Notes
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[*]
Université de Paris-X, 15 avenue Victor Hugo, 95400 Villiers-le-Bel.
E-mail : jean-pierre.deconchy1@libertysurf.fr -
[**]
Institut des Sciences Sociales et Pédagogiques, Université de Lausanne.
E-mail : jean-claude.deschanmps@unil.ch -
[1]
Le matériel a été construit et la passation réalisée par Naïma Mansouri.
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[2]
Pour une présentation de l’AFC on pourra se référer à Cibois (1983 ; 1984). On trouve aussi de bons exemples d’utilisation des AFC dans Doise, Clémence et Lorenzi-Cioldi (1992).
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[3]
Pour plus de détails sur ce type d’analyse, voir Deschamps (2003), Deschamps et Guimelli (2004), Deschamps, Paez et Pennebaker (2001).
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[4]
En colonnes, sans les modalités contrôle (A1)/non-contrôle (A2) et rhétorique factuelle (B1)/fantastique (B2) qui ne figurent dans ce tableau qu’à titre indicatif.
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[5]
Nous avons utilisé la chaîne de programmes TRI-DEUX pour le traitement des questions ouvertes ou de mots associés (version 2.2, 1995) créée par Philippe Cibois.
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[6]
Pour rendre les choses plus claires, on consultera le tableau 2 où l’on trouve la fréquence des diverses explications pour chaque modalité de variable. On constate, par exemple, que l’explication DIR (qui renvoie au Départ de Louise pour des causes internes rationnelles), a une fréquence d’apparition de 131 et qu’elle est utilisée 36 fois au Rang 1 : c’est-à-dire en tout début de série. Si elle avait la même fréquence quel que soit son Rang d’apparition, elle n’aurait dû apparaître que 131/5 = 26 fois. Elle apparaît 43 fois dans la situation contrôle/rhétorique factuelle : si elle avait la même fréquence dans chacune des quatre situations, elle n’aurait dû apparaître que 33 fois.
1
On n’examinera pas, à nouveau, les attendus épistémologiques et la spécificité méthodologique de la recherche qui, en psychologie sociale, recourt à un outillage expérimental pour vérifier une hypothèse, elle-même portée par une réflexion théorique préalable. Une fois introduite cette réflexion et une fois formulée cette hypothèse – en fonction d’une ou plusieurs variables indépendantes supposées –, on met en forme un matériel expérimental qui devrait permettre d’établir leurs effets « nécessaires » sur une ou plusieurs variables dépendantes. Lorsque celles-ci ne relèvent pas exclusivement d’un clavier comportemental ou de simples opérations métriques, le chercheur propose aux sujets un questionnaire le plus souvent fermé qui est censé traduire en propositions relativement simples la complexité des attitudes que l’on estime pouvoir susciter en tant que variables dépendantes. On établit ainsi l’effet des variables indépendantes en travaillant sur un discours « forcé » que l’on a déclenché chez les sujets assujettis à ces variables : pour s’exprimer, ils n’ont à leur disposition que les questions construites par l’expérimentateur et par rapport auxquelles on leur demande de prendre position.
Si l’expérimentateur ne se posait pas lui-même la question, ses interlocuteurs – aux intentions diverses – ne sauraient manquer de la lui poser. Que se passerait-il si les sujets auprès desquels on recueille les données pouvaient s’exprimer « librement », même si l’on fait intervenir la même ou les mêmes variables indépendantes : données dont on procéderait à une « analyse de contenu », apparemment respectueuse de la créativité individuelle ou groupale ? On travaillerait alors sur ce que l’on peut considérer comme un discours « spontané ».
C’est la question que nous sommes posée, à partir des résultats obtenus dans une série de recherches expérimentales déjà publiées. Elles portent toutes sur la façon dont les sujets à qui l’on présente un événement « inexplicable » travaillent à l’expliquer tout de même, pourvu qu’on les y sollicite. Dans tous les cas, ils ont à prendre position par rapport à un questionnaire pré-établi par l’expérimentateur. Cette série de recherches est plus longuement présentée et discutée ailleurs (Deconchy, 2006).
Introduction
2 On résumera seulement ce corpus expérimental. Du point de vue de l’infrastructure théorique et documentaire, on renvoie aux publications qui constituent ce corpus.
Un espace théorique
3 On s’est d’emblée référé au modèle de la « résignation acquise » (learned helplessness) introduit par Seligman (1975) et ses collègues. Un sujet qui ne peut pas contrôler la situation où il se trouve (« quand les résultats [de son activité] apparaissent indépendants de toutes ses réponses volontaires » : Seligman, 1975, p. 17) fait preuve, par la suite, d’un déficit affectif (stress et émotivité accrus), motivationnel (plus grande difficulté à produire des réponses volontaires) et cognitif (plus grandes difficultés d’apprentissage et de résolution de problèmes). On a adopté l’interprétation théorique que Sedek et Kofta donnent de ce modèle (Sedek & Kofta, 1990 ; Sedek, Kofta & Tyszka, 1993 ; Kofta & Sedek, 1999) : les ressources cognitives d’un sujet mis dans une telle situation d’incontrôlabilité diminuent et c’est cette diminution qui expliquerait le triple déficit habituellement observé.
4 Dans une ligne de travaux qui portent sur la genèse, la gestion et l’extinction des « croyances », on a présenté aux sujets un événement dont il est « impossible » qu’il se soit produit de la façon dont on le raconte. On les a incités à en « expliquer tout de même » les causes, après qu’on les ait mis soit en situation de contrôle cognitif soit en situation de non-contrôle cognitif. On a d’abord fait l’hypothèse que c’est dans ce second cas que les sujets recourront le plus à des « croyances » pour expliquer tout de même cet événement. Si tel est le cas et dans la mesure où, selon la théorie de Sedek et Kofta, ils auraient moins de ressources cognitives à leur disposition, on peut penser que ce recours demande moins de ressources cognitives que le recours à un autre type d’explication.
Un paradigme
5 Le corpus expérimental auquel on se réfère renvoie presque toujours au même paradigme. Pour mettre les sujets soit en situation de contrôle cognitif soit en situation de non-contrôle cognitif, on a utilisé la tâche de logique perceptive que Ric (1996) a adaptée de Sedek et Kofta. Elle consiste à présenter aux sujets des planches qui comportent chacune huit figures et à leur montrer que chacune de ces figures est composée de cinq éléments, dont chacun peut apparaître sous deux formes : un triangle ou un cercle, de petite ou de grande taille, sur fond blanc ou sur fond hachuré, contenant un R majuscule ou un r minuscule, sous-ligné ou sur-ligné d’un trait horizontal. À propos de l’un de ces éléments (qu’il leur faudra découvrir), présenté sous l’une ou sous l’autre des deux formes possibles, on indique aux sujets dans lesquelles des huit figures il est présent et dans lesquelles il est absent. Après un essai commun sur la première planche de la série – facilement soluble – et le traitement individuel également facile d’une deuxième planche, certains sujets en reçoivent une série de huit toutes solubles et certains autres une série de huit toutes insolubles. On considère que les premiers ont été mis en situation de contrôle cognitif et que les seconds ont été mis en situation de non-contrôle cognitif.
