Introduction
1Le développement des nouvelles technologies a entraîné l’apparition de nouvelles formes d’organisation du travail (Flichy, 2017), parmi lesquelles se situe le travail local à la demande (Flichy, 2019) tel que réalisé, par exemple, par des chauffeurs de VTC via Uber ou des livreurs de plats cuisinés via Deliveroo. La plateformisation brouille les frontières organisationnelles (Acquier, 2017) et met en scène des producteurs de services indépendants qui ne disposent souvent pas de qualifications préalables à leur activité. Nous nommons ces producteurs de service « travailleurs via plateforme » car ceux-ci réalisent une diversité de prestations de travail auprès de clients par l’intermédiaire des plateformes. Or, ces dernières sont largement dépeintes comme étant incapacitantes et disciplinantes (Duggan et al., 2019 ; Kellogg et al., 2020). Le management algorithmique (Rosenblat et Stark, 2016) est notamment accusé de brider l’autonomie des travailleurs dans un but escompté de performance organisationnelle et d’atteinte des objectifs stratégiques (Lorino, 2003). La littérature propose une alternative consistant à recourir davantage aux mécanismes du marché (Jabagi et al., 2019) afin de renouer avec les promesses initiales d’une émancipation du travail portées par l’économie collaborative (Botsman et Rogers, 2010). Cette perspective comporte toutefois également des limites dans la mesure où l’autonomie est à distinguer du pouvoir d’agir, défini comme la capacité de surmonter les obstacles à l’action signifiante (Le Bossé, 2003). Le recours au marché accroît certes quantitativement les espaces de liberté, mais il ne permet pas de soutenir les capacités d’action des travailleurs.
2Dans cet article, nous nous intéressons aux outils de gestion comme potentiels supports d’apprentissages en vue de suggérer une troisième conceptualisation des plateformes axée autour du concept d’environnement capacitant (Falzon, 2013), et visant à concilier objectifs de performance et développement du pouvoir d’agir des travailleurs. L’objectif est de permettre de mieux prendre en compte l’activité réelle des travailleurs. Pour mener notre étude, nous avons procédé à une étude de cas de la plateforme Airbnb Experience avec pour question de recherche : quelles sont les caractéristiques d’une instrumentation capacitante ?
3Une fois revenus sur les impasses des conceptions actuelles des plateformes, nous affirmerons la nécessité d’opérationnaliser le concept d’environnement capacitant en le reliant aux outils de gestion. Après avoir ensuite présenté la méthodologie de l’étude qualitative du cas Airbnb Experience, nous exposerons nos résultats sur les caractéristiques principales de l’instrumentation de la plateforme Airbnb Experience ainsi que son appropriation différenciée selon les profils de travailleurs. En discussion, nous expliciterons notre contribution théorique selon laquelle la subsidiarité est une caractéristique distinctive des outils de gestion « ouverts » (Martineau, 2017), eux-mêmes constitutifs des environnements capacitants.
1 – Une impossible capacitation des travailleurs via plateforme ?
4Dans cette partie, nous identifierons les débats actuels concernant les conceptualisations des plateformes numériques. Face aux résultats contrastés, voire contradictoires, mis en avant par la littérature présentant les plateformes comme des technologies vectrices d’une pleine autonomie ou d’un contrôle total du travail, nous proposerons une troisième voie plus équilibrée en mobilisant une grille d’analyse sur l’instrumentation des environnements capacitants.
1.1 – Deux visions incapacitantes de l’organisation du travail via plateforme
5Les plateformes numériques, que l’on peut définir comme des infrastructures modulaires structurées par des algorithmes (Beuscart et Flichy, 2018 ; Flichy, 2019), ont considérablement bousculé l’organisation du travail. Deux visions de l’organisation du travail via plateforme coexistent dans la littérature selon le rôle accordé aux technologies numériques et aux travailleurs. Une première approche présente les plateformes numériques comme de simples intermédiaires de marché (Sundararajan, 2016), lesquels ne contrôlent pas directement les processus de création de valeur (Kornberger et al., 2017). En optimisant les coûts de transaction, les plateformes concrétisent le modèle théorique de la firme « nœud de contrats » et fixent des relations strictement commerciales avec les producteurs de services. Les systèmes de travail s’approcheraient alors du modèle précapitaliste de la proto-industrie (Cazal et al., 2016 ; Acquier, 2017) au sein duquel un apporteur d’affaires joue un rôle d’intermédiaire de confiance auprès des clients, sans s’immiscer dans la gestion du travail au-delà d’un contrôle a posteriori de la qualité. Du fait de cette perspective anti-managériale, les tenants de l’économie collaborative (Botsman et Rogers, 2010) ont appréhendé dans un premier temps les plateformes comme des technologies neutres porteuses d’un « potentiel libérateur » du travail (Filipova, 2015). Les plateformes numériques rendraient possible une pleine autonomie, entendue comme la capacité stratégique d’affirmer ses choix (De Terssac, 2012) et de conduire son activité selon ses propres règles. Pour autant, les apports de l’ergonomie (Daniellou, 2002) mettent en doute le caractère capacitant d’une telle autonomie en l’absence de toute prescription. Le risque est de susciter des situations d’anomie, liées au déficit de régulation sociale (Durkheim, 1883), dans lesquelles les travailleurs, en perte de repères, s’épuisent à inventer continuellement des règles individuelles de travail, sans pouvoir s’appuyer sur des ressources collectives afin de surmonter les difficultés de leur activité quotidienne. A terme, une telle autonomie non organisée impacterait négativement la performance et la santé au travail (Detchessahar, 2011 ; Ughetto, 2018).
6Les travaux sur le management algorithmique (Rosenblat et Stark, 2016) viennent nuancer ce constat car, bien que les plateformes effacent l’entreprise en tant qu’institution réglementée, le pouvoir organisateur des algorithmes s’y renforce concomitamment (Acquier, 2017). Le management algorithmique se définit comme un « système de contrôle dans lequel les algorithmes se voient confier la responsabilité de prendre et/ou d’exécuter des décisions affectant le travail, limitant la participation humaine dans la surveillance des processus de travail » (Duggan et al., 2019, p.6). Ainsi, le pouvoir de structuration du réel exercé par les algorithmes permet aux plateformes de remplir à distance des fonctions traditionnellement assurées par l’employeur (Prassl et Risak, 2015), telles que l’attribution des missions ou la gestion des performances. Par son potentiel de traçage des comportements et de sanctions en temps réel, l’organisation du travail via plateforme peut être assimilée à des formes de néo-taylorisme (Mc Gaughey, 2018) ou de panoptique numérique (Duggan et al., 2019 ; Veen et al., 2020) disciplinant les travailleurs afin d’imposer des finalités managériales (Kellogg et al., 2020). Toutefois, y compris dans le cas de « machines de gestion » (Girin, 1983) particulièrement disciplinaires, la recherche francophone sur les outils de gestion (Berry, 1983 ; Hatchuel et Weil, 1992 ; De Vaujany, 2005) met en lumière les impasses d’une telle quête de contrôle total face à la persistance de formes de réappropriations par les utilisateurs. En considérant les travailleurs comme de simples facteurs de production, le management algorithmique stimulerait une autonomie réactive (De Terssac, 2012) qui se déploierait dans des stratégies de contournement (Lee et al., 2015), voire de résistance (Cant, 2019), et ne pallierait pas les inévitables manquements de la sur-prescription. Tantôt prônant des formes d’anomie, tantôt dénonçant la discipline des comportements, la littérature présente ainsi les plateformes numériques de travail comme étant largement incapacitantes et inaptes à concilier performance et développement des travailleurs.
