Couverture de RIIE_021

Article de revue

Intelligence territoriale : une lecture retro-prospective

Pages 65 à 97

Notes

  • [1]
    Schwarz E., « Toward a Holistic Cybernetics. From Science Through Epistemology to Being », Cybernetics and Human Knowing, Vol. 4 n° 1, Alborg, 1997.
  • [2]
    Morin, E., Introduction à la pensée complexe, 158 p, « Points Essais », n°534, Seuil, Paris.
  • [3]
    Poche B, L’espace fragmenté. Eléments pour une analyse sociologique de la territorialité, L’Harmattan, Paris, 1996.
  • [4]
    Atlan H., A tort et à raison, Seuil, Paris, 1986.
  • [5]
    Bailly & al, Collectif, Stratégies spatiales : comprendre et maîtriser l’espace. GIP reclus, Montpellier, 1995.
  • [6]
    Poche B., déja cité
  • [7]
    Major W.,«Approche systémique du territoire», Colloque de la Systémique, Université de Zurich, 1999.
  • [8]
    Schwarz E, Toward a Holistic Cybernetics. From Science Through Epistemology to Being, Cybernetics and Human Knowing, Vol. 4 n° 1, Alborg, 1997.
  • [9]
    Prelaz-Droux R, Conception d’un système d’information à référence spatiale pour l’aménagement et la gestion du territoire, Approche systémique et procédure de réalisation, EPFL, Lausanne, Suisse, 1995.
  • [10]
    Prelaz-Droux R., (1995) op cité.
  • [11]
    Prelaz-Droux R., (1995) op cité.
  • [12]
    Bertacchini Y, «How to federate some local resources by developing new links ? », Proceedings of ISA 23 Conference Rio de Janeiro, The Endless Transition, Sciences Studies, USA, 2000.
  • [13]
    Jodelet D, Représentations sociales : un domaine en expansion, in «Les représentations sociales». Sociologie d’aujourd’hui, PUF, Paris, 1997.
  • [14]
    Sciences de l’information et de la communication
  • [15]
    LOADDT : Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement Durable du Territoire (portées par les ministres successifs Chevènement, Gayssot, Voynet)
  • [16]
    La version en anglais du guide (HarmoniCOP Handbook) est téléchargeable sur le site http://www.harmonicop.info/
  • [17]
    La version en anglais du guide (HarmoniCOP Handbook) est téléchargeable sur le site http://www.harmonicop.info/
  • [18]
  • [19]

Le constat introductif sur la relation « dispositifs et organisation »

La mise en contexte

1Dans un contexte économique et social marqué par la globalisation des économies, l’internationalisation des échanges et leur virtualisation par l’usage des Tic, les organisations marchandes et non marchandes (Pme/Pmi, ONG, Association, Université) ont encore à écrire le scénario de leur futur marqué par une crise exceptionnelle, que personne n’a prévu et dont on ne mesure pas complètement aujourd’hui les effets malgré que Laïdi (2010)impute ces difficultés à des facteurs endogènes, « un renchérissement du coût du travail, un prélèvement sur la valeur ajoutée deux fois plus élevé en France qu’en Allemagne, une politique de délocalisation désastreuse. »

2La difficulté de cette écriture prospective réside dans la nécessité de conjuguer à la fois l’abandon d’une partie de la vision du monde de la modernité – séparation du monde en acteurs, institutions et territoires – et l’adoption d’une vision résolument novatrice « hypermoderne » qui met l’accent sur la médiation, le réseau, la traduction et, in fine, la mobilisation de compétences formées et cultivées individuellement.

L’énoncé de la problématique

3Nous exposons ici l’énoncé de la problématique de l’intelligence territoriale en ayant recours à la démarche systémique c’est-à-dire, à l’analyse relative à un système, le territoire, pris dans son ensemble et en référence à la technique des systèmes complexes telle que décrite par Morin (1990 et suivantes).

Au niveau des acteurs

4La distance de relation : La numérisation des taches entraîne inexorablement la dématérialisation de la relation voire la rupture dans l’enchaînement des taches et des relations. « On ne connaît plus les gens » est l’antienne des acteurs de l’institution qui développent une nostalgie du « bon vieux temps ».

Au niveau de l’organisation

5La distance des opérations : Les activités « spontanées », les procédures et les équipements intègrent cette « mise à distance » par la mise en place du travail collaboratif à distance. L’écran et la mémoire de l’ordinateur deviennent les lieux où se passent les choses essentielles de l’organisation.

Au niveau du territoire

6Combiner le physique et le virtuel, le proche, le local, et le lointain, le global, l’humain et le non humain : les tendances évoquées et précisées plus en avant se mesurent aux pratiques de délocalisation et d’aménagement du territoire. Acteurs économiques et sociaux, développeurs territoriaux s’interrogent sur les possibilités de maintenir et développer un tissu socio-économique tant en terme d’emploi que de création de valeur. Alors que Z. Laïdi (2010, Op Cit) énonce « Depuis 1981, la France a perdu près de 40 % de ses effectifs industriels et que depuis 2008, la création d’emplois de services ne compense plus la perte d’emplois industriels. »

  • Comment créer, voire conserver localement la chaîne de valorisation territoriale morcelée tout en intégrant les contraintes exigeantes de la compétition internationale ?
  • Existent-ils encore aujourd’hui des activités qui ne soient pas dé- ou re localisables parce qu’elles supposent un contact étroit et permanent entre offreurs et demandeurs de biens et services ?
  • Comment recourir aux technologies internet tout en évitant la dégradation de la valeur ?
  • Sur quels facteurs endogènes prendre appui pour au pire enrayer un déclin et au mieux, maintenir et développer des activités productrices de valeur ajoutée ?

Les attendus de notre argumentation introductive

7Cette triple problématique de la distance qui touche acteurs, organisation et territoire ne saurait être abordée par les moyens de la Science « sédentaire » moderne, enfermée dans les murs. Le concept triple de « réseau, médiation, traduction » développé dans l’épistémè hypermoderne nous paraît par contre plus à même d’apporter une clarification des enjeux et des solutions possibles. Nous nous emploierons à justifier cette proposition tant dans la partie théorique que dans la présentation et la description des recherches en 3e partie.

Introduction

8Au XVIIe siècle et pour trois siècles et quelque, la modernité a instauré un credo de « séparation des genres » : les chercheurs d’un côté, les praticiens de l’autre, les lettres d’un côté, les sciences de l’autre, etc. Bruno Latour (1991) souligne que cette approche a été très productive mais d’une manière assez surprenante. D’une part il y a l’idéal « officiel » de séparation des genres, de purification. D’autre part les acteurs doivent bien s’articuler à un réel qui se laisse mal découper, d’autre part les acteurs ont besoins de « comparses » hétérogènes. Le chimiste a besoin d’un mécanicien pour son équipement de laboratoire, l’économiste a besoin d’un Blaise Pascal pour lui inventer une machine à calculer, etc. Dans l’underground se pratique donc le contraire de la purification et de la séparation des genres : les hybrides terrain/concept sont choses courantes mais tout cela reste impensé, non théorisé parce que non formalisé, méconnu voire, méprisé. Le saut réalisé par l’hypermodernité est en particulier de penser ces hybrides, de créer des équipes et des concepts entre disciplines, etc.

1 – L’hypermodernité comme temps de la pensée et du dépassement de la modernité

9Le terme d’hypermodernité a pris de l’importance en 2004 avec la parution de deux ouvrages (Lypovetsky, 2004) & (Aubert, 2004). Pourtant Bruno Latour nous a expliqué, dès 1991, que « nous n’avons jamais été modernes ». Nous n’avons jamais été modernes parce que, malgré les diktats du politique et du scientifique, nous enjoignant de ne pas hybrider les pratiques ni les systèmes de pensée nous n’avons jamais cessé de le faire. Dans le système éducatif, dans le système universitaire, dans les entreprises, dans les institutions territoriales, des îlots de résistance, des pratiques underground ont maintenu la pratique des hybrides. Les vocables de « recherche action », de « socio techniques », de « psycho linguistique » montrent que le primat de la séparation des genres n’a pas été respecté même si nous devons aller plus loin aujourd’hui.

10La naissance des sciences « multiples » sciences de l’éducation et de la formation, information et communication, champ dit « sciences techniques et société » témoigne certes d’un déclin de la puissance des forces séparatrices mais nous n’en sommes pas encore à pratiquer la « transversalité » tant appelée de nos vœux parce que vitale pour envisager un avenir.

1.1 – Vers la recherche multidimensionnelle non moderne

11Comme nous l’avons souligné plus haut, il ne s’agit pas de faire table rase des acquis de la modernité. Ses représentations avec des classes d’objet, des territoires pour ces objets, des schémas pour ces objets restent très pratique. Il n’y a problème que lorsque l’on se met à « croire » dans les systèmes de classification, à agir comme si effectivement les « cases », les « branches » étaient séparées, comme s’il n’y avait ni continuum ni hybrides.

12L’organisation et son territoire, les acteurs et les DISTICS (en fait, des dispositifs) sont à considérer comme des ensembles complexes – sans tomber, comme le souligne Bruno Latour (1991) – dans des abstractions qui ne peuvent se relier aux réalités du terrain et aux exigences de la compétition.

13Un ensemble complexe se regarde d’abord selon ses différentes dimensions selon Edgar Morin (1990 et suivant). Par exemple, nous pouvons représenter les DISTIC dans un monde hypermoderne à l’aide du schéma suivant (1).

Figure 1

Matrice de concepts pour penser le DISTIC et son environnement dans l’Institution hypermoderne

Figure 1

Matrice de concepts pour penser le DISTIC et son environnement dans l’Institution hypermoderne

14Ce schéma est aidant en cela qu’il représente de manière matricielle les axes/concepts de technique, de langage et d’homme. Il est aidant en cela qu’il montre la place des «hybrides» des discours, usage et dispositif.

15Il est un signe qui ne trompe pas lorsque l’on prend en main l’étude hypermoderne d’un objet : le foisonnement de matrices à trois dimensions ou plus. Michel Foucault (1966) a dès cette époque décrit les disciplines à l’aide d’un trièdre indispensable pour comprendre comment s’articulent les modes de pensée mathématique, empirique et herméneutique.

16Une approche hypermoderne (i) mathématise ce qui peut l’être mais pas plus (ii) laisse la place à un travail empirique, praxéologique qui fait remonter ce qui peut ressortir des pratiques des acteurs, des structures de l’organisation et des dynamiques du territoire.

17Jacques Ardoino (1988) en particulier souligne que le multidimensionnel n’est pas suffisant et suggère d’en faire une lecture multiréférentielle. Nous avons traduit le propos de Jacques Ardoino par la figure schéma suivante.

Figure 2

Quand le chercheur utilise 4 référentiels pour « regarder » 4 dimensions de son objet de recherche

Figure 2

Quand le chercheur utilise 4 référentiels pour « regarder » 4 dimensions de son objet de recherche

18Il n’est pas inutile de souligner que les dimensions n’appartiennent pas à l’objet réel mais sont un construit de recherche (2). Les référentiels, ce sont des modèles mathématiques, herméneutiques, etc. empruntés à différentes disciplines ou créés par le chercheur pour la nécessité de sa Recherche.

