Couverture de RIMHE_011

Article de revue

Les déterminants individuels de la dynamique identitaire post fusion

Pages 92 à 114

Notes

  • [1]
    Enseignante universitaire Sciences de gestion, Institut Supérieur des Études Appliquées en Humanités, Le Kef, Tunisie - leilabouzaien@yahoo.fr
  • [2]
    En conformité avec le principe de confidentialité, nous avons choisi des pseudonymes pour préserver l’anonymat des parties impliquées.

Introduction

1Les fusions entre entreprises constituent une alternative de croissance qui connait un essor mondial depuis le début du siècle dernier. Néanmoins, les études menées sur les résultats des opérations ne semblent pas confirmer leur potentiel créateur de la valeur. D’ailleurs, ces démarches s’associent souvent à des perturbations au niveau du climat organisationnel (Skalén, 2004) et du rapport individu/organisation (Millward et Kyriakidou, 2004). Si le volet culturel du processus d’intégration et les questions d’identification organisationnelle post fusion (Kroon et al, 2009 ; Rouzies, 2011) ont été largement sollicités pour analyser ces situations problématiques, il n’en est pas le cas pour l’identité organisationnelle dont la portée en matière d’intégration post fusion est de plus en plus reconnue (Seo et Hill, 2005) mais demeure ambigüe. En effet, les rapprochements se traduisent par une réorganisation des entités réunies et, par conséquent, de la prise de décision et du système de pouvoir. Ils sont associés aussi à une répartition des effectifs et des responsabilités (Barmeyer et Mayrhofer, 2002 ; Evrard, 2000). Ces transformations peuvent entrainer du stress, de l’anxiété (Astrachan, 1995 ; Marks et Mirvis, 1985 ; Rentsch et Schneider, 1991 ; Schweiger et al, 1987) et des sentiments d’injustice (Melkonian et al, 2006 ; Monin et al, 2013 ; Oubrayrie-Roussel et Roussel, 2003 ; Shin, 2003). Par ailleurs, pour chacune des parties impliquées, une altération se produit souvent au niveau de ce que les individus percevaient comme caractéristiques centrales, distinctives et durables de leur organisation d’origine, autrement dit, au niveau de leur perception de l’identité organisationnelle. C’est une dissonance cognitive (Festinger, 1957), une rupture (Mucchielli, 1986) entre l’identité d’origine et celle nouvellement construite (Brown et Starkey, 2000). Ceci conduit à une perte du sens (Weick, 1995) de la réalité organisationnelle toute entière. Toutefois, ce vécu identitaire traumatisant aboutit à un apprentissage collectif (Crozier et Friedberg, 1977), se manifestant, entre autres, par l’acquisition d’une nouvelle identité (Koening, 1994). Le rapprochement organisationnel se traduit par la réorganisation des équipes de travail. La mixité favorise l’interaction entre individus d’origines organisationnelles différentes sur divers aspects relatifs à leur contexte de travail. Cette proximité permet d’aboutir à l’émergence d’une définition de l’entité issue de la fusion (Barmeyer et Mayrhofer, 2002 ; Evrard, 2002 ; Leroy, 2003). Des études ont, déjà, abordé les processus identitaires qui se déroulent à la suite d’un changement organisationnel et ce sous divers aspects. L’évolution de l’identité organisationnelle a été expliquée en se référant, au début, aux mécanismes d’interaction entre la culture et l’image organisationnelles (Dutton et Dukerich, 1991 ; Gioia et Thomas, 1996 ; Gioia et al, 2000 ; Hatch et Schultz, 2002). Ensuite, les dynamiques de pouvoir (Scott et Lane, 2000), les mécanismes de défense transposés sur le niveau organisationnel (Brown et Starkey, 2000) et la théorie de structuration (Rodriguez et Pozzebon, 2005 ; Sarason, 1995 ; Tobin, 2002) ont été retenus pour expliquer la dynamique identitaire de l’organisation. La théorie du sensemaking (Weick, 1995) est venue rompre le silence relatif aux processus d’évolution des interprétations et significations associés à l’ensemble des modèles cités. Plusieurs auteurs se sont inscrits dans cette perspective générale de construction du sens à la suite des changements touchant l’organisation (Ravasi et Schultz, 2006 ; Skalèn, 2004). D’autres l’ont associée au champ d’étude de l’intégration post fusion (Brown et Humphreys, 2003 ; Clark et al, 2010 ; Isabella, 1990 ; Monin et al, 2013 ; Rovio-Johansson, 2007). Néanmoins, les contributions antérieures ont pointé du doigt particulièrement les explications sous l’angle des efforts managériaux déployés pour réduire les divergences et orienter la construction d’une vision commune de l’unité organisationnelle à la suite d’une fusion. Dans cette perspective, les déterminants organisationnels de la construction identitaire, autrement dit, du sens attribué à l’organisation issue d’une démarche de fusion, ont été plus ou moins explicitement abordés. Toutefois, l’accent sur l’individu nous semble manquer à ces analyses des processus de construction collective du sens. Ainsi, notre travail se propose d’apporter une contribution à cet égard. L’article traite les déterminants individuels de la dynamique identitaire post fusion en sollicitant la théorie du sensemaking de Weick (1995) qui conçoit l’adaptation de l’organisation aux changements comme une transposition, en interne, des processus évolutionnistes (enactment, sélection et rétention). Loin d’une instrumentalisation de l’identité organisationnelle, l’objectif de cet article est de souligner la pertinence d’une lecture identitaire des démarches de rapprochement mettant l’accent sur la personne dont la centralité demeure tiraillée entre les avancées théoriques et les préoccupations managériales ; cela aiderait à mieux cerner et prévenir les difficultés d’intégration qui semblent avoir un impact sur les résultats de ces opérations.

