Notes
-
[1]
BUISSON-FENET H., « Un ‘usager’ insaisissable ? Réflexion sur une modernisation mal ajustée du service public de l’éducation », in Éducation et sociétés, n° 14, 2004, p. 155-166.
-
[2]
BARTHELEMY M., « Des militants à l’école. Les associations de parents d’élèves en France », in Revue française de sociologie, vol. 26, n° 3, 1995, p. 439-472. De manière plus générale en France, le militantisme associatif est surtout pratiqué par des individus des classes moyennes supérieures intellectuelles et salariées : BERNARDEAU-MOREAU D., HELY M., « Transformations et inerties du bénévolat associatif sur la période 1982-2002 », in Sociologies pratiques, vol. 2, n° 15, 2007, p. 9-23. Cette surreprésentation statistique fait écho au processus de « colonisation » des associations par certains parents des milieux intermédiaires et supérieurs : VAN ZANTEN A., L’école de la périphérie, Scolarité et ségrégation en banlieue, PUF, 2001, p. 100-107.
-
[3]
NEVEU C. (dir.), Espace public et engagement politique, Paris, L’Harmattan, 1999.
-
[4]
SAWICKI F., « Les politistes et le microscope », in Les méthodes au concret, Paris, PUF, 2000, p. 143-164.
-
[5]
Les terrains d’enquête sont anonymisés. Les deux départements étudiés sont connexes, à dominante urbaine, denses, dirigés par le Parti socialiste, à l’offre scolaire contrastée, et présentent une certaine hétérogénéité sociale. Les processus observés sont relativement similaires au sein de ces deux départements aux caractéristiques proches. L’enquête ethnographique s’est notamment concentrée sur une localité choisie pour ses caractéristiques : un territoire urbain, dense, situé dans une grande ville (près de 190 000 habitants), à l’offre scolaire publique et privée diversifiée (36 écoles primaires publiques et 8 privées, 10 collèges publics et 3 privés), dirigée par le Parti socialiste depuis 1995, et très hétérogène socialement. Le taux de chômage est de 14,1 % et la population disposant d’un emploi comprend 23,7 % de cadres et professions intellectuelles supérieures, 26,2 % de professions intermédiaires, 28,9 % d’employés, 15,4 % d’ouvriers et 5,8 % d’artisans, commerçants et chefs d’entreprises (données INSEE, 2006).
-
[6]
Il s’agit d’associations locales indépendantes et surtout de la Fédération Conseils de Parents d’Élèves du Public (FCPE) le plus souvent classée à gauche. Organisation fédérative, la FCPE est dominante à l’échelle nationale, à la fois en nombre d’adhérents et en nombre d’élus. L’autre principale organisation, la Fédération des Parents d’Élèves de l’Enseignement Public (PEEP), plutôt classée à droite, est peu présente sur les terrains étudiés, d’où l’absence d’une comparaison systématique entre la FCPE et la PEEP.
-
[7]
Pour plus de précisions, voir Lorenzo BARRAULT, Gouverner par accommodements. Stratégies autour de la carte scolaire, Paris, Dalloz, 2013.
-
[8]
Notamment entre les acteurs de l’Éducation nationale et les organisations d’enseignants : AUBERT V., BERGOUNIOUX A., MARTIN J.P., MOURIAUX R., La forteresse enseignante, Paris, Fayard, 1985.
-
[9]
L’engagement dans des associations locales de parents d’élèves constitue une activité tendanciellement féminine. Le taux d’adhésion en France à une association de ce type est de 10 % pour les femmes contre 5 % pour les hommes : BERENI L., CHAUVIN S., JAUNAIT A., REVILLARD A., Introduction aux gender studies, Bruxelles, De Boeck, 2008, p. 162-163.
-
[10]
L’attachement peut être lié à des motivations préexistantes (liées à la trajectoire et aux expériences passées) et/ou à l’activité de l’institution : BECKER H., « Notes on the concept of commitment », in American Journal of Sociology, n°66, 1960, p. 32-40.
-
[11]
BOLTANSKI L., « L’espace positionnel. Multiplicité des positions et habitus de classe », in Revue Française de Sociologie, n° 14, 1973, p. 3-26. Une des caractéristiques des militants associatifs en France est leur importante multipositionnalité : BARTHELEMY M., Associations : un nouvel âge de la participation ?, Presses de Sciences Po, Paris, 2000, p. 60.
-
[12]
Au sens de MATONTI F., POUPEAU F., « Le capital militant. Essai de définition », in Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n° 155, 2004, p. 5-11.
-
[13]
Sur la notion de forum hybride impliquant l’idée de ne plus confier seulement à des experts la gestion des situations et la prise de décision : CALLON M., LASCOUMES P., BARTHES Y., Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique, Paris, Seuil, 2001.
-
[14]
Ibid.
-
[15]
BLONDIAUX L., LEVEQUE S., « La politique locale à l’épreuve de la démocratie. Les formes paradoxales de la démocratie participative dans le XXe arrondissement de Paris », in NEVEU C. (dir.), Espace public et engagement politique, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 56.
-
[16]
Au sens classique de TILLY C.,« The Repertories of Contention in America and Britain », in ZALD M.N., MC CARTHY J. (eds.), The Dynamics of Social Movements, Cambridge, Winthrop, 1979, p. 126-155.
-
[17]
Sur l’importance des sociabilités et des enjeux locaux dans la politisation des catégories populaires : MERKLEN D., « Le quartier et la barricade : le local comme lieu de repli et base du rapport au politique dans la révolte populaire en Argentine », in L’homme et la société, n° 143-144, 2002, p. 143-164 ; ANTOINE A., MISCHI J., Sociabilité et politique en milieu populaire, Rennes, PUR, 2008.
-
[18]
Sur la différenciation des catégories populaires contemporaines : SCHWARTZ O., La notion de classes populaires, Habilitation à diriger des recherches, Université de Saint-Quentin-en-Yvelines, 1998 ; SIBLOT Y., Faire valoir ses droits au quotidien, Paris, Presses Sciences Po, 2006.
-
[19]
BEAUD S., PIALOUX M., Retour sur la condition ouvrière, Paris, Fayard, 1999, p. 160-291.
-
[20]
Ces cas illustrent la maximisation des chances de certains individus des catégories populaires multipliant les démarches selon une « logique du chasseur » mise en avant par MERKLEN D. : Quartiers populaires, quartiers politiques, Paris, La Dispute, 2009.
-
[21]
Sur l’agencement entre les pratiques électorales et l’engagement dans des dispositifs participatifs : REY H., « Participation électorale et démocratie participative », in BACQUE M.H., REY H., SINTOMER Y. (dir.), Gestion de proximité et démocratie participative, Paris, La Découverte, 2005, p. 217-229.
-
[22]
Les mécanismes interactionnistes d’incitation à l’engagement constituent un phénomène bien connu en sociologie de l’action collective : MAC ADAM D., Freedom Summer, Oxford University Press, New York, 1988.
-
[23]
HOGGART R., La culture du pauvre. Étude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre, Paris, Minuit, 1970, p. 295-296.
-
[24]
Dans le même sens, voir DUTERCQ Y., « Une partie inégale. Les interventions publiques des parents d’élèves », in Politix, n° 31, 1995, p. 124-135.
-
[25]
Au sens de BOLTANSKI L, THEVENOT L., De la justification. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991.
-
[26]
Voir BLONDIAUX L., Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative, Paris, Seuil, 2008.
-
[27]
Voir aussi BARTHELEMY M., « Associations de parents et familles populaires. Les raisons d’une rencontre manquée », in Ville-école-Intégration, n° 110, 1998, p. 74-87.
-
[28]
TALPIN J., « Pour une approche processuelle de l’engagement participatif », in Politique et sociétés, vol. 27, n° 3, 2008, p. 133-164.
-
[29]
Extrait du site Internet du MEN : http://www.education.gouv.fr (consulté le 19 novembre 2010).
-
[30]
Ibid.
-
[31]
Ibid.
-
[32]
Extrait de la circulaire n° 2010-38 du 16 mars 2010.
