Notes
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Voir ZEN 2050 Recommandations, www.epe-asso.org.
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Loi n°2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.
1À l’issue de ce numéro, la question reste ouverte de savoir si et comment les entreprises peuvent financer les transitions environnementales de long terme.
2La réponse est oui, bien sûr. Tout comme elles ont financé des stations d’épuration, le traitement des fumées d’usines, des installations de traitement de déchets et autres infrastructures environnementales au XXe siècle, elles peuvent aujourd’hui financer l’électrification de la mobilité, les énergies décarbonées, la rénovation énergétique des bâtiments et la construction d’infrastructures écologiques. Il est vrai qu’on ne les voit pas jusqu’ici s’y employer massivement dans l’ensemble de ces secteurs, et cela pose bien sûr la question du rythme de ces investissements : peut-il être assez rapide pour répondre aux enjeux du climat et de la biodiversité ?
3La réponse se situe au cœur même des entreprises, elle est en fait technique : le compromis entre rentabilité et risque est actuellement moins attractif pour nombre de ces investissements que pour d’autres connus et éprouvés, même s’ils sont polluants. Il reste aujourd’hui plus rentable de construire des centrales à charbon ou au gaz que des unités de méthanisation, d’acheter des véhicules thermiques plutôt qu’électriques ou de transformer des terres agricoles en terrains constructibles plutôt que les convertir en agriculture biologique.
4Une façon de répondre à cette question du basculement des investissements industriels est donc de regarder comment vont évoluer ou pourraient évoluer le risque et la rentabilité de ces investissements.
5Le schéma de la page suivante permet de comparer différents investissements nécessaires à la restauration de l’environnement, en se demandant comment on peut les rendre massifs et en tout cas plus attractifs que les investissements carbonés du même secteur. Dans presque tous les cas, cela passe par un nouveau modèle d’affaires, auquel la puissance publique doit intégrer des considérations d’environnement, par le biais de la loi ou d’une nouvelle forme de gouvernance. La question de l’investissement privé revient donc à se poser celle de l’instauration de modèles d’affaires viables pour gérer les activités liées à l’environnement. En effet, par définition, il n’existe pas de consommateurs spontanés, il s’agit bien plus souvent de gérer un espace commun ou un bien commun. Comment la puissance publique peut-elle créer des business models attractifs susceptibles de générer des investissements significatifs ?
6Dans cet article, nous distinguons trois cas de figure pour les investissements environnementaux, selon que la pollution est attribuable, ou non, ou qu’il s’agit de la prévenir.
Pollution attribuable : vive le principe du pollueur-payeur
7Ce cas est le plus facile à gérer. S’il existe un lien établi entre une activité et une pollution, le principe du pollueur-payeur permet de créer des business models efficaces au travers soit d’obligations de réduction des pollutions, soit de mécanismes financiers permettant à la collectivité de gérer le sujet. Ce business model a fonctionné pour les traitements d’effluents industriels, dont le gaz carbonique. L’ETS européen est fondé sur ce mécanisme, entraînant le recours aux énergies renouvelables ou la substitution de certains matériaux ou process par d’autres. Son efficacité dépend de plusieurs facteurs : la volatilité perçue par les acteurs, les perspectives de long terme de réduction des quotas mis sur le marché, ainsi que les incertitudes pesant sur les périmètres et sur les conditions aux frontières. L’historique des prix de l’ETS montre que ces facteurs ne sont pas toujours réunis.
8Pour autant, l’exemple de la taxe carbone montre que, même en l’absence de volatilité des prix d’un marché, le modèle d’affaires adéquat peut être complexe à mettre en place en raison de l’incertitude pesant sur les politiques publiques qui le conditionnent ou le créent, incertitude qui a deux origines :
- la reconnaissance par le grand public de la nuisance : il a fallu plusieurs décennies pour que les émissions de gaz carbonique soient perçues par la majorité de la population comme une pollution relevant de politiques publiques, du principe du pollueur-payeur et d’une taxe carbone. Aujourd’hui, l’usage du sol commence à peine à être perçu comme une atteinte à la nature : imaginer un dispositif qui arrête ou freine l’artificialisation des sols au bénéfice d’investissements dans la rénovation ou la réhabilitation urbaine demanderait une prise de conscience plus claire de ses dommages environnementaux. Tant que cette prise de conscience n’est pas effective, la politique est réversible ; le cas de l’écotaxe mise en échec par les « bonnets rouges » est l’exemple d’un investissement fait par une entreprise qui n’a pas pu aboutir par défaut de la politique publique ;
- l’effet potentiellement régressif de politiques publiques de réduction des nuisances, souvent basées sur des taxes ou redevances associant l’usage d’un produit et ses nuisances ; là encore, la taxe carbone est un bon exemple, avec son effet régressif qui en ralentit l’augmentation tant qu’elle est perçue comme injuste.
