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Article de revue

La nomination et la révocation du Premier ministre en régime semi-présidentiel : l'impact de la présidentialisation des partis

Pages 67 à 91

Notes

  • [*]
    La traduction a été assurée par Bernard Dolez et Annie Laurent.
  • [1]
    DUVERGER M., « A New Political-System Model : Semi-Presidential Government », European Journal of Political Research, volume 8, n°2, 1980, p. 117
  • [2]
    SAMUELS D.J et SHUGART M.S., Presidents, parties, and premiers, New York, Cambridge University Press (à paraître).
  • [3]
    ROYCE C. et SHUGART M.S., « Neo-Madisonian Theories of Latin American Institutions », in Regimes and Democracy in Latin America, volume 1, Theories and Agendas, Gerardo Munck Ed., New York, Oxford University Press, 2007.
  • [4]
    ELGIE R., Semi-Presidentialism in Europe, Oxford, Oxford University Press. 1999, p. 13.
  • [5]
    SHUGART M.S. et CAREY J.M., Presidents and Assemblies : Constitutional Design and Electoral Dynamics, New York, Cambridge University Press, 1992.
  • [6]
    SAMUELS D.J et SHUGART M.S., op. cit., (à paraître).
  • [7]
    La dimension démocratique est rendue opérationnelle par le recours à des indices établis par pays dans le programme de recherche POLITY (Political Regime Characteristics and Transition). Les indices varient de -10 (monarchie héréditaire) à +10 (démocratie consolidée). N’ont ici été retenus que les pays dont l’indice est au minimum de 5. La base de données Polity IV couvre tous les États souverains comprenant au moins 500000 habitants (soit 163 pays) sur une période allant de 1800 à 2008 (Monty et Jaggers, 2006).
  • [8]
    Les autres implications seront développées dans un ouvrage en cours de publication (Samuels et Shugart, à paraître).
  • [9]
    BLONDEL J., « Dual Leadership in the Contemporary World : A Step Towards Regime Stability ? », in Comparative Government and Politics : Essays in Honor of S.E. Finer, Dennis Kavanagh and Gillian Peele, éds., Boulder, CO, Westview Press, 1984
  • [10]
    L’expression anglaise « keeping each other in their proper places » est de James Madison (Le Fédéraliste, article 51, 1788).
  • [11]
    Voir par exemple MOMMSENW.J, Max Weber and German politics, 1890-1920, (trad. M. S. Steinberg, Chicago), University of Chicago Press. 1985 ; MEYERSON R., « Political economics and the Weimar disaster », Discussion Paper n° 1216, Center for Mathematical Studies in Economics and Management Science, Northwestern University, 1999 ; STIRK P., « Hugo Preuss, German Political Thought and the Weimar Constitution », History of Political Thought, volume 23, n°3, 2002, p. 497–516 ; SKACH C., Borrowing Constitutional Designs : Constitutional Law in Weimar Germany and the French Fifth Republic, Princeton, Princeton University Press, 2005 ; SHUGART M.S, « Semi-Presidentialism : Dual Executive and Mixed Authority Patterns », French Politics, volume 3, n°3, 2005, p. 323-51.
  • [12]
    STIRK P., op. cit., 2002, p. 514.
  • [13]
    LIJPHART A., (ed.), Parliamentary Versus Presidential Government, Oxford, New York, Oxford University Press, 1992, p. 140-141
  • [14]
    SHUGART M.S.et CAREY M.C., op. cit., 1992, p. 121-126.
  • [15]
    Par exemple, grâce au pouvoir de dissoudre l’Assemblée, et peut-être aussi par le biais du contrôle de l’agenda parlementaire par le Premier ministre. Certains régimes purement présidentiels accordent à l’exécutif un contrôle de l’agenda législatif, mais il n’en est pas toujours ainsi. SHUGART M.S.et CAREY M.C., op. cit., 1992 ; COX G.W. et MORGENSTERN S., « Latin America’s Reactive Assemblies and Proactive Presidents », in MORGENSTERN S. and NACIF B., (eds.), Legislative Politics in Latin America. New York, Cambridge University Press, 2002.
  • [16]
    SHUGART M.S, op. cit., 2005.
  • [17]
    Il en est ainsi de la Bulgarie, la Croatie, Madagascar, le Niger et l’Ukraine. SHUGART M.S, « Comparative Executive-Legislative Relations”, in The Oxford Handbook of Political Institutions, R.A.W. Rhodes, Sarah Binder, et Bert Rockman, Eds. Oxford, Oxford University Press, 2006 (tableau 2).
  • [18]
    SAMUELS D.J et SHUGART M.S., op. cit., chap. 5 et 6 (à paraître).
  • [19]
    Duverger cite aussi l’Islande, mais la faible population de ce pays nous a conduit à ne pas le prendre en compte dans cette étude.
  • [20]
    Sauf, peut-être, après des élections législatives ou après l’éclatement de la coalition majoritaire. Dans ce cas, le Président exerce une influence sur la nomination du prochain Premier ministre et de son gouvernement.
  • [21]
    La perspective théorique de ce développement est développée dans SAMUELS D.J et SHUGART M.S., op. cit., (à paraître), notamment dans les chapitres 2 et 3.
  • [22]
    BLONDEL J., op. cit., 1984.
  • [23]
    DUVERGER M., op. cit., 1980.
  • [24]
    On trouvera plus de détails sur la construction de la base de données et la méthodologie employée dans SAMUELS D.J et SHUGART M.S., op. cit., (à paraître).
  • [25]
    Les raisons du départ des Premiers ministres ont été dénombrées sur la base de plusieurs sources : les biographies publiées, LexisNexis ainsi que les archives historiques en ligne du New York Times. Ces données ne comprennent pas les Premiers ministres intérimaires ni ceux encore en exercice au moment où la base de données a été construite.
  • [26]
    Naturellement, la différence essentielle entre un régime parlementaire et un régime semi-présidentiel tient à l’influence qu’exerce le Président. Dans les régimes semi-présidentiels, l’influence du Président peut être politique ou partisane. Dans le premier cas, Président et Premier ministre appartiennent à deux partis différents et un conflit entre les deux aboutit à la démission du Premier ministre ou à son renvoi. Dans le second cas, le Président et le Premier ministre appartiennent au même parti et le premier décide de sa propre initiative de se séparer du second.
  • [27]
    Cette catégorie « Autre » regroupe les changements liés à un conflit avec un chef d’État non élu, un coup d’État ou à une menace de coup d’État.
  • [28]
    Nous pensons ici à une distinction entre pouvoirs « constitutionnels » et pouvoirs « partisans » similaire à celle développée par Mainwaring et Shugart (1998) à propos des systèmes présidentiels d’Amérique Latine. MAINWARING S. et SHUGART M.S., « Conclusion : Presidentialism and the Party System », in MAINWARING S. et SHUGART M., Presidentialism and Democracy in Latin America, (eds), New York, Cambridge University Press, 1997, p. 394-439.
  • [29]
    Plusieurs exemples sont développés dans SAMUELS D.J et SHUGART M.S., op. cit., chapitre 4, à paraître.
  • [30]
    PIERCE R., « The Executive Divided Against Itself : Cohabitation in France, 1986-1988 », in Governance, volume 4, n°3, 2005, p.270 - 294.
  • [31]
    DUVERGER M., op. cit., 1980, p. 186-187.
  • [32]
    Le Monde, 19-20 février 1978, cité par DUVERGER M., op. cit., 1980.
  • [33]
    Pour une discussion plus détaillée, voir SAMUELS D.J. et SHUGART M.S., op. cit., chapitre 2 (à paraître).
  • [34]
    Pour une liste exhaustive des cohabitations, voir Shugart et Samuels (à paraître, appendice au chap. 2).
  • [35]
    On trouvera plus de détails ainsi que d’autres exemples dans SAMUELS D.J. et SHUGART M.S., op. cit., chapitre 3 (à paraître).
  • [36]
    Une autre issue pourrait être une coalition élargie regroupant des membres du parti du président et de partis de l’opposition, ou un « gouvernement divisé » dans lequel les ministres appartiendraient au parti du président en dépit d’une majorité parlementaire hostile. Nos données offrent un exemple de coalition élargie dans un système semi-présidentiel moniste : la Mongolie de 2004-2006. Quand au gouvernement « divisé », on en trouve un exemple dans un système régime semi-présidentiel dualiste, celui de Taiwan, ce qui n’est pas surprenant puisque le président Chen Shui-Bian a pu s’appuyer sur des gouvernements issus de son propre parti pendant les huit années de sa présidence, bien qu’il ait toujours été confronté à une Assemblée contrôlée par l’opposition.
  • [37]
    Les conflits intra-partisans sont à l’origine du départ du Premier ministre dans 20 % des cas en régime semi-présidentiel moniste, contre un tiers en régime parlementaire. Mais ceci est rare en période de cohabitation, puisque l’on ne recense que deux cas. Logiquement – et assez raisonnablement – ceci suggère que, dans cette hypothèse, les partis font alors tout taire leurs conflits internes face à un Président hostile. LIJPHART A., Patterns of democracy : government forms and performance in thirty-six countries, New Haven, Yale University Press, 1999, p. 121.
  • [38]
    DUVERGER M., op. cit., 1980, p. 167.
  • [39]
    MÜLLER W.C., « Austria », in ELGIE R., (ed.), Semi-Presidentialism in Europe, Oxford, Oxford University Press, 1999.
  • [40]
    MÜLLER W.C., op. cit., 1999, p. 40.
  • [41]
    Nos commentaires sur la « parlementarisation » de l’Autriche pourraient aussi valoir pour l’Islande dont le régime est également semi-présidentiel dualiste. Comme le notait Duverger, les Présidents islandais utilisent peu leurs pouvoirs formels. Cependant, comme indiqué précédemment, l’Islande, en raison de sa faible population, n’a pas été incluse dans la base de données à partir de laquelle nous avons établi notre liste des démocraties.
  • [42]
    DUVERGER M., op. cit., 1980.

