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Article de revue

Théorie économique et constitutionnalisme de l’Union

Pages 127 à 145

Notes

  • [1]
    Article 3-I, paragraphe 2, du Traité établissant une Constitution pour l’Europe.
  • [2]
    Article 3, f), du Traité instituant la Communauté économique européenne, devenu article 3, g, du Traité instituant la Communauté européenne dans la version issue du Traité de Maastricht.
  • [3]
    Article 3, paragraphe 3, du Traité sur l’Union européenne (TUE).
  • [4]
    Protocole n° 27 sur le marché intérieur et la concurrence.
  • [5]
    F. Bilger, La pensée économique libérale dans l’Allemagne contemporaine, Paris, LGDJ, Collection Bibliothèque d’économie politique, 1964.
  • [6]
    L.-J. Constantinesco, « La constitution économique de la République fédérale allemande », Revue économique, Vol. 11, 1960, n° 2, pp. 266-290.
  • [7]
    H. Rabault, « La constitution économique de la France », RFDC, 2000, n° 44, pp. 707-745.
  • [8]
    Voiy..-Y. Chérot, « Constitution et économie », in Traité international de droit constitutionnel, Traité international de droit constitutionnel, D. Chagnollaud et M. Troper (dir.), Paris, Dalloz, Collection Traités Dalloz, 2012, pp. 530-561 ; M.-L. Dussart, Constitution et économie, Préface J.-Y. Chérot, Paris, Dalloz, Collection Nouvelle bibliothèque des thèses, Paris, Dalloz, 2015. On se permet de renvoyer à F. Martucci, « Constitution économique, quelques fragments de doctrine française », in La constitution économique, F. Martucci et C. Mongouachon (dir.), Paris, La mémoire du droit, 2015, pp. 14-42.
  • [9]
    Voy. G. Farjat, « L’importance d’une analyse substantielle en droit économique », RIDE, 1986, n°1, pp. 9-42. Id., Pour un droit économique, Paris, PUF, Collection Voies du droit, 2004, 209 p.
  • [10]
    Comité intergouvernemental crée par la conférence de Messine, Rapport des chefs de délégation aux ministres des affaires étrangères (dit « Rapport Spaak »), 21 avril 1956.
  • [11]
    Comité pour l’étude de l’union économique et monétaire, Rapport sur l’union économique et monétaire dans la Communauté européenne (dit « Rapport Delors »), Luxembourg, OPOCE, 1989.
  • [12]
    CJUE, Ass. Plén., 27 novembre 2012, Pringle, C-370/12, ECLI :EU :C :2012 :756, point 135.
  • [13]
    CJUE, GC, 16 juin 2015, Gauweiler, C-62/14, ECLI :EU :C :2015 :400, point 100.
  • [14]
    CJCE, 3 octobre 2000, Echirolles Distribution SA, C-9/99, ECLI :EU :C :2000 :532, point 25.
  • [15]
    Voy. L. Warlouzet, Le choix de la CEE par la France. Les débats économiques de Pierre Mendès-France à Charles de Gaulle (1955-1969), Paris, CHEFF, 2011, pp. 370-380.
  • [16]
    A. Vauchez, L’Union par le droit, Paris, Les Presses de Sciences po, Collection Références, 2013, pp. 95-98.
  • [17]
    Sur l’influence allemande, voy. D. J. Gerber, « Constitutionalizing the Economy : German NeoLiberalism, Competition Law and the “New Europe” », The American Journal of Comparative Law, vol. 42, 1994, n°1, pp. 69-72 ; W. Sauter, « The Economic Constitution of The European Central Union », Columbia Journal of European Law, vol. 4, 1998, n° 27, pp. 46-47.
  • [18]
    F. Böhm, W. Eucken, H. Großmann-Doerth, « Unsere Aufgabe », in Ordnung der Wirtschaft, F. Böhm, W. Eucken et H. Großmann-Doerth, (dir.), Berlin, Stuttgart, 1937, pp. VII-XXI.
  • [19]
    27. Juli 1957, BGBl. I S. 1081. Sur l’origine de la loi, voy. K. Wagner, Die Diskussion über ein Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen in Westdeutschland nach 1945, Zürich, Polygraphischer Verlag, 1956.
  • [20]
    Chérot, « Constitution et économie », in Traité international de droit constitutionnel, précité, p. 554.
  • [21]
    Voy. C. Didry et F. Marty, « La politique de concurrence comme levier de la politique industrielle dans la France de l’après-guerre », Politiques de la concurrence, vol. 5, 2016, n° 4, pp. 23-45.
  • [22]
    Article 3 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, JOUE L 1, 4 janvier 2003, p. 1. L’Italie est le seul État membre à avoir choisi de ne pas appliquer le droit national lorsque l’autorité applique le droit de l’Union. Tous les autres États membres appliquent cumulativement les deux droits.
  • [23]
    Article 3, paragraphe 1, TFUE.
  • [24]
    Voy. L. Warlouzet, The Rise of European Competition Policy, 1950-1991 : A Cross-Disciplinary Survey of a Contested Policy Sphere, Florence, European University Institute, Working Papers RSCAS 2010/80, 2010.
  • [25]
    Règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, JOUE L 24 du 29 janvier 2004, p. 1.
  • [26]
    Règlement n° 17/62 Premier règlement d’application des articles 85 et 86 du traité, JO P 13 du 21 février 1962, p. 204.
  • [27]
    Voy. L. Warlouzet, « La politique de la concurrence en Europe : enjeux idéologiques », laviedesidees.fr, 2014, qui renvoie à D. Spector, « L’économiste appelé à la barre : la régulation économique et juridique de la concurrence », Tracés. Revue de Sciences humaines, 2011.
  • [28]
    W. Röpke, « La crise de notre temps », Paris, Oreste Zeluck, 1945, p. 299.
  • [29]
    Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, JOUE L 1 du 4 janvier 2003, p. 1. Voy. F. Bergès-Sennou, F. Loss, E. Malavolti-Grimal et al. « Modernisation de la politique communautaire de concurrence. Régime d’autorisation ou d’exception légale ? », Revue économique, vol. 53, 2002, n° 3, pp. 433-447.
  • [30]
    Directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne, JOUE L 349 du 5 décembre 2014, p. 1.
  • [31]
    Règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, JOUE L 102 du 23 avril 2010, p. 1.
  • [32]
    Communication de la Commission, Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques, JOUE C 45 du 24 février 2009, p. 7.
  • [33]
    Communication de la Commission, Modernisation de la politique de l’UE en matière d’aides d’État, 8 mai 2012, COM(2012)209.
  • [34]
    CJUE, GC, 19 juillet 2016, Kotnik, C-526/14, ECLI :EU :C :2016 :570.
  • [35]
    L. Azoulai, « Le rôle constitutionnel de la Cour de justice des Communautés européennes tel qu’il se dégage de sa jurisprudence », RTDE, vol. 44 (1), janvier 2008, pp. 29-45.
  • [36]
    CJCE, 23 novembre 1977, Enka BV, C-38/77, Rec. p. 2203, Conclusions Warner, ECLI :EU :C :1977 :168, p. 2226.
  • [37]
    CJCE, GC, 23 octobre 2007, Commission / Allemagne, C-112/05, Conclusions Ruiz-Jarabo Colomer, ECLI :EU :C :2007 :92, note 3.
  • [38]
    CJCE, GC, 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional and Bwin International Ltd / Departamento de Jogos da Santa Casa da Misericórdia de Lisboa, C-42/07, ECLI :EU :C :2009 :519, point 57.
  • [39]
    M. Emerson et al., Marché unique Monnaie unique, Avant-propos J. Delors et H. Christophersen, Paris, Economica, 1991 [Commission, 1990], 379 p.
  • [40]
    Ibid., p. 5.
  • [41]
    Ibid., p. 30.
  • [42]
    J.-P. Fitoussi, Le débat interdit : monnaie, Europe, pauvreté, Paris, Éd. Arléa, 1995, 318 p. ; Id., La règle et le choix, De la souveraineté économique en Europe, Paris, Seuil, Collection République des idées, 2002, 95 p.
  • [43]
    Article 3 TFUE.
  • [44]
    Article 127, paragraphe 2, TFUE.
  • [45]
    Article 130 TFUE.
  • [46]
    La stratégie de politique monétaire définit la stabilité des prix comme une inflation à moyen terme entre 0 et 2 % plus proche de 2 % que de 0 %. La stratégie de politique monétaire de la BCE, 8 mai 2003.
  • [47]
    Article 121 TFUE.
  • [48]
    Voy. en ce sens – et les références explicites au constitutionnalisme sont très rares – F. Benaroya, « Le renouveau du constitutionnalisme économique », Problèmes économiques, n°2547, 17 décembre 1997, pp. 8-11.
  • [49]
    F. E. Kydland et E. C. Prescott, « Rules rather than Discretion : The inconsistency of optimal plans », Journal of Political Economy, 1977, 85 (3), June, pp. 473-492.
  • [50]
    W. Nordhaus, « The Political Business Cycle », Review of Economic Studies, 1975, 42, pp. 169-190.
  • [51]
    R. B. Barro et D. J. Gordon, « Rules, discretion and reputation in a model of monetary policy », Journal of Monetary Economics, July 1983, pp. 101-121.
  • [52]
    BCE, « Les relations de la BCE avec les institutions et les organes de la Communauté européenne », Bulletin mensuel de la BCE, octobre 2000, p. 53 ; Voy. aussi BCE, « Les relations de la BCE avec les institutions et organes de l’Union européenne : tendances et perspectives », Bulletin mensuel de la BCE, janvier 2010, p. 74 et
  • [53]
    BCE, La politique monétaire de la BCE, Francfort, BCE, 2004, 2ème éd., p. 12.
  • [54]
    Sur l’origine de la disposition, voy. F. Martucci, « La Cour de justice face à la politique économique et monétaire : du droit avant toute chose, du droit pour seule chose. Commentaire de l’arrêt CJUE, 27 nov. 2012, Pringle », RTDE, 2013, 2, pp. 239-265 ; F. Martucci et F. Allemand, « La nouvelle gouvernance économique européenne II », CDE, 2012, n°5-6, pp. 407-455.
  • [55]
    Voy. M. Ruffert, « The European Debt Crisis and European Union Law », CMLR, vol. 48, n° 6, 2011, pp. 1777-1805.
  • [56]
    L’expression de « grande modération » a été popularisée par des travaux menés dans le cadre de la Banque des règlements internationaux. Voy. C. Borio, W. White, Wither Monetary and Financial Stability ? The Implications of Evolving Policy Regimes, présenté lors du Symposium Monetary Policy and Uncertainty : Adapting to a Changing Economy, organisé par la Banque de réserve fédérale de Kansas City, Jackson Hole, Wyoming, 28-30 août 2003 ; BRI, 73e Rapport annuel, juin 2003, chapitre VIII.
  • [57]
    BCE, Rapport annuel 2012, p. 258. Idem, « Les mesures non conventionnelles de la BCE, leur incidence et leur suppression », Bulletin mensuel de la BCE, juillet 2011, p. 55.
  • [58]
    Décision 2010/281/UE BCE/2010/5, de la BCE, du 14 mai 2010, instaurant un programme pour les marchés de titres, JOUE L 124 du 20 mai 2010, p. 8.
  • [59]
    BCE, Technical features of Outright Monetary Transactions, Press release, 6 September 2012.
  • [60]
    BCE, 22 janvier 2015, La BCE annonce un programme étendu d’achats d’actifs. Introductory statement to the press conference, M. Draghi, 22 January 2015. BCE, « Encadré : le programme étendu d’achats d’actifs du conseil des gouverneurs », Bulletin économique de la BCE, 2015/1, pp. 17-20.
  • [61]
    Règlement (UE) n°1173/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2011, sur la mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro, JOUE L 306 du 23 novembre 2011, p. 1 ; règlement (UE) n°1174/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2011, établissant des mesures d’exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro, JOUE L 306 du 23 novembre 2011, p. 8 ; règlement (UE) n°1175/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2011, modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, JOUE L 306 du 23 novembre 2011, p. 12 ; règlement (UE) n°1176/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2011, sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques, JOUE L 306 du 23 novembre 2011, p. 25 ; règlement (UE) n°1177/2011 du Conseil, du 8 novembre 2011, modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, JOUE L 306 du 23 novembre 2011, p. 33. Directive 2011/85/UE du Conseil, du 8 novembre 2011, sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres, JOUE L 306 du 23 novembre 2011, p. 41.
  • [62]
    Règlement (UE) n°472/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2013, relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres de la zone euro connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière, JOUE L 140 du 27 mai 2013, p. 1 ; règlement (UE) n°473/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2013, établissant des dispositions communes pour le suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro, JOUE L 140 du 27 mai 2013, p. 11.
  • [63]
    CJUE, Gauweiler, C-62/14, précité. Voy. D. Adamski, « Economic constitution of the euro area after the Gauweiler preliminary ruling », CMLR, 2015, pp. 1451-490 ; G. Anagnostaras, « In ECB we trust… the FCC we dare ! The OMT preliminary ruling », ELR, 2015, pp. 744-762 ; S. Baroncelli, « The Gauweiler Judgment in View of the Case Law of the European Court of Justice on European Central Bank Independence : Between Substance and Form », Maastricht Journal of European and Comparative Law, 2016, pp. 79-98 ; J.-H. Binder, « Drohende Zentralbankinsolvenz ? », Juristenzeitung 2015 pp. 328-336 ; V. Borger, « Outright Monetary Transactions and the stability mandate of the ECB : Gauweiler », CMLR, 2016, pp. 139-196 ; C. D. Classen, « Funktionsadäquate checks and balances statt richterliche Vollkontrolle unter demokratischem Vorwand », Europarecht, 2015, pp. 477-486 ; P. Craig, M. Markakis, « Gauweiler and the Legality of Outright Monetary Transactions », ELR, 2016, pp. 4-24 ; W. Frenz, « Ultra-vires-Kontrolle kraft Europarechts - Das Schrems-Urteil des EuGH im Vergleich zum OMT-Beschluss des BVerfG, Europäisches Wirtschafts- & Steuerrecht », EWS, 2015 pp. 257-262 ; F. Martucci, « La Cour de justice face à la politique monétaire en temps de crise de dettes souveraines : L’arrêt Gauweiler entre droit et marché », CDE, 2015 pp. 493-534 ; C. Ohler, « Rechtliche Maßstäbe der Geldpolitik nach dem Gauweiler-Urteil des EuGH », Neue Zeitschrift für Verwaltungsrecht, 2015 p.1001-1007 ; R. Schmidt, « Die entfesselte EZB », Juristenzeitung, 2015, pp. 317-327 ; T. Tridimas et N. Xanthoulis, « A Legal Analysis of the Gauweiler Case : Between Monetary Policy and Constitutional Conflict », Maastricht Journal of European and Comparative Law, 2016, pp. 17-39.
  • [64]
    C. Joerges, « Que reste-t-il de la Constitution économique européenne après la constitutionalisation de l’Europe – Une rétrospective mélancolique », Cahiers européens de Sciences po, 2005, n°1, 44 p.
  • [65]
    K. Polanyi, La Grande Transformation, 1944, rééd. Paris, Gallimard, trad. C. Malamoud, M. Angeno, préface L. Dumont, Collection Tel, 2013.

