Notes
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[1]
MEDARD J-F., Communauté locale et organisation communautaire aux États-Unis, Paris, Armand Colin, 1968.
-
[2]
DOGAN M. et PELASSY D., Sociologie politique comparative, Paris, Economica, coll. « Politique comparée », 1981.
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[3]
ELLUL J., De la Révolution aux révoltes, Paris, Calmann-Lévy, coll. « Liberté de l’Esprit », 1972.
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[*]
En souvenir de William Boyd, Un anglais sous les tropiques.
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[4]
Référence précise de la réunion : cf RFSP ?
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[5]
Ref ouvrage.
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[6]
A l’époque le CREDU, aujourd’hui IFRA, couvrait 10 pays d’Afrique orientale et australe.
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[7]
Le dernier jour de mon séjour, un samedi, Jean-François me demanda ce que je voulais faire : visiter le plus grand bidonville kenyan, Mathare Valley ou aller regarder les bêtes sauvages au Parc qui jouxte la capitale. J’optai pour cette dernière proposition, véritablement nouvelle pour moi. Nous partîmes donc dans sa 4L poussive (alors que la plupart des expatriés avaient, à juste titre, vu l’état des routes et des pistes du pays, des véhicules 4X4). Nous partîmes à l’aventure dans le Parc (je m’en rendis compte plus tard lorsque je résidai à Nairobi) et bientôt Médard s’engagea dans une partie reculée, une véritable impasse, où nous roulions dans les ‘rails’ dessinées par les gros pneus des minibus et des véhicules de tourisme. On se retrouva tout d’un coup très proches d’un rhinocéros qui s’avéra être en fait, une mère et son petit. Jean-François me confia que cela faisait des mois qu’on ne l’avait pas vu et que la présence d’une progéniture expliquait probablement son absence. Mais l’animal ne voyait pas notre présence d’un bon œil et il me fallut insister pour que Jean-François se décida à faire, avec beaucoup de difficultés et de temps, un demi-tour sur la piste alors que la mère se rapprochait de nous d’une démarche inquiète et hostile. Nous rentrâmes sans problème à la maison mais l’aventure fit du bruit et le tour de la communauté française de Nairobi. Certes nous avions ‘retrouvé’ la rhinocéros femelle mais avec un peu d’adrénaline peut-être inutile !
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[8]
Ref. article.
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[9]
Ref article in Afriques politiques.
Jean-François Médard : authenticité personnelle et éthique professionnelle
1La première pensée qui vient à l’esprit lorsqu’on évoque la mémoire de Jean-François Médard, le collègue et l’ami, est celle de la fraîcheur intellectuelle avec laquelle il aborda l’étape, qui devait, hélas, se révéler bien trop courte, de la retraite. Loin de l’abattre ou de le déprimer, la disponibilité que lui offrait ce statut amplement mérité par les services rendus, laissait le champ libre à sa curiosité et à l’enthousiasme du jeune chercheur qu’il n’a, au fond, jamais cessé d’être. Tous ceux qui l’ont alors rencontré, complétant à la bibliothèque sa documentation pour un article à achever, siégeant dans un jury de thèse ou participant à un congrès, ont remarqué l’énergie quasi juvénile et l’appétence intellectuelle avec laquelle il poursuivait sa quête de la connaissance et de la compréhension du monde. Pour moi, Jean-François est d’abord un universitaire « authentique », c’est-à-dire exclusivement guidé par son goût pour les idées et les échanges intellectuels, animé de convictions paisibles et fortes, et détaché des contingences. Rares sont les professeurs d’université aussi peu sensibles aux signes et symboles de leur statut, aussi éloignés de la vanité des apparences. On peut difficilement imaginer quelqu’un de plus indifférent au carriérisme sous toutes ses formes. Ce qui ne l’a pas empêché, lorsqu’il fut conduit par les circonstances et l’amicale pression de son chef d’établissement, à diriger le Centre d’Études d’Afrique Noire (CEAN) de l’Institut d’Études Politiques de Bordeaux, de s’acquitter de sa tâche avec dévouement et rigueur, sans se départir de l’affabilité qui le faisait aimer de tous.
2Ce pur produit de Sciences Po Bordeaux où il débuta dans le métier avant d’y revenir enseigner, était avant tout ouvert sur le monde. Le passeur d’idées qu’était Jean-François a mis à profit ses précoces séjours universitaires aux États-Unis pour établir des ponts entre la sociologie empirique américaine, qu’il découvre alors en Californie, et la philosophie morale d’un Jacques Ellul dont il était le disciple et l’ami. Il entame une démarche comparatiste en allant vérifier sur le terrain, en Afrique où il effectue plusieurs longs séjours d’enseignement et de recherche, la validité des théories du pouvoir dont sa vaste culture de science politique lui a livré les clefs et qu’il a pu déjà tester sur le « système Chaban » dont il fut un des premiers analystes. Il est vrai que c’est sans doute son analyse théorique de l’État néo-patrimonial et ses applications à l’Afrique qui forment son apport le mieux reconnu à la science politique. De plus qualifiés que moi en parleront plus longuement. Cela ne doit pas faire oublier qu’il commença ses recherches par le pouvoir local. Sa contribution aux travaux initiés par le CERVL à la fin des années 1960 fut importante, marquée par l’une des toutes premières études de sociologie politique consacrées au pouvoir d’agglomération, alors fort négligé par une science politique française exclusivement polarisée sur l’État, peu informée de ce qui se tramait à la périphérie.