7Face à ce constat, nous nous interrogeons quant aux possibilités d’une économie des plateformes qui ne tombe pas dans les travers de ce que Fleming (2017) dénonce comme une « ubérisation ». Les pistes avancées suggèrent d’assouplir le contrôle algorithmique (Jabagi et al., 2019). Il s’agirait de renouer avec l’engouement initial pour le travail via plateforme, tel que suscité par les tenants de l’économie collaborative. Or, l’autonomie ne suppose pas l’absence de toute forme de contrôle mais l’existence de prescriptions susceptibles de favoriser la capacité d’action des travailleurs. Une troisième voie n’est-elle pas possible, permettant l’émergence d’une instrumentation capacitante des plateformes, conciliant une double exigence de performance et de développement des travailleurs ?
1.2 – La matérialité d’une instrumentation capacitante
8La question soulevée est alors celle de la matérialité d’une telle instrumentation. Elle a particulièrement été discutée par la perspective appropriative des outils de gestion qui se définissent par leur visée managériale, comme « un ensemble de raisonnements et de connaissances reliant de façon formelle un certain nombre de variables de l’organisation […] et destiné à instruire les divers actes de la gestion » (Moisdon, 1997, p.7). De Vaujany (2005) distingue trois points de vue sur l’appropriation des outils de gestion : rationnel, socio-politique et psycho-cognitif. La perspective appropriative, centrée sur les usages situés, s’est traditionnellement développée à travers une critique socio-politique de l’approche rationnelle des outils de gestion. Celle-ci, fortement imprégnée des travaux de Taylor (1957) et de Fayol (Peaucelle, 2003), met l’accent sur la phase de conception d’outils de gestion efficaces, vecteurs d’une force d’influence directe, et présuppose une appropriation passive et instantanée par des utilisateurs désincarnés. De tels outils de gestion, que l’on peut qualifier d’outils « fermés » (Martineau, 2017), sont conçus selon une fonction contraignante de standardisation et de normalisation des comportements de travail. A cet égard, l’émergence de nouvelles technologies algorithmiques rend possible de nouveaux projets de rationalisation. A partir de Crozier et Friedberg (1977), l’approche socio-politique a renversé le paradigme d’un utilisateur désincarné en mettant en évidence les jeux d’acteurs autour des outils de gestion dans le but de développer des marges de manœuvre. L’appropriation est ici un processus relationnel pouvant mener les outils de gestion à exercer des effets inattendus (Berry, 1983) par rapport aux intentions initiales. Une troisième approche psycho-cognitive, développée plus récemment, regarde les outils de gestion comme de potentiels supports de connaissances. Inspirée par les travaux de Piaget (1975), l’appropriation est vue comme un processus d’apprentissage par lequel un individu passe pour rendre l’outil propre à un usage. Ces apprentissages seraient plus riches avec des outils de gestion « ouverts » (Martineau, 2017), conçus plus particulièrement selon une fonction habilitante. La littérature donne toutefois peu d’indices quant aux caractéristiques de tels outils ouverts ; il est simplement suggéré que leur structure, « tolérante à l’ambiguïté » d’utilisation (Martineau, 2017, p.250), résulte plus souvent d’un processus de co-construction (De Vaujany, 2005). La caractérisation des outils ouverts rejoint les préoccupations de l’ergonomie constructive de l’activité quant à l’opérationnalisation des environnements capacitants (Falzon, 2013), définis comme des « environnements mettant des ressources à disposition des individus et leur permettant de les utiliser » (Fernagu Oudet, 2012, p.204). Contrairement à une « ergonomie défensive » (Falzon, 2013), qui penserait le travail comme une source de contraintes à limiter, « l’ergonomie constructive » entend organiser l’existant en vue de développer le pouvoir d’agir des travailleurs. Le pouvoir d’agir peut être défini comme la capacité à surmonter les obstacles à l’action signifiante grâce à la mobilisation de ressources psychologiques et/ou organisationnelles (Le Bossé, 2003). « L’agir », contrairement au « faire », suppose en effet que l’action accomplie corresponde à des valeurs signifiantes pour les individus, telles que l’efficacité, la beauté, l’authenticité, etc. Le pouvoir d’agir n’est donc pas réductible aux marges de manœuvre (Clot et Simonet, 2015), bien qu’il dépende de leur existence et qu’il participe à leur fabrication. Notre recherche d’instrumentation capacitante ne peut de ce fait se limiter à accroître quantitativement l’autonomie des travailleurs. Il s’agit surtout de soutenir leur puissance d’agir dans un espace de liberté qui peut, par ailleurs, être délimité, voire contrôlé, par l’organisation. Les travaux liminaires de Fernagu Oudet (2012) identifient trois caractéristiques d’un environnement capacitant : des contenus de travail marqués par une diversité de tâches et une confrontation régulière à des situations inédites ; des modes d’organisation collaboratifs ; des pratiques RH mettant l’accent sur la formation et l’évolution professionnelle interne. Ces travaux n’interrogent néanmoins pas sa matérialité et ne permettent pas d’éclairer le contexte spécifique du travail via plateforme.