19Au croisement d’une dimension et d’un référentiel, on a un « îlot de discours » éventuellement porteur de savoirs (dès 1966, Michel Foucault proposait cette modestie pour les Sciences Humaines).

Figure 3

L’îlot de savoir au croisement de la dimension et du référentiel

Figure 3

L’îlot de savoir au croisement de la dimension et du référentiel

20Dans le travail non moderne multiréférentiel, on a le «vide essentiel» foucaldien à la fois entre dimensions et entre référentiels.

Figure 4

Entre îlots de discours/savoir, des fentes d’ignorance

Figure 4

Entre îlots de discours/savoir, des fentes d’ignorance

21Le « credo » hypermoderne est qu’il vaut mieux une bonne construction dont on reconnaît les zones d’ombre qu’une construction où ces dernières sont ignorées. Ces propos rejoignent les exigences de la posture en Intelligence territoriale et plus précisément, les hypothèses à estimer puis valider avant la possible émergence d’un projet d’intelligence territoriale que nous aborderons plus loin dans notre article.

1.2 – De la synthèse au tryptique « réseau, médiation, traduction »

22Un penseur clé de la modernité est Georg Wilhem Friedrich Hegel (1770-1831) qui, au début du XIXe siècle publie Science de la logique à l’usage des élèves du secondaire. C’est le même auteur qui propose dans La Raison dans l’Histoire : « L’esprit est pensant : il prend pour objet ce qui est, et le pense tel qu’il est». La dialectique qui y est exposée suppose qu’il est « couramment » possible de mener un raisonnement en trois temps : thèse, antithèse, synthèse. Or, en amont de la dialectique, il est nécessaire d’avoir « terriblement simplifié » (3), d’avoir transformé un réel complexe en objet de recherche/raisonnement simple.

23Car c’est seulement sur le simplifié que peut s’exercer le jeu thèse, antithèse, synthèse. Jacques Ardoino (1988) souligne que dans la vraie vie et, dans la vie de laboratoire en particulier, le maintien de la tension entre thèse et antithèse est tout à fait primordial. Peter Sloterdijk (2002) dans son introduction à sa trilogie Sphères souligne également l’écueil hégélien. La coexistence de lectures apparemment contradictoires du réel est ainsi un autre aspect de la non-modernité. Ce n’est donc pas tant la dialectique qui est « fausse » c’est surtout la nécessaire simplification en amont qui sort le problème de sa réalité complexe.

1.3 – Appliquer la méthode hypermoderne au triptyque « acteurs, organisation, territoire »

Figure 5

Acteurs, organisation et territoire et DISTIC appropriés

Figure 5

Acteurs, organisation et territoire et DISTIC appropriés

24Notre propos est ici de suggérer une méthode, nous n’entrerons donc pas ici dans le détail. Nous compléterons nos propos dans la partie 2 réservée plus spécifiquement à la présentation de l’intelligence territoriale.

25Ce qui nous intéresse, c’est que nous avons le modèle du trièdre déjà mis en relief par Foucault (1966) puis Perret (2004) et que nous pouvons utiliser pour représenter notre triple articulation. Cette phase est indispensable en amont de notre découpe des dimensions.

26Par exemple, nous pouvons sélectionner les axes « acteur » et « territoire » et les détailler :

tableau im6
Métropole Outremer Direction DM DO Cadres CM CO Opérateurs OM OO

27Cette approche très « moderne » nous permet de définir avons ainsi 6 groupes (DM, DO, CM, etc.).

28L’approche hypermoderne que nous décrivons ici consiste à penser ces 6 groupes avec le triple concept associant « réseau, médiation, traduction. » (Latour, Op Cit)

Figure 6

Sortir les groupes de la matrice pour les penser en terme de réseau, médiation, traduction

Figure 6

Sortir les groupes de la matrice pour les penser en terme de réseau, médiation, traduction

29Soit, par exemple, une organisation dont le siège est à Nice et une unité dans l’île de La Réunion. Entre directions – DM et DO – il y a des concepts communs de management. Entre acteurs d’outremer – DO et OO – il y a une culture commune. Avec l’émergence du travail avec les DISTIC, avec l’émergence de nouveaux impératifs, il est de plus en plus probable que des échanges directs puissent se faire entre DM et OO sur des thèmes comme l’environnement ou la sécurité. L’organisation et les acteurs doivent se préparer à de telles éventualités en ayant pris la précaution de repérer et d’évaluer les compétences associées à ces opérations. Les professionnels, agents et acteurs (Bertacchini, 2006) du territoire peuvent avoir un rôle préventif et sensibiliser les organisations à ce type de risque et aux solutions possibles.

30L’exemple peut paraître trivial mais nous le vivons presque au quotidien dans le cadre de nos missions diverses. Il nous sert ici d’illustration de l’approche hypermoderne qui consiste à (i) mettre les situations en matrice (ii) explorer les dimensions (iii) « démonter » les groupes de la matrice (iv) dessiner les réseaux, lignes de médiations et de traductions (v) penser chaque ligne selon une palette de référentiels de compétences à identifier puis mobiliser.

31L’intelligence territoriale, telle que nous la concevons et pratiquons vise à répondre à ces exigences contraignantes, qui appellent une formation autre et que nous pouvons observer au quotidien au contact des acteurs locaux. Nous en présentons maintenant ses principales caractéristiques et décrivons les conditions de son exercice pour le praticien-chercheur.

2 – Intelligence territoriale : ancrage théorique, hypothèses, définition

2.1 – L’environnement et la construction de la réalité

32« L’environnement tel que nous le percevons, est notre invention. » (Von Föerster, 1973, p.74). “A growing body of new knowledge suggests that what we call reality is actually something we construct.”

33La conscience planétaire, écologique, est liée à la cybernétique, née de la seconde guerre mondiale, en réaction contre elle (Bougnoux, 1993) et Serres (1990) dans le Contrat naturel, d’évoquer les lois puis de nous inviter à les suivre pour respecter notre environnement. Certes, nous baignons au sein d’environnements variés, proche, intermédiaire et éloigné mais, comment, d’après nos pairs, nous les vivons puis comment l’intelligence territoriale se situe dans cette réponse.

34Si l’être vivant perçoit et selon Lévy (1997) compute le monde, cela signifie que l’individu projette sa réalité intérieure dans le monde, tout en étant pénétré par lui, par le biais d’une interaction circulaire qui met à mal le partage entre le sujet et l’objet.

35L’être vivant s’auto organise, stipule lui-même son but, détermine ses critères propres de distinction, d’action et ‘calcule’ un milieu incertain en pratiquant un tri, une sélection ou traduction en visant la transformation d’un désordre en son ordre (Bougnoux, Op.Cit).

  • le sujet auto organisé vit retranché derrière sa clôture informationnelle ou cognitive
  • cette clôture informationnelle est elle-même produite par la clôture organisationnelle de l’organisme ;
  • le vivant interprète les relations avec son milieu (la clôture sémiotique et le ‘j’ai l’image- mentale : la tiercéité’, (Deleuze, 1983) et ne les limite pas exclusivement à celles d’avec ses pairs (Peirce,1931-1935).
Les éléments épistémologiques précédents mettent l’accent sur l’approche relationnelle, la pragmatique ou de sujet à sujet, ou lorsque en interagissant avec l’autre, nous découvrirons ainsi la certaine incertitude quant à la règle du jeu, la manière de décrire le système et, sur le constructivisme.

36Mucchielli (2004, p.130) propose une « approche communicationnelle compréhensive » d’un phénomène comme élément d’un système « en action » composé « d’acteurs et d’objets cognitifs externes et comme élément contribuant, dans un mouvement circulaire, à l’émergence d’un autre phénomène ». Ce sera donc se situer dans le paradigme de la complexité, paradigme mis en lumière par les travaux d’E.Morin (1991 et 2005 en réédition).

37Est complexe ce qui ne peut se résumer en un maître mot, ce qui ne peut se ramener à une loi, ni se réduire à une idée simple. (Morin, 2005) ou « la réouverture des clôtures »(Bertacchini, Gramaccia, Girardot, 2006) nous invitent à re-chercher, au cas par cas, sur le terrain, immergé dans le milieu, l’inter, le maillage, les dispositifs et Sitic, les faits sociaux et, l’action. C’est pourquoi, comme l’expliquent Breton & Proulx (1989) « la communication constitue ainsi la dernière et la meilleure des idéologies ou des religions de rechange : idéologie de la conciliation universelle car elle ne se connaît pas d’ennemi, sinon le démon inévitable du bruit. ». Nous avions proposé en 2004 de situer l’intelligence territoriale entre « Information et processus de communication ».

2.2 – L’intelligence territoriale : problématique, état de l’art, champs possibles, proposition d’actions

38Bougnoux (1993, p.14) décrit le pivot de la relation partout où il pénètre « le modèle communicationnel pose la relation avant les termes de celle-ci. Il étudie non des choses mais des flux et remplace la vision sectorielle et statique du monde par l’approche de sa complexité dynamique ». Pour ce qui nous concerne, nous traiterons d’intelligence d’action associée à l’action territoriale.

39L’espace, nous l’assimilons au territoire décliné, déclinable c’est-à-dire physique et virtuel avec en interface agissante et productrice de signes, l’acteur possédant désormais en quasi instantanéité les dimensions suivantes, local et distant, nomade et sédentaire, en mode synchrone et asynchrone, sur un territoire unique et multiple à la fois. Nous associerons dans cette ultime section les mots intelligence et territoire. Nous présenterons successivement la problématique de l’intelligence territoriale, l’état de l’art, les champs d’action possibles que nous illustrerons par des propositions d’action.

2.2.1 – Problématique de l’intelligence territoriale

40En page d’accueil du portail internet de la Caenti, [http://www.territorial-intelligence.eu] nous pouvons y lire : « L’intelligence territoriale met les technologies de la société de la connaissance au service du développement durable des territoires ».

41En d’autres termes, il s’agit de comprendre et modéliser comment les acteurs vivent leur territoire (Dumas, 2006) ; comment vous, moi, les entrepreneurs, les élus, les institutions se constituent et interagissent pour donner une identité territoriale à leur communauté et la relier au monde environnant. Et réciproquement. Le concept s’est généralisé dans les années 2000, en parallèle avec le phénomène de globalisation planétaire. Il rencontre aujourd’hui l’Europe et le développement durable. C’est un phénomène d’information et de communication. En tant que branche des sciences humaines et sociales, l’intelligence territoriale est essentiellement multidisciplinaire.

42L’ « intelligence territoriale » implique des processus d’interaction, des méthodes et des outils de connaissance et d’action. Elle a notamment pour objectif de contribuer à la rénovation de la gouvernance locale.