1Libéral, néo-libéral, ordolibéral, ultra-libéral, les qualificatifs dont on affuble les traités régissant l’Union européenne sont légion. Le sort réservé au projet de Traité établissant une Constitution pour l’Europe est connu. En France, politiquement, l’inscription dans les dispositions liminaires de l’objectif de réalisation d’« un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée [1] » a indéniablement pesé sur le résultat du référendum de 2005. Que la concurrence soit expressément consacrée par la Constitution n’a pas été sans heurter certains esprits réfractaires au modèle de l’économie de marché. Dans l’Union, juridiquement, la concurrence a toujours été un objectif ; dans le Traité de Rome, était assigné à la Communauté économique européenne l’objectif d’établir « un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché commun [2] ». Dans sa version issue de la révision de Lisbonne, le Traité sur l’Union européenne assigne notamment à l’Union l’objectif de réaliser le marché intérieur en éludant la concurrence [3]. En revanche, le protocole n° 27 dispose que « le marché intérieur tel qu’il est défini à l’article 3 du traité sur l’Union européenne comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée [4] ». La concurrence demeure ainsi un objectif assigné par le droit primaire à l’Union européenne. Il serait presque oiseux de s’attarder sur la distinction entre libre concurrence et concurrence non faussée ; les deux expressions ne sont certes pas antinomiques, le caractère non faussé impliquant une action de l’autorité pour réguler la concurrence sur le marché de sorte qu’on désigne ainsi les règles de concurrence ; bien que non mentionnée par le droit primaire, la libre concurrence est induite par les dispositions relatives aux libertés de circulation.

