Notes
-
[1]
Dossier « Penser par cas », R.I.E.J., Droit en contexte, 2014, n°73, pp. 75-171.
-
[2]
J. Van Meerbeeck, Introduction, R.I.E.J., Droit en contexte, 2014, n°73, p. 75.
-
[3]
F. Ost, « L’amour de la loi parfaite », in L’amour des lois. La crise des lois dans les sociétés démocratiques, J. Boulad Ayoud (dir.), Paris, L’Harmattan, 1996, pp. 52-77.
-
[4]
Sur ce point, voyez D. Fennelly, « Penser par cas : a common Law perspective », R.I.E.J., Droit en contexte, 2014, n°73, pp. 155-175.
-
[5]
A. Giddens, Les conséquences de la modernité, Paris, l’Harmattan, 1994.
-
[6]
J. Chevallier, L’État post-moderne, Paris, L.G.D.J., 2014.
-
[7]
F. Ost, M. van de Kerchove, De la Pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du droit, Bruxelles, FUSL, 2002.
-
[8]
J. Van Meerceeck, « Penser par cas… Et par principes », R.I.E.J., Droit en contexte, 2014, n°73, pp. 77-97.
-
[9]
Ibidem, p. 78.
-
[10]
Aristote, Éthique à Nicomaque, Introduction, traduction et commentaire par R. A. Gauthier et J.Y. Joly, T.I, 2e partie, Paris, 1970, p. 166.
-
[11]
Ibidem, p. 166.
-
[12]
Ibidem, p. 171.
-
[13]
Ibidem, p. 171
-
[14]
Ibidem, p. 167.
-
[15]
Ibidem, p. 173.
-
[16]
Ibidem, p. 172.
-
[17]
Ibidem, p. 157.
-
[18]
Ibidem, pp. 157-158.
-
[19]
Ibidem, p. 157.
-
[20]
Ibidem, p. 127.
-
[21]
Ibidem, pp. 128-130
-
[22]
Ibidem, p. 130
-
[23]
Ibidem, pp. 131-132
-
[24]
Ibidem, p. 157.
-
[25]
J. Habermas, Le discours philosophique de la modernité, Paris, Gallimard, 1988, p. 381.
-
[26]
Ibidem.
-
[27]
H. L. A. Hart, Le concept de droit, Trad. par M. van de Kerchove, Bruxelles, FUSL, 2002, p. 145.
-
[28]
Ibidem, p. 14.
-
[29]
J. Derrida, Force de loi. Le fondement mystique de l’autorité, Paris, Gallilée, 1994.
-
[30]
Sur ce jugement réfléchissant, Voyez F. Ost, « Penser par cas : la littérature comme laboratoire expérimental de la démarche juridique », RIEJ. Droit en contexte, 2014, n°73, pp. 99-131.
-
[31]
Aristote, op. cit., supra n. 10, p. 170.
-
[32]
Il y a ici une difficulté terminologique quant à l’utilisation du terme juge chez Aristote. Tantôt, il semble renvoyer au juge dans une activité judiciaire (cf. la justice corrective, p. 132), tantôt il renvoie au « magistrat », comme acteur politique. Mais dans ce dernier cas, les qualités attribuées à cet homme d’action qu’est le magistrat politique me semblent aisément transposables au juge judiciaire.
-
[33]
L. A. Muratori, (1742), « Dei difetti della giurisprudenza », in Opere, G. Falco, F. Forti (ed.), L. A. Muratori. Milano-Napoli, R. Ricciardi, 1964, pp. 863-898.
-
[34]
P. Dubouchet, Sémiotique juridique. introduction à une science du droit, Paris, PUF, 1990, p. 37.
-
[35]
B. Frydman, G. Haarscher, Philosophie du droit, Paris, Dalloz, 2e éd., 2002, p. 76.
-
[36]
Le droit de la Common Law, par exemple, fera ici de la résistance.
-
[37]
B. Frydman, G. Haarscher, op. cit., supra n. 36, p. 77.
-
[38]
Ibidem, p. 73.
