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Article de revue

Putin ex machina : La Russie post-soviétique dans une perspective comparative et historique

Pages 141 à 160

Notes

  • [1]
    En septembre 1993, le président russe Boris N. Eltsine a dissout le Parlement russe par ce qu’il a admis être des moyens extra-constitutionnels ; en provoquant un coup de force au début du mois d’octobre, Eltsine a annoncé un nouveau cycle électoral par lequel un nouveau Parlement serait élu en décembre 1993, et à nouveau en décembre 1995, pour être suivi par un cycle de quatre ans ensuite. Les élections présidentielles ont également été tenues dans des cycles de quatre ans depuis 1996. Ce calendrier a été respecté dans la forme.
  • [2]
    Même au Belarus, Stanislav Shushkevich a perdu la présidence en faveur de son opposant Aleksandr Lukashenko en 1994. Lukashenkoa depuis lors établi une dictature personnelle. En Russie, un premier exemple d’arbitraire présidentiel a été vu dans le fait qu’en décembre 1993 le peupla a été appelé à voter sur une nouvelle constitution au même moment qu’il était en train d’élire un nouveau parlement: que ce serait-il passé si la constitution avait été rejetée, invalidant alors le vote parlementaire ? L’approbation de la constitution d’Eltsine tandis que le parti d’Eltsine recevait à peine un quart du vote parlementaire indique la manipulation de ce référendum par le pouvoir exécutif.
  • [3]
    MOTYL A.J., « Introduction », Nations in Transit, New York, Freedom House, 1997.
  • [4]
    KEENAN E.L., « Moscovite Political Folkways », The Russian Review, vol. 45, 1986.
  • [5]
    SCOTT J.C., Seeing Like a State. How Certain Schemes to Improve the Human Condition Have Failed, New Haven, Yale University Press, 1998, p. 193-222.
  • [6]
    PUTNAM R., Making Democracy Work. Civic Traditions in Modern Italy, Princeton, Princeton University Press, 1993 ; NORTH D.C., Institutions, Institutional Change and Economic Performance Cambridge, Harvard University Press, 1990 ; NORTH D.C., « Economic Performance Through Time », The American Economic Review, vol. 82, n°4, 1992, p. 714 ; COASE R., « The Institutional Structure of Production », The American Economic Review, vol. 84, n°3, 1995, p. 366.
  • [7]
    HEDLUND S., Russia’s « Market » Economy : A Bad Case of Predatory Capitalism, UK, UCL Press, 1999, p.36.
  • [8]
    Ibidem.
  • [9]
    GOLDMAN M., The Piratization of Russia, UK, Routledge, 2003 and LYNCH A.C., How Russia is – Not-Ruled, UK, Cambridge University Press, 2005.
  • [10]
    WEGREN S.K., « Agriculture in the Late Putin Period and Beyond », in WEGREN S.K. and HERSPRING D.R., (eds.), After Putin’s Russia : Past Imperfect, Future Uncertain, Lanham, MD, Rowman & Littlefield, 2010, p. 199-220.
  • [11]
    Pour une interprétation solide du « poutinisme », même si elle est quelque peu idéalisée, voir MIGRANYAN A., « What is Putinism ? », Russia in Global Affairs, April 13, 2004, 17 h 25, sur : www.eng.globalaffairs.ru/region-humanrights/numbers/7/521.html.
  • [12]
    Voir MOTYL A.J., RUBLE B.A., SHEVTSOVA L., (eds.), Russia’s Engagement with the West : Transformation and Integration in the Twenty-First Century, Armonk, NY, M.E. Sharpe, 2005, p. 8-9, 99-120 ; également MARSH L., « Managing Opposition in a Hybrid Regime : Just Russia and Parastatal Opposition », et ROBERTSON G.B., « Managed Society : Protest, Civil Society, and Regime in Putin’s Russia », in Slavic Review, vol. 68, n°3, 2009, p. 504-547.
  • [13]
    Trud, July 20, 2001, cité dans ZEN’KOVIC., Putinskaya Entsiklopediya, Moscow, OLMA-Press, 2006, p. 295.
  • [14]
    REMINGTON T.F., Politics in Russia, 6th ed., Boston, Longman, 2010, p. 9.
  • [15]
    Vladimir Solovev, Putin : Putevoditel’ dlya neravnodushnikh, Moscow, Eksmo, 2008, p. 416.
  • [16]
    Ibidem.
  • [17]
    Ibidem.
  • [18]
    EVANS A.B., Power and Ideology : Vladimir Putin and the Russian Political System, University of Pittsburgh, Center for Russian and East European Studies, Carl Beck Papers, n°1902, 2008, p. 1-4.
  • [19]
    The Wall Street Journal, June 13-14, 2009, p. B12.
  • [20]
    CIA World Factbook, sur : https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook ; voir également HELENIAK T., « Russia’s Population Perils », in WEGREN S.K. and HERSPRING D.R., (eds.), op. cit., 2010, p. 133-158.
  • [21]
    United Nations Development Program, National Human Development Report, 2008 : Russia Facing Demographic Challenges, United Nations, 2009, p. 24, sur : http://hdr.undp.org/en/reports/nationalreports/europethecis/russia/NHDR_Russia_2008_Eng.pdf. La rapport a été rédigé exclusivement par une équipe des principaux démographes de la Russie.
  • [22]
    INOZEMTSEV V., « Dilemmas of Russia’s Modernization », in WEGREN S.K. and HERSPRING D.R., (eds.),, op. cit., 2010, p. 47.
  • [23]
    WEGREN S.K., « Agriculture in the Late Putin Period and Beyond », in WEGREN S.K. and HERSPRING D.R., (eds.), op. cit., p. 213.
« Spread the truth - the laws of economics are like the laws of engineering. One set of laws works everywhere »
Lawrence Summers, alors chef économiste de la Banque Mondiale, October 1991
« Russians compensate for the severity of their laws by ignoring them »
Anonyme

Introduction

1Quelle que soit la vérité du fameux dicton de Winston Churchill selon lequel la Russie est « un puzzle enveloppé dans un mystère à l’intérieur d’une énigme », le fonctionnement du système politique russe contemporain révèle une série d’ironies et de paradoxes qui, au premier abord, apparaissent en effet comme un puzzle. Par exemple :

21. Tandis que toutes les élections nationales ont eu lieu comme prévu depuis 1993, il y a peu de véritables enjeux électoraux pour les leaders de la Russie et leur clientèle politique favorite [1]. À ce jour, la Russie reste le seul pays dans l’Europe post-communiste où le pouvoir exécutif a changé de mains à travers des moyens électoraux sincères, en opposition aux intrigues de tribunaux et aux dépouillements électoraux truqués [2]. Pour donner juste un exemple embarrassant, un statisticien russe indépendant a révélé que, à l’occasion des élections locales tenues à travers la Russie en octobre 2009, le total des votes correspondant aux districts de Moscou, dominés par le gouvernement, se terminait par cinq ou zéro.

32. Tandis que Vladimir Poutine avait réussi à rétablir l’autorité du gouvernement fédéral russe, ce gouvernement reste tout à fait limité dans sa capacité actuelle à gouverner. Par exemple, et dans une des premières réformes initiées par Poutine, un impôt à taux fixe de 13 % a été établi en 2001 : les économistes de Poutine ont calculé que 13 % était le montant maximum que l’État russe pouvait espérer, de manière réaliste, collecter auprès des contribuables russes (en opposition aux 35-50 % ou plus que les démocraties occidentales collectent de manière ordinaire de leurs citoyens). Au début de 2005, le gouvernement russe a dû abandonner une réforme des services sociaux payés en nature face des protestations de grande ampleur venant des citoyens âgés, alors que l’espérance de vie des hommes dans la ville de Moscou est de 69 ans, soit dix ans de plus que la moyenne russe, soulignant ainsi les vastes inégalités qui ont pénétré parmi les classes et les régions et que le gouvernement de Poutine a été incapable de renverser. En fait, l’inégalité économique au sein des régions d’Europe occidentale est beaucoup moins importante que celle dans les quatre-vingt-neuf régions de la Fédération russe.