2La Constitution européenne est morte – sans même avoir été vivante –, vive la constitution économique de l’Union. Évoquer un constitutionnalisme économique européen conduit à déplacer le débat sur un terrain peu pratiqué en France dans la doctrine juridique. Au sens matériel, la constitution retient peu l’attention. Ce n’est guère un hasard si on parle couramment de constitution économique en Allemagne, terre ordolibérale, ou en Italie, patrie de Mortati. En France, les économistes ont longtemps délaissé l’ordolibéralisme à la remarquable exception de Bilger qui a consacré sa thèse à la pensée économique allemande [5]. Parmi les juristes, seul un auteur, Léon-Jean Constantinesco [6], s’est intéressée à la constitution économique. Si, par la suite, l’expression a été employée [7], ce sont essentiellement les rapports entre constitution et économie qui ont retenu l’attention, la question posée étant celle de la neutralité économique de la Constitution [8].

3Que la doctrine juridique s’avère en France si rétive à la notion de constitution économique s’explique parce que celle-ci implique de mâtiner la norme juridique de théorie économique. L’enjeu est dès lors épistémologique puisque s’opère un choix entre fermeture et ouverture disciplinaire. La première approche privilégie une étanchéité entre système juridique et système économique avec la volonté de construire des disciplines authentiquement scientifiques évitant toute référence extra-systémique garantie par une méthodologie épurative, faisant la part belle au positivisme. La seconde approche conduit à se focaliser sur la substance de la norme ce qui rappelle la démarche chère à Farjat et à sa lecture « substantielle » du droit dans laquelle la théorie économique pénètre le cœur de la norme juridique [9].

4En droit de l’Union, cette approche substantielle s’avère particulièrement idoine pour appréhender les normes du droit économique de l’Union. Il est indéniable que les dispositions des Traités relatives au marché intérieur (règles de concurrence et libertés de circulation) et à l’Union économique et monétaire sont pétries d’économie. Nécessairement, une théorie économique a influencé la fabrication de ces dispositions des Traités. L’intuition bute cependant sur une gageure méthodologique tant il est difficile d’identifier la place des théories économiques dans la confection des traités négociés au sein de conférences intergouvernementales. Les travaux préparatoires ne font aucune référence expresse aux théories économiques. En amont même du processus, les documents préparatoires demeurent le plus souvent muets sur ces théories ; aucune n’est mentionnée que ce soit dans le rapport Spaak qui explicitent les fondements économiques du marché commun [10] ou dans le rapport Delors qui énonce les préceptes fondateurs de l’Union économique et monétaire [11]. Parallèlement, la jurisprudence de la Cour de justice promeut une interprétation téléologique des traités. Il est toutefois remarquable que les très rares références de la Cour aux travaux préparatoires pour interpréter les traités ont été faites à propos de l’Union économique et monétaire. Dans les arrêts Pringle[12] et Gauweiler[13], les travaux d’élaboration du Traité de Maastricht ont été visés par la Cour afin d’expliciter les fondements de la discipline budgétaire requise des États membres. Il s’est cependant agi pour la Cour non d’extirper du traité une théorie économique mais d’y identifier une volonté politique. C’est ainsi qu’entre la norme juridique et la théorie économique s’invite un troisième élément décisif : la volonté politique. Les Traités régissant l’Union européenne expriment le choix fondamental de l’économie de marché ouverte où la concurrence est libre, principe dont la Cour de justice a souligné le défaut d’applicabilité directe [14], laissant la part belle aux pouvoirs politiques.

5Le propos est ici d’apprécier la mesure dans laquelle la théorie économique détermine le cadre juridique de l’économie de marché dans lequel l’autorité politique interagit avec le marché. Le pouvoir politique jouit d’une marge d’appréciation dans l’exercice de laquelle la théorie économique est un discours qui justifie l’action – ou l’abstention – de l’autorité publique. Ce double cadre est celui de la constitution du marché intérieur (1) et du constitutionalisme de la monnaie unique (2).

1 – La constitution du marché intérieur

6Si la filiation ordolibérale du Traité de Rome est indéniable (A), cela n’a pas empêché une émancipation politique (B).

A – La filiation ordolibérale

7Le traité de Rome de 1957 marque une rupture par rapport au Traité de Paris de 1951 quant à l’esprit économique [15]. La CECA était fondée sur une logique d’économie administrée d’inspiration très française. Derrière l’empreinte juridique de Reuter sur les dispositions du Traité de Paris, on trouve les préceptes économiques chers à Monnet, plus enclin à une vision planificatrice de l’économie. Toutefois, dans le Traité CECA, quelques dispositions étaient déjà consacrées à la concurrence. Le Traité de Rome s’avère davantage équilibré ; aux dispositions de la politique agricole commune et à l’Euratom, empreintes d’un interventionnisme public fort, ont répondu les articles consacrés à la concurrence et aux libertés de circulation. L’influence allemande sur ces derniers est indéniable. Aux origines du Traité de Rome, on trouve en effet des rapports rééquilibrés entre les États fondateurs des Communautés économiques européennes. En pleine reconstruction, la République fédérale d’Allemagne a pesé sur les négociations du Traité de Rome [16]. Hans von der Groeben, juriste ordolibéral, est l’un des auteurs du rapport Spaak et a été chef adjoint de la délégation allemande chargée de la négociation des dispositions relatives au marché commun. Dans la première Commission européenne, il sera en charge de la concurrence, à la tête d’une équipe composée de personnes formées par l’école de Fribourg, dont Ernst-Joachim Mestmäcker, élève de Franz Böhm. Alfred Müller-Armack, un des piliers de l’école ordolibéral, a été représentant du gouvernement allemand lors des premières années de la construction européenne [17]. Mêlant économistes et économistes, l’école ordolibérale a défendu dans les années 1930, en réaction au nazisme, le projet d’un « ordre économique » (Ordnung der Wirtschaft) [18] : Eucken, l’économiste, soutient que l’économie de marché fondée sur une concurrence par les prix constitue le système économique le plus compatible avec un libéralisme au sens politique du terme ; Böhm soutient qu’un tel système économique ne peut exister sans un ordre juridique fondé sur des règles et des institutions. S’il écarte tout dirigisme économique, l’ordolibéralisme promeut une double action de l’État. D’une part, celui-ci fixe les règles fondamentales du marché ; d’autre part, il en régule le fonctionnement. Aussi n’est-on guère étonné du mimétisme normatif qui existe entre certaines des dispositions du Traité de Rome relatives à la concurrence et celles de la loi allemande relative à la concurrence adoptée la même année (Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen) [19]. Plus précisément, le traité et la loi ont consacré les règles régissant les comportements d’entreprise sur le marché et formant le « cadre de référence ordolibéral [20] ». Sont interdites les pratiques anti-concurrentielles des entreprises, c’est-à-dire les ententes et les abus de position dominante. De leur propre initiative, les États membres de la Communauté ont consacré des droits nationaux de la concurrence s’inspirant fortement du droit communautaire et, donc, du droit allemand [21]. Ce faisant, l’esprit ordolibéral s’est diffusé dans l’ensemble de l’Union.

8La convergence spontanée a produit ses effets ; au moment de l’entrée en vigueur du règlement (CE) n° 1/2003, tous les États membres se sont dotés d’un droit national des pratiques anti-concurrentielles. Ledit règlement contraint les autorités nationales à appliquer les articles 101 et 102 TFUE aux comportements d’entreprise qui affectent le commerce entre États membres tout en laissant le choix d’appliquer cumulativement le droit national [22]. La concurrence ne relève d’une compétence exclusive pour l’Union que dans la mesure où elle est nécessaire au fonctionnement du marché intérieur [23]. En revanche, lorsque le marché intérieur n’est pas affecté, la compétence revient aux États membres de sorte qu’un droit national existe. Ainsi, vingt-neuf droits des pratiques anti-concurrentielles coexistent dans l’Union : le droit de l’Union et les droits des vingt-huit États membres. Par exemple, en France, le législateur a adopté les dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce. De la sorte, le modèle économique ordolibéral de la concurrence s’est diffusé dans l’ensemble de l’Union. Le désenchantement du monde a cependant produit ses effets ; l’esprit ordolibéral s’est dissipé dans une lecture de plus en plus économique du droit de la concurrence à mesure que celui-ci s’est modernisé.