-
[39]
Voyez Ch. Dumoulin, « Oratio Auctoris, de Concordia et Unione Consuetudinum Francia », in Omnia quae extant Opera, T.II, Paris, 1681, pp. 690-693 ; G. Coquille, Institution au droict des François, Paris, A. Langelier, 1612 ; E. Pasquier (1723), Les Œuvres, T.II, livre IX, Genève, 1971 ; F. Hotman, Antitribonian ou Discours d’un grand et renommé jurisconsulte de notre temps sur l’étude des lois, Bruxelles-Cologne, Dumarteau-De Dobbeleer, 1681.
-
[40]
L. A. Muratori, (1742), Dei difetti della giurisprudenza, in Opere, G. Falco, F. Forti (ed.), Milano-Napoli, R. Ricciardi, 1964, pp. 863-898.
-
[41]
Ibidem, p. 864.
-
[42]
Ibidem, p.866.
-
[43]
« Il existe une autre raison de ne pas caresser, même comme idéal, l’idée d’une règle à ce point détaillée que la question de savoir si elle s’applique ou non à un cas particulier serait toujours résolue d’avance… cette raison est que la nécessité d’un tel choix s’impose à nous par le fait que nous sommes des hommes et non des dieux » (H.L.A. Hart, Le concept de droit, op. cit., supra n. 27, p. 147).
-
[44]
L.A. Muratori, (1742), I primi disegni della Repubblica letteraria d’Italia esposti al pubblico da Lamindo Pritanio, in Opere, G. Falco, F. Forti (ed.), Milano-Napoli, R. Ricciardi, 1964, pp. 189-190.
-
[45]
Y. Cartuyvels, D’où vient le Code pénal ? Une approche généalogique des premiers codes pénaux absolutistes au XVIIIe siècle, Bruxelles, Montréal, Ottawa, De Boeck Université, PUM, PUO, 1996, pp. 47-60.
-
[46]
C. Varga, Utopias of rationality in the development of the idea of codification, Rivista internazionale di filosofia del diritto, T. IV, n°1, pp.21-38.
-
[47]
J. Bodin (1580), Exposé de droit universel, Paris, P.U.F., 1985, pp. 9-23, cité in J. Van Meerbeeck, op. cit., supra n. 8, p. 82.
-
[48]
Mémoire de Pussort, in H. Cauviere, L’idée de codification en France avant la rédaction du Code civil, Paris, 1910, p. 22.
-
[49]
Mémoire de Boucherat et Mémoire de Marillac, in Les efforts de la codification en France. Étude historique et psychologique, J. Van Kan, Paris, Rousseau, 1929, pp. 72 et 75.
-
[50]
J. Domat, Les Loix Civiles dans leur ordre naturel, T. I., Traité des Lois, Paris, 1777, Préface.
-
[51]
Ibidem, T.I., Traité des Loix, chap. I, art. V et VI.
-
[52]
J. Althusius, Dicaelogicae libri tres, totum et universum ius, quo utimur, methodice complectentes, 2e éd., Franfort, 1649.
-
[53]
P. Dubouchet, Sémiotique juridique. Introduction à une science du droit, Paris, P.U.F., p. 39. Cette paternité est contestable, d’autres estimant qu’elle reviendrait plutôt à Grotius et son ouvrage « De Jure Praedae » publié en 1604 (voy. B. Frydman, Le sens des lois. Histoire de l’interprétation et de la raison juridique, Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 242).
-
[54]
P. Dubouchet, op. cit., supra n. 53, p. 37-40.
-
[55]
Grotius (1625), Le droit de la guerre et de la paix, traduction de M.P. Pradier-Fodéré, Paris, Guillaume, 1867, p.55.
-
[56]
Ibidem, note de M.P. Pradier-Fodéré, p. 56.
-
[57]
Pufendorf (1672), De Iure Naturae et Gentium, Amsterdam, H. Schelte, 1745.
-
[58]
Ch. Wolff (1758), Principes du droit de la nature et des gens, par M. Formey, t.I, Amsterdam, rééd. Caen, 1988, pp. I-XXV.
-
[59]
Ibidem, pp. XLVII-XLVVVIII.
-
[60]
C. Varga, op. cit. supra n. 46, p. 21-38.
-
[61]
Sur ce mouvement de codification pénale, voyez Y. Cartuyvels, D’où vient le Code pénal ? Une approche généalogique des premiers codes pénaux absolutistes au XVIIIe siècle, op. cit. supra n. 45.