2.2.2 – État de l’art de l’intelligence territoriale

43L’intégration des équipes de recherche et des acteurs territoriaux pour donner aux outils d’intelligence territoriale une dimension européenne remet en question l’usage des outils, méthodologies, procédures de recherche et bases de données ainsi que les pratiques, la participation, le partenariat et l’approche globale. Quel est l’état de l’art actualisé dans ce domaine qui requiert une approche multidisciplinaire des champs de la connaissance territoriale, de la gouvernance territoriale et de l’ingénierie territoriale ?

44Inscrite par le CNU 71e dans les champs relevant des Sciences de l’Information et de la Communication depuis 2004, l’intelligence territoriale éclot avec la pénétration du territoire par les Tic. Traditionnellement, l’Intelligence Territoriale s’est nourrie de l’économie, de la géographie, des Sciences et Technologies de l’Information et la Communication (STIC) et de la gestion du savoir. Les liens avec l’intelligence économique et les STIC sont souvent cités dans les définitions actuelles de l’intelligence territoriale. Les systèmes d’intelligence territoriale ont besoin d’utiliser les processus traditionnels de transmission de l’information et les technologies de l’information et de la communication à travers les sites Intranet ou Internet, la documentation, les systèmes d’information géographique -SIG-, les Systèmes Communautaires d’Information Territoriale -SCIT- et l’analyse de données.

45Les activités de recherche en Intelligence Territoriale actuellement en cours sont principalement dirigées par Jean-Jacques Girardot (http://mti.univ-fcomte.fr) ainsi que par Philippe Dumas et Yann Bertacchini (http://i3m.univ-tln.fr). Leurs définitions suivent la même dynamique et affirment que l’intelligence territoriale :

  • Concerne « tout le savoir multidisciplinaire qui améliore la compréhension de la structure et des dynamiques des territoires » (Girardot, 2002)
  • Permet « une évolution de la culture du local fondée sur la collecte et la mutualisation entre tous ses acteurs des signaux et informations, pour fournir au décideur, et au moment opportun, l’information judicieuse » (Herbaux, 2002)
  • Rapproche « l’intelligence territoriale en tant que processus cognitif et d’organisation de l’information, et le territoire en tant qu’espace de relations significatives » (Dumas, 2004)
Ou encore « un processus informationnel et anthropologique, régulier et continu, initié par des acteurs locaux physiquement présents et/ou distants qui s’approprient les ressources d’un espace en mobilisant puis en transformant l’énergie du système territorial en capacité de projet. De ce fait, l’intelligence territoriale peut être assimilée à la territorialité qui résulte du phénomène d’appropriation des ressources d’un territoire puis consiste dans des transferts de compétences entre des catégories d’acteurs locaux de culture différente » (Bertacchini, 2004).

46L’intelligence territoriale, objet et champ scientifique tel que reconnu par le Cnu 71e section en 2004, se pose à la convergence de l’information, de la communication et de la connaissance, traduit une relation ‘Espace-territoire’, succède à la territorialité, en tant que phénomène d’appropriation ou de réappropriation des ressources, enfin, permet l’énoncé du projet territorial lorsque l’échelon territorial arrive à formuler un projet de développement. D’un point de vue épistémologique et méthodologique, l’expression, certes audacieuse, d’intelligence territoriale souligne la construction d’un objet scientifique qui conduit in fine à l’élaboration d’un méta-modèle du système territorial inspiré des travaux de Schwarz [1] (Schwarz, 1997).

47Pour ce qui nous concerne, cette démarche ne vise pas exclusivement à une modélisation de nature systémique associée à une matrice des processus territoriaux de nature structuraliste et fonctionnaliste. Nous inscrivons nos travaux en Sciences de l’Information et de la Communication et, en tant que tels, ils se référent aux approches sociales, c’est-à-dire inter relationnelle, à la théorie systémique, c’est-à-dire informationnelle (théorie de l’information et de l’énergie associée imputable, entre autre, aux Tic) enfin, au constructivisme, c’est-à-dire à une approche communicationnelle en référence à la territorialité qui compose et recompose le territoire.

48Nous compléterons cette nécessaire mais synthétique présentation en rappelant, comme l’ont souligné déjà d’autres travaux, dans d’autres disciplines, que l’étude d’un territoire sous tend une connaissance initiale incertaine. Il est donc nécessaire de souligner le caractère heuristique de cette approche et d’indiquer que sur un plan ontologique, nous nous référons à une pragmatique du territoire et de ses acteurs, du Chercheur dans sa relation avec la Société. Enfin, nous croyons utile de préciser que l’intelligence territoriale ne saurait se limiter et être réduite à une démarche de veille mais, relève plutôt d’une logique de projet de type ‘Bottom up’ qui va tenter de diffuser les éléments d’une attitude pro-active ou d’anticipation des risques et ruptures qui peuvent affecter le territoire (Herbaux, 2006).

49Dans la poursuite de l’introduction à la 2e partie de notre contribution, plutôt de nature théorique, nous préciserons que notre conception de l’intelligence territoriale met l’accent sur, la solidarité de destin en réponse à l’accroissement de la complexité comme l’évoque la proposition de Morin (Morin, 2005), p124 : « la solidarité vécue est la seule chose qui permette l’accroissement de la complexité[2] » et d’autre part, compte tenu de l’inscription de nos travaux en Sciences de l’Information et de la Communication, sur l’enjeu associé à ce champ, à savoir que la communauté des enseignants chercheurs en Sic est invitée à adopter une attitude résolument pro active dans les mutations en cours en s’emparant des opportunités offertes par les pôles de compétitivité tout en ayant présent à l’esprit le défi que souligne Mucchielli, (Mucchielli, 2004) p146 « Les années à venir nous diront si les sciences de l’information & de la communication parviendront à se fortifier dans leur interdisciplinarité ».

3 – Le territoire : une lecture théorique rétro prospective

50Nous essaierons dans cette section, sans prétendre à l’exhaustivité du traitement de l’objet « territoire », de présenter les principales évolutions intervenues, et constatées par des auteurs, sur deux décades (1990-2010) de la nature du territoire, conséquences de lois et règlements, d’usages permis par les Tic ou conséquences de l’usage des Tic. Nous rappellerons pour mémoire notre thèse et HDR qui visaient à répondre à la question double de recherche suivante formulée de la sorte :

  • en 1er volet « comment expliquer que certains territoires font aboutir leur politique de développement alors que d’autres échouent ? » et
  • en 2e volet, « comment expliquer, alors que les Tic sont accessibles aux territoires, que certains territoires arrivent à les intégrer dans leur politique de développement et d’autres pas ? »

51Bernard Poche [3] cite Scivoletto qui distingue trois types d’espace :

  • Organique, qui procède de la situation et du conditionnement biologique, comportemental ou éthologique, et qui constitue une expérience instructive de la territorialité ;
  • Perceptif, résultant de processus sensoriels ;
  • Symbolique, qui s’identifie à l’abstraction.
Ces espaces peuvent s’interpréter de la façon suivante : l’espace organique peut être rapproché de la dimension physique (l’espace tel qu’il est) ; l’espace perceptif de la dimension cognitive (l’espace tel qu’il est appréhendé) ; l’espace symbolique de la dimension normative (l’espace tel qu’il est abstrait en fonction des normes propres à chaque acteur). Le parcours de ces trois espaces peut conduire à la construction d’un territoire.

52En tant que système, le territoire peut être conçu comme non isolé, non-linéaire et auto-organisant. Il est non isolé car il est soumis à des flux d’énergie et de matière qui tendent à renouveler ses éléments. Il est évidemment non-linéaire car il est le lieu de multiples interactions, créant ainsi une complexité de comportements qui ne peut pas se résumer à un modèle simple et déterministe. A fortiori, l’évolution d’un territoire, avec ses composants multiples, ne se place pas sur une trajectoire déterminée à l’avance. Dans des limites ainsi définies, le territoire est aussi un système auto-organisant.

53N.Wiener (1985) écrit : « L’information n’est qu’information. Elle n’est ni masse ni énergie. » La DATAR, en 1998, propose « le développement territorial est une organisation à construire par de l’information en reliant des acteurs publics et privés, engagés dans une dynamique de projet sur un territoire. » Atlan [4] déclare que «la création de signification de l’information est au centre des phénomènes d’auto organisation». À sa suite nous pouvons constater que le territoire est composé d’éléments porteurs de sens à la condition que ces éléments soient perçus. Ces éléments porteurs de sens sont les vecteurs de la territorialité que l’on peut donc définir comme l’agent qui permet de transformer l’espace en territoire. Il s’agit donc d’une analyse sémantique qui s’attachera aux processeurs producteurs du sens territorial ainsi qu’aux signes, signaux émis par les acteurs d’un territoire.

3.1 – Le territoire : les plans de l’analyse

54Pour Bailly [5], le territoire est d’abord «un espace terrestre, réel et concret, (qui) est donné, vécu et perçu». Il est donné car concret et réel, vécu par la confrontation de son identité avec nos intentionnalités et nos finalités, perçu par le contact de proximité et les dimensions de notre interaction avec lui. La relation au territoire est perçue au travers des rôles assumés par l’acteur. Inversement, le territoire peut être vu comme « un ensemble de construits relationnels, une espèce d’extériorisation spatiale d’un groupe social. » comme le propose Poche [6]. Au travers du jeu social, les acteurs définissent un système humainement construit avec le territoire.

55Major [7] à la suite de Schwarz [8] propose d’établir un modèle du système «territoire», de nature informationnelle, qui rende compte à la fois de la matérialité des objets territoriaux, des approches cognitives différentes des intervenants qui en effectuent une lecture spécifique, et du sens «territorial» qui transforme l’espace en ressources partagées. Le modèle systémique que ces auteurs ont élaboré, et que nous avons contribué à améliorer en l’appliquant, se décompose en trois plans fortement imbriqués et indissociables l’un de l’autre :

  • celui de la matière physique (premier niveau) : les aspects énergétiques et entropiques.
  • celui de l’information (deuxième niveau) : les aspects relationnels
  • celui de l’identité (troisième niveau) : les aspects holistiques.
Ces niveaux sont à considérer comme des ensembles imbriqués, un système complexe, de nature différente. Ce modèle est aussi une représentation de la complexité d’un système. Dans cette perspective, nous allons décrire chacun des trois plans et définir leur contenu : objets physiques et concrets au premier plan ; relations et informations, mais aussi agrégation ou composition d’objets dans des concepts au second plan ; enfin, territoire en tant qu’espace porteur de sens pour l’acteur et en tant que lieu d’interactions multiples entre acteurs au troisième plan.