-
[33]
Voir notamment GEAY B., ORIA N., « La remise en ordre symbolique de l’institution. Les conseils de discipline dans l’enseignement secondaire », in Actes de la recherche en sciences sociales, n° 178, 2009, p. 62-79.
-
[34]
LASCOUMES P., « L’obligation d’informer et de débattre, une mise en public des données de l’action publique », in GERSTLE J. (dir.), Les effets d’information en politique, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 303-304.
-
[35]
Voir notamment le numéro « Militantismes institutionnels », in Politix, n° 70, 2005.
-
[36]
Ce titre est inspiré de DULONG D., « Au dedans et en dehors : la subversion en pratiques », in LAGROYE J., OFFERLE M. (dir.), Sociologie de l’institution, Paris, Belin, 2011, p. 249-265.
-
[37]
SPANOU C., Fonctionnaires et militants. L’administration et les nouveaux mouvements sociaux, Paris, L’Harmattan, p. 253.
-
[38]
Sur la tension entre institutionnalisation et protestation dans les actions collectives sectorielles, voir LASCOUMES P., L’éco pouvoir. Environnements et politiques publiques, Paris, La Découverte, 1994, p. 205-225 ; BLATRIX C., « Devoir débattre. Les effets de l’institutionnalisation de la participation sur les formes de l’action collective », in Politix, vol. 15, n° 57, 2002, p. 79-102. L’hypothèse de dispositifs de participation comme technologie de domestication des groupes mobilisés est aussi posée par des travaux relatifs aux conflits du travail : BEROUD S., DENIS J.M., DESAGE G., GIRAUD B., PELISSE J., La lutte continue ? Les conflits du travail dans la France contemporaine, Bellecombe en Bauges, Éditions du Croquant, 2008, p. 109.
-
[39]
GAITI B., « Entre les faits et les choses. La double face de la sociologie politique des institutions », in COHEN A., LACROIX B., RIUTORD P. (dir.), Les formes de l’activité politique. Éléments d’analyse sociologique (XVIIIe-XXe ), Paris, PUF, 2006, p. 40.
-
[40]
CONTAMIN J.G., « Le choix des armes : les dilemmes pratiques d’un mouvement de doctorants et le modèle des avantages comparatifs », in Genèses, n° 59, 2005, p. 4-24.
-
[41]
Sur l’importance des contextes d’action sur la politisation des acteurs associatifs : ELIASOPH N., Avoiding politics. How Americans Produce Apathy in Everyday Life, Cambridge, Cambridge University Press, 1998.
-
[42]
Pour un approfondissement du cas des dispositifs participatifs mis en place autour du découpage de la carte scolaire, voir BARRAULT L., « Participer sous l’aile de la bureaucratie. Les effets de la concertation avec les familles dans la fabrique de la sectorisation scolaire », in Participations, vol. 2, n° 1, 2012, p. 103-125. Ce texte, focalisé sur le processus institutionnel d’élaboration de la sectorisation, constitue un complément à cet article publié dans la RIPC qui, par contraste, est centré sur les comportements des familles et ne se limite pas à l’étude d’un dispositif de concertation en particulier pour adopter une approche comparative.
-
[43]
GAXIE D., Le cens caché. Inégalités culturelles et ségrégation politique, Paris, Seuil, 1978.
-
[44]
HMED C., LAURENS S., « Les résistances à l’institutionnalisation », in LAGROYE J., OFFERLE M. (dir.), Sociologie de l’institution, Paris, Belin, 2011, p. 143.
-
[45]
L’hypothèse de conflits régulés dans des cadres institués comme facteur de stabilité sociale est développée par DARHENDORF R., Classes et conflits de classes dans la société industrielle, Paris, Mouton, 1972.
-
[46]
GOFFMAN E., Asiles. Études sur la condition sociale des malades mentaux, Paris, Minuit, p. 255. Dans ce cadre intégré, s’ouvre alors un espace de jeu et de négociation, façonné par l’État, où les parents peuvent tenter de mettre en œuvre d’autres stratégies individuelles ou collectives pour faire valoir leurs intérêts par diverses formes d’accommodement à ou de l’action publique.
1 Dans la période contemporaine en France, le secteur éducatif est caractérisé par le développement de dispositifs participatifs [1] visant à associer les familles et leurs organisations collectives à l’action publique. L’observation des parents d’élèves offre un point d’entrée empirique original pour questionner les logiques et l’agencement de différentes formes de participation liées à l’action publique locale. Ces individus ne sont pas tous formellement engagés dans des associations de parents, car certains sont investis dans les activités collectives des établissements sans être adhérents de telles organisations. En dépit de variations locales, il est établi que la majeure partie des militants parents d’élèves de l’enseignement public en France occupent des positions sociales intermédiaires et supérieures et disposent de ressources culturelles plutôt importantes, notamment à la FCPE [2]. Les acteurs investis dans les associations de parents d’élèves et leurs activités collectives ne se réduisent cependant pas à un groupe social en particulier, mais présentent des propriétés relativement contrastées. Ces militants entretiennent des rapports différenciés à leur engagement et peuvent cumuler diverses formes d’implication politique [3].
2 Ainsi, certains parents d’élèves se saisissent de l’offre institutionnelle de participation dans le secteur éducatif à travers divers dispositifs, telles les réunions publiques avec la « communauté éducative », les conseils de quartier, ou encore les Comités de Concertation Locale (CCL) relatifs à des enjeux comme la fabrique de la carte scolaire. Ces militants parents d’élèves peuvent par ailleurs mobiliser d’autres pratiques de participation politique, comme le vote, des actions dans le cadre de mouvements sociaux ou dans d’autres structures associatives et/ou partisanes, ou encore de pétitions ou de manifestations. Comment l’insertion dans des arènes participatives s’articule-t-elle avec les autres formes de participation politique des parents ? Quels sont ceux qui investissent ces dispositifs et cela leur permet-il de participer aux décisions liées à l’action publique locale ? Les échanges dans ces arènes s’inscrivent-ils dans des dynamiques de concertation et/ou de protestation ?
3 L’analyse de la participation des parents d’élèves s’appuie sur des analyses localisées? [4] en France recourant à l’ethnographie, dont l’objectif est de saisir les contours sociaux des comportements politiques et leur insertion éventuelle dans les réseaux du pouvoir local. Menée entre 2006 et 2011 dans deux départements à dominante urbaine? [5], l’enquête s’appuie sur des observations ethnographiques dans des associations de parents? [6] et dans l’espace local (proximité directe des établissements, réunions publiques, cafés, etc.), des entretiens avec des parents diversifiés (N = 97, dont N = 31 sont ou ont été militants dans une organisation de parents), et des archives militantes (FCPE). Ces éléments sont complétés par des investigations auprès d’acteurs institutionnels et politiques chargés de l’action publique éducative, notamment des observations dans les mairies (dont des commissions de dérogation) et dans les conseils généraux, des entretiens avec des agents publics aux positions contrastées (N = 63) et des archives des services éducation des institutions étudiées? [7]. Concernant les dispositifs participatifs, des observations directes dans le cadre de conseils de quartier consacrés au moins pour partie à des questions scolaires (huit depuis 2006), de diverses réunions publiques, et de dix « Comités de Concertation Locale » (CCL) consacrés à la fabrique de la carte scolaire (par les Conseils Généraux) permettent de saisir les dynamiques de la participation à ces arènes.
4 Une sociologie des comportements politiques des parents d’élèves souligne alors, qu’en dépit d’injonctions institutionnelles à la participation, leurs engagements dans des arènes participatives connaissent, comme d’autres modes d’action, des mécanismes de sélection et sont inégalement répartis socialement. On ne saurait donc voir dans l’essor de la « démocratie participative » en matière éducative une forme de « démocratisation » de ce secteur d’action publique, traditionnellement caractérisé par le corporatisme et la cogestion organisée? [8]. Quoi qu’il en soit, ces dispositifs permettent à certains parents parmi les plus investis de faire valoir leurs intérêts et de négocier localement la mise en œuvre des politiques. On peut alors se demander si ces dispositifs de concertation institués par les acteurs de l’action publique impliquent une déconflictualisation des actions collectives des parents.