1 – Cadre conceptuel

2La littérature a déjà évoqué les perturbations ou traumatismes identitaires (Evrard, 1996 ; Millward et Kyriakidou, 2004 ; Seo et Hill, 2005 ; Shin, 2003 ; Skalén, 2004), ou encore le dynamisme de l’identité (Chreim, 2000 ; Fiol, 1991 ; Meyer et al, 2002). Certains chercheurs se sont orientés vers l’étude de la dynamique identitaire organisationnelle dans une perspective d’adaptation au changement de l’environnement. Ils ont mis en exergue le rôle de la culture et des images aussi bien construites (Dutton et Dukerich, 1991) que désirées (Gioia et Thomas, 1996). Citons par exemple, Dutton et Dukerich (1991) ainsi que Gioia et ses coauteurs (2000) qui ont souligné l’instabilité de l’identité organisationnelle. Cette instabilité s’avère adaptative pour catalyser la mise en œuvre des transformations organisationnelles afin de répondre aux exigences de l’environnement (images externes construites). Pour Hatch et Schultz (2002), cette adaptation semble cadrée par la culture organisationnelle. En effet, ces auteurs avancent que la construction, le maintien et l’évolution de l’identité se font à travers une influence mutuelle entre les images externes et la culture de l’organisation. La mouvance de l’identité organisationnelle s’explique également, selon Scott et Lane (2000), par des dynamiques de pouvoir à l’œuvre dans le processus de négociation continu qui s’opère entre les managers et les parties prenantes. Ainsi, si le pouvoir des parties prenantes dépend dans une large mesure du degré de cohérence de leurs réactions, de leur légitimité et de l’urgence perçue de leurs revendications, le pouvoir des managers est jugé en fonction du poids perçu de l’organisation dans le réseau des parties prenantes. Par ailleurs, sur la base d’une analogie entre le niveau individuel et le niveau collectif en matière de préservation de l’estime de soi (Albert et al, 2000 ; Hogg et Terry, 2000 ; Scott et Lane, 2000) et transposant les mécanismes individuels de défense sur l’organisation, Brown et Starkey (2000) expliquent la résistance face à une transformation éventuelle de l’identité organisationnelle. Ils défendent, alors, la pertinence de l’idée de l’organisation apprenante. L’autoréflexivité critique permet de prévenir les mécanismes collectifs de défense qui, en opérant au niveau imaginaire, visent le maintien des représentations actuelles. Autrement dit, les auteurs préconisent la diffusion d’une culture engageant les membres de l’organisation dans un processus continu d’apprentissage et de développement de visions alternatives de ce qui peut former l’identité organisationnelle future. Certains auteurs (Rodriguez et Pozzebon, 2005 ; Sarason, 1995 ; Tobin, 2002) ont retenu le cadre de la théorie de structuration de Giddens (1984) pour expliciter la construction sociale de l’identité organisationnelle. Selon Rodriguez et Pozzebon (2005) et Sarason (1995), les acteurs mobilisent des normes (règles) et puisent dans des significations et des interprétations (ressources) partagées pour agir. Leurs actions, dévoilant leurs perceptions de l’identité de l’organisation, sont contraintes par des conditions non connues qui peuvent impliquer des résultats inattendus. Ces conséquences imprévisibles constituent un feedback pouvant réorienter l’action. Dans la même perspective, Tobin (2001) considère que les processus d’influence mutuelle entre les images externes et la culture organisationnelle sont régis par les normes et les valeurs, ainsi que par les interprétations et les significations que les acteurs assignent à ces cadres de références. Ces processus peuvent aboutir à des résultats inattendus qui font office d’un feedback impliquant le réajustement de l’identité organisationnelle. Ces modèles d’analyse de l’évolution de l’identité organisationnelle ont souligné la centralité des interprétations dans les contextes de changement organisationnel (Draelants et Dumay, 2005) sans pour autant expliciter les processus de sensemaking qui lui sont associées. Le sensemaking concerne la manière avec laquelle les agents construisent rétrospectivement des significations à partir des flux d’actions et d’événements et la manière par laquelle ces significations se cristallisent dans des structures spécifiques (Allard Poesi, 2005 ; Diani, 2003 ; Weick et al, 2005). Le changement organisationnel entraine de l’ambigüité auprès des membres de l’organisation. Ce malaise les amène à revoir le sens de l’environnement et de l’organisation pour pouvoir coordonner l’action collective (Gioia et Chittipeddi, 1991). Ainsi, le changement introduit une certaine ambigüité de l’identité de l’organisation qui déclenche un processus de sensemaking donnant lieu à de nouvelles significations de celle-ci et une redéfinition de ses caractéristiques centrales et distinctives (Corley et Gioia, 2004). La prospection théorique effectuée a relevé certaines études (Ravasi et Schultz, 2006 ; Skalèn, 2004) consacrées à la dynamique identitaire dans les contextes de changement organisationnel. Ces études avaient pour objectif l’analyse des processus de sensemaking déclenchés dans l’organisation pour réduire l’ambiguïté de la réalité perçue. Ravasi et Schultz (2006) ont, par exemple, fourni un cadre général pour la compréhension de l’évolution de l’identité organisationnelle. Ils ont mis en relief le poids de l’interaction entre les revendications identitaires (Ashforh et Mael, 1996), les images externes construites (Dutton et Dukerich, 1991), les images externes désirées (Gioia et Thomas, 1996), l’identité désirée et la culture organisationnelle dans l’évolution du sens attribué aux caractéristiques centrales et distinctives de l’organisation. En se basant sur le processus évolutionnaire de sensemaking (Weick, 1995), Ravasi et Schultz (2006) ont considéré que le changement fait émerger plusieurs interprétations de ce qui est central et distinctif de l’organisation. Ces interprétations ancrées dans la culture organisationnelle viennent en feedback aux images externes attribuées par les différentes parties prenantes à l’organisation. Ce processus aboutit à la sélection et la rétention des significations de l’organisation qui paraissent satisfaisantes aux yeux de ses membres. Toutefois, Ravasi et Schultz (2006) n’ont pas suffisamment explicité ces phases évolutionnaires du modèle. Par ailleurs, cette étude a porté sur les processus de sensemaking déclenchés auprès d’une population relativement homogène à savoir les membres d’une seule organisation qui a été touchée par un changement. Dans ce cas de figure, la construction du sens trouve son fondement dans un background culturel commun. Il s’agit d’un sensemaking intra-organisationnel. De plus, même si quelques études antérieures ont traité les questions de sens dans les contextes de fusion, le regard a été surtout pointé sur la réponse des membres de chacune des organisations impliquées à part. Dans cette perspective, la théorie du sensemaking a déjà été sollicitée par Isabella (1990) qui s’est penchée sur l’évolution des interprétations à la suite d’une fusion-acquisition. Brown et Humphreys (2003) ont, eux aussi, étudié les questions de sens inhérentes aux rapprochements organisationnels en orientant leur étude vers le niveau inter-statutaire. Ils ont mis l’accent sur la divergence des interprétations entre les personnes appartenant à des statuts organisationnels différents. Les managers et les membres de deux organisations impliquées dans une démarche de fusion-acquisition interprètent la réalité à partir de cadres culturels différents qui constituent la base des processus de construction du sens et des mécanismes identitaires à l’œuvre. L’étude menée par Clark et ses coauteurs (2010) auprès des hauts managers de deux organisations de santé fusionnées défend la portée d’identités transitoires en matière d’intégration post fusion. Il s’agit en quelques sortes d’un pont de transition identitaire recouvrant plusieurs significations accordées à l’organisation issue d’une fusion. Ces significations intermédiaires et multiples du devenir organisationnel post fusion permettent aux membres de rompre avec leur passé identitaire pour pouvoir envisager un avenir commun et partagé. Rovio-Johansson (2007) a, quant à lui, constaté l’usage d’outils discursifs tels que les stratégies, cadres et catégories rhétoriques pour la construction collective du sens au sein de l’équipe managériale. Nahavandi et Malekzadeh (1988) et plus tard Risberg et ses coauteurs (2003) ont souligné l’évolution des identités culturelles en présence à travers des processus de construction de sens. A ce sujet, Vaara et ses coauteurs (2003) ont mis en évidence le rôle des métaphores dans le processus de sensemaking. Contrairement à la plupart de ces contributions, la présente recherche se démarque par la prise en considération de la dimension inter-organisationnelle. Ainsi, notre travail s’oriente vers l’étude du processus de sensemaking inter-organisationnel, plus exactement, la construction et l’évolution du sens assigné à la nouvelle organisation par son personnel mixte. A la lumière de la revue de la littérature effectuée, nous pouvons constater que si la fusion-acquisition a été reconnue explicitement ou implicitement comme une démarche porteuse d’ambigüité et de la sorte déclenchant un processus de variation-sélection-rétention des significations attribuées à la réalité organisationnelle, le déroulement de ces phases n’a pas été suffisamment explicité. Nous comptons y apporter une contribution à travers l’étude des déterminants individuels de la construction de l’identité organisationnelle de l’entreprise fusionnée et ce en nous référant à la théorie du sensemaking de Weick (1979 ; 1995). Ce cadre d’analyse dérive de l’épistémologie évolutionnaire appliquée par Campbell (1997) à la vie sociale. La théorie de Weick conçoit l’adaptation de l’organisation aux changements comme une transposition, en interne, des processus évolutionnistes (enactment, sélection et rétention). Ainsi, en inscrivant notre travail dans la lignée du corpus théorique précédemment cité, nous nous positionnons dans une perspective constructiviste qui conçoit la construction sociale de l’identité organisationnelle comme la négociation entre les membres de l’organisation d’un ensemble de sens (Ravasi et Schultz, 2006). L’approche constructiviste se base, donc, sur une vision de l’identité organisationnelle comme étant le résultat d’un processus de sensemaking (Weick, 2005). De la sorte, nous écartons d’emblée la définition fonctionnaliste (Whetten et Mackey, 2002) qui conçoit l’identité organisationnelle comme une présentation de l’organisation produite par les dirigeants et diffusée aussi bien dans leurs discours que dans les aspects matériels relatifs à cette dernière (Giroux, 2001). Le constructivisme social, auquel nous adhérons, présente l’identité organisationnelle comme l’ensemble des croyances collectives partagées par rapport aux caractéristiques centrales et distinctives de l’organisation (Dutton et Dukerich, 1991 ; Fiol, 1991 ; 2002 ; Gioia et Thomas, 1996 ; Gioia et al, 2000 ; Corley et Gioia, 2004). Cet article est articulé, alors, autour de l’exploration de la construction et l’évolution du sens de l’organisation issue d’une démarche de fusion en mettant l’accent sur le poids de l’ancrage individuel de ce processus.

