Gestion 2012/1 Vol. 37

Couverture de RIGES_371

Article de revue

Recensions de livres pour les gestionnaires

Pages 84 à 86

Notes

  • [1]
    Paul-Arthur Fortin, La culture entrepreneuriale, un antidote à la pauvreté, Transcontinental, 2002.

Le temps de l’insécurité. Changer au-delà des apparences, par Raymond Vaillancourt, Presses de l’Université du Québec, 2010, 123 pages. Recension par Céline Bareil, professeure à HEC Montréal

1Incertitude, ambigüité et insécurité : voilà trois mots clés qui font désormais partie du vocabulaire des gestionnaires et du personnel en ces temps de changements multiples. Quels moyens les gestionnaires peuvent-ils prendre pour aborder cette situation avec succès? Dans ses trois ouvrages, dont celui-ci, Le temps de l’insécurité. Changer au-delà des apparences, Raymond Vaillancourt examine le transfert de l’insécurité du politique vers l’administratif en proposant au gestionnaire des pistes pour y faire face. Dans Le temps de l’incertitude, il s’intéressait aux aspects administratifs du changement, tandis que dans Le temps de l’ambigüité, il s’attardait à ses aspects politiques.

2Selon l’auteur, l’insécurité serait le principal responsable de la sclérose des organisations. En ces temps de grands chantiers et de réformes, il suggère aux gestionnaires de se munir d’une vision porteuse comme antidote au chaos actuel, d’assurer leur influence pour canaliser les énergies et de se construire une sécurité personnelle pour contrer l’impact d’un monde politique où règne l’incertitude. Cette trilogie sur le changement correspond aux trois parties de l’ouvrage, subdivisé en huit chapitres.

3Dans l’introduction, l’auteur nous livre sa perception du monde politique qui transfère l’incertitude à l’administratif. Puis il note que, vu l’effet de ces « complications », ni la population ni les travailleurs de la base ne s’y retrouvent, ce qui engendre une « perte de confiance dans les services publics » et la montée d’un sentiment d’impuissance, accroissant la déresponsabilisation et la démobilisation des individus.

4En fait, Vaillancourt déplore que le gestionnaire préfère souvent répondre à cette incertitude en renforçant les mécanismes de contrôle ou en tentant de régler lui-même les problèmes. Il amplifie alors l’incertitude et l’insécurité qui en découle. Or, explique-t-il, c’est « en période de turbulence que les employés ont besoin […] d’un leadership rassembleur, stimulant, porteur d’une vision ». Et pour exercer efficacement ce leadership, les gestionnaires doivent mettre l’accent sur la conduite des personnes parce qu’en temps d’incertitude l’insécurité grandit.

5En apprivoisant les sources de son insécurité, le gestionnaire peut faire émerger une vision qui deviendra une source de sécurité afin de mobiliser ses troupes. Cette vision lui permettra de tenir le cap, de rappeler constamment les priorités et d’affronter l’incertitude avec son équipe. Le chapitre 3 est intéressant à cet égard, alors que l’auteur traite de l’émergence d’une vision. Il deviendra ainsi un modèle pour son équipe, car il agira comme si le changement était en train de se réaliser. Au lieu de contrôler le changement, il inspirera son équipe.

6La deuxième partie de l’ouvrage traite de l’influence. L’auteur incite le gestionnaire à avoir le courage de ses convictions pour offrir une vision stimulante et asseoir ainsi sa crédibilité. Pour cela, il doit assurer une cohérence entre ses actions et son discours, travailler autant sa vision que la manière de la livrer.

7Dans la dernière partie, l’auteur invite le gestionnaire à tirer profit de sa propre insécurité, tout comme il l’a fait lorsqu’il est devenu gestionnaire alors qu’il lui en a coûté pour changer son rôle dans l’organisation. Ainsi, il comprendra mieux l’insécurité des employés qui doivent se familiariser avec la nouvelle réalité et, de ce fait, tolérera l’insécurité présente dans son équipe.

8Avec ce parti pris pour l’action et la gestion, l’auteur conclut que le gestionnaire doit apprendre à bien se connaître afin de générer la confiance nécessaire, ce qui constitue l’ultime défi en ces temps d’insécurité.