3.2 – Le territoire : le plan physique/organique

56Nous commençons la description du modèle systémique par le plan physique, celui de la matière et de tout ce qui est construit à partir de cette matière. Au préalable, et à la suite de Prelaz-Droux [9], nous identifierons trois types d’éléments-objets dans le territoire. Il s’agit des éléments :

  • constitutifs, qui correspondent à une réalité concrète du territoire. Pour les classifier Prelaz-Droux [10] distingue trois domaines génériques : les infrastructures équipant le territoire en réseaux et ouvrages de génie-civil; le milieu naturel (sol, eau, air, faune, flore) et le milieu anthropique; les activités économiques, sociales et culturelles.
  • virtuels que nous, pouvons classer en deux types : virtuels normatifs et symboliques. Ils seront présents lorsque nous étudierons les représentations d’un territoire sur Internet.
  • les éléments facteurs et factuels : un exemple d’élément facteur peut être l’innovation technologique. L’innovation technologique est à la fois porteuse de gains de productivité, de changement et d’adaptation à de nouvelles conditions de travail. Mais elle peut également générer du chômage. Ainsi les éléments facteurs nécessitent une interprétation et peuvent conduire à l’émergence d’éléments factuels. D’une part, pour apparaître ou disparaître, les éléments factuels utilisent un ou plusieurs objets constitutifs (exemple : les unités de production pour l’innovation technologique) D’autre part, pour pouvoir en interpréter le sens, il faut faire référence à un modèle explicatif qui va fonctionner en tant que contexte d’interprétation (l’innovation technologique).

3.3 – Le territoire : le plan de l’information

57Le deuxième plan du modèle met en évidence les informations circulantes et les relations entre les objets du premier plan. L’étude de la présence d’un territoire dénommé sur Internet, les liens existants entre sites nous informent sur ce construit relationnel. Toujours à la suite de Prelaz-Droux [11] nous pouvons retenir d’une part, les éléments identificateurs et d’autre part, les relations entre les objets. En ce qui concerne les objets constitutifs, on remarque au plan de l’information : les relations topologiques liant les éléments par des notions de voisinage, d’adjacence, d’intersection, d’appartenance, d’inclusion ; les relations d’utilisation ou d’occupation : les véhicules utilisant des voies de circulation, les entreprises utilisant des fournitures pour produire ou des réseaux pour distribuer leurs produits ; mais aussi, les bâtiments occupent un certain volume et une surface au sol, tout comme la végétation. L’étude du plan de l’information pourrait être développée en théorie concernant les objets et les objets facteurs. Cependant, compte tenu de la complexité de cette description et notamment au regard d’une problématique comme celle de l’influence d’Internet sur la construction d’un territoire.

3.3.1 – La démarche d’observation appliquée au plan de l’information

58La finalité de la démarche d’observation est l’appréciation de la territorialité comme sens donné au territoire. Cette veille correspond au plan de l’information. Elle s’intéresse aux objets virtuels. Nous pouvons à présent décrire ces objets. Les objets territoriaux virtuels sont issus de processus d’abstraction appliqués aux éléments du territoire par les acteurs et regroupent, de manière composite, une série d’objets constitutifs. Nous pouvons les classer en deux types : normatifs et symboliques.

  • Les objets virtuels normatifs : Les entreprises, qui rassemblent à la fois des hommes, des bâtiments, des surfaces d’implantation, des ressources financières, mais aussi du savoir-faire ou des réseaux de distributions relèvent des objets virtuels normatifs. On peut aussi citer les zones d’affectation ou les pôles d’échange associés à l’aménagement du territoire.
  • Les objets virtuels symboliques : Ces objets sont porteurs d’une projection affective, et font référence alors à une histoire[12]. Le rôle des objets virtuels dans le plan des relations qui forment la territorialité est important. En effet, ils sont aussi le résultat d’un processus de complexification du territoire en rapport avec une activité. Ils marquent la volonté d’un intervenant décisionnel de poser les règles du jeu pour essayer de le contrôler, et en tous cas d’apparaître comme partenaire à part entière dans ce jeu. Ils peuvent donc devenir, par ce biais, des outils de stratégie et des enjeux à fort pouvoir symbolique.
Les objets virtuels normatifs et symboliques sont associés étroitement. Lorsque nous recourons à une démarche de veille appliquée au territoire, nous allons évoluer au travers de trois dimensions qui sont pour la dimension physique : la proximité instrumentale, pour la dimension cognitive : la représentation des objets, pour la dimension normative et symbolique : la gestion de l’héritage symbolique. Les processus producteurs de sens (proximité instrumentale, représentation des objets territoriaux, gestion de l’héritage symbolique) ont pour objectif de construire une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, pour l’utilisation conjointe des ressources d’un même espace et concourent à la création d’une représentation de la réalité commune au groupe social au sens de Jodelet [13]. La territorialité peut se concevoir comme une représentation sociale d’un groupe s’appropriant un espace de ressources et se construit d’abord dans le rapport de l’individuel au collectif, et dans l’intériorisation des modèles de comportements adéquats, permettant de se situer dans une histoire commune. Cela sous-entend que la territorialité fait l’objet d’un apprentissage, - en tant que forme de connaissance -, dans le contexte d’un modèle de référence et de processus aidant à la construction de cette connaissance. Enfin, le rôle du groupe en tant que formateur du sens, dans la dimension intersubjective et dans la réalité de la pratique territoriale par le savoir faire, est essentiel pour normer et réguler les comportements individuels sur le territoire.

59Le tableau suivant conclut sur les caractéristiques de la territorialité :

Tableau 1

La territorialité : représentation sociale d’un groupe s’appropriant un espace de ressources

Tableau 1
TERRITORIALITÉ ÉLÉMENTS PROCESSUS ACTEURS CONCERNÉS Dimension physique Objet territorial Proximité instrumentale Individu, Institutions Dimension cognitive Langue, éléments d’interprétation Représentation des objets Groupe social dans son ensemble Dimension normative et symbolique Règles, signes, symboles Gestion de l’héritage Symbolique (rites) Autorités par délégation

La territorialité : représentation sociale d’un groupe s’appropriant un espace de ressources

60La proximité instrumentale peut être traduite par l’accès aux ressources d’un espace commun, par l’utilisation d’un objet et met en valeur, directement, les enjeux sociaux de l’appropriation. La rencontre formelle et informelle d’acteurs différents s’organise au travers du réseau des parties prenantes à l’action sur l’objet territorial et autour d’une régulation et de rituels.

61La dénomination des objets territoriaux dans la langue permet leur représentation et leur communication en constituant l’identité du groupe social par la définition d’un langage de la spatialité du groupe. La territorialité passe donc par une « lisibilité » de l’espace, lisibilité partagée par un groupe dans sa pratique du territoire.

62La dernière dimension regroupe les objets virtuels qui symbolisent la référence aux comportements attendus, les règles en vigueur, et cristallise ainsi, autour de l’objet territorial, le sens normatif. Il s’agit de permettre le repérage du comportement individuel pour pouvoir l’inscrire dans une histoire collective mais aussi permettre le rappel de l’appartenance au même espace.

3.4 – De l’environnement et des ressources à mobiliser

63L’environnement du territoire et ses composants technologiques, financier, juridique, humain ont muté vers davantage de complexité. Mais, la complexification (Wagensberg, 1999) et son corollaire, l’incertitude, font peur. Les savoirs requis de la part des acteurs en charge de définir, d’appliquer et de suivre les réalisations d’une politique locale ont également évolué. Comment dès lors orchestrer ces mouvements pour bâtir une intelligence, que nous nommons territoriale en référence à un mouvement de développement du local, à partir des ressources localisées en mobilité ou latentes ? Nous présenterons dans notre contribution et ce, à partir de notre expérience, les hypothèses préalables à l’engagement ou Comment mobiliser des ressources locales après détecté leurs gisements de potentialités?

3.5 – Un préalable à la mise en commun d’expériences

64Pour prétendre à la dynamisation spatiale de leur contenu, les collectivités locales détectent puis combinent les compétences disponibles, localisées et/ou mobiles. Ce travail d’inventaire est opéré en vue de structurer leur capital de ressources et d’intelligences dans l’optique de faire aboutir une politique de développement. La connexion de ce capital latent ou révélé ne s’obtient pas dans tous les cas. Nous allons considérer le préalable à une tentative de développement territorial.

65Nous formulerons l’hypothèse suivante : « L’existence ou l’inexistence d’un réseau de relations entre acteurs locaux peut s’avérer être une barrière ou un catalyseur dans la construction ou la reconstruction du lien territorial ». (Bertacchini, 2004). Ce tissu relationnel, physique ou virtuel, permet la mobilisation des compétences locales autour d’un objectif partagé et dans l’hypothèse de compétences complémentaires à réunir, à faciliter leur acquisition par un mode d’apprentissage approprié. Ainsi, puisqu’ il y a inégalités d’accès, ces dernières engendrent des asymétries dans les mécanismes d’évaluation des auteurs de l’histoire locale (Jayet et Wins, 1993,1996). Sur la base de cette hypothèse, les espaces engagés dans la voie de leur médiatisation ne possèdent pas tous la même capacité d’accès au développement. Les informations transmises, échangées par leurs membres sont entachées d’une déficience, d’une déformation de leur contenu et dans leur incapacité à former le réseau relationnel. A priori, l’histoire de ces acteurs locaux ne leur permet pas ou leur interdit d’investir dans leur futur. A posteriori, la déficience du contenu de l’information échangée ne favorise pas leur adhésion au réseau. Dès lors, les relations affichées mais non partagées autour de cet objectif ne peuvent se reproduire durablement et compromettent la valorisation territoriale. La construction du lien social échoue et la transmission d’un patrimoine collectif ne s’opère pas. La tentative de médiation (Bertacchini, 2007), l’intelligence territoriale, que nous proposons peut s’avérer être une réponse.

3.6 – Le point de départ et d’arrivée : le capital formel territorial

66À l’origine physiques, les échelons territoriaux ont intégré ou intègrent progressivement les TIC. Ces dernières brouillent les découpages administratifs et favorisent l’émergence de territoires virtuels. Ainsi, la « société de l’information » se construit. S’il est primordial que les territoires intègrent ces technologies de l’information et de la communication, il est tout aussi nécessaire qu’ils la nourrissent, au risque de se trouver marginalisés sur un plan national comme international. Le processus d’intelligence territoriale que l’on peut qualifier de démarche d’information et de communication territoriales trouve ici sa pleine justification dans l’aide apportée à la constitution du capital formel d’un échelon territorial (Bertacchini, 2007). À notre sens le capital formel d’un échelon territorial est le préambule à toute politique de développement, qu’il s’agisse de politique de mutation territoriale, de reconversion, ou d’innovation.

67Nous voyons bien ainsi, que les aspects portent en effet tout autant sur un volet infrastructures, réseaux de télécommunications à haut débit (tuyaux) que sur les supports et le contenu des documents numérisés créés grâce à ces outils. De tels enjeux intéressent tous les secteurs de la société, de l’éducation à l’économie en passant par la santé ; du monde de l’administration à celui de l’entreprise, en passant par le particulier. L’intelligence territoriale s’appuie sur un maillage de compétences pluridisciplinaires détenues par des acteurs locaux de culture et donc de codes différents.