3Mais l’homme de science était aussi un humaniste, intellectuellement engagé dans les débats et les combats qui lui paraissaient dignes d’être menés. Autant Jean-François Médard se tenait à l’écart des petits jeux de pouvoir et des rivalités d’égos, autant il pouvait se mobiliser, avec ses armes et sa posture d’intellectuel, pour promouvoir de justes causes. C’est ce qu’il fit en consacrant à l’étude de la corruption le troisième temps de sa trajectoire intellectuelle. Animé par la conviction que l’on pouvait - et que dès lors on devait -, l’identifier, l’analyser et l’évaluer pour mieux la combattre, notamment là où elle constitue un obstacle à tout espoir de changement et de progrès, il a largement contribué à inscrire cet objet dont la complexité aurait de quoi décourager, dans le champ de l’analyse politiste. Son travail sur la corruption occupe le premier rang des recherches françaises en la matière. Fidèle à sa posture de passeur d’idées, il a, là encore, cultivé avec bonheur l’approche comparative, prenant le parti d’entretenir un dialogue vivant et critique avec les autres disciplines (l’économie, le droit, l’anthropologie), mais aussi avec les recherches anglo-saxonnes et les études en provenance des praticiens (les ONG telles que Transparency international par exemple) engagés dans la lutte contre ce fléau.
4Avoir, comme il l’a fait, mené avec autant de modestie, de bienveillance et d’honnêteté intellectuelle un programme de recherche ambitieux, avoir donné le pas au savoir authentique sur le faire savoir, et au goût simple du travail bien fait sur la course aux honneurs, être toujours resté ouvert aux autres et aux idées nouvelles, voilà ce qui faisait de Jean-François Médard un collègue et un ami qui reste inaltérablement présent parmi nous.
5Pierre SADRAN
6Pierre SADRAN est professeur de science politique à l’Institut d’études politiques de Bordeaux et responsable de l’École doctorale de science politique de Bordeaux. Il est éditeur associé de la revue International Review of Administrative Science.
En hommage à Jean-François Médard, Homme de science et homme de cœur
7Bienveillant. C’est de tous les adjectifs le premier qui me vient à l’esprit lorsque je songe à Jean-François Médard qui avait bien d’autres qualités morales : l’intégrité, la modestie et l’altruisme. Chez lui, la science n’avait pas desséché le cœur. Il était à la fois homme de science et homme de bien, savant et humaniste. Non seulement Jean-François n’était pas de ma génération -puisque né la même année que mon défunt père- mais il était déjà professeur à l’IEP de Bordeaux lorsqu’il vint dîner à la maison pour la première fois. Deux bonnes raisons, selon mes critères de l’époque, pour ne jamais oser l’inviter. Étudiant plutôt fauché, vivant en colocation dans un appartement à la déco résolument chaotique, son épouse Burney et lui s’étaient serrés de bonne grâce dans le réduit qui nous servait de cuisine. Apparemment, il aurait fallu plus de désordre pour les choquer et la chaleur de la conversation devait leur faire oublier l’inconfort du lieu. Je rédigeai alors ma thèse dans une solitude intellectuelle à peu près complète. La grande ouverture d’esprit de Jean-François ne pouvait que me sortir de l’univers politique (confiné) des artisans et petits commerçants, objet de (presque) toutes mes attentions.
8Je me suis souvent demandé pourquoi il avait été le premier avec qui j’ai pu enfreindre mon propre règlement intérieur voulant que étudiants et enseignants se tiennent mutuellement à bonne distance pour ne pas dire à distance respectueuse. Sans doute parce qu’il ne m’avait jamais fait cours. Nous n’avions fait que nous croiser. Il était parti au Cameroun en 1973, l’année de mon entrée à Sciences Po. À son retour en 1977, j’officiais comme moniteur dans le cadre du centre bordelais de l’Université de Californie. Ma mission de « répétiteur » consistait à encadrer des étudiants américains venus à l’IEP pour la plupart avec l’intention de suivre les cours de Jacques Ellul, puis à les évaluer en fin d’année. J’ignorais alors que je marchais sur les traces de Jean-François, moniteur en 1962 au Center for University of California in Bordeaux. J’ignorais également qu’il avait consacré sa thèse de doctorat à l’étude de l’organisation communautaire aux États-Unis dont il avait d’ailleurs tiré un ouvrage préfacé par Ellul [1].
9Il ne m’avait pas échappé, en revanche, que Burney était nord américaine, pourtant dans mon esprit du moins, la connexion entre Jean-François et ce pays était rarement établie. Exception confirmant la règle, de façon parfaitement anecdotique mais vraie : lors du cinquantième anniversaire de la création de l’IEP de Bordeaux, une affiche commémorative composée d’une mosaïque de photos d’archives d’« anciens de la maison » attirait l’attention des invités. Le jeu a beau être classique, il réserve toujours des surprises. Avec des camarades nous avions retrouvé sans trop de difficultés le portrait du major de la promotion 1959 devenu responsable du DEA « Études africaines », mais, à notre grand étonnement, au moment de son inscription, il ressemblait furieusement à Marlo Brando dans Un tramway nommé désir (1951).