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On expose ensuite tous les sujets à un « témoignage » qui rend compte d’événements dont il est impossible qu’ils se soient passés comme on dit qu’ils se sont passés. Sauf dans la première recherche qui établit l’effet majeur dont on vient de parler (Deconchy & Hurteau, 1998), il s’agit toujours de l’« histoire de Louise » racontée par sa sœur. Partie depuis vingt ans de la maison familiale et n’ayant jamais donné de ses nouvelles, Louise y revient de façon inattendue et sans autre explication : d’évidence, elle n’a pas vieilli, ni physiquement, ni psychologiquement, ni comportementalement. Le témoignage auquel les sujets sont exposés raconte « les faits tels qu’ils se sont passés » (rhétorique « factuelle » : les événements sont présentés de façon simplement « objective ») ou assortis d’un certain nombre d’opérateurs symboliques, allégoriques et fantasmagoriques (rhétorique « fantastique »). Cette distinction entre rhétorique « factuelle » ou rhétorique « fantastique » renvoie à Todorov (1970) : nous l’avons examinée ailleurs de plus près (Deconchy, 2006). On trouvera le texte de ce double « témoignage » en Annexe 1.
On propose alors aux sujets un certain nombre d’« explications » hypothétiques de ce non-vieillissement de Louise et on leur fait évaluer la pertinence de chacune d’elles sur des Échelles – 3/+3 (sans case zéro) : il va sans dire qu’elles sont toutes inadéquates puisque, tel qu’il est présenté, l’événement est inexplicable. Ces explications hypothétiques sont toujours introduites sous la forme d’un questionnaire fermé. Après tâtonnements, elles ont été regroupées – dans les derniers travaux – en quatre types : selon qu’elles renvoient à la biologie de Louise (par exemple : à cause d’une mutation génétique…), selon qu’elles renvoient directement à ses dispositions ou à ses comportements (par exemple : à cause du dynamisme de Louise…), selon qu’elles renvoient indirectement à ses dispositions ou à ses comportements (par exemple : à cause des bonnes fréquentations de Louise…), selon qu’elles renvoient à des croyances. Ces croyances, nous les avons dites sauvages, en ce sens que nous ne les avons pas extraites de corpus de croyances encore dominants, socialement régulés par des Églises, des Partis, des Écoles ou des institutions. La notion de « croyance » n’est donc pas seulement définie en termes d’« irrationalité » : elle l’est aussi par rapport à une plus ou moins grande proximité aux discours culturels – diversement institutionnalisés – qui véhiculent des propositions irrationnelles. Formellement, il s’agirait plutôt de croyances « mythématiques », au sens que Levi-Strauss (1958) donne à la notion de « mythème », en tant que segment élémentaire d’espaces mythologiques culturellement disponibles mais que leur complexité rend non-traitables en eux-mêmes.
On renverra aux travaux cités pour connaître la composition des divers questionnaires fermés qui ont été utilisés. À titre d’exemples, on reproduit tout de même, ici, quelques-uns des items que nous avons considérés comme correspondant à des « croyances sauvages » : les événements rapportés seraient explicables « par la pratique de la magie noire aux éclipses », « par le sortilège des êtres de bonté », « par le pouvoir des incantations sur les phénomènes naturels », « par la régénération sous l’influence de forces occultes », « par le pouvoir des incantations », « par le pouvoir des symboles liés aux nombres », « par les pratiques ancestrales de sorcellerie aux solstices »…
Les étapes expérimentales
7 On a d’abord vérifié qu’une mise préalable en situation de non-contrôle cognitif (versus contrôle cognitif) (tâche de Ric présentée ci-dessus) favorise l’appel à des « croyances sauvages » lorsqu’il s’agit d’expliquer l’« inexplicable » (Deconchy & Hurteau, 1998) et on a vérifié que cet effet n’est observé pour aucun autre type d’explication ; que, à elle seule, l’exposition à une « rhétorique fantastique » (versus factuelle) a un effet comparable (Deconchy, Quelen & Ragot, 1998) et que cette exposition à une rhétorique fantastique suscite, par elle-même, une diminution des ressources cognitives du sujet (Deconchy & Ragot, 1999). Par la suite et en recourant au modèle Systématique/Heuristique du traitement de l’information proposé par Chaiken (1987 ; Chaiken, Wood & Eagly, 1996), on a travaillé à établir les modalités de traitement du témoignage qui porte sur l’événement inexplicable et à mettre en vis-à-vis ces modalités de traitement et le recours à des croyances sauvages (Deconchy, Jorf & Oung, 2000 ; Deconchy, Del Pizzo & Oung, 2004). On a ainsi introduit un modèle, que l’on présente ici brièvement, dans son état actuel.
Un modèle, en l’état
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Deux variables interviennent donc : une mise préalable en situation de contrôle ou de non-contrôle cognitif, l’exposition à une rhétorique factuelle (où le contrôle discursif est aussi strict que possible : « les faits et rien que les faits ») ou à une rhétorique fantastique (où des opérateurs verbaux symboliques, allégoriques et fantasmagoriques renvoient à une effervescence cognitive discursivement moins contrôlée). Les sujets sont exposés à un message qui porte sur l’occurrence d’un événement inexplicable (l’histoire de Louise, racontée par sa sœur), qu’ils doivent néanmoins travailler à expliquer. À propos des modalités de traitement de ce message, on a introduit une hypothèse complexe. Elle est au centre de cette nouvelle recherche.
D’une certaine façon, un « inexplicable » ne peut être « expliqué » que par un autre « inexplicable », puisqu’il ne relève pas de ce qu’il est convenu d’appeler la rationalité. Sous un premier aspect des choses, pour traiter « sérieusement » (de façon systématique) le message qui vise à le persuader que l’inexplicable est arrivé, le sujet doit donc être plutôt exposé à une information discursivement effervescente et donc davantage susceptible d’activer les affects : ici, une information dont la rhétorique est « fantastique ». Mais, sous un second aspect des choses, si elle intervenait dans un champ cognitivement non-contrôlé, l’effervescence discursive et les affects qu’elle active s’épuiseraient dans un fusionnel incernable qui rendrait impossible le traitement « sérieux » (systématique) du message. On a ainsi fait l’hypothèse que le témoignage serait traité de façon plus systématique (tâche de Greenwald [1968], sous la forme remaniée qu’en proposent Brock et Shavitt [1983]) par les sujets mis au préalable en situation de contrôle cognitif et exposés ensuite à une rhétorique fantastique. En parallèle, on a pensé qu’on trouverait également davantage de traces d’un traitement systématique du message chez les sujets exposés à une rhétorique factuelle (sans effervescence discursive susceptible d’activer les affects) après avoir été mis au préalable en situation de non-contrôle cognitif (dans un champ susceptible d’effervescence cognitive).