3.7 – Les hypothèses de la grammaire territoriale

68D’un point de vue des S.I.C [14], ce processus informationnel autant que anthropologique suppose la conjonction de trois hypothèses :

69

  • Les acteurs échangent de l’information (génération d’énergie à titre individuel et/ou collectif) ;
  • Ils accordent du crédit à l’information reçue (captation-échange de l’information) ;
  • Le processus de communication ainsi établi, les acteurs établissent les réseaux appropriés et transfèrent leurs compétences (mobilisation et transfert d’énergie : formulation du projet).
Lorsque ces hypothèses sont réunies et vérifiées, les gisements potentiels de compétences peuvent être repérés à l’aide d’une action d’information et de communication territoriales puis mobilisés plus tard dans la perspective de l’écriture d’un projet de développement. Nous pensons qu’il s’agit du préambule à la définition d’une politique de développement local de nature endogène apte à répondre au rapport concurrentiel à venir entre les territoires.

3.8 – Innovation et local

70Le territoire sera prochainement plus orienté dans un rapport de force concurrentiel où le traitement de l’information sera essentiel (Herbaux, 2005). Les mutations culturelles liées au développement des TIC, les nouvelles formes d’affrontement indirect résultant de cette évolution technologique sont encore mal identifiées par les acteurs du territoire. En exemple, la captation de l’installation d’une entreprise et des taxes locales associées avaient trouvé une solution prompte dans les contrats d’agglomération et de communautés de commune qui en mutualisaient les recettes ; ce faisant elle en limitait de fait un processus d’apprentissage dans la conquête de ressources. La mondialisation, les délocalisations obligent les pays à puiser dans les projets à dominante culturelle et touristique pour espérer capter quelques revenus d’une population de nomades aisés. La concurrence épuise l’originalité des projets et leur essoufflement ne résidera pas dans un aspect uniquement technique.

71Le territoire doit évoluer dans sa culture et accéder à une véritable mutualisation de l’information au sein d’un processus d’intelligence territoriale dont Bertacchini (2004) Op.Cit propose la définition suivante :

72« On peut considérer l’intelligence territoriale comme un processus informationnel et anthropologique, régulier et continu, initié par des acteurs locaux physiquement présents et/ou distants qui s’approprient les ressources d’un espace en mobilisant puis en transformant l’énergie du système territorial en capacité de projet […] L’objectif de cette démarche, est de veiller, au sens propre comme au sens figuré, à doter l’échelon territorial à développer de ce que nous avons nommé le capital formel territorial ».

73Cette définition ne se réduit pas au seul ‘Territoire numérique’ tel que critiqué par Musso (2008, 2009) et met l’accent sur ‘la solidarité vécue’ au sens de Morin (Op Cit).

74Le territoire avec ses rites, ses héros, ses symboles et ses valeurs qui en constituent l’histoire, compose le théâtre d’un non-dit qui rythme les échanges entre les hommes. Il y a capitalisation d’une culture des signes et des postures (l’habitus de Bourdieu), (Bourdieu, 1994) p.24 qui établit une grammaire de communication et fonde l’identité du groupe local Ce constat se trouve au centre de la recherche sur les problématiques territoriales au Québec (Herbaux, 2004) Op.Cit et nous éloigne des prophéties béates sur les rôlezs des TIC (Sfez, 1991).

3.9 – Du territoire politique vers l’identité territoriale comme capacité de projet

75La création d’un environnement favorable est un pré requis de toute innovation émergente au sein de la société ; Il s’agit d’évoquer la supériorité des structures et dans les techniques d’encadrement. Un premier objectif est de créer localement un terrain institutionnel, informationnel, comportemental où les acteurs puissent exprimer leurs perceptions, enrichir leurs savoirs, affirmer leurs compétences et peser sur le processus de développement ; il porte sur l’environnement politique, la reconnaissance d’un pouvoir local, l’instrumentation technique et administrative et la remobilisation sociale des acteurs locaux. Les modalités d’échange des informations sont au centre de ces rapports.

76Cette approche du territoire consiste à définir le cadre conceptuel de l’accompagnement d’un processus démocratique ascendant et la proximité spatiale est au cœur de cette spécificité territoriale. Elle n’est pas forcément impliquant de proximité sociale et identitaire, mais relève d’une première étape de construction d’un nouveau territoire, à travers un processus graduel d’émergence d’appropriation territoriale, qu’il s’agit d’accompagner et de favoriser. Cette appropriation, phénomène de représentation symbolique par lequel les groupes humains pensent leur rapport à un espace matériel, ne peut se construire que par l’intégration progressive d’un sentiment local, au travers d’un processus mental collectif. Brunet (Brunet, 1990) nous a instruit que la prise en considération du seul espace vécu a montré ses limites et que l’émergence d’une identité territoriale ne peut pas se résumer à une activité économique, sociale ou culturelle commune dépourvue d’existence politique ou administrative reconnue. La seule facette du vécu au sein du local, n’est ni génitrice, ni constitutive du territoire. En témoignage, l’habitat de résidence secondaire n’est pas obligatoirement concourant à un engagement dans le projet local. Enfin, l’identité territoriale ne se réduit pas davantage à une identité politico juridique ou à l’enracinement dans un lieu ; il y faut cela, et quelque chose de plus : une conscience (Brunet, Op.Cit). Il s’agit ainsi de faire émerger un espace politique local (Levy, 1997), dont les acteurs se sentent responsables et où se jouent des relations de pouvoir (Bourdieu, 1980) en vue de son appropriation (Raffestin, 1981). Durkheim, (Durkheim, 1977), p. 138 avance « Pour que les suffrages expriment autre chose que les individus, pour qu’ils soient animés dès le principe d’un esprit ».

3.10 – Les modalités de transfert de compétences entre les acteurs

77De très nombreux rapports nous ont certes éclairés sur les enjeux de l’introduction des technologies de l’information dans les cursus citoyens (C.G.P, 1994,1999), (Lefèvre et Tremblay, 1998) notamment en ce qui concerne l’éducation à l’emploi et à la citoyenneté. Ces rapports soulignaient que l’avènement de la société de l’information allait permettre la prise en compte des besoins des personnes en remettant l’élève au centre du système éducatif, le citoyen au cœur de la démocratie et le client à la base du marché.

78En même temps si cette société recèle la capacité en son sein de pouvoir universaliser l’accès au savoir et aux richesses culturelles de l’humanité, de resserrer le lien social et donne leur chance aux petites sociétés innovantes (Etchegoyen, 1999), il y a loin de la coupe aux lèvres et nos observations au contact des acteurs et du terrain nous montrent que nous sommes très éloignés d’un développement harmonieux et équilibré et qu’une concurrence effrénée existe entre les territoires. Les choix technologiques à opérer par les territoires et les décideurs locaux renforcent la complexité et ses exigences « La solidarité vécue » au sens de Morin ainsi que les zones d’incertitude dans le processus d’acquisition de l’information jusqu’à la prise de décision. Nous aurons à composer voire nous débattre avec les effets de la crise exceptionnelle que nous traversons, et que personne, experts inclus, n’avait prévu.

79Selon Franck Sérusclat (1999) « les différentes pratiques tendent à se rejoindre et contribuent à l’élaboration, même dispersée, d’une pédagogie de l’autonomie et de la responsabilité qu’il faut autoriser ».

80Les observations formulées par le rapport Sérusclat mentionnent également le fait que « les liaisons non linéaires entre éléments d’information rendent possible l’examen d’une question selon de multiples perspectives ». Par non linéaires, l’auteur entend des informations relatives à un même sujet ou un sujet proche et issues de sources multiples et sans liens apparents. Voilà, entre autres motifs, pourquoi nous avions introduit l’hypermodernité et son cadre de référence. Conjointement à ces observations, l’environnement du territoire et ses composants technologiques, financier, juridique, humain ont muté vers davantage de complexité comme nous venons de le souligner. Mais, la complexification (Wagensberg, 1999) et son corollaire, l’incertitude (Filbet et Tazi, 1999) font peur. Les savoirs requis de la part des acteurs en charge de définir, d’appliquer et de suivre les réalisations d’une politique locale ont également évolué. Et pourtant, est-ce que les formations de nos décideurs se sont adaptées et ont-elles intégré les facteurs qui modifient toute l’appréhension du cycle de la décision locale ?

81Sur la base de ces quelques observations, comment tenter d’orchestrer ces mouvements pour bâtir une intelligence, que nous avons nommée territoriale en référence à un mouvement de développement du local, et de le faire à partir des ressources localisées, en mobilité ou latentes ? Aux fins d’illustration nous présenterons dans la 3e partie de notre contribution deux recherches doctorales, dont une a déjà fait l’objet de soutenance. Ces recherches doctorales sont en relation avec notre expérience et les hypothèses préalables à l’engagement ou « Comment mobiliser des ressources locales après détecté leurs gisements? »

4 – Présentation des recherches doctorales : Nord Pas de Calais, Midi Pyrénées

82Même si dans le cadre de cet article, nous nous sommes limités à la présentation de deux recherches doctorales, dont une a déjà été soutenue (Nord Pas de calais, 2006), et une autre est en cours de finalisation (Midi Pyrénées, 2010), nous avons pu extraire un certain nombre de caractéristiques communes aux thèses menées dans la période 2000-2010 dans le cadre de l’intelligence territoriale. Sans prétendre à l’exhaustivité, et en complément des travaux Australiens de Bruce (2000) sur Information Literacy, Hughes et al., (2009) nous présentons maintenant ces caractéristiques déclinées de la façon suivante : cadre général et caractéristique générique, relation information-processus-communication, l’articulation observation-participation-Recherche, le processus compétences-échanges-transferts, le process de production Technologies-numérique-réseaux.

83Cadre général et caractéristique générique

  • la contribution du doctorant s’inscrit dans une démarche d’intelligence territoriale telle que nous l’avons définie et présentée dans nos publications depuis 1996.
La relation Information/Processus/Communication
  • la recherche met en relation des catégories d’acteurs locaux de culture différente.
  • il s’agit de recherches appliquées en relation avec une commande institutionnelle et/ou formalisée.
L’articulation Observation/participation/Recherche
  • la recherche est conduite par un doctorant qui ne se limite pas à un rôle d’observateur
  • la recherche s’inscrit dans un territoire ou un projet de territoire connu.
Le processus Compétences/échanges/transferts
  • le doctorant possède et mobilise plusieurs compétences par exemple : cartographique et géomatique ; économique et logicielle ; technologique et sociologique ; gestion et développement local etc,
  • la recherche instaure des échanges et communications régulières avec les autres parties prenantes au projet, formalisées et non formalisées.
Le process de production Technologies/numérique/réseaux
  • le recours aux NTIC est systématique : logiciel, Internet, moteur de recherche, système d’information, cartographie, traitement de l’information, base de données, etc
Nous allons maintenant présenter en détails les deux recherches doctorales, dont une a été soutenue en 2006.

