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Article de revue

L'opposition parlementaire en Italie et au Royaume-Uni : une opposition systémique ou axée sur les enjeux ?

Pages 93 à 113

Notes

  • [1]
    DAHL R.A., (dir.), Political Oppositions in Western Democracies, New Haven and London, Yale University Press, 1966, p. xiii (trad. de M. Luciani, Paris, Futuribles, 1966, p. 9).
  • [2]
    Voir IONESCU G. and DE MADARIAGA I., Opposition-Past and Present of a Political Institution, London, The New Thinker Library, 1968.
  • [3]
    Voir DUVERGER M., Les partis politiques, Paris, Colin, 1951 ; SARTORI G., « Opposition and Control : Problems and Prospects », Government and Opposition, vol. A, n°2, 1966 ; OBERREUTER H., (dir.), Parlamentarische Opposition. Ein Internationaler Vergleich, Hamburg, Hoffman and Campe, 1975 ; PULZER P., Is there life after Dahl ?, 1987, in KOLINSKY E., (dir.), Opposition in Western Europe, London and Sidney, Croom Helm ; FABBRINI S., Quale Democrazia, Bari, Laterza, 1994 ; PASQUINO G., L’opposizione, Bari, Laterza, 1995 ; FLANAGAN T., The Uneasy Case for Uniting the Right, Public Policies Sources, n°53, 2001.
  • [4]
    Pour appuyer cette hypothèse, je vous renvoie au Journal of Legislative Studies, vol. 14, n°1, 2008 et en particulier à HELMS L., Studying Parliamentary Opposition in Old and New Democracies : Issues and Perspectives, p. 6-19 et NORTON P. , Making Sense of Opposition, p. 236 – 250.
  • [5]
    DAHL R.A., op. cit., 1966, p. xviii.
  • [6]
    Voir KAISER A., « Parliamentary Opposition in Westminster Democracies : Britain, Canada, Australia and New Zealand », The Journal of Legislative Studies, vol. 14, n°1, 2008, p. 20-45.
  • [7]
    Le terme « cohésion » se réfère généralement au vote unifié des parlementaires appartenant à un parti politique. Ce concept est un terme législatif (ou parlementaire) et l’acte est le vote au parlement, particulièrement en séance plénière. L’objet est en général le groupe parlementaire en tant qu’entité unique (voir OLSON D., « Cohesion and Discipline Revisited : Contingent Unity in the Parliamentary Party Group », The Journal of Legislative Studies, vol. 9, n°4, 2003). Dans le cas présent, l’objet est l’opposition parlementaire en tant qu’entité unique, si c’est le cas, ou l’absence d’opposition parlementaire en tant qu’entité unique, si n’est pas le cas.
  • [8]
    Voir KAISER A., op. cit., 2008.
  • [9]
    Cet indice de cohésion ne tient pas compte des abstentions exprimées par l’opposition pour une raison empirique : dans certains parlements (tels que le parlement britannique), un parlementaire n’a aucun moyen d’enregistrer une abstention. Par conséquent, pour la validité de la comparaison, j’ai décidé de ne pas non plus tenir compte des abstentions dans les parlements où elles sont en fait enregistrées (comme au parlement italien).
  • [10]
    Étant donné les différents rôles et pouvoirs attribués à la Chambre haute en Italie et au Royaume-Uni, j’ai décidé de centrer mon analyse uniquement sur la Chambre basse (la Chambre haute italienne, le Sénat, a presque les mêmes prérogatives que la Chambre basse, la Chambre des députés, tandis que la Chambre haute britannique, la Chambre des Lords, n’est pas une chambre élective, car encore partiellement héréditaire et aristocratique, avec des prérogatives très différentes de celle de la Chambre des Communes).
  • [11]
    L’un des résultats les plus intéressants de l’analyse de Richard Rose (voir ROSE R., Do parties make a difference ?, London et Basingstoke, Macmillan Press LTD, 1984) fut que, tandis que le modèle conventionnel du gouvernement britannique supposait autrefois que les partis étaient des adversaires et les opposaient l’un à l’autre dans les débats parlementaires de même que dans les élections législatives, la réalité était quelque peu différente. Comme en attestent les archives parlementaires de deux législatures (1970-1974 et 1974-1979) conduites par des majorités alternatives (respectivement conservatrice et travailliste), le consensus était beaucoup plus fréquent qu’on ne pourrait s’y attendre. « Les partis sont peut-être dans l’opposition, au sens où ils ne sont pas dans le gouvernement, mais ils ne s’opposent pas nécessairement au gouverment de manière continue » (NORTON P. , op. cit., 2008, p. 241). De la même manière, l’analyse de la composition des partis dans les majorités soutenant la législation, menée tout d’abord par Franco Cazzola et ensuite par Giuseppe Di Palma (voir CAZZOLA F., Governo e opposizione nel Parlamento italiano, Milano, Giuffrè, 1974 ; DI PALMA G., Surviving without Governing, Berkley, California University Press, 1977), dans les cinq premiers parlements italiens, a révélé que le soutien dépassait souvent les auteurs de ces propositions et leurs partis. Selon Di Palma, dans aucun de ces parlements, le vote d’une loi n’a obtenu en moyenne moins de 75 % des votes exprimés : une moyenne qui n’aurait pas pu être atteinte par le seul vote de la majorité parlementaire, même en supposant que ces majorités soutenaient toujours chaque proposition de manière homogène – ce qui n’était pas toujours le cas, en Italie. Ce qui est encore plus marquant, c’est que le PCI adoptait un comportement largement favorable aux propositions de loi déposées par le gouvernement ou par des membres de la majorité parlementaire : plus de 70 % des propositions déposées par le gouvernement ou uniquement par des députés démocrates-chrétiens ont été approuvées avec un vote du parti communiste, qui a toujours été qualifié de parti anti-système et d’opposition permanente et irresponsable (voir SARTORI G., op. cit., 1966).
  • [12]
    Voir MÚJICA A. et SÁNCHEZ-CUENCA I., « Consensus and Parliamentary Opposition : The Case of Spain », Government and Opposition, vol. 41, n°1, 2006, p. 86-108.
  • [13]
    En 2005, une nouvelle réforme électorale a réintroduit la représentation proportionnelle, dans une configuration très différente, cependant, de la règle de représentation proportionnelle presque totale qui était de mise en Italie entre 1948 et 1993. Toutefois, la période sur laquelle je me concentre ici est caractérisée par le système électoral mixte, qui a fortement influencé le système politique italien de nombreuses manières.
  • [14]
    Voir FABBRINI S., GILBERT M., « The Italian General Election of 13 May 2001 : Democratic Alternation or False Step ? », in Government and Opposition, vol. 36, n°4, 2001 ; PASQUINO G., Dall’Ulivo al governo Berlusconi, Bologna, Il Mulino, 2001.
  • [15]
    Les Règlements 38-41 stipulent que : « Lorsqu’une motion est soumise au vote, le Président (ou un vice-président) déclare : La question est la suivante … [par exemple, la proposition de loi est lue pour la seconde fois]. Que ceux et celles qui partagent cet avis disent Oui – s’ensuit alors un concert de Oui – ou au contraire disent Non – et s’ensuit alors un concert semblable de Non – Je pense que les Oui l’emportent. Si ensuite se font entendre des cris de Non, le Président propose le vote en annonçant Clear the Lobbies (Dégagez les vestibules). Les sonneries d’appel retentissent dans l’ensemble du bâtiment, les tableaux indicateurs affichent la mention Vote et les parlementaires regagnent leurs sièges à la Chambre, où, pour les votes qui suivent les directives des partis, les chefs de file ont pour mission de rappeler aux parlementaires incertains dans quel sens (si nécessaire) leur parti vote ».
  • [16]
    J’ai analysé le comportement de vote de l’opposition parlementaire sur : le Projet de loi de finances en Italie entre 1996 et 2006 (N=10) ; le Projet de loi de finances au Royaume-Uni entre 1997 et 2005 (N=16). Dans le cadre plus large de la politique étrangère, les questions relatives à l’intégration européenne (ratification des traités de Lisbonne, Amsterdam et Nice en 1997, 1998 et 2002), la Constitution européenne en 2004 et divers débats sur l’Union monétaire européenne et l’élargissement) ; les questions relatives aux crises internationales (la question des Balkans, la guerre au Kosovo et en Serbie en 1999, et la guerre en Afghanistan en 2001 ; la guerre en Iraq et l’intervention militaire à partir de 2003 ; différents débats sur le terrorisme international et les mécanismes à actionner pour y faire face) ; les questions liées à l’aide au développement (Italie, N=39 ; Royaume-Uni, N=19). Dans le cadre plus large de la politique sociale : la santé publique et le système de soins de santé, la sécurité sociale et les réformes liées à l’emploi et au chômage (Italie, N=145 ; Royaume-Uni, N=24). La différence dans le nombre de projets examinés est due à la spécificité du processus législatif britannique : il n’existe aucun registre officiel des projets de loi adoptés sans vote à la Chambre, comme nous le verrons plus en détail dans la dernière partie du présent article.
  • [17]
    Au sujet de l’importance des caractéristiques des enjeux, voir quelques travaux majeurs sur la dynamique de la hiérarchisation des questions à traiter : ZUCKER H.G., « The Variable Nature of News Media Influence », Communication Yearbook, vol. 2, 1978 ; WINTER J.P. et al., « Issue Specific Agenda-Setting : The Whole is Less than the Sum of the Parts », Canadian Journal of Communication, vol. 8, n°2, 1982, p. 1-10 ; YAGADE A. et DOZIER D.M., « The Media Agenda-Setting Effect of Concrete versus Abstract Issues », Journalism Quarterly, vol. 67, n°1, 1990, p. 3-10 ; WATT J.H. et al.., « Agenda-Setting Effects of Television News Coverage and the Effects Decay Curve », Communication Research, vol. 20, n°3, 1993, p. 408-35 ; SOROKA S.N., Agenda-Setting Dynamics in Canada, Toronto, UBC Press, 2002.
  • [18]
    Voir ROSE R., op. cit., 1984.
  • [19]
    Comme je l’ai indiqué, cet indice de cohésion ne tient pas compte des abstentions de l’opposition pour une raison empirique : il n’existe aucun moyen pour un parlementaire à la Chambre des Communes britannique d’enregistrer une abstention. Par conséquent, dans un souci de comparaison, cet indice ne tient pas compte des abstentions à la Chambre des députés italienne non plus. Toutefois, j’ai calculé et comparé le présent indice avec un autre indice qui inclut les abstentions, pour le cas italien, de manière à vérifier la validité de cette mesure. J’ai obtenu une corrélation positive et significative pour les deux législatures italiennes à l’étude : .537** pour la cohésion de l’opposition de centre-droit entre 1996 et 2001 et .389** pour celle de l’opposition de centre-gauche de 2001 à 2006. La valeur relativement faible de cette corrélation (quoique positive et significative dans les deux cas) m’a incité à chercher une explication, que j’ai trouvée en distinguant cet indice de cohésion par enjeu. La corrélation entre les deux indices en ce qui concerne les domaines de la politique budgétaire et de la politique étrangère est, en fait, respectivement de 1,000**/1,000*** et de .861***/.980**. Cette même corrélation pour les domaines de la politique sociale est, en revanche, bien différente : .434** et .271 (et elle n’est même pas significative pour la XIVe législature). La raison pour laquelle nous avons obtenu un tel résultat pour le domaine de la politique sociale est que l’opposition parlementaire s’abstient généralement plus souvent dans ce domaine politique que dans les autres. Par conséquent, même si la valeur de ce nouvel indice de cohésion pour le domaine de la politique sociale reste élevée (parce que, quand l’opposition s’abstient, elle le fait de façon homogène), la corrélation avec le premier indice est inévitablement moins significative qu’on aurait pu s’y attendre. Cependant, comme je l’ai indiqué auparavant, par souci de comparaison entre les deux cas à l’étude, j’ai calculé l’indice de cohésion sans tenir compte des abstentions.
  • [20]
    Les noms des groupes de partis sont : AN – Alleanza Nazionale (Alliance nationale) ; CCD –Centro Cristiano Democratico (Centre démocrate_chrétien) ; FI – Forza Italia (Forza Italia) ; LN – Lega Nord (Ligue du Nord). Malheureusement, tous les partis plus petits inclus dans le Gruppo Misto (Groupe mixte) ont été exclus de notre analyse, en raison du fait que leurs votes ne sont pas enregistrés séparément.
  • [21]
    Les noms des groupes de parti sont : DS – Democratici di Sinistra (Démocrates de gauche) ; Margherita (Marguerite) ; RC – Partito della Rifondazione Comunista (Parti de la refondation communiste). Malheureusement, tous les partis plus petits inclus dans le Gruppo Misto (Groupe mixte) ont été exclus de notre analyse, en raison du fait que leurs votes ne sont pas enregistrés séparément.
  • [22]
    Voir PETROCIK J.R., The Theory of Issue Ownership : Issues, Agendas and Electoral Coalitions in the 1988 Elections, communication présentée lors du congrès annuel de l’American Political Science Association (Association américaine de science politique), Atlanta, 1989 et « Issue Ownership in Presidential Elections », American Journal of Political Science, vol. 40, n°3, 1996, p. 825-50.
  • [23]
    WALGRAVE S. et DE SWERT K., « Where Does Issue Ownership Come From ? From the Party or From the Media ? Issue-Party Identifications in Belgium, 1991-2005 », The Harvard International Journal of Press/Politics, vol. 12, n°1, 2007, p. 37.
  • [24]
    MÚJICA A. et SÁNCHEZ-CUENCA I., op. cit., 2006, p. 99.
  • [25]
    Sont exclus les projets de loi du gouvernement pour lesquels le parti conservateur au parlement disposait d’un vote libre, mais sont inclus les amendements motivés sur la seconde ou troisième lecture. Cependant, dans le cas des votes libres, le chiffre global augmente légèrement : de 32 à 35 % entre 2001 et 2005.
  • [26]
    COWLEY P. , STUART M., « Conservatives in Unity Shocker », communication non publiée, disponible sur le site web www.revolts.co.uk.
  • [27]
    Le questionnaire a été rempli par vingt greffiers de commission travaillant à la Chambre des communes.
  • [28]
    Nous avons demandé aux personnes interrogées de marquer d’une croix le niveau de difficulté qu’elles percevaient pour chaque question sur une échelle de 1 à 10, dans laquelle 1 signifiait « pas difficile du tout » et 10 signifiait « très difficile ».