La différenciation sociale de l’engagement dans des dispositifs participatifs
5 En matière éducative comme dans d’autres, l’offre institutionnelle de participation par le biais du développement de la « démocratie locale » confirme le caractère inégalitaire des comportements participatifs. L’enquête ethnographique révèle des usages pluriels des arènes participatives par les parents d’élèves. Deux postures typiques, constituant des pôles sur un continuum, sont observables. Dans la mesure où les parents d’élèves ne sont pas à même d’intervenir en politique de façon égale, les plus dotés culturellement et les plus militants sont aussi ceux dont les pratiques participatives sont les plus diversifiées. Ils peuvent faire un usage militant et politique des dispositifs participatifs et les mobiliser comme un instrument parmi d’autres pour négocier l’action publique locale. D’autres parents, de milieux populaires et moins dotés culturellement, participent parfois aux discussions dans ces arènes participatives, mais leur présence est davantage liée à des préoccupations privatives, ponctuelles et pratiques, liées à leurs propres enfants.
Un investissement politique
6 Tous les parents d’élèves ne participent pas aux réunions publiques relatives aux questions scolaires, aux conseils de quartier sur ces enjeux ou encore aux CCL relatifs à la carte scolaire. Sans surprise, une majorité des participants à ces dispositifs sont régulièrement parmi les militants les plus investis localement, notamment à la FCPE. On trouve dans ce premier pôle des individus occupant des positions sociales intermédiaires et intermédiaires supérieures (cadre du public, enseignants, artistes, etc.), hommes et femmes? [9], qui disposent d’importantes ressources culturelles et sont de par leur trajectoire attachés à l’école publique? [10]. Ces parents sont par ailleurs souvent déjà engagés politiquement, multipositionnés? [11] dans différentes organisations (partis politiques, syndicats, associations de quartier, réseau éducation sans frontière (RESF), etc.), et disposent généralement d’un important capital militant? [12]. Certains sont des responsables associatifs, notamment à la FCPE, et connaissent personnellement des directeurs d’établissement, voire des élus et des agents municipaux chargés des questions éducatives.
7 Le cas d’Éric en fournit une illustration parmi d’autres. Âgé de 42 ans, de sexe masculin, il est directeur adjoint d’une Maison des Jeunes et de la Culture (MJC) dans un quartier populaire classé en politique de la ville pour « faire avancer les choses » et dit avoir « un vieux rêve d’éducation populaire ». Président de la FCPE au collège public de ces enfants et élu dans la classe de son plus jeune fils à l’école primaire, il est titulaire d’un DEA de philosophie et a appris en partie seul plusieurs langues anciennes. Il explique beaucoup se cultiver, avoir lu nombre de classiques en littérature et valorise la culture lettrée. Sa femme, titulaire d’une maîtrise de biochimie, mais reconvertie par le biais d’une formation continue, est comptable dans une association éducative et « aime la chose publique et les autres comme [lui] ». Éric est fils d’un ingénieur ayant monté sa petite entreprise en Ardèche, et d’une secrétaire de direction du secteur privé. Sa trajectoire sociale ascendante par l’institution scolaire l’incline à valoriser l’école publique. Les autres parents et divers acteurs locaux le décrivent comme « quelqu’un de très engagé ». Éric explique connaître « beaucoup de monde ici, même le maire », des enseignants, « très bien la Principale », et les « ficelles de l’Éducation nationale ». Ses ressources relationnelles et informationnelles lui permettent de s’impliquer « au mieux » dans la scolarité de ses enfants. Il ne s’agit pas d’un cas isolé puisque d’autres militants disposant de propriétés sociales relativement similaires cultivent un rapport à l’école proche, à l’image de Marie (journaliste, 38 ans, FCPE) et de Delphine (professeure d’Histoire agrégée en lycée, 35 ans, FCPE) qui sont engagées à la FCPE, ou encore de Michel (professeur de sport au collège, 40 ans) qui est très actif dans l’association indépendante de l’école primaire de ses enfants.
8 La participation politique de ces parents plutôt favorisés socialement et culturellement prend diverses formes, du vote à l’activisme partisan en passant par le militantisme associatif. Par exemple, Éric vote depuis plusieurs années pour le Parti socialiste (PS), est membre de deux associations d’aide sociale et du réseau RESF. De même, Delphine, est syndiquée au SNES-FSU, membre de la LDH et ancienne militante du PS. Ces parents disent avoir participé à une ou plusieurs manifestations sur des enjeux sociaux ces dernières années. Ils se rendent aussi de manière plus ou moins régulière dans les arènes participatives locales, notamment lorsqu’elles concernent des enjeux éducatifs. Ils sont ainsi parmi les plus informés de l’existence de ces discussions publiques. Pour ces parents, l’investissement dans des dispositifs participatifs liés à l’action publique se présente comme un moyen de prolonger leur engagement politique en se saisissant d’une possibilité ouverte par les institutions. Éric explique : « c’est clairement politique, on sait qu’il y aura l’adjoint au maire, l’inspecteur, etc. Donc avec les copains de la FCPE on prépare nos questions, nos exigences aussi des fois… C’est un des rares endroits où on peut discuter en face-à-face et publiquement. […] Il y a un côté un peu vindicatif parfois, mais en tout cas on peut négocier en gros : « On veut des profs, des classes moins surchargées ». Ça, par exemple, ça revient tout le temps ».
9 Ces parents bien dotés culturellement, militants et investis politiquement peuvent circuler dans différentes arènes participatives et leur contribution à des conseils de quartier ou à des CCL se fait sur un mode politique, au nom d’une certaine représentativité « des parents » et de la nécessité d’obtenir des inflexions générales dans l’action publique locale. Par exemple, ces parents demandent fréquemment des précisions quant aux projets locaux, telle cette mère directrice culturelle dans une commune du département et responsable FCPE : « Avez-vous inclus les élèves du privé dans vos calculs ? Parce que ça libérerait de la place vu qu’il y en a pas mal ». Parfois critiques et revendicatifs, ils peuvent mobiliser, en complément de connaissances liées au contexte local particulier, des arguments généralistes : « je trouve que la mixité n’est pas au cœur du projet » (représentant FCPE), « sur la proximité école-domicile, on est loin de l’égalité entre tous » (mère de famille, militante PS).
10 Dans le cas de la concertation relative à la carte scolaire, ces parents ne disposent pas des données techniques pour contester le projet de sectorisation, mais, comme dans d’autres forums hybrides? [13] confrontant des élus, des experts et des citoyens dits « ordinaires », ils revendiquent plutôt une forme d’« expertise profane »? [14] liée à leur connaissance personnelle du terrain, parfois couplée avec des arguments plus politiques. Tel est par exemple le cas des points de vue exprimés à propos de la mixité sociale : « on connaît bien F [la ville]. Les gens du quartier des Musiciens ne vont jamais vouloir aller à la ZUP, il faut traverser la cité et ça craint franchement. Je parle avec les parents, j’écoute, ça ne me semble pas faisable » (père représentant PEEP, cadre du privé). Dans ces témoignages d’individus relativement favorisés socialement, on observe ainsi un processus qui consiste à « détacher la cause défendue de l’intérêt personnel »? [15].
11 Ainsi, ces parents de milieux sociaux intermédiaires et supérieurs, disposant d’importantes ressources culturelles et impliqués politiquement, peuvent mobiliser les dispositifs participatifs pour prolonger leurs activités revendicatives. Les plus actifs localement se saisissent de ces arènes pour exprimer leurs intérêts auprès des élus et des acteurs des politiques locales. Les dispositifs participatifs se présentent en ce sens comme une des pièces de leur répertoire d’action? [16]. Leur prise de parole informative ou revendicative leur permet de négocier (pas nécessairement avec succès) la mise en œuvre de l’action publique dans ce cadre institué et constitue de ce fait une forme parmi d’autres de participation politique. Ces militants actifs peuvent aussi constituer des « relais » de la « démocratie participative » puisqu’ils valorisent parfois l’investissement dans ces dispositifs auprès de parents de milieux populaires dont la participation politique est plus restreinte? [17].