9Notre étude s’inscrit dans la continuité des recherches sur l’environnement capacitant et sur l’appropriation psycho-cognitive des outils de gestion en explorant les caractéristiques des outils ouverts. Il est à préciser que tout outil de gestion dispose simultanément de dimensions habilitantes et contraignantes (Ragaigne et al., 2014) et que toute organisation mobilise à des degrés divers des outils ouverts et fermés. La littérature sur le contrôle capacitant apporte, à cet égard, des éléments pertinents pour penser la recherche d’un équilibre, entendu comme « un état dans lequel une organisation présente une utilisation harmonieuse de multiples formes de contrôle » (Cardinal et al., 2004, p. 412), sans pour autant recourir à des injonctions paradoxales. Basées sur les travaux fondateurs de Ahrens et Chapman (2004), cette approche questionne l’instrumentation des organisations à travers un regard sur le système de maîtrise de gestion (SMG). Adler et Borys (1996) identifient quatre caractéristiques d’un SMG capacitant, à savoir : 1) un principe de « réparation » évoquant les échanges entre utilisateurs et concepteur dans un but d’amélioration du SMG ; 2) la « transparence interne » des modalités de fonctionnement du SMG ; 3) la « transparence globale » représentant l’intelligibilité par les utilisateurs du contexte environnemental dans lequel le SMG s’inscrit ; 4) la « flexibilité », supposant que le SMG laisse des marges de manœuvre suffisantes pour s’adapter aux besoins des utilisateurs. Ces quatre caractéristiques, sans être remises en cause, font l’objet de nombreux débats (Benoît et Chatelain-Ponroy, 2016). Se pose la question de savoir, d’une part, si ces caractéristiques sont exhaustives ou doivent être prolongées (Wouters et Wilderom, 2008 ; Mundy, 2010) et, d’autre part, si elles sont autonomes ou nécessairement interdépendantes (Chapman et Kihn, 2009 ; Englund et Gerdin, 2015). Une autre limite doit également être soulevée : lorsque le contrôle capacitant interroge les utilisateurs du SMG, la focale est mise sur le management et non sur les opérationnels, ce qui ne permet pas d’aborder les enjeux relatifs aux nouvelles formes d’organisation dépersonnalisées, telles qu’elles se développent dans l’économie des plateformes.
2 – Méthodologie de l’étude de cas de la plateforme Airbnb Experience
10Afin de mieux définir les caractéristiques des outils « ouverts » constitutifs des environnements capacitants, nous avons opté pour une démarche méthodologique par étude de cas.
2.1 – Choix et présentation du cas de l’étude
11Il est difficile d’opter a priori pour une approche capacitante car les terrains identifiés risquent de ne pas être perçus comme tels dans les discours des répondants. Pour éviter cet écueil, nous avons adopté un design de recherche inductif inspiré de la théorie ancrée (Glaser et Strauss, 1967) afin de faire émerger les construits théoriques directement de nos données empiriques. Comme dans les travaux de Ahrens et Chapman (2004), le modèle capacitant a été mobilisé a posteriori, après avoir conduit une étude de cas unique (Yin, 2013) de la plateforme numérique Airbnb Experience.
12C’est à la suite d’une enquête de terrain exploratoire d’une dizaine de plateformes numériques que nous avons choisi d’approfondir le cas Airbnb Experience, emblématique, par ailleurs de l’économie des plateformes, car nous y avions identifié des phénomènes peu habituels comme l’existence de certains outils de gestion peu communs, tels que des outils communautaires ou des formations en ligne. Si le cœur d’activité de Airbnb consiste en un service de location d’hébergement, le volet « Expérience » propose depuis novembre 2016 des services d’activité touristiques : visites guidées, ateliers artistiques ou culinaires, etc. Bien que ces services soient relativement récents, 40 000 expériences différentes ont été recensées à travers le monde en 2019, dont 1 000 en France. Les expériences sont importantes dans la stratégie financière de Airbnb : la plateforme-organisation prélève sur chaque transaction une commission de 20%, contre une commission de 6 à 12% sur les réservations d’hébergements. Afin de bâtir une image de marque différenciante par rapport à ses concurrents (Offices de Tourisme, Tripadvisor, etc.), Airbnb Experience met l’accent sur l’authenticité des activités touristiques : une expérience idéale doit laisser l’impression au client d’avoir échangé avec un ami et de s’être senti comme un local, en cohérence avec la devise de l’entreprise : « être à sa place n’importe où » (belong anywhere). Dans le vocabulaire Airbnb Experience, les travailleurs sont nommés des « hôtes » (hosts) et les clients des « invités » (guests). La présente étude de cas s’est concentrée uniquement sur les schèmes d’interprétation et d’utilisation de la plateforme par les travailleurs « hôtes d’expérience ».
2.2 – Méthodes de recueil des données
13Notre démarche méthodologique a mobilisé deux techniques de collecte des données. D’une part, nous avons recueilli des données sur le substrat matériel des plateformes à partir de sources secondaires internes. Nous nous sommes inscrits sur la plateforme afin de pouvoir enquêter sur l’ensemble des artefacts algorithmiques et discursifs présents. Nous avons pris des copies d’écran et des notes concernant aussi bien le processus d’inscription, les conditions de service, les tableaux de bord ou encore des articles de blog. D’autre part, nous avons conduit 17 entretiens semi-directifs d’environ une heure avec des travailleurs « hôtes d’expérience » (annexe 2). Notre stratégie d’échantillonnage théorique a consisté à rechercher des enquêtés susceptibles d’apporter des points de vue singuliers et divers. Ainsi, nous avons fait varier les caractéristiques de nos répondants selon des critères tels que l’ancienneté sur la plateforme, le niveau d’activité ou la catégorie d’expérience proposée. Nous avons également recueilli des points de vue atypiques, comme celui d’un travailleur dont l’annonce a été supprimée au motif qu’elle ne correspondait plus aux critères de qualité Airbnb, ou encore celui d’un travailleur devenu animateur de communauté. Notre échantillon est plutôt féminin et diplômé (12 sont des femmes et 12 ont un diplôme de niveau bac+5), avec un âge moyen de 35 ans et demi. La moitié de nos enquêtés travaillent à Paris, qui correspond à la principale destination touristique française. Les enquêtés ont été approchés à partir de la messagerie de la plateforme elle-même ou sur divers réseaux sociaux, tels que des groupes de discussion privés entre travailleurs ou via LinkedIn.
14Nous avons construit un guide d’entretien (annexe 1). Deux grands thèmes ont été abordés : d’abord la trajectoire socioprofessionnelle des travailleurs (formations, emplois antérieurs et/ou complémentaires, raisons de l’inscription sur la plateforme), puis l’activité singulière via la plateforme Airbnb Experience. Nos questions ont invité les travailleurs interrogés à narrer la construction de leur profil, la réalisation d’une mission à partir du premier contact de la part d’un client, les contacts éventuels avec l’équipe managériale ou d’autres travailleurs de la plateforme ainsi que diverses anecdotes marquantes illustrant les difficultés ou les réussites rencontrées dans leur activité. L’objectif était de comprendre comment nos répondants travaillent en utilisant ou non les différents artefacts de la plateforme. A chaque fois que cela a été possible, nous avons demandé à nos enquêtés de naviguer avec nous sur la plateforme afin qu’ils puissent commenter les différents artefacts ou pages du site (tableaux de bord, notations, pages d’aide) et la manière dont ils les mobilisent dans l’activité.