10Par simple association d’idées avec cet acteur au tempérament tumultueux, je me dois d’ajouter que Jean-François était un être des plus paisibles. J’admirais précisément ce calme qui me fait encore si cruellement défaut. Une fois seulement je l’ai vu sortir de ses gonds. Un dimanche dans sa maison du Fleix en Dordogne, il avait littéralement explosé devant des propos outranciers tenus par l’épouse d’un pasteur à propos du conflit israélo-palestinien. Esprit curieux et ouvert, il ne supportait pas l’intolérance. Sa placidité ne signifiait pas l’absence de convictions comme en témoignait son engagement dans la Cité, via notamment des réseaux associatifs comme Aquitaine alternative et Trans’CUB. « Penser globalement, agir localement », lui avait appris Jacques Ellul.
11Enseignant-chercheur au sens plein du terme, pour de nombreuses générations de diplômés de Sciences Po Bordeaux il restera l’homme du Big Man en Afrique, celui qui dès son cours de première année tentait de transmettre à tous sa propre passion pour la recherche.
12Pourquoi avoir parlé de bienveillance ? Lorsque je soutins ma thèse en 1981, il était dans l’assistance, comme un membre de la famille, pour m’aider à supporter l’épreuve. Peu de temps après, il s’envola pour le Kenya où il dirigea pendant plusieurs années le Centre de recherche, d’échanges et de documentation universitaire (CREDU) à Nairobi. A son retour, au début de mes recherches sur la pensée socio-politique de Jacques Ellul, il fut l’un des rares, sinon le seul, à m’encourager dans cette voie. Nul n’est prophète en son pays comme chacun sait, et il semblait tout à fait incongru que le bordelais d’adoption que j’étais travaille sur un autre « objet local », vivant de surcroît, ce qui rendait a priori impossible toute neutralité axiologique. Peu importait du reste que l’œuvre du prétendu « penseur régional » soit traduite en une douzaine de langues et plus populaire sur les campus de Berkeley et de Santa Barbara que dans les universités françaises. En outre, il existait parmi les politistes d’autres exceptions comme Francis Balle, Lucien Sfez, ou encore Mattei Dogan qui, dans le même ouvrage [2] se référaient aussi bien aux travaux de Jean-François sur le clientélisme politique qu’à ceux d’Ellul sur les révoltes et les révolutions [3].
13Discret sur ses convictions religieuses, je l’entends pourtant encore me dire : « Ellul m’a réconcilié avec la foi chrétienne ». Bien que fils et frère de pasteur protestant, Jean-François était agnostique; ce qui ne l’empêchait pas de prendre un réel plaisir à venir écouter les études bibliques d’Ellul. Conscient d’avoir un patrimoine intellectuel à conserver, il avait fondé l’Association Jacques Ellul qu’il présida de longues années durant et dont Jean-Louis Seurin était le président d’honneur. J’eus le privilège de travailler à ses côtés avec Daniel Cérézuelle pour l’organisation du colloque international : « Technique et société dans l’œuvre de Jacques Ellul » tenu dans les locaux de l’IEP les 12 et 13 novembre 1993, où il nous fut notamment donné l’occasion d’entendre un très émouvant hommage de Ivan Illich à celui qu’il nommait affectueusement « Maître Jacques ».
14Lorsque j’entrepris des recherches biographiques sur le député-maire de Bordeaux Jacques Chaban-Delmas, Jean-François me confia un texte inédit, datant de 1972, qui me servit de grille de lecture pour interpréter la genèse du fameux « système Chaban ». Car si Jean-François était connu et reconnu comme africaniste, comparatiste, spécialiste de l’échange politique, du clientélisme et de la corruption, on connaissait moins ses travaux sur le pouvoir local en général et sur les structures politico-administratives de l’agglomération bordelaise en particulier. J’appris seulement après sa mort qu’il avait même été à ses débuts directeur scientifique du Centre d’étude et de recherche sur la vie locale (CERVL).
15C’est donc par amitié mais aussi en sa double qualité de bon connaisseur du système politique girondin et de l’œuvre d’Ellul qu’il accepta, en 1995, de siéger dans mon jury d’habilitation à diriger des recherches.
16Bienveillant encore, lorsqu’il m’encouragea à développer nos relations avec l’International Jacques Ellul Society et lorsqu’il accepta, à l’improviste, de préparer le rapport de synthèse du colloque pluridisciplinaire « Jacques Ellul : libre examen d’une pensée sans frontières », les 21 et 22 octobre 2004 à Poitiers, où je le vis pour la toute dernière fois.
17Bienveillant, il l’était surtout dans les jurys de soutenance où il savait faire valoir les qualités du texte au lieu d’en exagérer les inévitables scories. Bienveillant il l’était enfin avec le très grand nombre d’étudiants dont il dirigea les thèses sans ménager sa peine ni compter son temps.
18Patrick TROUDE-CHASTENET
19Patrick TROUDE-CHASTENET est professeur de science politique à Université de Poitiers. Il est directeur des Cahiers Jacques-Ellul.