9Une fois acceptée l’application du principe du pollueur-payeur dans le cadre d’une solution, le business model étant fiabilisé, les entreprises font les investissements nécessaires. Ce modèle a été utilisé pour gérer de nombreuses pollutions industrielles – c’est le cas des stations d’épuration, où le coût supporté par les particuliers est proportionnel à leur consommation. En revanche, cela n’est pas le cas pour les ordures ménagères ; pourquoi ? Comment ? La raison est qu’elles sont plus difficiles à attribuer, et que le modèle d’affaires pour déclencher les investissements dans un tel cas est différent.
Investir pour éviter les pollutions non attribuables ?
10Ces pollutions sont très courantes. Les pollutions de milieux tels que les nappes souterraines, les déchets sauvages, voire diverses pollutions chimiques en relèvent : on ne peut pas précisément dire quel acteur a causé cette pollution, surtout quand elles ont aussi un caractère multifactoriel. Les milieux pollués relevant du domaine public (atmosphère, masses d’eau), personne ne peut ni être tenu pour responsable ni se retourner contre un acteur responsable autre que la puissance publique.
11Dans ces cas, la seule partie capable de payer pour le nettoyage ou l’évitement est la collectivité, à quel que niveau que ce soit. Le rôle des pouvoirs publics est d’organiser soit l’évitement et la substitution de la pollution constatée, soit la réparation. Néanmoins, cela ne signifie pas que l’investissement doit toujours être porté par elle : grâce à l’outil juridique des concessions, ou celui des partenariats public-privé, la collectivité peut mobiliser des investissements émanant d’entreprises, donc des financements privés, du moins en partie. La rentabilité de l’investissement est assurée par des recettes privées ou publiques liées soit aux moyens mis en œuvre, soit aux résultats obtenus : les investissements dans les installations de tri et de recyclage des déchets peuvent relever de ce modèle. La rémunération repose sur les tonnages traités, sa négociation se fait en considération des recettes privées que l’exploitant peut retirer des opérations (ventes de matières premières secondaires ou d’énergie). Dans ces cas, c’est le contribuable et non le pollueur qui supporte le coût de la dépollution.
12De la même façon que la puissance publique est organisatrice des solutions, elle peut aider à l’investissement dans la recherche et le développement de solutions alternatives.
Les solutions de prévention et substitution
13Dans les cas du climat et de la biodiversité, une fois intégrées les contraintes et limites du principe du pollueur-payeur, les montants à investir restent considérables, et les quelques exemples actuels suivants visent à identifier les modalités possibles de réduction du risque responsable du niveau modeste des investissements.
- La rénovation thermique des bâtiments existants : le frein à l’investissement pour les propriétaires est la faible rentabilité des opérations, malgré des aides publiques qui sont jugées complexes et mal connues. Le risque est en revanche assez fort, car l’investissement ne sera pas rentable, par exemple si les prix du gaz se maintiennent à un bas niveau comme actuellement, voire à des niveaux encore plus faibles, ou si les comportements conduisent à des effets rebond, annulant l’effet espéré de réduction de la facture énergétique. Surtout, les aides publiques sont perçues comme instables, en plus d’être complexes : leur dynamique dépend de leur coût pour le budget public, et les conditions de l’octroi de l’aide varient d’année en année, rendant difficile la décision d’investir. Dans ces conditions, la meilleure façon de massifier ce marché serait de rendre cet investissement obligatoire pour les propriétaires à certains moments de la vie des bâtiments [1], en allouant des aides appropriées pour les moins aisés d’entre eux. Cela créerait un marché compétitif assurant que les solutions efficaces seront privilégiées, et inciterait les professionnels à investir dans la formation de personnels spécialistes de la solution mise en œuvre.