Introduction

1En 1980, dans un article désormais célèbre, « A New Political System Model : Semi-Presidential Government », Maurice Duverger présentait le régime semi-présidentiel comme un modèle distinct des modèles « purs » que sont le régime parlementaire et le régime présidentiel. Il le caractérisait par l’existence d’un Président élu par le peuple et ayant de réels pouvoirs et d’un Premier ministre responsable devant le Parlement. Pour lui, la notion de régime semi-présidentiel présentait avant tout un intérêt analytique, même s’il soulignait alors que « des constitutions relativement homogènes sont appliquées de manière radicalement différentes » [1].

2Trente ans plus tard, la démarche analytique, chère à Duverger, nous semble toujours être au cœur de cette branche de la science politique qui peut être qualifiée d’« analyse institutionnelle comparée ». La notion de régime présidentiel a également conservé sa pertinence, à condition toutefois de l’amender sensiblement, en distinguant deux sous-types de régime présidentiel, selon que la constitution accorde ou non au Président le pouvoir formel de renvoyer le Premier ministre. Une fois cette distinction présentée (I), nous développerons l’idée selon laquelle le Président tire l’essentiel de ses pouvoirs de l’ascendant qu’il exerce sur le parti majoritaire, bien que Duverger lui-même ait, de manière étonnante, largement ignoré la question (II), en énumérant les conditions qui favorisent la « présidentialisation » des partis [2]. Cette hypothèse théorique devra cependant être validée empiriquement, en comparant notamment le profil des Premiers ministres des régimes semi-présidentiels à ceux des régimes parlementaires (III).

3Par son approche comparative, cette recherche met à jour les interactions entre deux des champs de la science politique contemporaine sur lesquels Duverger a eu une influence majeure : « l’organisation et l’activité » des partis politiques (1954) et le « nouveau système politique » que constitue le régime semi-présidentiel (1980).

Le régime semi-présidentiel et la chaîne constitutionnelle de délégation

4Une manière intéressante de conceptualiser la structure constitutionnelle d’un régime démocratique consiste à évaluer la « chaîne de délégation » reliant les gouvernants aux électeurs. Cette perspective peut être qualifiée de perspective « néo-madisonienne » [3], en ce qu’elle procède de l’idée fondamentale avancée par James Madison, selon laquelle un gouvernement représentatif entraîne nécessairement une délégation de pouvoir des électeurs vers un nombre restreint d’élus.

5Dans un régime parlementaire, les électeurs ne choisissent pas directement l’exécutif, puisque ce sont les partis politiques qui ont le pouvoir de nommer – et de renverser – le Premier ministre. Celui-ci et le gouvernement qu’il dirige sont issus de la majorité parlementaire, et restent en fonction tant qu’ils disposent de la confiance de cette majorité. En revanche, dans un régime présidentiel, le chef de l’exécutif ne procède pas du parlement, puisque le Président est, comme l’Assemblée, élu au suffrage universel direct. En outre, la durée du mandat présidentiel est fixée par la constitution et l’Assemblée ne saurait le renverser.

6Les régimes purs, le régime parlementaire comme le régime présidentiel, se définissent ainsi par le fait qu’une seule personne exerce la réalité du pouvoir exécutif (le Président ou le Premier ministre) et par les rapports qu’entretiennent l’exécutif et le législatif. Au début du XXe siècle, toutefois, plusieurs constitutions vont s’éloigner de ces modèles, pour bâtir un régime où un Président élu doit composer avec un Premier ministre politiquement responsable devant le Parlement. C’est à ces régimes que songe Duverger lorsqu’il affirme que la typologie traditionnelle doit être complétée par un troisième type de régime, le régime « semi-présidentiel », qu’il définit à l’aide des caractéristiques suivantes : 1) Le Président est élu par le peuple ; 2) Le Président dispose de pouvoirs constitutionnels importants ; 3) Le Premier ministre et son gouvernement sont responsables devant l’Assemblée.

7Cependant, comme d’autres auteurs l’ont souligné, la définition de Duverger est vague [4]. Par exemple, qu’entend Duverger lorsqu’il affirme que le Président détient des « des pouvoirs importants » ? De manière plus fondamentale, si la définition de Duverger est claire quant à l’origine du Président (il doit être élu au suffrage universel direct et ne procède donc pas du parlement) et quant à la survie du Premier ministre et de son gouvernement (qui doivent avoir la confiance de l’Assemblée), elle est plus vague sur trois autres points : 1) La durée du mandat présidentiel ; 2) « L’origine » du Premier ministre et du gouvernement, ou plus exactement la manière dont ils entrent en fonction ; 3) La survie politique du gouvernement, c’est-à-dire les conditions dans lesquelles le Premier ministre et son gouvernement peuvent être appelés à cesser leurs fonctions.

8Le premier point ne soulève guère de difficultés. Duverger et l’ensemble de la doctrine estiment que le terme du mandat présidentiel est fixe, et donc que son sort n’est en rien lié à celui du parlement.

9En revanche, le fait que Duverger soit muet sur la question de « l’origine » du Premier ministre et du gouvernement soulève plus de questions, puisque le Président a souvent, constitutionnellement ou politiquement, par le biais de son parti, le pouvoir de nommer le Premier ministre et/ou le gouvernement. Le silence de Duverger sur « l’origine » du Premier ministre vient peut-être de l’idée, qu’il partage avec les « pères fondateurs » du semi-présidentialisme, selon laquelle un Président élu au suffrage universel direct est nécessairement « au-dessus » des partis. Mais, dans un régime semi-présidentiel, le Premier ministre procède souvent du Président même si, selon Duverger, il doit pour conserver ses fonctions avoir la confiance de la majorité de l’Assemblée. En ce sens, le régime semi-présidentiel est plus proche du régime présidentiel que du régime parlementaire, puisque c’est le verdict de l’élection présidentielle plus que celui des élections législatives qui dicte alors le choix du Premier ministre.

10Enfin, s’agissant de la durée de l’action gouvernementale, Duverger semble oublier que de nombreux régimes semi-présidentiels donnent au Président non-seulement le pouvoir de nommer, mais aussi celui, formel ou informel, de révoquer le Premier ministre et son gouvernement voire, dans certains cas, celui de dissoudre l’Assemblée. Si les « pouvoirs importants » du Président comprennent celui de révoquer le Premier ministre, alors, contrairement au troisième critère posé par Duverger, la survie politique du Premier ministre ne dépend pas seulement de la confiance de la majorité parlementaire. Perdre la confiance de l’Assemblée entraîne toujours le départ du Premier ministre mais le Président peut aussi, parfois, le révoquer.

11Dans cette perspective, nous avions déjà distingué deux types de régimes semi-présidentiels [5] : le régime premier-présidentiel, que l’on traduira en français par « régime semi-présidentiel moniste », et le régime président-parlementaire, ou en français « régime semi-présidentiel dualiste ». Le Président est moins puissant dans le premier régime que dans le second. Mais le critère de distinction entre ces deux types de régimes semi-présidentiels repose sur la manière dont la constitution règle les rapports entre le Président et le Premier ministre :

  • dans le régime semi-présidentiel moniste, le Premier ministre et le gouvernement ne sont pas formellement responsables devant le Président ; ils ne sont responsables que devant l’Assemblée ;
  • dans le régime semi-présidentiel dualiste, le Premier ministre et le gouvernement sont formellement responsables à la fois devant le Président et devant l’Assemblée.
En 1980, Duverger ne pouvait s’appuyer que sur sept cas de régime semiprésidentiel (Autriche, Finlande, France, Islande, Irlande, le nouveau Portugal démocratique et le défunt système de la république de Weimar). Depuis, leur nombre a considérablement augmenté. Le tableau 1 indique à la fois la liste des pays pris en compte dans cet article et dans l’ouvrage à paraître [6] mais aussi la période durant laquelle ces pays ont connu un régime semi-présidentiel. N’ont été retenus que les seuls pays ayant connu une période démocratique d’au moins cinq ans depuis la Seconde Guerre mondiale [7]. Le tableau rend aussi compte des pays qui ont emprunté différentes formes de régimes semi-présidentiels. Ceux qui sont passés d’un régime semi-présidentiel à un régime présidentiel ou à un régime parlementaire n’ont pas été pris en compte dans cette analyse (mais ils le seront dans l’ouvrage à paraître). Finalement, ce premier tableau recense 31 cas de régimes semi-présidentiels (et 27 pays), soit 18 cas de régime « dualiste » et 13 cas de régime « moniste ». La catégorie des régimes semi-présidentiels est donc désormais suffisamment étoffée pour permettre l’analyse des relations entre le Président et son parti dans les deux types de régimes semi-présidentiels.

