deux explications alternatives avaient une même orientation. Toutes les paires d’explications contenaient une alternative positive et une alternative négative. Les 16 événements ont été scindés en deux blocs de huit de manière à ce qu’ils contiennent autant de comportements positifs et négatifs et autant de renforcements positifs et négatifs (voir Annexe). Par contrebalancement, deux questionnaires ont été construits de telle manière que les événements associés à deux explications d’une orientation donnée dans l’un des questionnaires apparaissent associés aux deux explications de l’autre orientation dans l’autre. Au total, 28 élèves d’une classe de CM2 d’une école primaire de l’agglomération grenobloise ont rempli l’une ou l’autre des deux versions de ce questionnaire « pour se faire mal voir ». Sur l’ensemble des événements associés à deux explications internes, les sujets ont choisi en moyenne moins d’une fois sur huit une explication à valence positive (M = 0.59, SD = 0.78). Pour les huit événements associés à deux explications externes, on observe un résultat semblable (M = 0.93, SD = 0.90). Ainsi, dans l’ensemble, les élèves perçoivent la valence des explications comme les enseignants sollicités pour le Pré-test 1. Ce résultat laisse présumer que pris ensemble, les items des quatre combinaisons dont il a été question plus haut couvriront bien toute l’étendue de la DVI-E. En conséquence, les explications issues du Pré-test 1 ont été utilisées en totalité comme matériel expérimental de l’Expérience 3.
Questionnaire expérimental
36Le questionnaire expérimental comprenait les 16 événements utilisés dans les pré-tests, chaque événement étant suivi d’une explication interne et d’une explication externe en respectant l’ordre de présentation du questionnaire d’internalité de Dubois (1994). Ce questionnaire a été construit de la manière suivante : les 16 événements ont été divisés en quatre blocs de telle manière que chaque bloc comprenne la description de quatre événements différents : un renforcement positif, un renforcement négatif, un comportement positif et un comportement négatif (voir Annexe). Les quatre événements d’un bloc ont été associés à deux explications positives (I+/E+), ceux d’un second bloc à une explication interne positive et une explication externe négative (I+/E–), ceux d’un troisième bloc à une explication interne négative et une explication externe positive (I–/E+) et, enfin, ceux du dernier bloc à deux explications négatives (I–/E–, voir Annexe). Par rotation, ont été construites quatre versions du questionnaire expérimental afin qu’au final, les événements d’un même bloc apparaissent associés avec les paires d’explications correspondant aux quatre combinaisons I/E possibles.
Pré-test 3 : vérification de l’orientation interne vs externe des explications pairées [3]
37Dans le but de vérifier que l’orientation des explications sélectionnées à l’issue des pré-tests 1 et 2 correspond bien à la définition qu’en donnent les chercheurs travaillant dans le champ de la théorie de norme d’internalité, nous avons soumis chacun des 4 questionnaires expérimentaux à deux juges indépendants. Au total, 8 étudiantes en première année de psychologie ont participé à ce pré-test. Leur tâche a consisté à remplir le questionnaire en désignant pour chaque item l’explication interne et l’explication externe. Pour ce faire, on leur indiquait dans la consigne que devait être considérée comme interne une explication qui évoquait « l’effort de la part de la personne qui formule l’explication, son habilité dans le domaine ou dans la tâche, son intention, sa volonté ou une décision de sa part, ses caractéristiques personnelles, qu’elles soient temporaires ou durables ». Devait être considérée comme externe une explication qui évoquait « la difficulté de la tâche, la contrainte imposée par quelqu’un ou la conduite de quelqu’un, l’obligation imposée par une règle, que cette règle soit formelle ou non, les circonstances, le hasard, la chance ou la malchance. ». Ces sous-catégories explicatives référant les unes à l’internalité, les autres à l’externalité, ont été reprises et adaptées de Dubois (1994, pp. 52-53). De la comparaison des réponses données par chaque couple de juges travaillant sur un même questionnaire, il ressort que l’accord entre les juges est total, et que leurs évaluations de l’orientation correspondent sans exception aucune à l’orientation envisagée au préalable.