Introduction

1Comme le soulignait Robert Dahl en 1966, « [t]rois grandes étapes jalonnent le développement des institutions démocratiques : le droit de participer par son suffrage aux décisions du gouvernement ; le droit d’être représenté dans le système qui organise cette représentation ; le droit consenti à une opposition organisée de susciter, au cours d’élections et au sein du parlement, des votes contre le gouvernement. Ce dernier droit, sous sa forme la plus développée, est tellement récent que certains de nos contemporains étaient nés avant qu’il n’apparaisse dans la majeure partie de l’Europe occidentale » [1]. Les systèmes politiques que nous connaissons, dans lesquels des partis politiques organisés luttent pour le pouvoir et sont protégés par la loi furent, en effet, considérés comme une réussite dans les années soixante. Par conséquent, une opposition parlementaire garantie fut également perçue et étudiée comme une caractéristique fondamentale de la démocratie à partir de ces années. L’opposition politique fut alors considérée comme l’institution suprême d’une société politique pleinement institutionnalisée et comme la caractéristique essentielle de ces sociétés politiques appelées à tour de rôle démocratiques, libérales, parlementaires, constitutionnelles ou encore pluralistes [2]. En un mot, on estimait que l’existence d’une opposition organisée était fondamentale pour l’existence et la stabilité des démocraties occidentales nouvellement constituées. Plus de quarante ans après les premiers travaux de Robert Dahl sur ce thème, nous nous devons certainement d’aller au-delà de cette démarche pionnière et d’examiner ce qui constitue aujourd’hui le rôle de l’opposition dans les démocraties occidentales et comment ce rôle a évolué et s’est transformé.

2Les typologies de l’opposition qui ont été élaborées au fil des années ont en effet souvent tenu compte des facteurs systémiques dont on pensait qu’ils influençaient les principales caractéristiques de l’opposition dans chaque démocratie parlementaire. Les experts ont ainsi cherché à classer les différents types d’opposition en fonction de variables structurelles, telles que le système électoral ou le régime des partis, la force et la composition de l’exécutif, les mécanismes constitutionnels et les règles du jeu parlementaire. On pensait en effet que ces variables pouvaient expliquer la variation de l’opposition dans les différents pays [3]. Les typologies basées sur les facteurs structurels sont toujours extrêmement utiles et efficaces, mais se fondent sur des modèles basés sur une image typique idéale de la démocratie, image qui existe en théorie mais ne correspond pas toujours au comportement réel des acteurs politiques [4]. C’est la raison pour laquelle je pense qu’il est nécessaire de faire un pas en avant, afin de mieux comprendre l’influence que ces variables exercent sur l’exercice concret de l’opposition politique au parlement et de répondre à quelques questions précises : comment fonctionne l’opposition ? Est-il possible de distinguer les différents types d’opposition en fonction de leurs différents comportements ? Quels sont les facteurs principaux permettant d’expliquer les différences existant entre les démocraties parlementaires ?