On a effectivement pu obtenir et observer cette interaction (Deconchy, Jorf & Oung, 2000). Ultérieurement, on a établi que c’est dans les mêmes situations que les sujets recourent le plus à des croyances sauvages pour expliquer tout de même ce qui est arrivé d’inexplicable à Louise (Deconchy, Del Pizzo & Oung, 2004). Ce double effet est pourtant plus net chez les sujets mis au préalable en situation de contrôle cognitif et exposés ensuite à une rhétorique fantastique. Un tel recours aux « croyances sauvages » ne correspond donc pas à une sorte de torpeur cognitive, mais il témoigne d’un véritable travail cognitif.
On est donc passé de l’hypothèse d’un effet simple (une mise préalable en situation de non-contrôle cognitif favorise l’appel à des croyances sauvages : Deconchy et Hurteau, 1998) à l’hypothèse d’une interaction entre les deux jeux de variables. Il faut préciser que nous n’avons observé cette interaction que chez les sujets de sexe masculin. Dans l’état actuel des choses, nous ne pouvons pas rendre compte de cet effet de genre.
Tel est donc, en l’état (c’est-à-dire susceptible de modifications ultérieures), le modèle que nous avons été amenés à introduire pour rendre compte des processus qui interviennent quand des sujets travaillent à expliquer « tout de même » un événement inexplicable : sous l’effet de deux jeux de variables (mise préalable en situation de contrôle cognitif ou de non-contrôle cognitif et exposition à une rhétorique factuelle ou fantastique). Jusqu’ici, les données que nous avons traitées ont été produites dans une situation expérimentale classique, sur la base de réponses apportées à des questionnaires fermés et donc d’un discours forcé. Nous nous demanderons si l’on en retrouve des traces par l’analyse de contenu d’un discours spontané, émis dans une situation où interviennent les deux mêmes variables, sans qu’aucun questionnaire fermé ne soit imposé aux sujets. On a évidemment amené les sujets à produire ce discours dans des conditions standardisées.
Méthode
Plan expérimental
Les variables indépendantes
9 Une première variable indépendante (A) renvoie à la mise préalable des sujets en situation de contrôle (A1) ou de non-contrôle (A2) cognitif.
10 Une deuxième variable indépendante (B) renvoie à la rhétorique factuelle (B1) ou fantastique (B2) adoptée par le témoignage qui relate des événements inexplicables.
La variable dépendante
11 Après avoir exposé les sujets au témoignage qui porte sur des données inexplicables, dans l’une ou l’autre des quatre situations (A1B1, A1B2, A2B1, A2B2), on leur demande d’expliquer « tout de même » le témoignage de la sœur de Louise, dans des conditions et sous une forme dont on verra comment on les a standardisées.
La séquence expérimentale
Dans un premier temps
12 On fait réaliser par les sujets la tâche de Ric (1996) adaptée de Sedek et Kofta : elle travaille à mettre les sujets soit en situation de contrôle cognitif (A1), soit en situation de non-contrôle cognitif (A2).
Dans un deuxième temps
13 On leur présente l’« histoire de Louise » racontée par sa sœur, soit sous « rhétorique factuelle » (B1), soit sous « rhétorique fantastique » (B2).
Dans un troisième temps
14 On demande aux sujets d’« expliquer » les événements rapportés par le témoignage. Ils reçoivent une feuille de couleur sur laquelle est tracé un encadré dont l’expérimentateur lit tout haut le contenu :
15 « Vous venez de lire l’histoire de Louise, racontée par sa sœur. On peut penser à expliquer de diverses façons ce qui s’est passé avec Louise. Et certainement que vous avez déjà quelques idées dans votre tête. On va vous demander d’écrire toutes les explications possibles qui vous viennent à l’esprit. Il pourrait y en avoir beaucoup ».
16 Ce document précise ensuite :
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« Ci-dessous, on vous a préparé un emplacement où vous pourrez mettre, dans l’ordre, ce qui vous vient à l’esprit comme explications. Écrivez-les donc sur les lignes en pointillés. Toutes ces explications commencent par « C’est parce que… » ». Dans un cadre, cinq emplacements sont préparés, numérotés de 1 à 5 : « Première explication qui me vient à la tête (à la ligne) : c’est parce que… » (suivent deux lignes de pointillés), etc.
C’est après divers tâtonnements que l’on a défini le champ d’écriture pour cinq « explications » et prévu deux lignes pour la formulation de chacune d’elles.
Hypothèse provisoire
18 On fait l’hypothèse que, dans ce discours « spontané » et en ce qui concerne les explications portant sur ce qui est arrivé d’inexplicable à Louise, on retrouvera, au niveau des « croyances sauvages », des traces de ce que l’on a trouvé en utilisant des questionnaires fermés. On devrait observer un plus grand appel aux « croyances sauvages » dans les situations où, après avoir été mis en situation de contrôle cognitif, les sujets sont exposés à une rhétorique fantastique (A1B2) et, s’il se peut, dans les situations où, après avoir été mis en situation de non-contrôle cognitif, les sujets sont exposés à une rhétorique factuelle (A2B1). On renvoie à l’argumentation qui avait permis de formuler cette hypothèse, dans le cadre de l’utilisation d’un questionnaire fermé.
Population et passation
19 On a travaillé avec 135 sujets, âgés de 15 à 25 ans, tous élèves de Première, de Terminale ou de BTS dans un Lycée technologique en banlieue parisienne [1]. La spécificité de l’enseignement qui y est dispensé explique que la population y soit essentiellement masculine (124 hommes et 11 femmes). Dans l’analyse des données, on n’a pas tenu compte du sexe des sujets.
20 La répartition des sujets a été à peu près égale dans chacune des quatre cases du plan expérimental : A1B1 = 33 (29 hommes et 4 femmes) ; A1B2 = 33 (29 hommes et 4 femmes) ; A2B1 = 34 (33 hommes et 1 femme) ; A2B2 = 35 (33 hommes et 2 femmes). Dans chacun des groupes où l’expérimentatrice et son adjointe ont travaillé, on a veillé à ce que les 2x2 modalités des deux variables (A et B) soient présentes à peu près dans les mêmes proportions.
La grille d’analyse
21 Il s’agissait de construire une grille d’analyse pour les 135 séries de cinq « explications » proposées librement par les sujets. On précisera ici les idées directrices qui ont prévalu dans cette construction ; on procédera à quelques constatations préalables ; on rendra compte de la grille qui a été finalement utilisée ; on décrira quelle en a été l’utilisation.
Quelques idées directrices
22 1.- Les explications proposées par les sujets sont très diverses. Il s’agissait de construire une grille capable de traduire cette diversité, autant que faire se pouvait : avec, toutefois, un nombre limité d’entrées pour que les données soient traitables. C’est au second essai de traitement de la totalité des données que nous nous en sommes tenus à une grille de 17 entrées.