Voyages autour du pouvoir
20J’ai rencontré Jean-François lors d’une des premières Summerschool en méthodes quantitatives à Essex, dans les années 1970. C’était du temps où cette célèbre école était organisée de telle sorte que le même groupe de participants « vivait » ensemble environ un mois. Cela permettait d’établir des contacts qui ne restaient pas superficiels. Ce fut le cas avec Jean-François.
21Déjà deux traits qui le caractérisent apparaissent dans cette évocation : le désir constant d’apprendre, de se perfectionner, avec cette modestie qui n’appartient qu’à lui. Et puis, le désir d’aborder des sujets qui lui sont étrangers, comme les méthodes quantitatives, ce qui en étonnera beaucoup, vu son orientation essentiellement qualitative.
22Que d’heures nous avons passées à discuter des thèmes de la science politique qui lui tenaient à cœur. Il ne s’était pas encore tourné définitivement vers l’Afrique à l’époque. Ce qui le passionnait – je ne dis pas « intéressait », car Jean-François était un être de passion – à l’époque, c’était la théorie des systèmes et plus particulièrement l’œuvre d’Easton et, surtout, le fonctionnement du pouvoir dans la vie politique bordelaise, tournant autour de la personne de Chaban-Delmas. Heureusement pour les progrès de la science politique africaine, qu’il se soit orienté par après dans ce sens, mais hélas pour la science politique française qui y a perdu un excellent analyste des mécanismes du pouvoir dans les élites politiques locales.
23C’est également au cours de cette école d’été qu’un petit groupe s’est formé, avec en plus de nous deux, Daniel Seiler, Pascale Delfosse et Alberto Marradi notamment. Notre goût commun pour une science politique empirique qui soit à la fois bien fondée épistémologiquement et méthodologiquement, avec en plus, une dimension comparative indispensable, s’est alors révélé et a fourni l’essentiel de nos sujets de conversation les plus sérieux, car, bien sûr, il ne fallait pas oublier le fait que nous étions aussi des amateurs de bonne chère et même de la cuisine anglaise du Comté d’Essex où le canard sauvage préparé à Wivenhoe, accompagné du cidre local, faisait autorité et nous empêchait heureusement de nous focaliser uniquement sur les modèles mathématique de régression !
24Nous nous revîmes par après et c’est au cours d’agapes wallonnes, cette fois, à Chaumont-Gistoux, qu’est née l’idée de lancer une revue dédiée à la politique comparée dans le monde francophone…celle qui lui rend hommage en ce numéro. Celle dont il fut plus qu’un membre du Conseil de rédaction, celle dont il restera un des pères fondateurs. Sans lui, comme d’ailleurs sans Jean-Louis Thiébault qui nous rejoindra par après, jamais le lancement de cette revue n’eût été possible, quel que furent les efforts que Daniel Seiler et moi-même ayons pu lui consacrer.
25Mais notre compagnonnage scientifique ne s’est pas arrêté là. Deux souvenirs le caractérisent. Tout d’abord, un goût commun pour les analyses de la corruption politique, ce qui nous a fait nous retrouver dans un atelier de l’ECPR à Freiburg et où nous collaborâmes à un même numéro d’une revue aujourd’hui disparue et intitulée Corruption and Reform. Tout un programme, qu’un disciple d’Ellul comme Jean-François ne pouvait ignorer et qu’il abordait à la fois comme une exigence morale et un objet scientifique où il appliquait magnifiquement le principe wébérien du « rapport aux valeurs » bien distingué du « jugement de valeur ». C’est d’ailleurs ce qui confère toute sa qualité à ses autres écrits sur le sujet concernant l’Afrique.
26L’autre souvenir est celui de sa participation à un ouvrage édité par Paul Claeys et moi-même intitulé L’échange politique où il nous a offert un chapitre magistral sur le thème du passage de l’échange social à l’échange politique, un terme englobant ce que nous appelons la corruption.
27Nos rencontres, trop rares, mais toujours si chaleureuses, dans de multiples lieux, mais sans oublier, quand je venais à Bordeaux, son accueil et celui de Burney, empreints à la fois de cette grande simplicité et de ce sens de l’amitié qui les caractérisent, nous faisaient très vite reprendre, chaque fois, le fil de nos conversations d’il y a plus de trente ans, et tant répétées depuis, sur ce qui nous fascinait comme tout politiste : le pouvoir, ses origines, ses effets, que ce soit au niveau local, national ou international. Il me semblait que l’on progressait néanmoins, surtout quand on l’abordait, la dernière fois que nous vîmes, à Louvain-la-Neuve, en 2004, sous l’angle de la légitimité, ce sujet trop laissé à la philosophie ou au droit et dont nous pensions qu’il fallait en faire un aggiornamento en science politique empirique.
28Jean-François fut un grand voyageur, dont le continent sans cesse revisité fut le pouvoir sous toutes ses formes. Là où il pouvait les mettre au jour, et ce fut souvent au travers de l’échange-corruption comme révélateur, il en expliquait les mécanismes avec une clarté aveuglante et avec une précision d’horloger. Il caressait l’espoir, me disait-il lors de notre dernière rencontre, de mieux connaître l’Asie et surtout le monde indien. Il voulait offrir un ouvrage comparatif sur les mécanismes du pouvoir en Afrique et en Inde. Je le vois encore en traiter avec son enthousiasme jamais démenti, après avoir parlé de vin, de peinture africaine, de sa nouvelle demeure dans le Périgord où il nous attendait, de sa famille qu’il chérissait et de tant d’autres choses…toujours avec autant de conviction…de cette sorte conviction contagieuse faite pour être transmise et donc pour ne jamais s’éteindre…
29André-Paul FROGNIER
30André-Paul FROGNIER est professeur de science politique à l’Unité de science politique et de relations internationales de l’Université catholique de Louvain.