2.3 – Méthodes d’analyse des données
15Suivant les principes de la théorie ancrée (Glaser et Strauss, 1967), nous avons réalisé une analyse thématique émergente des données collectées afin de dégager progressivement nos construits théoriques. Le codage thématique de nos données a été facilité par l’utilisation du logiciel NVivo 12, qui nous a permis de développer plus rapidement un codage multi-niveau (figure 1). Nous avons, en effet, distingué des codes qui correspondent à des éléments très empiriques (codage du 1er ordre) et des codes « parents » correspondant à des catégories d’abstraction supérieures (codage du 2e et 3e ordre). Par exemple, de nombreux éléments empiriques ont été catégorisés dans les codages du 2e ordre « tester une activité nouvelle », « suivre ou non les conseils de la plateforme » et « liberté d’organiser son activité », lesquels ont été à leur tour classés dans le code parent « tremplin vers l’entrepreneuriat ». L’analyse thématique des données a été facilitée par la possibilité de changer rapidement le nom et la hiérarchisation des différents codes.
Arbre de codage de l’analyse de contenu
Arbre de codage de l’analyse de contenu
16Nous avons confronté nos différents codes parents en rédigeant un premier récit empirique de leurs relations les uns avec les autres. L’objectif était de réinsuffler du sens entre nos codes décontextualisés afin de faire émerger les premiers éléments théoriques, ici axés autour de la dichotomie entre dimensions contraignantes et habilitantes des outils de gestion. Ce récit empirique a ensuite été comparé avec la littérature existante, ce qui nous a amené à penser ces deux dimensions contraignantes et habilitantes comme étant davantage interdépendantes qu’opposées (Ragaigne et al., 2014), ainsi qu’à amorcer une réflexion en termes de contrôle capacitant (Ahrens et Chapman, 2004).
3 – L’instrumentation de la plateforme numérique Airbnb Experience
17Nos résultats présentent l’instrumentation de la plateforme Airbnb Experience telle qu’elle est mise en place et utilisée par nos répondant dans le cadre de leur activité. Tout en admettant des formes de contrôle et de prescription, des outils ouverts permettent en même temps aux travailleurs de puiser les ressources nécessaires à l’atteinte des objectifs managériaux et au développement de capabilités entrepreneuriales. Nous verrons que ces outils ouverts font l’objet d’une appropriation différenciée et sont surtout mobilisés par un profil de travailleurs novices et/ou en reconversion professionnelle.
3.1 – Le risque d’un déséquilibre entre exigences managériales et ressources disponibles
18La plateforme Airbnb Experience représente un cas singulier qui se caractérise, d’une part, par une grande liberté dans les processus de travail mais également, d’autre part, par un contrôle strict de la qualité en amont et en aval de l’activité. L’instrumentation de la plateforme s’apparente de ce fait à un modèle de travail inspiré des systèmes proto-industriels de travail. L’autonomie dont bénéficient les travailleurs peut se comprendre au regard de la stratégie générale de Airbnb Experience, laquelle entend se différencier des concurrents par la valorisation d’un caractère « authentique » et personnalisé des prestations proposées. En cohérence avec cette stratégie, les hôtes d’expérience disposent d’une grande liberté dans la conception de leur plan de marchéage : ils définissent eux-mêmes la thématique (visites culturelles, gastronomiques, ateliers artistiques, etc.), la durée, le prix ainsi que le script de leur proposition de service. Créer une expérience revient souvent à partager une passion ou une cause personnelle, ce qui est source de sens pour les travailleurs.
« J’ai un amour inconditionnel pour ma ville, bien avant qu’elle soit branchée. Et dans les années 1990, j’étais très très fière déjà de ma ville et je disais toujours à mes amis parisiens, mais vient ! Je vais te montrer ! J’adore la possibilité de faire visiter ma ville à ma sauce, et non pas son côté classique ou sur le vin. ».
20L’autonomie dépasse la conception du plan de marchéage car, lors de l’animation de l’expérience, le travailleur n’est pas tenu de respecter le script initialement prévu. Il peut adapter son activité aux attentes singulières du client.
« Dans l’itinéraire, on a une pause-café qui fonctionne généralement bien parce qu’on peut montrer la carte, on peut montrer les endroits qu’on aime bien et qu’on recommande, on peut montrer les endroits qu’ils aimeraient voir. Mais certaines personnes n’ont pas envie de prendre un café. Comme on veut pas arrêter la visite plus tôt, on s’est dit : qu’est-ce qu’on fait ? C’est pour ça qu’on a rajouté une option supplémentaire, pour ceux qui veulent pas forcément faire la pause-café mais qui ont payé pour 2h de visite ».
22Parce qu’ils conduisent leurs expériences selon leurs préférences, les travailleurs peuvent révéler dans leur activité des facettes de leur personnalité qu’il est peu commun d’exprimer dans un milieu professionnel plus classique.
« J’ai enfin trouvé un métier où je peux être avec mon caractère et je peux bosser à la fête, comme j’aime faire, qui est mon caractère de base ! Et dans le milieu du travail, c’est pas forcément bon et accepté… Et là, avec mes clients, je suis moi et je suis totalement à la fête ! ».
24Les hôtes d’expérience doivent toutefois répondre à des impératifs stricts de qualité. « L’authenticité » promue dans la stratégie générale de Airbnb Experience se décline en effet en trois critères de qualité : expertise, connexion humaine et accès privilégié à une expérience locale. Ceux-ci se matérialisent par des outils de contrôle en amont et en aval. En amont, trois étapes de modération, algorithmiques puis manuelles, visent à vérifier la conformité de toute nouvelle expérience avant sa mise en ligne. En aval, un outil d’évaluation de la satisfaction client sanctionne systématiquement toute expérience dont la notation moyenne est en-deçà d’un seuil de 4,7 étoiles sur 5. Ce système d’évaluation fait l’objet de nombreuses préoccupations car ses conséquences sont entièrement automatisées, sans traitement de faveur même pour les travailleurs « super hosts » qui sont impliqués dans la communauté Airbnb et ont reçu des commentaires élogieux dans le passé.
« Ce système de notation est tellement strict et dur qu’on peut disparaître même quand on est très bon, quand on respecte les gens à 100% et qu’on donne jusqu’à sa chemise pour eux ! Mais malgré tout, on se retrouve menacés comme un vieux chien lambda ! Là, je trouvais ça très dur. J’ai vraiment douté à un moment. J’étais dépitée ! Ça peut être vraiment très facile d’avoir 5 étoiles quand t’as 20 ou 30 commentaires. Quand tu commences à dépasser la cinquantaine, la soixantaine, t’es mal ! Là par exemple le parisien, si lui me met 4, il me pète deux mois de boulot ! Vraiment ! Vraiment vraiment. Parce que là je viens juste de me monter d’un point. Parce que j’étais à 4,71… A peu près à cette période- là il y a un an. […] Mais non, j’ai aucune meilleure considération, j’ai failli disparaître comme les autres ! Quand ma note a baissé, on m’a considérée comme les autres ».