2 – Cadre méthodologie

3Nous avons opté pour une recherche qualitative puisque notre travail est articulé autour de la compréhension des mécanismes cognitifs et psychologiques associés à l’évolution des significations et des interprétations (Girod-Séville et Perret, 1999). Ainsi, la stratégie de l’étude d’un cas unique a été sollicitée pour ses vertus en matière de découverte (Miles et Huberman, 2003), contexte dans lequel nous nous sommes inscrits. Pour la collecte des données, nous avons recueilli vingt cinq récits de vie au moyen d’entretiens narratifs (Wacheux, 1996), de 30mn à 1h45, menés auprès de 19 salariés du siège et 6 travaillant dans une unité externe. L’analyse des récits de vie peut révéler les mécanismes d’interprétation collective qui fondent les organisations (Currie et Brown, 2003). Les entretiens narratifs que nous avons menés se sont déroulés, chacun, en deux étapes (Sanséau, 2005). Tout d’abord, nous avons laissé la parole à nos interlocuteurs en les invitant à raconter leur expérience. Ensuite, nous avons insisté sur quelques aspects relatifs à la recherche et qui n’ont pas été abordés par les personnes interviewées. Ainsi, les thèmes abordés ont permis de reconstituer le processus d’évolution identitaire. La méthode de l’analyse de contenu a été, alors retenue pour le traitement des récits de vie recueillis. Cette méthode consiste à repérer et coder toutes les parties des récits recouvrant un thème commun (Wacheux, 1996). La catégorisation des unités de sens délimitée dans le cadre du codage a été réalisée en fonction de grilles d’analyse comprenant les thèmes relatifs à notre recherche. Bien qu’elles soient définies initialement à partir de la littérature sollicitée dans le cadre de notre recherche, ces grilles (annexes 1 et 2) ont été enrichies par des thèmes qui ont émergé lors de l’investigation empirique (Sanséau, 2004). L’analyse a porté sur les catégories, thèmes et sous thèmes retraçant le processus de destruction créatrice du sens de la réalité organisationnelle à la suite du rapprochement ayant eu lieu et les mécanismes sous-jacents. L’analyse de l’évolution de l’identité organisationnelle a été basée sur l’étude du contenu des différentes constructions identitaires en présence pour pouvoir analyser les convergences et divergences à prendre en considération dans l’analyse de la dynamique identitaire. Les travaux pionniers (Albert et Whetten, 1985 ; Whetten et Mackey, 2002) sur la thématique identitaire à l’échelle organisationnelle nous ont servi de base théorique pour établir la grille de l’analyse identitaire (annexe 1). En effet, l’identité organisationnelle a été initialement définie comme étant l’ensemble des représentations que partagent les membres de l’organisation en ce qui concerne les caractéristiques centrales, distinctives et durables de celle-ci. Toutefois, et dès le début de notre travail, nous nous sommes positionnés dans une perspective dynamique de ce construit à l’instar de plusieurs auteurs ayant déjà mis en exergue sa possible évolution (Brown et Starkey, 2000 ; Corley et Gioia, 2004 ; Chreim, 2002 ; Dutton et Dukerich, 1991 ; Fiol, 2002 ; Gioia et Thomas, 1996). A cet égard, certains changements remettent en cause les représentations des membres de l’organisation relatives aux caractéristiques centrales et distinctives de cette dernière. Ainsi, l’analyse a été faite en dehors des considérations de continuité. Autrement dit, les caractéristiques perçues comme durables n’ont pas été intégrées puisqu’une pareille démarche semble inappropriée dans le cadre d’une étude portant sur la dynamique identitaire. Nous avons adopté la même grille pour délimiter les versions identitaires construites à la suite du changement. La mise en évidence de ces versions permet la démarcation des phases du processus d’évolution des significations assignées à l’organisation issue de la fusion. L’utilité de cette recherche réside non seulement dans la mise en évidence de la transition interprétative à l’égard de la nouvelle organisation, mais aussi et surtout, dans l’explication de ce mouvement identitaire. A cet égard, il convient de mentionner que l’examen des récits a révélé des disparités relatives à l’influence de certaines dimensions sur le sens attribué à l’organisation. Ce constat nous a conduits vers la perspective de recherche des déterminants du processus de sensemaking. Ainsi, nous avons réorienté notre analyse vers l’exploration de la construction du sens post fusion sous l’angle des facteurs qui canalisent son déroulement. De la sorte, c’est en fonction de certains travaux antérieurs sur les processus de sensemaking, que nous avons construit la grille d’analyse des déterminants individuels (annexe 2). Nous avons emprunté à la littérature les dimensions relatives aux ancres de carrière (Millward et Kyriakidou, 2004 ; Shein, 1978), au statut hiérarchique (Brown et Humphreys, 2003 ; Marmenout, 2010 ; Monin et Vaara, 2005), à la position par rapport au changement (adhésion versus résistance) (Skalén, 2004) et à l’ancienneté et l’âge (Allard Poesi, 2005 ; Diani, 2003 ; Maurel, 2010 ; Weick, 1995 ; 2005). La grille d’analyse a été complétée par des thèmes et sous-thèmes extraits des récits recueillis. Par ailleurs, nous avons emprunté à Miles et Huberman (2003) le format des matrices pour rendre compte des données recueillies. Les auteurs préconisent cette méthode pour améliorer le degré de fiabilité des recherches qualitatives. Cette méthode matricielle, comme l’expliquent les auteurs, autorise une réduction synthétique des données en fonction de leur pertinence par rapport à la problématique de la recherche. La construction des matrices se base sur le croisement et la combinaison des données. C’est ce qui fait que ces tableaux rendent compte des tendances générales relatives à l’objet d’étude en permettant une meilleure appréciation. Par ailleurs, les recherches rétrospectives telles que la nôtre présentent deux lacunes associées respectivement à l’oubli et la rationalisation. En effet, les personnes interrogées (25 pour cette étude) peuvent oublier certains détails utiles pour la recherche. De manière similaire, les biographies racontées peuvent être construites sur la base de liens établis entre des évènements qui, en réalité, sont indépendants ou alors ayant une chronologie personnellement perçue comme plus logique que le déroulement réel. Néanmoins, et pour limiter les effets de ces biais, un recoupement des récits a été effectué pour reconstituer l’histoire organisationnelle (Forgues et Vandangeon-Derumez, 1999). Une recherche documentaire a complété l’investigation empirique notamment en ce qui concerne le déroulement de la démarche de fusion opérée. Comme contexte empirique d’étude, les fusions internationales semblent constituer le terrain propice à la mise en exergue du poids des différences culturelles non seulement organisationnelles mais aussi nationales dans la reconstruction d’une nouvelle vision d’un avenir commun post rapprochement. En ce qui concerne la présente étude, le terrain local a été retenu. Ainsi, deux entreprises locales tunisiennes ont été choisies. De la sorte, nous avons écarté la dimension de la culture nationale dont la portée aurait un impact plus visiblement critique dans les fusions internationales. De plus, notre choix a porté sur un secteur qui n’a pas été, à notre avis suffisamment abordé par les recherches sur les fusions organisationnelles. Nous avons, de ce fait, choisi le secteur public qui a commencé à enregistrer des cas de ce type d’opérations. Ensuite, nous étions tentés par la pertinence du choix d’un cas de fusion partielle. Il s’agit d’une opération de fusion portant uniquement sur une branche d’activité. Ce type de démarche semble aussi, à notre connaissance, peu ou pas abordé. Enfin, cette option se justifie également par l’actualité du sujet à l’échelle nationale tunisienne. Par ailleurs, traitant un thème dont les composantes peuvent être sensibles pour les organisations étudiées, notre travail d’analyse sera présenté en respectant le principe de la confidentialité (Baumart et al, 1999). L’investigation empirique a été menée en 2010 dans une organisation publique tunisienne issue d’une fusion entre deux organisations mais portant sur une branche d’activité bien déterminée, à savoir la gestion du risque maladie. Cette fusion est venue appuyer la restructuration du secteur de la gestion du risque maladie engagée depuis 1996. Elle s’est concrétisée en 2007 en regroupant et harmonisant différents services relevant d’un même domaine, auparavant fournis par deux entreprises différentes, PRO et COOL [2]. Les services de COOL s’adressaient aux employés du secteur privé alors que ceux de PRO visaient le secteur public. Le rapprochement partiel a abouti à la création d’une nouvelle entreprise, FUSION allant dorénavant administrer les services en question pour tous les bénéficiaires. Cette fusion qui, à notre connaissance, est la première en Tunisie en ce qui concerne sa dimension partielle, a pour objectif principal de rendre certains services plus équitables. En fait, l’activité de FUSION était gérée auparavant par des institutions différentes offrant des services inégalitaires sur le plan de la contribution des bénéficiaires et des avantages dont ceux-ci bénéficiaient. La fusion opérée sur la branche d’activité en question a ainsi concerné les institutions qui prenaient en charge ces services. La structure de FUSION est composée d’un siège abritant les directions centrales et de 51 centres régionaux et bureaux locaux (en juin 2010), néanmoins, ceci n’a pas pu empêché une surcharge de travail qui a caractérisé la période de démarrage malgré la prise de certaines mesures comme les recrutements massifs pour accélérer la mise en œuvre du changement, le travail le dimanche matin etc. Le rapprochement a réuni dans une seule organisation, les départements œuvrant dans les organisations d’origine, dans le cadre de la gestion du risque maladie. La démarche a impliqué le transfert, à un nouveau siège, du personnel relevant principalement des départements concernés (au début, les deux tiers du personnel proviennent de COOL et le reste de PRO), des bureaux, des équipements, etc. Un nouveau système d’information a également été mis en place. Plus généralement, l’opération de fusion a impliqué la révision des systèmes de travail et des modes de fonctionnement qui étaient utilisés au préalable par les institutions d’origine. De nombreuses actions de formation technique ont été alors organisées. Elles ont ciblé tout le personnel transféré au siège de FUSION ainsi que les nouvelles recrues. Par ailleurs, une large campagne médiatique a été consacrée à l’information du public sur les prérogatives, les fonctions et missions de cette nouvelle organisation. Au début du rapprochement, le PDG de FUSION a joué un rôle central dans la gestion symbolique du changement de par, son expertise et sa maitrise des aspects techniques, sa participation effective dans le fonctionnement quotidien de FUSION, son discours fédérateur et sa proximité avec tout le personnel.