Sujets
38Au total, 132 élèves (59 garçons) fréquentant des écoles de l’agglomération grenobloise, au sein de deux classes de CM1, de deux classes de CM2 et d’une classe de CM1/CM2 ont participé à cette recherche. L’âge moyen des élèves est de 9.95 ans (SD = 0.73). Les données de trois élèves signalés « en grave difficulté de lecture » par leur enseignant n’ont pas été prises en compte dans les analyses statistiques.
Procédure
39La procédure était identique à celle de l’Expérience 2. Les sujets remplissaient d’abord le questionnaire sous consigne d’autoprésentation personnelle puis, une seconde fois sous une consigne « pronormative » (n = 51) ou « contre-normative » (n = 78). Les quatre versions du questionnaire ont été distribuées en nombre à peu près égal au cours de chacune des cinq passations.
Résultats
40Sous consigne d’autoprésentation personnelle, les sujets ont choisi en moyenne 7.63 réponses internes (SD = 1.76) sur les 16 possibles. Ainsi, les explications externes ont été tout autant choisies que les internes. Afin de tester notre hypothèse, nous avons appliqué à l’identique la méthode utilisée dans l’Expérience 2. Pour rappel, nous avons calculé la probabilité de choisir l’explication interne de chaque item sous consigne d’autoprésentation personnelle. De même, nous avons calculé pour chaque explication interne sa DVI-E (voir la section résultats de l’Expérience 2 pour le détail du calcul). Constatons d’abord que tout le continuum de DVI-E est couvert, ce qui était l’objectif poursuivi. Les notes varient de -1.00 à .93, la moyenne étant égale à 0.02 (SD = 0.57). Constatons aussi que lorsque les explications des paires ont en moyenne la même valeur, les explications externes ont en moyenne la même probabilité d’être choisies que les internes sous consigne d’autoprésentation.
41Nous avons régressé la probabilité qu’une explication interne soit choisie sur sa DVI-E (voir Figure 3). L’analyse de régression montre que la probabilité de choix d’une explication interne varie linéairement selon l’importance de sa différence de valeur, F(1, 62) = 101.50, p < .001. La DVI-E explique presque deux tiers de la variance totale (R2 = .62). Conformément à notre hypothèse, pour l’ensemble du continuum, plus la DVI-E est élevée, plus la probabilité de choisir une explication interne est élevée, B = 0.39, t(62) = 10.07, p < .001. Ainsi comme attendu, l’explication externe est plus choisie que son alternative externe en cas de DVI-E négative, et cela d’autant plus qu’elle est basse. Pour finir, l’ordonnée à l’origine qui estime la probabilité de choisir une explication interne lorsque la différence de valeur entre alternatives est nulle, est égale à 0.48, une valeur est très proche de l’équiprobabilité. L’analyse de régression a été refaite après avoir soustrait 0.5 à la probabilité de choisir l’explication interne. Cette analyse montre que l’ordonnée à l’origine (-0.02) ne diffère pas significativement de zéro, t(62) = 0.96, ns. Ainsi, conformément à notre hypothèse, notre modèle statistique prédit qu’en cas d’égalité de valeur, le choix de l’alternative interne ou externe est équiprobable.
Note : la position de l’alternative externe d’une explication s’obtient sur le diagramme par symétrie par rapport au point de coordonnées (0,00 ; 0,50).