Oser intraprendre. Ces champions qui font progresser les organisations et les sociétés – douze modèles exemplaires, par Louis Jacques Filion, Presses Inter Universitaires / Presses HEC Montréal, 2010, 405 pages. Recension par Jacques Baronet, professeur à la Faculté d’administration de l’Université de Sherbrooke

9Oser intraprendre intéressera les gestionnaires qui reconnaissent l’importance de l’innovation pour le succès et la survie de leur entreprise. Ce livre intéressera aussi ceux qui cherchent des modèles inspirants pour passer à l’action, à l’action intrapreneuriale, bien sûr.

10Ce livre présente des modèles d’action puisque ce sont de vrais gestionnaires qui ont réussi, malgré les obstacles bureaucratiques, à accomplir un redressement d’entreprise, un changement stratégique ou une introduction réussie d’un nouveau produit, service ou façon d’appréhender la gestion. Louis Jacques Filion, professeur à HEC Montréal, expose 12 cas d’intrapreneurs.

11L’ouvrage comprend trois parties concernant les agents de changement, les créateurs de produits et les intrapreneurs sociaux.

12Les agents de changement sont les leaders de la transformation des entreprises. Ils proposent des modèles et mettent en place les moyens d’assurer la réussite des changements souvent de nature stratégique. Ces agents de changement rendent possibles les transformations nécessaires à la survie des organisations. Parfois oubliés, surtout si on les compare aux champions de l’innovation de produits, ces personnages deviennent ceux dont on retient le nom vu leur puissant impact organisationnel.

13Ainsi, on nous décrit le travail innovateur et inspirant d’André Bisson à la Banque Scotia et chez Maxwell Communications, de Louise Roy à la tête l’ancienne Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal, de Laurent St-Laurent au Carrefour Providence, de Dany Duchesne à Hydro-Québec, de Jean-Luc Géha chez Bell et de Hugues Lacroix au Fonds de solidarité FTQ.

14Les créateurs de produits ou de services nous montrent, à travers leur expérience, qu’il ne suffit pas d’avoir une bonne idée pour en assurer l’acceptation dans une organisation et son succès commercial à l’externe. Deux individus et une entreprise illustrent les composantes essentielles à l’intrapreneuriat quant aux habiletés et au courage ainsi que les aspects de la culture organisationnelle propices à l’intrapreneuriat. Les histoires de Serban Teodoresccu chez Unilever et Johnson & Johnson et de Claude Blanchet à la Société générale de financement mettent en valeur les actions créatives, sociales et politiques aidant à faire accepter de nouveaux concepts, produits ou services dans une organisation et sur son marché. Premier Tech est une entreprise de Rivière-du-Loup qui a instauré un système générateur de nouvelles entreprises à l’interne et une véritable culture intrapreneuriale. Ainsi, en région, on peut être aussi créatif qu’une multinationale comme 3M.

15Enfin, trois intrapreneurs sociaux nous offrent des modèles de dépassement permettant aux sociétés de continuer à progresser. Emerson de Almeida à la Fondation Dom Cabral au Brésil, Paul-Arthur Fortin à la Fondation de l’entrepreneurship et auteur de La culture entrepreneuriale, un antidote à la pauvreté[1] et Marcel Lafrance dans le secteur du mentorat sortent des entiers battus pour créer des activités à but non lucratif qui soutiennent des causes sociales.

16Dans sa conclusion du livre, Louis Jacques Filion offre aux lecteurs 10 règles pour adopter une attitude innovante dans une entreprise et ainsi passer à l’acte intrapreneurial.

17Les lecteurs trouveront amplement leur compte à la lecture d’Oser intraprendre, en raison des histoires passionnantes des 12 intrapreneurs présentés dans le livre et des leçons qu’ils peuvent en tirer en les adaptant. Ces cas réels permettront de comprendre rapidement et en profondeur le phénomène de l’intrapreneuriat, un bénéfice considérable car ce phénomène en croissance peut aider les entreprises d’ici et d’ailleurs.

