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Article de revue

Éthique et gestion du résultat comptable

Pages 17 à 32

Notes

  • [1]
    Doctorant sciences de gestion - CEDAG (EA 1516) Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité e_lamrani@yahoo.fr
  • [2]
    Enron, Tyco et WorldCom aux États-Unis, Vivendi-Universal en France, Nortel au Canada, Parmalat en Italie et Ahold aux Pays-Bas.
  • [3]
    Bien qu’il n’existe pas de consensus sur le sujet, nous retenons ici pour la gestion du résultat la définition suivante (Jeanjean 2002) : « l’utilisation de la flexibilité du modèle comptable afin de répartir dans le temps la sécrétion du résultat pour répondre aux enjeux légaux, économiques et organisationnels de la firme ».
  • [4]
    Pour une revue de la littérature complète des incitations et contraintes de la gestion du résultat, voir les travaux de Mermousez (2009), Mard (2002) et Jeanjean (2001, 2002).
  • [5]
    Dans les pays de droit codifié (France, Allemagne, Japon).
  • [6]
    Dans les pays de droit coutumier (États-Unis, Canada, Royaume-Uni et Australie).
  • [7]
    Bruns et Merchant (1990) ; Lambert et Sponem (2003) ; Graham et al. (2005).
  • [8]
    Bien qu’il n’existe pas de définition consensuelle de l’éthique nous retenons celle de Mercier (2002, p. 34), l’éthique est « la réflexion qui intervient en amont de l’action. C’est une recherche identitaire qui a pour ambition de distinguer, par une réflexion personnelle, la bonne et la mauvaise façon d’agir, elle vise donc à atteindre une sagesse de l’action. Les notions relatives de bon ou mauvais se forgent à partir du système de valeurs et des attitudes des acteurs. ».
  • [9]
    Contrairement à la prudence, la régularité et la sincérité, l’image fidèle n’est curieusement pas définie dans la terminologie du plan comptable 1982. Rappelons qu’à la suite de la réforme, la partie du PCG 1982 consacrée à la terminologie n’a pas été reprise dans le PCG 1999.
  • [10]
    American Institute of Certified Public Accountants.
  • [11]
    Merchant (1987) et Merchant et Rockness (1994).
  • [12]
    Comme une compétence professionnelle et donc « La disposition à mobiliser, à combiner et mettre en œuvre des ressources (savoir, savoir-faire, savoir être) ; elle n’apparaît qu’en situation de travail à partir de laquelle elle est évaluable ». Elle est la résultante d’une rencontre entre les ressources éthiques de chaque professionnel du chiffre et des situations de travail qui favorisent leur mise en œuvre.
  • [13]
    En y associant les membres des organes dirigeants et délibérants des entreprises (les administrateurs …).
  • [14]
    Selon Sen (1996), « L’évaluation soigneuse des conséquences est au centre de l’éthique financière et ne peut pas être remplacée par les attraits du « devoir » indépendants des conséquences ».
  • [15]
    La terminologie anglo-saxonne distingue les analystes sell-side, employés par des institutions qui vendent des services aux investisseurs (courtage, banque d’affaires, recherche pure), des analystes buy-side collaborant avec des gérants de portefeuille potentiellement acheteurs de titres. Par « analyste(s) » ou « analyste(s) financier(s) », nous faisons référence exclusivement aux analystes sell-side. Seules les analyses et prévisions de ses derniers sont véritablement tournées vers le marché et ont une influence significative sur celui-ci. Celles produites par les analystes buy side sont réservées à leurs employeurs.
  • [16]
    Issues de la théorie positive de la comptabilité (Watts et Zimmerman, 1986).
  • [17]
    Le terme « sciences comptables », pris dans un sens large, englobant l’ensemble des sciences dites du chiffre (comptabilité financière, managériale, contrôle de gestion, audit, …).
  • [18]
    Notamment LSF (la Loi de Sécurité Financière du 1er août 2003).
  • [19]
    Experts-comptables et commissaires aux comptes.

Introduction

1Les scandales financiers [2] des années 2000 ont été source d’interrogations dans plusieurs travaux académiques en comptabilité. Les auteurs se sont notamment interrogés sur l’ampleur des comportements discrétionnaires des dirigeants en matière d’information comptable et financière diffusée par les entreprises. La comptabilité en tant que représentation objective d’une réalité économique s’est retrouvée en manque de légitimité. Elle continue à faire l’objet de toutes les attentions, particulièrement auprès du grand public qui a découvert la fragilité de son impartialité et de son objectivité (Lambert et Sponem, 2003). Un mouvement législatif a été engagé et les auteurs identifiés des manipulations réalisées ont été juridiquement sanctionnés. Néanmoins, on peut se demander si ces démarches juridiques et législatives sont suffisantes pour que le système soit durablement sécurisé. La recherche comptable, à travers la théorie positive de la comptabilité (TPC), a examiné les manipulations comptables dont la gestion du résultat [3] sous un angle exclusivement économique. Les approches compréhensives et sociologiques ont été peu adoptées (Lambert et Sponem, 2003 ; Macintosh, 1995). Dans cette optique, nous optons dans cet article pour une perspective explicative et compréhensive afin de mettre en exergue la dimension éthique dans la gestion du résultat. Cette dernière est étroitement liée à la discrétion laissée aux dirigeants du fait de l’existence de choix comptables. Elle se fait dans le respect de la réglementation comptable. Ses déterminants développés dans la littérature académique [4] placent l’individu au centre des mécanismes de production et de contrôle de l’information financière. En effet, la comptabilité comme « élément du jeu social » mène immédiatement à un questionnement éthique. En conséquence, nous nous intéresserons particulièrement à l’éthique des « acteurs » de la gestion du résultat (producteurs et utilisateurs de l’information comptable) avec comme objectif d’apporter des éléments de réponse à la question de recherche suivante : la gestion du résultat comptable peut-elle être éthique ?