B – L’émancipation politique

9Que reste-t-il de l’ordolibéralisme dans le marché intérieur ? La constitution économique, est-il loisible de répondre. Depuis le Traité de Rome, les dispositions relatives à la concurrence sont demeurées inchangées ; le Traité de Lisbonne s’est cantonné à remplacer l’expression de « marché commun » par celle de « marché intérieur ». La lecture de la pratique décisionnelle de la Commission est éclairante à cet égard. Quel est le rapport entre les décisions de la Commission des années 1960 et celles d’aujourd’hui [24] ? À droit primaire constant, l’application des règles de concurrence a considérablement évolué. Cela s’explique aisément. Il ne faut pas perdre de vue que la concurrence est une politique ; du moins, est-ce le discours déployé par la Commission européenne. Depuis 1971, la direction générale en charge de la concurrence consacre ainsi son rapport annuel à la « politique de concurrence ». Les articles 101 et 102 TFUE, en matière de pratiques anti-concurrentielles, l’article 107 TFUE, en matière d’aides d’État ou encore le règlement relatif au contrôle des concentrations [25], constituent des normes juridiques qui consacrent des règles économiques. Celles-ci font cependant l’objet par l’autorité de la concurrence d’une interprétation politique. Toutefois, et c’est là certainement l’une des raisons pour lesquelles l’anathème est souvent jeté sur la Commission, le choix politique est désormais celui de retenir une analyse économique du droit de la concurrence.

10Le temps n’est plus celui des débuts du droit de la concurrence. Dans les années 1960, la Commission concentrait son attention sur les cartels, avant de lutter contre les pratiques unilatérales, dans une conception ordolibérale des règles ; cette approche était qualifiée de juridique pour deux raisons. D’une part, l’autorité entendait réprimer des comportements d’entreprise selon une logique répressive. D’autre part, elle exemptait les accords notifiés par les entreprises selon une logique administrative [26]. La politique de concurrence consistait et consiste encore pour l’autorité à réguler le marché par l’application des règles. La théorie économique s’est cependant invitée dans l’application de ces règles. La politique de concurrence a ainsi évolué par la suite en prenant une dimension bien plus économique. La Commission s’est affranchie de la conception ordolibérale pour embrasser la théorie néo-libérale de la deuxième école de Chicago, avec des figures comme Robert Bork et Robert Posner, résolument plus encline à intégrer l’analyse économique dans la mise en œuvre du droit [27]. Dans cette perspective, le libre jeu du marché est censé permettre d’atteindre un optimum économique de sorte que l’action de l’autorité doit être aussi réduite que possible. L’action de l’autorité se focalise sur les restrictions de concurrence les plus graves, à l’instar des cartels ou des abus les plus flagrants, et se fonde pour le reste sur une approche strictement économique, épurée de considérations politiques ou juridiques ; l’objectif est ainsi celui du consumer welfare. La rupture est donc nette avec l’ordolibéralisme, école de pensée qui certes repose sur le dogme de l’économie de marché concurrentielle comme modèle économique optimal, mais qui l’intègre dans un modèle d’économie sociale de marché : l’économie est dans cette perspective au service de la société pour garantir la démocratie. La signification profondément politique de l’ordolibéralisme a été oubliée : ainsi, en 1943, Röpke, penseur de ce courant, écrit :

11« Si nous désirons un marché libre, les conditions, les règles et les institutions doivent constituer un cadre d’autant plus solide. Laissez faire, certes, mais seulement à l’intérieur de ce cadre déterminé par une police du marché continue et intelligente. La liberté du marché nécessite une politique économique active et extrêmement vigilante, mais aussi pleinement consciente de ses buts et de la limitation de son champ d’activité, une politique qui ne soit jamais tentée de dépasser les limites qui lui sont assignées par un interventionnisme conformiste » [28].

12La modernisation de la politique de concurrence par la Commission marque le tournant économique avec la décentralisation du contrôle opérée par le règlement (CE) n° 1/2003 [29]. La répression demeure, mais la Commission se focalise sur les pratiques les plus nocives, les cartels et les abus des entreprises les plus puissantes. Outre l’implication croissante des autorités nationales, le private enforcement est encouragée : aux justiciables de faire valoir leurs droits devant le juge national [30]. Dans une lecture plus économique, la Commission tient davantage compte des effets sur le marché de pratiques qui, dans une conception plus juridique, auraient été sanctionnées ; c’est en ce sens que l’on comprend l’adoption des règlements d’exemption en matière d’ententes [31] ou les orientations en matière d’abus de position dominante [32]. Ce n’est guère un hasard si en 2000, la Commission se dote d’un chief economist chargé d’apprécier la cohérence économique de sa pratique décisionnelle. La modernisation des règles relatives aux aides d’État conduit au même constat ; l’approche s’avère bien plus économique, que ce soit pour définir la notion que pour appliquer son régime, l’esprit de la réforme étant celui de la défaillance de marché ; ce n’est que si le marché ne fournit pas un bien public, que l’aide d’État peut être accordée [33]. La politique de concurrence est ainsi pétrie de théories économiques qui avancent masquées dans la pratique décisionnelle. Si la Commission se garde bien de renvoyer expressément à tels ou tels travaux, les raisonnements déployés sont bien empreints de science économique. La Cour de justice de l’Union européenne accompagne ce mouvement en respectant, selon l’expression consacrée, un large pouvoir d’appréciation lorsque la Commission procède à des appréciations économiques complexes [34].

13En matière de libertés de circulation, la volonté politique s’exprime moins aisément. À cet égard, la distinction entre intégration négative et intégration positive prend tout son sens. Par intégration positive, on entend classiquement les actes de droit dérivé adoptés par le législateur de l’Union pour réaliser le marché intérieur ; ce sont essentiellement les directives d’harmonisation des réglementations et législations nationales ; plus rarement, des règlements uniformisent le droit dans le marché intérieur. L’Union n’échappe pas au phénomène d’inflation normative ; le corpus juridique est pléthorique. Déceler les théories économiques qui transpirent de cette production normative n’est pas un exercice réalisable. D’une part, l’ampleur de la tâche est infinie tant les textes sont nombreux et couvrent des domaines variés. D’autre part, la fabrique du droit de l’Union ne peut se comprendre en s’en tenant à une lecture institutionnelle du processus décisionnel ; il y a certes en droit l’initiative de la Commission, les amendements du Parlement européen, la position du Conseil ; en pratique néanmoins, l’acte adopté s’avère davantage le fruit de stratégies d’influence sur un processus qui permet la synthèse des intérêts en présence, lesquels sont économiques, mais pas uniquement.

14L’intégration négative désigne l’application des règles du traité qui interdisent les entraves non justifiées aux libertés de circulation. C’est au juge que revient la tâche d’appliquer ces dispositions et au justiciable de faire valoir les droits qu’il tire du Traité. La Cour de justice a ainsi construit une jurisprudence au service du marché commun, devenu marché intérieur, dans laquelle se dégage son rôle constitutionnel [35]. Là encore, il est difficile de déceler l’influence de la théorie économique. Au contraire, on serait même tenter de penser que, cette fois, le droit a pris le pas sur l’économie. À l’origine, la Cour de justice comptait un économiste (Jacques Rueff) parmi ses juges ; ce fut les premiers temps du Traité CECA. Avec le Traité de Rome, seuls des juristes, éminents, ont été désignés juges et avocats généraux ; ce sont ces hommes – peu de femmes faut-il regretter au commencement – qui ont forgé la « doctrine constitutionnelle » communautaire : le discours de la spécificité qui fait de l’Union cette organisation d’intégration constitutionnelle distincte d’une organisation internationale sans être un État. Rappeler ce dessein de la Cour de justice permet de comprendre que le marché est un instrument d’intégration dans une construction juridique dont la finalité est politique. Aussi la théorie économique s’estompe-t-elle ; dans les premières années, on perçoit dans les arrêts des préceptes économiques fondant l’Union douanière ou le marché commun envisagés pour supprimer des obstacles aux échanges. Les avocats généraux ne se réfèrent cependant quasiment jamais à la théorie économique pourtant invoquée par des parties. Ainsi, un avocat général conclut :

15

« Comme vous pouvez le voir, Messieurs, cet argument est en grande partie fondé sur la théorie économique. Nous supposons que, même pour un économiste, cet argument semblerait d’une simplicité excessive, puisqu’en pratique les frais influencent les prix. Rien n’est plus normal pour un commerçant que de fixer ses prix en ajoutant la marge bénéficiaire qu’il considère appropriée aux frais qu’il a supportés. Toutefois, ce qui nous intéresse ici n’est pas la théorie économique, mais l’interprétation de la réglementation douanière en cause » [36].