43. Tandis que Poutine, un ancien officier des services secrets, a rétabli des éléments d’une police d’État russe et obtenu un large soutien public pour sa « forte poigne », la police est l’organisation qui rencontre le plus de méfiance dans la société russe.

54. Le « triomphe » de l’armée russe en Géorgie en août 2008 déclencha une réévaluation complète à Moscou des grandes faiblesses et inefficacités de ses performances de combat que la guerre avait révélées. Des centaines d’officiers furent renvoyés ou rétrogradés et une importante restructuration des forces armées terrestres a ensuite débuté. Le résultat est que la Russie a finalement abandonné les modèles d’organisation militaire de l’ère soviétique qui étaient prédominants depuis la Seconde Guerre mondiale et a procédé à un changement pour une armée dotée de capacités régionales et non plus continentales ou mondiales. La rhétorique des leaders russes au sujet des aspirations d’une Russie comme « grande puissance » a été franchement démentie par les capacités réelles du pays.

65. Alors que la propriété privée est légalement protégée en principe, et que la Russie compte l’un des plus grands nombres de milliardaires dans le monde, les détenteurs d’une grande quantité de capitaux ne sont tranquilles que dans la mesure où ils coordonnent leurs plans économiques et politiques avec ceux du gouvernement. Cette interpénétration du gouvernement et du monde des affaires a nourri une progression de la corruption qui a enrichi les proches du pouvoir tout en appauvrissant les perspectives du pays : la Russie, riche de gaz naturel et de pétrole, reste privée des investissements directs à large échelle nécessaires pour soutenir la position du pays comme puissance énergétique importante dans le futur.

76. Les Russes voyagent en Occident en grand nombre, cependant une grande majorité d’entre eux rejette les valeurs politiques libérales de l’Occident en faveur de l’« ordre » russe.

87. La télévision nationale est contrôlée ou étroitement dirigée par le gouvernement, et même les journaux ou les stations de radio indépendantes pratiquent une auto-censure sérieuse de peur de dépasser les frontières implicites entre leurs informations et la communication du gouvernement, cependant Internet en Russie, à la différence de la Chine, reste non-censuré.

98. L’actuel dirigeant de la Russie Vladimir Poutine a lui-même confessé posséder deux natures, l’une d’entre elles étant allemande. Et Poutine lui-même a bien compris les tensions et les paradoxes qui traversent la vie russe contemporaine et l’identité russe : « Tout Russe qui ne regrette pas la fin de l’Union Soviétique », a-t-il dit en 2004, « n’a pas de cœur, mais tout Russe qui veut un retour de l’Union Soviétique n’a pas de cervelle ».

109. Finalement, la campagne présidentielle russe de 2007-2008 a témoigné de la grande ironie à voir la plupart des Russes (les élites tout comme les masses) sincèrement effrayés que Poutine puisse à la fois observer les termes de la constitution et sortir comme président après ses deux mandats consécutifs légalement permis. À la date prévue, Poutine l’a fait, mais pas avant d’avoir arrangé la solution d’un successeur choisi par lui sous la forme de son protégé Dimitri Medvedev et s’être assuré du poste de premier ministre et de celui de chef du parti dominant Russie Unie au parlement. Le mystère reste : pourquoi Poutine a-t-il quitté la présidence qui reste pourtant la force dominante dans la vie politique russe, alors qu’il pouvait facilement amender la constitution ou tenir un référendum pour étendre son mandat présidentiel ?

11Tout en nous interrogeant sur la signification de ces contradictions apparentes, nous essaierons dans l’analyse qui suit de situer l’évolution et le fonctionnement du système politique de Poutine en termes d’approches à la fois comparatives et historiques. Celles-ci incluent : (a) une comparaison de la Russie post-soviétique avec d’autres États post-communistes, en mettant l’accent sur les héritages respectivement distincts du totalitarisme et de l’empire ; (b) une analyse de la Russie contemporaine en utilisant la catégorie comparative de l’« État pétrolier » et (c) une considération sur la façon dont la Russie de Poutine peut se comparer aux nombreuses « machines politiques » à parti unique qui sont apparues à différentes périodes et dans différents pays, y compris celles des démocraties fonctionnant autrement, comme l’Italie sous les démocrates-chrétiens (1948-1992), le Japon sous les liberaux-démocrates (1955-2009), le Mexique sous le Parti Révolutionnaire Institutionnel (1929-2000), la ville de Chicago sous le maire Richard Daley (1955-1976), et le Sud des États-Unis sous le Parti Démocrate (1878-1965).

La sortie du communisme de la Russie, par comparaison

12Dans quelle mesure la sortie russe du communisme a-t-elle été particulière ? À partir de la perspective des conditions initiales de départ, la Russie post-Soviétique a beaucoup de points communs avec l’Ukraine post-soviétique, avec l’Estonie post-soviétique, et avec d’autres républiques de l’Union Soviétique aussi bien qu’avec de nombreux d’États anciennement communistes de l’Europe de l’Est. Étant donné l’apparente similarité des principaux points de départ, une comparaison avec les États post-communistes devrait fournir un éclairage utile sur le fait de savoir si la Russie possède des caractéristiques distinctes qui peuvent avoir formé sa propre voie post-communiste de développement.

13Les modèles de développement politique et économique dans l’Europe post-communiste suggèrent que l’histoire et la politique sont fortement entrelacées dans la transition de ces États à partir de leur expérience communiste commune. L’expérience de chaque État sous le communisme continue à projeter une influence importante, même si elle demeure déclinante, sur les perspectives de liberté, de prospérité, de stabilité, et de sécurité. La continuité de certains choix politiques spécifiques et de certaines configurations politiques et économiques a servi à différencier les États post-communistes ; « ex uno plura » est un possible résumé de cette réalité émergente. Mais la différenciation au sein de ce paysage post-communiste n’est pas le fruit du hasard. L’émergence de quatre groupes d’États relativement distincts qui peuvent être définis en termes de régions géographiques (correspondant à la nature et au degré de développement post-communiste vers la liberté économique et politique) implique qu’il y a des forces en action profondément implantées, qui poussent ou contraignent les perspectives politiques et économiques d’un État donné. Les quatre régions peuvent être définies largement comme :

  • l’Europe centrale et orientale, s’étendant des États baltes et comprenant la Slovénie et la Croatie ;
  • L’Europe du Sud-Est, avec la Bosnie et l’Albanie, sous la protection des grandes puissances ;
  • le cœur slave de l’ancienne Union Soviétique ;
  • le Caucase et l’Asie Centrale.
En règle générale, il apparaît que plus un État donné est proche de l’Occident (conçu comme le Groupe des Sept démocraties industrielles avancées), géographiquement, historiquement, économiquement, culturellement et diplomatiquement, plus grandes sont ses chances de relever les défis intrinsèques d’établir simultanément la démocratie politique et le capitalisme de marché, d’une façon qui leur permet de se renforcer durablement. De façon intéressante, les pays que nous pouvons considérer comme des démocraties capitalistes consolidées sont toutes situées en Europe centrale et orientale, tandis que les régimes répressifs, avec l’exception de la Biélorussie, sont tous situés en Asie Centrale. Ce que nous pouvons considérer comme les « États hybrides », c’est-à-dire ceux dont les directions politiques et économiques restent fluides, indéterminées et potentiellement instables à court ou moyen terme, sont pour la plupart situés « entre » l’Europe centrale et orientale et l’Asie Centrale.