23 2.- Telles que nous les avons abordées, les données brutes forcent à un certain nombre de regroupements. Toutefois, le propos de cette étude impose quelques contraintes. Jusqu’ici, les travaux expérimentaux qui prenaient en compte les mêmes variables (A et B) que celui-ci s’étaient référés à des distinctions formelles et à une nomenclature dont la portée opératoire s’était révélée à peu près bonne : explications renvoyant de près ou de loin à des caractéristiques biologiques de Louise ; explications renvoyant directement à des dispositions ou à des comportements de Louise ; explications renvoyant indirectement à des dispositions ou à des comportements de Louise ; explications renvoyant à des « croyances sauvages ». Nous avons construit une grille telle que, d’une part, les résultats que l’on en obtiendrait pourraient être comparés avec ceux que l’on avait obtenus avec des questionnaires fermés ; telle que, d’autre part, les processus établis en utilisant des questionnaires fermés pourraient rendre compte de la production « spontanée » des sujets. On n’a donc pas procédé à une analyse de contenu « à fleur de données » et à objectif seulement classificatoire, mais à une analyse de contenu déjà structurée en fonction de la théorisation partielle qui avait suscité les études antérieures.
Quelques constatations préalables
24 1.- Dans les travaux qui utilisaient des questionnaires fermés – le plus souvent de seize questions regroupées en quatre types –, la consigne orientait les sujets vers l’« explication » du fait que, à son retour, Louise n’avait pas vieilli. On a vu que, à propos de leur production « spontanée », nous avions volontairement orienté les sujets vers un objet d’explication plus global (« ce qui s’est passé avec Louise… »). C’est ainsi qu’un bon nombre de leurs explications « spontanées » portent sur le départ de Louise. Il fallait donc réserver un certain nombre d’entrées pour ce lieu particulier d’explication. On a cru bon de réserver un autre segment de la grille aux causes attribuées au retour de Louise considéré dans sa matérialité : beaucoup plus par désir de symétrie formelle qu’en fonction du nombre effectif des « explications » qui renvoient à ce poste. Enfin, on a réservé un segment de la grille aux explications portant sur l’aspect mystérieux de Louise à son retour (son non-vieillissement). Les quatre entrées qui renvoient à ce segment adoptent la typologie utilisée jusqu’ici : explications renvoyant de près ou de loin à des caractéristiques biologiques de Louise ; renvoyant directement à des dispositions ou à des comportements de Louise ; renvoyant indirectement à des dispositions ou à des comportements de Louise ; renvoyant à des « croyances sauvages ».
25 2.- Dans les travaux qui utilisaient des questionnaires fermés, aucune possibilité n’était offerte aux sujets de nier l’occurrence des faits et de discréditer le témoignage de la sœur de Louise. Une entrée a été réservée à cette dénégation et à ce discrédit.
26 3.- Une entrée a été réservée aux lignes d’explications laissées vides.
27 4.- Une entrée a été également réservée aux quelques explications qui recourent, dans un même énoncé, à plusieurs des explications que l’on a évoquées précédemment.
La grille
28 On en trouvera la nomenclature en Annexe 2.
Trois entrées particulières
29 On a codé et siglé « R » les cases laissées vides par les sujets.
30 On a codé et siglé « M » les quelques réponses considérées comme « mixtes », en ce sens que, dans un même énoncé, elles recourent à plusieurs des explications que l’on évoquera par la suite.
31 On a codé et siglé « NE » les réponses qui nient la véracité des données qui sont communiquées. La plupart de ces réponses de dénégation portent sur le témoignage de la sœur de Louise ; les autres portent sur la réalité de l’occurrence elle-même. Il était souvent impossible de les distinguer entre elles. Jamais les sujets n’écrivent que l’expérimentatrice a menti ou qu’elle les a trompés.
Les explications du départ de Louise
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Une entrée a été réservée pour l’attribution du départ de Louise à des causes biologiques (« elle était anémiée »…) (« DB »).
Deux entrées, que l’on a dites « internes », sont réservées à l’évocation directe de dispositions ou de comportements de Louise (on les a dites « rationnelles ») (dispositions soit constitutives : « elle est fragile… » ; soit circonstancielles : « elle en a eu marre…) (« DIR ») ou à l’évocation indirecte de dispositions ou de comportements de Louise (on les a dites « irrationnelles ») (dispositions soit constitutives : « elle est possédée… » ; soit circonstancielles : « elle a eu une vision… ») (« DII »).
Deux entrées, que l’on a dites « externes », sont réservées à l’évocation d’événements qui ont pu provoquer le départ de Louise : soit « rationnels » (« des amis l’ont incitée à partir ») (« DER »), soit « irrationnels » (« une secte l’a envoûtée ») (« DEI »).
Les explications de la matérialité du retour de Louise
33 Il s’agit d’« explications » données au fait que Louise est rentrée : considéré en lui-même et sans référence à l’aspect mystérieux qu’elle a à son retour.
34 Une entrée a été réservée à l’attribution du retour de Louise à des causes biologiques (« elle est rentrée parce qu’elle était sous-alimentée ») (« RMB »).
35 Deux entrées, que l’on a dites « internes », sont réservées à l’évocation directe de dispositions ou de comportements de Louise (on les a dites « rationnelles ») (dispositions soit constitutives : « elle est rentrée parce qu’elle était fragile » » ; soit circonstancielles : « elle est rentrée parce qu’elle en a eu marre ») (« RMIR ») ou à l’évocation indirecte de dispositions ou de comportements de Louise (on les a dites « irrationnelles ») (dispositions soit constitutives : « elle est rentrée parce qu’elle était possédée » ; soit circonstancielles : « elle est rentrée parce qu’elle a eu une vision ») (« RMII »).
36 Deux entrées, que l’on a dites « externes », sont réservées à l’évocation d’événements qui ont pu provoquer le retour de Louise : soit « rationnels » (« des amis l’ont incitée à revenir ») (« RMER »), soit « irrationnels » (« une apparition lui a dit de revenir ») (« RMEII »).
Les explications de l’aspect mystérieux de Louise à son retour
37 Puisqu’il s’agissait de voir si, dans un discours spontané, on retrouve le même genre d’explications pour l’aspect mystérieux de Louise à son retour que celles que l’on obtient avec des questionnaires fermés, on a gardé la même typologie que dans les travaux précédents. On retrouve ainsi : les attributions biologiques (« elle a pris un traitement d’hormones ») (« RXB ») ; les attributions directes à des dispositions ou à des comportements de Louise (« elle a un tempérament juvénile ») (« RXID ») ; les attributions indirectes à des dispositions ou à des comportements de Louise (« elle a tendance à boire ») (« RXII ») ; les attributions à des croyances sauvages (« cela tient à la force des esprits ») (« RXI »).
38 Les travaux antérieurs n’avaient évoqué que l’appel à des « croyances » dont nous avons expliqué pourquoi nous les disions « sauvages ». Dans le discours « spontané » que nous avons recueilli, nous n’avons trouvé aucun exemple d’énoncé extrait de corpus de croyances encore dominants, socialement régulés par des Églises, des Partis, des Écoles ou des institutions.
39 En aveugles, deux juges ont transcrit les explications spontanément produites par les sujets en utilisant les entrées qui composent la grille d’analyse. Chaque explication a été traduite par une seule entrée.