Une participation distante
12 D’autres individus présents dans les arènes participatives observées disposent en effet de propriétés sociales et politiques différentes. Des parents de catégories populaires, moins dotés en ressources culturelles et plus distants du politique, sont parfois présents dans les diverses arènes étudiées. Ils constituent un deuxième pôle sur le continuum précédemment évoqué. S’il n’est pas nécessaire d’être très politisé, bien doté culturellement ou militant pour assister à ces arènes, les inégalités entre les présents s’observent dans les modalités de leurs comportements : les parents des milieux les plus modestes et les moins impliqués politiquement sont plus distants au cours des débats et davantage préoccupés par des enjeux pratiques.
13 Les parents de milieux populaires observés dans ces arènes ne sont pas toujours adhérents à une association de parents, sont surtout des femmes et se caractérisent parfois par des origines immigrées apparentes (Maghrébines et Africaines notamment). Surtout, ils appartiennent pour la plupart aux strates supérieures et relativement stables des milieux populaires? [18]. Ils présentent des propriétés particulières : ils disposent souvent d’un emploi et de revenus, de quelques ressources culturelles et témoignent d’une tendance à miser fortement sur l’école publique pour assurer une ascension sociale à leurs enfants. Non seulement ils s’autorisent à anticiper un « salut par l’école »? [19], mais ils sont aussi caractérisés par une forte hantise du déclassement social par le bas qui les amène parfois à s’engager dans les activités des organisations de parents et à participer à des instances de la « démocratie participative »? [20]. Le cas d’Ouresh, 44 ans, élu FCPE au collège, en fournit une illustration parmi d’autres. De nationalité pakistanaise, il est employé en gardiennage de nuit, marié à une femme au foyer, et titulaire d’un diplôme équivalent au baccalauréat au Pakistan. Il déclare porter un grand intérêt à l’institution scolaire et y place beaucoup d’attentes pour ses deux enfants : « à la petite école il n’y a pas besoin de s’occuper de l’association, car mon fils est trop petit, mais au collège, là il faut. C’est important parce que le collège a quelques problèmes des fois, surtout sur la sécurité. Alors moi je m’informe, je vois ce qu’ils font aussi […] elle [sa fille] travaille bien et c’est un peu son seul atout ». Le même type de rapport à l’école et à l’engagement dans les associations de parents se retrouve chez d’autres individus aux propriétés sociales proches et qui ne semblent guère participer par d’autres modes d’action? [21], à l’image de Katia. Secrétaire administrative dans une entreprise privée, fille d’ouvriers et titulaire d’un BTS, elle n’a jamais milité dans aucun groupement avant de s’engager à la FCPE de l’école primaire de sa fille : « je ne crois pas que les syndicats et ce genre de trucs ça serve vraiment à quelque chose, je respecte, mais bon, c’est pas pour moi… […] Les associations de parents, ça permet de voir d’autres parents comme toi qui veulent savoir ce qui se passe dans l’école […] Si j’avais pas entendu des histoires pas très sympas sur l’école, je me serais pas posé la question, mais là ça me coûte pas grand-chose ». Comme d’autres parents adhérents à une association ou non, ces deux cas ont été observés dans le cadre d’un conseil de quartier et d’une réunion de concertation liée à des enjeux scolaires. La présence de ces parents des strates supérieures des milieux populaires au sein des dispositifs participatifs répond en partie aux incitations d’autres parents? [22], mieux dotés culturellement, militants et investis politiquement : « je suis venu un peu pour faire plaisir à Éric parce qu’il me l’a demandé » (Ouresh).
14 La proportion de parents de ces milieux présents dans des arènes participatives varie selon les localités, les situations et les dispositifs, mais ils sont toujours minoritaires. C’est dans les CCL relatifs à la fabrique de la carte scolaire, où ils constituent environ un tiers du public (entre 10 et 20 individus), qu’ils semblent proportionnellement les plus nombreux. Lors de conseils de quartier ou d’autres réunions publiques, ils sont plus rarement présents, ce qui est pour partie lié au mode de recrutement de chacun de ces dispositifs. Surtout, ces parents de milieux populaires ont des attentes différentes de ceux plus favorisés socialement. Ils portent prioritairement intérêt à des enjeux pratiques concernant directement leurs enfants. Une mère sans emploi et d’origine malienne explique au début d’un CCL : « c’est important la carte, tout ça… parce qu’après tu sais où les enfants ils vont aller dans le collège ». Les conversations informelles avec certains de ces parents tout comme les rares questions qu’ils posent au cours des discussions collectives indiquent que leurs préoccupations scolaires sont essentiellement privatives et non généralistes. Une femme d’origine africaine, accompagnée de deux enfants en bas âge, commente la présentation technique et politique de la nouvelle sectorisation par un agent du conseil général : « il est long, tout ça… il veut pas juste nous dire le collège pour l’année prochaine ». Un père ajoute « c’est un peu chiant leur blabla là. C’est quoi la nouvelle carte, qu’on sache où on va ? ». Dans une autre commune, une mère d’origine maghrébine pose une question pendant la présentation « c’est très gentil de nous dire tout ça, Monsieur, mais, comme je suis pressée avec mes enfants à la maison, vous pourrez nous dire juste comment ça va se faire le choix du collège pour la rentrée ? ».
15 Les observations en CCL soulignent que ces parents peu politisés, rarement militants et aux ressources culturelles plutôt restreintes, font preuve de peu d’intérêt face à la présentation des acteurs institutionnels. Certains de ces parents bâillent, discutent à voix basse ou partent pendant le discours de l’élu. Leur attitude n’est pas sans rappeler les comportements d’« attention oblique » ou de « consommations nonchalantes » des activités politiques décrits par Richard Hoggart? [23]. La même posture s’observe chez ces parents de catégories populaires dans le cadre de conseils de quartier ou de réunions publiques. Une mère, agent de nettoyage élevant seule ses trois enfants, explique en entretien : « j’ai été [à un conseil de quartier] parce que je pensais qu’on allait parler de choses concrètes, des profs, du niveau et tout ça… mais là c’était un peu du n’importe quoi, y’a eu beaucoup de beaux discours, mais je n’ai pas trop suivi parce que la philosophie de l’école et la politique, tout ça, ça me saoule vite ». En outre, il est fréquent que certains de ces parents de milieux modestes quittent les CCL avant la fin, dès la carte affichée par les autorités. Ces parents non militants recourent peu à des arguments politiques et généraux dans leurs prises de parole qui sont aussi tendanciellement plus rares que celles des individus mieux dotés culturellement et militants? [24]. De manière générale, la participation de ces parents aux dispositifs participatifs est liée à une recherche d’informations pratiques sur l’univers scolaire de leurs enfants. Si certains sont présents dans ces arènes, ils n’investissent pas politiquement dans cette activité et tentent rarement de faire valoir des intérêts face aux acteurs institutionnels présents. Leur prise de parole dans ces arènes de participation passe d’ailleurs rarement l’épreuve de la montée en généralité? [25].
16 Il arrive néanmoins que la présence dans des dispositifs participatifs contribue à la politisation de certains parents de milieux populaires. Des mécanismes de socialisation politique par l’action, déjà pointés par d’autres travaux? [26], ont en ce sens pu être observés. Issue de milieu modeste, distante du politique et non militante, Fatia, 36 ans, est aide-soignante de nuit, et d’origine marocaine. Avec un mari sans emploi, elle perçoit les minimas sociaux. Sur les recommandations de l’enseignante d’un de ses fils, elle s’est rendue à un conseil de quartier en 2009 portant sur les écoles primaires de son quartier. Lors de cette manifestation, elle rencontre d’autres parents d’élèves, notamment des militants plus favorisés socialement, mais aussi quelques-uns de milieux populaires déjà enrôlés? [27]. Cette prise de contact a été le point de départ d’une certaine sociabilité militante. À la rentrée 2010, Fatia adhère à l’association FCPE de l’école primaire de ses enfants et se fait élire comme suppléante sur les conseils de militants déjà engagés. Son intérêt pour la politique et ses compétences ont semblé croître avec son engagement militant puisque, lors d’une discussion en mai 2011 par exemple, elle explique combien « les fermetures de classes posent problème » et comment elle est mobilisée « avec d’autres » dans « son » école. Ce cas est bien celui d’un engagement militant et politique progressif lié à une participation initiale à une arène de concertation. Il est alors tentant de considérer la « démocratie participative » comme un facteur de socialisation politique. Néanmoins, en l’espèce, ce n’est pas la présence lors d’un conseil de quartier qui explique les investissements politiques locaux qui ont suivi, mais davantage le travail de recrutement et de formation de parents militants dans les associations de son établissement, plus favorisés socialement, mieux dotés culturellement, impliqués politiquement, et en recherche d’activistes issus de milieux populaires. Ainsi, la politisation de cette mère n’est pas seulement liée à sa présence dans une arène participative, et il faut reconstituer l’ensemble de sa trajectoire de participation et de ses expériences militantes pour saisir les logiques de son engagement politique? [28] qui reste d’ailleurs localisé et circonscrit aux enjeux scolaires.