2Le résultat comptable constitue une faible proportion de l’information financière globale fournie par les entreprises cotées. Néanmoins, il est une composante essentielle de l’information diffusée aux marchés financiers (Lakhal, 2006). C’est un élément important qui permet aux différentes parties prenantes de pouvoir juger la performance financière de l’entreprise. Sa qualité est définie comme la capacité de celui-ci à refléter fidèlement la performance économique (Raffournier, 2009). Dans des pays comme la France [5], le résultat comptable serait avant tout considéré comme une richesse à partager entre les diverses parties prenantes de l’entreprise sous forme de dividendes (actionnaires), d’impôts (État), et de primes (salariés et dirigeants). En revanche dans des pays comme les États-Unis [6], l’objectif de la comptabilité est de servir les besoins des investisseurs. Ces derniers étant avant tout intéressés par la capacité du résultat à refléter fidèlement la performance économique réelle de l’entreprise. Dans tous les cas, Il y a une préférence pour un résultat non manipulé, incorporant immédiatement les bonnes et les mauvaises nouvelles. L’objectivité du résultat comptable étant impossible et la norme incertaine, l’éthique doit prendre le relais. C’est la signification profonde de la notion britannique de true and fair view traduite de façon raccourcie et ambiguë en français par « image fidèle » (Colasse, 2007). À défaut d’être vraie (true), l’image de l’entreprise produite par la comptabilité doit être loyale (fair). L’éthique est ainsi convoquée pour pallier les insuffisances éventuelles de la technique.

3Avant de développer la dimension éthique des professionnels de la comptabilité (2), nous développerons la considération éthique dans la pratique de gestion du résultat (1). Ainsi, en nous basant sur des études qualitatives [7], peu nombreuses, nous essayons de porter un regard éthique sur la gestion du résultat.

1 – La gestion du résultat comptable comme source de questionnements éthiques

4Pour traiter de l’éthique, il convient au préalable de préciser cette notion par rapport à d’autres qui bien qu’elles soient voisines restent fondamentalement différentes : la morale et la déontologie. La morale « correspond à la démarche par laquelle un individu se conforme à des règles ou des normes préétablies pour déterminer ce qui est bien ou mal » Claude (2002, p. 50). Selon Even-Granboulan (1998, p. 14), elle est « la recherche de la part de l’individu de règles d’action universelles, c’est-à-dire valides en tout temps et en tout lieu ». L’auteure définie également la déontologie comme « un ensemble de règles d’action propres à un groupe professionnel précis » (p. 16) et l’éthique comme « un ensemble de règles d’action collectives, relatives à une société et à une époque donnée » (p. 15). Claude (2002, p. 51) souligne que « l’approche éthique considère que l’idéal de qu’il est bon de faire procède d’une construction personnelle ». Pour Claude (2002, p. 51), « l’éthique est plus pragmatique que la morale, dans la mesure où elle peut représenter une démarche progressive, alors que la morale positionne chacun d’une façon plus absolue dans le champ du bien ou dans celui du mal ». En effet, la question de l’éthique est universelle et permanente. Contrairement à la morale, l’éthique est amenée à avoir un contenu qui évolue (Honoré, 1999). En comptabilité, l’éthique [8] « serait alors un ensemble de règles collectives relatives à une société et à une époque donnée. La « collectivité » concernée serait l’ensemble des professionnels de la comptabilité et des utilisateurs des documents de synthèse » (Honoré, 1999, p. 123). L’auteure ajoute « que l’éthique se différencie de la déontologie, d’application plus réduite, compte tenu des différents corps professionnels composant la « collectivité » » (p. 124). Dans cette perspective, elle considère que le concept d’image fidèle relève bien de l’éthique, ce qui n’est ni un concept moral, ni un concept déontologique. En effet, l’image fidèle conditionne, selon Honoré (1999), les pratiques et comportements d’individus appartenant à une « collectivité » faites de corps professionnels différents. Si la déontologie comptable pose le problème du rapport des règles à la profession, la comptabilité comme jeu social pose celui du questionnement éthique (Pesqueux, 2000). Ainsi, l’éthique telle que nous l’envisageons dans cet article est l’éthique au sens d’éthique personnelle. Elle part de l’individu et concerne la façon dont il peut se construire une bonne conduite en situation professionnelle. Bien entendu les réflexions et les pratiques occasionnées par l’éthique dans les affaires nourrissent l’éthique personnelle (Claude, 2002). Mais l’éthique dans les affaires n’aborde pas de front la manière dont chaque acteur de la production et du contrôle de l’information comptable peut viser une bonne conduite.