26Au-delà des sanctions les plus strictes, toute nouvelle notation peut faire chuter le référencement d’une annonce d’expérience de quelques places et remettre en cause la possibilité de générer des revenus suffisants. L’outil d’évaluation de la qualité est considéré par les hôtes d’expérience comme étant souvent injuste, procurant à des clients parfois inconséquents un pouvoir considérable. De prime abord, l’instrumentation mise en place sur Airbnb Experience paraît largement incapacitante : des travailleurs isolés doivent inventer par eux-mêmes des ressources pertinentes pour atteindre des objectifs managériaux particulièrement exigeants en termes de qualité.
3.2 – Une instrumentation qui stimule la réflexivité des travailleurs sur leur activité
27L’originalité du cas Airbnb Experience réside dans la mise à disposition de ressources collectives qui alimentent la capacité des travailleurs à atteindre à la fois les exigences de qualité et leurs objectifs personnels. Nous identifions trois catégories d’outils ouverts qui participent à nourrir le pouvoir d’agir des hôtes d’expérience, notamment en stimulant leur réflexivité concernant les actions à mettre en œuvre pour obtenir des réservations et des évaluations clients positives. Ces outils de gestion véhiculent des savoirs que les travailleurs ne pourraient pas obtenir facilement par eux-mêmes concernant le comportement des consommateurs ou le fonctionnement technique de la plateforme.
28En premier lieu, nous relevons la présence d’artefacts discursifs diffusant des bonnes pratiques. Nous les avons classés en quatre catégories : 1) des incitations comportementales (nudges) conscientes ; 2) des podcasts vidéo ; 3) des formations par visioconférence ; 4) des articles de blog. Les incitations comportementales sont présentes tout le long du processus d’inscription ainsi que sur le tableau de bord virtuel des travailleurs (annexe 3). Elles suggèrent des tâches à accomplir pour améliorer l’attractivité auprès des clients. Elles sont conscientes car elles précisent les effets attendus si le travailleur adopte tel ou tel autre comportement : par exemple, certains nudges précisent que mettre en ligne six photographies plutôt qu’une seule augmente le taux de conversion de clics en réservations de 18%, selon les résultats du département Recherche de Airbnb. Les incitations varient et semblent personnalisés au regard des métriques de performance prélevées algorithmiquement. Flexibles, elles contribuent à diffuser des normes de comportement et visent à stimuler la réflexivité des travailleurs concernant l’atteinte d’objectifs personnels et/ou managériaux de captation des clients et de maximisation des réservations. Le non-respect de ces nudges n’est pas sanctionné. Des podcasts vidéo (Let’s Talk Experience) apportent quant à eux des conseils et de la transparence concernant le fonctionnement technique de la plateforme, en se focalisant à chaque épisode sur une thématique précise. Pour chaque thématique, un panel de managers de la plateforme Airbnb Experience, accompagnés de super hôtes, témoignent du fonctionnement de la plateforme et des bonnes pratiques à adopter. Par exemple, les critères qui sont pris en compte par l’algorithme de référencement sont clairement exposés et commentés afin de faire ressortir les comportements qui permettent d’être visible dans les recherches des clients.
Exemples d’intitulé de podcasts vidéo :
« se préparer pour la haute saison » (mai 2019)
« attirer les clients » (octobre 2018)
« transformer les retours clients en améliorations » (août 2017).
30Des formations en ligne (Online Workshop for New Airbnb Experience Hosts), destinées aux nouveaux hôtes d’expérience, permettent d’interagir à distance avec un formateur. Cette formation s’accompagne de la distribution de documents (annexe 4) invitant les travailleurs à réfléchir sur leurs objectifs personnels ainsi que sur les moyens stratégiques qu’ils peuvent mettre en place pour les atteindre dans des domaines aussi divers que le marketing, la communication, le référencement, la gestion de la relation client et la gestion des risques. Quant aux 136 articles du blog « Experience Resource Center » relevés en août 2019, ils visent à apporter des réponses concrètes à trois grandes interrogations des travailleurs : bien démarrer sur Airbnb Experience, obtenir des réservations et des évaluations 5 étoiles.
31En second lieu, nous notons la mise en place d’outils de gestion communautaires. L’équipe managériale de la plateforme Airbnb Experience entend en effet animer des communautés de pratiques afin de stimuler l’apprentissage par les pairs. De ce fait, des managers communautaires (community leaders) sont recrutés parmi les super hôtes afin d’animer des groupes locaux de discussion sur le travail. Ceux-ci ont pour double rôle de dynamiser les échanges sur les réseaux sociaux gérés par la plateforme et d’apporter de l’aide aux autres hôtes d’expérience, en proposant, par exemple, des réunions hebdomadaires.
« J’ai proposé pendant un mois d’aider les nouvelles expériences à se monter. On a fait une petite réunion tous les jeudis. Gracieusement, j’ai pris sur mon temps pour leur expliquer, pour les aider, leur donner des petits conseils ».
33Les travailleurs ont également la possibilité d’échanger au niveau international sur le forum collaboratif (Community Center for Experience Hosts). L’équipe managériale de la plateforme Airbnb Experience joue également un rôle relationnel plus direct, d’une part, en animant des événements occasionnels (Annual Summit, regular meetups) qui sont l’occasion d’organiser des ateliers de formation tels que « transformer son expérience en startup » et de stimuler les échanges informels entre pairs. Ces échanges amènent les travailleurs à considérer de nouvelles idées afin de modifier ou améliorer leur pratique. D’autre part, la relation entre les managers de proximité et certains travailleurs super hôtes donnent lieu à de vrais binômes et des formes de coaching téléphonique, là où les autres hôtes d’expérience ne peuvent contacter que des services supports impersonnels.
« J’aime rencontrer des gens qui sont dans la même situation, du coup ça me permet d’échanger et tout… J’ai même décidé de lancer un nouveau food tour parce que j’ai eu une idée, pendant le Summit justement ».
« On fait des points régulièrement, là j’ai demandé parce que c’est vrai que mon activité est assez calme et ça m’intéresse justement de savoir ce que eux pourront me dire, en termes de réservations de logement, est-ce qu’il y a des annulations par rapport aux Gilets Jaunes et tout ça ».