3 – Les déterminants individuels du sensemaking

4L’analyse des récits recueillis nous a permis de déceler quelques déterminants qui semblent avoir un impact à souligner dans la construction et l’évolution du sens de la nouvelle organisation. Ils concernent les ancres de carrière (Millward et Kyriakidou, 2004 ; Schein, 1978), le statut hiérarchique (Marmenout, 2010), la position par rapport au changement (adhésion versus résistance) (Skalén, 2004) et l’ancienneté et l’âge (Allard Poesi, 2005 ; Maurel, 2010 ; Weick, 1995 ; 2005). Ainsi, nous avons construit des matrices par rôle autour de ces dimensions ayant un poids dans le processus de sensemaking. Cette forme présente pour chaque groupe de répondants, la nature de la perception et une brève description de la dynamique identitaire.

3.1 – Les ancres de carrière

5Les récits développés par les répondants contiennent des visions différentes du soi professionnel, autrement dit, de la représentation que se fait chacun de son orientation de carrière. Ce constat rappelle le modèle de Schein (1978) qui définit l’ancre de carrière comme étant le concept de soi de la personne. Il s’agit de l’orientation principale autour de laquelle l’identité professionnelle est fondée. L’analyse des récits professionnels a mis en évidence l’impact de quatre ancres de carrière. Ce sont les ancres rattachées à la stabilité/emploi, au dévouement, à la compétence managériale et l’ancre technique/fonctionnelle.

Tableau 1

L’impact des ancres de carrière sur la dynamique identitaire

Tableau 1
Ancre de carrière Nature de la perception Description de la dynamique Stabilité emploi une vision utilitariste distante. Le sens assigné à l’organisation issue de la fusion évolue en fonction de l’évaluation individuelle de l’impact du changement sur les rapports interpersonnels et sur le rapport aux lieux. Un jugement est porté également sur le niveau d’expérience acquise par les organisations en matière sociale et pour ce qui est de la logistique mise en place. De plus, l’évolution de la situation matérielle guide à bien des égards la manière de définir l’organisation post fusion. Dévouement Perception humaniste La vision de la réalité organisationnelle est axée sur l’évaluation de la portée et de l’importance des services rendus aux bénéficiaires, des caractéristiques sociales des collègues et du Top management. Le sens assigné à l’organisation dépend dans une large mesure des considérations éthiques (respect ou pas des normes éthiques dans le travail et des relations interpersonnelles). Compétence managériale Perception utilitariste Les composantes de la centralité et de la singularité perçues sont issues du niveau de satisfaction du personnel et de leurs attentes par rapport à la situation professionnelle. Technique fonctionnelle Perception techniciste distante La notion de compétence est commune aux discours de toutes les personnes à ancrage technique. Elles manifestent un fort degré d’identification professionnelle et non pas organisationnelle. Leurs propos relatifs à la fusion sont dominés par une terminologie technique. La définition assignée à la nouvelle organisation évolue en fonction des perspectives de développement personnel.

