Notes
-
[1]
Professeur, Gestion, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue - doina.muresanu@uqat.ca.
-
[2]
Professeur, ORH, Université du Québec à Montréal, ESG - guerrero.sylvie@uqam.ca
-
[3]
Traduction par les auteurs de : “The psychological contract is individual beliefs, shaped by the organization, regarding terms of an exchange agreement between individuals and their organization”.
-
[4]
Source : http://www.insse.ro/cms/en (consulté en ligne mars 2017). La Commission nationale de statistique de la Roumanie utilise les standards de présentation des données statistiques suggérés par l’Office statistique de l’Union européenne (Eurostat).
Introduction
1Appréhendé comme l’ensemble « des perceptions individuelles, façonnées par l’organisation, concernant les termes de l’échange entre l’individu et son organisation » [3] (Rousseau, 1995, p. 9), le contrat psychologique (CP) est devenu, de nos jours, un instrument incontournable d’analyse de la relation que l’employé noue avec son organisation. Cependant, la majorité des recherches menées jusqu’à ce jour s’est centrée sur l’étude de la formation du CP (Dulac, 2005) et des conséquences liées au non-respect du CP par l’employeur (la rupture et la violation du CP). Nous disposons ainsi d’une connaissance riche des effets de la rupture et de la violation du CP sur la diminution de la satisfaction au travail, de l’implication organisationnelle, des comportements de performance, ou encore sur l’augmentation de l’intention de quitter l’organisation (Zhao et al., 2007). Ce faisant, les chercheurs ont étudié le CP dans une perspective individuelle, limitant leur sujet d’étude à l’individu enchâssé dans une organisation donnée, et aux éléments organisationnels et individuels qui affectent les perceptions relatives au CP chez cet individu. Pourtant, la théorie sur le CP reconnaît que les « piliers fondateurs du CP » (Dulac, 2005, p. 75) incluent un ensemble de valeurs, normes et idéologies sur la relation d’emploi qui colorent la manière dont le CP se forme et est perçu (Bunderson, 2001 ; Morrison et Robinson, 1997 ; Morrison et Robinson, 2004 ; Rousseau, 2001). Ces piliers, telle la socialisation pendant l’enfance et l’adolescence, ou encore les valeurs prônées dans la culture nationale (Morrison et Robinson, 2004), proviennent du contexte économique et sociétal dans lequel s’inscrit l’individu qui construit son CP. Or, depuis les écrits précurseurs, très peu d’études se sont intéressées au rôle que peuvent jouer ces piliers fondateurs dans la formation et dans l’évaluation du CP.
2Cette recherche tente d’y répondre, en ayant pour objectif de comprendre comment le contexte économique et sociétal d’un pays en particulier - la Roumanie - et d’un secteur d’activité précis - le secteur automobile - peut agir sur la formation et l’évaluation du CP. Pour ce faire, elle propose d’appréhender le CP en tant que reflet d’obligations mutuelles entre le salarié et son employeur, c’est à dire dans une perspective bipartite qui définit le CP comme un forme de compromis ou d’accord entre les attentes des deux parties (Coyle-Shapiro et Kessler, 2002 ; Dabos et Rousseau, 2004 ; Herriot et al., 1997 ; Schein, 1985).
3La Roumanie, de par les changements économiques et sociaux qu’elle a vécus pour pouvoir faire partie du marché européen (Boruz, 2008), représente un exemple de pays susceptible de mettre en lumière la manière dont le contexte sociétal et économique affecte les termes du CP, leur acceptation et leur évaluation, de sorte que le CP devient le fruit d’une « négociation » ou d’un « compromis » entre employeur et employé. Ce compromis tient compte d’un ensemble de normes, idéologies, croyances, propres à un pays et à un secteur d’activité. Celles-ci rendent uniques les termes du CP que chaque salarié forme avec son employeur, et la manière dont ces termes s’agencent entre eux. Par ailleurs, la Roumanie reste un pays très peu connu et étudié par les chercheurs s’intéressant au CP, l’étude de Kase et Zupan (2007) en Slovénie étant parmi les seules à ce jour à porter sur le CP d’un pays de l’Europe de l’Est. Pourtant, ces pays représentent un terrain d’étude prometteur pour les chercheurs en gestion de par leur dynamisme et les mutations économiques rapides qui y sont vécues (Dalton et Kennedy, 2007 ; Pandelica et al., 2010).
4Pour répondre à notre question de recherche, nous préciserons dans un premier temps les fondements théoriques relatifs au CP et à la relation d’emploi en Roumanie, puis nous présenterons notre analyse des 39 entretiens menés auprès des salariés et des représentants de l’employeur de deux entreprises du secteur automobile roumain.
1 – Revue de littérature
1.1 – Contexte sociétal et perceptions du Contrat Psychologique
5Selon Rousseau (2001), avant même d’entrer dans une organisation, puis tout au long de sa vie professionnelle, un individu développe un « schéma » concernant ce qu’il devrait donner et recevoir dans le cadre d’une relation d’emploi, et qui détermine les perceptions qu’il va construire relativement au CP. Ce schéma se construit à travers les influences du milieu d’affaires, du droit, du système d’enseignement et des médias d’une société donnée (Rousseau, 1995, 2001). L’ensemble de ces influences participe à la construction des normes et de principes relatifs à la relation d’emploi, qui incluent les croyances sur ce qui est acceptable ou pas dans une relation d’emploi (les jugements sociaux), les droits et les devoirs des individus et des employeurs qui forment les termes du CP, ainsi qu’un ensemble d’idéologies et de croyances sur l’emploi (Rousseau, 1995). C’est pourquoi les chercheurs qui se sont penchés sur les perceptions du CP d’une culture nationale à l’autre mentionnent des différences importantes sur ce qui est acceptable ou pas d’un pays à l’autre (Rousseau et Schalk, 2000 ; Thomas et al., 2003). Or, ces différences ont été très peu étudiées, alors qu’elles sont utiles pour comprendre comment elles construisent les perceptions sur la formation et l’évaluation du CP.
6Les chercheurs affirment en effet que le « schéma » que se forge le salarié, et qui diffère d’un contexte sociétal et économique à l’autre et d’un individu à l’autre, influence la nature du CP (Bunderson, 2001 ; Thompson et Bunderson, 2003). Ainsi, ce schéma conduirait à construire un CP unique que l’on peut décrire selon diverses grilles d’analyse. La plus couramment utilisée est celle initialement proposée par McNeil (1985), qui a conduit à la distinction entre le CP transactionnel du CP relationnel (Rousseau, 1995 ; Raja et al., 2004). Le CP de type transactionnel englobe des arrangements d’emploi à court terme ou d’une durée limitée, basés principalement sur un échange de type économique. Le niveau de la performance attendue y est clairement spécifié, ce qui confère un bas niveau d’ambiguïté pour les deux parties impliquées dans la relation d’emploi. A l’inverse, le CP relationnel inclut des termes qui orientent la relation d’emploi sur le long terme (par exemple, conservation des emplois et projets de carrière), et qui suppose une confiance mutuelle et une réciprocité différée dans la réalisation des termes du CP. D’autres typologies, permettant de regrouper les termes du CP, ont été proposées. Certaines consistent simplement à classer les termes du CP par types ou thèmes de pratiques RH (Campoy et al., 2005) ; d’autres étendent la typologie CP transactionnel/relationnel et y ajoutent les CP équilibrés, décrivant des termes centrés sur le développement des compétences et l’employabilité (Rousseau, 1995). Plusieurs théoriciens (McLeans Parks et al., 1998 ; Rousseau et McLeans Parks, 1993 ; Rousseau et Tijoriwala, 1998) proposent de classer les termes du CP selon un ensemble de caractéristiques, dont la dimension tangible ou explicite des termes du CP, leur degré de stabilité, leur cadre temporel, ou leur étendue. Mais nous savons peu de choses sur la manière dont le contexte sociétal sert de filtre pour conduire à la formation des termes du CP, ni sur la manière dont il peut agir pour aboutir à des agencements de termes différents d’un contexte sociétal à l’autre. Par exemple, dans leur étude portant sur la perception du CP en Slovénie, Kase et Zupan (2007) n’ont pas réussi à identifier un type de contrat prépondérant chez les salariés, et ont trouvé des scores élevés tant sur la dimension transactionnelle que relationnelle du CP.