Tableau 1

Les types de régimes semi-présidentiels depuis 1945

Tableau 1
Régimes semi-présidentiels monistes Régimes semi-présidentiels dualistes Arménie 2 (2005-2007) Arménie 1 (1998-2005) Bulgarie (1990-2007) Autriche (1949-2007) Croatie (2000-2007) Géorgie (2004-07) Finlande (1945-2007) Madagascar 2 (1993-97) France (1962-2007) Mozambique (1994-2007) Irlande (1952-2007) Namibie (1990-2007) Lituanie (1991-2007) Pérou (1980-92, 2000-07) Macédoine (1991-2007) Portugal 1 (1978-80) Madagascar 1 (1991-93) Russie (1992-2007) Mali (1992-2007) Sénégal (2000-2007) Moldavie (1991-2001) Sri Lanka (1978-2007) Mongolie (1992-2007) Taiwan (1997-2007) Pologne (1989-2007) Ukraine 1 (1992-2005) Portugal 2 (1980-2007) Roumanie (1990-2007) Slovaquie (1998-2007) Slovénie (1991-2007) Ukraine 2 (2005-07)

Les types de régimes semi-présidentiels depuis 1945

12Dans un régime dualiste, le Président exerce une forte emprise sur son parti parce qu’il tire formellement de la Constitution le pouvoir de démettre le Premier ministre et/ou le gouvernement. En revanche, dans un régime moniste, le Président n’a pas formellement ce pouvoir, mais il a en général politiquement la possibilité, à travers son parti, d’obtenir le départ de son Premier ministre. L’objectif de cette recherche est de montrer que le Président use de ses pouvoirs constitutionnels et de la position politique qu’il occupe pour peser sur son Premier ministre, ce qu’une simple analyse des règles constitutionnelles des régimes monistes ne laisserait pas forcément supposer.

13L’impact de la vie interne des partis politiques sur le fonctionnement des pouvoirs publics peut être mesuré en observant comment le Président nomme et, éventuellement, révoque son Premier ministre, et en distinguant concrètement les prérogatives qu’il tient de la constitution de celles qu’il tire, sur un plan politique, de la position institutionnelle qu’il occupe. De fait, la seule lecture de la constitution ne permet pas de comprendre comment fonctionne un régime semi-présidentiel. En revanche, l’analyse des deux types de régimes semi-présidentiels permet de mieux comprendre tant la présidentialisation du parti que celle du régime lui-même. Toutefois, l’analyse empirique ne peut être menée avant que le concept central de « présidentialisation des partis » n’ait été précisément défini.

La présidentialisation des partis, ou de l’organisation et de l’activité des partis dans les systèmes présidentiels et semi-présidentiels modernes

14Les politistes considèrent de plus en plus souvent les organisations partisanes comme une réponse aux problèmes auxquels les acteurs politiques sont sans cesse confrontés (délégation, action collective). Mais la plupart des travaux sur les partis politiques, y compris l’œuvre monumentale de Duverger, n’accorde que peu d’attention à la manière dont le type de régime affecte l’organisation et l’activité des partis, voire même pourrait bousculer la vie interne des partis politiques. Qui plus est, la très vaste littérature consacrée aux régimes politiques s’intéresse en termes généraux à l’impact du type de régime sur la vie politique, et non à ses inégales incidences sur les partis et sur leur rôle. Elle a ainsi largement ignoré le rôle différent que jouent les partis d’un régime à l’autre, alors que ceux jouent pourtant un rôle clé dans la représentation des intérêts qui traversent la société et dans la mise en œuvre des politiques publiques.

15Le point de départ de cette recherche s’appuie sur l’hypothèse suivante : dans la mesure où le Premier ministre, bien que responsable devant l’Assemblée, est nommé par un Président élu au suffrage universel direct, les partis vont se présidentialiser. Par « présidentialisation », il faut entendre tout à la fois la délégation par les partis à leur leader des décisions stratégiques essentielles mais aussi le fait que ces derniers ne sont plus tenus d’en rendre compte. Lorsque le Président est élu au suffrage universel direct, la question fondamentale pour les partis réside dans le choix de leur leader, et dans la façon de (tenter de) les rendre responsables. La manière dont les leaders sont appelés à « en rendre compte » varie t-elle selon le type de régime ? Les implications empiriques de la notion de présidentialisation, comme l’analyse de l’impact des trois principaux types de régimes démocratiques sur l’organisation et le comportement des partis sont nombreuses. Ici, la présidentialisation ne sera traitée que sous l’angle du processus de sélection et de mise à l’écart des Premiers ministres dans les régimes semi-présidentiels [8].

16Dans un régime semi-présidentiel, le caractère bicéphale de l’exécutif suggère un partage du pouvoir. Pourtant, la question reste ouverte. Le Premier ministre bénéficie-t-il d’une légitimité politique propre, distincte de celle du président ? A-t-il une capacité éventuelle de faire contrepoids au Président élu au suffrage universel direct ? Ou est-il simplement subordonné au Président, exécutant sa volonté ? Les réponses à ces questions sont importantes. Si les deux têtes de l’exécutif représentent deux types de mandants rivaux – les électeurs pour le Président, et la majorité parlementaire pour le Premier ministre –, la dualité exécutive [9] peut institutionnaliser la division du pouvoir au sommet de l’Etat. Mais si le Premier ministre est subordonné au Président, les pouvoirs détenus par ce dernier sont identiques à ceux qu’il détiendrait dans le cadre d’un régime présidentiel pur. Il se pourrait même qu’il en détienne davantage, vu la possibilité qui est parfois donnée au Président de révoquer le Premier ministre et même – ce qui est impossible dans un régime présidentiel – de dissoudre l’Assemblée.

Les relations parti-président en régime semi-présidentiel

17Le régime semi-présidentiel mérite examen, en raison de sa complexité. Sur un continuum hypothétique dont les deux types de régime « pur » constitueraient les pôles extrêmes, doit-il être placé à égale distance de chacun d’entre eux, les deux têtes de l’exécutif veillant « chacune à ce que l’autre reste à sa place » [10] ? Au contraire, l’élection du Président au suffrage universel implique-t-elle la présidentialisation des partis, y compris dans les régimes monistes où les pouvoirs constitutionnels du Président sont plus faibles ?

18L’idée selon laquelle le régime semi-présidentiel a un impact sur les partis politiques et modifie leur rôle dans la formation des gouvernements n’est pas vraiment nouvelle, même si les spécialistes des partis politiques ont eu tendance à la négliger. Le régime semi-présidentiel est né en 1919 avec les constitutions finlandaise et allemande. La nature hybride de la constitution de Weimar, par exemple, doit beaucoup à l’apport de savants renommés [11]. Il en est ainsi de Max Weber ([1917] 1978) qui insista pour qu’il y ait dans le régime de Weimar, une logique de « checks and balances », un Président élu par le peuple doté de réels pouvoirs face aux représentants des partis qui siégeaient au Parlement. De son côté, le juriste Hugo Preuss approuva le régime hybride de Weimar en ce qu’il conférait au Président et au Parlement des « sources autonomes de légitimité » [12].

19Au début du XXe siècle, en Europe continentale, tous ces débats ont donc fait échos aux propos de Madison, appelant à ce que « l’ambition contrebalance l’ambition » et proposant que des pouvoirs élus séparément « se gardent mutuellement à leur place ». Mais contrairement à l’époque où les Fédéralistes rédigeaient leurs articles (Federalist papers), celle des « Pères fondateurs » du régime semi-présidentiel connaissait déjà les partis de masse. Ils ont donc élaboré le régime semi-présidentiel en supposant justement qu’un Président élu directement par le peuple modifierait profondément le rôle que jouent les partis dans un régime parlementaire. Max Weber ([1917] 1978, p. 1452-1453), par exemple, doutait de l’aptitude des partis à gouverner et partait du postulat que la dimension plébiscitaire du scrutin présidentiel conduisait nécessairement les partis à se soumettre « de manière plus ou moins inconditionnelle à des leaders qui détiennent la confiance des masses ».

20L’effondrement de la république de Weimar, avec l’accession d’Hitler au pouvoir, aurait pu discréditer totalement ce type de régime. Pourtant, il n’en fut rien. L’attrait pour un système combinant un Président élu au suffrage universel et détenant de larges pouvoirs et un gouvernement responsable devant le parlement est resté très fort. La diffusion dans le monde du régime semi-présidentiel doit beaucoup, non pas à l’expérience désastreuse de Weimar, mais à la résurgence (plutôt réussie) de ce type de régime en France, quelques décennies plus tard. Dans le discours de Bayeux, en 1946, Charles de Gaulle plaidait pour « un chef de l’État, placé au-dessus des partis » [13]. Dans la constitution française de 1958, le Président était initialement élu au suffrage universel indirect, par un collège électoral composé des parlementaires. À l’origine, la Ve République apparaissait plus comme une nouvelle tentative de rationalisation du parlementarisme que comme un régime vraiment nouveau. Pourtant, avec le référendum de 1962, de Gaulle a réintroduit un élément clé de la république de Weimar en faisant approuver le principe même de l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. Cette réforme déboucha sur ce qui est devenu le régime semi-présidentiel le plus imité au monde.