L’impact des ancres de carrière sur la dynamique identitaire

6Nous avons pu identifier les ancres de carrière à travers l’histoire professionnelle racontée par les répondants, dans leur manière de parler de leur organisation d’origine et de l’organisation issue de la fusion telle qu’ils l’ont perçue au moment du rapprochement et comme ils la conçoivent au moment du recueil des récits. Loin des considérations techniques, les personnes à ancre stabilité/emploi définissent l’organisation sous l’angle de la qualité des relations interpersonnelles (stabilité affective). Par ailleurs, si l’identification des personnes proches de la retraite dépasse les frontières physiques de l’organisation pour se situer au niveau du lieu d’implantation (stabilité géographique), celle des répondants moins âgés est fondée sur la stabilisation ou l’affirmation de l’expérience de l’organisation dans son domaine d’activité (stabilité technique). Ainsi, la stabilité qui fonde les identités individuelles semble avoir un poids dans l’évolution du sens attribué à l’organisation issue de la fusion. En fait, cet axe identitaire fondamental a été remis en cause, ce qui s’est traduit par la prédominance d’une identité de retrait (Sainsaulieu, 1988) qui caractérise cette situation de désengagement et de faible identification envers « fusion ». La notion de servir une cause est primordiale pour les personnes dont l’orientation professionnelle est celle du dévouement (Cerdin, 2004). A cet égard, nous remarquons un accent particulier mis sur les multiples services fournis aux citoyens par l’organisation d’origine. Quand elles parlent de l’organisation, les personnes ayant cette ancre de carrière insistent également sur les qualités qui les distinguent comme la conscience envers la tâche chez certains et la proximité et la compassion à l’égard des bénéficiaires chez d’autres. Ce sont des valeurs qui leurs sont propres et qui caractérisent ce collectif revendiquant une identité fusionnelle (Sainsaulieu, 1988) dont la centralité est rattaché à la conviction d’apporter du soutien à autrui. Par ailleurs, nous pouvons également signaler que l’ancrage de ces valeurs auprès de ce groupe a fait que celui-ci perçoit des disparités culturelles qui expliquent l’émergence d’un sentiment d’insatisfaction et des réticences à admettre la fusion avec autrui porteur d’une autre culture (Kroon et al, 2009). Les répondants porteurs de l’ancre de la compétence managériale insistent sur les notions d’égalité et d’homogénéisation des droits, ce qui rejoint les résultats des études ayant mis l’accent sur le rôle porteur des sentiments de justice versus injustice organisationnelle et de la comparaison des situations sur ce volet précis avant et après rapprochement dans l’attribution du sens à la fusion (Seo et Hill, 2005). L’analyse des récits de vie révèle la quasi-absence de toute sensibilité affective relationnelle ou sociale dans la construction identitaire de ces personnes mues essentiellement par un désir d’ascension sociale (Cerdin, 2004). Ainsi, il apparait que l’ancre de la compétence managériale coïncide avec l’identité affinitaire au sens de Sainsaulieu (1988). Cette situation concerne les personnes qui se placent sur l’axe séparatiste dans leur relation avec l’organisation de sorte qu’aucun attachement affectif ne puisse les empêcher de suivre leurs ambitions professionnelles et statutaires. Les répondants à ancre technique / fonctionnelle présentent l’organisation en des termes plus techniques que les autres répondants. Leur identification à leurs métiers fait qu’ils se perçoivent comme étant les professionnels de l’organisation et parlent beaucoup plus en profondeur du dossier traité par l’organisation et des raisons du rapprochement. L’euphorie qui a accompagné leur participation active à la mise en place de la nouvelle organisation a cédé la place à une distanciation par rapport à cette dernière qu’ils perçoivent actuellement comme étant tout simplement une administration qui fournit des services. Cette catégorie perçoit clairement la réussite du rapprochement : « FUSION a réussi ». C’est comme pour souligner leur propre réussite en tant que partie prenante du changement mis en place. Un haut cadre de la Direction Financière s’est défini en ces termes : « Je suis parmi les fondateurs de FUSION ». En fait, l’expertise qu’ils détiennent fait de cette catégorie le fer de lance de l’organisation (Handy, 1995). Leurs qualifications légitiment leur position de force et consolident l’identité de négociation dont ils sont porteurs (Sainsaulieu, 1988). Leur identification professionnelle plutôt qu’organisationnelle fait qu’ils cherchent la consolidation continue de leurs acquis techniques (Cerdin, 2004).

3.2 – Le statut hiérarchique

7La littérature a mis en évidence des divergences en matière de construction du sens entre les personnes appartenant à des catégories statutaires différentes (Marmenout, 2010). Les répondants sollicités lors de notre étude appartiennent à trois catégories qui sont celles d’« agent », de « cadre moyen » et « cadre supérieur ». Ainsi, nous avons construit une matrice par rôle qui présente, pour chaque catégorie, l’évolution du sens attribué à l’organisation issue de la fusion.

Tableau 2

L’impact du statut hiérarchique sur la dynamique identitaire

Tableau 2
Statut Nature de la perception Description de la dynamique Agent Vision utilitariste et sociale La dynamique de l’évolution est axée sur une évaluation de la situation matérielle et de l’ambiance de travail. Ce sont les deux thèmes évoqués pour décrire l’organisation à différents moments du processus de changement. Cadre moyen Perception utilitariste et techniciste Le sens assigné à la nouvelle organisation évolue en fonction des considérations techniques à la lumière desquelles les répondants ont jugé le degré de réussite ou d’échec du rapprochement. La valorisation de l’encadrement est aussi un critère retenu pour définir la nouvelle organisation. Cadre supérieur Perception techniciste distante L’identification au métier a impliqué une distanciation par rapport à l’organisation que cette catégorie définit dans le cadre d’une terminologie technique. Le sens assigné a changé à partir d’une évaluation du niveau de satisfaction des besoins de développement personnel.