7Le contexte sociétal intervient aussi dans la manière dont les salariés évaluent le respect des termes du CP. La littérature sur le CP distingue habituellement la rupture du CP, c’est à dire la perception que l’employeur n’a pas respecté les (ou certains) termes du CP, de la violation du CP, qui décrit les réactions émotionnelles de colère et le sentiment de trahison faisant suite à l’observation d’une brèche (Zhao et al., 2007). Selon Parzefall et Coyle-Shapiro (2011), l’attribution de la responsabilité en cas d’apparition d’une brèche joue un rôle essentiel dans le jugement des employés. Kase et Zupan (2007) ont constaté, par exemple, que les salariés de Slovénie perçoivent une brèche de leur CP, sans pour autant éprouver un sentiment de violation. Les chercheurs ont expliqué ce constat par le manque « d’expérience » concernant le respect de promesses (à cause du passé communiste), et par le peu d’alternatives sur le marché de l’emploi. Mais hormis cette étude, la manière dont le contexte sociétal vient teinter les perceptions de rupture et de violation du CP reste à explorer.
1.2 – Les piliers fondateurs du Contrat Psychologiques en Roumanie
8Pour étudier les liens entre le contexte sociétal et les perceptions relatives au CP, nous avons choisi un contexte bien précis : celui de deux entreprises automobiles de la Roumanie. Ce pays a subi un changement radical dans les années 2000 en passant d’une économie strictement centralisée une des plus réglementées de l’Europe de l’Est selon Boruz (2008) à une économie de marché en croissance, compatible avec celle de l’Union Européenne. La Roumanie était, avant le démantèlement du bloc communiste, parmi les pays qui accusaient le plus de retard par rapport au développement économique et à l’existence du secteur privé dans la structure économique (Dalton et Kennedy, 2007). Lorsque la convention démocratique accède au pouvoir en 1996, une importante période de reformes est entamée. Le gouvernement roumain a alors mis en place une approche nouvelle ayant comme finalité la privatisation rapide des entreprises viables et la liquidation de celles qui ne sont pas rentables. En 2004, plus de 60 % du PIB de la Roumanie était créé par le secteur privé, pour atteindre 70% en 2010 [4]. Plusieurs grands investisseurs étrangers sont devenus des actionnaires majoritaires d’entreprises roumaines importantes, dont des constructeurs automobiles comme Dacia, dont l’actionnaire majoritaire est le groupe français Renault. Ainsi, grâce à des progrès marquants de nature économique, sociale et politique, la Roumanie est devenue, à partir du 1er janvier 2007, membre de l’Union Européenne.
9Avant la privatisation des entreprises, lorsque l’économie était centralisée, c’est l’Etat qui servait de régulateur de l’économie et de protecteur des individus vis-à-vis de tous les évènements perturbateurs de l’économie mondiale comme le chômage ou les crises économiques (Boruz, 2008 ; Cook, 1993 ; Myant et Drahokoupil, 2011). Il assurait la sécurité d’emploi à tout le monde, sans égard de l’âge ou de la qualification, dont la résultante était l’affectation d’office à un emploi que l’on gardait à vie. Cette affectation était décidée en fonction des résultats scolaires de chacun, et l’entreprise ne pouvait contester la décision d’affectation. Dans ce contexte, l’idéologie dominante était l’égalité de traitement de tous les individus, la garantie des salaires, et ce indépendamment de la performance au travail (Boruz, 2008). Les emplois d’ouvriers étaient survalorisés au détriment des emplois plus qualifiés. Ce contexte était propice au développement de certains comportements au travail, tels le chômage en emploi dû à un nombre trop grand de salariés par rapport aux emplois existants, ou une attitude passive face au travail (Napier et Thomas, 2004). Il conduisait aussi à obéir à une hiérarchie lourde, qui rendait des comptes au gouvernement sur l’atteinte de plans quinquennaux, sans égards aux performances organisationnelles réellement atteintes.
10Intégrer une économie de marché a conduit les entreprises roumaines et leurs salariés à revoir les normes et les idéologies de la relation d’emploi. La composante de justice est désormais basée sur l’équité (Keeley, 1995) et non sur l’égalité. La place de l’Etat est prise par le marché, soumis aux lois de l’offre et de la demande (Lindholm, 2007) et aux exigences de compétitivité qui mettent la performance au cœur de la survie de l’entreprise. La marge de manœuvre des employeurs et des individus en ce qui concerne la négociation des termes du CP est accrue, et dépend davantage des priorités de l’employeur en matière de GRH, des compétences et des qualifications de l’individu, et des alternatives d’emploi sur le marché du travail.
11Même si ces changements radicaux ont été mis en œuvre rapidement (en l’espace de moins de 10 ans), ils ne se sont pas faits sans difficultés et résistances. Le niveau initial d’ouverture vers le marché étant très bas et l’exercice démocratique quasi-inexistant, les débuts des changements ont été marqués par de grands mouvements sociaux et une politique du gouvernement hésitante, qui a conduit à maintenir la propriété de l’Etat sur la grande majorité des entreprises. Les investisseurs étrangers étaient effrayés par la lenteur des réformes (Preda, 2007). Par ailleurs, selon la Commission de la statistique de la Roumanie12, alors qu’en 2007 le taux de chômage était à un niveau structurel (4%), il est ensuite monté en flèche pour atteindre 7% en 2010 et se stabiliser autour de ce chiffre ensuite. Les termes du CP et leur évaluation devraient donc être fortement déterminés par ce contexte très structurant, et imprégnés des changements de « schéma » mental de la relation d’emploi qu’ont vécus les salariés en peu d’années.
2 – Etude empirique : méthodologie et résultats
2.1 – Echantillon, terrain d’étude et analyse des données
12Nous nous sommes inspirées du courant de la théorie enracinée préconisé par Charmaz (2006) pour effectuer la collecte et l’analyse de données. L’approche initialement pensée par Glaser et Strauss, (1967) s’appuie sur une méthode structurée préalablement définie. Dans la mesure où l’on ne disposait pas de cadre théorique précis pour comprendre comment le contexte sociétal peut intervenir dans les perceptions relatives au CP des salariés roumains, nous avons choisi de suivre l’approche plus constructiviste que préconise Charmaz (2006). Dans cette approche, le terrain de recherche et l’échantillon sont choisis par le chercheur selon ses objectifs de la recherche, de manière à privilégier un contexte d’étude qui soit propice à l’observation des particularités du processus étudié.
13L’industrie automobile est très importante pour l’économie roumaine. L’enjeu de compétitivité y est central, à tel point que de nombreux efforts sont faits pour baisser les prix, automatiser la production, et attirer les meilleurs candidats. Les salaires y sont plus élevés que dans la moyenne nationale, et la relation d’emploi est encadrée par un contrat collectif de travail au niveau de l’industrie qui régule le niveau minimum des salaires versés. Pour toutes ces raisons, il nous semblait que ce terrain de recherche pouvait nous permettre d’analyser les dynamiques autour du CP en Roumanie. Nous avons mené 39 entretiens auprès de 31 salariés de deux entreprises de ce secteur. Ces deux entreprises étaient toutes les deux très performantes lors de notre étude et parmi les leaders de l’industrie automobile roumaine. L’entreprise B, succursale d’une multinationale allemande de 30.000 salariés, est venue s’implanter en Roumanie en 2007 en transférant à sa succursale roumaine le style de management spécifique allemand. L’entreprise C, ancienne entreprise d’État, est devenue publique dans les années 2000. Issue de l’ancien système économique et social, elle a choisi d’opter pour une équipe de direction entièrement roumaine, qui l’a aidée à bien s’adapter au nouveau contexte social. En ciblant des entreprises du même secteur d’activité, d’une même région, mais avec un type d’histoire, de capital et de management fort différents, nous pensions ainsi faire surgir de manière plus visible la manière dont le contexte sociétal peut affecter le CP.