1-1 – L’image fidèle : une conception de l’éthique mieux appropriée à la gestion du résultat

5Les normes comptables visent à mettre en lumière le chemin à suivre pour atteindre l’objectif d’image fidèle de la comptabilité. Leur correcte application semble donc essentielle et fait l’objet de deux principes supplémentaires, qualifiés de principes éthiques : le principe de régularité d’une part, et le principe de sincérité d’autre part. Selon le principe de régularité, le respect des normes comptables revêt un caractère obligatoire. Ces dernières ne constituent pas une simple référence que l’on pourrait choisir d’ignorer. Sauf exception, il n’est pas question d’y déroger. Elles doivent être appliquées à la lettre. Ceci est toutefois insuffisant. En effet, pour comptabiliser un événement donné, il arrive que plusieurs solutions puissent être envisagées. Il faut donc non seulement respecter les normes, mais aussi le faire de bonne foi et choisir celles qui reflèteront au mieux la réalité économique de l’entreprise. Tel est le principe de sincérité. Respectés, ces deux principes sont censés garantir l’atteinte de l’objectif d’image fidèle.

6Le PCG 1982 [9] (en son titre I) indiquait ainsi : « A effet de présenter des états reflétant une image fidèle de la situation et des opérations de l’entreprise, la comptabilité doit satisfaire, dans le respect de la règle de prudence, aux obligations de régularité et de sincérité ». L’image fidèle de la situation financière d’une entreprise exige donc que les documents comptables soient établis dans le respect des principes de régularité et de sincérité. Dans certains cas, la gestion du résultat comptable se fait en violation du principe de sincérité, comme le soulignent Breton et Taffler (1995, p. 82) : « Bien que les états financiers gérés soient rigoureusement conformes à la loi et aux règles comptables, ils ne respectent pas toujours leur esprit ». La réflexion sur la gestion du résultat conduit à s’interroger sur la place de l’éthique en comptabilité.

7Les postulats comptables émanent d’un univers économique et financier où la vertu première semble être l’efficacité (Honoré, 1999). Ainsi, l’AICPA [10] mentionne que « la comptabilité financière vise à refléter les aspects de l’environnement économique et financier dans lequel elle opère ». Ce type d’encadrement ne peut que favoriser la maximisation des intérêts individuels, parfois divergents, des agents-utilisateurs-producteurs des informations comptables et financières, et créer des pressions ou conflits sur la définition même des normes au sein des organismes de normalisation, ou sur le choix de la politique comptable au sein des entreprises. Un tel environnement pour la comptabilité peut sembler contradictoire avec une finalité éthique supposant la prise en compte, au moyen d’un « instrument » de régulation, de l’intérêt général, c’est-à-dire du « plus grand commun rassembleur » des intérêts de toutes les parties prenantes. Il semble donc que « l’éthique a quelque chose à dire à la comptabilité » Pesqueux (2000, p. 676). En effet, l’élément éthique, parce qu’il est difficile à appréhender, peut se situer non pas au niveau des postulats de base des théories comptables, mais au niveau des objectifs de la comptabilité. Le PCG (1999) place désormais l’image fidèle au rang de l’unique objectif de la comptabilité. Il s’agit bien, en effet, d’une notion d’ordre éthique rappelant d’avantage les règles du jeu, dotée d’une logique particulière plutôt que les directives d’un code de bonne conduite. L’image fidèle se positionne simultanément comme concept éthique de la comptabilité et élément central de la représentation économique, grâce auquel peuvent être conciliées les contradictions du cadre comptable. Ceci lui donne alors une dimension supérieure et finalisante. La question d’une éthique comptable est loin de représenter un effet de mode. Elle est héritière du débat éthique mené en économie. En effet, la comptabilité est en partie subordonnée à l’économie (Honoré, 1999), l’économie politique intégrant les individus et leurs calculs dans un contexte plus large que celui de la recherche d’un niveau optimal d’allocation de ressources par exemple. Elle permet de replacer les agents et les relations qu’ils nouent entre eux dans un champ qui intègre les autres activités humaines par-delà les activités économiques. C’est dans ce cadre que le débat éthique peut être mené. L’agent comptable (au sens large) ne peut donc être réduit à un agent rationnel. L’existence du concept d’image fidèle justifie que soit attendu de lui un jugement subordonné à une finalité d’ordre éthique. Une valeur supérieure telle que l’image fidèle peut guider l’agent comptable dans ses décisions comme des principes éthiques peuvent guider le comportement de l’agent économique. Le choix éthique ne se posant que là où il existe un degré de liberté d’action, la gestion du résultat, étant réalisée dans le cadre légal, elle nous amène à nous interroger, en conséquence, sur la place de l’éthique des acteurs dans leurs choix comptables discrétionnaires. Des acteurs dont les appréciations éthiques sont divergentes.

1-2 – Éthique et pratiques comptables : une divergence d’appréciation

8Le rôle de l’éthique en comptabilité interpelle sur l’acceptabilité des pratiques comptables susceptible d’orienter les choix comptables des entreprises (Mard, 2002). En effet, le degré d’acceptabilité se situe sur un continuum allant des pratiques unanimement reconnues comme inacceptables (les fraudes par exemple) jusqu’aux pratiques jugées acceptables, car légales et informatives. Des études [11] proposent plusieurs facteurs ayant un impact sur l’acceptabilité des décisions comptables : la nature (comptable ou réelle), l’intention de tromper, la transparence, la significativité, la période (l’année ou le mois), la date (fin d’exercice en particulier) et la motivation des décisions (augmentation des bonus). Cependant, Merchant et Rockness (1994) soulignent que le respect des règles en vigueur et le sens (augmentation ou diminution du résultat) de l’impact de l’action sur le résultat n’influencent pas le degré d’acceptabilité des opérations envisagées. En outre, il semble que les professionnels ne considèrent pas les méthodes conservatrices comme plus acceptables que les méthodes augmentant les résultats. Cette dernière conclusion va à l’encontre du principe de prudence qui encourage les méthodes conservatrices (Mard, 2002). Il y a donc une grande hétérogénéité de perception de l’acceptabilité des pratiques comptables (Merchant, 1989 ; Bruns et Merchant, 1990).