L’impact du statut hiérarchique sur la dynamique identitaire

8La plupart des récits recueillis auprès des agents mettent en évidence le poids des dimensions relationnelle, utilitariste et technique. Le dernier volet technique se rapporte à l’expérience capitalisée par l’organisation dans un domaine à vocation sociale. Ainsi, l’évolution de l’identité assignée à « FUSION » à la suite du rapprochement est régie par des considérations utilitaristes loin de toute identification particulière à l’organisation. Leur engagement, en dehors de celle-ci, associé à leur position à un niveau hiérarchique bas explique leur retrait. Les récits de la vie professionnelle des cadres moyens convergent vers une perception techniciste de la mission de l’organisation et une image utilitariste du Top management (reconnaissance ou pas à l’égard du personnel). Ayant une certaine expérience dans le domaine et justifiant d’une ouverture d’esprit sur ce qui se passe à l’échelle nationale et internationale (Thomas et Dunkerley, 1999), cette catégorie a construit une perception plus approfondie et réaliste de la fusion. Les répondants faisant partie de la catégorie des cadres supérieurs présentent également un ancrage technico-fonctionnel au sens de Schein (1978). Cette orientation est facilement discernable dans l’angle plus technique sous lequel ils définissent la mission de l’organisation d’origine. Leur identification au métier et à leur expertise (Balmer et Soenen, 1999) a fait émerger chez eux, au début, la conviction d’être « les parties prenantes de premier rang » voire même « les fondateurs » de la nouvelle organisation. Ensuite, l’émergence du vocable administration dans la perception actuelle de la nouvelle organisation témoigne de la remise en cause d’une vision glorifiant au moment du rapprochement l’organisation qui en est issue. La perception partagée de sa réussite ou du moins de son évolution n’a pas empêché les cadres supérieurs de la reclasser au même niveau que les autres organisations publiques en l’absence de perception d’une singularité particulière. Cette distanciation par rapport à la nouvelle organisation est liée au manque de perspective d’enrichissement personnel. Mis à part leur nomination à des postes de haute responsabilité en contre partie, en quelque sorte, de leur expertise, les cadres supérieurs aspiraient à se voir consolider leur expertise et acquis professionnels et techniques (Clark et Salaman, 1998) ce qui n’a pas eu lieu. Ceci les a fait revenir vers la réalité administrative. Ce constat rappelle à bien des égards les résultats de l’étude menée par Monin et al (2013) qui a relevé l’impact des processus de construction du sens de la justice organisationnelle dans sa dimension distributive sur le déroulement de l’intégration post fusion.

3.3 – L’ancienneté

9Pour rendre compte de l’impact de cette dimension sur la construction et l’évolution du sens, nous avons retenu des intervalles de temps tels qu’ils ont été mis en relief dans les récits. La différence que nous avons pu décelée réside entre les répondants au début de leur carrière ayant intégré la nouvelle organisation au moment du rapprochement, ceux qui ont déjà passé quelques années dans l’une des organisations impliquées dans la fusion, les répondants à la mi-carrière et ceux qui sont proches de la retraite. La matrice par rôle suivante illustre nos constats.

Tableau 3

L’impact de l’ancienneté sur la dynamique identitaire

Tableau 3
Ancienneté Nature de la perception Description de la dynamique Début de carrière (entrée en organisation au moment de la fusion) Vision matérialiste administrative formelle au début en progression vers l’idéalisation. Le recrutement par intervention des proches a été associé au début à une vision utilitariste de l’organisation. Ensuite, cette vision a cédé la place à une perception idéalisant l’organisation, le service qu’elle rend et le PDG. Début de carrière (dans l’une des organisations) Vision utilitariste et sociale. La manière de définir l’organisation évolue dans le cadre d’une appréciation faite par les individus de leur situation professionnelle ainsi que de la qualité de l’ambiance au travail (conflits). Mi-carrière Vision sociale, utilitariste et techniciste. Ce groupe de répondants est plus techniciste dans sa manière de voir l’évolution de l’organisation en évoquant le cadre relationnel ainsi que des pratiques et des lacunes relatives aux choix effectués. Néanmoins, dans le sens assigné à l’organisation, il demeure dépendant de la reconnaissance manifestée par le Top management à son égard en termes de fonctions et de nominations accordées. Fin de carrière Vision humaniste nostalgique. La dynamique du sens assigné à la réalité organisationnelle est cadrée par une évaluation jugée négative de la nature de l’ambiance de travail et des relations entre collègues. Cette dépréciation est appuyée par une sensibilité accrue au déménagement qui a eu lieu.

L’impact de l’ancienneté sur la dynamique identitaire

10La catégorie des nouvelles recrues était très sensible aux discours du Top management idéalisant le rapprochement et l’organisation elle-même qui en était la résultante. Ces discours euphoriques ont induit une forte identification de ces jeunes recrues à l’organisation. Ceci explique en partie la définition qu’ils lui ont assignée, après une certaine période passée au sein de cette institution, à savoir « la plus grande entreprise publique tunisienne ». Notons également que la forte identification dont ils font preuve a impliqué de leur part l’adoption d’attitudes positives envers l’énorme charge de travail qu’ils étaient censés supporter (Kroon et al, 2009). D’ailleurs, les récits recueillis auprès des répondants de cette catégorie ont révélé des représentations partagées autour de la rapidité du rythme de travail. Ces représentations s’avèrent dissonantes par rapport à leurs convictions antérieures concernant le travail administratif. En ce qui concerne la particularité de l’organisation, elles la rattachent à la nature humaine des services rendus. D’ailleurs, l’analyse des récits montre une fierté que cette catégorie ressent par rapport à l’appartenance à une organisation à vocation sociale. Ceux qui sont à leur début de carrière et qui viennent des deux organisations font partie de la catégorie des cadres moyens. Ils vivent encore un tiraillement entre l’ancre fusionnelle et l’ancre de la compétence managériale (Schein, 1978). D’ailleurs, comme l’explique Gosselin et al (2009), les individus au début de leur carrière sont en période d’exploration et de recherche de leur voie professionnelle. Ceci se traduit par un rapport envers l’organisation encore instable. Ayant passé une période assez courte dans leur organisation d’origine, ils étaient socialisés particulièrement en ce qui concerne les aspects humains rattachés à l’exercice de leur fonction. Leur adhésion à certaines valeurs ne les a pas empêchés de choisir l’axe de l’ascension statutaire lorsque l’occasion s’est présentée. Ainsi, la coexistence auprès de cette catégorie des deux tendances professionnelles justifie l’amalgame des préoccupations décelées dans leur récits et la combinaison entre les volets sociaux (conflits inter-clans, nature humaine du travail) et ceux professionnels (perspectives d’évolution de la carrière). A la différence des répondants au début de leur carrière et issus des organisations impliquées dans la fusion, l’ancrage culturel et professionnel des répondants à leur mi-carrière est plus intense. Ceci explique l’assignation d’un sens à la nouvelle organisation en fonction de référentiels hérités de leur expérience passée. Ces cadres interprétatifs concernent le niveau de reconnaissance manifestée par le Top management à l’égard du personnel, le contenu du travail et les rapports aussi bien en interne qu’avec les bénéficiaires. Pour cette catégorie, les possibilités d’ascension statutaire demeure un référentiel de base puisqu’ils souhaitent souvent connaître une transition professionnelle (Mercure et al, 1991). En effet, la perception d’opportunités professionnelles a facilité leur identification à la nouvelle organisation (Rouzies, 2011). Les notions d’« ambiance familiale » et de « conscience tranquille » dans le travail sont communes aux récits des répondants en fin de carrière. Leur regret par rapport au passé dépasse les considérations relationnelles pour toucher les aspects contextuels, plus particulièrement, le déménagement vers un nouveau siège (Elsbach et al, 2005).

3.4 – La position par rapport au changement : Adhésion versus résistance

11Les attitudes de résistance ou d’adhésion au changement émanent d’une lecture des effets de ce dernier (Vas, 2006). L’analyse approfondie des récits rend compte des disparités dans l’évolution du sens assigné à l’organisation issue de la fusion entre ceux qui ont adhéré au changement et ceux qui ont manifesté de la résistance. Les partisans du changement insistent sur l’homogénéisation des services et l’établissement de l’égalité entre les bénéficiaires perçues comme composantes de la mission de la nouvelle organisation. Ils partagent également les mêmes représentations relatives au rôle catalyseur du PDG dans la mise en place de l’organisation ainsi que par rapport à l’ambiance de travail imprégnée par les tensions et par une logique de concurrence interne. Néanmoins, des disparités selon le statut hiérarchique ont été décelées dans l’évolution du sens assignée à l’organisation issue de la fusion.