21Ces deux exemples illustrent bien chacun des deux types de régimes semi-présidentiels : l’Allemagne de Weimar était un régime semi-présidentiel dualiste, alors que la Ve République est un régime semi-présidentiel moniste. Bien sûr, contrairement à l’expérience de Weimar, la Ve République a connu la stabilité, même si, ironie des choses (le fait a été peu remarqué), le régime gaulliste reprenait un élément-clé de la république de Weimar. Les politistes ont aussi omis de remarquer que les tenants du régime semi-présidentiel utilisaient des arguments théoriques identiques dans les deux pays. À chaque fois, il s’agissait de concevoir un régime qui transformerait simultanément les partis eux-mêmes et les rapports entre les partis et le gouvernement. Dans les deux pays, les promoteurs de la réforme pensaient que la modification des mécanismes représentatifs changerait l’organisation et le comportement des partis, qui sont justement à l’articulation des relations entre les citoyens et le pouvoir.

22Les deux types de régimes semi-présidentiels tendent ainsi à favoriser la « présidentialisation » des partis politiques. D’une part, ce processus est inscrit dans le principe même du régime dualiste ; d’autre part, il a aussi toutes les chances de se développer dans un régime moniste, compte tenu de l’importance qu’occupe l’élection présidentielle dans le jeu politique.

Le régime semi-présidentiel dualiste et la présidentialisation des partis

23Dans un régime semi-présidentiel dualiste, la présidentialisation des partis – et, de fait, celle de tout le système politique – ne soulève pas de question. Par définition, le Président a le pouvoir constitutionnel de nommer et de révoquer le Premier ministre et/ou le gouvernement, ce qui n’est pas possible dans un régime moniste. Le Président détient la réalité du pouvoir exécutif et est aussi la personnalité politique la plus importante du pays. Même lorsque la majorité parlementaire s’oppose brusquement au Président, le fait qu’il puisse à tout moment révoquer le Premier ministre et/ou le gouvernement, ou même dissoudre l’Assemblée, lui donne des pouvoirs considérables [14]. Les pouvoirs du Président sont alors très proches de ceux dont il dispose dans un régime présidentiel voire, par certains aspects plus importants encore [15]. Ceci laisse à penser que l’organisation et le rôle des partis dans un tel régime sont proches de ceux qui existent dans un régime présidentiel.

Le régime semi-présidentiel moniste et la présidentialisation des partis

24En revanche, la présidentialisation des partis dans les régimes semi-présidentiels monistes suscite plus de questions, puisque le gouvernement n’est alors formellement responsable que devant le parlement. En théorie, ce schéma constitutionnel devrait se traduire par une plus faible influence du Président sur le parlement, et donc limiter la présidentialisation des partis, restreignant par là-même le poids politique du Président. Cependant, les pouvoirs réels du Président, qu’ils les tiennent ou non de la constitution, concourent également à la présidentialisation des partis.

25S’agissant des pouvoirs constitutionnels eux-mêmes, Shugart [16] relève que le Président a le droit, dans la plupart des régimes semi-présidentiels monistes, de désigner le Premier ministre, qui est alors soumis à un vote d’investiture, et qu’il a même parfois le pouvoir de le nommer. En revanche, rares sont les cas où le Président ne joue constitutionnellement aucun rôle dans la nomination du Premier ministre [17]. Dans la mesure où le Président a le pouvoir formel de choisir son Premier ministre, son élection au suffrage universel direct affecte directement l’organisation des partis [18].

26Si le pouvoir constitutionnel de nommer le Premier ministre était politiquement le seul pouvoir du Président, la présidentialisation des partis serait alors bien entendu limitée, puisque une fois nommé, le gouvernement n’aurait aucun compte à rendre au Président. L’élection présidentielle serait alors reléguée au second plan et, dans leur quête du pouvoir, les partis pourraient se concentrer sur les élections législatives. Tel est le cas en Autriche (que nous examinerons plus bas) mais aussi en Irlande. Cependant, ces cas sont tout à fait atypiques [19]. En règle générale, les pouvoirs réels du Président sont beaucoup plus larges que ceux que lui attribue la constitution, en raison de la présidentialisation des partis.

27L’ascendant politique qu’exerce le Président sur son parti conduit à s’intéresser davantage à l’entrée en fonction du Premier ministre plutôt qu’à sa sortie. Comme nous l’avons noté, en régime moniste, le Président n’a pas le pouvoir formel de révoquer le Premier ministre ou le gouvernement. Même un Président nouvellement élu ne peut révoquer un Premier ministre en exercice. Ces dispositions constitutionnelles devraient, en principe, limiter l’influence du Président sur le jeu parlementaire et donner au régime semi-présidentiel moniste les allures d’un véritable régime parlementaire [20]. Cette question sera examinée plus loin, à l’aide de données empiriques.

28Deux conditions sont susceptibles de favoriser l’influence politique du Président dans les régimes parlementaires monistes : 1°) lorsque le Président et la majorité parlementaire appartiennent à la même famille politique ; 2°) lorsque le Président est de facto le leader de son parti. La première condition se vérifie dans 80 % des cas. Quant à la seconde, le Président est souvent le vrai leader de son parti, même si ce n’est pas lui qui en est formellement à la direction. Lorsque le Président dirige de facto son parti, la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée – le troisième élément de la définition de Duverger du régime semi-présidentiel – n’a plus d’importance, parce que le Premier ministre est politiquement subordonné au Président.

29Bien sûr, dans un régime semi-présidentiel moniste, rien ne garantit que le Président disposera d’une majorité au parlement. Quand le Président et la majorité parlementaire sont issus de deux familles politiques opposées, les prérogatives constitutionnelles deviennent cruciales. Une défaite du Président lors des élections législatives le prive de toute influence sur le gouvernement, qui n’est responsable que devant l’Assemblée. Ceci étant dit, toute analyse de la présidentialisation doit prendre en compte les situations en temps de cohabitation.

Nomination et révocation du Premier ministre

30Quelles sont les conséquences de la présidentialisation des partis en régime semi-présidentiel ? [21] Quels rapports le Président entretient-il avec le Premier ministre, en particulier sous l’angle des liens partisans ? Par « liens partisans » il faut entendre non-seulement le parti auquel ils appartiennent tous les deux mais aussi, dans le cas du Premier ministre, le fait qu’il fasse partie ou non de la direction du parti. En d’autres termes, qu’il soit un un outsider ou un insider.

31Plus l’emprise du parti sur l’exécutif est grand, plus on peut s’attendre à ce que ceux qui accèdent aux responsabilités les plus élevées aient précédemment occupé des positions partisanes importantes, qui leur auront donné l’occasion de démontrer leur attachement au parti. Le régime parlementaire est celui où l’emprise des partis sur l’exécutif est la plus forte, parce que le sort de l’exécutif est entièrement lié à celui de la majorité parlementaire. En revanche, quand les partis ne contrôlent pas les chemins qui mènent au sommet de l’État – par exemple, quand le Premier ministre est nommé par un Président élu – on peut s’attendre à ce que l’expérience parlementaire ou ministérielle compte moins.

32Ainsi quand l’exécutif est sous l’emprise des partis, le Premier ministre doit montrer qu’il est bien un « insider ». En revanche, plus le Premier ministre est subordonné au Président, plus il doit montrer qu’il est un « outsider ». Un profil d’insider renvoie à une carrière parlementaire et gouvernementale et une implication forte dans un parti qui, seul ou en coalition, dispose de la majorité parlementaire ; un profil d’outsider implique simplement une moins grande expérience parlementaire ou gouvernementale, et peut-être une implication partisane plus faible.

33En fin de compte, la question du pouvoir présidentiel dans un régime semi-présidentiel se résume à la manière dont les pouvoirs se répartissent entre le Président et le Premier ministre, et entre celui-ci et l’Assemblée. L’idée selon laquelle le régime semi-présidentiel se caractérise d’abord par un exécutif à deux têtes [22], repose implicitement sur l’idée que le Président et le Premier ministre ont chacun une source de légitimité différente. Cependant, ce n’est que lorsque leurs pouvoirs proviennent de sources différentes que la dualité du pouvoir prend tout son sens. Autrement, l’un sera l’agent de l’autre – et il semble évident que dans un régime semi-présidentiel, le Premier ministre sera subordonné au Président, et non l’inverse.

34Comme Duverger le soulignait déjà [23], la répartition de facto du pouvoir dans ce type de régime ne semble pas toujours coïncider avec ce que prévoit formellement la Constitution. Mais il n’a pas assez insisté sur le fait que cet écart est dû à des considérations liées à la vie interne des partis politiques. L’étude des fonctions politiques exercées par le Premier ministre avant qu’il n’accède à ses fonctions montre qu’il est souvent subordonné au Président (voir ci-après). Ceci suggère que la présidentialisation des partis – et donc celle de tout le système politique – découle de l’influence politique du Président bien plus que de ses pouvoirs constitutionnels. Ainsi quand le parti du Président dispose de la majorité parlementaire, le Premier ministre est dans la plupart des cas politiquement subordonné au Président. Il en va différemment lorsque le Président a perdu la majoritaire parlementaire, c’est-à-dire en période de cohabitation, qui ne se retrouve en pratique que dans les régimes semi-présidentiels monistes. Cela signifie que la présidentialisation des partis est presque totale dans les régimes semi-présidentiels dualistes.