9Par ailleurs, l’étude de Kaplan (2001), qui a interrogé 94 étudiants en MBA sur l’acceptabilité des pratiques comptables en leur proposant plusieurs scénarii de gestion du résultat, indique que l’acceptabilité de cette dernière au sein d’une entreprise peut changer selon que la personne interrogée est ou non actionnaire de cette même entreprise. En effet, la gestion du résultat est jugée plus acceptable par les actionnaires lorsqu’elle s’opère au profit de l’entreprise et non au profit des dirigeants. En revanche, les non-actionnaires ne tolèrent pas davantage la gestion du résultat qui bénéficie à l’entreprise que celle qui profite aux dirigeants. De plus, selon l’enquête réalisée par Rosenzweig et Fischer (1994), il semble que les comptables expérimentés sont plus tolérants à l’égard de la gestion du résultat. Par conséquent, le risque est que l’accoutumance à des pratiques de gestion du résultat rende celles-ci plus « supportables ». Afin de prévenir ce développement des pratiques de gestion du résultat au sein des entreprises, les dirigeants peuvent encourager les comportements éthiques au sein de leur entreprise. En effet, l’utilisation de la comptabilité doit reposer sur une éthique des professionnels qui assument la responsabilité de traduire dans les états financiers d’une entreprise l’image d’une réalité économique.

10En conséquence, dans la mesure où l’éthique constitue un des véhicules des pratiques de gestion du résultat, on peut s’interroger sur l’éthique des acteurs qui interviennent directement ou indirectement dans le processus de production et de contrôle de l’information comptable et financière.

2 – La gestion du résultat et l’aspiration éthique des professionnels du chiffre

11La majorité des situations qui font appel à l’éthique, dans la réalité quotidienne des professionnels du chiffre, sont de la nature d’un dilemme. Le dilemme éthique est une situation complexe, à laquelle ne peuvent répondre adéquatement les lois ou les normes édictées dans les codes de déontologie ou les politiques de l’entreprise, où la meilleure décision à prendre n’est pas claire et où le décideur est souvent tiraillé (Legault, 1999). Comme toutes les situations qui font appel à l’éthique (Girard, 2007), celles de la gestion du résultat se présentent également sous des formes diverses. Néanmoins, elles ont généralement en commun l’existence d’un conflit, soit entre deux ou plusieurs valeurs chez le décideur lui-même, soit entre les valeurs que le décideur trouve importantes dans les circonstances et celles préconisées (formellement ou non, par une autre personne ou par son entreprise), soit entre certaines de ces valeurs et la nécessité d’atteindre un certain but, soit finalement entre les intérêts de diverses parties prenantes dans la situation donnée (le contexte économique) (Toffler, 1986). Noël et Krohmer (2010) souligne que la compétence éthique [12] permet dès lors au sujet d’apporter une réponse juste. C’est en ce sens que la réflexion sur la gestion du résultat qui nous intéresse, dans cet article, repose sur le champ de l’éthique (et non sur sa forme déontologique). Tout particulièrement, l’éthique des dirigeants, des contrôleurs de gestion (1), des auditeurs externes et des analystes financiers (2).

2-1 – L’éthique des « producteurs » de l’information comptable

12La déontologie ne peut pallier certains actes de gestion comptable des dirigeants. En effet, elle n’est qu’un ensemble de savoirs explicités dans des règles, et de savoir-faire mis en œuvre et contrôlés par les dirigeants eux-mêmes. Elle ne peut donc en aucun cas constituer un palliatif aux manquements aux valeurs de management (Levy, 2004).

13Sans éthique de la part de ceux qui produisent l’information, le risque est que le modèle comptable, complètement déconnecté du réel, ne devienne un « simulacre » de l’entreprise, utilisé à des fins de communication. Parmi les producteurs de l’information comptable et financière, nous nous intéressons tout particulièrement aux dirigeants [13] et aux contrôleurs de gestion.