16Est révélateur à cet égard le fait que l’école ordolibérale ne soit citée qu’une seule fois dans les conclusions des avocats généraux [37]. À la théorie économique la Cour de justice préfère la volonté politique. La jurisprudence en matière de libertés de circulation exprime pleinement la méthode fonctionnaliste qui conduit de l’économique au politique. La Cour de justice établit, dans un premier temps, une entrave à une liberté de circulation qui peut, dans un second temps, être justifiée. L’entrave est caractérisée économiquement par le critère de l’accès au marché lequel est rempli dès lors qu’une mesure constitue une gêne, dissuade, rend moins attractif, etc., l’exercice d’une liberté. Autrement dit, l’analyse économique demeure plus que rudimentaire. L’entrave peut être justifiée par des objectifs d’intérêt général avancés par l’État membre. Le juge apprécie, avec la plus grande circonspection, si la mesure est apte à réaliser l’objectif invoqué et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire. Dans cette démarche, la Cour de justice joue un rôle constitutionnel en ce qu’il lui revient de concilier liberté fondamentale de circulation et intérêt général de la société. Est ainsi caractéristique la jurisprudence relative aux jeux de hasard et de paris sportifs ; loin d’un libéralisme exacerbé, la Cour de justice parvient à un équilibre dans le respect de l’identité constitutionnelle des États membres. Elle estime ainsi que, dans la mesure où « la réglementation des jeux de hasard fait partie des domaines dans lesquels des divergences considérables d’ordre moral, religieux et culturel existent entre les États membres, en l’absence d’une harmonisation communautaire en la matière, il appartient à chaque État membre d’apprécier, dans ces domaines, selon sa propre échelle des valeurs, les exigences que comporte la protection des intérêts concernés [38] ». La réglementation des jeux de hasard constitue une entrave aux libertés de circulation qui peut être justifiée par un objectif d’intérêt général. L’État détermine non seulement la substance de cet intérêt général, mais également le degré de protection, en fonction de considérations fondamentales ; l’équilibre auquel il parvient dépend ainsi de la conception qu’une société se fait, les uns privilégiant la responsabilité de l’individu, les autres réclamant la protection de l’État.

17La théorie économique, fondatrice, s’estompe donc à mesure que le marché intérieur se réalise. Une évolution analogue marque l’UEM.

2 – Le constitutionnalisme de la monnaie unique

18L’euro est un projet politique fondé sur des théories économiques qui exigent des règles juridiques. Dans l’UEM, la théorie économique fonde des règles juridiques qui limitent les choix politiques (A). La crise a cependant des vertus, celles de libérer les choix politiques dans la pratique institutionnelle (B).

A – La théorie économique ou des règles juridiques limitatrices des choix politiques

19L’UEM est fondée sur des théories économiques qui peuvent, là encore, être aisément identifiées. Le droit primaire reflète en effet les conclusions du rapport dit Emerson publié par la Commission européenne [39]. Ainsi que le soulignent les préfaciers de ce rapport, si le programme qui conduit à la monnaie unique

20

« est à la fois économique et politique, ce sont avant tout les qualités fonctionnelles de l’union économique et monétaire qui en conditionneront le succès ou l’échec. C’est pourquoi la Commission a décidé de procéder à une évaluation détaillée des effets économiques probables – coûts et avantages – de la marche vers l’UEM. Elle a ainsi demandé (…) de jeter un pont entre les négociateurs politiques, d’une part, et la communauté des économistes, d’autre part, et de susciter une motivation réciproque en matière de recherche et de conseils » [40].

21Le rapport Emerson synthétise les propositions de la Commission à la conférence intergouvernementale (CIG) préparatoire du Traité de Maastricht. On ne retrouve pas de trace de la théorie économique dans les travaux préparatoires de la CIG qui se focalisent juridiquement sur les projets de traité. Il demeure que l’architecture de l’UEM telle qu’elle a été prévue par le Traité de Maastricht reflète, quasiment en tous points, les conclusions du rapport Emerson. En conséquence, une filiation peut être établie entre le rapport Emerson et le droit de l’UEM. Dans le rapport de la Commission, les références à la théorie économique sont légion. Le rapport se réfère à « l’analyse économique », à la « théorie économique », à la « littérature économique », etc. ; certaines constructions théoriques sont plus précisément citées à l’instar de la théorie des zones monétaires optimales ou des théories de la croissance. Le rapport cite parfois expressément des auteurs en bas de page et une riche bibliographie clôture chaque chapitre qui trahit l’influence de certaines théories économiques. L’essence économique des dispositions du traité relatives à l’UEM se donne ainsi à voir.

22La Communauté est une « zone monétaire favorable » dans laquelle une union économique et monétaire présente plus d’avantages que de coûts. La synthèse est ainsi opérée :

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« les anciennes théories économiques en matière d’évaluation de la création d’unions monétaires peuvent avoir suggéré, en ce qui concerne la Communauté, que l’arbitrage entre les deux arguments considérés comme fondamentaux par ces théories laisse l’issue incertaine quant aux avantages du processus ; de nouvelles approches économiques et les caractéristiques spécifiques de la structure et de la situation de la Communauté apportent sept arguments complémentaires qui, tous, mettent en évidence l’avantage que représente l’UEM pour cette Communauté. On peut affirmer, dès lors, que l’avantage économique est réel. On pourrait y ajouter les objectifs de l’union politique ; mais les critères économiques suffisent » [41].

24La dernière phrase de la citation ne trahit-elle pas une victoire de l’économique sur le politique ? Du moins est-ce la conclusion à laquelle on pourrait parvenir en estimant, avec Jean-Paul Fitoussi, qu’aux choix politiques ont été préférées des règles économiques [42]. On retrouve dès lors les théories du constitutionnalisme économique dans l’asymétrie fondamentale de l’UEM qui existe entre le monétaire et l’économique.

25Dans l’Union monétaire, la politique monétaire constitue une compétence exclusive de l’Union [43]. Lui est assigné l’objectif principal de stabilité des prix [44]. Afin d’atteindre cet objectif, les banques centrales doivent être indépendantes. La BCE jouit ainsi d’une indépendance particulièrement poussée [45]. Non seulement, il lui revient, dans le silence du Traité, de définir l’objectif de stabilité des prix [46], mais également de choisir les instruments idoines pour atteindre cet objectif. Dans l’accomplissement de ses missions, elle est immunisée à l’égard de toute influence extérieure. Dans l’Union économique, les États membres conduisent la politique budgétaire [47] dans un cadre fixé par le traité afin de préserver la stabilité des prix. Ainsi, les États membres sont soumis à une double discipline. D’une part, la surveillance par le marché de la politique budgétaire des États membres est le fruit d’une contrainte juridique produite par un triptyque normatif. Premièrement, l’article 123 TFUE interdit aux États membres toute forme de financement monétaire, les contraignant à se financer sur les marchés financiers. Deuxièmement, l’article 124 TFUE leur interdit tout accès privilégié à ces marchés. Troisièmement, la discipline budgétaire est imposée par l’article 126 TFUE qui interdit les déficits excessifs appréciés à l’aune de deux valeurs de référence, les rapports au PIB du déficit et de la dette, respectivement fixés à 3 % et 60 %.

26Que ce soit en matière monétaire ou en matière budgétaire, le traité fixe ainsi des règles de stabilité et de discipline qui limitent les choix de politique économique. Préférer la règle au choix est une transcription des travaux de l’école de la nouvelle macro-économie classique [48]. Les économistes de ce courant défendent un constitutionnalisme économique fondé sur l’opposition entre politiques discrétionnaires et règles économiques : rules rather than discretion ; aux politiques discrétionnaires, il convient de préférer des règles économiques [49]. De façon triviale, ce constitutionnalisme économique peut se résumer selon la parabole électorale chère aux tenants du courant de la nouvelle macroéconomie classique. Les gouvernants mènent les politiques économiques en interaction avec les marchés. Les agents du marché forment des anticipations rationnelles qui biaisent les politiques discrétionnaires. En période pré-électorale, les gouvernements font preuve d’une prodigalité intéressée à laquelle succède, une fois la réélection acquise, la rigueur acharnée. Les marchés anticipent l’« incohérence temporelle » de ces « cycles électoraux [50] » et, ce faisant, neutralisent les effets des politiques économiques. C’est pourquoi, à des politiques discrétionnaires, il faut préférer des règles économiques sur lesquelles les opérateurs du marché ancrent leurs anticipations rationnelles.