35Le régime parlementaire, où le Premier ministre dispose seul du pouvoir exécutif, fournit un point de comparaison utile pour l’étude du régime semiprésidentiel. Dans ce type de régime, l’exécutif peut être dirigé soit par le Président, soit par le Premier ministre, soit encore par une « dyarchie » formée par le Président et le Premier ministre. On peut s’attendre à ce que la présidentialisation des partis y soit plus forte qu’en régime parlementaire, et donc que les « outsiders » y occupent une place plus importante, singulièrement dans les régimes dualistes.

36La comparaison des carrières des Premiers ministres dans les régimes parlementaires et semi-présidentiels, s’appuie sur l’étude des biographies de tous les Premiers ministres des pays pris en compte dans cette analyse (tableau 1) à l’exception, pour des raisons expliquées ci-après, de l’Autriche. Notre base de données comprend 626 Premiers ministres, soit probablement la plus grande du genre [24]. Dès lors, on peut supposer que le Premier ministre d’un régime parlementaire aura davantage un profil politique « classique » que celui d’un régime semi-présidentiel.

37Le tableau 2 montre tout d’abord que le régime parlementaire est le seul régime dans lequel plus de la moitié des Premiers ministres détenait un mandat parlementaire au moment de leur entrée en fonction (même si la différence est faible avec le régime moniste). En revanche, ils ne sont qu’un tiers dans les régimes dualistes. Le tableau révèle aussi que, en régime parlementaire, presque tous les Premiers ministres (94 %) ont été parlementaires à un moment ou à un autre de leur carrière, ce qui n’est pas le cas des Premiers ministres des régimes semi-présidentiels. On note aussi, sans surprise, que le nombre d’années que les Premiers ministres ont passé au Parlement est plus important dans les régimes parlementaires que dans les régimes semi-présidentiels. Si l’on envisage la carrière partisane des Premiers ministres, et plus précisément le fait de diriger ou non un parti au moment de leur entrée en fonction, les différences sont faibles d’un régime à l’autre. En revanche, elles sont fortes si l’on prend cette fois comme référence le fait d’avoir dirigé un parti à un moment ou à un autre de leur carrière, ou encore la durée d’exercice de cette fonction.

Tableau 2

Profil politique des Premiers ministres selon le type de régime

Tableau 2
Régime parlementaire (N=403) Régime semi-présidentiel moniste (N=151) Régime semi-présidentiel dualiste (N=72) Exercice d ’un mandat parlementaire - Lors de leur entrée en fonction 55% 50% 32% - À un moment quelconque de leur carrière 94% 80% 70% - Nombres d ’années d ’exercice d ’un mandat parlementaire 9.40 6.80 6.10 Leader d ’un parti politique - Lors de leur entrée en fonction 23% 22% 18% - À un moment quelconque de leur carrière 76% 51% 19% - Nombre d ’années à la tête d ’un parti 4.09 2.61 1.20

Profil politique des Premiers ministres selon le type de régime

38Les chiffres du tableau 2 confortent donc l’hypothèse de départ : les deux types de régimes semi-présidentiels sont relativement présidentialisés, comparés aux régimes parlementaires, et la présidentialisation est plus forte dans les régimes dualistes que dans les régimes monistes.

39L’étude des raisons motivant le départ du Premier ministre confirme qu’il est davantage l’homme du Président que l’homme d’un parti [25]. Trois raisons principales expliquent le « renvoi » d’un Premier ministre : des raisons électorales, des raisons politiques et des raisons internes. Sous l’angle électoral, un Premier ministre peut tout d’abord perdre son poste parce que la base électorale de son parti s’est affaiblie et que ses électeurs ont rejoint un autre parti voire d’autres partis. Sous l’angle politique, il peut être contraint de quitter son poste entre deux échéances électorales. L’éclatement de la coalition gouvernementale ou le vote d’une motion de censure constituent de bons exemples de départ pour des raisons politiques. Enfin, un Premier ministre peut aussi perdre son poste pour des raisons partisanes et plus précisément en raison de dissensions au sein du parti majoritaire.

40Cette typologie permet de comparer la situation d’un régime à l’autre [26].

41Le tableau 3 donne un aperçu des raisons du départ des Premiers ministres. Les défaites électorales, l’éclatement de la coalition gouvernementale et les dissensions internes au sein du parti majoritaire expliquent un nombre sensiblement équivalent de départs, en régime parlementaire et en régime semiprésidentiel (total des deux types de régime). Dans les régimes semi-présidentiels, cependant, le Président est à l’origine du départ du Premier ministre dans un quart des cas. Ce chiffre atteint 40 % dans la sa variante dualiste, mais il est encore de 17 % dans les régimes monistes. Dans la mesure où, dans ce type de régime, le Président n’a pas le pouvoir formel de révoquer son Premier ministre, ce chiffre ne s’explique que par l’ascendant politique dont dispose le Président sur son propre parti, c’est-à-dire la présidentialisation des partis.

Tableau 3

Les changements de Premier ministre en régime parlementaire et en régime semi-présidentiel [27]

Tableau 3
Changement à l ’occasion de… régime parlementaire nombre (%) régime semiprésidentiel total nombre (%) régime moniste nombre (%) régime dualiste nombre (%) Défaite lors des élections législatives 113 (31.9) 51 (25.6) 45 (33.1) 6 (9.5) Conflit inter-partisan au Parlement 115 (32.5) 36 (18.1) 31 (22.8) 5 (7.9) Conflit intra-partisan au Parlement 107 (30.2) 43 (21.6) 27 (19.9) 16 (25.4) Influence présidentielle, inter-partisan 17 (8.5) 9 (6.6) 8 (12.7) Influence présidentielle, intra-partisan 31 (15.6) 14 (10.2) 17 (27.0) Candidature/élection à la présidence 15 (7.5) 9 (6.6) 6 (9.5) Autre 27 19 (5.4) 6 (3.0) 1 (0.7) 5 (7.9) Total 354 199 136 63

Les changements de Premier ministre en régime parlementaire et en régime semi-présidentiel [27]

42L’ascendant politique que le Président exerce sur son propre parti tient beaucoup à la place inégalée qu’occupe l’élection présidentielle dans le jeu politique. La « présidentialisation » commence avant même le scrutin, avec la liberté que les partis accordent à leur candidat de mener campagne à leur guise. Une fois élu, le Président dispose d’une liberté totale, notamment parce que le terme de son mandat est fixé par la constitution et que rien ni personne ne saurait obliger le Président à se retirer. La présidentialisation conduit le parti majoritaire à laisser le Président choisir son Premier ministre, alors que, pourtant, celui-ci est en principe l’émanation du parti majoritaire. Ce dernier abandonne alors au Président ce qui est probablement sa prérogative la plus importante dans un régime semi-présidentiel moniste. Le parti majoritaire n’est plus, comme en régime parlementaire, le pivot du régime. Bien au contraire, le Président profite de l’emprise qu’il exerce sur son parti pour le façonner à son image [28].

43Les deux types de régimes semi-présidentiels sont-ils « présidentialisés » à l’identique ? Les deux dernières colonnes du tableau 3 suggèrent le contraire. Dans les régimes dualistes, le départ du Premier ministre survient plus rarement suite à une défaite électorale ou à des dissensions internes au sein du parti majoritaire que dans les régimes monistes. En revanche, il intervient plus fréquemment à l’initiative du Président, ce qui n’est guère surprenant puisque le propre d’un régime dualiste est justement d’offrir au Président le droit de révoquer son Premier ministre quand il le souhaite.

44Bien que disposant de pouvoirs plus faibles, le Président d’un régime moniste parvient parfois à se débarrasser d’un Premier ministre qui n’appartient pas au même parti que lui, ce qui va à l’encontre des principes mêmes de ce type de régime. Il faut cependant avoir présent à l’esprit que dans un système multipartisan, l’équilibre politique d’une coalition électorale peut reposer sur une répartition des responsabilités entre les partis qui la composent : Président et Premier ministre peuvent appartenir à deux partis différents appartenant à la même coalition. En concluant une telle alliance, les partis acceptent implicitement que le Président ait l’ascendant sur le Premier ministre et qu’il puisse ainsi fixer le terme de ses fonctions. C’est exactement ce que nous entendons par « présidentialisation » : le fait que la subordination du Premier ministre au Président soit à peine moindre dans les régimes monistes que dans les régimes dualistes est un très bon indicateur de l’impact de la présidentialisation sur les partis politiques en régime semi-présidentiel. Les leaders des partis ont vocation à être candidats à l’élection présidentielle. Une fois élu, le nouveau Président aura implicitement le droit de changer de Premier ministre. On tourne alors le dos au fondement même du parlementarisme, selon lequel le Premier ministre procède de la majorité parlementaire. Et si un Président est suffisamment populaire pour être perçu comme le meilleur atout de son parti ou de la majorité parlementaire lors des échéances électorales à venir, personne ne contestera qu’il puisse révoquer le Premier ministre (ou d’autres membres du gouvernement) quand bon lui semble. L’emprise que le Président exerce sur son parti (indépendamment de la nature exacte des pouvoirs que lui accorde la constitution et sans qu’il ait à « rendre compte » à son parti) est l’essence même de la présidentialisation d’un parti [29]. En tous cas, hors période de cohabitation.