36Le choix de se concentrer sur les super hôtes peut se comprendre comme une stratégie de fidélisation des travailleurs qui participent grandement au chiffre d’affaires et à la qualité globale des expériences au sein de la zone géographique dont s’occupe le manager opérationnel.
3.3 – La mobilisation d’une instrumentation subsidiaire par les travailleurs en besoin de compétences
37Les outils de gestion ouverts mis en place sur la plateforme Airbnb Experience font l’objet d’une appropriation différenciée : ils ne sont en réalité mobilisés que par un profil de travailleurs novices et en besoin de compétences. Les hôtes d’expérience ont en effet des trajectoires professionnelles diverses qui font qu’ils n’accordent pas tous le même sens à leurs activités. Nos résultats font ressortir que les travailleurs poursuivent des objectifs personnels différents qui ne renvoient pas nécessairement à la maximisation des réservations et de la satisfaction client. A partir de notre étude de cas, nous distinguons principalement deux grands profils d’hôtes d’expérience. Un troisième type de profils pourrait également être mis en avant, bien qu’il ne corresponde qu’à deux de nos répondants : il s’agit de travailleurs qui animent des expériences en guise de passetemps rémunéré, en complément d’un emploi salarié ou pour faire la transition entre deux emplois salariés.
38Le premier profil correspond aux petits entrepreneurs du secteur du tourisme (7 de nos 17 enquêtés), pour lesquels l’inscription sur Airbnb Experience ne fait pas l’objet d’un grand investissement personnel. Ces travailleurs ont créé une structure entrepreneuriale bien avant leur inscription sur la plateforme. Ce sont, par exemple, des guides conférenciers libéraux, des sociétés unipersonnelles d’œnotourisme, etc. Ces petits entrepreneurs maîtrisent déjà la dimension commerciale du métier et disposent de compétences en termes de relation client, de marketing, de communication, etc. Leur présence sur Airbnb Experience se comprend surtout comme une recherche de visibilité de leur offre de service, entre autres canaux de communication. Ce profil de travailleurs est peu réceptif à l’égard des ressources mises à disposition sur la plateforme car ils ne recherchent pas nécessairement à maximiser le nombre de réservations et d’évaluations cinq étoiles. De plus, les pratiques communautaires peuvent être perçues avec un certain malaise.
« L’activité, elle est diffuse sur pas mal de plateformes. Clairement ce que [Airbnb Experience] apporte… C’est le cas de toutes les plateformes, je les mets toutes dans le même panier : c’est uniquement de la visibilité. Voilà. C’est tout ! ».
« En fait, pendant leurs réunions, j’ai l’impression de travailler pour eux alors que je ne veux pas [insiste sur ces mots] travailler pour eux hein. Donc y a un peu cette idée de, voilà, on crée une équipe ».
41Un deuxième profil est celui d’anciens cadres ou salariés des professions intellectuelles supérieures en situation de reconversion professionnelle (8 de nos 17 enquêtés). Ces travailleurs testent, sur Airbnb Experience, une idée encore fragile d’entrepreneuriat. A l’affût d’apprentissages, ils mobilisent davantage les conseils diffusés par les outils ouverts de la plateforme dans le but de développer leur activité. Ces travailleurs puisent dans l’instrumentation de la plateforme des ressources qui leur permettent de débuter une activité indépendante pour laquelle ils n’ont pas de qualifications initiales. Ils vont, par exemple, plus souvent regarder les podcast Let’s Talk Experience afin d’apprendre des astuces de communication commerciale pour inciter les clients à laisser des bons commentaires. Ils ne sont généralement pas inscrits sur d’autres plateformes et s’investissent davantage au sein de Airbnb Experience afin de pérenniser leur activité et de générer des revenus suffisants. Toutefois, les outils ouverts présents sur la plateforme facilitent l’acquisition d’au moins cinq compétences nécessaires au développement d’une activité entrepreneuriale : stratégie, marketing et communication, référencement web, gestion de la relation client et gestion des imprévus. Il semble que pour eux, commencer par lancer un projet sur Airbnb Experience permet de tester une idée sans grande pression et d’acquérir une légitimité au fur et à mesure des évaluations des clients.
« Je me suis reconvertie puisque j’ai 20 ans de journalisme avant ça. J’ai entamé ce changement il y a 5 ans et c’est vrai que la rencontre avec Airbnb a aidé à faire ce changement puisque je voulais travailler de manière indépendante, je voulais travailler dans le milieu culinaire mais pas forcément en restauration. J’ai la chance d’habiter dans un milieu atypique et assez exceptionnel et moi j’avais envie de recevoir un peu chez moi, de faire des trucs un petit peu bizarroïdes, ce qui ne se faisait pas trop à l’époque. La rencontre avec Airbnb m’a permis de me lancer là-dedans parce que ça crée l’opportunité d’avoir des clients ! ».
« C’était génial parce qu’ils nous ont super accompagnés quoi ! C’était juste génial quand on est, comme moi, pas calée sur… C’est un nouveau métier quoi ! Y avait le côté cuisine mais surtout le côté recevoir, bien gérer le client, les critères de qualité, les différentes nationalités, les différents états des Etats-Unis… On a été méga accompagnés, sur la communication, sur la manière de construire son expérience, sur la manière de la marketer… Han ! Moi ils m’ont aidée de A jusqu’à Z à construire mes expériences, à démarrer avec des expériences pour ensuite évoluer au fil du temps parce que du coup j’ai peaufiné un peu ça. Mais moi, ça a été un élément… Un tremplin pour moi, qui a été extraordinaire quoi ! C’est-à-dire que moi j’ai appris ce que je fais aujourd’hui auprès d’Airbnb ».
« Je regarde beaucoup leurs vidéos parce que… Une fois, y avait un mec qui avait reçu 2000 notes 5 étoiles ! Franchement je voulais savoir son secret, parce que moi mes clients disent qu’ils vont laisser un commentaire mais ils écrivent rien. J’ai appris plein de trucs, comme envoyer un message de groupe avec des photos et des remerciements. ».
« Airbnb a été un levier, en fait, pour nous faire connaître. C’est là-dessus qu’on s’est lancées en fait. Quand on est une femme et qu’on fait de l’entrepreneuriat, au niveau du syndrome de l’imposteur, etc, l’idée qu’on n’est pas légitimes pour faire des choses, bah Airbnb nous a lancé pour nous-mêmes, pour nous sentir plus légitimes, et aussi aux yeux du public à paraître plus légitime. C’est une fois qu’on s’était lancé sur Airbnb que, après, on a développé notre propre site internet, etc. ».