3Le comportement de l’opposition parlementaire ne peut être étudié hors de son contexte : il convient de l’examiner dans son environnement spécifique. Par conséquent, il est important de séparer l’analyse en deux niveaux distincts : un niveau interne, qui se concentre sur les rapports entre les acteurs de l’opposition (les parlementaires individuels ainsi que les partis politiques) et plus particulièrement sur leur cohésion organisationnelle et un niveau externe, qui met davantage l’accent sur les rapports entre le gouvernement et l’opposition, et par conséquent, sur la stratégie qu’adopte cette dernière dans sa confrontation avec l’exécutif. Je pense qu’il est fondamental de distinguer deux dimensions dans cette analyse parce que les variables indépendantes qui sont prises en considération, c’est-à-dire les facteurs systémiques que nous avons mentionnés auparavant, pourraient jouer un rôle très différent dans chacune de ces dimensions. Je chercherai à vérifier si mes deux variables dépendantes, c’est-à-dire la cohésion et la stratégie d’opposition, varient en fonction des facteurs structurels qui caractérisent différemment les systèmes parlementaires de l’Europe occidentale. L’hypothèse posée ici est que la cohésion interne de l’opposition parlementaire pourrait varier en fonction des facteurs systémiques pris en considération dans cette étude, mais il se pourrait que la stratégie adoptée par l’opposition au parlement dans le but d’affronter l’exécutif ne varie pas. Je pose comme dernière hypothèse de recherche que la conduite de l’opposition pourrait varier en fonction des différentes questions à l’agenda politique, une dynamique qui, je pense, pourrait être commune à toutes les démocraties parlementaires. Afin de tester ces hypothèses, je me concentre sur le comportement de l’opposition parlementaire dans deux cas très différents en ce qui concerne les variables systémiques prises en considération : l’Italie et le Royaume-Uni.

L’opposition parlementaire : problèmes de définition, variables et hypothèses

4L’opposition parlementaire a souvent été classée en fonction de sa nature, de sa composition et de son comportement. Elle a été définie comme étant soit responsable, soit irresponsable ; soit unie, soit divisée ; soit renouvelée partiellement en cours de mandat, soit totalement renouvelée en fin de mandat. Mais les systèmes démocratiques ont donné lieu à une telle variété d’oppositions qu’aucun modèle prédominant ou unique ne s’est jamais imposé. Voici une définition par laquelle je voudrais commencer : « Supposons que A joue un rôle déterminant dans l’orientation de tel secteur du gouvernement d’un système politique donné, et cela durant un certain intervalle de temps. […] Supposons que, au cours de cet intervalle, B ne puisse influer sur la conduite des affaires du gouvernement, et que B soit opposé à l’action gouvernementale de A. B, alors, correspond à ce que nous appelons ‘une opposition’. Notons que, pendant un intervalle différent, B pourrait déterminer la conduite du gouvernement, et A être ‘dans l’opposition’ » [5]. Ceci est l’objet de la présente étude : le comportement de A ou B, lorsqu’ils ne peuvent déterminer la conduite du gouvernement et se trouvent donc dans l’opposition. Cette étude se concentre donc sur les partis au parlement et plus particulièrement sur ceux qui ne peuvent déterminer la conduite du gouvernement pendant une certaine période, mais nourrissent l’espoir légitime de le remplacer lors des prochaines élections.

5Plusieurs questions résultent de cette première tentative de définition de l’opposition parlementaire. Certaines concernent le cadre théorique : si le rôle de l’opposition est de « s’opposer » au gouvernement, que signifie s’opposer en termes de comportement à adopter au parlement ? D’autres questions sont plus empiriques : comment fonctionne l’opposition ? Les partis d’opposition agissent-ils ensemble ou s’opposent-ils également entre eux ? Est-il possible de distinguer différents types d’opposition en fonction de leurs différents comportements possibles ? Quels sont les facteurs principaux qui permettent d’expliquer les différences entre les démocraties parlementaires ?

6L’opposition parlementaire n’est pas un acteur homogène, que ce soit lorsqu’elle se compose officiellement d’un seul parti, comme c’est le cas dans les systèmes bipartites, ou lorsqu’elle se compose de plusieurs partis, comme dans les systèmes multipartites. L’opposition peut être un sujet d’analyse homogène, mais elle est toujours composée par de nombreux acteurs : ces acteurs sont les partis politiques et chaque parlementaire en leur sein. Pour analyser la politique d’opposition, il est nécessaire de savoir jusqu’à quel point les acteurs non gouvernementaux adoptent une attitude homogène [6]. C’est la raison pour laquelle je pense que l’étude de l’opposition parlementaire doit distinguer au moins deux niveaux d’analyse : un niveau interne et un niveau externe. Le premier concerne les rapports entre ses propres membres et, plus particulièrement, sa cohésion interne [7]. Le second niveau d’analyse concerne les rapports avec l’exécutif, en particulier au cours du processus législatif. La raison pour laquelle je me concentre essentiellement sur le processus de formation des règles de droit réside dans le fait que les lois constituent une des principales ressources du gouvernement (seul le gouvernement a le pouvoir de promulguer les lois qui déterminent ce que les citoyens peuvent faire), mais qu’elles constituent également une des principales ressources de l’opposition. C’est, en effet, l’opposition, qui a le plus grand intérêt à défier le gouvernement en matière législative. C’est le bilan législatif d’un gouvernement qui démontre à quel point l’opposition est en accord ou en désaccord avec lui, parce que chaque projet de loi du gouvernement présenté à la Chambre donne à l’opposition l’occasion de soutenir, ou de s’opposer à, ce que propose le gouvernement. L’opposition se doit de décider quelle stratégie adopter parmi au moins deux alternatives principales : adopter une attitude antagoniste et souligner les divisions, ou adopter une attitude consensuelle.

7L’approche traditionnelle du dualisme gouvernement – opposition considère comme acquis l’attitude d’acteur homogène, mais les résultats d’études empiriques au cours des dernières années ont démontré que ce n’était pas toujours le cas [8]. Mon hypothèse est que le niveau de cohésion interne de l’opposition varie en fonction de la variation des facteurs systémiques pris en considération dans notre étude : dans un système bipartite, la cohésion interne de l’opposition officielle, composée d’un seul parti, est certainement plus forte que la cohésion de l’opposition dans un système multipartite. En outre, parmi les systèmes multipartites, il existe une corrélation positive entre l’identifiabilité des coalitions avant l’élection et le niveau de cohésion de l’opposition au parlement.

8Afin de tester cette hypothèse, le comportement de l’opposition lors du vote des projets de loi a été analysé, en utilisant un indice simple conçu pour mesurer le niveau de cohésion des partis de l’opposition. L’indice (Ic) a été calculé de la manière suivante :

9

equation im1

10Yv et Nv correspondent respectivement à la somme des votes positifs et négatifs de l’opposition [9]. Par conséquent, l’indice de cohésion correspond au rapport entre la différence, en termes absolus, entre le nombre de parlementaires de l’opposition qui ont voté oui et le nombre de parlementaires de l’opposition qui ont voté non à une proposition de loi, à la Chambre basse [10], et la somme de ces votes. I c = 0 représente le niveau de cohésion le plus faible parmi les membres de l’opposition, lorsque exactement 50 % de l’opposition vote oui et 50 % vote non. À l’inverse, I c = 1 représente le niveau de cohésion de l’opposition le plus élevé, lorsque tous ses membres votent de la même manière. À ce stade, peu importe que ce soit le vote positif ou le vote négatif qui prévale, car j’examinerai également par la suite le comportement (antagoniste/consensuel) de l’opposition vis-à-vis du gouvernement, au regard de ces mêmes votes. Ici, je m’intéresse simplement au niveau de cohésion interne au sein des partis d’opposition.

11La seconde hypothèse est étroitement liée à la première et concerne la seconde variable dépendante, autrement dit la stratégie adoptée par l’opposition dans sa confrontation avec le gouvernement. Des recherches antérieures ont montré que règne dans les démocraties parlementaires occidentales un niveau étonnamment élevé de consensus et de coopération entre le gouvernement et l’opposition [11]. L’hypothèse posée ici est que la variation du système électoral et du régime des partis ainsi que de la force et la composition des exécutifs n’exerce pas une influence majeure sur la stratégie adoptée par l’opposition parlementaire dans ses rapports avec l’exécutif (tout particulièrement dans le processus de production législative). En ce qui concerne la seconde variable dépendante, les données suggèrent en effet une variation plus forte à l’intérieur même des pays qu’entre les pays [12]. Nous savons que les lois sont souvent approuvées avec l’accord de l’opposition, mais nous ne savons pas quand ni pourquoi l’opposition décide d’adopter cette attitude. En fait, le consensus n’est jamais absolu : il existe une certaine variation dans le temps et en fonction des différents problèmes abordés dans le même laps de temps, à l’intérieur d’un même pays. Lorsqu’on analyse plus en détail les données liées au comportement adopté lors des votes, il apparaît que la tendance au consensus est principalement influencée par l’enjeu, à un point tel que je pose comme hypothèse finale que le comportement de l’opposition parlementaire varie en fonction du domaine politique spécifique qu’elle est censée traiter et qu’il s’agit d’une dynamique commune à toutes les démocraties parlementaires.

