Quand l’industrie rencontre Internet
1La quatrième révolution industrielle se construit sur la digitalisation de l’expérience de production et s’appuie sur l’intégration des technologies de l’internet. Au début des années 70, les technologies de l’industrie dominent et bénéficient des avancées technologiques d’internet pour améliorer les processus de conception, de fabrication et de livraison. C’est aussi le début du pilotage de la performance par des automates. Cependant dans les années 2000, l’internet se développe extrêmement rapidement et va très vite induire des bouleversements significatifs sur le marché qui pour beaucoup n’ont pas été anticipé par l’industrie : l’internet du contenu (www) va ouvrir les marchés et introduire une compétitivité mondiale, l’internet du commerce va transformer la chaîne de sous-traitance en permettant à chaque fournisseur de se connecter avec le client final, plus récemment l’internet social et mobile a inversé l’accès à la technologie, la rendant pour la première fois plus facilement disponible à la maison qu’en entreprise.
2L’émergence de l’internet des objets offre à l’industrie manufacturière une nouvelle opportunité de réagir. Devant l’ampleur des changements potentiels, elle se trouve dans un état d’incertitude sur les nouveaux modèles économiques et sociaux comme sur la maîtrise des nouvelles technologies. Cependant la pression concurrentielle et l’opportunité de créer rapidement de nouveaux produits et services imposent à chacun de s’adapter.
3Dans le cadre de cette révolution, la principale opportunité est pour le constructeur de se rapprocher de son client pour comprendre l’usage de son système de production en rassemblant et en interprétant les données attachées à celui-ci. La structuration de ces données permet de révéler un nouvel espace de connaissance facilement accessible. Ces nouveaux espaces cognitifs créent un effet d’attraction entre les concepteurs des systèmes de production et les utilisateurs et conduisent à reconstruire naturellement la chaîne de valeur.
La mise en œuvre des espaces cognitifs
4L’informatique et l’intelligence artificielle ont fait émerger de nouvelles approches sur ce que représente l’information et de nouvelles théories ont été développées pour donner une approche scientifique au concept d’information. De Shanon (1949) qui se préoccupait de la qualité de la transmission des données à Landauer (1980) qui affirme que l’information est une quantité physique au même titre que la matière, l’espace, le temps et l’énergie, la théorie de l’information a profondément évolué. Bien que ces théories aient toutes permis des avancées considérables, la définition de la valeur d’une information reste toujours un sujet de débat. En particulier, il reste à trancher si l’information existe indépendamment de son détenteur ou des buts qu’il poursuit ?
5S’il est clair que la valeur d’une information dépend du contexte et de l’observateur, la transformation d’un ensemble de données brutes en information a fait l’objet de beaucoup de recherches. Un modèle intéressant pour l’enrichissement des données est le modèle DIKW (data, information, knowledge, wisdom). Ce modèle, formalisé sous sa forme de pyramide utilisée aujourd’hui par l’américain N.L. Henry en 1974, a été largement commenté et enrichi depuis.
6Il permet d’enrichir progressivement les données brutes. C’est la disponibilité, l’agrégation, la contextualisation qui transforme une donnée brute en une connaissance utilisable qui permet la prise de décision et est génératrice d’action. La mise en œuvre d’une démarche de ce type sur un système industriel conduit à l’émergence d’un espace cognitif qui permet de créer de la valeur et d’améliorer la performance du système. C’est cette démarche que nous nommons la performance connectée.
La capitalisation des connaissances dans des espaces cognitifs
7Les analyses réalisées par OptimData auprès de plusieurs industriels sont très homogènes sur ce que savent les fabricants d’équipements et sur ce qu’ils essaient de savoir.
8Un industriel possède bien évidemment une bonne connaissance du produit qu’il a vendu à un producteur. Il connaît ses caractéristiques théoriques (et contractuelles). Il a pu les vérifier lors de la réception et de la validation par l’usine. Pendant la période de garantie il suit son client et répond aux besoins exprimés pendant celle-ci. Il faut toutefois noter que même s’il croit avoir la connaissance de son client, celle-ci est souvent diffuse et incomplète. En effet, elle est dispatchée entre plusieurs sources d’information : ERP pour la nomenclature et les plans de maintenance, CRM pour les transactions commerciales et les pièces détachées, GPAO, fiches de garanties ou encore fiche d’interventions. Reconstruire l’historique complet du client, même sur la période courte de garantie, peut s’avérer très complexe.