Les dirigeants et les membres des organes de direction

14Il est avéré que la flexibilité des règles comptables permet aux dirigeants d’exercer leur jugement pour publier des résultats en fonction d’objectifs discrétionnaires (Watts et Zimmerman, 1986, 1990). En effet, si l’on considère que les dirigeants sont mieux informés que les investisseurs sur les perspectives de leur entreprise, ils ont intérêt, dans un but de signalisation, à communiquer au marché, par une gestion adéquate du résultat comptable, l’information privée qu’ils détiennent (Janin et Piot, 2008). Or, même si la plupart des investisseurs ont une lecture relativement sophistiquée des états financiers, il n’est pas aisé de distinguer si les dirigeants gèrent de façon opportuniste et donc trompeuse les chiffres qu’ils publient, ou si, au contraire, ils visent par leur intervention à renforcer le contenu informatif des chiffres comptables afin de mieux informer le marché sur les perspectives de l’entreprise. Subramanyam (1996) suggère que les dirigeants usent de leur pouvoir discrétionnaire pour renforcer le contenu informatif des résultats qu’ils publient. Cela peut être une des motivations vertueuses des dirigeants en la matière (Janin et Piot, 2008). D’où l’intérêt d’examiner la gestion du résultat, également, sous l’angle éthique. En ce sens, l’éthique du dirigeant ne devrait pas être mise en place pour la satisfaction d’obligations immédiates telles que la garantie d’une valorisation boursière exponentielle ou la satisfaction d’une partie prenante particulière. Sen (1996) situe le problème de l’éthique financière dans la relation entre les devoirs et les conséquences [14]. L’exemple de la défense de la maximisation du profit au nom de la responsabilité fiduciaire des dirigeants envers les actionnaires illustre à merveille ce piège de la déontologie « puriste ». Sen (1996) stigmatise cette attitude qui ne prend pas en compte ses propres conséquences sociales et économiques.

15En effet, l’idée selon laquelle les dirigeants manipulent les données comptables, afin d’influencer les décisions des investisseurs, est centrale dans un grand nombre de travaux académiques en comptabilité. Cependant, il faut rappeler que les informations comptables ne sont pas issues seulement du bon vouloir des dirigeants et sont l’aboutissement d’un processus de reporting subissant des validations internes de l’ensemble des acteurs de cette chaine de production de l’information.

16Ainsi, outre les dirigeants qui assument la responsabilité juridique vis-à-vis des parties prenantes, les administrateurs, les membres du conseil de surveillance et les responsables de la comptabilité financière à qui revient un pouvoir de validation interne participent, chacun selon ses attributions et son périmètre, à l’élaboration des états financiers. Leur éthique individuelle est tributaire de leur positionnement hiérarchique et de leurs conceptions des destinataires de l’information comptable. Les contrôleurs de gestion font du reporting pour le siège par exemple et s’ils sont épargnés de la pression des marchés (des parties prenantes externes), ils sont assujettis à une hiérarchie, et leur performance (réduction des coûts ou leur optimisation) détermine les rétributions qui leur sont accordées et qui sont basées entre autres sur des objectifs chiffrés.

17Il est donc évident que les dirigeants ne sont pas les seuls à chercher ou à tenter de manipuler des informations comptables pour modifier la perception de la situation financière de l’entreprise que s’est forgée les autres parties prenantes directement concernées.

Les contrôleurs de gestion

18La gestion du résultat, qui est finalement un euphémisme désignant des manipulations comptables, concerne les reporting externes mais aussi les reporting internes. Les manipulations des reporting internes sont aujourd’hui étroitement liées aux reporting externes (Macintosh, 1995). Les garants de la fiabilité de l’information en interne sont pour une large part les contrôleurs de gestion, c’est donc également à eux que nous nous intéressons pour mettre en exergue la dimension éthique de la gestion du résultat. En effet, au sein des entreprises, le contrôleur de gestion est un des acteurs importants du processus de production de l’information comptable et financière. Il encadre la prévision et la consolidation des comptes. Il délivre de l’information aux dirigeants mais doit aussi en obtenir de leur part afin de fournir à la direction les « bons signaux », et de gérer efficacement les prises de risques des opérationnels (Lambert et Sponem, 2003).

19Lambert et Sponem (2003) se sont intéressés aux enjeux internes pouvant conduire à gérer le résultat. Les auteurs ont examiné le discours de contrôleurs de gestion pour chercher à comprendre comment et pourquoi le contrôleur de gestion serait incité à y participer, alors que ce rôle est à l’opposé de celui qui lui est assigné dans la littérature. Ils soulignent, à l’occasion, les limites des postulats de maximisation et d’opportunisme proposés par la théorie positive de la comptabilité (TPC).

20En effet, il semble que les contrôleurs de gestion présentent la gestion du résultat comme un comportement éthique, en estimant que c’est un moyen de « garder un espace de liberté entre les besoins du métier et les injonctions qui viennent du haut » (Macintosh, 1995, p. 306). Ainsi, la gestion du résultat apparaît aux yeux des contrôleurs de gestion comme une attitude éthique, une solution pour faire face à la pression des marchés financiers. Selon Lambert et Sponem, (2003), les contrôleurs de gestion ressentent les dangers d’une orientation exclusivement financière (pour eux et pour l’entreprise) et entreprennent, en coopération avec les opérationnels, des ajustements comptables afin de laisser à ces derniers une marge de manœuvre pour mener à bien leur stratégie, sans être systématiquement obsédés par « l’allure de leur compte de résultat ». Gérer le résultat apparaît à leurs yeux comme une façon de s’investir d’un nouveau rôle celui de modérateur entre les attentes du marché et la réalité de l’activité et du terrain. Ce rôle réside dans la gestion des équilibres entre les décisions stratégiques de la direction et leur faisabilité sur le terrain. Lorsque ces décisions semblent illégitimes ou déraisonnables, les contrôleurs de gestion semblent disposer à jouer un rôle de tampon, notamment grâce à la gestion du résultat.