12Afin de mesurer la stratégie de l’opposition, un indice d’opposition a été calculé sur la base du vote final sur les mesures approuvées à la Chambre basse. Cet indice est le résultat du rapport entre le nombre de votes de l’opposition contre la proposition en débat et le nombre total de votes de l’opposition.

L’opposition parlementaire dans une perspective comparative : cas dissemblables à la recherche de similitudes

13Afin de tester mes hypothèses de recherche, j’ai choisi deux démocraties parlementaires qui se distinguent nettement en ce qui concerne les variables systémiques indépendantes dont on pense qu’elles exercent une influence sur le comportement de l’opposition au parlement, c’est-à-dire le système électoral et le régime des partis, la force et la composition de l’exécutif et les règles du jeu parlementaire : l’Italie et le Royaume-Uni.

14Pour ce qui est de l’Italie, de nombreux événements politiques se sont produits et ont contribué à des changements radicaux dans la politique nationale au début des années 1990. En 1993, un système électoral mixte a été instauré, dans lequel 75 % des sièges parlementaires sont attribués selon un système électoral majoritaire à un tour d’inspiration britannique et 25 % selon une méthode de représentation proportionnelle. Les deux chambres, le Sénat et la Chambre des députés (qui comptent respectivement 315 et 630 membres), se distinguaient dans la manière dont elles attribuaient les sièges proportionnels, mais elles ont continué à jouir des mêmes prérogatives que celles qui avaient été établies par la Constitution [13]. Au-delà de la réforme électorale entre 1992 et 1994, l’Italie a assisté à l’implosion du secteur central de l’ancien régime des partis, sous l’effet combiné de pertes électorales, de poursuites judiciaires, de luttes entre partis et des conséquences du nouveau système électoral majoritaire. Les élections de 1994 ont été celles de la concurrence entre de nombreuses forces électorales nouvelles, dont certaines résultaient de divisions, de changements et de réformes au sein des partis traditionnels, et d’autres constituaient de tout nouveaux acteurs politiques et électoraux. Ces élections ont été remportées par une coalition de centre-droit, composée de Forza Italia (FI), Alleanza Nationale (AN), la Ligue du Nord (LN) et le Centre Chrétien-Démocrate (CCD, un des partis chrétiens-démocrates résultant de la scission de l’ancienne DC), mais le nouveau gouvernement dirigé par Silvio Berlusconi ne dura que sept mois en raison de l’extrême hétérogénéité de cette alliance, et un gouvernement technique prit le relais jusqu’aux élections de 1996. Pour la première fois, en 1996, deux grandes coalitions rivales avec à la tête de chacune un dirigeant identifiable, le candidat au poste de premier Ministre, se sont affrontées dans des élections législatives, qui ont été remportées par la coalition de centre-gauche, composée du Parti démocratique de la gauche (d’anciens membres du PCI qui avaient accepté la transformation du parti au début des années 1990) et le Parti populaire italien (un autre parti chrétien-démocrate résultant de la scission de l’ancienne DC), qui avait formé une nouvelle alliance appelée « l’Olivier » avec d’autres petits partis du centre et avec les Verts. Les élections de 2001 ont été considérées par de nombreux spécialistes comme un tournant décisif entre l’ancien système politique et le nouveau [14]. Pour la première fois dans l’histoire de l’Italie, un gouvernement en place luttait pour le pouvoir avec une opposition identifiable et clairement alternative, ce qui créa l’attente légitime d’une alternance entre les deux coalitions différentes, qui eut finalement lieu. La Maison des Libertés (La Casa delle Libertà), coalition de centre-droit composée de Forza Italia, Alleanza Nazionale, la Ligue du Nord et la CCD-CDU (Union des chrétiens-démocrates) remporta les élections et forma un nouveau gouvernement dirigé par Silvio Berlusconi, qui « survécut » (en dépit des nombreux remaniements ministériels) jusqu’à la fin de la législature en 2006.

15En ce qui concerne le processus législatif italien, on distingue trois phases principales : l’initiative (iniziativa), l’approbation (approvazione) et la promulgation (integrativa dell’efficacia). Le parlement peut passer par trois processus différents, définis selon la procédure employée pour débattre, voter et approuver une proposition et le rôle joué par les commissions au cours du processus proprement dit : sede referente (séance de référence, généralement considérée comme le processus ordinaire), sede redigente (séance d’élaboration) et sede deliberante (séance législative). Au cours de la Première République et plus particulièrement après la réforme des règles de procédure parlementaire de 1971, le processus plus court en sede deliberante fut le plus fréquemment utilisé. Les commissions étaient, en effet, l’arène préférentielle entre la majorité et l’opposition, et une grande part de la législation était alors approuvée par ce canal. Des réformes ultérieures des règles de procédure parlementaire sont intervenues dans les années 1990, le principe de la majorité a remplacé celui de l’unanimité, afin de rencontrer les besoins de la concurrence majoritaire introduite par le nouveau système électoral, et le processus d’élaboration des lois qui a alors été de plus en plus fréquemment utilisé est le processus ordinaire, en sede referente. Étant donné que la Constitution italienne accorde aux deux Chambres les mêmes pouvoirs législatifs, elles doivent toutes deux approuver tous les textes législatifs et disposent toutes deux des mêmes options de procédure. Par conséquent, une fois qu’une proposition de loi est adoptée par la Chambre basse, elle doit être soumise à l’autre chambre.

16En ce qui concerne le Royaume-Uni, ce pays fut certainement considéré comme le modèle idéal de système bipartite jusque dans les années 1970, car il avait toujours été caractérisé par la concurrence entre deux grands partis, s’opposant lors des élections dans le but de former un gouvernement unipartite. Selon de nombreux experts, ce modèle commença à péricliter au cours des années 1970 suite au désalignement partisan et de classe, à l’émergence des questions post-matérialistes et au problème de l’européanisation qui transcendent le fossé traditionnel entre les partis. Ces changements ont eu pour conséquences l’érosion du vieux duopole du système bipartite et le retour des libéraux (aujourd’hui libéraux-démocrates) en tant que parti relativement fort (en termes de votes, mais pas en termes de sièges parlementaires), même si les Conservateurs et les Travaillistes continuaient à monopoliser le contrôle du gouvernement. Lors de la rédaction de cet article, le parti travailliste est au gouvernement depuis 1997 et même si sa part de marché électoral a nettement diminué, la division du vote anti-travailliste a conduit à cette situation hégémonique (qui était exactement à l’opposé pendant presque deux décennies, jusqu’en 1997).

17La Chambre des Communes (CC) est la Chambre basse du parlement britannique, qui comprend également le Souverain et la Chambre haute, c’est-à-dire la Chambre des Lords, mais la CC est la branche dominante et le seul organe élu démocratiquement. Les 659 membres de la CC sont élus dans des districts à un seul membre au moyen d’un système électoral majoritaire à un tour, ce qui a d’énormes implications pour la concurrence entre les partis et la responsabilité du gouvernement. Le parti qui emporte le plus de sièges – généralement, mais pas nécessairement, celui qui obtient la majorité des votes lors d’élections législatives – forme le gouvernement, et son leader devient automatiquement Premier ministre, tandis que le plus grand parti minoritaire devient l’Opposition officielle.

18La procédure appliquée en Grande-Bretagne pour l’adoption de différents types de propositions de loi est assez semblable dans les deux Chambres. Une proposition doit franchir différentes étapes pour devenir une loi et ces étapes ont lieu dans les deux Chambres : première lecture (introduction officielle de la proposition sans débat) ; seconde lecture (débat général) ; étape de l’étude en commission (examen détaillé, débat et amendements : dans la CC cette étape prend la forme d’une commission de loi d’intérêt public) ; étape du rapport (possibilité d’ajouter de nouveaux amendements) ; troisième lecture (dernière possibilité de débat – possibilité d’amendements par la Chambre des Lords). Lorsqu’une proposition de loi est passée par les deux Chambres, elle revient à la première (là où elle a débuté son parcours) qui peut alors analyser les amendements de la seconde. Les deux Chambres doivent s’accorder sur le texte final. Même si cela ne semble pas être le cas, la procédure de vote du parlement britannique est assez particulière.

19La CC vote à la majorité, mais cela ne se produit pas toujours [15]. La compréhension de cette procédure est fondamentale pour mieux appréhender, par la suite, les résultats de notre analyse. L’élément le plus important à garder en mémoire est le fait que toute la législation n’est pas soumise à un vote formel (à la majorité) du parlement. S’il existe un accord entre les partis sur une proposition de législation, alors aucun vote n’a lieu, étant donné que les partis ne font pas voter une Chambre lorsqu’ils sont d’accord. Par conséquent, comme nous le verrons plus tard, chercher des exemples de consensus en observant les résultats des votes dans une Chambre peut fausser la recherche, parce que l’existence d’un vote sur une question particulière constitue déjà un signe de désaccord parmi les groupes parlementaires.