14Comment pouvons-nous expliquer cette correspondance étroite entre la direction politique et économique, et la situation géographique ? Cinq facteurs apparaissent compter pour la capacité d’un État donné à gérer les dilemmes d’une transition post-communiste. Deux d’entre eux sont historiques par nature et concernent l’impact de l’héritage communiste politique et économique et l’héritage de l’impérialisme dans un État donné ; deux facteurs additionnels concernent les choix politiques qui ont été faits dans la première décennie post-communiste, mais qui sont conditionnés par la sortie à la fois du communisme et de l’impérialisme : c’est-à-dire le degré de démocratisation politique et le degré d’économie de marché entrepris. Le cinquième et dernier facteur concerne l’impact de l’environnement international, économiquement, diplomatiquement, militairement, sur un État en transition.

15À cet égard, Alexander J. Motyl a avancé une explication contraignante des trajectoires post-communistes, en affirmant que la capacité des gouvernements d’entreprendre des réformes politiques et économiques est fortement influencée par les héritages historiques et en particulier par deux facteurs provenant de l’héritage de la période communiste : (a) le degré de totalitarisme expérimenté par un pays particulier, et (b) le degré de gouvernement impérial expérimenté [3]. Ces héritages sont importants parce qu’il apparaît que plus l’impact du totalitarisme et de l’impérialisme est fort, plus l’étendue du développement de la société civile et la croissance des élites gouvernementales locales compétentes sont respectivement faibles. Quand Motyl a conçu la question, les pays qui ont un moindre degré de gouvernement impérial ont une capacité plus grande à se lancer dans des réformes (avec des élites nationales qualifiées), tandis que les pays qui ont évité les extrêmes les plus rigoureux du système totalitaire pendant de longues périodes de temps possèdent une capacité plus grande à lancer un processus de réforme (avec une société civile relativement active). Les régimes politiques avec les deux caractéristiques, c’est-à-dire une règle totalitaire moins stricte et une prédominance des élites nationales, sont ainsi les plus capables de se lancer avec succès sur le chemin de la réforme. Les pays d’Europe centrale et orientale, qui seuls ont définitivement consolidé des systèmes politiques et économiques libéraux, avaient tendance à disposer de plus d’autonomie sous le régime communiste. Motyl a noté que le niveau actuel de réforme depuis 1989-1991 est corrélé étroitement avec l’extension du totalitarisme et du gouvernement impérial, avec des exceptions constituées principalement par ces États qui ont été impliqués dans des conflits militaires terribles (c’est-à-dire l’ancienne Yougoslavie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan, la Géorgie et le Tadjikistan).

16Cette combinaison de puissants héritages totalitaires et/ou impériaux tend à limiter l’application des modèles « classiques » de démocratisation post-autoritaires, c’est-à-dire ceux du Portugal, de l’Espagne et de la Grèce du milieu des années 1970. Dans aucun de ces pays, l’État n’avait un contrôle sur l’économie, beaucoup moins d’emprise sur la société, une pénétration comparable à tous les pays communistes européens. En conséquence, une classe politique relativement large et compétente a été capable de se développer dans les confins de l’autoritarisme, en Europe méridionale, ce qui n’a pas été le cas dans la plupart des pays de l’Europe communiste. Là où des éléments du « communisme de la réforme » avaient quelques lignages, comme en Pologne, en Hongrie, ou en Yougoslavie, des forces sociales et politiques capables de transitions « négociées » vers la démocratie entretiennent quelques ressemblances avec les cas d’Europe méridionale, bien que dans le cas de la Yougoslavie, ces forces ont été sapées par des pressions nationalistes violentes. Mais dans la Russie soviétique, là où les tendances totalitaires étaient les plus fortes dans la région, de véritables réformes ont dû attendre jusqu’à la période de Gorbatchev et, même alors, elles ont été durement contestées par tous les moyens, comme le coup d’État manqué du 19 août 1991 le montre. En bref, la Russie a émergé de la période soviétique avec des capacités sévèrement tronquées pour les réformes politiques et économiques libérales.

17Nous ne devrions pas être surpris par le profond impact de l’histoire communiste de la Russie sur ses choix post-communistes, spécialement parce que, dans ses principaux aspects, cette histoire renforce les modèles centraux d’un développement politique et économique russe vieux de plusieurs siècles. Un système social, après tout, bien que n’étant pas un organisme, est plus comme une chose organique que mécanique. Le fonctionnement d’un système social est ainsi mieux compris en termes écologiques plutôt qu’en termes techniques. Le jardin plutôt que la machine évoque mieux l’essence de la vie sociale. Les individus, leurs familles, les groupes sociaux, les classes, les organisations publiques et privées, etc., vivent et se développent dans une interaction constante avec leurs environnements, naturel, social et institutionnel. Les modèles d’adaptation n’émergent pas accidentellement ou irrationnellement. Ils représentent plutôt ce qui arrive aux modèles qui ont la capacité d’influencer une société donnée avec des réponses raisonnables (et parfois intéressées) aux circonstances environnementales. Des efforts pour changer le comportement sans s’adresser aux circonstances environnementales qui ont donné naissance et renforcé ce comportement tendent à se briser sur la résistance de la culture qui s’est développée dans le processus d’échange durable avec cet environnement. Cette culture implique invariablement, non pas seulement les règles formelles avec lesquelles elle est liée, mais aussi, et surtout, les règles informelles, non écrites mais généralement comprises, et les mécanismes de renforcement, avec lesquels une société est gouvernée.

18Ainsi, alors que d’un point de vue libéral, la prédominance d’une agriculture communautaire en Russie peut sembler une allocation inefficace d’énergies sociales et de ressources économiques, pour la plupart des paysans, vivant comme ils le faisaient dans des conditions difficiles au bord de la survie, la communauté représentait une assurance sociale vitale [4]. Sacrifier la liberté individuelle pour cultiver, et pour vivre, comme on le souhaiterait, valait bien le gain d’une assurance beaucoup plus grande de survie individuelle et familiale, celle que l’agriculture communautaire impliquait dans les conditions russes de climat, de sol et de pluie. Dans ces circonstances, la résistance paysanne à l’innovation technologique représentait un scepticisme raisonnable face à un processus qui devait inévitablement prendre les ressources courantes en dehors de la production, sur un coup risqué de rendements plus grands dans le futur, dans un processus rendant le groupe plus vulnérable que jamais. Afin de changer la résistance paysanne à une telle innovation, soit technologique ou en termes de structure sociale de la communauté elle-même, une évidence convaincante d’un changement dans les circonstances environnementales serait requise. Enfin, tragiquement, seul l’État stalinien a acquis le pouvoir rigoureux de changer, de façon décisive, la structure sociale de la Russie paysanne en se présentant en effet comme un facteur environnemental totalement nouveau que les paysans devaient affronter (l’agriculture russe doit cependant se redresser pleinement de ce choc) [5].

19Les modèles historiquement établis de comportement social sont ainsi extraordinairement durs à changer de l’extérieur, comme la recherche des économistes lauréats du prix Nobel Douglas North et Robert Fogel, avec leur accent mis sur le « sentier de la dépendance », l’a montré [6]. À cet égard, Robert Putnam, dans sa remarquable étude de 1993 intitulée Making Democracy Work, a examiné les conséquences et cherché à tenir compte des différences dans la mise en œuvre de grandes réformes administratives dans chacune des 20 provinces de l’Italie depuis 1970. Une des conclusions inattendues s’est reflétée dans l’influence continue de l’histoire lointaine et ainsi dans la reproduction des relations sociales dans le temps. Il s’avérait que les indicateurs les plus fiables, pour savoir comment effectivement une région ou une ville particulière avait exploité les opportunités d’une liberté plus grande permise par la décentralisation administrative centralement décidée, étaient le niveau de développement civique de cette aire régionale ou urbaine à la fin du Moyen Âge ! Tandis que presque toutes les régions italiennes bénéficiaient en termes absolus d’une dévolution du pouvoir de Rome, l’écart en termes de développement politique, civique, et apparemment économique entre l’Italie du Nord et celle du Sud est resté aussi large, si ce n’est plus large, après l’expérience de réforme qu’auparavant.