Discussion
42À l’issue de l’Expérience 2, si l’on savait que le choix explicatif se porte préférentiellement sur l’explication interne quand la DVIE est positive, on ignorait comment s’opère ce choix lorsque la DVI-E prend une valeur négative. De ce fait, l’explication en termes de norme d’internalité pouvait rendre compte des résultats obtenus tout aussi bien que celle en termes de biais méthodologique. L’Expérience 3 a été réalisée précisément pour trancher entre ces deux interprétations. Les résultats de l’analyse de régression lèvent toute équivoque. Ils confirment que pour les paires présentant une DVI-E positive, le choix se porte préférentiellement sur l’explication interne, et que, lorsque l’écart de valeur est égal à zéro, l’équiprobabilité de choix prévaut entre l’alternative externe et interne. Elle montre de manière plus cruciale ce qui ne pouvait être observé avec le questionnaire précédent, à savoir que, pour les paires présentant une DVI-E négative, la relation entre DVI-E et probabilité de choix d’une explication varie de la même manière. Autrement dit, la différence de valeur entre explications joue indépendamment de leur orientation. Ainsi, il suffit qu’une explication soit plus positive que son alternative pour que le choix se porte préférentiellement sur elle, qu’elle soit interne ou externe. Le résultat obtenu pour les items à DVI-E négative reproduit celui de Gangloff (1997), à savoir le choix préférentiel des explications externes plutôt que des internes. Cependant, ce résultat prend le sens que nous lui donnons (i.e., un biais méthodologique), dès lors qu’il apparaît au sein d’un pattern qui porte sur l’ensemble des valeurs que peut prendre la DVI-E, et non à l’une de ses extrémités, qu’il s’agisse de l’extrémité positive (p. ex., le questionnaire pour élève de Dubois) ou de l’extrémité négative (p. ex., le questionnaire de Gangloff). Si Gangloff (1997) avait conclu, comme les tenants de l’interprétation normative des questionnaires d’internalité, à l’existence d’une norme, certes non d’internalité mais d’allégeance, nous n’en tirerons pour notre part aucune conclusion de nature théorique quant à l’existence d’une norme.
43Les résultats de cette expérience mettent en évidence la possibilité d’un biais méthodologique dans les questionnaires d’internalité en usage. Selon cette interprétation, si ces instruments montrent bien que les explications internes qu’ils contiennent sont plus positives que leurs alternatives externes, c’est parce que lors de leur construction, leurs concepteurs ont introduit plus de paires d’explications présentant une DVI-E positive que de paires d’explications présentant une DVI-E négative. Il s’agit d’un biais dans la mesure où les scores d’internalité obtenus par l’emploi de ces questionnaires dépendent de la DVIE moyenne des explications et non de l’orientation des explications. Soulignons que l’utilisation de questionnaire contenant majoritairement des paires présentant une DVI-E négative permettrait d’arriver selon les interprétations en vigueur à une conclusion diamétralement opposée à celle de la théorie de la norme d’internalité, à savoir l’existence d’une norme d’externalité. En effet, dans le cas de DVI-E majoritairement négatives, le score d’internalité augmenterait sous consigne « contre-normative » relativement à celui observé sous consigne « pronormative », alors que sous consigne d’autoprésentation personnelle il prendrait une valeur intermédiaire ou égale à celle observée sous consigne « contre-normative ». On voit ici à quel point les conclusions que l’on a tirées des questionnaires d’internalité sont tributaires de la confusion entre valeur et orientation.
Discussion générale
44À l’issue des trois expériences réalisées, il nous semble établi que la probabilité de choisir une explication interne plutôt qu’externe sous consigne d’autoprésentation personnelle dépend de la valeur relative des deux explications. Les résultats de l’Expérience 1 ont montré que dans le cas du Q-IE, le degré d’accord avec une explication sous consigne d’autoprésentation personnelle varie linéairement avec la valeur de cette explication. L’orientation n’a pas d’effet. En ce qui concerne le questionnaire pour élève de Dubois (1994), les résultats de l’Expérience 2 attestent d’un lien entre la différence de valeur dans les paires d’explications interne et externe et la probabilité de choix de l’explication interne sous cette même consigne. Ils montrent qu’il existe une confusion entre orientation et valeur. Le questionnaire mis au point dans l’Expérience 3 a permis de montrer l’effet du différentiel de valeur sur un intervalle allant d’une différence de valeur très favorable au choix de l’alternative interne d’une paire I/E jusqu’à une différence très favorable à celui de l’alternative externe. Dans cette expérience, la prévalence des choix internes n’apparaît que dans le cas où l’alternative interne est plus valorisée que l’externe. Ce résultat incite à penser que la confusion présente dans les deux questionnaires examinés ici existe plus généralement dans les questionnaires d’internalité qui permettent d’obtenir les effets paradigmatiques. Selon cette interprétation, le score d’internalité obtenu sous consigne d’autoprésentation personnelle mesure la préférence personnelle pour les explications socialement valorisées et non une préférence pour une orientation. Que ce score augmente ou diminue suivant que l’on demande respectivement de se faire bien ou mal voir montrerait précisément qu’il existe une confusion entre la valeur et l’orientation des explications dans un questionnaire.