20Pour effectuer cette comparaison des oppositions parlementaires italienne et britannique, sont prises en considération deux législatures récentes pour chaque cas : les deux législatures de 1996 à 2001 et de 2001 à 2006 en Italie, et celles de 1997 à 2001 et de 2001 à 2005 au Royaume-Uni.

21J’examine un certain nombre de votes importants qui ont eu lieu dans les deux Chambres basses, en concentrant l’analyse sur trois domaines spécifiques : les politiques budgétaires, sociales et étrangères [16]. Comme mentionné précédemment, plusieurs analyses de la composition des majorités soutenant une proposition de législation ont montré que, dans la plupart des démocraties parlementaires, le soutien dépasse les initiateurs de la proposition et leurs partis. Mais alors qu’est-ce qui influence ce comportement ? Une analyse plus approfondie des données sur le comportement de vote révèle que cette tendance au consensus est essentiellement influencée par l’enjeu [17]. On enregistre généralement le niveau le plus élevé de consensus pour les questions concernant l’intérêt national qui touche l’ensemble des électeurs : les affaires étrangères et la défense sont de bons exemples de ce type de questions. Par ailleurs, étant donné que les partis sont censés représenter différents intérêts socio-économiques au sein de l’électorat, on assiste généralement à des votes sur des politiques économiques et sociales qui concernent directement ces intérêts [18]. Le succès électoral est intimement lié à la capacité du gouvernement à conduire l’économie du pays : l’électorat continue à sanctionner l’incompétence perçue dans le domaine de la politique économique (et sociale). Ce sont les raisons principales pour lesquelles l’analyse se centre sur ces trois domaines politiques spécifiques.

22Notons que ces domaines sont utilisés avant tout comme variable de contrôle, afin de tester les hypothèses de recherche dans les deux pays étudiés et obtenir une comparaison qui soit aussi valide et fiable que possible. Il n’est pas possible, en effet, d’examiner le comportement de vote de l’opposition sur chaque proposition de législation votée dans les deux parlements en question. C’est pourquoi j’ai décidé de centrer mon attention sur ces trois secteurs de politique publique qui sont assez différents les uns des autres, mais sont communs aux deux systèmes étudiés. Les questions relevant des secteurs de la politique budgétaire, sociale et étrangère font en effet généralement l’objet d’un débat et d’un vote dans toutes les démocraties parlementaires de l’Europe occidentale. Cela permet de vérifier si l’opposition vote ou non de manière homogène, se comportant comme une entité unique et si la stratégie de vote qu’elle adopte vis-à-vis du gouvernement est essentiellement antagoniste ou consensuelle. Par la suite, la même analyse permettra également de vérifier si la variation en ce qui concerne le secteur de politique publique correspond à une variation significative du comportement de vote de l’opposition et si on peut dès lors parler d’une opposition axée sur les enjeux, plutôt que d’une opposition systémique.

L’opposition au parlement : unie ou divisée ?

23Dans cette partie, j’illustre les principaux résultats obtenus par l’analyse du degré de cohésion interne de l’opposition parlementaire lors des votes pour l’adoption de projets de loi (en particulier, le projet de loi de finances annuel et un choix de quelques propositions en matière de politique sociale et de politique étrangère). Le tableau 1 représente l’indice de cohésion mesuré par rapport aux votes mentionnés, en Italie entre 1996 et 2001 (lorsque l’opposition était composée d’une coalition de partis de centre-droit) et de 2001 à 2006 (lorsque l’opposition était composée d’une coalition de partis de centre-gauche) et au Royaume-Uni entre 1997 et 2005 (lorsque l’opposition officielle était représentée par le parti conservateur).

24Si l’on observe le tableau 1, on constate que les degrés de cohésion des coalitions de l’opposition italienne diffèrent légèrement l’un par rapport à l’autre : l’indice de cohésion de la coalition de centre-droit est de 0,69 tandis que celui de la coalition de centre-gauche est de 0,79. Toutefois, dans les deux cas, cet indice est relativement élevé, confirmant ainsi l’idée selon laquelle le niveau de cohésion des membres de l’opposition dans un système multipartite est positivement corrélé au point auquel les coalitions sont identifiées avant les élections : en Italie, depuis 1993, le système électoral procure un avantage aux coalitions pré-électorales et, par conséquent, se traduit également par une plus forte cohésion des partis de l’opposition, qui ont l’espoir/la volonté légitime de remplacer le gouvernement en place lors des prochaines élections.

25L’indice de cohésion de l’opposition britannique, représentée par le parti conservateur au cours des deux législatures étudiées, est très élevé. Comme nous l’avons vu plus haut, un indice égal à 1 représente le degré le plus élevé de cohésion parmi les membres de l’opposition, lorsque tous les membres d’un parti (ou d’une coalition de partis) votent de la même façon. Le degré de cohésion de l’opposition britannique est ici de 0,99, ce qui signifie qu’il est proche du maximum. Depuis 1997, certains parlementaires conservateurs ont décidé de se rebeller contre leur chef de file, en votant différemment de la ligne du parti, dans des cas précis : parmi les votes examinés dans cette étude, cela s’est produit en particulier sur des questions de politique étrangère et plus spécifiquement sur des questions concernant la résolution de crises internationales (où on a également enregistré des rébellions parmi les membres du parti travailliste). Mis à part ces quelques rares cas, la discipline de parti joue toujours son rôle à la Chambre des Communes britannique, et l’opposition officielle est donc aussi unie que le parti au pouvoir.

26En conclusion, ces données montrent une différence significative entre les deux cas étudiés en ce qui concerne le degré de cohésion interne de l’opposition au parlement. Dans la partie suivante, nous verrons si cette variation est également confirmée ou non pour ce qui concerne la stratégie adoptée par l’opposition vis-à-vis des propositions du gouvernement.

Tableau 1

Indice de cohésion de l’opposition officielle italienne (1996-2006) et britannique (1997-2005) [19]

Tableau 1

Indice de cohésion de l’opposition officielle italienne (1996-2006) et britannique (1997-2005) [19]

L’opposition parlementaire : entre conflit et consensus

27La seconde hypothèse à tester était fortement liée à la première : alors que la variation des variables systémiques influence effectivement le degré de cohésion interne de l’opposition parlementaire, on peut s’attendre à trouver un lien plus faible entre ces variables et le comportement de vote de l’opposition par rapport aux initiatives du gouvernement. Afin de tester cette hypothèse, l’indice d’opposition a été calculé sur la base du vote final exprimé pour les mesures approuvées, dans les trois secteurs politiques choisis, à la Chambre basse. Cet indice résulte du rapport entre le nombre de votes de l’opposition contre la proposition en question et le nombre total de votes de l’opposition.

28Le tableau 2 représente la valeur moyenne de l’indice d’opposition pour chacun des principaux groupes minoritaires à la Chambre des députés italienne entre 1996 et 2001, en distinguant les enjeux. La valeur moyenne pour Alleanza Nazionale est de 0,99 pour le projet de loi de finances, de 0,3 pour les questions de politique sociale et de 0,19 pour les questions de politique étrangère. La valeur moyenne pour le CCD est de 1,0 pour le projet de loi de finances, de 0,3 pour les questions de politique sociale et de 0,15 pour les questions de politique étrangère. Les chiffres pour Forza Italia sont respectivement de 0,98, 0,3 et 0,16 pour le projet de loi de finances, les questions de politique sociale et les questions de politique étrangère. Et enfin pour la Ligue du Nord, ces chiffres sont respectivement de 1,0, 0,56 et 0,55.

Tableau 2

Indice d’opposition des partis d’opposition de centre-droit en Italie (1996-2001), par secteur de politique publique [20]

Tableau 2

Indice d’opposition des partis d’opposition de centre-droit en Italie (1996-2001), par secteur de politique publique [20]

29Sur la base de ces données, la Ligue du Nord semble être le parti qui adopte la position la plus antagoniste vis-à-vis des propositions législatives du gouvernement, au sein de la coalition des partis de centre-droit.

30Le tableau 3 illustre la valeur moyenne de l’indice d’opposition pour chacun des trois groupes minoritaires à la Chambre des députés entre 2001 et 2006 par secteur de politique publique. La valeur moyenne pour les Democratici di Sinistra (DS) est de 1,0 pour le projet de loi de finances, 0,36 pour les questions de politique sociale et de 0,27 pour les questions de politique étrangère ; pour Margherita, ces valeurs sont respectivement de 1,0, 0,35 et 0,25 pour le projet de loi de finances, les questions de politique sociale et les questions de politique étrangère, et enfin pour Rifondazione Comunista (RC), ces valeurs sont de 1,0, 0,5 et 0,8. Sur la base de ces résultats, la RC semble donc être la formation politique la plus antagoniste par rapport aux propositions législatives du gouvernement, parmi les partis de la coalition de centre-gauche. Cependant, comme nous avons pu le constater au travers de ces données, l’indice d’opposition varie nettement en fonction du secteur de politique publique, et ce, pour la plupart des partis italiens dans l’opposition. Le degré d’opposition envers le projet de loi de finances est le plus élevé pour tous les partis dans l’opposition (il est égal à 1,0 dans la plupart des cas). Cette tendance négative se transforme clairement en un plus haut degré de consensus si l’on observe les propositions relatives à la politique sociale et surtout les questions de politique étrangère.