20Une perspective comparable sur le développement économique et politique de la Russie révèle que, depuis longtemps, la tendance prédominante dans la vie institutionnelle russe a été l’érosion de la distinction entre propriété privée et pouvoir politique, et même l’actuelle fusion des deux sphères, comme c’était le cas pour une grande part de l’histoire de la Russie impériale et de la Russie soviétique. La persistance de ce paradigme patrimonial dans l’histoire politique russe a eu des conséquences décisives sur le rôle de l’État en relation avec la propriété et les personnes. Comme l’économiste suédois Stefan Hedlund l’a affirmé : « le sentier de la dépendance qui lie la vieille Russie au système soviétique peut être vu comme reposant, par-dessus tout, sur l’échec continu de l’État à servir de garant de la règle de droit. Bien qu’il y ait eu des différences dans les modes respectifs de répression et de censure, l’absence continue de droit, de réciprocité et de participation apparaît indistinctement forte. Et les acteurs sous les deux régimes s’investissaient logiquement dans des tâches qui amélioraient leur performance sous de telles règles. Et les processus associés d’apprentissage servaient, des deux côtés de la barrière, à rationaliser ces types collectivement irrationnels de comportement » [7].

21Le sentier de développement politique de la Russie, selon cet éclairage, a été un développement de : (a) la concentration d’un pouvoir virtuellement irresponsable dans les mains de l’exécutif, une concentration qui, par moments, est capable de mobiliser des ressources pour réaliser des tâches extraordinaires mais n’est pas favorable à la rationalité légale du respect des personnes et de la propriété ; et (b) l’absence d’une ligne claire entre la propriété et le pouvoir politique [8]. Le test fondamental pour la Russie dans les années 1990 était alors de changer cette irresponsabilité essentielle du pouvoir exécutif et de tenter d’établir la règle de droit, qui est la pré-condition à la fois du développement capitaliste et démocratique. Cette Russie, entrée dans le vingt et unième siècle avec une autorité exécutive qui était largement irresponsable devant les institutions formelles de l’État et avec la fusion continue du pouvoir politique et de la richesse économique (mais sous de nouvelles formes), montre justement combien la voie historique de développement de la Russie était puissante et combien les difficultés que les réformateurs russes tournés vers l’Occident et les amis occidentaux de la réforme russe ont affronté en essayant de faire de la Russie une démocratie libérale de marché étaient grandes. En effet, les années 1990 en Russie, que les Américains célèbrent encore comme le triomphe de la démocratie de marché, sont considérées par beaucoup de Russes comme une autre « période de troubles » insupportable, caractérisée par une chute de l’économie industrielle, des déclins massifs de tous les indices de santé publique, et des inégalités socio-économiques extravagantes, dans l’histoire déjà troublée de leur nation. La « piratisation » plutôt que la « privatisation » reste le modèle à travers lequel les Russes voient cette période, une période dans laquelle les élites stratégiquement bien positionnées étaient capables d’exploiter les institutions formellement démocratiques afin de légaliser l’expropriation des biens publics pour des objectifs privés. La légitimité autoritaire de Poutine provient dans une large mesure du contraste qu’il a présenté avec cette période la plus orientée vers l’Occident de l’histoire de la Russie [9].

L’État pétrolier de Poutine

22Même les critiques les plus virulentes de Poutine reconnaissent que, tôt dans son administration, il a réussi faire voter une série de mesures économiques par le Parlement russe. Celles-ci comprenaient, pour la première fois dans l’histoire russe, une loi permettant l’achat et la vente de terres dans les conditions du marché, une réduction des impôts sur le capital de l’investissement direct étranger, une réorganisation générale du code des impôts pour le simplifier, et des impôts moins lourds sur les affaires, ainsi qu’un impôt à taux unique de 13 % sur le revenu des personnes. En 2002, de telles mesures ont produit une augmentation notable des recettes des impôts affluant dans les coffres de l’État russe. Même dans le secteur agricole longtemps problématique, les politiques de Poutine ont stimulé la croissance. Une intervention agressive du gouvernement pour établir un système de banques agricoles, un soutien des prix, une intervention gouvernementale contre-cyclique sur le marché des produits, et des aides à l’exportation ont aidé à nourrir un redressement, alors que la valeur de la production agricole totale atteignait 78 % du niveau de 1990, c’est-à-dire le double du niveau moyen de l’ensemble des années 1990 post-soviétiques. En 2008, la production russe de céréales a été la plus forte en vingt ans [10]. Poutine a affirmé clairement que, en dépit d’une fraude massive perpétrée sur l’État russe durant la privatisation et les programmes de prêts pour des actions dans les années 1990, il ne remettrait pas en question la redistribution de la propriété par une renationalisation complète. Aussi longtemps que les « oligarques » sont restés en dehors de la politique et ont montré quelque intérêt dans l’utilisation de leurs biens pour le développement économique du pays, Poutine restait en dehors de leurs affaires.

23En attendant, l’économie russe commençait à croître, pour la première fois, d’une façon durable en plus de deux décennies. En fait, cela a commencé avant que Poutine exerce le pouvoir, parce que la massive dévaluation du rouble pendant le coup d’août 1998 a rendu une grande partie de l’industrie compétitive sur le marché russe contre les importations étrangères. Le prix du pétrole était aussi en augmentation, aidant à générer de nouveaux revenus, de telle sorte qu’au moment où Poutine a pris le pouvoir comme président au début de 2000, le pays faisait face à une conjoncture économique favorable.

24Pendant les huit années suivantes, la Russie a connu des taux de croissance moyens de 7 % par an. Le PIB du pays s’est progressivement redressé au niveau de 1990 et les niveaux de vie moyens de la population ont doublé brutalement, par rapport à 1998. À la fin du second mandat présidentiel de Poutine, et pour la première fois dans l’histoire russe, une partie substantielle de la société russe (peut-être entre 25 et 30 %) a connu un niveau de vie raisonnablement confortable. Les principales villes comme Moscou et Saint-Pétersbourg, ainsi que des cités provinciales significatives comme Nijni Novgorod, sont devenues méconnaissables par leur prospérité et leur dynamisme pour ceux qui ont connu ces villes dans les années 1990 ou pendant la période soviétique. Pour de larges parts de la population russe, ce fut sans discussion la meilleure décennie dans l’histoire russe.

25Alors que Poutine était ainsi devenu le bénéficiaire des circonstances économiques indépendantes de son contrôle, il n’était pas simplement un récepteur passif et un distributeur des revenus énergétiques. Au-delà d’une série de réformes des impôts et de la propriété que Poutine a entreprises pendant sa première année au pouvoir, Poutine a en 2003 accepté les recommandations de son ministre des Finances Kudrin pour établir un Fonds de Stabilisation du Pétrole, sur le modèle de Statoil en Norvège, pour exploiter les avantages et minimiser les inconvénients des quantités massives d’argent qui commençaient à affluer comme résultat de l’augmentation régulière des prix mondiaux du pétrole. C’était un projet sophistiqué et raisonnablement bien dirigé, un projet mis sur pied pour construire un amortisseur de choc financier destiné à protéger la Russie de ce que les économistes ont appelé la « maladie néerlandaise », après l’expérience des Pays-Bas découvrant de grandes quantités de pétrole et de gaz naturel dans la Mer du Nord au début des années 1970.