L’impact de la cohabitation

45Dans un régime semi-présidentiel, le Premier ministre et son gouvernement sont, par principe, responsables devant le parlement. Cependant, l’élection séparée du Président et des députés est susceptible de déboucher sur un exécutif divisé (Executive divided against itself) [30], lorsque le Président et la majorité parlementaire appartiennent à deux familles politiques opposées. Duverger [31] conclut son propre travail en citant « le brillant article » de son collègue Georges Vedel, qui suggère que le France n’est pas un régime hybride, mi-présidentiel mi-parlementaire, mais un régime où sont appelées à se succéder « des phases présidentielles et des phases parlementaires, ce qui est tout à fait différent » [32]. Mais en 1980, la question ne se posait en France que de façon théorique puisque, jamais sous la Ve République le Président n’avait alors perdu les élections législatives. D’ailleurs, Duverger n’avait, identifié aucune situation de ce type cas dans les six autres régimes semi-présidentiels qu’il avait étudiés. Mais il est vrai que ces six pays ne connaissaient pas la bipolarisation. Duverger souligne qu’il avait prédit la bipolarisation du système partisan français et que la notion de « régime semiprésidentiel » offrait l’avantage de comprendre cette succession de phases présidentielles et de phases parlementaires.

46Peut- on pour autant affirmer que les rapports entre le Président et le Premier ministre varient selon ces phases ? Si notre approche du régime semiprésidentiel et de ses sous-types est juste, l’emprise du Président sur son parti en période de cohabitation devrait varier selon le type de régime, moniste ou dualiste. À ce stade il importe de définir précisément les périodes de cohabitation et les périodes de concordance majoritaire. Parler de cohabitation suppose que deux conditions soient réunies [33] : 1) Le Président et le Premier ministre sont issus de deux familles politiques opposées, 2) Le parti du Président n’est pas représenté au gouvernement.

47Cette définition devrait permettre d’observer des différences dans la fréquence des cohabitations selon le type de régime semi-présidentiel.

48Dans un régime moniste, la cohabitation devrait survenir de temps à autre, puisque le gouvernement n’étant responsable que devant le Parlement, les partis ont un certain degré d’influence sur le gouvernement, quel que soit le résultat de l’élection présidentielle. À l’inverse, dans un régime dualiste, la cohabitation devrait être beaucoup plus rare puisque le Président a, par définition, le pouvoir de révoquer le gouvernement, et donc une influence beaucoup plus grande sur les partis représentés au Parlement. Finalement l’hypothèse théorique ici testée est celle d’une présidentialisation plus beaucoup plus forte des partis dans un régime semi-présidentiel dualiste que dans les autres types de régime (parlementaire ou moniste).

49La comparaison de la fréquence des cohabitations selon le type de régime semi-présidentiel constitue un élément de réponse. Les Premiers ministres ayant dirigé des gouvernements de cohabitation ont été isolés de la base de données précitée. L’analyse est fondée sur 66 Présidents et 209 Premiers ministres [34]. Selon le tableau 4, les régimes semi-présidentiels connaissent une période de cohabitation 15 % du temps. Mais ce chiffre est de 20 % dans les régimes monistes contre 2 % dans les régimes dualistes. De fait, nous ne relevons qu’un seul cas, le Sri Lanka, de cohabitation dans un régime dualiste et il ne concerne qu’une courte période. Ainsi, la cohabitation est relativement rare dans les régimes semi-présidentiels en général, et tout à fait exceptionnel dans les régimes dualistes en particulier.

Tableau 4

La cohabitation selon la variété de régime semi-présidentiel

Tableau 4
Durée totale Périodes de cohabitation % en cohabitation Régimes monistes 315 ans et 7,3 mois 69 ans et 9,7 mois 22,1 Régimes dualistes 163 ans et 6,2 mois 2 ans et 4,0 mois 1,4 Total régimes semi-présidentiels 479 ans et 1,7 mois 72 ans et 1,6 mois 15,1

La cohabitation selon la variété de régime semi-présidentiel

50Si notre hypothèse théorique est correcte, la présidentialisation devrait être moindre en période de cohabitation. Autrement dit, quand le Président est contraint de cohabiter avec une majorité parlementaire hostile et que celle-ci est en mesure d’imposer au Président un Premier ministre (et qu’en outre le parti du Président n’est pas associé au gouvernement), l’emprise du Président sur son parti devrait diminuer. Si tel est le cas, la désignation et le remplacement éventuel du Premier ministre devrait obéir à un schéma « parlementaire ». Plus précisément, le leader de l’opposition devrait alors être nommé Premier ministre et la cohabitation ne devrait s’achever qu’à la suite d’une rupture de la coalition gouvernementale ou au lendemain d’élections perdues par le Premier ministre, mais non à l’initiative du Président (du moins dans les régimes monistes).

51Nous savons que, dans les régimes semi-présidentiels monistes, 22 % des Premiers ministres sont des chefs de parti et qu’ils sont 18 % dans les régimes dualistes (tableau 2). Mais le tableau 5 montre qu’en période de cohabitation, le premier ministre est plus fréquemment un chef de parti qu’en période de concordance des majorités parlementaire et présidentielle (unified government). Bien que le nombre de cas soit faible (28 premiers ministres de cohabitation dans les régimes monistes, un seul dans les régimes dualistes), la différence est statistiquement significative. La proportion de Premiers ministres ayant été chefs du parti – plus de 30 % – est même plus grande en période de cohabitation que dans les régimes parlementaires (cf. tableau 2).

Tableau 5

Profil politique des Premiers ministres en période de cohabitation*

Tableau 5
Régimes semi-présidentiels dont régimes semi-présidentiels monistes Période de cohabitation (N=29) Période de concordance des majorités parlementaire et présidentielle (N=197) Période de cohabitation (N=28) Période de concordance des majorités parlementaire et présidentielle (N=122) % de chefs de parti 33 % 15 % 31 % 16 % Significativité p = .01 p = .04 * Le tableau ne comprend que les Premiers ministres nommés après des élections législatives ou entre deux élections. En d’autres termes, sont exclus les Premiers ministres qui étaient déjà en fonction et qui le sont restés après qu’un Président d’un parti opposé ait été élu.

Profil politique des Premiers ministres en période de cohabitation*

52Ces résultats confirment qu’en régime semi-présidentiel, un Président dont le parti (ou la famille politique) perd les élections législatives doit souvent se résoudre à cohabiter avec le leader de l’opposition. Mais ils signifient également que dans les deux-tiers des cas, le leader de l’opposition ne devient pas Premier ministre. Deux situations sont concevables : soit l’opposition choisit de ne pas désigner son leader au poste de Premier ministre, soit le Président conserve une influence sur le choix de la personne appelée à devenir Premier ministre. Cette dernière hypothèse suggère que le Président ait quelque influence sur le parti qui détient la majorité parlementaire, même en régime moniste.

53Quelques exemples peuvent illustrer cette situation. La Mongolie, en 1998-1999, est ainsi longtemps restée dans l’impasse lorsque le Président refusa successivement de nommer Premier ministre les sept personnalités qui lui avaient été proposées. Le cas s’est également présenté en Roumanie après les élections de 2004, lorsque le Président a réussi à faire éclater la coalition électorale qui venait pourtant de remporter le scrutin, en nommant un Premier ministre issu de son propre parti et en obtenant le ralliement d’une des formations de l’opposition [35]. Mais la plupart du temps, lorsque dans un régime moniste le Président est confronté à une majorité parlementaire hostile, la cohabitation est inévitable [36], et le leader de l’opposition est le mieux placé pour devenir le nouveau Premier ministre. Dans les régimes dualistes, en revanche, nous n’avons d’ailleurs pu relever qu’un seul cas de cohabitation de ce type, à Taiwan.

54Si la cohabitation peut être considérée comme une lecture « parlementaire » d’un régime semi-présidentiel, elle devrait alors s’achever selon des voies propres au régime parlementaire. Autrement dit, la cohabitation devrait prendre fin soit au lendemain d’élections législatives perdues par la majorité parlementaire, soit à la suite de l’éclatement de la coalition gouvernementale, soit à la suite d’un conflit interne au parti majoritaire, mais jamais à l’initiative du Président. Le tableau 6 confirme cette hypothèse. Dans 41 % des cas, la cohabitation s’achève avec la défaite électorale de la majorité parlementaire et la formation d’un nouveau gouvernement incluant le parti du Président en exercice. Dans 22 % des cas, la cohabitation prend fin lors de l’élection présidentielle suivante : soit le Premier ministre abandonne ses fonctions pour se présenter à l’élection présidentielle (11 % des cas) ; soit le Premier ministre reste à son poste, son parti remportant finalement l’élection présidentielle avec un autre candidat (11 % des cas également).