14Pour appréhender le CP selon la perspective de l’employeur et du salarié, tel que nous l’avons défini en introduction, nous avons interrogé des salariés, cadres supérieurs, responsables RH et directeurs des deux entreprises. Au total, 14 personnes de l’entreprise B et 17 personnes de l’entreprise C ont été rencontrées, auprès desquelles 39 entrevues ont été réalisées. Deux entrevues ont été effectuées auprès des personnes avec lesquelles nous souhaitions approfondir notre compréhension de la situation étudiée. Nous avons établi des critères d’échantillonnage sur la base de l’âge et du niveau de scolarisation des salariés, de manière à interroger des personnes ayant travaillé dans l’ancien système économique et d’autres pas. Nous avons également interrogé la haute direction et le ou la responsable des RH des deux entreprises en tant que représentants de l’employeur. Notre population d’étude est également composée d’employés ou d’ouvriers et de leur hiérarchie directe pour collecter les perceptions de diverses catégories socioprofessionnelles. En effet, le rapport ouvrier-col blanc est susceptible d’avoir beaucoup évolué avec le changement de système. Le tableau 1 présente les détails de l’échantillonnage retenu. Outre les entretiens, des données secondaires ont été collectées telles l’organigramme, le règlement intérieur, la grille des salaires, ou encore les observations effectuées entre plusieurs entretiens, pour préciser notre compréhension du CP.
Caractéristiques de l’échantillon de l’étude
Caractéristiques de l’échantillon de l’étude
15Les participants à notre étude ont été rencontrés directement sur le lieu de travail, au cours d’entretiens allant de 45 à 90 minutes. Nous avons utilisé deux guides d’entretien (voir annexe 1) : l’un pour les employés et ouvriers, et l’autre pour les représentants de l’employeur (directeurs et cadres hiérarchiques), de manière à mieux appréhender le contenu du CP, son évaluation, et le rôle du contexte dans ces perceptions. Ces entretiens ont été entièrement menés et retranscrits par l’un des deux chercheurs parlant roumain, qui a également rédigé des fiches de synthèse à la suite de chaque entretien. Ce travail préliminaire a facilité l’encodage des données, qui a consisté à regrouper les verbatim en codes bruts (les idées majeures émises dans l’entretien), puis de regrouper ces idées autour de codes thématiques. Le premier niveau de codage a permis d’identifier les termes du CP et de son évaluation selon les personnes interrogées. A titre d’exemples, nous avons identifié les termes du CP, leur niveau de réalisation, et le degré de satisfaction des salariés et de l’employeur quant à la nature et au respect du CP. Nous avons ensuite construit des catégories qui relient les codes entre eux et donnent du sens à la relation d’emploi. Ce travail a été effectué dans l’objectif visé de présenter la manière dont les termes du CP s’agencent, et le rôle du contexte sociétal dans cet agencement.
2.2 – Le contenu et l’évaluation du CP dans l’entreprise C
16L’entreprise C, dont la stratégie est de réaliser des produits de qualité pour rester sur le marché, a développé des conditions de travail aux standards européens, combinées à des salaires plus élevés que la moyenne de l’industrie, pour asseoir les bases du CP avec ses salariés. La rémunération est le point central autour duquel se sont concentrés les propos de toutes les personnes interrogées, quels que soient leur âge et catégorie socioprofessionnelle. L’entreprise offre aussi diverses formations centrées sur l’apprentissage des métiers et des technologies. La pression associée à des exigences de performance sur les lieux du travail a modifié le rythme de travail et le contenu des tâches. Ainsi, l’entreprise a investi des centaines de milliers d’euros pour envoyer ses employés à des formations de quatre ou cinq semaines en France portant sur l’utilisation des machines à commande numérique. En échange, elle attend des salariés l’engagement à travailler « sérieusement » (ce qui signifie respecter les normes de travail, arriver à l’heure, ne pas boire, etc.), à se former pour pouvoir exécuter les tâches assignées correctement et notamment à utiliser les technologies dont sont munies les machines à commande numérique, et à respecter avec rigueur les protocoles de production pour réduire les problèmes de production.
« […] vous devez devenir des opérateurs occidentaux : vous devez travailler tous comme ils le font. On a oublié ce qu’on a vécu, on a offert un lieu de travail aux standards européens, par conséquent, ce que la direction a exigé après a été une production de qualité aux standards européens. Donc : la règle de l’offre et de la demande ».
« Par le passé, il y avait des secteurs épouvantables, au moins les secteurs chauds, où on trouvait les fours, par exemple, les gens en sortaient tout noirs. De nos jours, ils ont été modernisés, il y a des lignes de fabrication automatisées, il y a des conditions pour prendre le repas, l’hygiène s’est beaucoup améliorée… les conditions de travail… des toilettes comme il faut… Il n’y a plus ces salles insalubres qui existaient jadis ».
20La perception des termes du CP semble partagée, puisque les discours des salariés et de la haute direction se rejoignent sur les termes du CP, à l’exception du travail en équipe et de la communication, qui ont été évoqués par les gestionnaires et la direction, et qui semblent être une exigence dont les employés et ouvriers ont moins conscience puisqu’ils n’en ont pas parlé. Pour autant, ces termes ne représentent pas nécessairement ce que souhaiteraient idéalement les deux parties. L’entreprise a été contrainte, sous la pression des syndicats, de conserver son ancienne structure salariale, héritée du passé. Pour pouvoir attirer et retenir les meilleurs, elle a ajouté à cette structure salariale un système de primes aux nouveaux salariés, mais ce processus conduit à des insatisfactions chez l’ensemble des acteurs. Ainsi, certains considèrent que les nouveaux embauchés, mieux formés, devraient avoir des salaires supérieurs ou équivalents aux salariés ayant une forte ancienneté, car leurs contributions en termes de performance sont plus élevées.
« […] pour calmer les revendications des masses, on a octroyé toutes sortes d’indemnités à valeur fixe aux plus anciens […] la grille a été égalisée et alors, entre le personnel d’exécution, le personnel à études supérieures et les cadres, les distances se sont diminuées. […] c’est ici une de nos limites […] on risque de perdre le personnel de qualité, à cause d’une grille de salaires égalisée. C’est mon opinion ! ».
« Finalement, ils [les salariés provenant de l’ancien système] touchent un salaire qui dépasse celui d’un débutant à études supérieures, ce qui n’est pas normal, car comment autrement on peut faire la différence, récompenser le niveau professionnel, stabiliser et motiver ? ».
23A l’inverse, les salariés ayant une forte ancienneté, vivent les changements survenus comme une rupture du CP, sans pour autant ressentir une violation. Plusieurs salariés de plus de 40 ans ont ainsi affirmé lors des entretiens qu’ils avaient l’impression que leur relation d’emploi était en train de se transformer, pour devenir plus « économique », avec des salaires négociés, et que des éléments comme l’amitié, l’entraide ou la loyauté diminuaient en importance. C’est à nouveau la distribution des salaires qui est le plus grand point de tension, que ces personnes trouvent trop élevée pour les jeunes. Les « anciens » estiment en effet que les jeunes n’ont pas de contribution supérieure aux autres, car ils sont moins fidèles et loyaux à l’entreprise.