9De plus, dès la fin de cette période de garantie, la connaissance du fabricant de machine diminue. Il perd souvent le retour d’expérience de l’usage des machines, jusqu’à ne plus savoir comment la machine est réellement utilisée. En effet, la durée de vie des machines est longue et de nombreux acteurs interviennent pour les maintenir ou les mettre à jour. Ces modifications peuvent être le fait du fabricant de la machine, de sociétés tierces, voire de multiples intervenants chez le producteur lui-même.
10Afin de pouvoir promettre une performance de production, Il faut être capable d’interpréter l’usage de la machine durant toute sa durée de vie et proposer les actions nécessaires et suffisantes pour maintenir la meilleure performance. La qualité de cette interprétation réside dans la capacité d’agrégation des données du constructeur et des données d’usage, ce que OptimData appelle l’espace cognitif du système de production. La modélisation des données à travers de nouvelles technologies permet de réaliser des corrélations complexes et de décrire des comportements atypiques de la machine et l’action humaine adaptée à ces derniers. La plate-forme ProductInUse traduit le résultat des algorithmes en contenu lisible par les opérateurs, donnant ainsi une voix à la machine : Et si les machines pouvaient vous parler ? La connexion des systèmes industriels et la mise en œuvre de leurs espaces cognitifs devient donc un enjeu majeur de l’internet industriel.
11L’expérience montre que plus l’espace cognitif est grand, pertinent et accessible, plus l’opportunité d’offrir de meilleurs services et d’améliorer la performance de production est significative. Il est alors possible d’envisager une approche incrémentale pour le développement de ces espaces cognitifs. Comme dans le phénomène de gravitation, on constate que l’espace cognitif crée une attraction auprès des acteurs du système de production ou la masse correspond au volume de données et la distance à l’accessibilité de l’interface utilisateur. Plus il y a de données utiles plus la force d’attraction est grande. Plus simple est l’interface, plus la distance entre l’utilisateur et la connaissance est faible. Au-delà de l’analogie physique, l’attractivité générée permet de construire une nouvelle relation entre le fabricant du système et ses clients, centrée sur la performance de production.
Le besoin de pragmatisme et de nouvelles technologies
12L’économie de la performance est un sujet en étude depuis plusieurs années. Déjà il y a 4 ans, la foire industrielle de Hanovre avait comme maître mot l’industrie 4.0. Ce fut encore le cas cette année. Cela peut sembler déjà long pour le monde d’internet, mais à l’échelle des cycles industriels le développement est ultra-rapide.
13Le développement d’internet est radicalement différent de celui de l’industrie. Beaucoup de composants sont disponibles en sources ouvertes. Les algorithmes d’apprentissage par exemple sont facilement accessibles et partagés par des leaders comme Google. OptimData bénéficie de ces briques technologiques pour les assembler et répondre au challenge industriel de l’industrie du futur.
14Si les technologies sont facilement accessibles, il faut toutefois savoir les choisir et les mettre en œuvre. Ainsi de nombreux industriels concentrent beaucoup d’énergie pour prévoir les pannes des machines plusieurs semaines à l’avance. La réalité montre que les algorithmes de Machine Learning, gourmands en données d’apprentissage, ne sont pas bien adaptés pour le fonctionnement des systèmes industriels où la fréquence d’apparition du problème est trop faible.
15OptimData a choisi de construire une démarche d’apprentissage par enseignement. La plate-forme capitalise les usages et interactions entre les hommes et la machine. Ces interactions sont décrites par des données comme des signatures puis détectées en temps réel. Dès lors qu’une machine entre dans une séquence connue des mécanismes d’alerte sont mis en œuvre, proposant au bon utilisateur la meilleure action à réaliser. Cette méthode pragmatique donne des résultats très rapidement.
Le besoin de nouveaux modes de collaboration
16Les enjeux technologiques pour l’industrie sont immenses mais le développement d’une solution robuste nécessite une approche moderne du développement.
17Il faut maitriser de nouvelles connaissances comme les composants technologiques d’internet, de nouvelles bases de données, de nouvelles infrastructures informatiques et de nouveaux terminaux.
18Les méthodes de développement doivent être pensées pour optimiser le temps et la vitesse de mise en production et sont souvent très différentes de celles utilisées pour le développement des machines. Le périmètre des fonctionnalités évolue rapidement en fonction du retour d’expérience. C’est une transformation complexe pour un industriel et une bonne raison de favoriser la collaboration avec des entités dont le fonctionnement est par nature plus flexible et plus agile.
19L’industrie doit donc probablement apprendre à collaborer et ne pas succomber au syndrome de l’autarcie. Bien sûr General Electric, Siemens ou Bosch investissent massivement dans l’internet industriel avec des structures dédiées basées sur ces nouvelles méthodes. Ces investissements ne sont cependant pas accessibles à tous et renforcent le besoin nouveau de collaboration.