Tableau 3

Indice d’opposition des partis d’opposition de centre-gauche en Italie (2001-2006), par secteur de politique publique [21]

Tableau 3

Indice d’opposition des partis d’opposition de centre-gauche en Italie (2001-2006), par secteur de politique publique [21]

31L’exception à cette tendance est représentée par la LN, parmi les partis de centre-droit, et par la RC, parmi les partis de centre-gauche. La différence entre les partis italiens de l’opposition traditionnelle et la LN et la RC peut être expliquée en se référant à la propriété des enjeux (issue ownership) de ces deux partis, qu’ils ont tendance à respecter aux yeux de leurs électeurs, étant donné qu’elle constitue une des principales sources de leur succès électoral. « La thèse de la propriété des enjeux – proposée pour la première fois par John Petrocik [22] et soutenue ensuite par de nombreux autres scientifiques – affirme que les électeurs identifient les partis aux enjeux : s’ils pensent à l’enjeu, ils pensent au parti. La propriété des enjeux est une question de réputation : si les partis sont crédibles et fiables sur certains enjeux, ils sont considérés comme mieux à même que d’autres de gérer le problème à traiter » [23]. La perception de la propriété des enjeux par les électeurs est essentielle pour tous les partis et, surtout, pour les partis qui sont identifiés à un groupe ou un intérêt particulier : on s’attend généralement à ce que les partis traditionnels aient de moins fortes tendances à la propriété des enjeux, tandis que les partis plus nouveaux, plus militants, tendent à être plus fortement identifiés à des enjeux spécifiques et plus enclins à respecter leurs positions « publiques » à leur sujet. Plus il en coûtera à un parti de se départir de la position qu’il a annoncée précédemment, moins un consensus complet sera possible : lorsque « l’enjeu est politiquement significatif et/ou lorsqu’un parti ne peut trouver de raison pour justifier un changement de politique, le consensus devient plus difficile » [24]. Et c’est particulièrement vrai pour les partis plus nouveaux et plus petits qui sont fortement associés à quelques enjeux spécifiques, tels que la Ligue du Nord et la RC en Italie. Certaines questions comme l’immigration, le régionalisme et, par conséquent, la politique étrangère sont extrêmement importantes pour l’image de la Ligue du Nord, ce qui influence inévitablement son comportement de vote au parlement. On peut tenir le même raisonnement pour la RC d’extrême gauche, en ce qui concerne les questions telles que la résolution des crises internationales. Ces deux partis, situés aux deux extrémités de l’axe gauche-droite, ont un sens très développé de la propriété des enjeux, particulièrement dans certains domaines politiques, ce qui explique la différence de leur comportement par rapport à celui des autres partis traditionnels dans l’opposition.

32Au Royaume-Uni, les deux principaux partis couvrent toutes les dimensions d’enjeux dans leurs programmes. Par conséquent, il est difficile pour un troisième parti de remporter les élections, non seulement en raison de la spécificité du système électoral, mais également en raison de l’idée profondément ancrée que l’électorat se fait de l’identité de chaque parti. Seuls les partis nationalistes écossais et gallois ont quelques chances de l’emporter sur leur propre territoire, parce que la forte tendance à la propriété des enjeux qui les caractérise, permet à leur électorat de les reconnaître et incite à voter pour eux : leur revendication d’indépendance pour l’Écosse et le Pays de Galles. C’est la raison pour laquelle je crois que le comportement de certains partis au parlement, et en particulier certains petits partis fortement identifiés, s’explique simplement par leur propre tendance à la propriété des enjeux.

33Le tableau 4 illustre l’indice d’opposition du Parti conservateur (l’opposition officielle britannique à partir de 1997) à la Chambre des Communes. Comme dans le cas de l’Italie, nous pouvons observer que l’opposition modifie son comportement de vote en fonction du secteur de politique publique. Nous voyons que le degré d’opposition change légèrement en fonction du problème débattu, mais pas de manière aussi évidente que dans le cas précédent. En ce qui concerne le projet de loi de finances, le parti d’opposition adopte une attitude totalement antagoniste et vote toujours contre les propositions du gouvernement, avec un indice d’opposition égal à 1,0. Dans le domaine de la politique étrangère, ce comportement change légèrement, et l’opposition semble plus encline au consensus, avec un indice égal à 0,86. Enfin, à mi?chemin entre les deux, se trouve l’attitude vis-à-vis des questions de politique sociale, avec un indice d’opposition égal à 0,9.

Tableau 4

Indice d’opposition du Parti conservateur britannique (1997-2005), par secteur de politique publique

Tableau 4

Indice d’opposition du Parti conservateur britannique (1997-2005), par secteur de politique publique

34Les résultats obtenus en calculant l’indice d’opposition, dans le cas du Royaume-Uni, ne semblent pas suffisants pour prouver clairement l’efficacité des hypothèses de recherche au sujet de la stratégie adoptée par l’opposition parlementaire dans sa confrontation avec le gouvernement et le rôle que joue l’enjeu dans ce contexte. La partie suivante est donc consacrée à ce cas spécifique.

Le cas (apparemment) singulier de l’opposition parlementaire britannique

35Ce dont il convient de se souvenir lorsque nous observons les données du cas britannique, c’est qu’il est inhabituel d’assister à un vote si l’enjeu ne donne lieu à aucune controverse. S’il existe un accord entre les partis sur une proposition de loi, aucun vote n’a lieu, parce que les partis ne font pas voter la Chambre lorsqu’ils sont d’accord. Cela signifie que tous les votes examinés dans la présente étude étaient d’emblée censés provoquer une situation antagoniste. En effet, s’il en avait été autrement, les partis n’auraient pas fait voter la Chambre du tout. C’est pourquoi on peut reprocher un inévitable biais dans les données qui font apparaître l’opposition britannique comme plus antagoniste qu’elle ne l’est réellement, même dans des domaines qui sont habituellement assez consensuels.

36Le tableau 5 représente le nombre de projets de loi sur lesquels les rangs conservateurs ont choisi de faire voter la Chambre lors de la seconde et/ou de la troisième lecture, entre 1997 et 2005 [25]. Sur la base de ces données, nous pouvons observer que l’idée selon laquelle toutes les lois britanniques donnent lieu à une politique antagoniste est fausse. Le pourcentage de projets de loi du gouvernement contestés par l’opposition conservatrice entre 1997 et 2001 est de 41 %, et il diminue jusqu’à 32 % entre 2001 et 2005.

37Par conséquent, la politique britannique est plus consensuelle que beaucoup de gens ne le pensent, mais lorsque des votes ont lieu à la Chambre, il est assez rare de voir l’opposition voter dans le même sens que le gouvernement. C’est pourquoi le chiffre que nous avons obtenu des votes analysés était plus conflictuel qu’attendu : la plupart des lois adoptées, particulièrement en matière de politique étrangère, l’ont été sans passer par un vote formel à la Chambre.

Tableau 5

Nombre de votes à la Chambre des communes1997-2005 [26]

Tableau 5
Session Projets de loi du gouvernement Projets de loi contestés par les rangs conservateurs En pourcentage des projets de loi du gouvernement 1997-98 53 19 36 1998-99 31 15 48 1999-00 42 19 45 2000-01 28 10 36 Total (1997-2001) 154 63 41 2001-02 39 12 31 2002-03 36 15 42 2003-04 35 12 34 2004-05 34 7 21 Total (2001-2005) 144 46 32

Nombre de votes à la Chambre des communes1997-2005 [26]

38Il n’existe aucune archive des projets de loi adoptés sans vote formel de la Chambre des Communes, en fonction des domaines politiques. Afin de résoudre partiellement ce problème, j’ai préparé un bref questionnaire que j’ai ensuite soumis à tous les greffiers des commissions parlementaires britanniques [27]. Grâce à cette méthode, j’ai obtenu un double résultat : le questionnaire a fourni un plus grand nombre de données, qui n’auraient pas été disponibles autrement, et il donne l’impression qu’il existe un troisième élément qui influencerait le comportement de l’opposition au parlement. Le tableau 6 illustre la perception des personnes interrogées au sujet du degré de consensus entre la majorité et l’opposition dans certains domaines politiques spécifiques. Comme nous pouvons l’observer, sur une échelle de 1 à 10, si l’on excepte les dépenses publiques (les prévisions budgétaires), la politique étrangère est considérée comme le domaine le plus consensuel parmi ceux que nous examinons dans notre étude (5,33), suivie par les affaires sociales (5,94), tandis que le projet de loi de finances (qui concerne essentiellement les augmentations de taxes) est considéré comme le plus conflictuel des trois (6,33).