17 Une sociologie des parents engagés dans des instances de la « démocratie locale » souligne donc que les dispositifs participatifs sont investis diversement par les parents d’élèves selon leurs propriétés sociales et leurs rapports au politique. Les parents militants les plus fortement dotés en ressources culturelles et les plus engagés politiquement ont tendance à mobiliser ces dispositifs comme un moyen d’action parmi d’autres pour négocier l’action publique locale. En revanche, ceux des catégories populaires, moins nombreux, moins politisés, dont les formes de participation sont plus restreintes et plus rarement militantes, participent de manière plus distante aux débats. On peine donc à voir dans les procédures participatives dans le secteur scolaire en France une « ouverture de l’espace public », le plus grand nombre d’acteurs sociaux s’en tenant à distance. Ces dispositifs permettent toutefois à certains administrés de faire-valoir leurs intérêts auprès des acteurs politiques et administratifs locaux. On peut alors se demander si cette forme de participation instituée et les négociations tentées dans ce cadre par les parents parmi les plus militants ont des implications sur leurs autres modes d’action collective.
La concertation comme technique de canalisation des contestations
18 Outre la différenciation sociale des investissements des parents dans des dispositifs participatifs, l’engagement au sein de ces arènes constitue un comportement prescrit par les acteurs institutionnels et fait l’objet d’une injonction étatique. Les négociations de l’action publique locale dans ces arènes ne sont pas pour autant totalement déconflictualisées et elles laissent place à la contestation, en leur sein aussi bien qu’à l’extérieur. On peut pourtant se demander si ces espaces autorisant la contestation et les résistances ne contribuent pas à la canalisation des protestations et à la consolidation de l’ordre institutionnel.
Un mode d’action prescrit : la participation des parents comme politique d’État
19 Dans la période contemporaine, l’engagement collectif des parents est valorisé et encouragé par les acteurs institutionnels chargés des politiques éducatives. L’injonction contemporaine à la mobilisation des parents d’élèves, au sein de diverses arènes participatives comme ailleurs, peut en ce sens être considérée comme une politique d’État.
20 La participation des parents d’élèves en matière scolaire connaît diverses formes institutionnalisées : l’investissement dans des arènes participatives, la contribution au fonctionnement routinier des établissements, ou encore divers « partenariats » avec les collectivités dans le cadre de l’action publique locale. Elle fait l’objet de fortes incitations de la part des acteurs institutionnels et politiques, tout d’abord produites au niveau de l’État central. Par exemple, dans un discours du 6 mai 2010 concernant la violence à l’école, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a insisté à plusieurs reprises sur la « responsabilisation des parents » et expliqué que « leur implication dans la scolarité de leur enfant, c’est notamment un enjeu crucial ». Dans le même sens, lors d’une rencontre avec des associations éducatives le 1er mars 2010, le ministre de l’Éducation, Luc Chatel, a rappelé « la nécessaire complémentarité entre la mission éducative de l’État et l’engagement des associations aux côtés des élèves et des enseignants »? [29]. Le site Internet du ministère de l’Éducation nationale contient aussi une page consacrée aux parents et à leur rôle dans l’École? [30]. Un dossier intitulé « les parents à l’école » y précise les prérogatives des parents, dont celle « de participation par leurs représentants »? [31]. La circulaire de préparation de la rentrée 2010 énonçait également que « chaque école et chaque établissement veillera à l’implication des parents »? [32].
21 Ces prises de position publiques et officielles en faveur de l’engagement des parents d’élèves sont particulièrement fortes et directes au niveau local. Tel est le cas de l’adjoint au maire chargé de l’éducation dans la localité principalement étudiée (PS) qui explique lors d’un conseil de quartier en mars 2009 : « on ne peut rien faire sans les parents. Je le dis à tous, aux enseignants, aux directeurs, à l’Inspecteur ici présent, il faut que les parents se mobilisent ! Ils ont des représentants dans la plupart des écoles, là où il n’y en a pas, il faut créer des associations, quelles qu’elles soient. […] Vous avez un rôle à jouer, c’est tout à fait normal, il faut prendre la place qui est la vôtre ! » De même, le maire affirme publiquement en 2008 : « il y a 10 ans, il n’y avait que deux ou trois parents élus […] on a expliqué encore combien chaque parent devait […] s’investir non seulement dans la scolarité de ses enfants, mais aussi dans la vie des établissements […] c’est maintenant une école parmi les plus actives ». Ces mêmes acteurs adoptent le même type de prise de position dans d’autres contextes. Par exemple, pendant la campagne municipale de 2008, l’adjoint en charge des questions éducatives interpelle une mère à la sortie d’une école primaire : « vous ne voulez pas aider M. X à gérer l’association de l’école ? Il a besoin d’aide et je sais que tout cela vous intéresse, non ? » Dans un communiqué publié dans le journal municipal de septembre 2008, le maire évoque « le rôle fondamental des représentants de parents et de leurs associations » et exhorte « tous les parents à se rendre aux urnes » lors des élections du mois suivant, pour « gérer ensemble [avec la mairie] les enjeux scolaires et les politiques locales ».
22 L’injonction à l’engagement collectif des parents se retrouve chez d’autres protagonistes, par exemple des Inspecteurs de l’Éducation nationale (IEN) de l’enseignement primaire ou encore des Inspecteurs d’Académie (IA). Ceux rencontrés évoquent la « participation essentielle des familles aux projets de l’Éducation nationale » (un IA) et la « légitimité des parents en tant qu’usagers » (un IEN). La même posture de valorisation de la participation des parents est observable chez des chefs d’établissement. Certains disposent en effet d’intérêts directs à l’engagement routinier et non conflictuel de parents d’élèves dans le fonctionnement de leur établissement. Mme R., principale d’un collège intermédiaire situé à la frontière d’un quartier populaire et d’un autre beaucoup plus favorisé, explique : « le fait que les associations de parents tournent bien relève de l’intérêt de tous. Quand j’ai pris mes fonctions en 2005, il ne se passait presque rien […] et puis des parents se sont investis, on les a soutenus, ils ont multiplié les initiatives et cela a bien pris. […] J’explique très régulièrement aux familles qu’elles ont un rôle important à jouer ». Lors d’une réunion de rentrée en 2008, un directeur d’école déclare : « Il vous appartient de jouer votre rôle de relais, d’informations et de propositions dans l’école. […] Je vous le dis et vous le redis, nous ne pouvons rien faire sans vous ». La reconnaissance et l’invitation à la participation des parents d’élèves constituent ainsi une constante dans la période contemporaine. Cette tendance semble exister au moins depuis les années 1980, notamment dans les univers les plus militants, mais elle se caractérise aujourd’hui par une importante unanimité qui résulte largement d’incitations étatiques à la mobilisation collective, dans le cadre de relations routinières avec les parents et leurs associations.