Résultats
40 Dans les travaux expérimentaux antérieurs (discours forcé), les effets majeurs que l’on avait obtenus se situaient au niveau des « croyances sauvages » : celles-ci sont siglées « RXI » dans la grille d’analyse qui a été appliquée au discours spontané. Ces travaux avaient montré que c’est dans la situation où les sujets ont été mis au préalable en situation de contrôle cognitif puis exposés à une rhétorique fantastique que l’appel aux « croyances sauvages » pour expliquer ce qui était arrivé à Louise serait le plus fort (A1B2). On avait plus rarement observé que c’était aussi le cas des sujets mis au préalable en situation de non-contrôle cognitif puis exposés à une rhétorique factuelle (A2B1). Nous allons essayer de repérer ce « modèle » dans le discours spontané que nous avons fait produire par les sujets. Signalons immédiatement que, à fin d’économie, notre analyse portera sur les quatre situations (mise préalable en situation de contrôle cognitif puis rhétorique factuelle, mise préalable en situation de contrôle cognitif puis rhétorique fantastique, mise préalable en situation de non-contrôle cognitif puis rhétorique factuelle, mise préalable en situation de non-contrôle cognitif puis rhétorique fantastique) et non sur les deux variables considérées à effet simple.
41 Les travaux expérimentaux antérieurs étaient muets sur un certain nombre de points. D’une part, ils n’offraient pas aux sujets l’occasion d’« expliquer » le départ de Louise : la production d’un discours spontané leur donne cette occasion. Dans l’analyse que l’on en fera, il s’agira, de voir si l’explication de ce départ – sous ses divers aspects – est sensible aux variables indépendantes qui ont été conservées (mise préalable en situation de contrôle/non-contrôle et rhétorique factuelle/fantastique), et comment cette explication du départ s’articule avec l’explication du retour, notamment sous ses aspects mystérieux.
42 D’autre part, puisque les sujets produisent chacun une série de cinq réponses, il sera peut-être possible de voir si l’interaction entre ces deux variables et si ce jeu éventuel entre l’explication du départ et celle du retour de Louise apparaissent dès le début de la série d’explications ou s’ils prennent forme peu à peu, au fil de la progression de la série.
Corpus
43 Nous avons expliqué comment nous avons composé puis utilisé une grille d’analyse comportant 17 entrées. Nous avons ainsi ventilé les productions verbales des 135 sujets (discours spontané) selon ces dix-sept entrées. Chaque sujet ayant produit cinq « explications, il s’agit donc de traiter un corpus de 135 x 5 = 675 explications.
44 On trouvera au tableau 1 la fréquence de chaque type d’explication et le pourcentage qu’il représente dans le corpus total dans quel que type de situation où ces explications ont été produites et à quelque rang que ce soit. On constate que seulement cinq explications ont un pourcentage d’apparition supérieur à 4 % (DEI : causes externes irrationnelles pour le départ de Louise ; RXI : appel à des « croyances sauvages » pour expliquer l’aspect mystérieux de Louise à son retour ; NE : dénégation du témoignage ; DIR : causes internes rationnelles pour le départ de Louise ; RXB : appel à des données biologiques pour expliquer l’aspect mystérieux de Louise à son retour) et que six explications ont un pourcentage compris entre 1 % et 4 % (RMIR, M, R, RXID, RXII et DER). Le tableau 1 range les entrées selon le nombre croissant des fréquences
Analyse factorielle de correspondance
Remarques générales
45 Nous avons procédé à une analyse factorielle de correspondance (AFC) [2] sur l’ensemble des 675 explications produites par les sujets. Ce type d’analyse consiste à transformer un tableau de contingence en espace factoriel. En colonnes et dans notre cas, le tableau de contingence comporte le Rang occupé par chaque explication dans la série de cinq explications produites par chaque sujet ainsi que la situation expérimentale dans laquelle le sujet se trouvait placé (mise préalable en situation de contrôle cognitif puis rhétorique factuelle ; mise préalable en situation de contrôle cognitif puis rhétorique fantastique ; mise préalable en situation de non-contrôle cognitif puis rhétorique factuelle ; mise préalable en situation de non-contrôle cognitif puis rhétorique fantastique). Le tableau de contingence comporte donc 9 colonnes : 5 rangs et 4 situations. En lignes, il comporte les 17 types d’explications en fonction desquelles on a ventilé la production « spontanée » des sujets.
Fréquences et pourcentages d’apparition des différents types d’explications
Fréquences et pourcentages d’apparition des différents types d’explications
46 Dans une analyse de ce type [3], les facteurs sont extraits à partir de la plus petite dimension du tableau de contingence. Le nombre de facteurs sera égal à la plus petite dimension du Tableau 2 [4]. En effet, le premier facteur – ou la première dimension – renvoie à l’écart à l’indépendance dans notre tableau (ou l’inertie) : ce qui est justement l’information qu’on a à expliquer par les différents autres facteurs extraits. Si chaque facteur apportait au discours spontané tel qu’il est produit la même proportion d’explications, chacun des huit facteurs correspondant à ces neuf variables rendrait compte de 12.5 % de l’inertie totale. Les résultats montrent que le premier facteur extrait explique, à lui seul, 40.7 % de l’inertie et le second facteur, 25 % : à eux deux, ils expliquent donc presque les deux tiers de l’inertie totale). À partir du troisième facteur (11 % de l’inertie), la part d’explication apportée devient négligeable. L’analyse de la structure mise en évidence dépend donc essentiellement des deux premiers facteurs.
Fréquences des différents types d’explications par variable, par situation et par rang
Fréquences des différents types d’explications par variable, par situation et par rang
Résultats de l’AFC
47 Le premier facteur [5] oppose les explications apparaissant au rang 1 dans les séries de cinq explications produites par les sujets (premier rang qui contribue pour 42 % à ce premier facteur) ainsi que la situation contrôle/rhétorique factuelle (13 %), d’un côté, à la situation contrôle/rhétorique fantastique (15 %) ainsi que, un peu en retrait, le rang 4 (9 %) et le rang 5 (10 %), de l’autre côté. Le second facteur oppose le rang 5 (27 %) ainsi que la situation contrôle/rhétorique factuelle (24 %), d’un côté, au rang 2 (25 %) ainsi qu’à la situation contrôle/rhétorique fantastique (21 %), de l’autre côté. En ajoutant à la représentation graphique de ces deux premières dimensions les explications dont la contribution par facteur (ou contribution absolue) est supérieure à la moyenne de ces contributions par facteur, on peut avoir une idée assez claire de la structure des réponses des sujets (Figure 1).
Représentation des deux premiers facteurs de l’AFC (en gras : éléments du Facteur 1 ; en italique : éléments du Facteur 2)
Représentation des deux premiers facteurs de l’AFC (en gras : éléments du Facteur 1 ; en italique : éléments du Facteur 2)
48 Pour le premier facteur, on observe d’abord que les explications DIR, DEI et M sont proportionnellement plus associées à la modalité rang 1 ainsi qu’à la situation contrôle/ rhétorique factuelle [6]. À l’opposé, toujours pour ce premier facteur, l’explication RXI (« croyances sauvages ») est plus souvent associée à la situation contrôle/rhétorique fantastique ainsi qu’à la modalité rang 5. Cette dernière remarque interfère directement avec notre hypothèse de travail. Pour le second facteur, les explications DER et RMB sont plus souvent associées à la situation contrôle/rhétorique fantastique et à la modalité rang 2 et sont opposées aux explications R (réponses blanches), DII, RMIR et RXII, elles-mêmes plus souvent associées à la situation contrôle/rhétorique factuelle et à la modalité rang 5.