Un Médard sous l’équateur [*]
31Comment démêler la relation professionnelle de la présence amicale, la discussion toujours originale et les effets d’un esprit d’entreprise aussi bien imprévu que persévérant ? Comment évoquer une personnalité des plus attachantes, aux apparences et aux démarches (physiques) bien flegmatiques, sans évoquer l’ambiguïté paternaliste d’un mandarin d’ancien régime ? Bref, pour le collègue de passage que je fus, Jean-François Médard semblait présenter simultanément, selon une formule consacrée, les qualités de ses défauts et les défauts de ses qualités.
32Nos chemins se sont croisés à plusieurs reprises sur près d’une quinzaine d’années avec à la clé, à deux reprises, une navigation de conserve dont je tirai un bénéfice inoubliable sans jamais savoir si cette heureuse conjugaison était bien partagée. Cinq étapes scandent rencontres et retrouvailles, collaborations éditoriales et administratives.
33La toute première rencontre remonte aux années 1973-1975 [4]. Les politistes commençaient à découvrir ou à explorer l’importance des politiques locales et un atelier d’une journée eut lieu à l’IEP de Paris. Claude Meillassoux, pressenti pour jouer l’anthropologue, déclara forfait, pour je ne sais quelles raisons, et me demanda de le remplacer ou de la (l’anthropologie) représenter. Je fis donc un exposé sur les traditions ‘localistes’ de l’anthropologie politique (domaine à propos duquel, j’avais, il est vrai quelques compétences) : une de nos bibles s’intitulait en effet local level politics. J.-F. Médard y présenta des réflexions théorico-empiriques, simples, légères, conceptualisées et efficaces qui réintroduisaient un regard vers le bas ou à partir du bas qui tenait autant du ‘bon sens’ (du regard) que de l’évidence factuelle. Ce qui me paraissait évident pour le champ anthropologique parut, si je me souviens bien de cette journée, comme une rupture, une provocation ou une illusion pour les politistes.
34Mais notre véritable première rencontre fut celle de la fondation de la revue Politique africaine en juin 1980 aux éditions Karthala. L’ouverture d’esprit de J.-F. Médard s’était confirmée par son africanisation ou sa camerounisation plus précisément ce qui le rapprochait de l’initiateur et de l’inventeur de tout cet état d’esprit, à savoir J.-F. Bayart, autre camerounisant fameux. Je ne me souviens nullement des débats et des positions des uns et des autres mais il me semble que l’engagement de Médard dans la revue manifestait (comme pour F. Constantin d’ailleurs) la preuve d’un certain courage intellectuel et universitaire. En effet le succès, la réception et la pérennité de la revue étaient fort peu assurés à ce moment là. L’existence et la présence d’un politologue africaniste d’envergure n’avaient rien d’évident. Mais j’ai toujours apprécié les collègues oeuvrant aux frontières disciplinaires ou transgressant quelques lieux communs. Je dois admettre que j’ignorai les travaux de Médard portant sur le Cameroun. Mais je suivis avec plus d’intérêt son implication ivoirienne avec la publication d’un ouvrage collectif co-dirigé avec Y.-A. Fauré à travers la polémique et les critiques que ce dernier souleva. La remise en cause des théorisations dépendantistes (voir l’ouvrage de S. Amin sur ce même pays) impliquait une explication moins marxisante et je dois avouer que je lui trouvai quelques qualités [5]. L’ouvrage fit vraiment du bruit avec des réactions parfois attristées qualifiant l’équipe de Politique africaine de réactionnaire ou de conservatrice.
35J.-F. Médard partit au Kenya à Nairobi pour remplacer Denis Constant Martin à la tête du nouvel institut du ministère des Affaires étrangères, le CREDU (Centre de recherche, d’échanges et de documentation universitaires). Inventé pour mobiliser et soutenir les chercheurs français en sciences sociales ignorant l’Afrique orientale tout autant que pour sensibiliser les chercheurs et les étudiants locaux aux traditions francophones, cet institut prit son envol, sous la direction de Médard nommé en 1982, qui invita bon nombre d’entre nous à aller y « faire un tour ». C’est pourquoi je partis un début d’octobre 1983 pour 4 semaines visiter la Tanzanie, le Zimbabwe, le Mozambique et le Kenya [6]. Mon séjour à Nairobi fut écourté à cause de complications logistiques et aériennes mais j’eus le droit à « la totale ». Réception chez l’ambassadeur, visite animalière au Parc de Nairobi [7] et accueil familial idéal par la grâce de Bernie, la femme, et puis-je ajouter en toute amitié, l’impresario d’un animateur hors-pair. Bref cette visite déboucha sur une proposition à l’initiative réciproque : « Si tu cherches un successeur je suis ton homme ». Et le Conseil scientifique du CREDU en novembre 1984 retint ma candidature alors que j’étais en mission au Sénégal.