45Avant d’envisager les conséquences de ce biais méthodologique, indiquons deux limites à notre recherche. Tout d’abord, comme nous l’avons indiqué dans l’introduction de l’Expérience 2, c’est faute d’être parvenu à mesurer directement la valeur des explications auprès d’enfants que nous avons recouru pour l’estimer aux données issues de passations sous consignes « pronormative » et « contre-normative ». Aussi notre conclusion serait-elle plus assurée si une recherche mesurant directement l’écart de valeur des explications reproduisait nos résultats. Ensuite, les choix d’autoprésentation personnelle et les choix sous consignes pro ou contre-normatives ont été réalisés dans les expériences 2 et 3 sans que l’ordre des deux passations ait été contrebalancé. Il conviendrait dans une prochaine recherche de s’assurer que les résultats obtenus ici ne dépendent pas de l’ordre dans lequel les consignes ont été administrées.
Conséquences du biais méthodologique pour les « paradigmes » d’étude de la norme d’internalité
46Qu’il soit clair que notre critique méthodologique laisse intacte l’hypothèse théorique d’une norme d’internalité. Cependant, elle met en cause selon nous la plus grande partie de son étayage empirique. Cette affirmation suscitera peut-être deux objections visant à limiter sa portée. On pourrait tout d’abord faire valoir, à tort selon nous, que nous n’avons examiné que deux questionnaires d’internalité, alors qu’il en existe de nombreux, et qu’il faudrait apporter la preuve d’une confusion entre valeur et orientation pour chacun d’eux. On pourrait aussi objecter que nous n’avons eu recours qu’à l’un des trois « paradigmes » couramment employés pour la mise en évidence de la norme d’internalité, à savoir la procédure d’autoprésentation. Parce qu’elle porte sur l’interprétation des scores d’internalité, notre hypothèse de confusion permet selon nous de réinterpréter sans difficulté les résultats issus des deux autres procédures. Ainsi, la littérature montre sans ambiguïté que lorsqu’un questionnaire d’internalité déjà rempli est soumis à des sujets qui doivent évaluer une personne censée l’avoir rempli (les auteurs parlent de « paradigme des juges »), plus le questionnaire renferme des réponses internes, plus la cible est évaluée positivement et, à contrario, plus il renferme des réponses externes, plus elle est évaluée négativement (cf. Beauvois, Bourjade & Pansu, 1991). Elle montre aussi que quand les sujets doivent répondre à un questionnaire en s’identifiant à une personne dont la position sur une dimension d’évaluation est connue (les auteurs parlent de « paradigme d’identification »), par exemple un « bon élève », cela a pour effet d’augmenter le nombre de réponses internes relativement à la condition d’identification à un « mauvais élève » (cf. Dubois, 1991). Notre hypothèse d’une confusion entre valeur et orientation permet d’expliquer ces deux résultats sans recourir à l’hypothèse de valorisation sociale de l’internalité. De manière générale, si une telle confusion existe dans un questionnaire, la prévalence des choix internes apparaîtra dans toute situation où la valeur détermine les réponses des sujets. C’est manifestement le cas pour les deux procédures, puisqu’il s’agit, pour l’une, de s’identifier à une personne dont la valeur est connue, et pour l’autre, de juger de la valeur d’autrui.
47D’aucun pourrait s’étonner que le biais méthodologique consistant à confondre la valeur et l’orientation n’ait pas été relevé plus tôt. D’une part, comme nous l’avons indiqué plus haut, même s’il n’a pas mis en place une méthodologie permettant de statuer sur la confusion entre valeur et orientation, comme nous l’avons fait, Gangloff (1997, 1998) a pointé la possibilité d’un problème méthodologique dans le choix des explications. D’autre part, cette confusion se produit sans aucun doute à l’insu du ou des concepteurs du questionnaire. Il s’agirait en conséquence d’une confusion qui résulte des caractéristiques de la majorité des items mais probablement pas de la totalité. La présence d’items pour lesquels l’explication externe serait soit autant valorisée que l’interne, soit plus valorisée qu’elle, rendrait délicat le repérage d’une confusion qui vaut pour l’outil pris dans son ensemble.