26En détournant une partie significative des revenus d’exportation du pétrole vers un fonds public, le gouvernement russe étouffait les pressions inflationnistes, réduisait la tendance correspondante à la réévaluation du rouble (et donc dépréciait les importations, avec des effets négatifs sur les producteurs russes), et conservait de l’argent pour les jours difficiles quand les prix du pétrole baisseraient. 90 % et plus de tous les revenus des exportations pétrolières au-dessus de $ 27 le baril allaient dans ce fonds de stabilisation et d’autres coffres du gouvernement. À la mi-2008, quand le prix du pétrole est monté jusqu’à $ 145 le baril, ce fonds s’élevait à plus de $ 150 milliards, tandis que les réserves en dollar de la Banque Centrale russe s’élevaient à $ 600 milliards, trois fois plus que le PIB en dollars de la Russie quand Poutine est arrivé au pouvoir en 1999. En 2008, la Russie possédait la troisième plus grande quantité de réserves en monnaies étrangères dans le monde après le Japon et la Chine. Tout ceci permettait à la Russie de Poutine de survivre à la crise économique mondiale et à la chute liée du prix du pétrole à la fin de 2008 (par comparaison, la chute du prix du pétrole en 1986 a condamné Gorbatchev à tenter des réformes dangereuses sans un amortisseur de choc financier et une seconde chute en 1998 déclencha une rupture de paiements et une dévaluation).

27Il est sûr que beaucoup des succès économiques de Poutine reposaient sur les revenus des exportations de pétrole et de gaz naturel, qui comptaient pour presque les deux tiers des recettes des exportations, la moitié ou plus du budget du gouvernement et un cinquième ou plus du PIB du pays. En raison de l’absence de tout mouvement vers la diversification de l’économie russe par l’augmentation de la part de l’agriculture, des services et des industries basées sur la connaissance dans le PIB total, une telle dépendance est potentiellement tout à fait dangereuse. La Russie de Poutine était en train de courir le risque de devenir un « État pétrolier », comme le Vénézuéla, où la combinaison de revenus énergétiques massifs et d’une administration publique autoritaire, non transparente et corrompue tend à créer un cercle vicieux de développement politique et économique retardé.

28Dans une telle économie, les revenus faciles à obtenir du secteur énergétique, parce qu’ils sont invariablement contrôlés par le gouvernement, réduisent fortement les incitations politiques à diversifier les bases de la croissance économique et du soutien politique. L’économie et le système politique tendent à devenir encore plus dépendants du secteur de l’énergie avec le temps. De plus, la dépendance relativement plus grande du gouvernement sur les revenus de l’énergie que sur les recettes d’impôts réduit l’incitation pour le gouvernement d’obtenir un contrat politique avec ses propres citoyens. La relative indépendance de l’État par rapport à la société qui découle de cette situation a l’effet de renforcer les tendances existantes vers l’autoritarisme, la prise de décision non transparente, la « loi des règles (informelles) » sur la règle de droit (formelle et codifiée), et la corruption.

29Le rétrécissement conséquent de la base électorale du gouvernement signifie que, lorsque le prix des matières premières éventuellement tombe, la crise qui s’ensuit aura une dimension fatale politique aussi bien qu’économique. Comme le gouvernement tend à dépenser le plus possible du revenu additionnel procuré par le prix élevé du pétrole afin de satisfaire les clients et les circonscriptions importants, il devient même plus dépendant des prix élevés de l’énergie. Sous Poutine, les revenus énergétiques abondants ont permis au gouvernement de procurer des subventions massives pour la consommation domestique de gaz naturel, de financer la guerre en Tchétchénie sans retirer des fonds de leur engagement pour la sécurité sociale, de constituer les réserves en dollar et en euro, et de payer la dette publique du pays. Avec le temps, le gouvernement est ainsi devenu plus vulnérable à des baisses même modestes des prix de l’énergie. Dans l’éventualité d’une baisse significative des prix sur une longue période de temps, le gouvernement risquait ainsi de se retrouver dans une crise réelle. Dans ce cas, il devrait faire face au choix de (a) négocier un nouveau contrat politique et social avec la société, impliquant une démocratisation plus grande ; (b) s’engager dans beaucoup plus de répression que celle hautement sélective qui avait été utilisée durant les années Poutine ; ou (c) utiliser les revenus restants pour subventionner des circonscriptions politiques et sociales, en achetant une paix sociale à court terme aux dépens de développement économique à long terme.

La machine politique de Poutine

30En pratique, l’économie politique que Poutine a construite après ses premières années au pouvoir devrait avoir augmenté plutôt que diminué les chances que la Russie serait confrontée à un tel destin. Peu à peu, souvent en réponse à des crises imprévues, Poutine a constamment concentré le pouvoir dans les systèmes politique, économique et social et a placé dans des positions de pouvoir des individus qui n’ont en tête que le contrôle administratif des gens et des choses, mais pas le fonctionnement organique d’un système social complexe. La domination gouvernementale croissante sur le secteur de l’énergie a dramatiquement renforcé la poigne de l’administration de Poutine sur la société russe, rendant possible l’établissement d’une machine politique distincte qui combinait une politique autoritaire avec des formes politiques démocratiques.

31Dans un tel système « corporatiste », le groupe au pouvoir capture l’État, ainsi que des sources importantes de flux de revenus dans l’économie. Une fois en place, la « machine » cherche à contrôler ou à co-opter chaque institution publique majeure dans le pays (les partis politiques, les commissions électorales, les tribunaux, la police, les média) dans un effort pour obtenir les bénéfices de la légitimité électorale sans les risques d’une vraie compétition politique.

32Quelle est alors l’essence du « putinisme » ? [11] Ni communiste ou capitaliste, ni totalitaire ou démocratique libéral, Poutine a créé un amalgame distinctif post-soviétique que le politologue russe Dmitri Trenin a caractérisé comme un « autoritarisme non-consolidé » (en opposition à « démocratie non-consolidée ») et que j’appelle la « démocratie Potemkine » [12]. Au cœur de ce système repose une machine politique qui est comparable à celle des systèmes politiques à parti unique, mais qui est caractéristique aussi d’un moment donné de certaines grandes villes américaines (Boss Tweed à New York, Richard Daley à Chicago), ainsi que des opérations du Parti Démocrate sous les conditions de la loi de Jim Crow à travers une grande partie du Sud des États-Unis, et des systèmes nationaux durables à parti unique dirigés par le Parti Libéral-Démocratique au Japon, le Parti Révolutionnaire Institutionnel au Mexique, ou le Parti Démocrate-Chrétien dans l’Italie de la guerre froide.

33Dans de tels systèmes, la domination pratique d’une organisation politique dominante est compatible avec l’existence légale d’autres partis politiques, même d’opposition, d’une presse nominalement libre, d’une économie de marché substantielle, et même d’élections régulières. La base du pouvoir du parti dominant repose sur sa capacité à créer et à exploiter des connexions entre le parti, le gouvernement et des secteurs importants de l’économie, de façon à assurer le fonctionnement de l’État, ainsi que des secteurs critiques de l’économie, ce qui est impensable sans l’assentiment préalable du parti et de son leadership. En relation avec une telle position, ce système exploite ses multiples leviers de pouvoir pour cultiver une atmosphère d’inévitabilité à son propos, de telle sorte que le triomphe de l’opposition lui-même devient impensable pour une grande partie de la population.

34Ainsi, ayant gagné des majorités favorables à son gouvernement à la Douma en décembre 19999, suivi par sa propre élection à présidence en mars 2000, Poutine est allé rapidement et agressivement pour réduire la capacité des acteurs indépendants du gouvernement à contraindre la liberté d’action présidentielle. En bref, l’administration présidentielle de Poutine a été capable de neutraliser ou d’éliminer l’indépendance institutionnelle pratique de chaque organe ou réseau politique important dans le pays de façon à réduire la chance que de puissantes coalitions d’opposition puissent être construites. Un contrôle gouvernemental efficace des médias, ne permettant à la plupart des Russes d’entendre seulement le point de vue du gouvernement sur les questions sensibles, a puissamment renforcé la poigne de la machine de Poutine.