4.1 – En Région Nord-Pas de Calais : Gérer la complexité (thèse soutenue en 2006 par Philippe Herbaux)

84« L’information n’est qu’information. Elle n’est ni masse ni énergie ». (Wiener, 1985)

85« Les acteurs échangent de l’information (génération d’énergie à titre individuel et/ou collectif). » (Bertacchini, 2004)

86En ce début du XXIe siècle, la reconnaissance de l’État pour les territoires à forte imprégnation culturelle ou sociale est notoire ; elle permet à ceux ci de retrouver leurs points d’ancrage naturel dans le concept territorial de « pays ». À la nation, disait Renan « qui n’est pas qu’un héritage de gloire et de regrets à partager », le pays reconquiert son caractère inducteur du futur à construire. Porté par les Lois de décentralisation Loaddt [15] et notamment celle du 25 juin 1999, le pays est un espace présentant une cohésion géographique, historique, culturelle, économique et sociale. Ce concept réaffirmé réclame des acteurs du local un investissement certain dans le partage d’un dessein que l’on souhaite porter par le plus grand nombre. Les acteurs locaux impliqués veillent ainsi à établir ou à conforter un environnement préservé des soubresauts de la mondialisation. Or, celle-ci est un fait qui agit sur le local ; le brouhaha exponentiel des informations et signaux obscurcit l’horizon du projet territorial ; il en rend la lecture et l’interprétation problématiques. La volatilité des projets et les changements brutaux des repères fondamentaux au sein du lieu de vie, crée un lieu de doute où tout un chacun s’interroge sur la nature de l’héritage symbolique qu’il veut défendre.

4.1.1 – Production d’informations, communications et décisions locales

87Au sein du territoire, l’information est un vecteur à retombée médiologique ; Réalité immatérielle, l’information connaît un cycle et renaît parfois au détour d’un échange « pour se travestir en un signe, un indice ou un symbole » Barthes (1992). Les décideurs du local, élus ou responsables d’organisation ont quelque peine, pour alimenter une réflexion politique, économique ou sociale, à traiter ce flux exponentiel d’informations. Chacun cherche dans le conseil de l’autre, l’avertissement salutaire qui préviendra la tempête en s’essayant dans le même temps à jouer les devins d’un avenir complexe et incertain.

88Le recueil, le traitement puis la mise en perspective des informations du territoire sortent du registre unique d’une compétence individuelle pour bénéficier d’un regard systémique et mutualisé. La « matière information » devient le substrat d’un projet collectif, engendrée et partagée par tous ses acteurs lors des processus de communication engagés ; elle est le vecteur d’un changement de culture. Dans les nouveaux paradigmes des sciences de l’information et de la communication avancés par Le Coadic (2005), celui-ci met en évidence trois révolutions :

  • le temps de la production de l’information,
  • le temps de la communication,
  • le temps de l’usage de l’information.
Ces révolutions, toujours selon l’auteur, modifient le paradigme orienté documentaliste vers un paradigme orienté usager, remplacent également la gestion de « stock » d’informations vers une gestion des flux d’informations et enfin, transforment la gestion des savoirs individuels en gestion des savoirs collectifs. Cette nouvelle posture paradigmatique orientée vers les usagers, flux et savoirs collectifs selon Le Coadic (Op.Cit. § préc.), fonde alors, d’après nous, de nouvelles postures de recherche aptes à cerner les nouveaux contours du complexe territorial. Le territoire se doit de prendre en compte ces évolutions de flux communicants pour mieux servir le modèle qu’il souhaite promouvoir.

4.1.2 – Incertitude et bornage de l’action territoriale

89Le pays ne doit son existence que par la mise en commun d’un dessein partagé. Il assure à sa population la volonté de défendre l’enclos du local et à en prévenir les cahots ; il est porteur d’une vision du futur qui donnera à chacun un peu de mieux être dans une identité plus forte. Pour ce faire, il doit traiter de façon efficiente les embûches du projet et mieux, les anticiper ; or, le torrent exponentiel des données à recueillir et à traiter devient un exercice individuel périlleux pour le décideur. Cette problématique du quotidien est de plus, amplifiée dans un contexte d’incertitude où le recours systématique au principe de précaution peut aboutir à une caricature de gestion.

90Si la « matière information » au sein du local peut être identifiée et ainsi analysée, les signaux, matériaux précurseurs d’information, ne sont pas toujours pris en compte dans leur mise en perspective. Trois raisons principales l’expliquent :

  • Le décideur ne peut à lui seul capter et synthétiser la totalité du champ offert,
  • Le recours volontaire au principe de cécité peut parfois être considéré comme un impératif d’accompagnement de certaines décisions.
  • Ou alors la démarche de mutualisation des signaux et informations semble de nature trop complexe à mettre en œuvre par les élus au sein du territoire.
Dans ce dernier cas, la capacité des organisations à poursuivre des chemins de décisions parsemés de pièges tient parfois de la pertinacité [16].

91C’est ainsi que les politiques locales risquent d’évoluer entre les bornes de la réactivité et du principe de précaution ; ce faisant, elles ne font qu’adopter le profil minimal d’une mission à caractère statique (principe de précaution) ou d’intervention de secours (réactivité à une rupture). La posture d’anticipation, soit de pro-activité, n’est pas pour l’instant inscrit dans le quotidien des habitants du local. Elle s’illustre néanmoins au sein des communes et territoires pour les acteurs majeurs et élus, dans les secteurs bénéficiant d’une démarche qualité (cantine scolaire, sécurité des bâtiments, surveillance des feux de forêts). On peut constater que ces dispositifs de nature institutionnelle n’associent pas ou peu la population à ces problématiques. Or, l’accélération des menaces pesant sur le local comprime de façon dramatique les temps de réflexion nécessaire à une décision circonstanciée. Un traitement anticipatif fondé sur une mutualisation récursive des savoirs individuels offrirait les conjectures nécessaires au moment demandé.

92L’institution se cantonne ainsi dans un double rôle d’assureur et de responsable pour des phénomènes dont elle ne peut bien souvent pas déceler à elle seule, les signes précurseurs. On peut constater alors, que la principale préoccupation des élus en charge de ces responsabilités consiste en l’atténuation de leur responsabilité au détriment du problème en cause.

93Au sein de l’espace territorial défini comme endogène, le recueil des signaux et leur coagulation dans un ensemble de conjectures peuvent difficilement être confiés uniquement à des organismes tiers ; la multiplicité des menaces et des ruptures possibles offrent autant d’expressions de signaux complexes dont leur déchiffrage intéresse en premier lieu l’habitant du local. Les signes de crises dans certaines entreprises sont autant de facteurs d’amont bien souvent invisibles pour un observateur extérieur.

94Dans cet enclos du territoire où l’accélération des informations et des menaces sape le projet partagé, le pays peut-il faire l’impasse d’un schéma de mutualisation de l’information pour servir le dessein qu’il prétend défendre et adopter les processus de communication adéquats ?

4.1.3 – Le cadre conventionnel de la recherche-action : avantages et limites

95Les travaux de recherche-action conduits depuis 2001 sur l’environnement régional Nord-Pas de Calais, ont intéressé plus particulièrement un échantillon de ce territoire englobant la métropole lilloise, les pays de la Pévèle ainsi que les pays de l’Audomarois. Ils visaient à essayer d’apporter des éléments de réponse dans la mise en œuvre d’un schéma d’intelligence territoriale et de poser les questions de son efficience.

96Les travaux réalisés dès 1999 au sein de la cellule « intelligence territoriale » de l’université Lille2 constituaient alors un lieu balbutiant de ressources régionales Nord-Pas de Calais en matière de traitement de l’information et de la communication. Bien que les problématiques d’anticipation des menaces au sein du monde économique fussent un leitmotiv de travaux, le rôle de la transmission de l’information et de l’impact des technologies de l’information et de la communication (TIC) sur le tissu économique régional constituaient un champ de questionnement permanent. Une convention fût signée entre l’Etat et Université Lille – Droit et Santé- en date du 19 juillet 2001, et validée par le Secrétariat Général aux Affaires Régionales.

4.1.4 – Le chemin du projet et les actions associées : un processus réciproque d’apprentissage et de territorialité

97L’aptitude à gérer une tâche ou une mission fait de l’opérateur un partenaire capable de s’inscrire dans un projet. Dans le cas de l’expérimentation, la posture constructiviste prise par l’opérateur dans la mise en œuvre du projet, constitue un ensemble de décisions-renoncements aptes à faire évoluer le projet dans un sens ou l’autre. La réflexion de Bachelard (1971) « marcheur, le chemin se fait en marchant » est ici de circonstance. Le jeu de l’acteur-observant fut une source permanente de questionnements sur le fond et la forme, sur le pourquoi ?et le comment ? Sur le poids de l’individuel et du collectif. Les limites de cette recherche s’inscrivent dans l’observation de l’évolution de la culture du territoire à travers sa capacité à échanger et à capitaliser l’information ; elles en épient les dimensions nouvelles provoquées par l’utilisation mutualisée des TIC et du lien sociétal que le territoire prétend réactiver.

4.1.5 – Les hypothèses de l’expérimentation

98Les recherches menées dans ce cadre ne se marquent pas dans un modèle établi de transmission des connaissances mais plutôt dans l’observation de démarches concourantes qui établiront les modalités de mutualisation des connaissances. Pour cela, nous avions posé au préalable trois hypothèses de travail associées à une hypothèse de synthèse:

99Hypothèse 1 : la perception des menaces et des futures ruptures est effective pour les acteurs et la population du territoire.

100Hypothèse 2 : les techniques de l’information et de la communication (TIC) sont incontournables d’une démarche de mutualisation de l’information au sein du territoire.

101Hypothèse 3 : le processus d’intelligence territoriale est en rapport avec un traitement prioritaire de l’information sur les champs économiques.

102L’hypothèse de synthèse : ‘L’intelligence territoriale se situe, au sein du territoire, entre information et processus de communication’.

4.2 – En région midi Pyrénées, la contribution de l’information géographique à un projet territorial: entre participation & évaluation des usages’ (thèse à soutenir en 2010 par Pierre Maurel)

103« Dans la théorie de l’action située, les objets pertinents de la situation proposent des informations, contiennent des savoirs incorporés, proposent des relations c’est-à-dire des modalités d’interactions …/… » (Mucchielli, 2001)

104« Les acteurs accordent du crédit à l’information reçue (captation-échange de l’information) » (Bertacchini, 2004)

4.2.1 – Une gouvernance territoriale de plus en plus intégrée et participative

105Deux tendances, soutenues par le Droit national et international, caractérisent les modalités actuelles de gouvernance territoriale : la gestion intégrée et la démocratie participative.

  • Gestion intégrée car les territoires sont de plus en plus traités sous l’angle élargi du développement durable
  • Démocratie participative car les acteurs concernés et les populations peuvent largement contribuer aux processus de planification et de gestion territoriale, soit par le biais de procédures participatives institutionnalisées, soit de manière spontanée et ascendante, soit encore par un mélange des deux approches.

4.2.2 – L’importance de la dimension géographique et des représentations spatiales

106La dimension physique et virtuel est en effet omniprésente dans la gestion des territoires : l’espace physique supporte et contraint les ressources, renouvelables ou pas, à préserver, à exploiter et à partager, les représentations interagissent avec le territoire physique.