Le partage des données peut-il être une réalité rapidement ?
20Un des points clés remontés par nos clients et prospects est l’accessibilité aux données d’usage. Il se détermine par deux sujets d’inquiétude, l’un juridique, l’autre technique. Pour ce dernier, les technologies actuelles sont relativement simples à mettre en œuvre. Réaliser la connectivité entre la machine et la plate-forme hébergée sur le cloud est une démarche maîtrisable qui peut être ajustée en fonction de paramètres comme la bande passante, le coût et la sécurité. La dimension juridique est un frein à la mise en œuvre de solution industrielle. Mais là encore internet nous apporte des leçons intéressantes dont nous devons nous inspirer. Ce qui fait que vous autorisiez une application à utiliser vos données personnelles est la perception de la valeur du service que vous en retirez. Par exemple, l’application Waze vous donne avec précision la route la plus rapide entre votre position et votre destination. Cette route est recalculée avec des données mises à jour en continu fournies par les internautes. Il y a volontairement un partage des données pour ce service. Chez OptimData nous pensons que la même approche est réalisable dans l’industrie. Si un fabricant de machine apporte des services connectés permettant au producteur d’atteindre ses objectifs, alors la demande d’accès aux données est clairement motivée. Il est évident que la sécurité et le contrôle des données est primordial, mais là encore les solutions technologiques robustes existent. ProductInUse est une plate-forme hébergée, sécurisée et privée pour le concepteur du système de production et ses utilisateurs.
Et si les machines pouvaient vous parler ?
21Construire une économie de la performance, c’est réaliser des services innovants pour ces clients. Voici quelques exemples étudiés par OptimData.
22Un producteur d’eau en bouteille fait face au challenge nouveau d’adaptation fréquente de sa production à la demande du marché. Que ce soit par le format, la couleur ou l’étiquette de la bouteille, les changements fréquents obligent à des arrêts de production qui induisent un manque à gagner. La performance est définie par la cadence multipliée par le temps de production. Grâce à son intelligence augmentée des signatures de données, la machine peut prévenir d’une fréquence de reconfiguration anormalement longue sur une période de temps et en identifier les causes. La machine suggère alors les bonnes actions à faire pour atteindre l’optimum. La disponibilité de la production est très nettement améliorée avec un gain de plus de 10 %. Le producteur améliore sa performance et le fabricant fidélise sa relation avec un service ajusté à son client.
23Dans un autre cas nous avons pu montrer par les données les raisons possibles d’un arrêt de production. Cet arrêt implique des actions lourdes de remise en configuration et relance de la chaîne de production pouvant durer plus de 12 heures. Chaque raison possible est internalisée dans ProductInUse via leur description en séquence : Si cette corrélation de paramètre est suivie de cette autre corrélation alors il y a un risque de x %. A réception des données dans la plateforme, la détection d’une des signatures déclenche l’alerte.
24La quantité d’exemples est très vaste et implique le savoir-faire métier des opérateurs, techniciens et ingénieurs.
25Pour faciliter l’acquisition de ces connaissances et récompenser le savoir-faire nous avons d’ailleurs intégré une dimension sociale à la solution. Motiver la collaboration est ainsi un facteur clé de succès et d’adoption. Mettre la machine dans l’équipe de production, lui donner le moyen d’interagir avec les hommes est disruptif. L’utilisation d’expériences issues d’internet devient primordiale. C’est pourquoi l’organisation de production devient communautaire et collaborative. Ce n’est plus une chaîne de décision qui intervient mais une communauté au service du même objectif.
L’industrie du futur
26Industrie et Internet vont ouvrir de nouveaux horizons. Les systèmes de production seront augmentés d’une intelligence nouvelle apprenante et collaborative. L’homme autour de la machine sera augmenté de cette intelligence collective et pourra intervenir sur des domaines plus vastes et plus pertinents.
27Si aujourd’hui 22 % de la capacité de production n’est pas utilisée car elle ne répond pas correctement à la demande instantanée et localisée, si la disponibilité des machines est de 75 % du temps de production planifié, alors la production réelle actuelle est de 59 %. Comment répondre au besoin croissant des consommateurs qui en veulent toujours plus, plus vite et plus personnalisé ? Est-ce raisonnable de construire encore plus d’usines et de consommer plus de ressources énergétiques ? Partager les objectifs de performance, favoriser l’agilité des systèmes et même le partage pourrait transformer le monde. Et si les machines pouvaient parler, pourrions-nous produire mieux ?