35Dans sa première année comme président, Poutine a réorganisé rapidement les 89 régions fédérées de la Russie en sept super-régions qui correspondaient aux districts militaires de la Russie et étaient supervisées par des personnalités nommées par le président, provenant principalement de l’armée ou des services de renseignement. Dans des mesures additionnelles de réduction des pouvoirs des régions russes de résistance aux prérogatives du Kremlin, Poutine a enlevé les gouverneurs de la liste des membres de l’assemblée fédérale, la chambre haute du parlement russe, et les a consignés dans un conseil présidentiel symbolique. Les leaders régionaux ainsi n’avaient plus un forum national indépendant dans lequel ils pouvaient exprimer leurs inquiétudes. Après 2004, comme élément d’une centralisation supplémentaire de l’autorité présidentielle, après le meurtre de plus de 300 élèves et de leurs parents dans une prise d’otages perpétrée par des terroristes tchétchènes, Poutine a changé les règles de sélection des gouverneurs régionaux. Dorénavant, ils seraient nommés par le président russe au lieu de l’être par les électeurs dans les régions. De plus, les gouverneurs pourraient désormais être démissionnés par Poutine s’ils étaient condamnés par un tribunal comme ayant violé la loi fédérale plus d’une fois. Ceci faisait du leader régional un otage virtuel du Kremlin. La plupart des Russes ont accepté ces mesures comme nécessaires pour déloger des cliques de pouvoir local corrompues et criminelles.

36Poutine a peuplé les personnels de l’administration présidentielle, de gouvernement, et du parlement avec des alliés et des clients provenant des cercles connus pour lui être farouchement loyaux. Ceux-ci comprenaient les membres du réseau de Saint-Pétersbourg, remontant aux jours de Poutine comme membre du cabinet du maire de cette ville, ainsi que des personnels de l’armée et des services de renseignements, où Poutine lui-même avait servi pendant des années comme officier des services de renseignement du temps du KGB. De telles nominations sont devenues spécialement prééminentes dans l’administration présidentielle, qui faisait rapport directement au Bureau du Président : elle était composée de 40 000 personnes approximativement qui, en fait, constituaient un gouvernement parallèle.

37L’établissement de Russie Unie et de Russie Juste comme partis favorables à Poutine signifiait que la vie politique russe fonctionnait selon des lignes hiérarchiques d’un gouvernement intégré allant du président vers le parlement via l’administration présidentielle et non selon les règles constitutionnelles formelles de la séparation des pouvoirs et des poids et contrepoids. La nomination et le financement de la Commission Centrale des Élections par le président assurait que les lois et les règlements seraient interprétés pour favoriser les candidats du Kremlin.

38L’administration présidentielle de Poutine en est venue à contrôler 40 % ou plus de l’économie russe. La douzaine de bureaux qui la composaient étaient étroitement intégrés dans la machine politique de Poutine, et surveillaient le fonctionnement de vastes secteurs de l’économie. Elle incluait Dmitri Medvedev, ancien directeur de l’administration présidentielle de Poutine et premier vice-premier ministre, un temps directeur de Gazprom, le monopole russe de gaz naturel contrôlé par l’État, et successeur oint par Poutine comme président de la Russie, ainsi que l’ancien premier ministre Mikhail Fradkov, chef de Gazprom après Medvedev. En créant une série de consortiums industriels supervisés par l’État dans des secteurs comme l’énergie, l’aviation, l’énergie nucléaire, les exportations d’armes et les nanotechnologies, Poutine visait non seulement à assurer de plus grands revenus pour l’État, mais aussi à stimuler le redressement industriel et poser les bases d’une économie post-industrielle compétitive en Russie. Cependant, une telle concentration du pouvoir économique entre les mains de l’État, étant donné la faiblesse du système légal de la Russie et l’obscurité de la prise de décision politique, tendait à renforcer les formes systématiques de corruption qui fonctionnaient avec des objectifs qui croisaient ceux de Poutine.

39En addition des mesures sélectives et subtiles de répression, Poutine a pris soin d’associer ses politiques publiques à une série de symboles hautement visibles et émotionnels qui correspondent aux besoins psychologiques largement ressentis par la population russe. Il invoquait la tradition, après la coupure radicale avec le passé constitué par la chute de l’Union Soviétique ; il mettait l’accent sur l’ordre et la sécurité sociale, après l’effondrement économique, social et institutionnel des années 1990 ; et il cherchait le respect international, après l’effondrement du système d’alliance soviétique et l’avance de l’OTAN dans les années 1990. Il a réintroduit le vieil hymne national soviétique (mais sans la version lyrique en faveur de Staline), une émouvante pièce d’abord adoptée durant la Seconde Guerre mondiale et associée par beaucoup de Russes avec la grandeur de l’État. Il a adopté le symbole de l’ère tsariste de la double tête d’aigle avec les trois couronnes comme emblème de l’État russe. Il a aussi donné de la publicité à des actes de politique étrangère comme celui du moratoire, annoncé pendant l’été 2007, de l’application du traité de 1990 sur les forces conventionnelles en Europe. Dans un mouvement en faveur de la majorité chrétienne de la Russie, Poutine a encouragé avec succès l’unification des branches internes et externes de l’Église Orthodoxe Russe, qui avait été déchirée en deux par la révolution russe.

40Poutine a soigneusement employé le symbolisme politique pour renforcer le sentiment de la population, tout en évitant les lignes de clivage névralgiques de la société russe. Il s’est opposé au retrait du corps de Lénine de la Place Rouge, croyant que ce serait une provocation inutile et nocive pour des millions de Russes qui ont été socialisés par l’image de Lénine. Lors d’une conférence de presse le 18 juillet 2001, il expliquait : « Le pays a vécu sous le monopole de pouvoir du Parti Communiste de l’Union Soviétique pendant 70 ans. Cette période représente une vie entière et de nombreuses personnes ont lié leurs vies avec le nom de Lénine. Pour eux, l’enterrement de Lénine signifierait qu’ils ont vécu selon des valeurs factices, suivi un mauvais chemin et que leurs vies ont été vécues en vain ». À la lumière du fait qu’un certain « consensus politique » a finalement été obtenu dans la société russe, l’enterrement de Lénine aurait pu détruire ce consensus et « entraver la modernisation pratique de la Russie ». Si la Russie pouvait se moderniser avec succès, les valeurs de la société changeraient en conséquence et de telles questions se résoudraient éventuellement elles-mêmes avec le changement des conditions futures [13].

41De façon similaire, tandis que Poutine parlait favorablement de Staline comme un architecte de la victoire de la Russie sur les nazis et du statut de superpuissance de l’Union Soviétique, il a, à de nombreuses reprises, parlé aussi d’une façon émouvante des victimes de la terreur de Staline comme élément de la fabrique tragique de l’histoire de la Russie au vingtième siècle. Et alors que le ministre de l’Éducation de Poutine a fait la publicité de textes historiques qui tendent à blanchir l’importance des crimes de Staline, les élèves des lycées russes sont maintenant obligés de lire des passages de l’accusation dévastatrice du système de camps de concentration stalinien par Alexandre Soljenitsyne, dans L’archipel du Goulag.

42De cette façon, Poutine a cultivé l’aspect charismatique de son pouvoir politique, un aspect qui cherchait à le présenter comme le chef de tout un peuple. Dans ce processus, Poutine a mobilisé un niveau de soutien de la population qui a été remarquablement résistant et indépendant du profond dédain avec lequel beaucoup de Russes tenaient la performance du gouvernement et de l’administration. Tandis que le gouvernement recueillait généralement des taux d’approbation de moins de 20 %, les taux d’approbation de Poutine ont été entre 65 et 80 % pendant une grande partie de sa présidence [14].