36Mais un changement d’opinion de Jean-François de dernière minute faillit tout modifier mais par l’efficacité remarquable du directeur de la sous-direction des instituts, Philippe Guillemin, (et par les effets d’une gestion encore artisanale des nominations avec fiches en bristol et télégrammes), il n’en fut rien. En effet Jean-François avait soudainement décidé au printemps 1985 de rester un an de plus et sans déjuger la décision du conseil, Guillemin voulut remercier J.-F. Médard de son efficacité administrative et scientifique. Il existait à l’époque un poste de sous-directeur, occupé par Daniel Bourmaud : j’allais donc occuper le poste de Bourmaud tout en remplaçant Médard mais sans avoir le titre de directeur ! Et je découvris bien vite que, malgré l’aspect sabbatique de la demande de J.-F. Médard, passer une année à ne faire que de la recherche personnelle, le directeur en titre le restait bien dans les faits sans toutefois s’impliquer dans les dossiers : il s’efforça de faire comme si tout en ne faisant pas comme si. Je l’avais pris pour un homme ordinaire, les privilèges, d’ailleurs plus psychologiques que scientifiques, de la direction me semblant superfétatoires et puis voilà que c’était cela qui le retenait au Kenya. Ce fut donc une étrange année où je décidais sans savoir si c’était lui ou moi qui aurait le dernier mot.
37Certes, il y avait des explications à ce comportement prudent ou réservé : ma culture interdisciplinaire et africaniste était plus vaste que la sienne d’une part (sans fausse modestie) et j’avais la réputation de l’autre d’être un marxiste (ce qui n’était pas faux) mais j’étais sûrement plus critique des marxistes que Jean-François qui ne rentrait pas dans ces débats et polémiques. J’en eu la confirmation par la violence de sa réaction à un commentaire de ma fille, âgée alors de 9 ans, qui le compara un jour à Gorbatchev (perestroïka aidant) : il en fut tout à fait fâché et se laissa aller à un anticommunisme primaire (comme on dit) surprenant et indigne justement d’un politologue comparatiste si distingué. Cela dit il écrivit cette année-là ce qui reste pour moi l’un de ses plus grands textes, sa biographie de l’homme politique kenyan, Njonjo [8].
38Médard était sans peur et sans reproche, j’en avais déjà vécu les contrecoups lors de ma visite du parc de Nairobi en 1983. Il partit un jour du printemps 1986 avec famille et bagages faire un tour en Ouganda (que Museveni venait enfin de ‘libérer’ de Obote) dans sa 4L problématique. Mais il oublia la roue de secours (ou une seconde roue je ne me souviens plus) et ils passèrent quelques jours isolés au milieu de nulle part à attendre un dépannage. L’Ouganda le fascinait, la dangerosité de la vie quotidienne des quelques coopérants et diplomates français (les embuscades étaient le lot quotidien des habitants de Kampala), le caractère un peu apocalyptique de la guerre civile avec ses massacres (évidemment bien modestes par rapport à ceux du Rwanda à venir) et le courage et l’ingéniosité de nos collègues ougandais lui firent certainement préférer ce pays pendant ses deniers mos de séjour.
39Enfin un jour je me retrouvais directeur en titre, et sans directeur adjoint, ayant opté pour un collaborateur plus administratif qui pourrait me libérer de ces obligations fastidieuses. Mais je découvris en quelques jours les effets du style médardien de la gestion du personnel local. J’eus rapidement une fronde, voir une grève perlée, sur les bras. Jean-François avait été, dans le quotidien d’une gestion de quatre ans, un hyperpaternaliste peu soucieux d’un fonctionnement institutionnel impersonnel. Le spécialiste qu’il était du clientélisme et du (néo) patrimonialisme avait poussé ces pratiques à leur point extrême, sans ériger de contre fous ou de sanctions. La secrétaire administrative, la bibliothécaire, la secrétaire s’élevaient tout d’un coup contre ma volonté de faire respecter des horaires ou un minimum de taches incontournables. L’absentéisme, la lecture de romans, la réception d’amis se dévoilaient à moi dans leur splendeur sans que j’eusse deviné que les indices ponctuels observés çà et là au cours de l’année précédente constituaient de fait une conception admise en connaissance de cause par le directeur. J’eu des démissions, des recrutements nouveaux à faire, la communauté franco-diplomatico jasa sur le CREDU. Médard fut d’ailleurs pris à témoin à distance par le personnel et il essaya de manière très limitée, je le concède, à ma faire changer d’avis. Mais il était difficile de faire le directeur avec un personnel se référant systématiquement au directeur précédent : tout rentra dans l’ordre et mon amitié n’en fut pas ternie pour autant. Mais arrivé en octobre 1985 ce n’est que 15 mois plus tard que je pus enfin lancer mes projets ! Et J.-F. Médard ne s’en était guère soucié, me semble-t-il. Ceci expliqua d’ailleurs ma prolongation de séjour d’un an pour disposer du temps minimum habituel à l’exécution de programmes scientifiques.