21Au-delà de situations ponctuelles et dans un contexte de financiarisation des économies et des entreprises, l’arrêté des comptes met à l’épreuve l’éthique du contrôleur (Danziger, 2009). Alors que la communauté financière s’accorde sur une prévision de profit, il n’est pas rare selon Danziger (2009) qu’il y ait divergence entre ce consensus et les faits. Soumis à des obligations de performance, les dirigeants sont tentés de gérer le résultat et de déconnecter les états financiers de la réalité. Sans le vouloir et tout en le sachant, le contrôleur devient complice de la gestion du résultat comptable. Il s’agit d’une situation où il se sent obligé de se conformer aux attentes de son supérieur ou de l’entreprise, malgré l’existence d’un conflit avec ses valeurs, à défaut de quoi il pourrait en payer le prix, soit par la terminaison de son emploi, soit par un impact sur son avancement professionnel, ou par d’autres incidences personnelles (Toffler, 1986). Il s’agit bien d’une situation de dilemme éthique où le contrôleur de gestion sent parfois qu’il a beaucoup moins de choix que ce qu’il croyait (Girard, 2007). En effet, dans les entreprises plutôt hiérarchisées, nombreux sont ceux qui considèrent que toute directive venant d’en haut est obligatoire, sans déterminer dans quelle mesure ils pourraient en contester l’opportunité, ou simplement faire preuve de créativité et d’ingéniosité pour l’exécuter de la façon qu’ils jugent meilleure (Toffler, 1986).

22À travers l’étude de la gestion du résultat, on constate que, loin d’être exceptionnels, les dilemmes éthiques susceptibles de se présenter aux producteurs de l’information comptable sont nombreux. Les utilisateurs-contrôleurs de l’information comptable n’en sont pas épargnés. On considère, en effet, que ces derniers partagent avec les producteurs la décision de gérer le résultat comptable. Nous nous intéressons particulièrement aux auditeurs externes et aux analystes financiers.

2-2 – L’éthique des « utilisateurs » de l’information comptable

Les auditeurs externes (les commissaires aux comptes)

23Il apparait clairement que la représentation comptable ne peut être et n’est jamais totalement objective. Elle est toujours plus ou moins subjective et véhicule même et inéluctablement les intentions de ceux qui la font, en l’occurrence : les dirigeants d’entreprise assistés de leurs comptables (au sens large). Selon Colasse (2007), l’objet à représenter, l’entreprise, n’est pas réel dans tous ses éléments et il est de ce fait insaisissable, sa représentation ne peut être que construction. Cette construction obéit à des conventions juridiques, d’essence sociale, qui sont les normes comptables. Elles l’ancrent dans le système capitaliste mais laissent une marge de liberté au dirigeant d’entreprise. Cette liberté comptable du dirigeant d’entreprise, évoquée précédemment, est sous le contrôle de l’auditeur externe, l’auditeur légal notamment (le commissaire aux comptes). C’est à l’auditeur de maintenir les dirigeants de l’entreprise sur le chemin, pas si étroit que cela, d’une pratique juridiquement et socialement acceptable et c’est lui qui, en dernier ressort garantit la « vérité » de représentation de l’entreprise incorporée dans les états comptables.

24En effet, l’audit a un rôle privilégié à jouer dans la limitation de la gestion du résultat (Janin et Piot, 2008). En certifiant l’information publiée, les auditeurs externes engagent leur responsabilité et, par là même, contribuent à renforcer la confiance de ses utilisateurs. Les auditeurs externes doivent notamment veiller au respect des deux qualités essentielles de l’information énoncées dans la plupart des cadres conceptuels, à savoir fiabilité et pertinence. Sous l’angle de la fiabilité, c’est-à-dire l’absence d’irrégularités significatives, l’auditeur est là en tant que rempart contre l’opportunisme managérial. Sous l’angle de la pertinence, c’est-à-dire l’utilité pour la prise de décisions économiques, l’auditeur est en quelque sorte un agent qui permet d’optimiser le signal véhiculé par la composante discrétionnaire du résultat comptable (Janin et Piot, 2008). Globalement, c’est la qualité de l’auditeur externe qui devrait permettre aux utilisateurs de l’information comptable de distinguer entre ces deux alternatives. La capacité d’un auditeur à se montrer rigoureux et indépendant est généralement appréciée par sa taille (DeAngelo, 1981) ou par sa réputation (Klein et Leffler, 1981).

25Comme le soulignent Fortin et Martel (1997), il est généralement admis que l’auditeur, dans sa fonction d’attestation des états financiers, doit agir en fonction des intérêts, souvent contradictoires, de divers groupes d’utilisateurs tels que les créanciers, les actionnaires ou les organismes de réglementation si bien qu’en rédigeant son rapport sur la fiabilité des résultats publiés dans le rapport annuel d’une entreprise, l’auditeur assume une triple responsabilité. Il doit veiller à ce que les investisseurs disposent d’une information suffisante pour apprécier les risques et les perspectives de gain, porter un jugement sur la pertinence de l’information à divulguer et tenir compte de l’intérêt du public. Si la compétence technique s’acquiert au cours d’une formation accréditée, la compétence éthique « repose sur la capacité et les aptitudes à rendre des jugements moraux » (Fortin et Martel, 1997, p. 61).