- Le véhicule électrique : le financement des investissements concerne plusieurs acteurs : les clients finaux, les flottes et les industriels. La réglementation européenne stimule ces derniers, mais ce déploiement suppose plusieurs conditions : l’agrément du véhicule et l’adoption de son usage par les automobilistes, ce qui semble bien vérifié – en effet, peu d’acquéreurs retournent ensuite au véhicule thermique ; une marge suffisante des constructeurs sur leurs ventes : il est aujourd’hui plus rentable pour un constructeur de vendre des SUV que des voitures électriques. Le basculement devrait donc venir des acquéreurs, sous l’effet, par exemple, d’une perspective quasi certaine de hausse des prix des carburants. L’affichage d’une trajectoire de taxe carbone serait un solide pas dans ce sens : mais, est-il possible de le faire de façon crédible ?
- L’hydrogène : la perspective de rentabilité est bonne, si l’on sait fabriquer de l’hydrogène à partir de gaz en captant le CO2. Cela pourrait être la solution de référence : si le prix anticipé du carbone rend cette technologie rentable, les industriels devraient financer les investissements appropriés. Le risque est cependant élevé, car la rentabilité dépend de l’évolution du prix des quotas ETS et du prix des carburants concurrents.
- Le CCS : là encore, la question est celle du prix du carbone, et des mesures permettant de ne pas évincer l’industrie européenne si elle est la seule à se contraindre à capter le gaz carbonique. Une obligation d’équiper toute nouvelle installation de production d’hydrogène d’un procédé de CCS à partir d’une certaine date pourrait être une avancée significative.
- Les infrastructures écologiques : il n’y a pas aujourd’hui de business model pour les développer (hormis l’exploitation forestière), même si cela pourrait être imaginable. La PAC pourrait inciter les agriculteurs à replanter des haies le long des chemins ruraux ou à structurer leurs parcelles autour de telles infrastructures, au moins dans les zones de continuité écologique (trame verte et bleue, continuités écologiques), ou encore à gérer leurs exploitations selon les critères du label Haute valeur environnementale. Reconstituer un business model différent et viable à long terme est une gageure.
14Pour certains, la question est déjà résolue : les modalités d’incitation à la construction d’installations de production d’énergies renouvelables sont maintenant stabilisées. Elles consistent en des contrats qui garantissent un prix d’achat de l’électricité pendant suffisamment d’années pour assurer la rentabilité de l’investissement si les risques techniques sont maîtrisés, c’est-à-dire si les coûts d’installation et de maintenance sont bien anticipés et si les prévisions de vent et de soleil sont vérifiées, ce qui pourrait changer avec le changement climatique – ce dernier risque est porté par l’entreprise.
Capacité des entreprises à s’engager dans l’action volontaire et portée de cette dernière
15L’action volontaire des entreprises est limitée dans son ampleur, puisque, par construction, on appelle « environnement », ce qui ne fait pas partie du business model de l’entreprise. L’action volontaire des entreprises correspond aux actions qu’elles mettent en œuvre pour en tenir compte avec une moindre considération de leur rentabilité économique.
16Selon le nouveau Code civil modifié par la loi PACTE [2], l’objet social des entreprises intègre désormais des considérations environnementales et sociétales. Néanmoins, la direction de l’entreprise a des comptes à rendre à ses actionnaires : elle doit donc leur présenter des résultats positifs significatifs, sauf exception dûment expliquée, obtenus par application d’un modèle d’affaires.
17Cette logique très forte du modèle d’affaires s’applique aujourd’hui de façon très générale, à l’exception peut-être des toutes nouvelles entreprises à mission, dont, il est vrai, on n’a pas encore bien vu fonctionner le nouveau modèle. Quoi qu’il en soit, même une entreprise à mission se doit d’assurer sa pérennité, ce qui suppose au moins un équilibre financier, voire un résultat positif si elle veut attirer du capital.
18Il est relativement facile de mettre sur pied des business models dans le cas du climat, quand on sait que mettre un prix du carbone suffit à en créer. Les difficultés viennent de l’acceptation de ce cadre économique et donc de sa conception sociale.