40Mais si les défauts du politologue éclatèrent rétroactivement, ses qualités de chef de clan africaniste virent le jour assez rapidement. Il tenait table ouverte à Nairobi et cela rendit quelque existence à une politique scientifique française en fin de compte assez modeste. Encore une fois il faut rappeler l’efficacité dévouée de sa femme mais aussi de ses enfants qui animaient les discussions. Alice-Anne était déjà diplomate et allait être nommée au Zimbabwe. Henri commençait des études d’histoire et Claire allait passer le bac. Quinze ans plus tard ces derniers allaient enrichir les sciences sociales africanistes en devenant de remarquables chercheurs d’histoire et de géographie. Je contribuai dans mes fonctions aux éditions de leurs thèses et même au recrutement de Claire sans népotisme d’adoption bien entendu.
41Je vis Jean-François lors de mes visites bordelaises mais on se perdit un peu de vue. Je savais qu’il était très occupé, qu’il voyageait beaucoup et il m’avait d’ailleurs confié le secret de sa dernière année sabbatique : il fallait s’éloigner véritablement de son université pour qu’on ne vous rattrape pas et il s’était rendu, autant que je m’en souvienne, en Californie. Jean-François faisait ce qu’il lui plaisait, il ne restait jamais trop longtemps à discuter avec vous. Il repartait d’un pas décidé et quelque peu souple et chaloupé, avec son petit cartable usagé. Il aimait bien faire de l’humour penchant quelque peu sa tête puisqu’il nous surplombait tous.
42Mais pour moi le personnage masquait quelque peu le savant qu’il était, initiant de nouvelles pistes, de nouveaux rapprochements afin de mieux comprendre, d’une manière plus pragmatique que théorico-abstraite, ce qui fait le politique africain qu’il n’affectionnait pas particulièrement. Le désordre de la vie politique africaine pouvait l’agacer profondément mais ne l’effrayait guère : il ne jouait pas les africanistes romantiques mais il avait certainement l’impression de s’encanailler à fréquenter des systèmes et des personnages aussi peu recommandables. Je me souviens de son implication dans le lancement d’une revue consacrée à la corruption : il aurait bien aimé faire de l’observation participante en tout bien et tout honneur. Et pourtant le réflexe moral n’était pas loin. À première vue, agnostique impénitent, il s’imposait brutalement comme un croyant incorruptible.
43Il fut un universitaire à la hauteur de sa réputation, produisant manuels et mises au point. Mais il fut surtout un réaliste imposant un regard lucide, parfois désabusé, sur un domaine qui ne méritait ni mépris ni surenchère. Une de ses pensées guide mes réflexions depuis quinze ans et puisque son souvenir se confond avec ces quelques mots, que mon exergue devienne plutôt épitaphe : « … » [9].
44Jean COPANS
45Jean COPANS, sociologue et anthropologue, est professeur à l’Université René Descartes (Paris 5).
Un aventurier du savoir
46La mémoire que l’on conserve d’un homme doit-elle se mesurer à l’aulne de ce qu’il a fait ou plutôt de ce qu’il a été ? Sans doute les deux, à plus forte raison lorsqu’il s’agit de Jean-François Médard. Car il n’a pas seulement marqué son temps parmi nous par son impressionnante production scientifique. Celle-ci était d’abord fondée sur une curiosité scientifique toujours en éveil, inlassablement. Jusque tard dans sa vie, Jean-François Médard a gardé intacte cette capacité d’émerveillement sur ce qui pouvait être découvert dans la recherche. Il y avait incontestablement en lui un aventurier du savoir. Animé par cet enthousiasme qu’il savait si facilement partager, il n’est pas étonnant que, à plusieurs reprises dans sa carrière, sa démarche le mena sur la terre africaine, que ce soit au Cameroun ou au Kenya notamment.
47Un des aspects qui m’a frappé dans son parcours intellectuel est celui qui l’a conduit à aborder la question de l’État. En effet, l’étude des réalités qu’il a pu observer en Afrique noire inspira logiquement chez lui une réflexion sur l’État dans cette région, sur sa formation, ses mécanismes et ses crises. Son évolution intellectuelle le conduit également à investiguer la question du clientélisme et de la corruption. Mais ces recherches ne pouvaient manquer de l’attirer tôt ou tard sur la problématique plus générale de l’État dans son sens générique, dans les processus multiples qui ont mené à l’avènement d’un modèle unique. Jean-François Médard n’hésita pas alors à approfondir l’analyse du concept, à parcourir les chemins de Max Weber dans sa dimension de processus mental de rationalisation utopique pour en souligner la portée purement analytique, abstraite, voire a-temporelle. Un tel modèle d’État, pour abstrait qu’il soit, devait selon Jean-François Médard être constamment relié voire intégré aux processus historiques qui ont mené ici et là à son émergence. La reconnaissance d’un idéal-type d’État et sa confrontation aux réalités nécessitait d’une manière ou d’une autre d’entrer dans la démarche comparative. C’est là un des éléments qui expliquent sa contribution au comparatisme.