Conclusions : L’héritage de Poutine

43Comment l’héritage de Vladimir Poutine doit-il être évalué dans ces circonstances ? C’est nécessairement une tentative et une entreprise risquées, car au moment de l’écriture Poutine reste l’homme politique le plus puissant de la Russie, avec des ambitions évidentes de tenir dans ses mains les rênes du pouvoir pour un avenir indéfini. Ainsi, non seulement l’histoire de l’ère Poutine est nécessairement incomplète, mais l’héritage historique de Poutine est susceptible d’être affecté par des évènements encore à venir.

44Du côté positif de l’héritage, Poutine a arrêté et renversé le morcellement de l’État russe, gagné la guerre de Tchétchénie, encouragé le redressement économique après la calamiteuse décennie post-soviétique, augmenté la position internationale du pays, et géré correctement les conséquences menaçantes de la crise économique globale et de la récession de 2008-2009. C’est un considérable succès d’accomplissement, quoi qu’il arrive dans les années à venir. Des Russes attentifs, des critiques comme des soutiens, concèdent l’impact positif que Poutine a eu au moment où le futur de la Russie lui-même semblait être en jeu.

45Un journaliste russe Vladimir Solovyov, par exemple, a affirmé que Poutine est un des quelques leaders dans l’histoire russe qui, qu’on l’approuve ou non, « a réussi à changer la direction du pays ». Le mouvement centrifuge du gouvernement russe de la fin de la période Gorbatchev à travers les années 1990 a été remplacé par le flux centripète du pouvoir vers le gouvernement central à Moscou [15]. Même ceux qui ont critiqué Poutine à cause du « déficit démocratique » indubitable de la Russie pendant son exercice du pouvoir, comme Mikhail Gorbatchev, ont concédé que Poutine avait fourni une contribution majeure à la stabilisation du pays à un moment critique dans son histoire. « Durant son premier mandat présidentiel », écrivait Gorbatchev, « Poutine a réussi à restaurer la stabilité et à améliorer la gouvernabilité du pays. Dans le processus, il a ouvert de nouvelles perspectives de réalisation de son programme, que j’avais à cette période appelé ‘social-démocrate’ » [16].

46Au même moment, de fidèles soutiens de Poutine admettent qu’il y a des défauts majeurs dans son régime politique qui représentent des contraintes pour les perspectives à long terme de la Russie. Solovyov, dans un portrait généralement sympathique réalisé dans son ouvrage, concluait que l’aversion de Poutine pour une politique ouverte était nuisible aux intérêts de la Russie. « Un des problèmes de base du gouvernement de Poutine », écrivait Solovyov, « est la non-transparence absolue de la prise de décision, que ce soit dans la sélection du personnel ou dans la politique elle-même »

47« Le fait que les gens ne peuvent pas comprendre le cours des évènements…, le processus de décision, la politique du personnel et la méthode pour sélectionner les autorités est alarmant. En Russie…, la proportion de la politique qui est portée dans la sphère publique est encore immensément petite. Et cette tendance exige d’être effacée graduellement dans l’histoire » [17].

48Le secret et le contrôle, bien entendu, sont le fonds de commerce de ceux que Poutine a utilisés pour constituer son gouvernement, par-dessus tout le fort contingent de militaires et de membres des services de renseignement qui constituaient sa base loyale dans l’administration présidentielle et dans le gouvernement. En formant son gouvernement, Poutine l’a constitué, de façon compréhensible, avec ceux qui partageaient sa vision de la Russie et dans lesquels il avait confiance pour leur loyauté personnelle. De cette façon, Poutine avait une manière de résoudre un problème que tout leader, démocrate ou autre, doit régler : c’est-à-dire comment obtenir que l’administration applique les politiques approuvées par le leader ? En conséquence, l’administration de Poutine a été constituée de façon prédominante soit par ceux qui ont travaillé avec Poutine dans la municipalité d’Anatolie Sobchak à Saint-Pétersbourg entre 1990 et 1996 ou d’anciens collègues dans les services de renseignement, dans l’armée ou dans les services paramilitaires.

49C’était le destin de Poutine d’essayer de reconstruire l’État russe au moment de la guerre et du terrorisme à l’intérieur du pays. Il a occupé le pouvoir à partir de 1999, déterminé à restaurer la puissance et le prestige de l’État russe et à poser les bases de la modernisation post-soviétique de la Russie. Cependant en conclusion, les moyens avec lesquels Poutine a rétabli l’autorité de l’État ont sérieusement retardé les chances de la Russie pour la modernisation. Pendant toute sa présidence, il a eu tendance à voir le principal danger pour la Russie comme provenant de la désintégration plutôt que de la stagnation [18]. Poutine a ainsi résolu la tension entre sa compréhension intellectuelle des exigences de la réforme et son engagement émotionnel pour l’ordre et le contrôle en adoptant le contrôle aux dépens de la réforme. En conséquence, il constitua son administration de manière croissante avec du personnel militaire ou para-militaire qui partageait son goût pour le commandement et le contrôle. En fait, il a construit un régime dont il a manipulé adroitement le pouvoir politique, mais il a semblé incapable de gérer beaucoup des défis critiques à long terme de son pays.

50Poutine a hérité de beaucoup de ces défis en prenant le pouvoir en 1999 et il a clairement reconnu ce qu’ils étaient, mais ils n’étaient pas plus proches d’une résolution une décennie plus tard qu’au début. Par exemple, en 2006, Poutine a déclaré que la Russie faisait face à une situation démographique critique qui était le défi le plus urgent du pays. Cependant à la fin de 2009, l’espérance de vie des hommes en Russie restait scandaleusement basse à 61 ans, une douzaine d’années plus basse que celle de pays comme la Chine et la Turquie [19]. Étant donné que l’espérance de vie des hommes dans la ville de Moscou était de 69 ans, la situation était même pire dans une grande partie du reste du pays, abaissant le développement économique et social extrêmement déséquilibré des années Poutine.

51En conséquence, les forts taux de mortalité et les faibles taux de naissance préfigurent un déclin de 23 % de la population du pays en 2050, de 140 millions en 2009 à 110 millions. Une telle réduction drastique et sans précédent aura des effets contraignants importants sur le recrutement militaire (où plus de la moitié des candidats sont déjà rejetés sur des critères de santé), sur le système rudimentaire de sécurité sociale du pays, et sur la productivité de la force de travail, qui se situait au quart du niveau américain en 2010 [20]. Pour rendre les choses pires, en 2025, selon Rosstat, le bureau officiel russe des statistiques, la population en âge de travailler aura décliné de presque 15 millions de personnes [21]. Ceci présage une crise économique majeure dans le moyen terme, alors que l’économie de la Russie en 2009 était déjà la seule économie majeure où la production dans le secteur industriel n’avait pas augmenté pendant les deux dernières décennies [22].

52De tels faits sont de mauvais augure pour les plus de 450 villes mono-industrielles à travers la Russie, comprenant un quart de la population urbaine, dont la vie socio-économique entière dépend du destin d’entreprises qui ne sont pas compétitives sur le libre marché, même dans les meilleures périodes économiques. Le système bancaire est resté sévèrement sous-capitalisé et, en dépit d’un redressement substantiel de l’agriculture, la valeur des importations de nourriture de la Russie était trois fois supérieure à celle de ses exportations de nourriture, avec un pays qui importe presque la moitié de sa nourriture annuellement. Ceci a placé la Russie en compagnie du Japon, en raison de la faible fraction de terres arables en Russie, comme le seul importateur de nourriture parmi les pays industrialisés majeurs [23].