4 – Vers une instrumentation capacitante des plateformes numériques
46Notre étude de cas met en évidence une possible instrumentation capacitante des plateformes numériques par la mobilisation d’outils ouverts. Avant de discuter les conditions et la portée d’un tel développement et les apports théoriques de nos résultats, plusieurs limites de nos travaux peuvent être soulignées. Tout d’abord, notre recherche exploratoire se concentre sur un cas unique de plateforme et sur un nombre restreint de 17 entretiens. De plus, notre enquête interprétativiste repose uniquement sur les déclarations des travailleurs via plateforme. Elle invite de ce fait à de futurs approfondissements.
4.1 – La subsidiarité comme caractéristique distinctive des outils ouverts
47Cet article contribue aux courants de recherches sur l’environnement capacitant en proposant le principe de subsidiarité (Petit et Dugué, 2011) comme une des caractéristiques distinctives possibles des outils ouverts tels que Martineau (2017) les avait définis. Une instrumentation subsidiaire a pour vocation de venir en appui aux travailleurs qui ne parviennent pas par eux-mêmes à surmonter les difficultés de leur activité professionnelle. Le concept de subsidiarité englobe le principe de flexibilité identifié par Adler et Borys (1996) comme caractéristique d’un système de maîtrise de gestion (SMG) capacitant, tout en le dépassant. Subsidiarité comme flexibilité comprennent une dimension d’optionnalité : les utilisateurs ont le choix d’utiliser en partie ou en totalité, ou pas du tout, le SMG ou l’outil de gestion en fonction de leurs profils et de leurs attentes. Dans le cas Airbnb Experience, les outils de gestion optionnels sont surtout saisis par des travailleurs en reconversion professionnelle. Le concept de subsidiarité se caractérise toutefois par son aspect pluriel et se comprend en interdépendance avec deux autres dimensions (Guéry, 2019). Ainsi, la subsidiarité doit être entendue comme une aide, supposant la création des conditions pérennes d’un agir autonome. Par ailleurs, elle stimule la réflexivité des travailleurs et le développement de capabilités entrepreneuriales. Une telle instrumentation ne se matérialise pas uniquement par des algorithmes. Nous avons relevé chez Airbnb Experience une pluralité d’outils de gestion qui, jusque-là, ne ressortaient pas de la littérature sur le management algorithmique (Duggan et al., 2019 ; Kellogg et al., 2020) : processus d’inscription, tableaux de bord, podcasts, forums, etc. De manière plus surprenante, les ressources mises à disposition des travailleurs dépassent parfois le cadre des outils de gestion et s’illustrent par des formes de management de proximité. Cette hétérogénéité de ressources collectives, accessibles à tout moment sur la plateforme, permettent aux travailleurs de parfaire la qualité de leurs prestations et à l’organisation d’améliorer la satisfaction client, voire d’acquérir un avantage concurrentiel. La subsidiarité se couple en outre avec une dimension de suppléance, telle que Guéry (2019) la définit, l’instrumentation venant au secours des travailleurs dans des situations conjoncturelles de difficultés accrues. Cette troisième dimension apparaît toutefois limitée dans le cas Airbnb Experience car il n’existe pas, par exemple, d’outils prévus pour seconder un travailleur qui ne parviendrait pas à atteindre le seuil critique de 4,7 étoiles sur 5 en notation client. Les ressources additionnelles, telles que le coaching téléphonique, sont, par ailleurs, réservées aux travailleurs les plus performants, les super hôtes, et non aux travailleurs rencontrant des difficultés spécifiques. Le principe de subsidiarité semble très pertinent dans le contexte spécifique du travail via plateforme car il impose de reconnaître les travailleurs comme des sujets autonomes et responsables. En cela, le concept évoque une logique opposée à celle du management algorithmique, lequel entend contraindre à distance le comportement des travailleurs pourtant juridiquement indépendants. La subsidiarité véhicule l’idée selon laquelle le pouvoir d’agir n’est pas octroyé par générosité mais qu’il est rendu aux détenteurs légitimes (Guéry, 2019).
48Nos résultats nous conduisent à proposer la définition d’une instrumentation capacitante en la caractérisant par la mise en place d’outils de gestion : 1) optionnels d’utilisation ; 2) rendant accessibles à tous des ressources pérennes permettant de développer le pouvoir d’agir ; 3) se doublant de solutions additionnelles en cas de difficultés conjoncturelles aiguës.
4.2 – Instrumentation capacitante et management algorithmique
49Comment articuler une instrumentation capacitante et un management algorithmique ? Dans la plupart des plateformes numériques, le principe de subsidiarité ne peut s’appliquer que de manière relative et bornée par les limites du recours aux algorithmes. Le management algorithmique constitue une instrumentation fixe que l’on ne peut pas éviter, dans la mesure où il existe nécessairement et a minima un algorithme de référencement hiérarchisant les profils de travailleurs en fonction de critères de performance, comme, par exemple, la satisfaction client ou la réactivité. Sur Airbnb Experience, l’autonomie des travailleurs est notamment limitée par un contrôle algorithmique strict des performances. La mobilisation de l’approche sur le contrôle capacitant (Ahrens et Chapman, 2004 ; Benoit et Chatelain-Ponroy, 2016) permet de penser la recherche d’un équilibre (Cardinal et al., 2004) au-delà des dichotomies traditionnelles entre contrôle et autonomie. Il ne s’agit pas d’évacuer toute forme de contrôle car la prescription constitue une ressource à la fois pour le manager et pour le travailleur (Daniellou, 2002). Elle permet de concilier l’atteinte des objectifs de performance et le développement des travailleurs. Plutôt que de limiter le management algorithmique, selon nos résultats, il s’agirait de le contrebalancer au moyen d’une instrumentation capacitante fondée notamment sur le principe de subsidiarité. Dans le cas Airbnb Experience, les outils de gestion venant stimuler la réflexivité des travailleurs leur permettant d’opter pour des actions signifiantes au regard de leur système de valeurs et de déployer leurs capabilités entrepreneuriales au-delà du seul cadre de la plateforme. La subsidiarité est une caractéristique fondamentale mais non autonome de l’instrumentation Airbnb Experience : elle doit se comprendre en interdépendance avec les principes de flexibilité et de transparence interne identifiés par Adler et Borys (1996). Stimuler la réflexivité des travailleurs au moyen d’outils subsidiaires suppose en effet que le fonctionnement technique du SMG soit intelligible, ce qui est l’une des problèmatiques du management algorithmique (Kellogg et al., 2020). La maîtrise du fonctionnement technique des outils de gestion est un préalable nécessaire pour que les travailleurs puissent non pas les subir mais s’y appuyer pour atteindre leurs objectifs personnels. Nos résultats ont notamment mis en évidence l’hétérogénéité d’artefacts discursifs mis en place sur Airbnb Experience, explicitant le fonctionnement de l’algorithme de référencement afin que les travailleurs puissent identifier les moyens dont ils disposent, par exemple, s’ils souhaitent améliorer leur visibilité sur la plateforme.