27Expression la plus aboutie du constitutionnalisme économique dans l’UEM, l’indépendance de la BCE et des banques centrales nationales est fondée sur des garanties destinées à immuniser la politique monétaire de toute influence extérieure. Selon les préceptes du constitutionnalisme économique, l’objectif est ce faisant d’éviter tout biais inflationniste des politiques monétaires discrétionnaires mis en évidence par Barro et Gordon dans un article passé à la postérité [51]. L’indépendance permet de neutraliser les anticipations rationnelles formées par les opérateurs du marché à l’égard de la politique monétaire menée par la banque centrale. La BCE se garde bien cependant de désigner nommément ces théories économiques. Elle se contente d’évoquer comme « reflet de la pensée économique contemporaine, étayée par l’expérience [le fait que] les banques centrales dotées d’un statut indépendant ayant un mandat clair de maintien de la stabilité des prix se sont révélées être les plus à même d’atteindre un niveau d’inflation faible et de garantir la stabilité de la monnaie, ainsi que la confiance dans celle-ci [52] ». Ainsi, ajoute-t-elle, l’indépendance « permet aux responsables de la politique monétaire de se consacrer prioritairement au maintien de la stabilité des prix de manière durable et crédible, sans devoir tenir compte de considérations politiques à court terme [53] ».

28Les règles juridiques de discipline budgétaire et de stabilité monétaire forment dès lors la constitution macroéconomique de l’UEM. Elles encadrent les choix de politique budgétaire et monétaire dans l’Union. C’est à la faveur des crises que ce cadre a dévoilé toutes ses potentialités politiques.

B – La pratique institutionnelle ou la crise économique libératrice des choix politiques

29À partir de 2007, la zone euro a été frappée par une crise financière puis une crise de dettes souveraines qui ont montré les limites des règles juridiques de politique économique.

30En premier lieu, des mécanismes d’assistance financière ont été établis dans la zone euro afin de surmonter la crise de dettes souveraines qui a sévi en Grèce, en Irlande, au Portugal et qui a menacé de se diffuser en Espagne et en Italie. En vertu de l’article 136, paragraphe 3, TFUE, « les États membres dont la monnaie est l’euro peuvent instituer un mécanisme de stabilité qui sera activé si cela est indispensable pour préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble. L’octroi, au titre du mécanisme, de toute assistance financière nécessaire, sera subordonné à une stricte conditionnalité [54] ». Les règles de discipline budgétaire s’avèrent dès lors constitutionnellement tempérées par des choix d’assistance financière. En 2012, les États de la zone euro ont conclu un traité de droit international qui établit le Mécanisme européen de stabilité (MES). Celui-ci constitue une institution financière internationale qui accorde une assistance financière aux États de la zone euro subordonnée à une stricte conditionnalité. Aussi les préceptes du constitutionnalisme économique s’avèrent-ils, de prime abord, battus en brèche ! En effet, l’assistance financière peut être perçue comme une intervention des États qui fausse la discipline du marché en violation de la clause de non-renflouement de l’article 125 TFUE [55].

31En second lieu, la politique monétaire a considérablement changé de paradigmes sous l’effet de la crise. Elle avait été marquée entre 1999 et 2007, selon des économistes, par une « grande modération » incarnée par le slogan « un objectif, un instrument », la stabilité des prix, les taux d’intérêt [56]. Avec la crise financière et de dettes souveraines, la BCE a adopté des mesures non conventionnelles de politique monétaire, définies négativement comme toutes les mesures adoptées par une banque centrale ne consistant pas à fixer les taux d’intérêt [57]. Parmi les mesures non conventionnelles figurent celles qui sont destinées à soutenir les États membres frappés par la crise des dettes souveraines prenant essentiellement la forme d’achats par la banque centrale de titres de dette publique sur les marchés secondaires. À un premier programme SMP sur le fondement duquel la BCE a acheté des titres espagnols, grecs ou encore italiens [58], a succédé en 2012 le programme OMT (Outright Monetary Transaction) destiné à fonder l’achat de titres, sur le marché secondaire, des États de la zone euro sous assistance financière [59]. Le programme OMT n’a jamais été mis en œuvre et est devenu sans objet en 2015 avec l’adoption par la BCE du quantitative easing, forme singulière de politique monétaire consistant pour la banque centrale à planifier des achats de titres publics et privés [60]. Il demeure que la politique monétaire a profondément été modifiée. En apparence, les crises ont ainsi libéré les choix politiques en assouplissant les règles juridiques. À y regarder de plus, la libération s’avère asymétrique en ce que l’évolution diffère selon que la règle est budgétaire ou monétaire.

32D’un côté, l’assistance financière s’est accompagnée d’une stricte conditionnalité ; c’est au demeurant une exigence constitutionnelle consacrée par l’article 136, paragraphe 3, TFUE. Or, cette conditionnalité, et l’exemple de la Grèce l’a montré de façon paroxystique, induit pour l’État qui bénéficie de l’assistance un resserrement de la discipline budgétaire, terreau d’une austérité aux conséquences sociales parfois dramatiques. De manière générale, la mise en place des mécanismes d’assistance financière s’est accompagnée d’un renforcement des règles de discipline budgétaire par deux séries de paquets législatifs. Le six Pack de 2011 a notamment renforcé le volet répressif de la surveillance de la discipline budgétaire dans la zone euro [61]. Le two Pack de 2013 a considérablement renforcé le cadre dans lequel les États de la zone euro adoptent leur budget tout en prévoyant une surveillance renforcée pour ceux des États qui sont sous assistance financière [62]. Ce renforcement des règles de discipline budgétaire vise ainsi à permettre à l’État membre de se présenter sur les marchés pour emprunter. C’est donc le reflet d’une permanence du paradigme du marché imposé aux États membres dans la conduite de leur politique budgétaire.

33De l’autre côté, la BCE a affirmé son pouvoir de politique monétaire. Les choix politiques ont clairement primé les règles économiques. La déclaration de Mario Draghi de l’été 2012 selon laquelle l’euro « est irréversible » de sorte que la BCE fera tout ce qui est en son pouvoir pour sauver l’euro whatever it takes constitue un moment fondateur pour le pouvoir monétaire affranchi des règles. N’est-ce pas pour défendre la règle de stabilité des prix que le programme OMT a été contesté en Allemagne ? Des économistes et des juristes allemands ont ainsi engagé un combat contre les mesures non conventionnelles de la BCE, estimant que celles-ci méconnaissaient le mandat de stabilité des prix tel que défini par l’article 127, paragraphe 2, TFUE et constituaient un financement monétaire interdit par l’article 123 TFUE. Ils ont saisi la cour constitutionnelle allemande qui a posé une question préjudicielle en appréciation de validité dans l’affaire dite Gauweiler. Le 16 juin 2015, la Cour de justice a déclaré valide le programme OMT [63]. D’une part, celui-ci relèverait des mesures de politique monétaire prises en vue d’atteindre la stabilité des prix en ce que la BCE a motivé l’annonce du rachat de titres par sa volonté de préserver le fonctionnement du mécanisme de transmission de la politique monétaire. D’autre part, le programme OMT ne violerait pas l’article 123 TFUE dès lors que les achats de titres se font sur le marché secondaire. Dans son arrêt, la Cour de justice a tout particulièrement insisté sur le fait que la BCE dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans la conduite de la politique monétaire. Elle a ainsi contribué à un équilibre entre choix et règles dans l’Union de droit. Une constante demeure cependant ; la BCE n’agit que par le marché ; elle opère ses achats de titres dans les conditions du marché dans des conditions juridiques analogues à celles de tout autre opérateur de marché ; autorité monétaire, son comportement de marché n’a cependant pas le même impact factuel et c’est ce qui fait toute sa force et ce qui caractérise une politique monétaire en économie de marché.