Commentaires
49 Un certain nombre d’enseignements se dégagent de cette analyse.
50 Les explications que nous avons dites « mixtes » (M) réfractent d’une certaine façon une hésitation du sujet : elles recourent dans une même propositions à des explications que la grille d’analyse force à dissocier. Elles apparaissent proportionnellement plus fréquemment au rang 1 de la série qu’aux autres rangs et elles le sont proportionnellement plus fréquemment dans la situation contrôle/rhétorique factuelle qu’elles ne le sont dans les autres situations. On peut faire la même observation à propos des deux explications les plus souvent produites à propos du départ de Louise : DIR (explications internes rationnelles du départ de Louise) et DEI (explications externes irrationnelles du départ de Louise).
51 Dans la situation contrôle/rhétorique fantastique, les sujets utilisent proportionnellement plus que dans les autres situations l’explication RXI (appel aux « croyances sauvages » pour expliquer l’aspect mystérieux de Louise à son retour). C’est également le cas pour les explications DER (explications externes rationnelles du départ de Louise) et MB (explications biologiques du retour matériel de Louise) qui sont aussi proportionnellement plus fréquentes au rang 2 que dans les autres rangs. On doit tout de même constater que leur faible représentation (fréquences respectivement de 24 et 2) diminue la portée de ce résultat. On notera que l’explication RXI (« croyances sauvages ») apparaît plus fréquemment au rang 5 qu’elle ne l’a fait aux Rangs précédents : c’est donc au fil de la progression de la série de leurs explications que les sujets en appellent peu à peu à ces croyances.
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Dans la situation contrôle/rhétorique factuelle et en rang 5, les explications RXII (explications internes irrationnelles de l’aspect mystérieux de Louise à son retour), R (absence de réponses), RMIR (explications internes rationnelles à la matérialité du retour de Louise) et DII (explications internes irrationnelles pour le départ de Louise) sont proportionnellement plus fréquentes qu’elles ne le sont dans les autres situations ou aux autres rangs. Ici encore, leur faible représentation (fréquences respectivement de 23, 18, 10 et 5) n’apporte que peu d’information.
On remarquera que, pour deux explications dont les fréquences d’apparition sont très élevées (NE : dénégation du témoignage ; RXB : explications biologiques de l’aspect mystérieux de Louise à son retour), le recours que l’on y fait est constant : quelles que soient les situations ou quel que soit le rang que ces explications occupent dans la série. Au paragraphe qui suit, on essaiera d’analyser de plus près la progression de la série explicative fournie par les sujets.
Évolution des divers types d’explications en fonction du Rang
53 On trouvera au tableau 3 le support de cette analyse : on pourra ainsi comparer la fréquence à un rang particulier aux fréquences à chacun des autres rangs. Une partie de ces comparaisons n’est pas pertinente, compte tenu de la faible fréquence avec laquelle certains types d’explications ont été produites. Cette analyse confirme les résultats de l’AFC.
Les explications « indifférentes » au Rang d’apparition dans la série
54 Les réponses de dénégation du témoignage ou des faits qu’il rapporte (NE) n’évoluent pas en fonction du rang (fréquences successives : 20, 26, 24, 24, 27) : la perception de l’artificialité du témoignage peut arriver à chaque étape de la série explicative. C’est aussi le cas des explications RXB, RXID et RXII (aspect mystérieux de Louise à son retour référé à des données biologiques, à des causes internes directes, à des causes internes indirectes) : seule l’explication RXI « croyances sauvages » échappe à cette stabilité.
Évolution des fréquences de rang en rang (?2 < .05 (ddl=1))
Évolution des fréquences de rang en rang (?2 < .05 (ddl=1))
Les explications liées au rang d’apparition dans la série
55 Il est compréhensible que la fréquence des réponses R (absence de réponse) augmente au fur et à mesure que l’on avance dans la série. Ce qui a une toute autre portée, c’est que la fréquence de RXI (« croyances sauvages ») augmente au fil de la progression de la série, alors que c’est l’inverse qui se passe pour les explications qui évoquent le départ de Louise (ADIR, ADER, et ADEI). Globalement, on constate que le cumul des explications qui portent sur le départ de Louise diminuent de façon significative avec l’augmentation de leur rang dans la série et que c’est l’inverse pour le cumul des explications qui portent sur l’aspect mystérieux de Louise à son retour. Le fait que les autres explications de l’aspect mystérieux de Louise à son retour restent stables est éclairant.
56 On pourrait d’abord interpréter ces évolutions de la fréquence en constatant que, au fil de la progression de la série, les sujets analysent de moins en moins le départ de Louise et analysent de plus en plus son retour. Auquel cas, on se trouverait devant une sorte de traitement progressif de la séquence d’événements rapportés par le message, du début de la narration jusqu’à la fin (le départ de Louise, son silence, son retour) : ce qui ne relèverait pas de l’hypothèse qui nous occupe. En fait, l’intérêt déclinant porté au départ de Louise n’est pas compensé par un intérêt accru pour toutes les suggestions d’explications que l’on fait pour son retour : le déplacement vers cet intérêt intervient seulement quand les explications suggérées renvoient à des « croyances sauvages ». Il va sans dire que cette constatation va dans le sens de l’hypothèse de travail qui est à la notre.
57 Pour terminer, on remarquera que, de la même façon, les explications dites « mixtes » (M), voient leur fréquence diminuer significativement lorsqu’on passe du rang 1 au rang 3, au rang 4 et au rang 5 : c’est aussi le cas en passant du rang 2 au rang 3. Tout se passe comme si les sujets tâtonnaient au départ, en recourant de façon indissociable et indécidable à d’autres explications que celles que nous avons insérées ultérieurement dans la grille d’analyse.
58 Le fait que, au fil de la série, l’intérêt des sujets porte de plus en plus sur l’aspect mystérieux de Louise à son retour mais spécifiquement à propos des « croyances sauvages » va, nous l’avons dit dans le sens de l’hypothèse de travail. Toutefois, ce qui fait l’essentiel de celle-ci n’apparaît pas encore.
Analyses des explications RXI et DIR
59 Les explications qu’il importe le plus d’examiner sont évidemment celles où les fréquences sont les plus élevées soit, dans l’ordre : DEI (causes externes irrationnelles au départ de Louise), RXI (appel à des croyances « sauvages » pour expliquer l’aspect mystérieux de Louise à son retour), NE (dénégation du témoignage), DIR (causes internes rationnelles au départ de Louise) et RXB (appel à des données biologiques pour expliquer l’aspect mystérieux de Louise à son retour).
60 Les explications NE (Fréquence = 121) et RXB (Fréquence = 162) apparaissent de façon identique, quelles que soient les situations ou quel que soit le rang. L’explication DEI, avec sa faible fréquence (49), est plus associée au rang 1 qu’aux autres rangs : elle l’est aussi à la situation contrôle/rhétorique fantastique.