53De telles tendances sociales, économiques et démographiques profondément enracinées indiquaient que, pour tous les projets indubitables de Poutine, celui-ci devrait développer un modèle de politique économique représentant une rupture claire avec l’héritage soviétique de modernisation rabougrie. Peut-être dans les circonstances de sa présence au pouvoir, il ne pouvait pas faire beaucoup plus qu’arrêter la série d’insuccès et canaliser une part de la production énergétique vers les coffres de l’État. En tout cas, l’émergence de la Russie, après le blocage de l’ère soviétique et son regain douloureux, risque d’être une question de générations, non pas une question d’autorité de leaders politiques particuliers.

54Après une décennie au pouvoir, Poutine semblait encore embarrassé par le fait de savoir comment faire bouger la nation russe vers la version européanisée de la modernité qui continue à l’inspirer. Cependant afin que la Russie puisse quitter l’orbite de l’État pétrolier corrompu, Poutine a besoin de rompre avec les éléments centraux du système qu’il a construit. Les forces les plus puissantes dans son administration ont peur de la transparence et d’une compétition politique et économique ouvertes, tandis que les juristes et les économistes, qui restent, et qui affirment voir leur porte-parole dans Medvedev, sont sceptiques sur l’idée que l’économie puisse être transformée sans réduire la poigne de l’État sur l’économie. De plus, le sévère sous-développement des petites et moyennes entreprises en Russie signifie que la société russe est trop amorphe et faible soit pour contrôler le fonctionnement du gouvernement, soit pour devenir son partenaire dans un programme de transformation économique et politique. Les bases politiques pour une libéralisation sont ainsi faibles, tandis que les forces du statu quo apparaissent liées à l’intérieur du cercle fermé de la démocratie Potemkine et de la dépendance par rapport aux recettes des matières premières. À ce jour, Poutine a cherché à équilibrer les factions de l’ordre et du développement, pour les bénéfices des premiers aux dépens des seconds. Il reste à voir si Poutine ou d’autres peuvent adapter la « machine Poutine » pour stimuler la transformation de la Russie sans provoquer une perte fatale de contrôle politique. Sans aucun doute, quand les histoires définitives de l’ère Poutine seront écrites, la réussite ou l’échec de Poutine dans son entreprise constituera une composante majeure de sa réputation historique.

Notes

  • [1]
    En septembre 1993, le président russe Boris N. Eltsine a dissout le Parlement russe par ce qu’il a admis être des moyens extra-constitutionnels ; en provoquant un coup de force au début du mois d’octobre, Eltsine a annoncé un nouveau cycle électoral par lequel un nouveau Parlement serait élu en décembre 1993, et à nouveau en décembre 1995, pour être suivi par un cycle de quatre ans ensuite. Les élections présidentielles ont également été tenues dans des cycles de quatre ans depuis 1996. Ce calendrier a été respecté dans la forme.
  • [2]
    Même au Belarus, Stanislav Shushkevich a perdu la présidence en faveur de son opposant Aleksandr Lukashenko en 1994. Lukashenkoa depuis lors établi une dictature personnelle. En Russie, un premier exemple d’arbitraire présidentiel a été vu dans le fait qu’en décembre 1993 le peupla a été appelé à voter sur une nouvelle constitution au même moment qu’il était en train d’élire un nouveau parlement: que ce serait-il passé si la constitution avait été rejetée, invalidant alors le vote parlementaire ? L’approbation de la constitution d’Eltsine tandis que le parti d’Eltsine recevait à peine un quart du vote parlementaire indique la manipulation de ce référendum par le pouvoir exécutif.
  • [3]
    MOTYL A.J., « Introduction », Nations in Transit, New York, Freedom House, 1997.
  • [4]
    KEENAN E.L., « Moscovite Political Folkways », The Russian Review, vol. 45, 1986.
  • [5]
    SCOTT J.C., Seeing Like a State. How Certain Schemes to Improve the Human Condition Have Failed, New Haven, Yale University Press, 1998, p. 193-222.
  • [6]
    PUTNAM R., Making Democracy Work. Civic Traditions in Modern Italy, Princeton, Princeton University Press, 1993 ; NORTH D.C., Institutions, Institutional Change and Economic Performance Cambridge, Harvard University Press, 1990 ; NORTH D.C., « Economic Performance Through Time », The American Economic Review, vol. 82, n°4, 1992, p. 714 ; COASE R., « The Institutional Structure of Production », The American Economic Review, vol. 84, n°3, 1995, p. 366.
  • [7]
    HEDLUND S., Russia’s « Market » Economy : A Bad Case of Predatory Capitalism, UK, UCL Press, 1999, p.36.
  • [8]
    Ibidem.
  • [9]
    GOLDMAN M., The Piratization of Russia, UK, Routledge, 2003 and LYNCH A.C., How Russia is – Not-Ruled, UK, Cambridge University Press, 2005.
  • [10]
    WEGREN S.K., « Agriculture in the Late Putin Period and Beyond », in WEGREN S.K. and HERSPRING D.R., (eds.), After Putin’s Russia : Past Imperfect, Future Uncertain, Lanham, MD, Rowman & Littlefield, 2010, p. 199-220.
  • [11]
    Pour une interprétation solide du « poutinisme », même si elle est quelque peu idéalisée, voir MIGRANYAN A., « What is Putinism ? », Russia in Global Affairs, April 13, 2004, 17 h 25, sur : www.eng.globalaffairs.ru/region-humanrights/numbers/7/521.html.
  • [12]
    Voir MOTYL A.J., RUBLE B.A., SHEVTSOVA L., (eds.), Russia’s Engagement with the West : Transformation and Integration in the Twenty-First Century, Armonk, NY, M.E. Sharpe, 2005, p. 8-9, 99-120 ; également MARSH L., « Managing Opposition in a Hybrid Regime : Just Russia and Parastatal Opposition », et ROBERTSON G.B., « Managed Society : Protest, Civil Society, and Regime in Putin’s Russia », in Slavic Review, vol. 68, n°3, 2009, p. 504-547.
  • [13]
    Trud, July 20, 2001, cité dans ZEN’KOVIC., Putinskaya Entsiklopediya, Moscow, OLMA-Press, 2006, p. 295.
  • [14]
    REMINGTON T.F., Politics in Russia, 6th ed., Boston, Longman, 2010, p. 9.
  • [15]
    Vladimir Solovev, Putin : Putevoditel’ dlya neravnodushnikh, Moscow, Eksmo, 2008, p. 416.
  • [16]
    Ibidem.
  • [17]
    Ibidem.
  • [18]
    EVANS A.B., Power and Ideology : Vladimir Putin and the Russian Political System, University of Pittsburgh, Center for Russian and East European Studies, Carl Beck Papers, n°1902, 2008, p. 1-4.
  • [19]
    The Wall Street Journal, June 13-14, 2009, p. B12.
  • [20]
    CIA World Factbook, sur : https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook ; voir également HELENIAK T., « Russia’s Population Perils », in WEGREN S.K. and HERSPRING D.R., (eds.), op. cit., 2010, p. 133-158.
  • [21]
    United Nations Development Program, National Human Development Report, 2008 : Russia Facing Demographic Challenges, United Nations, 2009, p. 24, sur : http://hdr.undp.org/en/reports/nationalreports/europethecis/russia/NHDR_Russia_2008_Eng.pdf. La rapport a été rédigé exclusivement par une équipe des principaux démographes de la Russie.
  • [22]
    INOZEMTSEV V., « Dilemmas of Russia’s Modernization », in WEGREN S.K. and HERSPRING D.R., (eds.),, op. cit., 2010, p. 47.
  • [23]
    WEGREN S.K., « Agriculture in the Late Putin Period and Beyond », in WEGREN S.K. and HERSPRING D.R., (eds.), op. cit., p. 213.
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