« […] motivée, je ne le suis pas, lorsque je vois que mon collègue touche le double par rapport à moi… cela me pousse à m’en aller à 16h20, pas une minute de plus […] Je travaille depuis 31 ans, j’ai commencé à travailler à 22 ans, après la faculté de sous-ingénieurs… J’ai donc une ancienneté de 25 ans chez C, et un jeune employé, six mois ou un an après son embauche, bénéficie de 20 % de prime… Cela ne me paraît pas juste. »
« Ils savent mieux se vendre […], ils sont beaucoup plus revendicatifs. Par exemple, ils viennent dire : « j’ai obtenu un job chez une autre compagnie et ils viennent de m’offrir tel montant comme salaire… Vous m’offrez le même salaire ou je m’en vais. », c’est le style actuel de la jeune génération. »
26Les insatisfactions salariales sont liées à l’ancienneté, mais aussi à la fonction exercée par chacun. Ainsi, les employés de bureau se plaignent que l’entreprise C conserve d’anciennes façons de faire. Ils manifestent leur mécontentement par rapport au fait qu’ils sont obligés de faire des heures de travail supplémentaires, sans être payés pour ce travail, ce qui ne semble pas être le cas pour les ouvriers qui au contraire voient leur salaire ajusté à leur production et au temps passé sur la chaine de montage. Cette différence rappelle que lors de l’ancien système, les ouvriers avaient des privilèges (Boruz, 2008), que dénoncent les salariés des autres fonctions. Ces tensions, que nous avons observées dans les propos des employés de bureau, sont confirmées par les cadres, qui reconnaissent que les ouvriers ont des salaires plus hauts que les autres catégories socioprofessionnelles.
« Chez nous, disons-le, ayant le passé sur notre dos, les gens sont venus avec les mentalités du passé, ils n’ont pas voulu renoncer facilement à tout ce qu’ils avaient déjà obtenu, de manière que, par exemple, une différence entre C et les compagnies multinationales de même type qui déroulent une activité dans le même domaine, est le fait que chez nous les managers sont moins bien payés que dans les compagnies multinationales, mais les opérateurs sont mieux payés chez nous. C’est par ces différences que nous avons obtenu la paix sociale. »
28L’employeur aussi perçoit des brèches dans le CP de la part de ses salariés. Ce sentiment est la résultante du fait que l’entreprise a déployé des efforts financiers importants, dans une conjoncture économique défavorable, pour offrir des conditions de travail supérieures à celles de leurs compétiteurs. Pourtant, certains individus quittent le bateau sans regret, dès qu’une autre opportunité plus alléchante apparait sur le marché du travail.
« Il n’y a aucune garantie de la part des nouveaux employés, et en général de la part des personnes auxquelles on offre des opportunités, qu’elles ne quitteront la compagnie. Il y a des personnes dans lesquelles on a investi plus que dans d’autres, auxquelles on a offert des formations à l’étranger mais qui, lors de la première occasion, vous laissent tomber. On attendrait un peu plus de fidélité et de respect de leur part. »
30La perception de brèche est aussi liée à l’observation de comportements qui ralentissent l’atteinte des objectifs de production de C, et qui vont à l’encontre des obligations de performance exigées auprès des ouvriers et pourtant précisées à l’embauche. A titre d’exemple, certains employés chargés d’assurer la maintenance des installations, sentant qu’ils étaient en danger de perdre leur expertise au compte de l’autonomisation de la production, ont commencé à manifester des comportements contreproductifs tels que des bris intentionnels des machines pour garder le monopole du savoir-faire de leur réparation. Un autre comportement contreproductif observé est de cacher les rebuts. Dans l’ancien système, on fonctionnait de cette manière par crainte d’être pénalisé pour un travail mal fait, et les chefs d’équipe ont constaté occasionnellement le maintien de ces façons de faire, malgré la promesse de leur part de changer de comportements et d’adopter des méthodes de travail transparentes.
« […] ils sont encore orientés vers la réalisation de la production et non pas vers la qualité. Il y a des cas où ils recourent même à dissimuler les rebuts. Et pendant les chantiers/actions 5S, on a découvert toutes sortes de choses, y compris des pièces rebutées. Ils ne le déclaraient pas en les cachant derrière les machines, dans les cuves à huile. »
« Il est très difficile de travailler avec ces employés, de continuer leur travail, de standardiser ce qu’ils font. Pourquoi ? Parce qu’ils considèrent que s’ils en informent les autres ou s’ils standardisent leur travail, ils ne seront plus utilisés, ils ne seront plus indispensables pour la compagnie. Et cela constitue une arme, la plus grande résistance avec laquelle je me confronte ici, chez C. »
33Finalement, les termes du CP dans l’entreprise C tendent à se cristalliser autour de l’obligation de performance en échange d’un salaire élevé et attractif. Si ce type de contrat psychologique reflète une forme de « contrat transactionnel », il crée des tensions car les obligations de loyauté y sont mises à mal. L’employeur aimerait que se développe une loyauté organisationnelle, alors que les salariés adoptent des comportements soit individualistes, soit orientés vers la loyauté envers le groupe (la défense des droits des ouvriers par exemple), mais pas envers l’employeur et les objectifs de production.
2.3 – Le contenu et l’évaluation du CP dans l’entreprise B
34L’entreprise B a quant à elle l’objectif de devenir un des leaders de l’automobile en Roumanie. Comme base de négociation du CP avec ses salariés, elle insiste sur la stabilité des emplois et les valeurs de solidarité et de sentiment d’appartenance. C’est sur ces valeurs qu’elle mise pour attirer et retenir ses salariés, quitte à ne pas recruter des personnes qui seraient trop gourmandes sur le plan salarial. Elle offre aussi une gamme de formations étendue et variée, incluant des formations techniques ou managériales. En retour, ses attentes vis à vis des salariés sont similaires à celles de l’entreprise C : respect de la discipline, des règles, des tâches, et sérieux dans le travail. En échange du sentiment d’appartenance et de la sécurité de l’emploi, elle exige également une assiduité au travail plus élevée que la moyenne du secteur.
« C’est clair qu’on a eu des candidats auxquels on n’a pu offrir des conditions de travail selon leurs attentes… on ne les a pas embauchés ».
« Ce n’est pas peut-être une compagnie qui offre des salaires exorbitants, nous sommes une compagnie orientée vers l’homme. […]Au moment où on emploie une personne et après une période on constate qu’elle ne fait pas face, qu’elle ne correspond pas aux exigences du poste, on essaie de trouver une autre solution pour la personne respective, même s’il serait plus simple de la mettre dehors, mais on ne fait pas cela. »
« L’année passée on a qualifié plus de 170 personnes, cela veut dire que pendant six mois ces employés ont été exempts de leurs charges de productions, pour suivre un cours de qualification, donc un diplôme […]. On forme même aux soft skills, et on a des programmes de développement du niveau du team leader, car l’idée est de pouvoir, dans un laps très réduit de temps, ne pas devoir faire appel aux expats pour diriger la compagnie, mais de développer le management local. »
« En tant qu’employeur, euh, comment dire, ils n’ont qu’à obéir aux règles et à respecter les tâches de travail. Les règles ne sont pas sorties du commun, elles sont raisonnables et… et c’est tout. Toutes les règles sont écrites, les employés prennent connaissance de celles-ci, en témoignant par leur signature. Donc dans la condition ou on a clairement expliqué quelles sont les règles, les attentes sont sur mesure, à savoir les respecter. »
39Comme dans l’entreprise C, les termes du CP semblent partagés par tous et compris de la même manière par l’employé et l’employeur.
« Si on est sérieux et on fait son boulot, on peut être rassuré. C’est seulement au cas où la compagnie ferait faillite ou je ne sais quoi d’autre qu’une mise à pied pourrait arriver ».
« Je n’ai pas de problèmes de discipline, j’observe l’emploi du temps, euh… je cherche autant que possible à être un bon exemple, vu que je suis la plus âgée de tous mes collègues […] discipline et sérieux de ma part, c’est d’ailleurs ce que notre employeur nous demande. La compagnie étant sérieuse, l’employé doit l’être aussi à son tour. »
« […] au fil du temps, on a créé cette atmosphère de famille. Pour ceux qui ont beaucoup souffert, il y a une sorte de…, comment dire ?, solidarité collégiale de ceux qui ont travaillé ensemble tant de temps. Il y a des collectifs très bien soudés et qui socialisent admirablement et, je pense que ça, c’est un avantage. ».