26En conséquence, la liberté de jugement doit reposer sur un niveau élevé de sensibilité éthique, complété par un véritable comportement éthique. La sensibilité éthique de l’auditeur se traduit par sa capacité morale à privilégier l’intérêt général au sien et à faire face à toutes les pressions qui peuvent le conduire à émettre un avis favorable alors que les états financiers ne reflètent pas une image fidèle, ou encore à ne pas révéler des manœuvres frauduleuses. L’éthique est donc un ensemble de convictions personnelles et professionnelles qui mènent les auditeurs à croire que certains actes vont entraver l’objectivité et l’intégrité nécessaire pour protéger l’intérêt général (Kirk, 2005). C’est pourquoi les normes comptables veillent à limiter au maximum les choix éthiques de l’auditeur (Snider et McKnight, 2004). Par ailleurs, pour promouvoir les comportements éthiques, certains cabinets développent des chartes internes dont l’efficacité est remise en cause (Holmquist, 1993).

Les analystes financiers

27Les analystes [15] sont considérés comme des experts des marchés financiers, des secteurs et des entreprises qu’ils suivent. Leur avis est recherché. Ils sont prescripteurs, intermédiaires et de plus en plus commerciaux. Ils utilisent les informations divulguées par les entreprises et les informations relatives à leurs environnements externes afin de donner des conseils et des recommandations aux investisseurs concernant l’achat, la conservation ou la vente de titres. Les analystes exercent également une activité de prévision des résultats comptables et opérationnels des entreprises qu’ils couvrent. Bien que leurs prévisions de résultat comptable puissent constituer, dans une certaine mesure, une incitation à la gestion du résultat, l’évaluation des performances des entreprises par les analystes leur donne surtout un pouvoir de pression sur les dirigeants de ces dernières (Mard et Schatt, 2009). Elle peut constituer une force de dissuasion à l’encontre de la gestion opportuniste du résultat (Jeanjean et Stolowy, 2008).

28Ces pressions -qui se manifestent à travers des questions ou commentaires lors des réunions de présentation ou des one-on-one ou lors des écrits que sont leurs avis (repris dans les dépêches d’agences comme Reuters) et leurs rapports- confèrent dans une certaine mesure un rôle social aux analystes financiers. Ainsi, l’éthique personnelle de l’analyste prend toute son importance car elle peut lui permettre d’avoir une cohérence dans son jugement professionnel afin d’assurer pleinement son rôle disciplinaire. En ce sens, les analystes financiers peuvent également centrer leurs analyses sur les questions de gouvernance, de ressources humaines, de protection environnementale ou des consommateurs. Ils sont ainsi invités à inclure dans leur recherche des considérations éthiques et sociétales, au-delà des performances strictement financières. Évaluer la performance durable de l’entreprise implique d’appréhender tous les facteurs de risques latents, qu’ils soient environnementaux, sociaux ou éthiques. Dans cette perspective, il n’existe pas une perception unique du résultat mais des perceptions multiples qui sont le produit de constructions mentales individuelles ou collectives et qui sont susceptibles d’évoluer au cours du temps.

Conclusion

29L’objectif de cet article est de contribuer à l’étude des déterminants de la gestion du résultat comptable. Les études [16] faisaient ressortir le rôle important du contexte économique et financier qui produit les incitations, le modèle comptable qui fournit les instruments, et le modèle de gouvernance qui peut constituer une contrainte à la gestion du résultat sont nombreuses. En examinant cette littérature abondante sur les différents aspects de la gestion du résultat (définitions, mesures, incitations et contraintes), nous nous sommes rendu compte du peu d’études francophones cherchant à comprendre sa dimension éthique, particulièrement les dilemmes éthiques auxquels font face les acteurs de la production et du contrôle de l’information comptable. Après les manquements à l’éthique comptable dans plusieurs affaires aux États-Unis et en France, de nombreux débats et réflexions ont animé le milieu des sciences comptables [17] (universitaires, normalisateurs et praticiens). Les lois [18] qui ont été promulguées en conséquence exigent un niveau de performance supérieur pour les cabinets comptables en termes de vérifications et exigence de transparence. Ainsi, outre les compétences techniques, les diligences fixées par la profession et son encadrement déontologique [19], on ne peut négliger la dimension de l’éthique personnelle des acteurs dans la prévention et la détection de la gestion du résultat. Il semble donc que l’éthique a quelque chose à dire à la gestion du résultat. De l’éthique en comptabilité comme discours, comme représentation et comme interaction sociale permet donc au résultat comptable d’offrir une image fidèle à l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise. Les décisions de gestion de résultat sont rarement le fait de quelques individus peu recommandables ou seulement le fait d’influences organisationnelles, comme les directives d’un supérieur, la pression des pairs ou les récompenses. La prise de décision éthique relative à des éléments comptables s’avère plutôt un processus complexe où tant des variables individuelles que des variables organisationnelles sont susceptibles d’agir sur le décideur et sur les choix qu’il fera. Ainsi, bien qu’il reste toujours une marge d’autonomie décisionnelle plus ou moins grande aux dirigeants, aux contrôleurs de gestion, aux auditeurs et aux analystes, leurs décisions pourront être plus ou moins influencées par la culture organisationnelle, qui à son tour pourra être influencée par le contexte économique et le secteur d’activité (Girard, 2007). En effet, les contrôleurs de gestion, percevant le risque d’une dérive financière pour la pérennité de l’entreprise, gèrent le résultat et le présente comme un acte éthique. La gestion du résultat est ainsi une pratique dont la motivation peut être la préservation de l’intérêt de l’ensemble des parties prenantes. Cependant, elle ne peut être considérée comme éthique d’un point de vue universel puisque la gestion du résultat empêche les dirigeants et les actionnaires de faire la meilleure allocation possible des ressources (Macintosh, 1995). La réflexion que nous avons menée dans cet article révèle, à la lumière des travaux antérieurs, la complexité de cette pratique et la dimension paradoxale de l’éthique des acteurs de la gestion du résultat. Elle permet de sortir d’une conception univoque de cette dernière. En effet, la gestion du résultat est considérée dans une certaine mesure comme la possibilité de maintenir une prise de risques nécessaires à l’efficacité économique du système sans discréditer les dirigeants. À l’évidence, il peut y avoir de l’éthique dans la gestion du résultat. Néanmoins, la diversité des acteurs dont les éthiques individuelles sont complexes et parfois divergentes fait que la convergence des objectifs et très difficile à obtenir. Les acteurs n’y ont intérêt que si les bénéfices (en termes de réputation notamment) excèdent les coûts d’opportunité (liés au renoncement à la gestion des résultats). Indéniablement, l’appréhension de ce phénomène mérite d’être étudiée de manière plus approfondie et ainsi venir consolider le peu d’études qualitatives sur la gestion du résultat avec des approches sociologiques voire philosophiques.