Sociologie de la négociation, nouvelle édition, avec études de cas, par Reynald Bourque et Christian Thuderoz, Presses universitaires de Rennes, 2011, 272 pages. Recension par Mélanie Gagnon, professeure en relations de travail à l’Université du Québec à Rimouski

18Neuf ans après la première édition de cet ouvrage, Reynald Bourque et Christian Thuderoz nous offrent cette seconde édition enrichie. Si l’organisation générale est demeurée inchangée, le lecteur pourra bénéficier de l’approfondissement de certaines notions théoriques et de l’ajout de nouvelles sections.

19Le champ notionnel ainsi que les concepts théoriques composent la première partie, qui définit l’activité de négociation comme objet d’étude (chapitres 1 et 2). Le lecteur comprend ainsi que la négociation, mode de régulation sociale, est une méthode de résolution des conflits, les acteurs ayant la possibilité de décider collectivement. Ce premier grand pan du volume (chapitres 3 à 6) repose essentiellement sur le modèle d’analyse retenu, à savoir le « système-négociation » emprunté à Dupont (1994). Les éléments du système (acteurs, règles et contextes, processus, stratégies et résultats) sont ainsi explicités.

20Les acteurs, dotés de biais cognitifs en négociation, sont étudiés à l’aune du principe de la rationalité limitée. Si la majorité des ouvrages décrivent des stratégies et des tactiques de négociation, l’angle d’analyse préconisé ici s’appuie sur les règles encadrant la négociation de façon sociologique. Les auteurs distinguent ensuite deux processus : la négociation distributive et la négociation intégrative. Quant à la notion de stratégies, elle est abordée de manière originale en palliant les limites du modèle de la théorie des jeux.

21La deuxième partie (chapitres 7 à 9) présente les registres de négociations, que les auteurs appellent « configurations structurelles » et qui comprennent trois catégories.

22D’abord, la négociation interpersonnelle mettant en scène au minimum deux individus vise à régler un différend à caractère personnel et non organisationnel. Selon la thèse proposée, la sociologie de la négociation ne peut évacuer la dimension psychologique des négociateurs, qu’il s’agisse des différences individuelles, des traits de personnalité ou des comportements présents en négociation.

23Ensuite, la négociation intra-organisationnelle vise la négociation interne entre les parties que nécessite l’existence de conflits dans toute organisation (Walton et McKersie, 1965). Un bref mais nécessaire détour explique au lecteur le concept de mandat de même que la relation mandants-mandataires.

24Enfin, la négociation inter-organisationnelle implique deux ou plusieurs organisations, représentées par leurs mandataires respectifs. Compte tenu de la spécificité de ce registre de négociation, n’échappant à aucun détail et avec un souci de clarté indéniable, Reynald Bourque et Christian Thuderoz décrivent et analysent les parties prenantes, les règles de négociation, la présence de mandataires, le secret des mandats, le rôle des tiers intervenants et la possibilité de coalitions dans les négociations multipartites.

25La troisième et dernière partie de l’ouvrage se compose de cinq analyses de cas illustrant les notions théoriques avancées dans les sections précédentes. Incidemment, chaque cas renvoie à l’une des configurations structurelles : négociation interpersonnelle, négociation intra-organisationnelle et négociation inter-organisationnelle.

26Forts d’une présentation claire et complète de nombreuses notions théoriques et pratiques, les auteurs offrent un ouvrage pédagogique d’un intérêt certain autant pour les professionnels que pour le milieu universitaire. Le travail de synthétisation des différentes écoles de pensée et contributions théoriques se rapportant à la négociation doit être souligné. Les auteurs dressent un portrait fidèle et exhaustif de la littérature pour ainsi livrer l’objectif annoncé au départ : présenter une synthèse des travaux de la sociologie française et de la tradition nord-américaine, afin d’appréhender l’activité sociale que constitue la négociation, tout en offrant une approche sociologique de ce mode de régulation.


Date de mise en ligne : 26/04/2012

https://doi.org/10.3917/riges.371.0084

Notes

  • [1]
    Paul-Arthur Fortin, La culture entrepreneuriale, un antidote à la pauvreté, Transcontinental, 2002.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

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