Tableau 6

Résultats du questionnaire pour la réponse à la question : « Selon votre expérience, est-il difficile de dégager un accord entre la majorité et l’opposition sur les questions suivantes ? [28]

Tableau 6

Résultats du questionnaire pour la réponse à la question : « Selon votre expérience, est-il difficile de dégager un accord entre la majorité et l’opposition sur les questions suivantes ? [28]

39Pour conclure, l’analyse du comportement de vote de l’opposition officielle britannique a fait apparaître une attitude différente en fonction du secteur de politique publique, même si cette différence était moins évidente que dans le cas italien, où toute la législation doit être soumise à un vote formel du parlement. Toutefois, les réponses fournies par les greffiers des commissions de la Chambre des Communes ont apporté une confirmation de cette tendance. La stratégie de vote de l’opposition parlementaire tant en Italie qu’au Royaume-Uni varie en fonction du secteur de politique publique, passant d’un comportement hautement antagoniste dans le domaine budgétaire à une attitude consensuelle dans celui de la politique étrangère, tandis que le secteur de la politique sociale se situe à mi-chemin.

Conclusion

40Les données rassemblées ont permis de vérifier les principales hypothèses de recherche émises au début de ce travail et de tirer quelques conclusions pertinentes sur les principales caractéristiques de l’opposition dans les démocraties parlementaires contemporaines. Les variables dépendantes de cet article étaient la cohésion interne de l’opposition et la stratégie qu’elle adopte lorsqu’elle vote sur des projets de loi. L’objectif était de vérifier si ces deux variables changent en fonction des facteurs systémiques qui distinguent les deux systèmes parlementaires en question. Il est apparu que la première variable change effectivement en fonction de la variation des systèmes électoraux et des régimes des partis ainsi qu’en fonction de la force et de la composition des exécutifs, tandis que la seconde est moins sensible à la variation de ces facteurs systémiques et est davantage influencée par l’intervention d’une autre variable, à savoir le secteur de politique publique en jeu. L’opposition modifie son comportement de vote selon l’enjeu, et cette relation a été démontrée dans les deux systèmes analysés, même si, dans le cas britannique, cette dynamique était moins marquée, en raison de sa procédure particulière de vote.

41La dernière question de recherche à laquelle il nous faut répondre à présent est la suivante : les résultats obtenus à partir des données rassemblées suffisent-ils pour parler d’une opposition axée sur les enjeux plutôt que d’une opposition systémique ? Nous devrions toujours distinguer deux dimensions séparées pour étudier l’opposition parlementaire : une dimension interne et une dimension externe, car elles sont toutes deux essentielles à la pleine compréhension de la variation de son comportement et nous ne pouvons choisir de définir l’opposition exclusivement comme soit systémique, soit axée sur les enjeux. En effet, selon les données collectées, l’opposition parlementaire se comporte de manière systémique dans tout ce qui concerne les rapports entre ses propres membres et donc sa cohésion organisationnelle, mais elle axe ses réactions sur les enjeux dans ses rapports avec le gouvernement : son comportement ne varie donc pas d’antagoniste à consensuel et vice-versa, en fonction du système dans lequel elle se trouve, mais plutôt en fonction de l’enjeu débattu. Par conséquent, ce que nous avons montré à l’issue de cette analyse de l’opposition dans deux systèmes parlementaires, c’est la cohabitation entre une opposition axée sur les enjeux et une opposition systémique.