107Nous avons alors fait l’hypothèse que l’espace géographique pouvait jouer un rôle d’intégrateur des connaissances dispersées chez différents acteurs, de support de réflexion sur la complexité du système territorial, ses composantes et leurs interrelations. Nous pensons qu’il peut également jouer un rôle de médiateur entre des acteurs (élus locaux, représentants d’associations ou de professions, fonctionnaires de l’État ou de collectivités territoriales, résidents, ….) qui entretiennent des relations très différentes à l’espace.

4.2.3 – L’appréhension de la réalité d’un territoire par le biais de représentations

108Notre position épistémologique est celle du constructivisme avec le parti du postulat que le rapport des gens à la réalité se faisait par le filtre de représentations cognitives et externes représentations qui peuvent éventuellement être échangées, confrontées, partagées avec les autres par des signes multiples qui relèvent de la communication.

4.2.4 – Le territoire, vu comme une construction sociale

109Une des définitions du terme « territoire » à laquelle la recherche se réfère est celle proposée par Roger Brunet (Brunet - 1990) : « Un espace géographique socialisé qui fait l’objet de sentiments d’appartenance et d’appropriation… Il tient à la projection des structures spécifiques d’un groupe humain, qui incluent le mode de découpage et de gestion de cet espace et son aménagement. C’est une notion à la fois juridique, sociale et culturelle, et même affective. Il contribue en retour à fonder cette spécificité, à conforter le sentiment d’appartenance. Il n’y a donc pas un territoire, mais des territoires, suivant que l’on privilégie l’un ou l’autre de ces aspects ».

110Nous proposons d’appréhender le territoire sous trois plans (physique, conceptuel, identitaire), chacun de ces plans faisant l’objet de représentations différentes selon les individus ou les groupes d’acteurs considérés.

111L’émergence et le maintien de territoires identitaires, au sens de Brunet Op.Cit, est un processus long qui peut résulter de dynamiques locales mais aussi de réponses à des injonctions par des autorités politiques ou administratives, notamment celles chargées de la planification et de l’aménagement des territoires (ex : DIACT au niveau national, Conseils Régionaux à un niveau plus local). Des outils réglementaires encadrent de manière plus ou moins stricte les processus d’élaboration de projets territoriaux et peuvent contribuer à l’identité des territoires : projet de Pays, Schéma de Cohérence et d’Orientation Territoriale, projet de Parc Régional, Pôles d’excellence, …

112Le processus socio-technique permet de décrire et analyser la capacité des sociétés à résoudre des problèmes (ici territoriaux) de manière collective. Ce type d’apprentissage repose sur un certain nombre de principes :

  • La nécessaire prise en compte du contexte dans lequel émerge et se déroule le projet : jeux d’acteurs, enjeux, conflits, habitudes en matière de gouvernance, procédures de régulation, maîtrise technique d’outils, capital de connaissances et d’expertise,… ;
  • La prise de conscience collective de la complexité du système et des interrelations, d’enjeux qui transcendent le syndrome NIMBY (Not In My Back Yard) – approche systémique ;
  • L’acceptation de la diversité des points de vue, des enjeux et des intérêts ;
  • La nécessité de coopérer pour résoudre de manière collective des problèmes en s’appuyant sur des connaissances et des savoirs-faire répartis (experts et profanes) – cognition distribuée ;
  • La nécessité d’intégrer dans le processus des phases réflexives pour prendre conscience et analyser les changements progressifs dans le mode de gouvernance – Apprentissage de 2e niveau.
L’interfaçage entre les dimensions techniques et sociales du projet s’obtient par l’intégration les trois étapes habituelles de l’action : un contexte (et ce que l’acteur ou les acteurs en perçoivent), le processus d’action lui même dont l’objet varie tout au long de la vie du projet (ex : diagnostic de la situation, scénarios possibles, choix et mise en œuvre d’une solution, suivi/évaluation) et le résultat de cette action. Dans le cas d’une action collective, les acteurs interagissent les uns avec les autres s’opposent, discutent, se coordonnent. Ces dynamiques sont rendues par l’élément « pratiques relationnelles » qui, est incluse dans le processus lui-même, ces échanges impliquant toujours une activité de la part des acteurs. Ces pratiques relationnelles comme les actions effectivement réalisées répondent à un certain nombre d’enjeux identifiés.

113Loin d’être un processus linéaire, la décision et l’action s’inscrivent ici dans une double boucle itérative. La première à l’intérieur même du processus permet de rendre compte de la complexité et de l’évolution même de la décision et de la mise en œuvre de cette décision autour des enjeux sociaux et matériels identifiés et promus par les acteurs. La seconde boucle illustre le fait que le résultat d’une action élémentaire ou d’un processus global change et modifie toujours le contexte de l’action suivante.

114Ce schéma d’analyse qui décline les processus de gestion collective sous la forme d’un apprentissage collectif peut être décliné en autant de processus élémentaires que de besoin. Ces processus élémentaires ont la même structure. Ils s’articulent pour former un processus global. Tout se passe comme si cette grille de lecture était une structure maintes fois répétée de l’élément (un événement particulier dans la construction d’un projet de territoire) à la superstructure (le projet dans son ensemble).

115Dans un contexte de développement territorial plus intégré et plus participatif, l’organisation des conditions de participation des acteurs devient fondamentale. Nous avons travaillé sur cet aspect essentiellement dans le cadre du projet européen HarmoniCOP.

116Concevoir et organiser un processus participatif de grande ampleur revient à mobiliser tout au long du projet différentes catégories d’acteurs (élus, services techniques de l’Etat et des collectivités territoriales, experts et scientifiques, acteurs économiques, associations, grand public, …) à différents niveaux de participation (sensibilisation, information, consultation, concertation, suivant l’échelle de la participation d’Arstein, 1969).

117Cette recherche sur l’organisation de processus participatifs basés sur l’apprentissage collectif a fait l’objet d’un guide méthodologique multilingue [17].

4.2.5 – Le système d’information en appui au développement territorial participatif, vu comme une construction sociale

118Le système d’information qui accompagne un processus participatif de construction de projet de territoire englobe les aspects informationnels (données et documents sur supports analogiques ou numériques), les aspects humains (ressources et compétences pour la production et la gestion des informations), les aspects techniques et informatiques, les aspects institutionnels (partenariats autour du système d’information), les aspects réglementaires (pour l’accès et la diffusion des informations).

119Le système d’information est vu comme une architecture distribuée (par opposition à une architecture centralisée) de sous-systèmes d’information répartis au sein de réseaux d’acteurs et capables d’échanger entre eux des données et des informations. Le SI d’information global peut être vu comme un objet immatériel d’accumulation du capital de données et d’informations mises au service du projet par les partenaires ou produites aux différentes étapes du projet. Ces données et ces informations qui alimentent les processus socio-techniques (synchrones ou asynchrones, processus P3 dans la figure précédente) de construction du projet de territoire sont véhiculées au moyen de différents outils ou artefacts d’information et de communication : Sites Web, catalogue de méta données sur un portail Web, système d’information géographique (SIG), diaporamas de présentation, cartes etc

4.2.6 – Les objectifs de la Recherche

120L’objectif général de la thèse de Pierre Maurel est d’analyser les différents usages de l’Information Géographique en appui aux projets territoriaux participatifs et d’évaluer leurs effets. Ce sujet s’appuie sur trois hypothèses :

  • Hyp 1 : L’information géographique, sous ses différentes formes, peut satisfaire plusieurs types d’usages : substantifs, relationnels et procéduraux.
  • Hyp 2 : L’information géographique permet de mettre en perspective et d’intégrer différents savoirs, scientifiques, techniques ou ordinaires.
  • Hyp 3 : en France, les concepteurs de processus participatifs dans des projets territoriaux n’intègrent pas comme acte intentionnel et finalisé le choix d’outils d’information et de communication.

4.2.7 – Assise théorique et méthodologique

121La thèse s’appuiera sur une recherche bibliographique pour compléter l’assise épistémologique et méthodologique des recherches déjà menées et évoquées ci-dessus :

  • Théoriques : paradigme constructiviste, cognition distribuée, sémiotique, sociologie des objets, etc,
  • Méthodologiques, sur la place du chercheur dans un dispositif de recherche en partenariat et pour le recueil et l’analyse de données.

4.2.8 – Outils et méthodes

122Outils d’information et de communication à composante géographique :Si les outils que nous souhaitons étudier existent déjà, il y en a qui sont peu utilisés alors qu’ils nous paraissent présenter un potentiel original en terme d’usages et d’effets. Il s’agit notamment :

  • d’outils Web de catalogage de ressources informationnelles distribuées au sein d’un réseau d’acteurs (ex : outil MDWeb http://www.mdweb-project.org/) ;
  • d’outils Web de recueil d’avis sur support cartographique lors des phases de consultation du public ;
  • de maquettes physiques en 3D

Méthodes pour caractériser les situations d’usage

123L’analyse intègrera les différentes composantes d’une situation d’usage : contexte initial, conditions d’émergence de l’outil, (co)conception ou (co)adaptation éventuelle de l’outil et du protocole d’usage, usage proprement dit.

Méthodes pour évaluer les effets des usages

124Nous utiliserons les grilles d’évaluation mises au point à l’occasion des projets HarmoniCOP et CDE en les adaptant pour intégrer les résultats de la bibliographie.

Méthodes de validation de la démarche suivie et des résultats

125Il s’agira tout d’abord de rechercher des régularités dans les résultats.

4.2.9 – Terrain principal d’étude

126Le terrain principal sera celui du territoire de Thau (34) sur lequel est en train de se mettre en place de manière coordonnée un Schéma de Cohérence et d’Orientation Territoriale (SCOT) et un Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE).

127En conclusion temporaire. De l’espace public à l’intelligence territoriale, une évolution de la posture informationnelle.

128Nous allons revenir sur la période couverte par nos recherches, travaux depuis plus de dix années et nous essaierons dans cette conclusion temporaire de cerner le glissement opéré, selon notre point de vue, de l’espace public à l’intelligence territoriale. Ce glissement peut illustrer et rejoindre les propos de Boure (2005) sur les idées émergentes des politiques territoriales. Enfin, les propositions suivantes empruntent et se nourrissent des publications écrites ou co-écrites avec des auteurs et co-auteurs sur toute cette période.

129L’espace public est une notion très utilisée en sciences humaines et sociales depuis la thèse de Jürgen Habermas intitulée L’espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise (1963).Dans cet ouvrage, Habermas décrit « le processus au cours duquel le public constitué d’individus faisant usage de leur raison s’approprie la sphère publique contrôlée par l’autorité et la transforme en une sphère où la critique s’exerce contre le pouvoir de l’État » [18]. Aujourd’hui l’espace public est au centre de nombreuses problématiques, notamment dans le champ des sciences de la communication. On citera notamment l’analyse de Miège (1996 & 1997) qui distingue, dans un retour historique sur les modèles d’espace public, quatre grands modèles de communication qui organisent un espace public élargi et fragmenté : la presse d’opinion (milieu du XVIIIe siècle), la presse commerciale (à partir du milieu du XIXe siècle), les médias audiovisuels de masse (depuis le milieu du XXe siècle) et les relations publiques généralisées (depuis les années 1970) [19].