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Mots-clés éditeurs : éthique, gestion du résultat, image fidèle

Date de mise en ligne : 02/02/2013

https://doi.org/10.3917/rimhe.002.0017

Notes

  • [1]
    Doctorant sciences de gestion - CEDAG (EA 1516) Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité e_lamrani@yahoo.fr
  • [2]
    Enron, Tyco et WorldCom aux États-Unis, Vivendi-Universal en France, Nortel au Canada, Parmalat en Italie et Ahold aux Pays-Bas.
  • [3]
    Bien qu’il n’existe pas de consensus sur le sujet, nous retenons ici pour la gestion du résultat la définition suivante (Jeanjean 2002) : « l’utilisation de la flexibilité du modèle comptable afin de répartir dans le temps la sécrétion du résultat pour répondre aux enjeux légaux, économiques et organisationnels de la firme ».
  • [4]
    Pour une revue de la littérature complète des incitations et contraintes de la gestion du résultat, voir les travaux de Mermousez (2009), Mard (2002) et Jeanjean (2001, 2002).
  • [5]
    Dans les pays de droit codifié (France, Allemagne, Japon).
  • [6]
    Dans les pays de droit coutumier (États-Unis, Canada, Royaume-Uni et Australie).
  • [7]
    Bruns et Merchant (1990) ; Lambert et Sponem (2003) ; Graham et al. (2005).
  • [8]
    Bien qu’il n’existe pas de définition consensuelle de l’éthique nous retenons celle de Mercier (2002, p. 34), l’éthique est « la réflexion qui intervient en amont de l’action. C’est une recherche identitaire qui a pour ambition de distinguer, par une réflexion personnelle, la bonne et la mauvaise façon d’agir, elle vise donc à atteindre une sagesse de l’action. Les notions relatives de bon ou mauvais se forgent à partir du système de valeurs et des attitudes des acteurs. ».
  • [9]
    Contrairement à la prudence, la régularité et la sincérité, l’image fidèle n’est curieusement pas définie dans la terminologie du plan comptable 1982. Rappelons qu’à la suite de la réforme, la partie du PCG 1982 consacrée à la terminologie n’a pas été reprise dans le PCG 1999.
  • [10]
    American Institute of Certified Public Accountants.
  • [11]
    Merchant (1987) et Merchant et Rockness (1994).
  • [12]
    Comme une compétence professionnelle et donc « La disposition à mobiliser, à combiner et mettre en œuvre des ressources (savoir, savoir-faire, savoir être) ; elle n’apparaît qu’en situation de travail à partir de laquelle elle est évaluable ». Elle est la résultante d’une rencontre entre les ressources éthiques de chaque professionnel du chiffre et des situations de travail qui favorisent leur mise en œuvre.
  • [13]
    En y associant les membres des organes dirigeants et délibérants des entreprises (les administrateurs …).
  • [14]
    Selon Sen (1996), « L’évaluation soigneuse des conséquences est au centre de l’éthique financière et ne peut pas être remplacée par les attraits du « devoir » indépendants des conséquences ».
  • [15]
    La terminologie anglo-saxonne distingue les analystes sell-side, employés par des institutions qui vendent des services aux investisseurs (courtage, banque d’affaires, recherche pure), des analystes buy-side collaborant avec des gérants de portefeuille potentiellement acheteurs de titres. Par « analyste(s) » ou « analyste(s) financier(s) », nous faisons référence exclusivement aux analystes sell-side. Seules les analyses et prévisions de ses derniers sont véritablement tournées vers le marché et ont une influence significative sur celui-ci. Celles produites par les analystes buy side sont réservées à leurs employeurs.
  • [16]
    Issues de la théorie positive de la comptabilité (Watts et Zimmerman, 1986).
  • [17]
    Le terme « sciences comptables », pris dans un sens large, englobant l’ensemble des sciences dites du chiffre (comptabilité financière, managériale, contrôle de gestion, audit, …).
  • [18]
    Notamment LSF (la Loi de Sécurité Financière du 1er août 2003).
  • [19]
    Experts-comptables et commissaires aux comptes.

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