Tableau 6

La fin de la cohabitation en régime semi-présidentiel***

Tableau 6
Premiers ministres de cohabitation (%) Le Premier ministre est candidat/élu à la présidence 11 Raisons électorales : élections législatives remportées par le Président 41 Raisons électorales : élection présidentielle remportée par la majorité parlementaire. 11 Rupture de la coalition gouvernementale 30 Conflits internes au parti majoritaire 7 Influence présidentielle, inter-partisane 0 Influence présidentielle, intra-partisane 0 (N) 27** * Le tableau ne rend pas nécessairement compte de la fin du mandat du Premier ministre, mais plutôt des raisons expliquant pourquoi il n’est plus en situation de cohabitation ; ceci inclut le cas d’une cohabitation dans un régime dualiste se terminant par des élections législatives. ** Total des périodes de cohabitation achevées. Ceci exclut cinq Premiers ministres de cohabitation encore en exercice en 2008.

La fin de la cohabitation en régime semi-présidentiel***

55Dans 30 % des cas, la cohabitation prend fin parce que la coalition gouvernementale se disloque. Il en est ainsi, notamment, lors de la formation d’une nouvelle coalition incluant le parti du Président. Cependant, on ne compte aucun cas où le Président est à l’origine de la chute du gouvernement – même si l’on ne peut pas exclure qu’il intrigue en coulisses. Ce résultat est frappant. En régime moniste, le Président peut manifestement changer de Premier ministre quand il contrôle la majorité au Parlement mais il ne peut pas le faire quand il est confronté à une majorité parlementaire hostile. Cela correspond exactement à la description théorique de la cohabitation, comme phase parlementaire d’un régime semi-présidentiel, comme le suggéraient Maurice Duverger et Georges Vedel, et plus tard Arend Lijphart (1999, p. 121-1) [37]. Dans un régime moniste, la cohabitation est importante en ce qu’elle met en lumière les circonstances qui conduisent à ce que le Président soit mis sur la touche. Ce serait cependant une erreur de croire que la présidentialisation des partis disparaît totalement en période de cohabitation : le parti majoritaire (ou le principal parti de la majorité) doit se doter d’un candidat capable de remporter l’élection présidentielle suivante. Dans cette situation, le Premier ministre en exercice fait figure de candidat probable : en France, les trois Premiers ministres de cohabitation furent tous candidats à l’élection présidentielle… même s’ils furent systématiquement battus (Jacques Chirac en 1988, Edouard Balladur en 1995 et Lionel Jospin en 2002).

L’exception autrichienne ?

56L’Autriche est dans une situation singulière, puisqu’il s’agit d’un des rares pays à régime semi-présidentiel dualiste où la lecture parlementaire de la constitution s’est imposée. Les présidents autrichiens n’ont jamais joué de rôle important alors que, selon la constitution, le Président nomme et révoque le Premier ministre et dispose du droit de dissolution. L’observation du cas autrichien a conduit Duverger [38] à considérer que le dispositif constitutionnel était « secondaire » et à affirmer que la pratique institutionnelle était beaucoup plus importante. Mais à l’époque Duverger n’avait à sa disposition que sept exemples. Aujourd’hui, nous disposons de matériaux beaucoup plus importants, montrant clairement que l’Autriche est une exception au regard de l’ensemble des autres régimes dualistes.

57Müller [39] note qu’il existe en Autriche une « convention de la constitution » qui oblige le Président à désigner le leader du parti le plus important comme « formateur ». Dans les faits, celui-ci a toujours réussi à constituer le gouvernement et, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, aucun Président n’a renvoyé le gouvernement ou dissous le Parlement. De plus, les leaders des principaux partis sont rarement candidats à l’élection présidentielle : les partis préfèrent plutôt présenter des personnalités emblématiques, au passé glorieux. Enfin, les candidats à la présidence de la république ne peuvent pas compter sur des financements publics pour faire campagne. Ils sont donc contraints de s’en remettre à leur parti, ce qui limite la présidentialisation [40]. Ainsi, et contrairement à ce que l’on observe en général dans les régimes dualistes, les partis autrichiens ont tout fait pour limiter au maximum la présidentialisation des partis.

58Le régime autrichien s’éloigne aussi considérablement des autres régimes dualistes sur un autre point. Contrairement à ce que l’on observe habituellement dans ce type de régime, le Premier ministre est, presque toujours, un « insider » : onze Premiers ministres sur douze étaient ministres ou parlementaires avant d’accéder à leur fonction, et sept d’entre eux dirigeaient ou avaient dirigé antérieurement leur parti.

59L’Autriche est donc clairement une exception. Ceci est dû tant aux accidents de l’histoire qu’à la volonté des partis autrichiens de conserver le Président sous contrôle. Après la Seconde Guerre mondiale, quand l’Autriche fut à nouveau un Etat souverain, il fut décidé pour gagner du temps de ne pas mettre en chantier une nouvelle constitution, mais d’en revenir à la constitution de 1920, bâtie sur le modèle de la République de Weimar et amendée en 1929 pour donner encore davantage de pouvoirs propres au Président. Après-guerre, les deux principaux partis, le SPÖ (socialiste) et l’ÖVP (centre-droit) ont formé une coalition gouvernementale qui dura vingt ans. Pendant cette période, les partis se sont tacitement entendus pour faire de la présidence une fonction purement symbolique. La constitution ne fut jamais modifiée, mais les Présidents successifs se sont abstenus de faire usage de leurs pouvoirs constitutionnels.

60Nulle part ailleurs, en tous cas dans les pays pris en compte dans l’analyse [41], nous n’observons un tel écart entre le droit et la pratique. L’expérience autrichienne montre comment une lecture parlementaire de la constitution peut s’imposer dans un régime semi-présidentiel.

Conclusion

61Le concept de régime semi-présidentiel est apparu pour la première fois dans la littérature anglophone avec l’article de Duverger [42], qui le présentait comme un « nouveau modèle de régime politique ». Depuis trois décennies, ce modèle a bénéficié d’une large diffusion, tant en Science politique qu’en Droit constitutionnel. Pour Duverger, la notion de régime semi-présidentiel a pour mérite essentiel d’expliquer pourquoi le Président joue un rôle important dans les régimes où, tout à la fois, celui-ci est élu au suffrage universel direct et le gouvernement est responsable devant le Parlement. Mais, malgré sa contribution considérable à l’étude des partis, Duverger n’a guère montré le lien entre le type de régime et le fonctionnement des partis. À notre connaissance, personne n’avait, jusqu’à présent, entrepris un tel travail de façon systématique. Pourtant l’élection au suffrage universel direct du Président, même lorsque la constitution ne lui offre que de faibles pouvoirs, conduit généralement les partis à se focaliser sur l’élection présidentielle et à une présidentialisation du parti majoritaire, le Président en devenant le principal leader. Le fonctionnement des partis s’en trouve bouleversé. Bien que le Président ait été investi par son parti, une fois élu, il cesse d’en être l’obligé et le parti est alors placé sous sa coupe. Cette analyse, fondée sur plus de trente pays et sur la carrière de plus de six cents Premiers ministres exerçant leurs fonctions dans des régimes parlementaires ou semi-présidentiels, met en évidence la présidentialisation des régimes semi-présidentiels. Dans ces régimes, le Premier ministre est plus souvent un « outsider », qui échappe au contrôle du parti majoritaire. Ce phénomène est davantage marqué dans la variété dualiste du régime semi-présidentiel, où le Président a le pouvoir constitutionnel de révoquer le Premier ministre, que dans sa variété moniste où le Président n’a pas ce pouvoir. Lorsque son parti appartient à la majorité parlementaire, le Président peut aussi désigner lui-même son Premier ministre, et choisir de le révoquer. Cependant, quand le Président fait face à une majorité parlementaire hostile – chose qui n’existe pratiquement que dans les régimes monistes, soit dans seulement 20 % des cas – une lecture parlementaire de la constitution s’impose, et le Président est contraint de s’effacer.

62En approfondissant la notion de régime semi-présidentiel et en examinant l’impact des différentes variétés de régimes semi-présidentiels sur les partis, nous avons utilisé en même temps deux des apports majeurs de Duverger à la science politique. Il en est ainsi de la distinction entre régime semi-présidentiel et régime parlementaire mais aussi du rôle des partis politiques, vecteurs clés de l’influence du Président sur le gouvernement, et par extension sur tout le processus démocratique.