Conclusion

34Que reste-t-il dès lors de la Constitution économique européenne [64] ? Le constat est celui de la permanence du principe cardinal d’économie de marché ouverte où la concurrence est libre consacré par l’article 119 TFUE. Le choix ontologique est donc celui du modèle de marché qui s’impose dans les relations qu’entretiennent tant les États membres que les banques centrales avec les marchés financiers. La neutralité de la constitution économique de l’Union ne désigne dès lors que l’équilibre accepté dans le marché intérieur et l’UEM entre autorité et marché. Les théories économiques persistent donc, et ce aussi longtemps que la volonté politique ne s’affirme pas. La gageure dès lors à relever est d’éviter que l’Union n’évolue vers une société de marché, c’est-à-dire une société « encastrée » [65] dans son économie alors que l’économie devrait être encastrée dans la société. Mais le désenchantement du monde guette, désamorçant les potentialités politiques de la méthode fonctionnaliste ; le marché d’instrument devient objectif, l’économique ne précède plus le politique, il le transcende au risque de nous laisser aussi désabusé qu’Hyppolite Girardot dans le film « Un monde sans pitié » auquel Éric Rochant fait dire : « Si on pouvait croire qu’on sert à quelque chose, qu’on va quelque part. Mais qu’est qu’on nous a laissé. Des lendemains qui chantent, le grand marché européen. On n’a que dalle. On n’a plus qu’à être amoureux comme des cons et ça c’est pire que tout ».