La question de la validité de construit des questionnaires d’internalité
48Nous avons indiqué dans l’introduction que le problème méthodologique que nous pointons provient d’une liberté prise avec la règle consistant à s’assurer de la validité de construit d’une mesure par questionnaire. Or, on ne trouve à notre connaissance aucune publication rapportant des preuves de la validité de construit de la mesure de l’internalité, au sens que les psychologues donnent à ce terme, même si parfois certains titres d’articles peuvent le laisser entendre (cf. Bertone, Delmas, Py, & Somat, 1989). Il ne s’agit pas d’une négligence mais d’un choix argumenté très tôt et à plusieurs reprises. Selon l’argumentaire en vigueur, les questionnaires d’internalité étant construits dans une visée non différentialiste mais expérimentale, s’assurer de la validité de la mesure de l’internalité ne s’impose pas (Dubois, 1994, pp. 51-52). Jouffre (2003, p. 74) a, par exemple, défendu très explicitement une telle position dans les pages d’un chapitre entièrement consacré aux méthodes de mesure dans l’étude de la norme d’internalité. Selon nous, cet argument n’est pas recevable car il repose sur un amalgame. En effet, si l’on conçoit bien que la capacité d’un instrument de différencier les positions d’individus sur une dimension n’importe pas quand on étudie un phénomène collectif comme une norme, ce dernier objectif n’exempte pas de s’assurer que la mesure faite mesure bien ce qu’elle est censée mesurer. Dit autrement, il nous semble que l’argument rapporté ci-dessus prend à tort l’exigence de la validité de construit pour celle de la sensibilité différentielle. Or, sans validité, les psychologues ne peuvent s’autoriser à aller au-delà des réponses effectivement observées, c’est-à-dire à généraliser les résultats à la dimension théorique supposée sous-jacente (cf. John & Benet-Martinez, 2000). En résumé, s’exempter des procédures qui attestent de la validité de construit d’une mesure fait prendre un risque interprétatif conséquent [4]. Dans le cas de la norme d’internalité, le risque pris se solde au final par une possible remise en cause des conclusions issues de vingt ans de recherches empiriques utilisant des questionnaires d’internalité. Notons que Jellison et Green (1981) ont pour leur part minimisé ce risque en employant non pas un questionnaire, mais une échelle de mesure de l’internalité, la Rot I-E (Rotter, 1966), c’est-à-dire un instrument présumé valide. Cependant, notre critique pourrait aussi s’appliquer à leurs résultats, puisque les nombreux travaux de validation de l’échelle entrepris à partir de 1966 font justement état d’une corrélation jugée problématique entre cet outil et les échelles mesurant la désirabilité sociale (cf. Vuchinich & Bass, 1974 ; Schreiber, 1980).
Propositions méthodologiques pour tester l’hypothèse d’une norme d’internalité
49Au terme de ce travail, il conviendrait d’indiquer comment tenir compte de la critique que nous formulons. Arrivé à ce stade de l’exposé, il est loisible de penser qu’une solution simple consisterait à neutraliser l’effet de la valeur en égalisant celles des explications internes et externes dans les questionnaires. Nos résultats laissent penser qu’une telle précaution dans la construction des questionnaires n’aboutirait qu’à un seul résultat : l’équiprobabilité de choix des explications internes et externes. Quiconque veut montrer dans le cadre de la méthodologie actuelle l’existence d’une norme d’internalité se trouverait en fin de compte confronté à ce qui semble une sérieuse difficulté : d’une part, les résultats obtenus jusqu’ici avec les questionnaires d’internalité attestent d’une préférence pour des explications internes plutôt qu’externes parce qu’ils sont biaisés ; d’autre part, l’usage de questionnaires non biaisés ne montrerait probablement pas une telle préférence.