43En revanche, contrairement à C, nous n’avons pas relevé dans le discours des salariés des perceptions de rupture du CP, tant chez les représentants de l’employeur que chez les salariés. Pour autant, tout n’est pas rose et même chez B, qui s’est implantée après la privatisation de l’économie roumaine et a eu plus de libertés pour recruter les salariés, les manières de faire héritées de l’ancien système pèsent dans les modes de fonctionnement de l’entreprise, qui doit expliquer et clarifier ses façons de faire actuelles, et convaincre de la nécessité de changer. Ainsi, certains ont du mal à intégrer les obligations de performance exigées par l’entreprise, même s’ils admettent que ces obligations étaient connues à l’avance.
« Ce rythme accéléré de pièces à produire, cela me paraît un peu trop exagéré par rapport au passé… A ce temps-là, tout était plus calme… cet effort n’existait pas… Parfois, je me rappelais cette scène-là où le comédien Chaplin serrait la vis comme un robot, et où il commençait à travailler plus vite en voyant son chef venir… On est pareil. »
45D’autres interprètent les termes du CP avec les lunettes de l’ancien contexte sociétal. Ils reconnaissent que leur employeur offre des contributions généreuses, mais tendent à interpréter les décisions à la lumière des anciennes façons de faire, comme l’illustre l’exemple suivant.
« Les gens ont encore l’impression que, même à l’heure actuelle, les emplois sont obtenus comme pendant le regretté ancien régime : je te connais, tu me connais, je suis ton voisin, je suis un parent, par de tels critères, ils ont encore ces idées préconçues. On essaie de leur expliquer que ce n’est plus vrai ou même leur prouver que les choses ne fonctionnent plus comme ça, ils continuent de le croire… C’est difficile pour eux de comprendre le fait que les choses ont changé […] la médisance continue d’exister, ou ils en discutent entre eux. »
47Mais dans l’ensemble, le CP semble satisfaire les deux parties. Ce CP, comparé à celui de C, semble plus relationnel, car il est construit sur la sécurité de l’emploi et la considération des employés, termes qui étaient centraux dans le contexte sociétal d’économie d’état. Par ailleurs, les salaires y ont été négociés individuellement au début des activités de l’entreprise (deux ou trois ans avant la réalisation de notre recherche), en partant de zéro, à l’aide d’une grille de salaire construite en fonction des salaires pratiqués à l’embauche par les compétiteurs et des normes d’évaluation des emplois en vigueur dans la multinationale. Donc, tant les employés de bureau que les ouvriers, les employés avec de l’ancienneté que les nouveaux diplômés, ont accepté le salaire qu’on leur a offert à l’embauche et assumaient leur choix. La création d’une grille de salaire indépendante des anciennes façons de faire a sans doute favorisé les perceptions que le salaire offert est juste.
2.4 – Contexte sociétal et Contrat Psychologique
48L’énumération des termes du CP dans les deux entreprises où nous avons mené cette recherche nous amène à constater que les promesses ne dépassent pas le niveau de base, soit les conditions de travail, le niveau de performance attendu et une participation à la formation requise pour atteindre les standards de performance souhaités par l’entreprise, et ce, pour les deux entreprises. Cela semble être une situation très différente de celle des pays occidentaux. Ainsi, l’employé promet de remplir les demandes en termes de comportements sérieux au travail (tout autant qu’en termes de performance), de se montrer tolérant et honnête. L’employeur, quant à lui, assume les obligations de rémunérer, d’offrir la meilleure sécurité de l’emploi possible, et de former pour faire les tâches. Dans l’étude sur le contrat psychologique en Slovénie, Kase et Zupan (2007) ont révélé un contenu du contrat psychologique qui ressemble à celui que nous décrivons. Mais contrairement aux résultats de cette étude et aux CP observés dans d’autres pays (Campoy et al., 2005), dans les entreprises qui constituent l’échantillon de notre recherche, les termes du CP ne portent ni sur l’épanouissement en emploi, ni sur des défis au travail comme l’autonomie ou l’autogestion, ni sur la conciliation vie privée/vie professionnelle. Le bas niveau des promesses du contrat psychologique des employés du secteur automobile roumain pourrait s’expliquer par le fait que, à cause de l’environnement économique instable, l’employeur ne s’aventure pas à faire des promesses importantes, dont le respect reste très incertain. Nous croyons qu’il illustre le début d’un apprentissage difficile de la négociation du CP, qui se fait par essais erreurs, tout particulièrement chez C qui éprouve des difficultés à modifier sa structure salariale et à passer à un système économique différent. Ainsi, C limite souvent la négociation des termes du CP avec les salariés à un jeu d’offre et de demande, au détriment de valeurs anciennes telles que la solidarité, qu’elle met de côté alors que B mise dessus pour trouver un compromis acceptable avec ses salariés.
« En Roumanie l’offre d’emplois n’est plus si grande. Il y a des zones très affectées par le manque d’emplois et, dans ce cas, l’employeur ne considère pas avoir de trop grandes obligations, faire des promesses fantastiques qu’il devrait tenir. Il faut voir la partie réaliste des choses… Ça c’est l’emploi, ça c’est l’argent qu’on peut y gagner. »
50Lorsque l’on compare l’agencement des termes du CP dans les entreprises B et C, aux classifications traditionnellement retenues dans les pays occidentaux : les CP transactionnel, relationnel ou équilibré (Raja et al., 2004 ; Rousseau, 1995), nous trouvons de nombreuses similarités entre le CP transactionnel et les fondements de la relation d’emploi observés dans l’entreprise C. Pour l’entreprise B, force est de constater qu’il est difficile d’établir une comparaison avec les typologies existantes : les CP y sont de long terme, avec un investissement dans la formation important, mais ils portent sur un nombre réduit de termes, très explicites, et formalisés à l’écrit pour la plupart. Ce qui ressort comme étant une caractéristique commune aux CP que nous avons observés, est que les termes du CP sont très clairement exposés aux futurs embauchés, tant chez B que chez C. La clarification des termes du CP se fait par un processus d’embauche ouvert et pragmatique, en posant « toutes les cartes sur la table », dont une présentation détaillée des termes du contrat de travail à l’embauche. Ces façons de faire limitent le risque d’incongruité (Morrison et Robinson, 2004) et diminuent également la probabilité d’émergence d’une rupture du CP.
« Je crois que le plus important est de tenir ses promesses, c’est ce que les employés attendent. En conséquence, tant qu’on a promis quelque chose, il faut tenir sa promesse, parce qu’au moment où le candidat se présente à l’interview pour être employé, il reçoit des informations et il accepte l’emploi après avoir reçu ces informations-là. Ne trompe pas ses attentes et on aura le résultat escompté ».
52Cet agissement peut s’expliquer par le fait que, à l’époque de l’économie centralisée, seulement les contrats écrits étaient considérés comme valables, toute entente verbale n’ayant pas de pouvoir légal (Napier et Thomas, 2007).