Tableau 4

L’impact de la position par rapport au changement sur la dynamique identitaire

Tableau 4
Position/du changement Nature de la perception Description de la dynamique Adhésion Vision humaniste pour les agents. Vision utilitariste pour les cadres moyens. Vision utilitariste distante pour les hauts cadres. Les agents se situent sur l’axe humaniste et relationnel. Ils définissent l’organisation en fonction de ce que les bénéficiaires allaient en tirer en termes d’avantages. Le sens qu’ils assignent à la nouvelle entité dépend de leur appréciation du climat organisationnel. Les répondants de la catégorie des cadres moyens assignent un sens à la réalité qui évolue en fonction des perspectives de carrière et de la qualité des relations entre collègues. Les répondants de la catégorie des hauts cadres se considèrent comme partie prenante fortement impliquée dans la mise en œuvre du rapprochement. Leur niveau d’expertise et professionnalisme est à l’origine d’une culture métier qui justifie la distanciation par rapport à l’organisation. Ils assignent un sens à l’organisation sous l’angle de la satisfaction de leurs attentes en termes de développement personnel. Résistance Vision idéalisant le passé et utilitariste par rapport au présent et futur. L’évolution du sens assigné à la nouvelle organisation s’est faite sous un angle nostalgique par rapport au passé. La vision idéalisant le passé a été consolidée par une évaluation négative du niveau d’expérience de la nouvelle organisation qui s’est manifesté par des lacunes logistiques et juridiques du rapprochement. Le sens attribué à la nouvelle organisation a été également imprégné par la rupture sociale constatée à la suite du déménagement au nouveau local. L’organisation est devenue alors synonyme d’un salaire perçu.

L’impact de la position par rapport au changement sur la dynamique identitaire

12Ainsi, nous pouvons dire que la vision des agents a évolué sur la base de l’évaluation des aspects sociaux et relationnels dans l’organisation et de l’apport de la fusion pour eux en tant que bénéficiaires aussi des services. Si l’adhésion des cadres à la démarche a été fondée sur un calcul des gains à obtenir en termes d’évolution professionnelle et d’enrichissement personnel, leur vision actuelle de l’organisation demeure dépendante de la même perspective. Les récits des répondants manifestant de la résistance à l’égard du changement présentent un attachement commun à certaines caractéristiques de l’organisation d’origine qu’ils ont prises comme référentiels dans leur construction du sens de la nouvelle organisation. Ainsi, les répondants issus de PRO évoquent le prestige de leur cadre relationnel du travail et ceux issus de COOL soulignent leur habileté relationnelle avec les bénéficiaires. L’obligation de rompre avec ces aspects composant en partie leurs identités est venue déclencher un mécanisme de défense servant pour le maintien de leur concept de soi (Brown et Starkey, 2000). En effet, ces répondants fortement impliqués dans leur ancien régime de travail n’arrivent pas à admettre son obsolescence, ce qui les a engagés dans une position de déni. A ce propos et contrairement aux constats de Rouzies (2011), nous pouvons dire que leur forte identification à leur organisation d’origine a alimenté leur résistance et réduit les possibilités de leur adhésion à la nouvelle réalité organisationnelle post fusion.

3.5 – L’âge

13Selon les premières théorisations du sensemaking (Weick, 1995), ce processus est ancré dans un mouvement de construction identitaire dont certaines ressources sont puisées à partir des différents groupes d’appartenance (Kauffman, 2004). En effet, les tendances générales que l’analyse a permis de déceler confirment une variation des représentations en fonction de l’appartenance des répondants à l’une ou l’autre de trois tranches d’âge (25-35 ans ; 35-50 ans ; 50-60 ans). Les répondants âgés entre vingt cinq et trente cinq ans sont, en majorité, des nouveaux venus à l’administration. Ils partagent un profil cognitif construit autour de certains référentiels issus de leur socialisation anticipatrice (Le Blanc et al, 2000) et ancrés dans leur identité professionnelle désirée (Dubar, 2000). Les cadres de référence hérités des milieux socialisant ont inculqué aux jeunes répondants une certaine vision du secteur public porteur d’« une culture administrative axée sur le désengagement et la paresse ». Ainsi, la pression et le rythme de travail qu’ils ont endurés au début, étaient perçus comme caractéristiques distinctives de FUSION par rapport aux autres institutions publiques. De plus, la culture arabe à forte distance hiérarchique (Hofstede, 1983) peut être à l’origine de la socialisation des jeunes à l’acceptation du pouvoir des leaders organisationnels et à une certaine distance dans le rapport avec la hiérarchie. Elle est de la sorte à l’origine de la singularité perçue de la proximité avec la direction de FUSION. De plus, les jeunes diplômés partagent des représentations relatives aux avantages offerts par différentes entreprises. A cet effet, il s’agissait pour eux d’une fusion entre deux institutions perçues comme gratifiantes sur le plan statutaire, par rapport au reste des organismes publics. Ils s’attendaient alors à ce que l’organisation qui en résulterait présente les mêmes avantages distinctifs. Leur identification à ce nouveau cadre de travail a été renforcée par deux facteurs, à savoir, la satisfaction de leurs attentes identitaires et la consolidation de leur identité et de leur estime de soi grâce à un discours managérial idéalisant l’organisation nouvellement constituée. Sur le plan culturel, certaines affirmations donnent lieu à des soupçons relatifs à l’émergence de conflits intergénérationnels. Pour les jeunes recrutés à l’occasion de la fusion, nous pouvons donner l’exemple de l’extrait du récit recueilli auprès d’une jeune cadre de la Direction Financière : « Les anciens étaient habitués à la paresse. D’ailleurs, certains occupaient des postes de responsabilité par ancienneté et non pas par mérite. Nous étions recrutés, et chargés de dossiers particuliers pour participer à la mise en place de l’organisation et notre travail doit être reconnu du moins c’est ce que nous espérons. Ils nous demandent de leur fournir des informations gratuitement. Autrement dit, ils veulent obtenir des informations sur lesquelles nous avons travaillé jour et nuit au début. Qu’ils fournissent un peu d’effort ici tout le monde doit travailler ». Chez les jeunes qui disposent d’une plus grande ancienneté, l’hostilité est orientée non pas vers les plus âgés mais plutôt vers les nouvelles recrues. Ces tensions tournent autour des valeurs que les plus anciens ont déjà intériorisées à l’occasion de leur passage, plus ou moins court, dans leur institution d’origine. Le poids de ces valeurs du partage, de la collaboration, de vouloir servir l’administration rend compte de la rapidité de l’œuvre de la socialisation organisationnelle auprès des jeunes diplômés. Initialement dépourvues d’un référentiel culturel organisationnel antérieur, ces personnes sont donc disposées à intérioriser rapidement les nouveaux cadres de références si, bien entendu, ceux-ci ne viennent pas compromettre leurs convictions propres et leur image de soi (Dubar, 2000). Les répondants qui se situent sur la tranche d’âge entre trente cinq et cinquante ans sont tous issus de l’une ou l’autre des organisations impliquées dans la fusion. Leur expérience passée leur a fourni un background référentiel formé de certaines représentations par rapport aux valeurs, routines et pratiques, à la relation avec la hiérarchie et à la nature de l’engagement dont ils font preuve à l’égard de l’organisation. Ainsi, leur vision de l’organisation nouvellement constituée va se construire sur la base d’une comparaison technique avec ce qui se pratiquait auparavant et en s’appuyant sur une évaluation de leurs acquis par rapport à ce qu’ils ont déployé comme effort. Pour ce qui est des personnes âgées entre cinquante et soixante ans, elles sont proches de la retraite et perçoivent leur carrière comme étant déjà derrière elles. Leur relation à l’organisation est reconfigurée sous l’angle du rapport gain versus perte personnels. Cette distanciation est compensée par un retour réflexif sur soi. La perception des caractéristiques centrales et distinctives de la nouvelle organisation est guidée par une évaluation de ce qui allait se répercuter à leur échelle personnelle. La fusion a été interprétée, pour les agents âgées en terme de perte sociale alors que pour les cadres, elle a été interprétée en termes d’épanouissement personnel. L’extrait suivant du récit d’un haut cadre financier peut illustrer ce vécu : « A notre âge, participer à la mise en place d’un projet d’une grande envergure veut dire donner un plus à l’administration, c’est en quelque sorte finir la carrière en beauté ». Si les agents proches de la retraite n’ont pas pu faire le deuil de leur passé et surmonter leur nostalgie, les cadres, eux, ne voyant pas vraiment leur besoin d’épanouissement satisfait, se sont repliés sur eux-mêmes en ne donnant à l’administration que juste ce qu’il faut selon leurs estimations personnelles. Ceci s’est traduit pour les deux catégories par l’absence de toute forme de singularité perçue de la nouvelle organisation et une non identification à la sphère organisationnelle.