50Certains outils de contrôle du management algorithmique peuvent également être questionnés, tel que la sanction automatique des expériences en-deçà d’un seuil de 4,7 étoiles. Ce type d’outils instaure une injonction contradictoire puisque les travailleurs sont à la fois sommés d’améliorer leurs performances tout en étant en incapacité de le faire puisque leur profil a été désactivé temporairement. La persistance d’injonctions contradictoires pose plus généralement la question des enjeux de gouvernance dans lesquels les outils de gestion se retrouvent pris. Si les travailleurs sont en incapacité d’influer sur les décisions stratégiques et la conception des outils de gestion, ces derniers risquent de n’introduire qu’une fausse autonomie (De Terssac, 2012). La capacité à développer le pouvoir d’agir des travailleurs pourrait devenir un avantage concurrentiel pour les plateformes numériques de travail, au même titre que l’investissement informatique ou marketing. Le modèle économique des plateformes repose en effet sur le prélèvement d’une commission sur chaque transaction. Il importe alors de maximiser le nombre de réservations et, pour ce faire, la satisfaction client. Or, de nombreux travailleurs qui s’inscrivent sur les plateformes ne disposent pas (ou peu) de compétences directement opérationnelles lors de leur inscription. Ceux-ci rencontrent des difficultés à obtenir des réservations ou des notations cinq étoiles, et témoignent d’un besoin d’apprentissage afin de poursuivre leurs objectifs de pérennisation de l’activité. La capacitation participerait également à la fidélisation d’un cœur de travailleurs, dont on sait que seule une minorité, de 10% à 20%, contribue à 80% de l’activité des plateformes (Schor, 2017 ; Chaves Ferreira et al., 2018).
Conclusion
51Notre étude du cas Airbnb Experience a en évidence une possible instrumentation capacitante conciliant performance et développement des travailleurs dans le contexte spécifique des plateformes numériques. La subsidiarité est ressortie comme l’une des caractéristiques des outils de gestion ouverts (Martineau, 2017) qui la définissent. Pour pallier les risques d’anomie sur les plateformes recourant aux mécanismes du marché et contrebalancer les dispositifs de contrôle algorithmique, des outils optionnels d’aide et de suppléance doivent être mis en œuvre. Ainsi, le management algorithmique peut préserver le pouvoir d’agir des travailleurs à condition d’être rendu transparent et d’être contrebalancé par des outils subsidiaires stimulant leur réflexivité. Nos résultats ne clôturent pas le débat sur la hiérarchisation des caractéristiques opérationnelles du système de maîtrise de gestion capacitant (Chapman et Kihn, 2009 ; Englund et Gerdin, 2015), au-delà du tryptique subsidiarité, flexibilité et transparence que nous avons le plus retrouvé dans les discours des travailleurs interrogés et qui se présente comme autant de recommandations managériales à l’intention des concepteurs des plateformes en les invitant à mobiliser des formes d’instrumentation capacitante.
Grille des entretiens de l’étude
Trajectoire socioprofessionnelle |
|
Activité sur la plateforme |
|
Profil des répondants
N° | Sexe | Age | Ancienneté | Catégorie d’expérience | Durée |
---|---|---|---|---|---|
1 | Féminin | 45 ans | 3 mois | Atelier de méditation | 0h41 |
2 | Féminin | 32 ans | 3 ans | Visite gastronomique | 1h09 |
3 | Féminin | 29 ans | 4 ans | Tournée des bars | 0h55 |
4 | Masculin | 32 ans | 1 an | Balade à vélo | 0h42 |
5 | Masculin | 45 ans | 3 mois | Shooting photo | 0h51 |
6 | Féminin | 24 ans | 1 an | Visite culturelle | 0h58 |
7 | Féminin | 28 ans | 2 mois | Visite culturelle | 0h41 |
8 | Féminin | 52 ans | 1 an | Atelier de peinture | 1h23 |
9 | Masculin | 27 ans | 6 mois | Atelier de photographie | 1h30 |
10 | Masculin | 27 ans | 8 mois | Visite œnologique | 0h42 |
11 | Féminin | 35 ans | 2 ans | Shooting photo | 1h12 |
12 | Féminin | 40 ans | 1 an | Atelier de photographie | 1h04 |
13 | Féminin | 42 ans | 2 ans | Visite culturelle | 2h08 |
14 | Féminin | 42 ans | 8 mois | Echange linguistique | 1h23 |
15 | Féminin | 50 ans | 8 mois | Visite culturelle | 0h45 |
16 | Femme | 45 ans | 3 ans | Atelier culinaire | 0h57 |
17 | Masculin | 35 ans | 5 ans | Balade à vélo | 0h51 |
Extrait de tableau de bord virtuel des hôtes d’expérience
52Cette copie d’écran datée d’août 2019 présente une partie du tableau de bord des hôtes d’expérience. Trois incitations de tâches à accomplir sont identifiables : ajouter un certain nombre de photographies, lire tel ou tel autre article de blog, traduire son descriptif dans d’autres langues pour attirer une clientèle internationale.
Support de formation des nouveaux hôtes d’expérience
53Cette copie d’écran datée de juillet 2019 représente une section du document de 10 pages intitulé « New Hosts Workshop Handouts » et distribué aux nouveaux hôtes d’expérience au moment d’une formation en ligne ou lors d’un événement de rencontre en présentiel. Ce document comporte cinq sections, correspondant à autant d’aspects de l’activité d’hôte d’expérience : « my hosting goals » visant à stimuler une réflexion quant à la vision stratégique globale de l’hôte d’expérience ; « my promotion plan » invitant les hôtes d’expérience à réfléchir à leur stratégie de marketing et de communication ; « designing the five stages » traitant de la gestion de la relation client à partir de la réservation initiale jusqu’à la demande d’évaluation ; « expecting the unexpected » évoquant la gestion des risques et la mise en place de plans d’actions et « building my storefront ». La section « building my storefront », affichée sur la copie d’écran, discute des stratégies de référencement et d’attractivité du profil d’expérience sur la plateforme. Le fonctionnement de l’algorithme de référencement et des comportements du consommateurs sont présentés au moyen de courts conseils et d’astuces. Les travailleurs sont ensuite invités à réfléchir aux leviers d’action qu’ils peuvent mettre en œuvre et à compléter des textes à trous (ici, un semainier) pour matérialiser leur stratégie de mise en visibilité.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : instrumentation capacitante, plateformes numériques, management algorithmique
Date de mise en ligne : 22/07/2021.
https://doi.org/10.3917/rimhe.043.0027