« L’emploi du temps… la norme de travail, les jours de repos, les jours de congé, les bénéfices qu’on peut obtenir, les heures supplémentaires, la nécessité de les accomplir, s’il y en a ou non, ainsi de suite. Par conséquent, l’employé doit être informé en ce qui concerne tous les éléments de son travail et il en est informé verbalement ou par écrit, quelquefois les deux. »
« Nous avons des extraits par métiers ou par postes qui sont plus fréquemment sollicités et alors on peut les lire. Il y a des personnes qui peuvent renoncer dès le début, juste après avoir lu ce qu’elles doivent faire. »
« Tant que vous ne lui dites pas ouvertement dès le premier moment ce que vous voulez lui dire, n’attendez pas qu’il fasse ce que vous attendez de lui. Lorsque vous discutez avec un opérateur, vous ne devez pas avoir une conversation philosophique, dites-lui directement… […] N’attendez pas qu’on vous traite correctement si vous mentez. »
56On peut aussi penser que, après des décennies de réglementation centralisée de la relation d’emploi, les entreprises et les employés de Roumanie ont besoin de temps pour apprendre à négocier les termes du CP qui les lie réciproquement. La crise économique, elle aussi, « tempère » le mécontentement des employés, comme le témoigne un superviseur de l’entreprise B :
« […] il a y a aussi des personnes qui disent qu’il serait mieux ça ou encore mieux ça… Et alors moi, je leur dis : « Messieurs, n’oubliez pas où vous étiez et où vous vous trouvez maintenant. Comparez les conditions antérieures à celles actuelles, et surtout n’oubliez pas que vous auriez pu être des chômeurs. »
58On observe également que les promesses/obligations qui sont véhiculées par les deux entreprises sont presque identiques. Elles imposent à leurs salariés le respect d’exigences élevées par rapport à la qualité des produits réalisés et de la rigueur dans leur travail. Elles se sont préoccupées d’assurer en échange un milieu de travail sécurisé, moderne, et de protéger la sécurité d’emploi des salariés. Quant aux salariés, ils acceptent de répondre aux demandes exigées par l’entreprise, en échange d’un salaire motivant (plus élevé que la moyenne dans le cas de l’entreprise C) ou d’une assurance de la pérennité de l’organisation, dans le cas de l’entreprise B. Les deux entreprises ont tenté de mettre en place un début de management participatif, mais elles se sont heurtées aux difficultés des salariés de transmettre leurs connaissances et de communiquer avec la hiérarchie, qui étaient des pratiques fortement évitées sous l’ancien système. Les styles de management sont donc encore fortement imprégnés des méthodes illustrant l’économie centralisée : respect strict des règles, acceptation des rétrogradations, difficultés à réduire la distance hiérarchique, etc.
2.5 – Les Logiques d’équilibre des termes du Contrat Psychologique
59En se basant sur le discours de réciprocité qui revenait très souvent dans les entretiens, nous comprenons les arrangements des termes du CP comme un compromis entre les besoins des deux parties. Ce compromis traduit l’équilibre trouvé via les termes du CP entre les exigences actuelles de productivité et de compétitivité, et le maintien de normes, comportements et croyances provenant de l’ancien système d’économie centralisée, et qui sont toujours présents chez les salariés des deux entreprises. Ainsi, les termes du CP s’articulent autour de logiques « d’équilibre ». La logique de la performance est « poussée » par l’entreprise, qui fixe des obligations auxquelles le salarié est obligé d’adhérer. Mais elle doit promouvoir cette logique en acceptant le maintien de manières de faire héritées du passé pour assurer une paix sociale. Pour compenser le poids de la performance, on observe ainsi des formes de « protection » des salariés. Cependant, les deux entreprises utilisent des stratégies qui leur sont spécifiques pour protéger et satisfaire les salariés.
60Dans l’entreprise B, la logique de la performance est appuyée par l’engagement de garder les employés sur place, malgré les temps difficiles. Cette logique de protection et de sécurité de l’emploi se rapproche de l’emploi à vie en vigueur dans l’ancien système. Par contre, l’entreprise C a choisi d’octroyer des salaires plus élevés que la moyenne du secteur, sans pourtant pouvoir garantir un emploi à long terme à ses employés. Donc, dans cette entreprise, la logique de performance élevée est contrebalancée par une compensation pécuniaire offerte aux salariés, qui octroie des salaires élevés aux anciens et aux opérateurs et ouvriers, conformément aux pratiques en usage dans le système d’économie planifiée.
61L’entreprise qui éprouve le plus de difficultés à gérer les nouvelles manières de travailler est l’entreprise C, ancienne entreprise d’état. Dans cette entreprise, la non-différenciation des employés est encore présente, malgré le discours managérial et les efforts déployés pour changer cet état des faits. L’entreprise tente de négocier des CP individualisés avec les salariés nouvellement embauchés, mais ces façons de faire sont perçues par les plus anciens comme la preuve indubitable d’un CP qu’ils perçoivent comme « préférentiel », et par les plus jeunes comme une manière insuffisante de reconnaitre leur valeur au niveau de salaire qu’ils méritent, les amenant à critiquer les « restes » de l’ancien système. Cette désynchronisation entre le contenu du CP et la perception de ce que serait un CP acceptable, conduit à des sentiments de frustration et de mécontentement, malgré le fait que les promesses sont perçues grosso modo comme étant respectées. Aucune tension de cette nature n’est observée dans l’entreprise B, qui n’a pas hérité de la structure salariale de l’ancien système et n’a pas eu besoin de composer avec une grille préexistante, valorisant avant tout les postes d’ouvriers et l’ancienneté. Par ailleurs, l’entreprise ne met pas en avant le salaire comme « monnaie d’échange » du contrat psychologique, mais davantage des conditions de travail protectrices et généreuses, avec une forte sécurité d’emploi. En misant sur les valeurs de loyauté et de solidarité importantes dans l’ancien système, et non sur le salaire qui émane de pratiques d’économie de marché pour lesquelles les salariés ont moins d’expérience, elle semble offrir les bases de CP plus satisfaisants à ses salariés que ne le fait l’entreprise C. C’est donc bien grâce à des termes du CP en lien avec les anciennes façons de faire (sécurité de l’emploi, logique de protection, valeurs de solidarité) que l’entreprise B parvient à construire avec ses salariés des perceptions justes du CP. Toutefois, l’entreprise éprouve des difficultés à faire accepter les règles du jeu de la performance et de la progression liée aux compétences, ce qui crée des insatisfactions chez les salariés, mais moins fortes que chez C. Finalement, les employés se montrent « tolérants » quant au jugement de perception de rupture de leur contrat psychologique (Kase et Zupan, 2007), puisque nous en avons observé peu, et que celles que nous avons soulignées ne mènent pas à un sentiment de violation.
3 – Discussion et mise en perspective
62Cette recherche visait à explorer la manière dont le contexte sociétal peut teinter les perceptions du CP. Notre étude, réalisée dans deux entreprises automobiles, montre que le contenu et l’évaluation des CP rencontrés reflètent une forme de compromis entre les exigences de compétitivité imposées par les entreprises, que nous avons nommées « logique de performance », et l’acceptation du maintien d’anciennes façons de faire, héritées du système d’économie planifiée, que nous avons nommées « logique de protection ». C’est ce compromis qui rend la relation d’emploi acceptable et peut expliquer le faible niveau de brèche observé dans ces entreprises, tout autant que leur rôle de leader de l’industrie automobile roumaine.
63Le premier apport théorique de la recherche porte sur une meilleure connaissance des termes du CP dans un pays qui a fait l’objet de peu d’études scientifiques : la Roumanie. Nos résultats indiquent que les CP émergeant dans les deux entreprises où nous avons mené notre étude tendent à être limités à quelques obligations réciproques, que l’on cherche à rendre aussi explicites que possible. Ce résultat témoigne de l’existence de types de CP différents de ceux qui ont été observés dans les études antérieures (Campoy et al., 2005 ; De Vos et al., 2003), qui regroupaient des obligations plus variées et plus difficiles à expliciter. Ces travaux ont été effectués dans des économies plus « tertiarisées » et souvent sur d’autres populations (cadres, employés du tertiaire, professionnels). Une des raisons qui peut expliquer la différence dans le contenu des CP que nous avons observés tient au fait que les économies en transition offrent davantage d’emplois ouvriers. Il serait intéressant de savoir si certaines spécificités que nous rencontrons dans les CP de notre échantillon (forte contractualisation des termes du CP, formalisme et explicitation des termes, dimension collective, faibles perspectives de carrière) sont propres aux emplois ouvriers de la Roumanie, ou si elles existent aussi dans les emplois ouvriers des autres pays. Par ailleurs, on pourrait croire que parce que les CP s’appuient sur une démarche contractualisée, explicite et formalisée, la dimension « psychologique » du CP soit atténuée. Il n’en est rien, comme en témoignent les perceptions variées et contrastées que nous avons observées, et qui s’expliquent entre autres par le fait que chaque individu construit sa propre représentation de la réalité de ce qu’est un CP « juste » et acceptable. Dans cette construction perceptuelle du CP, les réminiscences des valeurs au travail de l’ancienne économie d’état entrent en jeu et expliquent en partie les différences de perceptions d’un individu à l’autre.