23 Dans ce contexte, la plupart des modalités d’intervention des parents dans l’action publique sont autorisées et prescrites par les acteurs institutionnels et politiques. Ces derniers rendent disponibles et attractifs pour les administrés mobilisés certains modes d’action. Tel est par exemple le cas de la participation aux conseils d’écoles (dans le primaire), de classes, de discipline? [33] et d’administration (au collège), ou encore des commissions d’appel ou des Conseils Départementaux de l’Éducation nationale (CDEN). Les investissements de parents d’élèves dans des dispositifs participatifs font, de même, l’objet d’injonctions de divers élus et agents publics, comme chez cet élu PS lors d’un CCL : « Tous les parents devraient être là aujourd’hui. Tous sont invités par le département à venir débattre et donner leur avis, c’est essentiel pour nous ». Ce mode d’action « participatif » est ainsi prescrit par les acteurs produisant l’action publique locale? [34]. Les dispositifs de concertation permettent alors d’imputer la décision au plus grand nombre et notamment aux administrés/parents présents. Si les acteurs de l’action publique ne sont sans doute pas en mesure de contrôler tout ce qui se joue dans les dispositifs participatifs, la participation des parents d’élèves à ces instances encadrées et prescrites est fortement imprégnée par son institutionnalisation. On peut alors se demander si celle-ci a tendance à limiter les contestations collectives en rendant par exemple improbable la radicalisation des parents? [35].
La protestation au dedans et en dehors des arènes participatives? [36]
24 Les relations nouées entre les acteurs institutionnels et les collectifs de parents n’empêchent pas ces derniers de conserver une autonomie relative dans leurs activités et de garder une certaine distance pour protéger leurs rôles et leurs intérêts propres? [37]. On aurait pu s’attendre à une « domestication » des parents mobilisés du fait de leur intégration à l’action publique et de leur participation à des arènes instituées? [38]. Pourtant, la comparaison de différentes séquences d’action indique que l’enrôlement dans des dispositifs de « démocratie locale » ne s’oppose pas nécessairement à la contestation. Au contraire, le propre d’une institution comme les dispositifs participatifs est « d’échapper aux conditions sociales et politiques qui l’avaient fait naître, de déborder les usages et les significations qui l’avaient spécifiées »? [39]. Ainsi, les parents très militants, relativement favorisés socialement et culturellement, qui recourent à des modes d’action politique diversifiés et notamment à des dispositifs participatifs, adoptent parfois une posture contestataire, à travers des manifestations, des articles dans la presse locale, ou encore l’occupation d’établissements scolaires. Leur engagement dans des arènes participatives peut aussi connaître des dimensions conflictuelles, par exemple lorsque leur prise de parole est ouvertement critique et s’oppose fermement aux projets des acteurs politiques. L’action collective est en effet soumise à d’importantes logiques situationnelles? [40] : les propriétés des contextes influent sur les modes d’action des groupes mobilisés, leurs ajustements, leur politisation? [41] et leur éventuelle radicalisation.
25 La plupart des conseils de quartier où sont évoqués des enjeux scolaires peuvent par exemple donner lieu à l’expression de revendications de la part de militants parents d’élèves, voire à des critiques plus ou moins euphémisées. Toutefois, elles prennent généralement des formes qui ne remettent pas en cause les acteurs de l’action publique, comme l’illustre par exemple cette déclaration d’un parent lors d’un conseil de quartier en 2009 : « Monsieur l’Inspecteur, nous ne sommes pas d’accord avec le double discours de l’Éducation nationale qui dit vouloir régler les problèmes en baissant les moyens de nos écoles. […] Pouvez-vous nous assurer qu’aucune classe ne sera fermée ? » Les contestations restent limitées dans cette arène instituée parce qu’aucune décision n’y est prise, ce dispositif participatif affichant pour objectif principal l’information des familles. De leur côté, et comme certains l’ont reconnu en entretien, les acteurs institutionnels y tiennent un discours « politiquement correct » avec parfois des « réponses [préconstruites] à des questions qu’on s’est déjà posées avant de rencontrer les parents » (élu municipal). La participation des parents à une arène où l’enjeu décisionnel est restreint semble ainsi rendre relativement improbable la protestation organisée et prolongée au-delà de quelques interpellations ponctuelles par des militants politisés.
26 Les réunions publiques menées dans le cadre de la campagne électorale municipale de 2008 ont révélé des mécanismes comparables. En matière scolaire comme dans d’autres, les élus municipaux ont exposé leur bilan sur un mode informatif et valorisant. Les parents n’ont pas alors été présentés comme partie prenante d’une politique en particulier. Dans ces arènes, les discours politiques des élus sont très modérés et visent à capter d’éventuels électeurs. Les autorités publiques ont généralement tendance à adopter une posture d’écoute et, comme le dit par exemple une chargée de mission, les acteurs municipaux ne « s’opposent pas aux parents à cette période parce qu’on ne veut froisser personne ». Les conjonctures électorales sont d’ailleurs considérées comme une opportunité pour les représentants associatifs les plus politisés, qui « espère[nt] se faire entendre et faire remonter des revendications sur [leurs] écoles » (leader local de la FCPE). Ces militants peuvent alors interpeller publiquement des élus locaux sur des enjeux scolaires concrets, comme l’illustre la prise de parole d’un représentant d’association de parents lors d’une réunion publique liée à la campagne municipale de 2008 : « À la FCPE, nous savons bien ce que l’équipe municipale a fait ces dernières années. Il y a pourtant plusieurs questions qui se posent pour la prochaine mandature. […] Concernant la desserte des écoles, le quartier X connaît des problèmes de drogues, d’agression, de prostitution, de marché noir, etc. Ce n’est un secret pour personne. Nous l’avons déjà demandé à plusieurs reprises depuis 2001, mais nous exigeons que la mairie mette en place une navette qui s’arrête juste devant l’école et non trois rues plus loin. L’environnement du quartier pose problème à tout le monde, mais avant tout à nos enfants. Que comptez-vous faire concrètement que vous n’avez pas encore fait ? » Les réunions publiques en contexte électoral peuvent ainsi être utilisées par certains parents militants pour faire valoir des intérêts sociaux et exprimer politiquement des revendications relatives à l’action publique. Pourtant, on n’observe pas de remise en cause des autorités locales dans ces arènes. Il s’agit davantage de revendiquer en adoptant des formes cordiales que de protester avec virulence. « Si on veut être écouté, on ne peut pas dire n’importe quoi » remarquait un militant FCPE et PS lors d’une conversation informelle au cours d’une de ces réunions publiques.
27 Par contraste, c’est lorsque les administrés sont enrôlés dans l’action publique et présentés comme « participants » aux décisions que des mobilisations et des protestations locales d’ampleur peuvent intervenir. L’annonce politique produit alors d’importantes attentes sociales au moins chez les parents présents et politisés. Un conflit de plusieurs mois entre les associations de parents et un Conseil général a par exemple été étudié en 2009-2010 à l’occasion du redécoupage de la carte scolaire des collèges. Sans développer ici? [42], les CCL mis en place avec pour objectif d’« associer les parents à la décision » ont constitué, pour les parents mobilisés, une arène de lutte à côté d’autres espaces. Dans un premier temps, les premières critiques des parents contre le projet de carte scolaire ont été formulées dans les arènes participatives sur un mode cordial : « vos réponses n’éclairent pas nos lanternes. Nous nous opposons au projet, car nous ne sommes pas en mesure de le comprendre ». Dans un second temps, les oppositions au projet se sont prolongées au-delà des arènes de concertation. Les parents ont ainsi mobilisé divers modes d’action : une lettre publique très critique au Conseil général, plusieurs articles et interviews dans la presse locale, une pétition, une manifestation, ou encore une occupation d’établissement. La contestation peut ainsi constituer un prolongement à la concertation. La participation des parents connaît alors une politisation et une conflictualisation, d’abord dans le cadre des arènes de concertation puis au-delà. Le choix tactique de la protestation par les parents répond moins à des dispositions antérieures qu’au contexte d’action. En outre, ce ne sont pas seulement les interactions avec les autorités locales qui conduisent à la contestation, mais l’agencement particulier d’un ensemble d’éléments structuraux porteurs de contraintes, tels que la temporalité du calendrier scolaire, les capacités d’accueil des établissements, la topographie locale, les pratiques des acteurs de l’action publique, et les rapports sociaux locaux. Face à la radicalisation des parents d’élèves, les acteurs institutionnels ne sont par ailleurs pas dépourvus et tentent de désamorcer le conflit. Après l’échec de la concertation initiale, ils peuvent soumettre la contestation à l’épreuve du temps et organiser d’autres arènes de discussion avec les parents mobilisés. Dans le cas étudié, la discussion est alors valorisée et l’action publique contestée y est présentée comme « inévitable » et « contrainte par des logiques techniques ». L’analyse souligne ainsi que l’insertion dans des arènes participatives institutionnalisées comme les CCL n’empêche pas les protestations, aussi bien en leur sein que dans d’autres espaces. Pratiques de concertation et de contestation sont alors concomitantes, les dispositifs participatifs constituant des espaces où elles peuvent se côtoyer et se superposer.