Bibliographie

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Date de mise en ligne : 25/08/2010

https://doi.org/10.3917/ripc.171.0067

Notes

  • [*]
    La traduction a été assurée par Bernard Dolez et Annie Laurent.
  • [1]
    DUVERGER M., « A New Political-System Model : Semi-Presidential Government », European Journal of Political Research, volume 8, n°2, 1980, p. 117
  • [2]
    SAMUELS D.J et SHUGART M.S., Presidents, parties, and premiers, New York, Cambridge University Press (à paraître).
  • [3]
    ROYCE C. et SHUGART M.S., « Neo-Madisonian Theories of Latin American Institutions », in Regimes and Democracy in Latin America, volume 1, Theories and Agendas, Gerardo Munck Ed., New York, Oxford University Press, 2007.
  • [4]
    ELGIE R., Semi-Presidentialism in Europe, Oxford, Oxford University Press. 1999, p. 13.
  • [5]
    SHUGART M.S. et CAREY J.M., Presidents and Assemblies : Constitutional Design and Electoral Dynamics, New York, Cambridge University Press, 1992.
  • [6]
    SAMUELS D.J et SHUGART M.S., op. cit., (à paraître).
  • [7]
    La dimension démocratique est rendue opérationnelle par le recours à des indices établis par pays dans le programme de recherche POLITY (Political Regime Characteristics and Transition). Les indices varient de -10 (monarchie héréditaire) à +10 (démocratie consolidée). N’ont ici été retenus que les pays dont l’indice est au minimum de 5. La base de données Polity IV couvre tous les États souverains comprenant au moins 500000 habitants (soit 163 pays) sur une période allant de 1800 à 2008 (Monty et Jaggers, 2006).
  • [8]
    Les autres implications seront développées dans un ouvrage en cours de publication (Samuels et Shugart, à paraître).
  • [9]
    BLONDEL J., « Dual Leadership in the Contemporary World : A Step Towards Regime Stability ? », in Comparative Government and Politics : Essays in Honor of S.E. Finer, Dennis Kavanagh and Gillian Peele, éds., Boulder, CO, Westview Press, 1984
  • [10]
    L’expression anglaise « keeping each other in their proper places » est de James Madison (Le Fédéraliste, article 51, 1788).
  • [11]
    Voir par exemple MOMMSENW.J, Max Weber and German politics, 1890-1920, (trad. M. S. Steinberg, Chicago), University of Chicago Press. 1985 ; MEYERSON R., « Political economics and the Weimar disaster », Discussion Paper n° 1216, Center for Mathematical Studies in Economics and Management Science, Northwestern University, 1999 ; STIRK P., « Hugo Preuss, German Political Thought and the Weimar Constitution », History of Political Thought, volume 23, n°3, 2002, p. 497–516 ; SKACH C., Borrowing Constitutional Designs : Constitutional Law in Weimar Germany and the French Fifth Republic, Princeton, Princeton University Press, 2005 ; SHUGART M.S, « Semi-Presidentialism : Dual Executive and Mixed Authority Patterns », French Politics, volume 3, n°3, 2005, p. 323-51.
  • [12]
    STIRK P., op. cit., 2002, p. 514.
  • [13]
    LIJPHART A., (ed.), Parliamentary Versus Presidential Government, Oxford, New York, Oxford University Press, 1992, p. 140-141
  • [14]
    SHUGART M.S.et CAREY M.C., op. cit., 1992, p. 121-126.
  • [15]
    Par exemple, grâce au pouvoir de dissoudre l’Assemblée, et peut-être aussi par le biais du contrôle de l’agenda parlementaire par le Premier ministre. Certains régimes purement présidentiels accordent à l’exécutif un contrôle de l’agenda législatif, mais il n’en est pas toujours ainsi. SHUGART M.S.et CAREY M.C., op. cit., 1992 ; COX G.W. et MORGENSTERN S., « Latin America’s Reactive Assemblies and Proactive Presidents », in MORGENSTERN S. and NACIF B., (eds.), Legislative Politics in Latin America. New York, Cambridge University Press, 2002.
  • [16]
    SHUGART M.S, op. cit., 2005.
  • [17]
    Il en est ainsi de la Bulgarie, la Croatie, Madagascar, le Niger et l’Ukraine. SHUGART M.S, « Comparative Executive-Legislative Relations”, in The Oxford Handbook of Political Institutions, R.A.W. Rhodes, Sarah Binder, et Bert Rockman, Eds. Oxford, Oxford University Press, 2006 (tableau 2).
  • [18]
    SAMUELS D.J et SHUGART M.S., op. cit., chap. 5 et 6 (à paraître).
  • [19]
    Duverger cite aussi l’Islande, mais la faible population de ce pays nous a conduit à ne pas le prendre en compte dans cette étude.
  • [20]
    Sauf, peut-être, après des élections législatives ou après l’éclatement de la coalition majoritaire. Dans ce cas, le Président exerce une influence sur la nomination du prochain Premier ministre et de son gouvernement.
  • [21]
    La perspective théorique de ce développement est développée dans SAMUELS D.J et SHUGART M.S., op. cit., (à paraître), notamment dans les chapitres 2 et 3.
  • [22]
    BLONDEL J., op. cit., 1984.
  • [23]
    DUVERGER M., op. cit., 1980.
  • [24]
    On trouvera plus de détails sur la construction de la base de données et la méthodologie employée dans SAMUELS D.J et SHUGART M.S., op. cit., (à paraître).
  • [25]
    Les raisons du départ des Premiers ministres ont été dénombrées sur la base de plusieurs sources : les biographies publiées, LexisNexis ainsi que les archives historiques en ligne du New York Times. Ces données ne comprennent pas les Premiers ministres intérimaires ni ceux encore en exercice au moment où la base de données a été construite.
  • [26]
    Naturellement, la différence essentielle entre un régime parlementaire et un régime semi-présidentiel tient à l’influence qu’exerce le Président. Dans les régimes semi-présidentiels, l’influence du Président peut être politique ou partisane. Dans le premier cas, Président et Premier ministre appartiennent à deux partis différents et un conflit entre les deux aboutit à la démission du Premier ministre ou à son renvoi. Dans le second cas, le Président et le Premier ministre appartiennent au même parti et le premier décide de sa propre initiative de se séparer du second.
  • [27]
    Cette catégorie « Autre » regroupe les changements liés à un conflit avec un chef d’État non élu, un coup d’État ou à une menace de coup d’État.
  • [28]
    Nous pensons ici à une distinction entre pouvoirs « constitutionnels » et pouvoirs « partisans » similaire à celle développée par Mainwaring et Shugart (1998) à propos des systèmes présidentiels d’Amérique Latine. MAINWARING S. et SHUGART M.S., « Conclusion : Presidentialism and the Party System », in MAINWARING S. et SHUGART M., Presidentialism and Democracy in Latin America, (eds), New York, Cambridge University Press, 1997, p. 394-439.
  • [29]
    Plusieurs exemples sont développés dans SAMUELS D.J et SHUGART M.S., op. cit., chapitre 4, à paraître.
  • [30]
    PIERCE R., « The Executive Divided Against Itself : Cohabitation in France, 1986-1988 », in Governance, volume 4, n°3, 2005, p.270 - 294.
  • [31]
    DUVERGER M., op. cit., 1980, p. 186-187.
  • [32]
    Le Monde, 19-20 février 1978, cité par DUVERGER M., op. cit., 1980.
  • [33]
    Pour une discussion plus détaillée, voir SAMUELS D.J. et SHUGART M.S., op. cit., chapitre 2 (à paraître).
  • [34]
    Pour une liste exhaustive des cohabitations, voir Shugart et Samuels (à paraître, appendice au chap. 2).
  • [35]
    On trouvera plus de détails ainsi que d’autres exemples dans SAMUELS D.J. et SHUGART M.S., op. cit., chapitre 3 (à paraître).
  • [36]
    Une autre issue pourrait être une coalition élargie regroupant des membres du parti du président et de partis de l’opposition, ou un « gouvernement divisé » dans lequel les ministres appartiendraient au parti du président en dépit d’une majorité parlementaire hostile. Nos données offrent un exemple de coalition élargie dans un système semi-présidentiel moniste : la Mongolie de 2004-2006. Quand au gouvernement « divisé », on en trouve un exemple dans un système régime semi-présidentiel dualiste, celui de Taiwan, ce qui n’est pas surprenant puisque le président Chen Shui-Bian a pu s’appuyer sur des gouvernements issus de son propre parti pendant les huit années de sa présidence, bien qu’il ait toujours été confronté à une Assemblée contrôlée par l’opposition.
  • [37]
    Les conflits intra-partisans sont à l’origine du départ du Premier ministre dans 20 % des cas en régime semi-présidentiel moniste, contre un tiers en régime parlementaire. Mais ceci est rare en période de cohabitation, puisque l’on ne recense que deux cas. Logiquement – et assez raisonnablement – ceci suggère que, dans cette hypothèse, les partis font alors tout taire leurs conflits internes face à un Président hostile. LIJPHART A., Patterns of democracy : government forms and performance in thirty-six countries, New Haven, Yale University Press, 1999, p. 121.
  • [38]
    DUVERGER M., op. cit., 1980, p. 167.
  • [39]
    MÜLLER W.C., « Austria », in ELGIE R., (ed.), Semi-Presidentialism in Europe, Oxford, Oxford University Press, 1999.
  • [40]
    MÜLLER W.C., op. cit., 1999, p. 40.
  • [41]
    Nos commentaires sur la « parlementarisation » de l’Autriche pourraient aussi valoir pour l’Islande dont le régime est également semi-présidentiel dualiste. Comme le notait Duverger, les Présidents islandais utilisent peu leurs pouvoirs formels. Cependant, comme indiqué précédemment, l’Islande, en raison de sa faible population, n’a pas été incluse dans la base de données à partir de laquelle nous avons établi notre liste des démocraties.
  • [42]
    DUVERGER M., op. cit., 1980.

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