64Le deuxième apport de ce travail porte sur l’observation des liens entre le CP et le contexte sociétal. Notre question de recherche portait spécifiquement sur ce point. Sur la base des entretiens que nous avons menés, il apparaît que le CP, tant ses obligations que son respect, ne peut se comprendre qu’à la lumière des « schémas » (Rousseau, 1995, 2001) sur la relation d’emploi que se forgent les individus. Ainsi, si les obligations de performance et de développement sont plutôt le reflet de l’économie de marché, les autres obligations (protection/sécurité, respect de la hiérarchie) illustrent davantage les normes et idéologies qui prédominaient dans le contexte sociétal de l’économie centralisée. Ce résultat est important car il montre que les idéologies et manières de faire en vigueur jusqu’aux années 1990 teintent encore la relation d’emploi et façonnent les CP que nous avons rencontrés plus de 20 ans plus tard.
65L’analyse du CP à travers la lunette du contexte sociétal montre aussi que le CP ne peut se résumer à une liste de termes que l’on se doit de respecter sous peine de « sanctions » de la part de l’autre partie. Nous constatons dans notre étude que les termes du CP aident les salariés à donner du sens à leur relation d’emploi. Le fait que les CP traduisent l’existence d’un compromis entre les attentes des deux parties témoigne de l’équilibre des pouvoirs entre ces deux parties dans la relation d’emploi. Par ailleurs, le fait que les CP soient agencés de manière à trouver un équilibre entre les attentes des deux parties rend la relation d’emploi acceptable. L’entrée vers l’économie de marché, dont les idéologies et normes diffèrent radicalement de celles de l’économie centralisée, se fait ainsi progressivement, limitant les heurts et résistances au changement. Nous avons appelé cet agencement progressif des termes du CP « des logiques d’équilibrage », parce qu’elles se créent suite à des compromis faits par le salarié et l’employeur afin d’arriver à une relation réciproque non pas « idéale », mais acceptable dans les circonstances données. Ce résultat est un apport important à la littérature sur le CP, qui s’est largement penchée sur les effets des contrats de nature transactionnelle et relationnelle (Raja et al., 2004 ; Zhao et al., 2007) et sur leur violation, mais qui a peu exploré la manière dont l’agencement des obligations des deux parties peut teinter la relation d’emploi. Dans notre recherche, nous constatons que ces agencements sont importants à connaître et à comprendre car ils reflètent des logiques autour desquelles la relation d’emploi se construit.
66Finalement, l’ensemble de nos résultats souligne l’intérêt d’adopter une vision systémique pour lire et comprendre le contenu du CP et son évaluation. C’est seulement en mettant ensemble les éléments du CP utilisés régulièrement dans la littérature de manière distincte, et en les analysant dans un contexte sociétal donné, que nous avons pu avoir une vision approfondie du CP actuel dans le secteur automobile roumain. Cette représentation systémique représente une nouveauté dans la littérature sur le CP, qui jusqu’alors s’est contentée d’intégrer des variables individuelles ou organisationnelles - et non systémiques ou contextuelles - pour comprendre la manière dont on interprète le CP (Coyle-Shapiro et Newman, 2004 ; Ho et al., 2004).
67Ce travail n’est pas exempt de limites. Tout d’abord, nous avons collecté des données seulement auprès 31 personnes et œuvrant dans la même industrie. Si ce choix méthodologique nous a permis de nous centrer sur des entreprises que nous savions soumises aux lois de l’économie de marché et efficaces dans ce contexte, il limite la généralisation des résultats. Il serait délicat de conclure que les mêmes termes du CP auraient été trouvés dans d’autres secteurs d’activité de la Roumanie, ou dans d’autres pays. Dans la même veine, il est possible que les logiques d’équilibrage aboutissent à des compromis différents dans d’autres contextes. Par ailleurs, l’étude a été réalisée sur un horizon temporel de deux mois. Adopter une approche longitudinale aurait permis d’observer les changements de perceptions du CP au cours du temps. Si ce n’était pas notre objectif de recherche initial, une telle approche permettrait d’étudier les changements progressifs du CP et la manière dont les évolutions du contexte sociétal viennent teinter le CP des individus.
Conclusion
68A l’issue de ce travail, il ressort qu’une compréhension du contexte sociétal dans lequel s’inscrivent les gens peut éclairer la manière dont ils vivent et évaluent leur CP. Nous invitons donc les chercheurs à poursuivre les recherches dans cette direction. Des pays comme la Chine ou certains pays d’Afrique noire vivent de profondes mutations pour lesquelles nous savons peu de choses. Adopter une étude du CP en tenant compte des éléments contextuels pourrait aider à mieux comprendre comment se construit la relation d’emploi dans ces pays et mieux accompagner les changements tant au sein des entreprises que sociétaux.
Les guides d’entretien de l’étude
Guide d’entretien – Questions communes à tous les participants
69Depuis combien de temps travaillez-vous ?
70Racontez-moi votre parcours professionnel.
71Que faites-vous maintenant dans l’entreprise ?
Guide d’entretien pour les salariés
72Qu’est-ce que vous faites dans l’entreprise ?
73Qu’est-ce que vous aimez dans la gestion des ressources humaines de votre entreprise ? Qu’est-ce que vous aimez moins ?
74Qu’est-ce que vous trouvez juste et bien dans les méthodes de gestion dans votre entreprise ? Mal et injuste ? Parlez-moi de ce qu’on vous a dit lors de votre recrutement
75Est-ce que votre employeur a tenu les promesses qu’il vous a faites lors de votre embauche ? Que ressentez-vous par rapport à ça ?
76Lorsque vous avez commencé votre vie professionnelle, quelles étaient vos attentes en emploi ? Comment perceviez–vous vos obligations en tant qu’employé ? Comment perceviez-vous les obligations de l’entreprise à votre égard ? Maintenant, quelles sont vos attentes ?
77Depuis que vous avez commencé la vie professionnelle, qu’est-ce qui a le plus changé pour vous ? Quels ont été les moments les plus difficiles ? Comment les avez-vous surmontés ?
Guide d’entretien pour les cadres hiérarchiques et les directeurs
78Parlez-moi des points forts et des points faibles de la gestion des ressources humaines de votre entreprise.
79Lorsque vous avez commencé votre travail de management, quelles étaient vos attentes à l’égard de vos employés ? Comment perceviez –vous vos obligations en tant qu’employeur ? Maintenant, quelles sont vos attentes ?
80Qu’est-ce qui a changé dans la manière dont vous traitez les ressources humaines de votre entreprise ?
81Comment vivez-vous ces changements ?
82Parlez-moi de ce que vous discutez avec les candidats lors du processus d’embauche ?
83Comment procédez-vous quand vous ne pouvez pas tenir les promesses que vous avez faites à vos employés ?
84Considérez-vous que les employés respectent leurs propres obligations ? Que faites-vous quand ce n’est pas le cas ?
Guide d’entretien pour les responsables RH
85Que trouvez-vous juste et bien dans la GRH de votre entreprise ? Mal et injuste ?
86Lorsque vous avez commencé votre travail de professionnel RH, quelles étaient les attentes de l’employeur à l’égard des employés ? Comment perceviez-vous vos obligations en tant qu’employeur et les obligations des employés à l’égard de l’entreprise ?