50Que faire ? Une solution pourrait être celle préconisée par Dompnier (2006). Parce qu’il a entrevu en menant ses travaux la possibilité de biais dans la construction des questionnaires d’internalité, il a proposé de les construire en tirant des explications au hasard dans un échantillon d’explications. Tout en représentant un progrès, cette méthode ne supprimerait pas la possibilité d’une confusion entre valeur et orientation. Une fois un questionnaire construit selon cette méthode, il devrait tout de même faire l’objet d’une validation afin de s’assurer qu’il mesure bien l’internalité. Cependant, la méthode consistant à tirer aléatoirement des explications interne et externe, puis à les faire évaluer, pourrait permettre de tester en elle-même l’hypothèse. Pour ce faire, il faudrait d’abord s’accorder sur la question difficile de ce que pourrait être en pratique une population représentative d’explications dans laquelle le tirage s’effectuerait.
51On pourrait aussi examiner comment les gens expliquent un événement expérimental en manipulant la pression normative. Si les explications produites deviennent plus internes lorsque la pression normative augmente, alors démonstration serait faite du caractère normatif de l’internalité. Simple dans sa méthode, cette solution requiert la capacité de coder l’orientation des explications produites, ce qui ne semble pas chose facile, même si des outils existent (cf. Serlin & Beauvois, 1991). Elle demande aussi d’opérationnaliser la pression normative et de définir les événements expérimentaux à expliquer. Le statut d’évaluateur de l’auditoire pourrait être en première analyse une option acceptable. Reste qu’il est peut-être difficile de concevoir qu’un événement négatif comme l’échec à une tâche puisse être préférentiellement expliqué de manière interne face à un évaluateur, notamment parce que l’orientation d’une explication entre en jeu dans un autre processus psycho-social, à savoir l’attribution de responsabilité par un évaluateur qui a souvent pour prérogative statutaire d’appliquer des sanctions. Or, la prédiction selon laquelle l’orientation interne d’une explication est valorisée, y compris quand il s’agit d’expliquer un échec, constitue précisément ce qui fait l’originalité et l’intérêt de l’hypothèse d’une norme d’internalité.
52Ci-dessous figurent les événements numérotés de 1 à 16 du questionnaire pour enfants de primaire de Dubois (1994). Après chaque événement, sont indiqués entre parenthèses son type, comportement ou renforcement, et sa désirabilité sociale, positive ou négative, tels qu’ils ont été définis originellement par l’auteur. Les explications « Int. + », « Int. – », « Ext. + » et « Ext. – » sont respectivement les explications internes positives, internes négatives, externes positives et externes négatives utilisées dans l’Expérience 3.
531. Lorsqu’ils mettent la table chez eux (comportement positif)
54Int. + : « c’est parce que j’aime rendre service »
55Int. – : « c’est parce que je voulais avoir quelque chose en échange »
56Ext. + : « c’est parce que c’était à mon tour de mettre la table »
57Ext. – : « c’est parce que ma mère m’oblige parfois à mettre la table »
582. Lorsqu’ils ont une mauvaise note en grammaire (renforcement négatif)
59Int. + : « c’est parce que j’ai passé trop de temps sur l’exercice le plus difficile »
60Int. – : « c’est parce que je n’avais pas envie d’apprendre ma leçon »
61Ext. + : « c’est parce que la règle de grammaire était compliquée »
62Ext. – : « c’est parce que le maître a été très sévère en corrigeant les exercices »
633. Lorsqu’ils chahutent en classe pendant la projection d’un film (comportement négatif)
64Int. + : « c’est parce que je n’ai pas réussi à rester sage assez longtemps »
65Int. - : « c’est parce que j’aime bien quand le maître se met en colère »
66Ext. + : « c’est parce qu’à la fin de la journée, c’est difficile de se concentrer »
67Ext. – : « c’est parce que tout le monde avait envie de chahuter ce jour-là »