19C’est beaucoup plus difficile pour la biodiversité, car définir ce que l’on essaie de faire est peu aisé, étant régi par une multitude d’indicateurs locaux. On sait qu’il faut limiter les pressions, mais les investissements à réaliser sont plus incertains. On commence à parler d’infrastructure écologique, soit de trame verte et bleue, soit de zones naturelles capables de filtrer des eaux usées ou de stopper l’envahissement des terres en cas d’inondation. Quel business model pour une telle infrastructure, autre que du financement public ? L’investissement consiste à réduire l’intensité d’exploitation d’un territoire, à en changer les activités pour les rendre moins artificielles, ce qui n’est en général pas rentable. Ainsi, le passage à l’agriculture biologique sur les champs captants d’Evian ou Vittel est finançable, parce que l’eau produite est valorisée à un prix suffisamment élevé. Il ne l’est pas si c’est pour produire de l’eau pour alimenter les réseaux d’eau potable, une eau valorisée environ 100 fois moins cher – entre 3 et 15 €/m3 –, alors qu’une eau en bouteille à 1 € le litre coûte1 000 €/m3. C’est ainsi que les habitants des Vosges se voient maintenant évincés de l’usage des sources au profit de Vittel, pour être approvisionnés en une eau normale moins coûteuse à produire et à transporter.
20Que faut-il donc pour qu’une collectivité, qu’il s’agisse d’une petite commune, d’un État ou de l’Europe, décide de créer un tel business case susceptible de générer des investissements privés ? Il faut avant tout développer une sensibilité forte au problème environnemental. Les investissements de réduction des émissions n’ont pas été finançables jusqu’à ce que l’apparition répétée des canicules et des événements climatiques ne devienne inquiétante pour la majorité des citoyens. Est-ce suffisant pour générer l’investissement nécessaire à la décarbonation accélérée de l’économie ? Il a fallu plus de cinquante ans pour achever les investissements nécessaires à l’épuration des eaux usées, combien en faudra-t-il pour sortir des fossiles ou équiper les grosses installations de dispositifs de capture et de stockage du gaz carbonique ?
21Dans d’autre cas, le dommage n’est pas attribuable à un pollueur déterminé, mais à un ensemble diffus : c’est le cas de la surexploitation des ressources naturelles, de la pollution diffuse, de l’expansion des espèces envahissantes, de l’artificialisation des sols qui fragmente les habitats, des émissions des véhicules ou des chaudières individuels… Le rôle de la puissance publique est alors indispensable. Il peut consister à imaginer divers dispositifs de gouvernance pour contourner ce problème :
- Remonter aux metteurs en marché : les États-Unis ont inclus dans le marché des quotas les distributeurs de carburants – certes peu nombreux –, en se fondant sur l’hypothèse que tout litre d’essence vendu va être brûlé à terme. À défaut de rationner les consommateurs, il rationne l’ensemble du marché, ce qui génère un prix plus élevé et internalise les externalités négatives. Les entreprises ont alors intérêt à investir pour fournir aux consommateurs des solutions alternatives moins coûteuses ;
- Créer des taxes pour aboutir à la même internalisation au niveau du consommateur final ; avec le même résultat si les taxes sont assez élevées.
22Inciter, obliger ou interdire, les trois pouvant être gradués, cela conduit à des business cases de plus en plus convaincants :
- Incitation : dans le cas, par exemple, de la rénovation thermique des logements, la stimulation repose sur des dispositifs d’incitation, qui ne sont pas suffisants pour inciter les artisans du bâtiment à investir ni en compétences ni en équipements. Le nombre des entreprises RGE diminue aujourd’hui ;
- Obligation : l’obligation d’équiper les voitures de pots catalytiques a conduit tous les constructeurs à investir et à modifier leurs modèles pour y parvenir ;
- Interdiction : la perspective, montante dans le débat public, de l’interdiction de vendre des véhicules thermiques en 2040 est de nature à accélérer, dès à présent, les investissements des constructeurs qui veulent être prêts à cette échéance. Cela n’empêche pas les entreprises d’essayer d’éviter ou de retarder une telle interdiction. L’interdiction, selon qu’elle sera ou non adoptée, conduira à accélérer ou à différer les investissements.