28 De manière générale, le cas des parents permet d’interroger « l’ouverture de l’espace public » à des groupes sociaux peu participants et la « démocratisation » des systèmes de pouvoir locaux. L’enquête a montré que les instances participatives constituent un moyen de participation politique parmi d’autres pour certains parents d’élèves. Les usages militants des arènes participatives sont pluriels et variables selon les propriétés sociales des parents, les caractéristiques des dispositifs, le contexte, et l’action publique locale. Ainsi, le développement contemporain de dispositifs de « démocratie participative » semble loin de remettre en cause les mécanismes censitaires de la participation politique? [43]. Les participants observés dans ces arènes sont les parents qui sont localement les plus fortement dotés en ressources culturelles et les plus engagés politiquement. Pour autant, cette offre institutionnelle de participation permet à certains parents des fractions supérieures des milieux populaires, moins nombreux, peu participants par ailleurs et a priori distants du politique, de s’exprimer publiquement sur des enjeux pratiques et locaux, voire dans certains cas d’entamer des carrières militantes. Pourtant, ces parents de groupes sociaux peu dotés ne semblent pas en situation d’infléchir l’action publique sans s’en remettre aux militants les plus actifs et les plus favorisés socialement, qui les ont d’ailleurs souvent incités à participer.
29 En outre, la participation des parents d’élèves, à travers leurs associations ou dans des arènes instituées comme des dispositifs participatifs, est aujourd’hui encouragée et prescrite par les acteurs de l’action publique éducative. L’analyse comparée de diverses arènes comme des conseils de quartier, des réunions publiques ou encore des CCL suggère que ces dispositifs de participation peuvent être investis politiquement par certains parents pour négocier l’action publique locale. En dépit de sa forme institutionnalisée, cette participation n’empêche pas la contestation. Les protestations des parents les plus militants peuvent en effet se déployer dans ces arènes par la prise de parole publique revendicative et l’interpellation des acteurs institutionnels. Parallèlement, leurs protestations peuvent aussi s’exprimer par le biais de modes d’action contestataires comme la manifestation locale ou l’occupation d’établissements. Les investissements dans des dispositifs participatifs n’impliquent donc pas nécessairement une déconflictualisation de l’action collective et s’inscrivent parfois dans le prolongement de la contestation. Il convient alors de penser ensemble les dynamiques de l’action collective et les logiques institutionnelles ou, si l’on préfère, d’analyser conjointement l’intervention publique et les résistances des administrés.
30 Au final, les protestations collectives des parents face aux politiques locales, qu’elles s’inscrivent ou non dans des formes instituées comme des dispositifs participatifs, s’adressent toujours aux acteurs de l’action publique et s’organisent dans un cadre intégré au fonctionnement des institutions, quand bien même la mobilisation est particulièrement critique. On sait d’ailleurs que les résistances et les contestations, en matière d’action publique éducative comme dans d’autres, peuvent concourir « à la production continue de l’institution en participant à la redéfinition permanente et nécessaire de l’institué »? [44]. Dans la mesure où les autorités publiques locales ont tendance à développer les arènes participatives, que ce soit pour légitimer leur intervention ou pour désamorcer les éventuels conflits par la concertation et s’exposer à une forme de critique instituée, on peut se demander si la « démocratie participative » ne constitue pas, au moins dans le secteur scolaire, une technique institutionnelle de canalisation des contestations? [45]. Tout se passe en effet comme si le recours à des mécanismes de « démocratie participative » contribuait à l’intégration institutionnelle des parents participants et tendait, y compris dans les cas de contestations ponctuelles et localisées, à leur faire « accept[er] les institutions existantes sans faire pression pour un changement radical », ayant alors pour implication « d’infléchir des forces qui seraient, autrement, désintégrantes »? [46].
Notes
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[1]
BUISSON-FENET H., « Un ‘usager’ insaisissable ? Réflexion sur une modernisation mal ajustée du service public de l’éducation », in Éducation et sociétés, n° 14, 2004, p. 155-166.
-
[2]
BARTHELEMY M., « Des militants à l’école. Les associations de parents d’élèves en France », in Revue française de sociologie, vol. 26, n° 3, 1995, p. 439-472. De manière plus générale en France, le militantisme associatif est surtout pratiqué par des individus des classes moyennes supérieures intellectuelles et salariées : BERNARDEAU-MOREAU D., HELY M., « Transformations et inerties du bénévolat associatif sur la période 1982-2002 », in Sociologies pratiques, vol. 2, n° 15, 2007, p. 9-23. Cette surreprésentation statistique fait écho au processus de « colonisation » des associations par certains parents des milieux intermédiaires et supérieurs : VAN ZANTEN A., L’école de la périphérie, Scolarité et ségrégation en banlieue, PUF, 2001, p. 100-107.
-
[3]
NEVEU C. (dir.), Espace public et engagement politique, Paris, L’Harmattan, 1999.
-
[4]
SAWICKI F., « Les politistes et le microscope », in Les méthodes au concret, Paris, PUF, 2000, p. 143-164.
-
[5]
Les terrains d’enquête sont anonymisés. Les deux départements étudiés sont connexes, à dominante urbaine, denses, dirigés par le Parti socialiste, à l’offre scolaire contrastée, et présentent une certaine hétérogénéité sociale. Les processus observés sont relativement similaires au sein de ces deux départements aux caractéristiques proches. L’enquête ethnographique s’est notamment concentrée sur une localité choisie pour ses caractéristiques : un territoire urbain, dense, situé dans une grande ville (près de 190 000 habitants), à l’offre scolaire publique et privée diversifiée (36 écoles primaires publiques et 8 privées, 10 collèges publics et 3 privés), dirigée par le Parti socialiste depuis 1995, et très hétérogène socialement. Le taux de chômage est de 14,1 % et la population disposant d’un emploi comprend 23,7 % de cadres et professions intellectuelles supérieures, 26,2 % de professions intermédiaires, 28,9 % d’employés, 15,4 % d’ouvriers et 5,8 % d’artisans, commerçants et chefs d’entreprises (données INSEE, 2006).
-
[6]
Il s’agit d’associations locales indépendantes et surtout de la Fédération Conseils de Parents d’Élèves du Public (FCPE) le plus souvent classée à gauche. Organisation fédérative, la FCPE est dominante à l’échelle nationale, à la fois en nombre d’adhérents et en nombre d’élus. L’autre principale organisation, la Fédération des Parents d’Élèves de l’Enseignement Public (PEEP), plutôt classée à droite, est peu présente sur les terrains étudiés, d’où l’absence d’une comparaison systématique entre la FCPE et la PEEP.
-
[7]
Pour plus de précisions, voir Lorenzo BARRAULT, Gouverner par accommodements. Stratégies autour de la carte scolaire, Paris, Dalloz, 2013.
-
[8]
Notamment entre les acteurs de l’Éducation nationale et les organisations d’enseignants : AUBERT V., BERGOUNIOUX A., MARTIN J.P., MOURIAUX R., La forteresse enseignante, Paris, Fayard, 1985.
-
[9]
L’engagement dans des associations locales de parents d’élèves constitue une activité tendanciellement féminine. Le taux d’adhésion en France à une association de ce type est de 10 % pour les femmes contre 5 % pour les hommes : BERENI L., CHAUVIN S., JAUNAIT A., REVILLARD A., Introduction aux gender studies, Bruxelles, De Boeck, 2008, p. 162-163.
-
[10]
L’attachement peut être lié à des motivations préexistantes (liées à la trajectoire et aux expériences passées) et/ou à l’activité de l’institution : BECKER H., « Notes on the concept of commitment », in American Journal of Sociology, n°66, 1960, p. 32-40.