684. Lorsqu’ils reçoivent de beaux cadeaux pour leur anniversaire (renforcement positif)
69Int. + : « c’est parce que j’aide beaucoup mes parents à la maison »
70Int. – : « c’est parce que je suis énervé quand je n’ai pas les cadeaux que j’ai demandés »
71Ext. + : « c’est parce que les beaux cadeaux ne valent pas toujours très chers »
72Ext. – : « c’est parce que mes parents devaient avoir de l’argent à dépenser »
735. Lorsqu’ils se disputent avec leurs frères et sœurs (comportement négatif)
74Int. + : « c’est parce que je n’ai pas fait pas assez d’efforts pour bien m’entendre avec eux »
75Int. – : « c’est parce que j’avais envie de les faire enrager »
76Ext. + : « c’est parce que, quand on joue longtemps, on finit toujours par se disputer »
77Ext. – : « c’est parce que ma mère ne les a pas punis quand ils ont pris mes affaires »
786. Lorsqu’ils sont félicités par leur maître (renforcement positif)
79Int. + : « c’est parce que j’ai fait de mon mieux pour préparer mon exposé »
80Int. – : « c’est parce que je sais faire croire au maître que je ne fais pas de bêtise »
81Ext. + : « c’est parce que dans l’année, tous les enfants sont félicités au moins une fois par le maître »
82Ext. – : « c’est parce que le maître savait que mes parents devaient venir le voir bientôt »
837. Lorsqu’ils écoutent attentivement la leçon (comportement positif)
84Int. + : « c’est parce que j’aime bien apprendre de nouvelles choses »
85Int. - : « c’est parce que j’avais peur que le maître me pose des questions sur la leçon »
86Ext. + : « c’est parce que le maître a bien expliqué la leçon »
87Ext. – : « c’est parce que le maître punit les élèves qui n’écoutent pas »
888. Lorsque leur copain les boude (renforcement négatif)
89Int. + : « c’est parce que j’ai dû un peu exagérer avec lui »
90Int. – : « c’est parce que j’aime bien quand c’est moi qui choisis le jeu »
91Ext. + : « c’est parce qu’entre copains, c’est normal de n’être pas d’accord de temps en temps »
92Ext. – : « c’est parce qu’il l’a bien cherché »
939. Lorsqu’ils offrent des bonbons à leurs copains (comportement positif)
94Int. + : « c’est parce que j’avais envie de leur faire plaisir »
95Int. – : « c’est parce que je n’aimais pas ces bonbons »
96Ext. + : « c’est parce que la dernière fois qu’un copain avait des bonbons, il m’en a donné »
97Ext. – : « c’est parce que mes bonbons n’étaient pas très bons »
9810. Lorsqu’ils sont punis pour n’avoir pas su réciter leur poésie (renforcement négatif)
99Int. + : « c’est parce que je suis timide quand il faut parler devant les autres »
100Int. – : « c’est parce que je trouvai fatiguant de l’apprendre »
101Ext. + : « c’est parce que la poésie était très bizarre »
102Ext. – : « c’est parce que ce jour-là, le maître était de mauvaise humeur »
10311. Lorsqu’ils discutent avec leur voisin pendant la leçon (comportement négatif)
104Int. + : « c’est parce que je n’ai pas fait assez d’efforts pour m’intéresser à la leçon »
105Int. – : « c’est parce que je voulais m’amuser avec lui »
106Ext. + : « c’est parce qu’il voulait m’aider à comprendre la leçon »
107Ext. – : « c’est parce que le maître n’arrive pas à nous intéresser »
10812. Lorsqu’ils gagnent à un jeu de cartes (renforcement positif)
109Int. + : « c’est parce que j’essaie de bien réfléchir quand je joue aux cartes »
110Int. – : « c’est parce que je triche sans que les autres me voient »
111Ext. + : « c’est parce que notre jeu de carte est intéressant »
112Ext. – : « c’est parce que les autres ont mal joué »
11313. Lorsqu’ils cassent un jouet (comportement négatif)
114Int. + : « c’est parce que je n’ai pas assez réfléchi avant de m’en servir »
115Int. – : « c’est parce que je n’aimais pas ce jouet »
116Ext. + : « c’est parce qu’on avait beaucoup joué avec, il était usé »
117Ext. – : « c’est parce que la notice de ce jouet était mal faite »
11814. Lorsqu’ils réussissent leur exercice de calcul (renforcement positif)
119Int. + : « c’est parce que je me suis donné à fond pour faire l’exercice »
120Int. – : « c’est parce que je voulais montrer aux autres que je suis bon »