48Cette maîtrise qu’il acquit dans la réflexion fondamentale sur l’État et la confrontation constante de celle-ci, toujours en mouvement, jamais établie une fois pour toute dans son esprit, avec les réalités africaines ont profondément marqué sa pensée. Selon lui, si en théorie, le modèle wébérien d’État était fixe, statique, sa réalité était variable, car disait-il, l’État est toujours médiatisé par l’homme. L’approche fixiste de l’État, Jean-François Médard n’hésita pas à la dépasser par une approche désormais dynamique, en abordant l’État comme une variable. Mais si, au-delà de l’unicité du modèle, sa réalité était évolutive et diversifiée, il osa alors ouvrir la question risquée de l’échec du mimétisme de ce modèle d’État en Afrique, modèle par erreur selon lui présenté comme occidentalo-centriste. L’observation de crise de l’État en général, notamment illustrée par l’érosion de sa souveraineté et de sa légitimité, et le constat d’échec qu’il pose sur les cas africains qu’il a pu analyser l’ont alors poussé a élargir encore davantage ses réflexions sur des hypothèses aussi diverses que la fin de l’État comme modèle, l’échec des variantes alternatives de modèle politique, la multiplication des États ou encore le régionalisme.
49On ne peut que sortir impressionné en explorant, ne fut-ce que sous un seul angle d’approche, son évolution et son parcours scientifique. Sa production fut abondante, on l’a maintes fois souligné. La facilité avec laquelle il écrivait montrait combien sa plume, alerte, lui permettait de développer avec une grande clarté les cheminements de sa pensée et la richesse de ses réflexions. Reconnaissons-le, il était prodigue de ses réflexions, toujours ouvert à les partager. Sa curiosité scientifique doublée d’une générosité dans le souci de progresser dans la connaissance lui donnait une grande disponibilité pour les nombreuses propositions de collaboration dans la recherche. La qualité de son écriture laissait une impression de facilité de cette forme d’expression qui en faisait un pédagogue d’instinct le rendant d’autant plus accessible.
50Mais on ne peut réduire Jean-François Médard seulement à ce qu’il a fait ; car ce qu’il a fait était à l’image de ce qu’il était. Il émanait de sa personne une grande simplicité qui ne s’embarrassait pas de formalisme. Être quelques instants en sa présence éveillait rapidement de la sympathie. Cela ne pouvait que constituer un encouragement à chercher des possibilités de collaboration avec lui. Ces possibilités pouvaient être investiguée soit par courrier ou encore de manière plus directe en le rencontrant non seulement à Bordeaux mais aussi dans sa maison de Sainte Foix la Grande où son épouse, Burney, ajoutait encore à la gentillesse. Je suis sûr que nombreux sont ceux qui gardent un tellement bon souvenir d’un passage ne fût-ce que d’un jour à Sainte Foix où leur table était ouverte. Dans un tel cadre, les partages d’idées et de réflexions étaient féconds. Mais plus encore, la sympathie était créatrice. Pour celles et ceux, nombreux, qui l’ont connus, Jean-François Médard restera dans les mémoires, non seulement pour ce qu’il a fait, mais aussi pour ce qu’il était.
51Pierre VERCAUTEREN
52Pierre VERCAUTEREN est professeur de science politique et responsable de l’Unité des Relations internationales et européennes (RIE) des Facultés universitaires catholiques de Mons (FUCAM).
Notes
-
[1]
MEDARD J-F., Communauté locale et organisation communautaire aux États-Unis, Paris, Armand Colin, 1968.
-
[2]
DOGAN M. et PELASSY D., Sociologie politique comparative, Paris, Economica, coll. « Politique comparée », 1981.
-
[3]
ELLUL J., De la Révolution aux révoltes, Paris, Calmann-Lévy, coll. « Liberté de l’Esprit », 1972.
-
[*]
En souvenir de William Boyd, Un anglais sous les tropiques.
-
[4]
Référence précise de la réunion : cf RFSP ?
-
[5]
Ref ouvrage.
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[6]
A l’époque le CREDU, aujourd’hui IFRA, couvrait 10 pays d’Afrique orientale et australe.
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[7]
Le dernier jour de mon séjour, un samedi, Jean-François me demanda ce que je voulais faire : visiter le plus grand bidonville kenyan, Mathare Valley ou aller regarder les bêtes sauvages au Parc qui jouxte la capitale. J’optai pour cette dernière proposition, véritablement nouvelle pour moi. Nous partîmes donc dans sa 4L poussive (alors que la plupart des expatriés avaient, à juste titre, vu l’état des routes et des pistes du pays, des véhicules 4X4). Nous partîmes à l’aventure dans le Parc (je m’en rendis compte plus tard lorsque je résidai à Nairobi) et bientôt Médard s’engagea dans une partie reculée, une véritable impasse, où nous roulions dans les ‘rails’ dessinées par les gros pneus des minibus et des véhicules de tourisme. On se retrouva tout d’un coup très proches d’un rhinocéros qui s’avéra être en fait, une mère et son petit. Jean-François me confia que cela faisait des mois qu’on ne l’avait pas vu et que la présence d’une progéniture expliquait probablement son absence. Mais l’animal ne voyait pas notre présence d’un bon œil et il me fallut insister pour que Jean-François se décida à faire, avec beaucoup de difficultés et de temps, un demi-tour sur la piste alors que la mère se rapprochait de nous d’une démarche inquiète et hostile. Nous rentrâmes sans problème à la maison mais l’aventure fit du bruit et le tour de la communauté française de Nairobi. Certes nous avions ‘retrouvé’ la rhinocéros femelle mais avec un peu d’adrénaline peut-être inutile !
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[8]
Ref. article.
-
[9]
Ref article in Afriques politiques.