61 Plus importantes sont les explications RXI (Fréquence = 90) et DIR (Fréquence = 131). Ces explications, on l’a vu, sont sensibles aux rangs et à la situation. On peut comparer les Fréquences pour les explications RXI et DIR en fonction du rang qu’elles occupent dans la série. Le ?2 (22.5, ddl= 4, p.,.001) montre que, si les fréquences des explications DIR diminuent au fur et à mesure de l’augmentation des rangs, c’est l’inverse qui se passe pour les explications de type RXI : ce double mouvement est donc significatif (voir aussi Figure 2).
62 La comparaison des explications RXI et DIR selon la situation dans laquelle les sujets étaient placés est, elle aussi, également très significative (?2 = 18.5, ddl= 3, p., .001). Une décomposition de cet effet montre que la fréquence des explications RXI est proportionnellement plus importante dans la situation contrôle/rhétorique fantastique que dans la situation contrôle/rhétorique factuelle alors que c’est l’inverse qui se passe pour les explications DIR (?2 (ddl= 1) = 18.3, p., .001). Dans les situations non-contrôle/rhétorique factuelle et non-contrôle/fantastique, aucun effet de ce type ne peut être mis en évidence (?2 (ddl= 1) = .07, ns).
Évolution en fonction des rangs des explications DIR (explications internes rationnelles du départ de Louise) et RXI (explications de l’aspect mystérieux de Louise à son retour)
Évolution en fonction des rangs des explications DIR (explications internes rationnelles du départ de Louise) et RXI (explications de l’aspect mystérieux de Louise à son retour)
Discussion
63 1.- Dans les travaux expérimentaux antérieurs (« discours forcé »), on avait montré que, ainsi qu’on en avait fait l’hypothèse, c’était en situation A1B2 (mise préalable en situation de contrôle cognitif et exposition à une rhétorique fantastique) que les sujets en appelaient le plus aux « croyances sauvages » pour expliquer ce qui était arrivé à Louise et que, de façon moins nette, c’était aussi le cas en situation A2B1 (mise préalable en situation de non-contrôle et exposition à une rhétorique factuelle). Dans l’analyse factorielle de correspondance portant sur un « discours spontané » et en ce qui concerne les explications RXI (« croyances sauvages » : elles-mêmes associées à des rangs éloignés dans la série), on retrouve cette opposition de la situation contrôle/rhétorique fantastique par rapport à la situation contrôle/rhétorique factuelle, mais on n’a pas de trace d’une éventuelle opposition entre la situation contrôle/rhétorique fantastique et la situation non-contrôle/rhétorique factuelle.
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En situation de « discours forcé », nous ne pouvions pas savoir comment les sujets lisaient le départ de Louise. L’analyse de correspondance montre que la situation contrôle/rhétorique fantastique s’oppose aux explications DIR (explications internes rationnelles du départ de Louise : elles-mêmes associées à la situation contrôle/rhétorique factuelle et aux premiers rangs dans la série). Au fil de cette série, on semble passer d’un type d’explication portant sur le départ de Louise associé à une conception « rationnelle » de l’exercice de son internalité à un type d’explication portant sur le retour de Louise associé à l’appel à des « croyances sauvages » d’une certaine façon « extérieures » à Louise (il ne s’agit pas d’explications RXID ou RXII) et « irrationnelles » (il ne s’agit pas d’explications RXB).
On l’a vu : les explications RXI sont associées à la situation contrôle/rhétorique fantastique. On ne s’étonnera pas que les autres explications « irrationnelles » (DII, DEI, RMEI, RMII) ne le soient pas. L’hypothèse qui a été formulée ne porte pas sur un recours généralisé à des réponses « irrationnelles » dans la situation A1B2 : elle porte seulement sur les explications données à l’aspect « inexplicable » qui est celui de Louise à son retour. Le départ de Louise et la matérialité de son retour ne sont pas, en soi, des événements inexplicables : on n’avait fait aucune hypothèse à leur propos.
2.- Au fil de la séquence de cinq réponses, on voit donc se dégager l’émergence de la situation contrôle/rhétorique fantastique associée aux réponses RXI (« croyances sauvages »). Telle qu’elle a été présentée dans le texte communiqué aux sujets, l’« histoire de Louise » suit l’ordre chronologique des événements. On ne peut pas décider si cette émergence progressive – au fil des rangs des réponses – tient à une lecture et à un traitement étape par étape du message ou si elle réfracte un traitement de plus en plus approfondi de la situation considérée d’un seul coup et dans son ensemble. Un travail actuellement en cours dissocie la chronologie textuelle de la chronologie événementielle.
3.- Notre propos était d’examiner si des hypothèses apparemment vérifiées par voie expérimentale (questionnaires fermés) sur la base d’un discours « forcé » se réfractent dans les caractéristiques (analyse de contenu) d’un discours « spontané », portant sur le même objet et référées aux mêmes variables indépendantes.
« Cette histoire… je ne la raconte pas souvent (: elle est tellement peu croyable). Elle concerne ma sœur aînée Louise. Louise a deux ans de plus que moi, elle est née un 25 décembre 1949 (: date prédestinée n’est-ce pas ?). Nous avons grandi ensemble dans la maison familiale (– vieille demeure isolée, couverte de lierre –) que les gens au village appelaient « le (vieux) château ». Nous nous entendions plutôt bien Louise et moi-même et pourtant, une nuit (– c’était la pleine lune cette nuit-là –), elle est partie sans crier gare, avec des amis de passage. Elle avait alors 25 ans.
Pendant 20 ans, je n’ai reçu aucune nouvelle d’elle. Je m’étais habituée peu à peu à son absence. J’avais pensé que, peut-être, nous nous retrouverions un jour. (Longtemps j’ai guetté, cherché des signes qui peut-être annonceraient son retour). Mais les années passant, j’avais fini par me faire une raison. (Vous savez, l’espoir fatigue quand l’espoir est vain.) J’ai continué ma vie…
Le 15 juin dernier, en pleine nuit elle est revenue : 20 ans après. Elle a sonné, j’ai ouvert la porte… elle était là, devant moi, elle me regardait fixement (c’était très étrange, presque effrayant ; c’était à nouveau la pleine lune… ; le vent jouait des musiques bizarres dans le vieux chêne d’en face,) et j’étais étonnée de voir qu’elle paraissait si jeune. A la limite, on pouvait dire qu’elle n’avait pas vieilli. Elle n’avait pas pris une ride. C’était comme si elle avait (, par miracle,) toujours 25 ans, comme si elle venait (, par je ne sais quel mystère,) de rentrer le lendemain-même de son départ, vingt ans plus tôt. Pourtant, c’était bien elle.
Depuis son retour, Louise vit avec moi. Et j’ai beau être sa sœur cadette, j’ai l’air bien plus vieille qu’elle. Vous comprenez, moi je porte nettement les traces de mes 43 ans, mais elle, qui a donc 45 ans maintenant, paraît (étrangement) avoir un visage de 20 ans. Elle n’a pas un cheveu gris, pas une ride. Son teint est (mystérieusement) celui d’une jeune femme : son tour de taille, enfin tout… comment dire, elle a (– …c’est extraordinaire… –) l’allure et le physique d’une jeune femme d’une vingtaine d’années. On dirait qu’elle a cessé de vieillir ».