87Maintenant, quelles sont vos attentes en tant que représentant de l’entreprise ?
88Qu’est-ce qui a changé dans les attentes en GRH et dans la manière dont vous traitez les ressources humaines de votre entreprise ? Comment avez-vous réagi aux changements survenus dans la GRH ?
89Comment procédez-vous quand vous ne pouvez pas tenir les promesses que vous avez faites à vos employés ? Que ressentez-vous par rapport à ça ?
90Considérez-vous que les employés respectent leurs propres obligations ? Que faites-vous quand ce n’est pas le cas ?
Bibliographie
Références bibliographiques
- Boruz A. (2008), Culture and management in Romania : Managing for value while managing the autocratic values, in Davel E., Dupuis J-P., Chanlat, J-F., Dir., Gestion en contexte interculturel : approches, problématiques, pratiques et plongés, Montréal, Editions Presse de l’Université Laval et Télé-université UQAM.
- Bunderson J. S. (2001), How work ideologies shape the psychological contracts of professional employees : Doctors’ responses to perceived breach, Journal of Organizational Behavior, vol. 22, n°7, p. 717-741.
- Campoy E., Castaing S., Guerrero S. (2005), Approche méthodologique du contrat psychologique : opérationnalisation, mesure et analyse des données, in Delobbe N., Herrbach O., Lacaze D., Mignonac, K., Dir., Comportement organisationnel, vol.1, Bruxelles, Editions De Boeck, p. 111-117.
- Charmaz K. (2006), Constructing Grounded Theory. A practical guide through qualitative analysis, Thousand Oaks, CA, Sage.
- Cook L. (1993), The Soviet Social Contract and why it Failed. Welfare policy and Workers’ Politics from Brezhnev to Yeltsin, Cambridge, Harvard University Press.
- Coyle-Shapiro J., Kessler, I. (2002), Exploring reciprocity through the lens of the psychological contract : Employee and employer perspectives, European Journal of Work and Organizational Psychology, vol. 11, n°1, p. 69-86.
- Coyle-Shapiro J., Newman J. (2004), The psychological contract and individual differences : The role of exchange and creditor ideologies, Journal of Vocational Behavior, vol.64, p. 150-164.
- Dabos G., Rousseau D. (2004), Mutuality and reciprocity in the psychological contracts of employees and employers, Journal of Applied Psychology, vol. 89, n°1, p. 52-72.
- Dalton K., Kennedy L. (2007), Management culture in Romania : Patterns of change and resistance, Journal for East European Management Studies, vol.12, n°3, p. 232-259.
- De Vos A., Buyens D., Schalk R. (2003), Psychological contract development during organizational socialization : Adaptation to reality and the role of reciprocity, Journal of Organizational Behavior, vol. 24, p. 537-559.
- Dulac T. (2005), De la formation à l’évaluation du contrat psychologique : revue de la littérature et perspectives de recherche, in Delobbe N., Herrbach O., Lacaze D., Mignonac K., Dir., Comportement organisationnel, vol.1, Bruxelles, de Boeck, p. 69-109.
- Glaser B., Strauss A. (1967), The Discovery of Grounded Theory, New York, Alpine. Herriot P., Pemberton C. (1997), Facilitating new deals, Human Resources Management Journal, vol. 7, p. 45-56.
- Ho V., Weingart L., Rousseau D. (2004), Responses to broken promises : Does personality matter ?, Journal of Vocational Behavior, vol.65, p. 276-293.
- Kase R., Zupan N. (2007), Psychological contracts and employee outcomes in transition to market economy : A comparison of two Slovenian companies, Problems and Perspectives in Management, vol.5, n°4, p. 16-91.
- Keeley M. (1995), Continuing the social contract tradition, Business Ethics Quarterly, vol.5, n°2, p. 241-256.
- Lindholm C. (2007), Culture and Identity : The History and Practice of Psychological Anthropology, Oxford, Oneworld Publications.
- McLean Parks J., Kidder D., Gallagher D. (1998), Fitting square pegs into round holes : Mapping the domain of contingent work arrangements onto the psychological contract, Journal of Organizational Behavior, vol.19, p. 697-730.
- McNeil I. (1985), Relational contract : What we do and do not know, Wisconsin Law Review, vol.3, p. 483-524.
- Morrison E. W., Robinson S. (1997), When employees feel betrayed : A model of how psychological contract violation develops, Academy of Management Review, vol.22, n°1, p. 226-256.
- Morrison E. W., Robinson S. L. (2004), The employment relationship from two sides : Incongruence in employees’ and employers’ perceptions of obligations, in Coyle-Shapiro J., Ed., The employment relationship : Examining psychological and contextual perspectives, Oxford, Oxford University Press, p. 161-180.
- Myant M., Drahokoupil J. (2011), Transition Economies : Political Economy in Russia, Eastern Europe, and Central Asia, Hoboken, John Wiley & Sons.
- Napier N., Thomas D. (2004), Managing Relationships in Transition Economies, London, Greenwood Publishing Group.
- Pandelica I., Pandelica A., Dabu B. (2010), Pilot study regarding organizational culture dominant values : Romania’ case, The Business Review, vol.14, n°2, p. 250-256.
- Parzefall M-R., Coyle-Shapiro J. (2011), Making sense of psychological contract breach, Journal of Managerial Psychology, vol.26, n°1, p. 12-27.
- Preda M. (2009), Riscuri si inechitati sociale in Romania, Bucarest, Edition Polirom. Raja U., Johns G., Ntalianis F. (2004), The impact of personality on psychological contracts, Academy of Management Journal, vol.47, n°3, p. 350-367.
- Rousseau D. (1995), Psychological Contracts in Organizations. Understanding Written and Unwritten Agreements, Thousand Oaks, CA, Sage.
- Rousseau D. (2001), Schema, promise and mutuality : The building blocks of the psychological contract, Journal of Occupational and Organizational Psychology, vol.74, p. 511-541.
- Rousseau D., Tijoriwala S. (1998), Assessing psychological contracts : Issues, alternatives and measures, Journal of Organizational Behavior, vol.19, p. 679-695.
- Rousseau D., McLean Parks J. (1993), The contracts of individuals and organizations, Research in Organizational Behavior, vol.15, p. 1-1.
- Rousseau D., Schalk R. (2000), Psychological Contracts in Employment. Cross-National Perspectives, Sage.
- Schein E.H. (1985), Organisational Culture and Leadership : A dynamic View, San Francisco, Jossey Bass.
- Thomas D., Au K., Ravlin E. (2003), Cultural variation and psychological contract, Journal of Organizational Behavior, vol.24, p. 451-471.
- Thompson J. A., Bunderson J. S. (2003), Violations of principle : Ideological currency in the psychological contract, Academy of Management Review, vol.28, n°4, p. 571-586.
- Zhao H., Wayne S. J., Glibkowski B., Jesus B. (2007), The impact of psychological contract breach on work-related outcomes : A meta-analysis, Personnel Psychology, vol.60, n°3, p. 647-680.
Mots-clés éditeurs : contrat psychologique, relation d’emploi, Roumanie, contexte économique et sociétal
Date de mise en ligne : 26/05/2017.
https://doi.org/10.3917/rimhe.026.0026Notes
-
[1]
Professeur, Gestion, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue - doina.muresanu@uqat.ca.
-
[2]
Professeur, ORH, Université du Québec à Montréal, ESG - guerrero.sylvie@uqam.ca
-
[3]
Traduction par les auteurs de : “The psychological contract is individual beliefs, shaped by the organization, regarding terms of an exchange agreement between individuals and their organization”.
-
[4]
Source : http://www.insse.ro/cms/en (consulté en ligne mars 2017). La Commission nationale de statistique de la Roumanie utilise les standards de présentation des données statistiques suggérés par l’Office statistique de l’Union européenne (Eurostat).