-
[11]
BOLTANSKI L., « L’espace positionnel. Multiplicité des positions et habitus de classe », in Revue Française de Sociologie, n° 14, 1973, p. 3-26. Une des caractéristiques des militants associatifs en France est leur importante multipositionnalité : BARTHELEMY M., Associations : un nouvel âge de la participation ?, Presses de Sciences Po, Paris, 2000, p. 60.
-
[12]
Au sens de MATONTI F., POUPEAU F., « Le capital militant. Essai de définition », in Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n° 155, 2004, p. 5-11.
-
[13]
Sur la notion de forum hybride impliquant l’idée de ne plus confier seulement à des experts la gestion des situations et la prise de décision : CALLON M., LASCOUMES P., BARTHES Y., Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique, Paris, Seuil, 2001.
-
[14]
Ibid.
-
[15]
BLONDIAUX L., LEVEQUE S., « La politique locale à l’épreuve de la démocratie. Les formes paradoxales de la démocratie participative dans le XXe arrondissement de Paris », in NEVEU C. (dir.), Espace public et engagement politique, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 56.
-
[16]
Au sens classique de TILLY C.,« The Repertories of Contention in America and Britain », in ZALD M.N., MC CARTHY J. (eds.), The Dynamics of Social Movements, Cambridge, Winthrop, 1979, p. 126-155.
-
[17]
Sur l’importance des sociabilités et des enjeux locaux dans la politisation des catégories populaires : MERKLEN D., « Le quartier et la barricade : le local comme lieu de repli et base du rapport au politique dans la révolte populaire en Argentine », in L’homme et la société, n° 143-144, 2002, p. 143-164 ; ANTOINE A., MISCHI J., Sociabilité et politique en milieu populaire, Rennes, PUR, 2008.
-
[18]
Sur la différenciation des catégories populaires contemporaines : SCHWARTZ O., La notion de classes populaires, Habilitation à diriger des recherches, Université de Saint-Quentin-en-Yvelines, 1998 ; SIBLOT Y., Faire valoir ses droits au quotidien, Paris, Presses Sciences Po, 2006.
-
[19]
BEAUD S., PIALOUX M., Retour sur la condition ouvrière, Paris, Fayard, 1999, p. 160-291.
-
[20]
Ces cas illustrent la maximisation des chances de certains individus des catégories populaires multipliant les démarches selon une « logique du chasseur » mise en avant par MERKLEN D. : Quartiers populaires, quartiers politiques, Paris, La Dispute, 2009.
-
[21]
Sur l’agencement entre les pratiques électorales et l’engagement dans des dispositifs participatifs : REY H., « Participation électorale et démocratie participative », in BACQUE M.H., REY H., SINTOMER Y. (dir.), Gestion de proximité et démocratie participative, Paris, La Découverte, 2005, p. 217-229.
-
[22]
Les mécanismes interactionnistes d’incitation à l’engagement constituent un phénomène bien connu en sociologie de l’action collective : MAC ADAM D., Freedom Summer, Oxford University Press, New York, 1988.
-
[23]
HOGGART R., La culture du pauvre. Étude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre, Paris, Minuit, 1970, p. 295-296.
-
[24]
Dans le même sens, voir DUTERCQ Y., « Une partie inégale. Les interventions publiques des parents d’élèves », in Politix, n° 31, 1995, p. 124-135.
-
[25]
Au sens de BOLTANSKI L, THEVENOT L., De la justification. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991.
-
[26]
Voir BLONDIAUX L., Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative, Paris, Seuil, 2008.
-
[27]
Voir aussi BARTHELEMY M., « Associations de parents et familles populaires. Les raisons d’une rencontre manquée », in Ville-école-Intégration, n° 110, 1998, p. 74-87.
-
[28]
TALPIN J., « Pour une approche processuelle de l’engagement participatif », in Politique et sociétés, vol. 27, n° 3, 2008, p. 133-164.
-
[29]
Extrait du site Internet du MEN : http://www.education.gouv.fr (consulté le 19 novembre 2010).
-
[30]
Ibid.
-
[31]
Ibid.
-
[32]
Extrait de la circulaire n° 2010-38 du 16 mars 2010.
-
[33]
Voir notamment GEAY B., ORIA N., « La remise en ordre symbolique de l’institution. Les conseils de discipline dans l’enseignement secondaire », in Actes de la recherche en sciences sociales, n° 178, 2009, p. 62-79.
-
[34]
LASCOUMES P., « L’obligation d’informer et de débattre, une mise en public des données de l’action publique », in GERSTLE J. (dir.), Les effets d’information en politique, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 303-304.
-
[35]
Voir notamment le numéro « Militantismes institutionnels », in Politix, n° 70, 2005.
-
[36]
Ce titre est inspiré de DULONG D., « Au dedans et en dehors : la subversion en pratiques », in LAGROYE J., OFFERLE M. (dir.), Sociologie de l’institution, Paris, Belin, 2011, p. 249-265.
-
[37]
SPANOU C., Fonctionnaires et militants. L’administration et les nouveaux mouvements sociaux, Paris, L’Harmattan, p. 253.
-
[38]
Sur la tension entre institutionnalisation et protestation dans les actions collectives sectorielles, voir LASCOUMES P., L’éco pouvoir. Environnements et politiques publiques, Paris, La Découverte, 1994, p. 205-225 ; BLATRIX C., « Devoir débattre. Les effets de l’institutionnalisation de la participation sur les formes de l’action collective », in Politix, vol. 15, n° 57, 2002, p. 79-102. L’hypothèse de dispositifs de participation comme technologie de domestication des groupes mobilisés est aussi posée par des travaux relatifs aux conflits du travail : BEROUD S., DENIS J.M., DESAGE G., GIRAUD B., PELISSE J., La lutte continue ? Les conflits du travail dans la France contemporaine, Bellecombe en Bauges, Éditions du Croquant, 2008, p. 109.
-
[39]
GAITI B., « Entre les faits et les choses. La double face de la sociologie politique des institutions », in COHEN A., LACROIX B., RIUTORD P. (dir.), Les formes de l’activité politique. Éléments d’analyse sociologique (XVIIIe-XXe ), Paris, PUF, 2006, p. 40.
-
[40]
CONTAMIN J.G., « Le choix des armes : les dilemmes pratiques d’un mouvement de doctorants et le modèle des avantages comparatifs », in Genèses, n° 59, 2005, p. 4-24.
-
[41]
Sur l’importance des contextes d’action sur la politisation des acteurs associatifs : ELIASOPH N., Avoiding politics. How Americans Produce Apathy in Everyday Life, Cambridge, Cambridge University Press, 1998.
-
[42]
Pour un approfondissement du cas des dispositifs participatifs mis en place autour du découpage de la carte scolaire, voir BARRAULT L., « Participer sous l’aile de la bureaucratie. Les effets de la concertation avec les familles dans la fabrique de la sectorisation scolaire », in Participations, vol. 2, n° 1, 2012, p. 103-125. Ce texte, focalisé sur le processus institutionnel d’élaboration de la sectorisation, constitue un complément à cet article publié dans la RIPC qui, par contraste, est centré sur les comportements des familles et ne se limite pas à l’étude d’un dispositif de concertation en particulier pour adopter une approche comparative.
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[43]
GAXIE D., Le cens caché. Inégalités culturelles et ségrégation politique, Paris, Seuil, 1978.
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[44]
HMED C., LAURENS S., « Les résistances à l’institutionnalisation », in LAGROYE J., OFFERLE M. (dir.), Sociologie de l’institution, Paris, Belin, 2011, p. 143.
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[45]
L’hypothèse de conflits régulés dans des cadres institués comme facteur de stabilité sociale est développée par DARHENDORF R., Classes et conflits de classes dans la société industrielle, Paris, Mouton, 1972.
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[46]
GOFFMAN E., Asiles. Études sur la condition sociale des malades mentaux, Paris, Minuit, p. 255. Dans ce cadre intégré, s’ouvre alors un espace de jeu et de négociation, façonné par l’État, où les parents peuvent tenter de mettre en œuvre d’autres stratégies individuelles ou collectives pour faire valoir leurs intérêts par diverses formes d’accommodement à ou de l’action publique.