Conclusion

14Cet article avait pour objectif d’explorer le processus de sensemaking interorganisationnel sous l’angle du poids de facteurs relevant de la personne elle-même. Il a, ainsi, reconfirmé l’interférence entre les identités individuelles et l’identité organisationnelle. Par ailleurs, l’analyse a porté sur chaque dimension à part. Néanmoins, leur interdépendance semble évidente dans la réalité organisationnelle. De plus, l’analyse de l’impact de certaines dimensions individuelles sur le processus de sensemaking de la nouvelle identité organisationnelle a mis en évidence leur poids dans l’émergence d’une variété identitaire concernant la nouvelle organisation au moment du rapprochement. Notre travail a révélé un rapprochement partiel des points de vue qui peut être associé à une évolution vers une nouvelle version identitaire de l’organisation issue de la fusion. Néanmoins, l’analyse rend compte du non achèvement de la phase de sélection d’une version identitaire organisationnelle. En effet, l’étude a été menée auprès du personnel du siège et d’une unité externe quatre ans après leur établissement. C’est une période qui peut paraître insuffisante pour permettre l’accomplissement d’un processus longitudinal (Evrard, 1996 ; Leroy, 2003) tel qu’un rapprochement culturel et identitaire. Néanmoins, l’analyse des récits nous a permis de rejoindre Weick (1979 ; 1995) sur la possible coexistence de plusieurs versions du sens attribué à la nouvelle organisation sans que cela n’entrave le développement du système. Partant d’une lecture approfondie des déterminants et, particulièrement, ceux individuels du processus de sensemaking, il semblerait dans le cas étudié que la diversité persisterait toujours en orientant le personnel vers la construction d’une méta-identité organisationnelle autour de représentations centrales d’ordre général (Rometsch, 2004) sans pour autant fusionner les différentes versions identitaires en présence. Nous pensons que quelques apports sont à mettre à l’actif de ce travail notamment la focalisation sur le sensemaking inter-organisationnel supposant un réajustement des cadres cognitifs. La présente recherche a porté sur le sensemaking de l’identité organisationnelle lors d’une fusion de deux entreprises à backgrounds culturels distincts. Elle se distingue de cette manière des contributions antérieures qui ont été davantage consacrées à l’étude du processus de part et d’autre de la fusion, autrement dit, au sein de groupes disposant chacun d’un système de références propre. A cet égard, trois corpus théoriques ont été croisés pour aborder la question sous l’angle conceptuel, à savoir la littérature sur l’identité organisationnelle, celle portant sur le sensemaking et les travaux sur les défis culturels et identitaires lors des fusions. La recherche effectuée est, également, porteuse d’enseignements utiles aux responsables de l’administration publique et aux gestionnaires des ressources humaines exerçant plus particulièrement dans les entreprises publiques. Les organisations du secteur public tunisiens ne semblent pas manifester un intérêt particulier pour leur dimension humaine ce qui ne favorise, généralement, de leur part, aucun investissement dans le développement du professionnalisme des gestionnaires du capital humain. De plus, la sensibilité pour les questions humaines et le professionnalisme en la matière ne sont pas nécessairement concomitants dans l’administration publique qui est, de plus, dans l’obligation de gérer le décalage entre les discours de propagande politique de promotion et de développement des ressources humaines et les pratiques encore au stade administratif de l’évolution de la fonction.


Annexe 1

Grille de l’analyse identitaire des récits

tableau im5
Catégories Thèmes Sous thèmes -Image de la mission -Image de l’organisation Les identités Les composantes centrales -Image du leader (PDG) organisationnelles d’origine -Image de l’activité et celles nouvellement -Image des attitudes construites Les composantes distinctives Particularités versus ressemblances par rapport à autrui (les autres organisations impliquées dans la fusion).

Grille de l’analyse identitaire des récits

Annexe 2

Grille d’analyse des déterminants individuels du sensemaking

tableau im6
Catégories Thèmes Sous thèmes Ancres de carrière Stabilité/emploi Dévouement Compétence managériale Technique/fonctionnelle Agent Cadre moyen Cadre supérieur Perception de soi. Perception du cadre relationnel interne et externe. Perception de l’activité et du rôle de l’organisation. Statut hiérarchique Nature du rapport à l’organisation. Ancienneté Début de carrière Début de carrière Mi-carrière Fin de carrière Nature du rapport avec le Top management. Rythme et nature du travail. Perception de la situation professionnelle. Perception de la nature du cadre relationnel. Perception des attitudes du Top management à l’égard du personnel. Perception du contenu et du cadre du travail. Perception du cadre relationnel. Nature du rapport aux lieux. Position par rapport au changement Adhésion Résistance Apport de la fusion pour les bénéficiaires. Ambiance et cadre de travail. Gains professionnels. Développement personnel. Regret du niveau d’expérience de l’organisation d’origine. Perception du niveau de préparation de la démarche. Perception des lieux et vécu du déménagement. Ambiance de travail. Nature du rapport à l’organisation. Age Tranche (25-35 ans) Tranche (35-50 ans) Tranche (50-60 ans) Perception de l’avenir professionnel désiré. Perception du cadre relationnel intra et intergénérationnel. Perception du discours du Top management et des pratiques managériales. Perception du contenu et du cadre relationnel de l’activité. Evaluation du rapport contribution-rétribution. Evaluation du rapport gains-pertes personnels.

Grille d’analyse des déterminants individuels du sensemaking

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Mots-clés éditeurs : identité organisationnelle, enactment/sélection/rétention, fusion, déterminants individuels, sensemaking

Date de mise en ligne : 12/03/2014

https://doi.org/10.3917/rimhe.011.0092

Notes

  • [1]
    Enseignante universitaire Sciences de gestion, Institut Supérieur des Études Appliquées en Humanités, Le Kef, Tunisie - leilabouzaien@yahoo.fr
  • [2]
    En conformité avec le principe de confidentialité, nous avons choisi des pseudonymes pour préserver l’anonymat des parties impliquées.

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