121Ext. + : « c’est parce que le maître avait bien expliqué la leçon de calcul »
122Ext. – : « c’est parce que je suis tombé sur la bonne solution par hasard »
12315. Lorsqu’ils tiennent bien leur cahier de classe (comportement positif)
124Int. + : « c’est parce que j’aime bien quand mon cahier est bien tenu »
125Int. – : « c’est parce que je voulais que mes parents m’offrent quelque chose »
126Ext. + : « c’est parce que cela fait partie du travail de l’élève de bien tenir son cahier »
127Ext. – : « c’est parce que le maître punit les élèves qui ne tiennent pas leur cahier correctement »
12816. Lorsqu’ils ne retrouvent pas leurs affaires chez eux (renforcement négatif)
129Int. + : « c’est parce que je n’ai pas fait assez d’efforts pour les trouver »
130Int. – : « c’est parce que je n’aime pas chercher les affaires »
131Ext. + : « c’est parce que c’est difficile de toujours remettre les affaires à leur place »
132Ext. – : « c’est parce que mes parents ne m’aident pas à chercher »
Bibliographie
Références
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Mots-clés éditeurs : norme d'internalité, désirabilité sociale, locus de contrôle interne et externe, validité de construit
Mise en ligne 01/01/2011
Notes
-
[*]
Laboratoire Interuniversitaire de Psychologie, Université Pierre Mendes-France, BSHM, BP 49, 38040 Grenoble Cedex 9, France. E-mail : florian.delmas@upmf-grenoble.fr.
-
[1]
Ce qui vaut pour les variables de construction des explications autres que l’orientation vaut aussi pour les inférences causales qu’elles déterminent, c’est-à-dire pour les différents types d’explications internes (p. ex., l’effort, l’intention) et externes (p. ex., la chance, les circonstances, la volonté d’autrui). Si le traitement méthodologique de l’hypothèse d’une confusion entre valeur et orientation implique de regrouper correctement les explications internes et les explications externes, il ne nécessite pas en revanche d’aller au-delà en faisant une distinction et/ou des comparaisons au sein des explications internes et au sein des explications externes. Par exemple, il n’est pas impossible que pour expliquer un bon résultat universitaire, l’explication interne en termes de but de maîtrise (« je tiens à bien comprendre les contenus enseignés ») soit plus valorisée par l’enseignant que le recours à l’intention de faire une bonne performance (« je voulais avoir une meilleure note que les autres »), autre explication interne, mais cette prédiction n’est pas l’objet de la présente recherche (pour une recherche qui la teste, cf. Darnon et al., 2009).
-
[2]
En conséquence, on ne peut considérer a priori le questionnaire mis au point pour les besoins de cette expérience comme une échelle d’internalité, c’est-à-dire comme un questionnaire qui produirait un score d’internalité dont l’interprétation échapperait à la critique méthodologique que nous formulons (i.e., un score quantifiant de manière valide la préférence pour l’internalité). Pour le dire autrement, l’emploi de ce questionnaire ne permet pas a priori de tester l’hypothèse de l’existence d’une norme d’internalité en calculant des scores d’internalité (cf. Discussion générale, “Propositions méthodologiques pour tester l’hypothèse d’une norme d’internalité”).
-
[3]
Le Pré-test 3 a été effectué après la collecte des données de l’Expérience 3, à la demande d’un des experts.
-
[4]
Au lieu de parler d’exemption, il serait plus exact de dire que l’on a défini des critères de validité ad hoc : selon Jouffre (2003, p. 74), reprenant la position de Dubois (1994, pp. 51-52), la validité de la mesure d’internalité serait établie dès lors qu’un questionnaire met à jour des résultats conformes à la prédiction basée sur l’hypothèse d’une norme d’internalité pour les « paradigmes » d’autoprésentation, d’identification et des juges. Le test positif d’une hypothèse garantissant en quelque sorte la validité des mesures faites, il nous semble que cette conception de la validité d’une mesure présente manifestement un risque de circularité.