130L’intelligence territoriale, cette capacité collective du territoire à anticiper les ruptures qui vont l’atteindre, nécessite la mise en œuvre d’une évolution de sa culture informationnelle. Nous allons dans cette conclusion en rappeler les principales caractéristiques.

131Cette modification des relations et des échanges, une logique de projet, doit alors s’adosser à un autre traitement des signaux et des informations. Communiquer différemment en participant à un projet commun agit sur les liens individuels et modifie le rapport à l’autre ; ainsi la relation d’échange sort du quotidien pour accéder à une altérité du projet partagé puis il y a capitalisation et valorisation individuelles des missions ; cette mutualisation et mise en perspective des conjectures, sont autant d’opinions fondées sur les analyses d’hypothèses qui assurent un flux continu et interactif, formel et sémiologique d’une relation au groupe. La culture des organisations, dans les aspects de gouvernance, prend alors, par son aspect récursif, un caractère durable.

132Tout est affaire de sens. Au niveau de l’action de l’objet et dans l’identité acquise par l’acteur territorial ; il constitue ainsi un paradigme du sens et d’identité, l’identité territoriale vue comme capacité des acteurs à formuler puis à formaliser leur projet de développement. Ainsi, la dynamique territoriale tire son existence de la complexification de ses réseaux agissant dans le débat social et l’énergie mise en œuvre permet de faire évoluer un objet territorial nouveau.

133L’innovation territoriale endogène se nourrit de signaux internes et de flux d’informations externes. Il s’agit de capter des flux de données à traiter en continu pour dépister à temps la menace et éventuellement saisir l’opportunité.

134Les réponses collectées offrent un faisceau de nouvelles pistes à explorer dans le concept de mutualisation des connaissances. Cette capitalisation des signes et informations mise en perspectives, offre au local des futurs possibles aptes à déjouer la menace où l’incertitude. La création de cette posture d’anticipation porte en germe les attributs d’un outil démocratique partagé par les acteurs du local, les associant plus intimement à une vision stratégique territoriale. Le terme acteur, par la ressource partagée, prend alors tout son sens. Le Chercheur, dans notre conception, devient acteur du territoire.

135L’information territoriale ne prend sens et utilité que dans le contexte d’une communication entre compétences locales. Que cette communication ne peut se faire que dans un contexte cognitif, car l’information elle-même, composante de la communication, est fonction des structures cognitives, de leur mode de fonctionnement et de leurs niveaux d’abstraction. Enfin, la communication dépend aussi de notre rapport avec le temps et de notre capacité à nous aligner sur le temps exogène, -le temps des autres-, et de nos interactions avec l’environnement. On peut donc écrire que la communication s’inscrit dans une dimension d’espace-temps où l’information prend son sens dans un contexte d’interaction. Cette constatation montre tout l’intérêt d’identifier les modèles cognitifs des acteurs territoriaux pour pouvoir traiter de la communication dans le contexte de la concertation et susciter les interactions territoriales à la base du concept d’intelligence territoriale.

136Le territoire devient un lieu de ressources où les acteurs interviennent dans un jeu de pouvoirs construit autour des enjeux d’appropriation Sfez (Op.Cit), de légitimité, d’identité et qui, inévitablement, nécessite la résolution de conflits émergents dans le contexte de la concertation territoriale. Nous avions avancé l’hypothèse que la définition d’un système de veille territoriale et la pratique de celui-ci par les acteurs territoriaux pouvaient favoriser la concertation territoriale. Pour arriver à une résolution possible de ces conflits, la solution envisagée doit prendre en compte la problématique de la mise en réseau du couple «individu - collectivité», car c’est dans la résolution de cette problématique que résident les bases de la régulation sociale des interactions sur le territoire.

137Nous pouvons en tirer trois constats :

  • La concertation territoriale s’appuie sur le principe d’un «modelage mutuel d’un monde commun» par l’acte de communiquer, véritable «réseau de gestes conventionnels», Tetu, (1995) dans un jeu de recherche de communauté d’intérêt et d’affirmation d’identité.
  • L’objet territorial, qu’il soit physique, abstrait ou symbolique, joue un rôle central et permet de matérialiser le lien social et ses enjeux éventuels entre les acteurs sur le territoire.
  • La définition d’un système d’observation territoriale est souhaitable s’il peut aider les acteurs locaux à la compréhension réciproque par l’apprentissage via l’instauration d’un réseau physique et/ou virtuel de compétences locales.
Dans cette approche, nous avons privilégié la mise en valeur des éléments territoriaux. Les objets territoriaux sont d’abord des constructions humaines que ce soit dans leur représentation, physique ou virtuelle ou dans leur réalisation effective. Ils sont donc toujours, pour nous, associés à un sens, une logique, une histoire (Bertacchini, Op.Cit) Mais ils sont aussi objets de ressource pour les acteurs. Pour rendre compte du phénomène d’appropriation-construction-territoriale, nous avons choisi de nous référer à un méta-modèle (Schwarz, Op.Cit). En effet, le territoire est avant tout un système-espace de ressources pour les acteurs, donc est sujet à appropriation. La concertation suscitée et apprise par une politique de développement adaptée au contexte local peut favoriser cette appropriation. La multiplicité des éléments d’information et l’objectif du transfert des connaissances entre les acteurs locaux, nous conduisent à imaginer un système de veille territoriale. La définition et la conception d’un système de veille territoriale peuvent aider au rapprochement des catégories d’acteurs locaux et mobiliser autour d’un tel projet en multipliant les occasions d’échanges et d’interactions.

138À notre sens l’élaboration de ce système d’observation et d’information territoriale ou d’un réseau de cette nature peut favoriser la rencontre, la coordination et le transfert des compétences disponibles localement. Parce que sans ce transfert, le potentiel du territoire c’est-à-dire son passé et sa mémoire disparaîtront au rythme de fragmentation de ses parcelles et de la vitesse de nomadisation de ses citoyens. Tout en renforçant les exclusions que nous avons précédemment nommées : culturelles, économiques et technologiques. Nous pourrons par ailleurs constater que ce choix de présentation permet de mieux définir la notion de territorialité, ses dimensions et les pratiques sociales qui lui sont associées. Car, si nous pensons que c’est la territorialité, véritable phénomène informationnel, qui permet de transformer l’espace en territoire ce dernier, ne peut être construit qu’à l’aide du transfert des compétences locales identifiées. Or, la constitution des gisements de compétences et leur transférabilité repose sur l’engagement croisé et l’accompagnement des acteurs locaux.

139La conception et la diffusion d’outils, de méthodologies et de protocoles de recherche accessibles, d’une part, aux chercheurs en sciences sociales et, d’autre part, aux acteurs du développement durable des territoires ne pourront pas se substituer à la « solidarité vécue » de Morin, ils l’accompagneront;

140La constitution d’ensembles de données applicables pour la recherche pluridisciplinaire et pour l’action territoriale.

141Cette stratégie est concrète et les résultats sont aisément vérifiables. À partir des recherches, des expérimentations et des actions qu’ils conduisent actuellement, les participants élaboreront des outils, des méthodologies, des procédures de recherche et des indicateurs homogènes à l’échelle européenne au cours de rencontres et d’échanges scientifiques complétés par des études évaluatives. Les rencontres scientifiques seront régulièrement ouvertes à des chercheurs et des acteurs extérieurs à l’action de coordination. Les communications et publications, dans le cadre de manifestations scientifiques et professionnelles internes et externes au réseau, en particulier lors de la conférence internationale annuelle du réseau sont référencées sur le portail Internet et téléchargeables avec l’accord des auteurs et des éditeurs.

142Pour accéder à l’obtention de ces résultats opérationnels, nous avons repéré deux catégories d’acteurs spécialisés intervenant dans le champ de l’intelligence territoriale. Nous désignerons la première catégorie comme étant les « géographes des Tic », ceux qui relèvent les champs d’application de l’intelligence territoriale, ses espaces puis les bornent. La seconde catégorie d’intervenants, nous la nommerons les « géologues des Tic » c’est-à-dire ceux qui en mesurent la, les profondeurs des usages associables aux Tic dans le territoire.

143Mais dans un monde de mobilités et de compétition mondiale, un défi sans cesse renouvelé nous attend dès lors qu’un projet territorial nouveau est décidé.

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Mots-clés éditeurs : transversalité, local, territoire, compétences, acteur, développement

Mise en ligne 20/09/2010

Notes

  • [1]
    Schwarz E., « Toward a Holistic Cybernetics. From Science Through Epistemology to Being », Cybernetics and Human Knowing, Vol. 4 n° 1, Alborg, 1997.
  • [2]
    Morin, E., Introduction à la pensée complexe, 158 p, « Points Essais », n°534, Seuil, Paris.
  • [3]
    Poche B, L’espace fragmenté. Eléments pour une analyse sociologique de la territorialité, L’Harmattan, Paris, 1996.
  • [4]
    Atlan H., A tort et à raison, Seuil, Paris, 1986.
  • [5]
    Bailly & al, Collectif, Stratégies spatiales : comprendre et maîtriser l’espace. GIP reclus, Montpellier, 1995.
  • [6]
    Poche B., déja cité
  • [7]
    Major W.,«Approche systémique du territoire», Colloque de la Systémique, Université de Zurich, 1999.
  • [8]
    Schwarz E, Toward a Holistic Cybernetics. From Science Through Epistemology to Being, Cybernetics and Human Knowing, Vol. 4 n° 1, Alborg, 1997.
  • [9]
    Prelaz-Droux R, Conception d’un système d’information à référence spatiale pour l’aménagement et la gestion du territoire, Approche systémique et procédure de réalisation, EPFL, Lausanne, Suisse, 1995.
  • [10]
    Prelaz-Droux R., (1995) op cité.
  • [11]
    Prelaz-Droux R., (1995) op cité.
  • [12]
    Bertacchini Y, «How to federate some local resources by developing new links ? », Proceedings of ISA 23 Conference Rio de Janeiro, The Endless Transition, Sciences Studies, USA, 2000.
  • [13]
    Jodelet D, Représentations sociales : un domaine en expansion, in «Les représentations sociales». Sociologie d’aujourd’hui, PUF, Paris, 1997.
  • [14]
    Sciences de l’information et de la communication
  • [15]
    LOADDT : Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement Durable du Territoire (portées par les ministres successifs Chevènement, Gayssot, Voynet)
  • [16]
    La version en anglais du guide (HarmoniCOP Handbook) est téléchargeable sur le site http://www.harmonicop.info/
  • [17]
    La version en anglais du guide (HarmoniCOP Handbook) est téléchargeable sur le site http://www.harmonicop.info/
  • [18]
  • [19]
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