C’est à dessein que nous avons employé la formule « se réfractent », plutôt vague. Car une alternative peut prendre forme. Est-ce que, ainsi que nous en avons fait l’hypothèse de travail, nous avons retrouvé à propos d’un corpus collectant un discours « spontané » à peu près la même chose que ce que nous avions établi au moyen de questionnaires fermés qui visaient à valider une hypothèse théorique ? Les résultats obtenus dans la description du corpus particulier que nous avons rassemblé (discours « spontané ») valident-ils ceux que nous avions obtenus dans le cadre d’une expérimentation prédisant les conditions de production d’un discours « forcé » ou sont-ils validés par eux ? Les résultats obtenus dans la présente recherche expliquent-ils les résultats obtenus dans les recherches expérimentales antérieures ou sont-ils expliqués par eux ? En ce qui concerne la pratique du chercheur, convient-il de travailler d’abord sur un corpus naturel (spontanément produit dans des conditions standardisées) pour « culminer » ensuite dans la tentative expérimentale d’élucider des processus généraux qui interviendraient localement dans ce corpus ; ou convient-il de travailler d’abord à mettre en évidence, par voie expérimentale, des processus généraux dont on étudierait ensuite une sorte d’application dans un site naturel particulier ? Qui ne voit que toutes ces questions travaillent de l’intérieur le propos qui était le nôtre en mettant en place cette recherche ? Qui ne voit aussi que c’est toute une épistémologie des Sciences de l’homme qui est ici en cause : dont cette recherche balise quelques lieux de réflexion, mais qu’il est impossible d’aborder ici dans son ensemble.
En tous cas et en ce qui nous concerne, la description raisonnée du corpus « spontané » que nous avons rassemblé nous fait « retrouver » l’essentiel de ce qui avait été antérieurement obtenu : le rôle primordial (causal dans les travaux antérieurs, structural dans celui-ci) des « croyances sauvages » dans l’explication de données inexplicables et la saillance de ce rôle dans les situations où les sujets mis au préalable en situation de contrôle cognitif sont exposés ensuite à un « témoignage » qui recourt à une rhétorique fantastique.
Annexe 1
« Cette histoire… je ne la raconte pas souvent (: elle est tellement peu croyable). Elle concerne ma sœur aînée Louise. Louise a deux ans de plus que moi, elle est née un 25 décembre 1949 (: date prédestinée n’est-ce pas ?). Nous avons grandi ensemble dans la maison familiale (– vieille demeure isolée, couverte de lierre –) que les gens au village appelaient « le (vieux) château ». Nous nous entendions plutôt bien Louise et moi-même et pourtant, une nuit (– c’était la pleine lune cette nuit-là –), elle est partie sans crier gare, avec des amis de passage. Elle avait alors 25 ans. Pendant 20 ans, je n’ai reçu aucune nouvelle d’elle. Je m’étais habituée peu à peu à son absence. J’avais pensé que, peut-être, nous nous retrouverions un jour. (Longtemps j’ai guetté, cherché des signes qui peut-être annonceraient son retour). Mais les années passant, j’avais fini par me faire une raison. (Vous savez, l’espoir fatigue quand l’espoir est vain.) J’ai continué ma vie… Le 15 juin dernier, en pleine nuit elle est revenue : 20 ans après. Elle a sonné, j’ai ouvert la porte… elle était là, devant moi, elle me regardait fixement (c’était très étrange, presque effrayant ; c’était à nouveau la pleine lune… ; le vent jouait des musiques bizarres dans le vieux chêne d’en face,) et j’étais étonnée de voir qu’elle paraissait si jeune. A la limite, on pouvait dire qu’elle n’avait pas vieilli. Elle n’avait pas pris une ride. C’était comme si elle avait (, par miracle,) toujours 25 ans, comme si elle venait (, par je ne sais quel mystère,) de rentrer le lendemain- même de son départ, vingt ans plus tôt. Pourtant, c’était bien elle. Depuis son retour, Louise vit avec moi. Et j’ai beau être sa sœur cadette, j’ai l’air bien plus vieille qu’elle. Vous comprenez, moi je porte nettement les traces de mes 43 ans, mais elle, qui a donc 45 ans maintenant, paraît (étrangement) avoir un visage de 20 ans. Elle n’a pas un cheveu gris, pas une ride. Son teint est (mystérieusement) celui d’une jeune femme: son tour de taille, enfin tout… comment dire, elle a (–…c’est extraordinaire… –) l’allure et le physique d’une jeune femme d’une vingtaine d’années. On dirait qu’elle a cessé de vieillir ». |
65 L’histoire de Louise racontée par sa sœur (rhétorique « factuelle » en caractères droits ; rhétorique « fantastique » en caractères droits avec les ajouts en italiques).
Annexe 2
Grille d’analyse
Grille d’analyse
Bibliographie
Références
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Mots-clés éditeurs : croyance, contrôle cognitif, persuasion, Contrôle social, rhétorique
Mise en ligne 01/01/2011
Notes
-
[*]
Université de Paris-X, 15 avenue Victor Hugo, 95400 Villiers-le-Bel.
E-mail : jean-pierre.deconchy1@libertysurf.fr -
[**]
Institut des Sciences Sociales et Pédagogiques, Université de Lausanne.
E-mail : jean-claude.deschanmps@unil.ch -
[1]
Le matériel a été construit et la passation réalisée par Naïma Mansouri.
-
[2]
Pour une présentation de l’AFC on pourra se référer à Cibois (1983 ; 1984). On trouve aussi de bons exemples d’utilisation des AFC dans Doise, Clémence et Lorenzi-Cioldi (1992).
-
[3]
Pour plus de détails sur ce type d’analyse, voir Deschamps (2003), Deschamps et Guimelli (2004), Deschamps, Paez et Pennebaker (2001).
-
[4]
En colonnes, sans les modalités contrôle (A1)/non-contrôle (A2) et rhétorique factuelle (B1)/fantastique (B2) qui ne figurent dans ce tableau qu’à titre indicatif.
-
[5]
Nous avons utilisé la chaîne de programmes TRI-DEUX pour le traitement des questions ouvertes ou de mots associés (version 2.2, 1995) créée par Philippe Cibois.
-
[6]
Pour rendre les choses plus claires, on consultera le tableau 2 où l’on trouve la fréquence des diverses explications pour chaque modalité de variable. On constate, par exemple, que l’explication DIR (qui renvoie au Départ de Louise pour des causes internes rationnelles), a une fréquence d’apparition de 131 et qu’elle est utilisée 36 fois au Rang 1 : c’est-à-dire en tout début de série. Si elle avait la même fréquence quel que soit son Rang d’apparition, elle n’aurait dû apparaître que 131/5 = 26 fois. Elle apparaît 43 fois dans la situation contrôle/rhétorique factuelle : si elle avait la même fréquence dans chacune des quatre situations, elle n’aurait dû apparaître que 33 fois.