23Il ressort de ces exemples que quelques principes de l’action publique apparaissent pour accélérer le déclenchement des investissements environnementaux des entreprises :
- l’application visible et continue du principe du pollueur-payeur, avec une prévisibilité du signal-prix, une certaine stabilité de celui-ci et la condition forte que toutes les entreprises et tous les produits y soient également soumis : une contrainte qui, portant sur les entreprises nationales et non sur les produits importés, rencontre de fortes réticences ;
- hors le champ de ce principe, limiter les impacts sociaux sur les électeurs est la clé de l’acceptation par un public sensibilisé, et pour assurer en même temps la solidarité des acteurs dans le financement de l’investissement ;
- engager en parallèle la réduction des subventions aux activités polluantes (subventions aux fossiles, politiques incitant à l’urbanisation en lointaine banlieue…) devrait permettre de dégager une source de financement qui facilite l’atteinte d’un équilibre économique pour les entreprises ;
- enfin, le financement par les budgets publics est aussi une voie de solution. En revanche, compte tenu des contraintes budgétaires, ce financement est limité et toujours incertain : le succès du bonus-malus automobile ou celui du crédit d’impôt pour la transition énergétique ont rendu ces politiques plus coûteuses que prévu pour les finances publiques, ce qui a conduit à les réduire, condamnant par là même les business models assis sur ces mécanismes.
24La continuité et la prévisibilité des politiques publiques est aussi un des facteurs essentiels pour déclencher les investissements des entreprises. En ce sens, le principe de non-régression en matière environnementale pourrait être une bonne disposition pour rassurer les entreprises sur les perspectives de rentabilité de leurs investissements.
25Pour qu’il y ait investissement des entreprises, il faut une gouvernance de l’environnement : incitation, obligation ou interdiction. Les entreprises peuvent investir par anticipation si elles savent que cette gouvernance est en préparation : l’action volontaire est un moyen d’anticiper, de préparer et de négocier la gouvernance. Et, à ce titre, elle justifie des investissements s’ils restent d’ampleur modérée : le pilote de CCS de Total à Lacq ou les investissements de Renault dans la voiture électrique servent à anticiper, valider certaines solutions qui pourraient ensuite être rendues obligatoires. Les investissements dans les énergies renouvelables servent à explorer, puis à négocier la part de chaque solution dans le mix électrique du futur. Ce n’est que lorsqu’un business model est acté par la puissance publique et qu’il est perçu comme irréversible par tous les acteurs que l’investissement devient massif.
26À noter que la finance verte est une approche volontaire au même titre que d’autres : les investisseurs, banquiers et financiers sont des entreprises, qui agissent en tant que telles, et peuvent investir pour créer de nouveaux marchés ou chercher des solutions efficaces qui leur donneront un avantage compétitif. En revanche, elles ne peuvent se déployer à grande échelle que si les business models qu’elles financent sont profitables ou appelés à l’être. On ne peut donc pas espérer qu’elle finance des investissements massifs de décarbonation ou de préservation de la biodiversité. À ce titre, même des initiatives internationales d’autorégulation de la profession restent marginales : l’intérêt de la Task Force on Climate Financial Disclosure est de commencer à mettre en débat devant les gouvernements du G20 les stratégies de décarbonation. Ceux-ci pourront, après quelques années d’expérience volontaire, une fois normalisées les méthodes de mesure et d’évaluation, en tirer de façon concertée des régulations applicables dans leurs pays respectifs – en espérant que des « paradis du carbone » ne concentreront pas les investisseurs de l’économie des fossiles !
27En conclusion, les entreprises peuvent bien sûr investir à long terme pour améliorer l’investissement. Selon l’étude ZEN 2050, il faudrait investir massivement dans la transformation climatique en passant de 30 milliards d’euros annuels à plus de 100 milliards en 2040-2045. Cela suppose cependant plusieurs conditions :
- une perspective de marché ;
- une perspective de rentabilité, que celle-ci vienne d’un différentiel de prix, d’un moindre coût ou d’un nouveau produit ou service qui justifie l’investissement initial ;
- un soutien de la population, souvent difficile à obtenir dans un pays comme la France qui se méfie du secteur privé.
28Entreprises, citoyens et pouvoirs publics : le soutien et la mise en mouvement conjugués de ces trois catégories d’acteurs sont indispensables pour déclencher l’investissement des entreprises.
Notes
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[1]
Voir ZEN 2050 Recommandations, www.epe-asso.org.
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[2]
Loi n°2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.