Notes

  • [1]
    Article 3-I, paragraphe 2, du Traité établissant une Constitution pour l’Europe.
  • [2]
    Article 3, f), du Traité instituant la Communauté économique européenne, devenu article 3, g, du Traité instituant la Communauté européenne dans la version issue du Traité de Maastricht.
  • [3]
    Article 3, paragraphe 3, du Traité sur l’Union européenne (TUE).
  • [4]
    Protocole n° 27 sur le marché intérieur et la concurrence.
  • [5]
    F. Bilger, La pensée économique libérale dans l’Allemagne contemporaine, Paris, LGDJ, Collection Bibliothèque d’économie politique, 1964.
  • [6]
    L.-J. Constantinesco, « La constitution économique de la République fédérale allemande », Revue économique, Vol. 11, 1960, n° 2, pp. 266-290.
  • [7]
    H. Rabault, « La constitution économique de la France », RFDC, 2000, n° 44, pp. 707-745.
  • [8]
    Voiy..-Y. Chérot, « Constitution et économie », in Traité international de droit constitutionnel, Traité international de droit constitutionnel, D. Chagnollaud et M. Troper (dir.), Paris, Dalloz, Collection Traités Dalloz, 2012, pp. 530-561 ; M.-L. Dussart, Constitution et économie, Préface J.-Y. Chérot, Paris, Dalloz, Collection Nouvelle bibliothèque des thèses, Paris, Dalloz, 2015. On se permet de renvoyer à F. Martucci, « Constitution économique, quelques fragments de doctrine française », in La constitution économique, F. Martucci et C. Mongouachon (dir.), Paris, La mémoire du droit, 2015, pp. 14-42.
  • [9]
    Voy. G. Farjat, « L’importance d’une analyse substantielle en droit économique », RIDE, 1986, n°1, pp. 9-42. Id., Pour un droit économique, Paris, PUF, Collection Voies du droit, 2004, 209 p.
  • [10]
    Comité intergouvernemental crée par la conférence de Messine, Rapport des chefs de délégation aux ministres des affaires étrangères (dit « Rapport Spaak »), 21 avril 1956.
  • [11]
    Comité pour l’étude de l’union économique et monétaire, Rapport sur l’union économique et monétaire dans la Communauté européenne (dit « Rapport Delors »), Luxembourg, OPOCE, 1989.
  • [12]
    CJUE, Ass. Plén., 27 novembre 2012, Pringle, C-370/12, ECLI :EU :C :2012 :756, point 135.
  • [13]
    CJUE, GC, 16 juin 2015, Gauweiler, C-62/14, ECLI :EU :C :2015 :400, point 100.
  • [14]
    CJCE, 3 octobre 2000, Echirolles Distribution SA, C-9/99, ECLI :EU :C :2000 :532, point 25.
  • [15]
    Voy. L. Warlouzet, Le choix de la CEE par la France. Les débats économiques de Pierre Mendès-France à Charles de Gaulle (1955-1969), Paris, CHEFF, 2011, pp. 370-380.
  • [16]
    A. Vauchez, L’Union par le droit, Paris, Les Presses de Sciences po, Collection Références, 2013, pp. 95-98.
  • [17]
    Sur l’influence allemande, voy. D. J. Gerber, « Constitutionalizing the Economy : German NeoLiberalism, Competition Law and the “New Europe” », The American Journal of Comparative Law, vol. 42, 1994, n°1, pp. 69-72 ; W. Sauter, « The Economic Constitution of The European Central Union », Columbia Journal of European Law, vol. 4, 1998, n° 27, pp. 46-47.
  • [18]
    F. Böhm, W. Eucken, H. Großmann-Doerth, « Unsere Aufgabe », in Ordnung der Wirtschaft, F. Böhm, W. Eucken et H. Großmann-Doerth, (dir.), Berlin, Stuttgart, 1937, pp. VII-XXI.
  • [19]
    27. Juli 1957, BGBl. I S. 1081. Sur l’origine de la loi, voy. K. Wagner, Die Diskussion über ein Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen in Westdeutschland nach 1945, Zürich, Polygraphischer Verlag, 1956.
  • [20]
    Chérot, « Constitution et économie », in Traité international de droit constitutionnel, précité, p. 554.
  • [21]
    Voy. C. Didry et F. Marty, « La politique de concurrence comme levier de la politique industrielle dans la France de l’après-guerre », Politiques de la concurrence, vol. 5, 2016, n° 4, pp. 23-45.
  • [22]
    Article 3 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, JOUE L 1, 4 janvier 2003, p. 1. L’Italie est le seul État membre à avoir choisi de ne pas appliquer le droit national lorsque l’autorité applique le droit de l’Union. Tous les autres États membres appliquent cumulativement les deux droits.
  • [23]
    Article 3, paragraphe 1, TFUE.
  • [24]
    Voy. L. Warlouzet, The Rise of European Competition Policy, 1950-1991 : A Cross-Disciplinary Survey of a Contested Policy Sphere, Florence, European University Institute, Working Papers RSCAS 2010/80, 2010.
  • [25]
    Règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, JOUE L 24 du 29 janvier 2004, p. 1.
  • [26]
    Règlement n° 17/62 Premier règlement d’application des articles 85 et 86 du traité, JO P 13 du 21 février 1962, p. 204.
  • [27]
    Voy. L. Warlouzet, « La politique de la concurrence en Europe : enjeux idéologiques », laviedesidees.fr, 2014, qui renvoie à D. Spector, « L’économiste appelé à la barre : la régulation économique et juridique de la concurrence », Tracés. Revue de Sciences humaines, 2011.
  • [28]
    W. Röpke, « La crise de notre temps », Paris, Oreste Zeluck, 1945, p. 299.
  • [29]
    Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, JOUE L 1 du 4 janvier 2003, p. 1. Voy. F. Bergès-Sennou, F. Loss, E. Malavolti-Grimal et al. « Modernisation de la politique communautaire de concurrence. Régime d’autorisation ou d’exception légale ? », Revue économique, vol. 53, 2002, n° 3, pp. 433-447.
  • [30]
    Directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne, JOUE L 349 du 5 décembre 2014, p. 1.
  • [31]
    Règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, JOUE L 102 du 23 avril 2010, p. 1.
  • [32]
    Communication de la Commission, Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques, JOUE C 45 du 24 février 2009, p. 7.
  • [33]
    Communication de la Commission, Modernisation de la politique de l’UE en matière d’aides d’État, 8 mai 2012, COM(2012)209.
  • [34]
    CJUE, GC, 19 juillet 2016, Kotnik, C-526/14, ECLI :EU :C :2016 :570.
  • [35]
    L. Azoulai, « Le rôle constitutionnel de la Cour de justice des Communautés européennes tel qu’il se dégage de sa jurisprudence », RTDE, vol. 44 (1), janvier 2008, pp. 29-45.
  • [36]
    CJCE, 23 novembre 1977, Enka BV, C-38/77, Rec. p. 2203, Conclusions Warner, ECLI :EU :C :1977 :168, p. 2226.
  • [37]
    CJCE, GC, 23 octobre 2007, Commission / Allemagne, C-112/05, Conclusions Ruiz-Jarabo Colomer, ECLI :EU :C :2007 :92, note 3.
  • [38]
    CJCE, GC, 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional and Bwin International Ltd / Departamento de Jogos da Santa Casa da Misericórdia de Lisboa, C-42/07, ECLI :EU :C :2009 :519, point 57.
  • [39]
    M. Emerson et al., Marché unique Monnaie unique, Avant-propos J. Delors et H. Christophersen, Paris, Economica, 1991 [Commission, 1990], 379 p.
  • [40]
    Ibid., p. 5.
  • [41]
    Ibid., p. 30.
  • [42]
    J.-P. Fitoussi, Le débat interdit : monnaie, Europe, pauvreté, Paris, Éd. Arléa, 1995, 318 p. ; Id., La règle et le choix, De la souveraineté économique en Europe, Paris, Seuil, Collection République des idées, 2002, 95 p.
  • [43]
    Article 3 TFUE.
  • [44]
    Article 127, paragraphe 2, TFUE.
  • [45]
    Article 130 TFUE.
  • [46]
    La stratégie de politique monétaire définit la stabilité des prix comme une inflation à moyen terme entre 0 et 2 % plus proche de 2 % que de 0 %. La stratégie de politique monétaire de la BCE, 8 mai 2003.
  • [47]
    Article 121 TFUE.
  • [48]
    Voy. en ce sens – et les références explicites au constitutionnalisme sont très rares – F. Benaroya, « Le renouveau du constitutionnalisme économique », Problèmes économiques, n°2547, 17 décembre 1997, pp. 8-11.
  • [49]
    F. E. Kydland et E. C. Prescott, « Rules rather than Discretion : The inconsistency of optimal plans », Journal of Political Economy, 1977, 85 (3), June, pp. 473-492.
  • [50]
    W. Nordhaus, « The Political Business Cycle », Review of Economic Studies, 1975, 42, pp. 169-190.
  • [51]
    R. B. Barro et D. J. Gordon, « Rules, discretion and reputation in a model of monetary policy », Journal of Monetary Economics, July 1983, pp. 101-121.
  • [52]
    BCE, « Les relations de la BCE avec les institutions et les organes de la Communauté européenne », Bulletin mensuel de la BCE, octobre 2000, p. 53 ; Voy. aussi BCE, « Les relations de la BCE avec les institutions et organes de l’Union européenne : tendances et perspectives », Bulletin mensuel de la BCE, janvier 2010, p. 74 et
  • [53]
    BCE, La politique monétaire de la BCE, Francfort, BCE, 2004, 2ème éd., p. 12.
  • [54]
    Sur l’origine de la disposition, voy. F. Martucci, « La Cour de justice face à la politique économique et monétaire : du droit avant toute chose, du droit pour seule chose. Commentaire de l’arrêt CJUE, 27 nov. 2012, Pringle », RTDE, 2013, 2, pp. 239-265 ; F. Martucci et F. Allemand, « La nouvelle gouvernance économique européenne II », CDE, 2012, n°5-6, pp. 407-455.
  • [55]
    Voy. M. Ruffert, « The European Debt Crisis and European Union Law », CMLR, vol. 48, n° 6, 2011, pp. 1777-1805.
  • [56]
    L’expression de « grande modération » a été popularisée par des travaux menés dans le cadre de la Banque des règlements internationaux. Voy. C. Borio, W. White, Wither Monetary and Financial Stability ? The Implications of Evolving Policy Regimes, présenté lors du Symposium Monetary Policy and Uncertainty : Adapting to a Changing Economy, organisé par la Banque de réserve fédérale de Kansas City, Jackson Hole, Wyoming, 28-30 août 2003 ; BRI, 73e Rapport annuel, juin 2003, chapitre VIII.
  • [57]
    BCE, Rapport annuel 2012, p. 258. Idem, « Les mesures non conventionnelles de la BCE, leur incidence et leur suppression », Bulletin mensuel de la BCE, juillet 2011, p. 55.
  • [58]
    Décision 2010/281/UE BCE/2010/5, de la BCE, du 14 mai 2010, instaurant un programme pour les marchés de titres, JOUE L 124 du 20 mai 2010, p. 8.
  • [59]
    BCE, Technical features of Outright Monetary Transactions, Press release, 6 September 2012.
  • [60]
    BCE, 22 janvier 2015, La BCE annonce un programme étendu d’achats d’actifs. Introductory statement to the press conference, M. Draghi, 22 January 2015. BCE, « Encadré : le programme étendu d’achats d’actifs du conseil des gouverneurs », Bulletin économique de la BCE, 2015/1, pp. 17-20.
  • [61]
    Règlement (UE) n°1173/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2011, sur la mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro, JOUE L 306 du 23 novembre 2011, p. 1 ; règlement (UE) n°1174/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2011, établissant des mesures d’exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro, JOUE L 306 du 23 novembre 2011, p. 8 ; règlement (UE) n°1175/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2011, modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, JOUE L 306 du 23 novembre 2011, p. 12 ; règlement (UE) n°1176/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2011, sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques, JOUE L 306 du 23 novembre 2011, p. 25 ; règlement (UE) n°1177/2011 du Conseil, du 8 novembre 2011, modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, JOUE L 306 du 23 novembre 2011, p. 33. Directive 2011/85/UE du Conseil, du 8 novembre 2011, sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres, JOUE L 306 du 23 novembre 2011, p. 41.
  • [62]
    Règlement (UE) n°472/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2013, relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres de la zone euro connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière, JOUE L 140 du 27 mai 2013, p. 1 ; règlement (UE) n°473/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2013, établissant des dispositions communes pour le suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro, JOUE L 140 du 27 mai 2013, p. 11.
  • [63]
    CJUE, Gauweiler, C-62/14, précité. Voy. D. Adamski, « Economic constitution of the euro area after the Gauweiler preliminary ruling », CMLR, 2015, pp. 1451-490 ; G. Anagnostaras, « In ECB we trust… the FCC we dare ! The OMT preliminary ruling », ELR, 2015, pp. 744-762 ; S. Baroncelli, « The Gauweiler Judgment in View of the Case Law of the European Court of Justice on European Central Bank Independence : Between Substance and Form », Maastricht Journal of European and Comparative Law, 2016, pp. 79-98 ; J.-H. Binder, « Drohende Zentralbankinsolvenz ? », Juristenzeitung 2015 pp. 328-336 ; V. Borger, « Outright Monetary Transactions and the stability mandate of the ECB : Gauweiler », CMLR, 2016, pp. 139-196 ; C. D. Classen, « Funktionsadäquate checks and balances statt richterliche Vollkontrolle unter demokratischem Vorwand », Europarecht, 2015, pp. 477-486 ; P. Craig, M. Markakis, « Gauweiler and the Legality of Outright Monetary Transactions », ELR, 2016, pp. 4-24 ; W. Frenz, « Ultra-vires-Kontrolle kraft Europarechts - Das Schrems-Urteil des EuGH im Vergleich zum OMT-Beschluss des BVerfG, Europäisches Wirtschafts- & Steuerrecht », EWS, 2015 pp. 257-262 ; F. Martucci, « La Cour de justice face à la politique monétaire en temps de crise de dettes souveraines : L’arrêt Gauweiler entre droit et marché », CDE, 2015 pp. 493-534 ; C. Ohler, « Rechtliche Maßstäbe der Geldpolitik nach dem Gauweiler-Urteil des EuGH », Neue Zeitschrift für Verwaltungsrecht, 2015 p.1001-1007 ; R. Schmidt, « Die entfesselte EZB », Juristenzeitung, 2015, pp. 317-327 ; T. Tridimas et N. Xanthoulis, « A Legal Analysis of the Gauweiler Case : Between Monetary Policy and Constitutional Conflict », Maastricht Journal of European and Comparative Law, 2016, pp. 17-39.
  • [64]
    C. Joerges, « Que reste-t-il de la Constitution économique européenne après la constitutionalisation de l’Europe – Une rétrospective mélancolique », Cahiers européens de Sciences po, 2005, n°1, 44 p.
  • [65]
    K. Polanyi, La Grande Transformation, 1944, rééd. Paris, Gallimard, trad. C. Malamoud, M. Angeno, préface L. Dumont, Collection Tel, 2013.
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