Notes

  • [1]
    DAHL R.A., (dir.), Political Oppositions in Western Democracies, New Haven and London, Yale University Press, 1966, p. xiii (trad. de M. Luciani, Paris, Futuribles, 1966, p. 9).
  • [2]
    Voir IONESCU G. and DE MADARIAGA I., Opposition-Past and Present of a Political Institution, London, The New Thinker Library, 1968.
  • [3]
    Voir DUVERGER M., Les partis politiques, Paris, Colin, 1951 ; SARTORI G., « Opposition and Control : Problems and Prospects », Government and Opposition, vol. A, n°2, 1966 ; OBERREUTER H., (dir.), Parlamentarische Opposition. Ein Internationaler Vergleich, Hamburg, Hoffman and Campe, 1975 ; PULZER P., Is there life after Dahl ?, 1987, in KOLINSKY E., (dir.), Opposition in Western Europe, London and Sidney, Croom Helm ; FABBRINI S., Quale Democrazia, Bari, Laterza, 1994 ; PASQUINO G., L’opposizione, Bari, Laterza, 1995 ; FLANAGAN T., The Uneasy Case for Uniting the Right, Public Policies Sources, n°53, 2001.
  • [4]
    Pour appuyer cette hypothèse, je vous renvoie au Journal of Legislative Studies, vol. 14, n°1, 2008 et en particulier à HELMS L., Studying Parliamentary Opposition in Old and New Democracies : Issues and Perspectives, p. 6-19 et NORTON P. , Making Sense of Opposition, p. 236 – 250.
  • [5]
    DAHL R.A., op. cit., 1966, p. xviii.
  • [6]
    Voir KAISER A., « Parliamentary Opposition in Westminster Democracies : Britain, Canada, Australia and New Zealand », The Journal of Legislative Studies, vol. 14, n°1, 2008, p. 20-45.
  • [7]
    Le terme « cohésion » se réfère généralement au vote unifié des parlementaires appartenant à un parti politique. Ce concept est un terme législatif (ou parlementaire) et l’acte est le vote au parlement, particulièrement en séance plénière. L’objet est en général le groupe parlementaire en tant qu’entité unique (voir OLSON D., « Cohesion and Discipline Revisited : Contingent Unity in the Parliamentary Party Group », The Journal of Legislative Studies, vol. 9, n°4, 2003). Dans le cas présent, l’objet est l’opposition parlementaire en tant qu’entité unique, si c’est le cas, ou l’absence d’opposition parlementaire en tant qu’entité unique, si n’est pas le cas.
  • [8]
    Voir KAISER A., op. cit., 2008.
  • [9]
    Cet indice de cohésion ne tient pas compte des abstentions exprimées par l’opposition pour une raison empirique : dans certains parlements (tels que le parlement britannique), un parlementaire n’a aucun moyen d’enregistrer une abstention. Par conséquent, pour la validité de la comparaison, j’ai décidé de ne pas non plus tenir compte des abstentions dans les parlements où elles sont en fait enregistrées (comme au parlement italien).
  • [10]
    Étant donné les différents rôles et pouvoirs attribués à la Chambre haute en Italie et au Royaume-Uni, j’ai décidé de centrer mon analyse uniquement sur la Chambre basse (la Chambre haute italienne, le Sénat, a presque les mêmes prérogatives que la Chambre basse, la Chambre des députés, tandis que la Chambre haute britannique, la Chambre des Lords, n’est pas une chambre élective, car encore partiellement héréditaire et aristocratique, avec des prérogatives très différentes de celle de la Chambre des Communes).
  • [11]
    L’un des résultats les plus intéressants de l’analyse de Richard Rose (voir ROSE R., Do parties make a difference ?, London et Basingstoke, Macmillan Press LTD, 1984) fut que, tandis que le modèle conventionnel du gouvernement britannique supposait autrefois que les partis étaient des adversaires et les opposaient l’un à l’autre dans les débats parlementaires de même que dans les élections législatives, la réalité était quelque peu différente. Comme en attestent les archives parlementaires de deux législatures (1970-1974 et 1974-1979) conduites par des majorités alternatives (respectivement conservatrice et travailliste), le consensus était beaucoup plus fréquent qu’on ne pourrait s’y attendre. « Les partis sont peut-être dans l’opposition, au sens où ils ne sont pas dans le gouvernement, mais ils ne s’opposent pas nécessairement au gouverment de manière continue » (NORTON P. , op. cit., 2008, p. 241). De la même manière, l’analyse de la composition des partis dans les majorités soutenant la législation, menée tout d’abord par Franco Cazzola et ensuite par Giuseppe Di Palma (voir CAZZOLA F., Governo e opposizione nel Parlamento italiano, Milano, Giuffrè, 1974 ; DI PALMA G., Surviving without Governing, Berkley, California University Press, 1977), dans les cinq premiers parlements italiens, a révélé que le soutien dépassait souvent les auteurs de ces propositions et leurs partis. Selon Di Palma, dans aucun de ces parlements, le vote d’une loi n’a obtenu en moyenne moins de 75 % des votes exprimés : une moyenne qui n’aurait pas pu être atteinte par le seul vote de la majorité parlementaire, même en supposant que ces majorités soutenaient toujours chaque proposition de manière homogène – ce qui n’était pas toujours le cas, en Italie. Ce qui est encore plus marquant, c’est que le PCI adoptait un comportement largement favorable aux propositions de loi déposées par le gouvernement ou par des membres de la majorité parlementaire : plus de 70 % des propositions déposées par le gouvernement ou uniquement par des députés démocrates-chrétiens ont été approuvées avec un vote du parti communiste, qui a toujours été qualifié de parti anti-système et d’opposition permanente et irresponsable (voir SARTORI G., op. cit., 1966).
  • [12]
    Voir MÚJICA A. et SÁNCHEZ-CUENCA I., « Consensus and Parliamentary Opposition : The Case of Spain », Government and Opposition, vol. 41, n°1, 2006, p. 86-108.
  • [13]
    En 2005, une nouvelle réforme électorale a réintroduit la représentation proportionnelle, dans une configuration très différente, cependant, de la règle de représentation proportionnelle presque totale qui était de mise en Italie entre 1948 et 1993. Toutefois, la période sur laquelle je me concentre ici est caractérisée par le système électoral mixte, qui a fortement influencé le système politique italien de nombreuses manières.
  • [14]
    Voir FABBRINI S., GILBERT M., « The Italian General Election of 13 May 2001 : Democratic Alternation or False Step ? », in Government and Opposition, vol. 36, n°4, 2001 ; PASQUINO G., Dall’Ulivo al governo Berlusconi, Bologna, Il Mulino, 2001.
  • [15]
    Les Règlements 38-41 stipulent que : « Lorsqu’une motion est soumise au vote, le Président (ou un vice-président) déclare : La question est la suivante … [par exemple, la proposition de loi est lue pour la seconde fois]. Que ceux et celles qui partagent cet avis disent Oui – s’ensuit alors un concert de Oui – ou au contraire disent Non – et s’ensuit alors un concert semblable de Non – Je pense que les Oui l’emportent. Si ensuite se font entendre des cris de Non, le Président propose le vote en annonçant Clear the Lobbies (Dégagez les vestibules). Les sonneries d’appel retentissent dans l’ensemble du bâtiment, les tableaux indicateurs affichent la mention Vote et les parlementaires regagnent leurs sièges à la Chambre, où, pour les votes qui suivent les directives des partis, les chefs de file ont pour mission de rappeler aux parlementaires incertains dans quel sens (si nécessaire) leur parti vote ».
  • [16]
    J’ai analysé le comportement de vote de l’opposition parlementaire sur : le Projet de loi de finances en Italie entre 1996 et 2006 (N=10) ; le Projet de loi de finances au Royaume-Uni entre 1997 et 2005 (N=16). Dans le cadre plus large de la politique étrangère, les questions relatives à l’intégration européenne (ratification des traités de Lisbonne, Amsterdam et Nice en 1997, 1998 et 2002), la Constitution européenne en 2004 et divers débats sur l’Union monétaire européenne et l’élargissement) ; les questions relatives aux crises internationales (la question des Balkans, la guerre au Kosovo et en Serbie en 1999, et la guerre en Afghanistan en 2001 ; la guerre en Iraq et l’intervention militaire à partir de 2003 ; différents débats sur le terrorisme international et les mécanismes à actionner pour y faire face) ; les questions liées à l’aide au développement (Italie, N=39 ; Royaume-Uni, N=19). Dans le cadre plus large de la politique sociale : la santé publique et le système de soins de santé, la sécurité sociale et les réformes liées à l’emploi et au chômage (Italie, N=145 ; Royaume-Uni, N=24). La différence dans le nombre de projets examinés est due à la spécificité du processus législatif britannique : il n’existe aucun registre officiel des projets de loi adoptés sans vote à la Chambre, comme nous le verrons plus en détail dans la dernière partie du présent article.
  • [17]
    Au sujet de l’importance des caractéristiques des enjeux, voir quelques travaux majeurs sur la dynamique de la hiérarchisation des questions à traiter : ZUCKER H.G., « The Variable Nature of News Media Influence », Communication Yearbook, vol. 2, 1978 ; WINTER J.P. et al., « Issue Specific Agenda-Setting : The Whole is Less than the Sum of the Parts », Canadian Journal of Communication, vol. 8, n°2, 1982, p. 1-10 ; YAGADE A. et DOZIER D.M., « The Media Agenda-Setting Effect of Concrete versus Abstract Issues », Journalism Quarterly, vol. 67, n°1, 1990, p. 3-10 ; WATT J.H. et al.., « Agenda-Setting Effects of Television News Coverage and the Effects Decay Curve », Communication Research, vol. 20, n°3, 1993, p. 408-35 ; SOROKA S.N., Agenda-Setting Dynamics in Canada, Toronto, UBC Press, 2002.
  • [18]
    Voir ROSE R., op. cit., 1984.
  • [19]
    Comme je l’ai indiqué, cet indice de cohésion ne tient pas compte des abstentions de l’opposition pour une raison empirique : il n’existe aucun moyen pour un parlementaire à la Chambre des Communes britannique d’enregistrer une abstention. Par conséquent, dans un souci de comparaison, cet indice ne tient pas compte des abstentions à la Chambre des députés italienne non plus. Toutefois, j’ai calculé et comparé le présent indice avec un autre indice qui inclut les abstentions, pour le cas italien, de manière à vérifier la validité de cette mesure. J’ai obtenu une corrélation positive et significative pour les deux législatures italiennes à l’étude : .537** pour la cohésion de l’opposition de centre-droit entre 1996 et 2001 et .389** pour celle de l’opposition de centre-gauche de 2001 à 2006. La valeur relativement faible de cette corrélation (quoique positive et significative dans les deux cas) m’a incité à chercher une explication, que j’ai trouvée en distinguant cet indice de cohésion par enjeu. La corrélation entre les deux indices en ce qui concerne les domaines de la politique budgétaire et de la politique étrangère est, en fait, respectivement de 1,000**/1,000*** et de .861***/.980**. Cette même corrélation pour les domaines de la politique sociale est, en revanche, bien différente : .434** et .271 (et elle n’est même pas significative pour la XIVe législature). La raison pour laquelle nous avons obtenu un tel résultat pour le domaine de la politique sociale est que l’opposition parlementaire s’abstient généralement plus souvent dans ce domaine politique que dans les autres. Par conséquent, même si la valeur de ce nouvel indice de cohésion pour le domaine de la politique sociale reste élevée (parce que, quand l’opposition s’abstient, elle le fait de façon homogène), la corrélation avec le premier indice est inévitablement moins significative qu’on aurait pu s’y attendre. Cependant, comme je l’ai indiqué auparavant, par souci de comparaison entre les deux cas à l’étude, j’ai calculé l’indice de cohésion sans tenir compte des abstentions.
  • [20]
    Les noms des groupes de partis sont : AN – Alleanza Nazionale (Alliance nationale) ; CCD –Centro Cristiano Democratico (Centre démocrate_chrétien) ; FI – Forza Italia (Forza Italia) ; LN – Lega Nord (Ligue du Nord). Malheureusement, tous les partis plus petits inclus dans le Gruppo Misto (Groupe mixte) ont été exclus de notre analyse, en raison du fait que leurs votes ne sont pas enregistrés séparément.
  • [21]
    Les noms des groupes de parti sont : DS – Democratici di Sinistra (Démocrates de gauche) ; Margherita (Marguerite) ; RC – Partito della Rifondazione Comunista (Parti de la refondation communiste). Malheureusement, tous les partis plus petits inclus dans le Gruppo Misto (Groupe mixte) ont été exclus de notre analyse, en raison du fait que leurs votes ne sont pas enregistrés séparément.
  • [22]
    Voir PETROCIK J.R., The Theory of Issue Ownership : Issues, Agendas and Electoral Coalitions in the 1988 Elections, communication présentée lors du congrès annuel de l’American Political Science Association (Association américaine de science politique), Atlanta, 1989 et « Issue Ownership in Presidential Elections », American Journal of Political Science, vol. 40, n°3, 1996, p. 825-50.
  • [23]
    WALGRAVE S. et DE SWERT K., « Where Does Issue Ownership Come From ? From the Party or From the Media ? Issue-Party Identifications in Belgium, 1991-2005 », The Harvard International Journal of Press/Politics, vol. 12, n°1, 2007, p. 37.
  • [24]
    MÚJICA A. et SÁNCHEZ-CUENCA I., op. cit., 2006, p. 99.
  • [25]
    Sont exclus les projets de loi du gouvernement pour lesquels le parti conservateur au parlement disposait d’un vote libre, mais sont inclus les amendements motivés sur la seconde ou troisième lecture. Cependant, dans le cas des votes libres, le chiffre global augmente légèrement : de 32 à 35 % entre 2001 et 2005.
  • [26]
    COWLEY P. , STUART M., « Conservatives in Unity Shocker », communication non publiée, disponible sur le site web www.revolts.co.uk.
  • [27]
    Le questionnaire a été rempli par vingt greffiers de commission travaillant à la Chambre des communes.
  • [28]
    Nous avons demandé aux personnes interrogées de marquer d’une croix le niveau de difficulté qu’elles percevaient pour chaque question sur une échelle de 1 à 10, dans laquelle 1 signifiait « pas difficile du tout » et 10 signifiait « très difficile ».
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