-
[62]
G.W. Leibniz, Nouvelles lettres et opuscules inédits, précédés d’une introduction, par A. Foucher du Careil, Paris, Durand, 1857, p. 383.
-
[63]
P. Dubouchet, op. cit., supra n. 53, p. 47.
-
[64]
G.W. Leibniz, Nova Methodus. discendae docendaeque jurisprudentiae cum subjuncto catalogo desideratorum in jurisprudentia, s. l., 1668.
-
[65]
G. Grua, La justice humaine selon Leibniz, Paris, PUF, 1956, pp. 254-255.
-
[66]
Lettre de Leibniz à Léopold du 1er août 1671, in H.E. Strakosch, State Absolutism and The Rule of law. The struggle for the codification of civil law in Austria, Sydney, p. 118.
-
[67]
Lettre de Leibniz à Spencer de juillet 1687, Ibidem, p. 118.
-
[68]
Lettre de Leibniz à Ferrand de janvier 1672, in G. Grua, op. cit., supra n.65, p. 258.
-
[69]
G.W. Leibniz, Trois textes sur le droit et la codification, Archives de Philosophie du Droit, 1986, T. 31, pp. 357-367.
-
[70]
G.W. Leibniz, Préface d’un nouveau Code, in ibidem, pp. 359-362.
-
[71]
Ibidem, Préface d’un nouveau Code, pp. 359-362 et Rationale Digestorum : préface, pp. 364-366.
-
[72]
Ibidem, Rationale Digestorum : préface, p. 367.
-
[73]
Le code doit en effet retirer « toute force à tous les statuts et à toutes les coutumes contraires à ce Code et qui ne sont pas nommément exceptées » Ibidem, préface d’un nouveau Code, p. 363.
-
[74]
« Et ainsi, pour que le droit soit tenu pour certain dans la République, il est préférable de retirer également aux jurisconsultes et aux juges, par un édit, tout pouvoir aussi bien de restreindre que d’étendre les termes de loi » (Ibidem, Rationale Digestorum : préface, p. 366).
-
[75]
Ibidem, Préface d’un nouveau code, pp. 362-363.
-
[76]
Voy. Y. Cartuyvels, D’où vient le Code pénal ? Une approche généalogique des premiers codes pénaux absolutistes au XVIIIe siècle, op. cit. supra n. 45.
-
[77]
Projet de Code Frédéric ou corps complet de Droit pour les États de sa Majesté le Roi de Prusse, 1751, introduction, §10-11 et Préface, §34.
-
[78]
Joseph II, Testament politique de l’empereur Joseph second, roi des Romains, 1791, T. I., p. 6.
-
[79]
A. Cavana, La codificazione penale in Italia. Le origine lombarde, Milano, A. Giuffre, 1975, p. 103.
-
[80]
Montesquieu, De l’esprit des lois, Paris, Garnier, 1871, p. 73.
-
[81]
C. Beccaria, Des délits et des peines, Paris, Flammarion, 1965, p. 68.
-
[82]
Ibidem, p. 68
-
[83]
Ibidem, p. 112.
-
[84]
Condorcet, « Nottes (sic) remises par le Marquis de Condorcet au Comte Louis de Durfort sur le Code criminel à Florence le 30 novembre 1786 », reproduit in M. Da Passano, « La giustizia penale e la riforma leopoldina in alcuni ineditti di Condorcet », in Materiali per una storia della cultura giuridica, G. Tarello (ed.), Vol. II, Bologna, Il Mulino, 1975, pp. 433.
-
[85]
A. Verri envisage, pour la Toscane, la création d’un code de législation à caractère universel adaptable dans toute l’Europe (A. Verri, « Ragionamento sulle leggi civili », in Il Caffe, II, Brescia, pp. 121 et sv., cité par V.P. Mortari, Tentativi di codificazione nel Granducato di Toscana, Rivista Italiana per le Scienze Giuridiche, 1956, vol. VI, pp. 357-358).
-
[86]
Sur cette opposition entre une raison naturelle faisant appel à la science mathématique et une autre faisant appel au modèle des sciences naturelles, voyez G. Tarello, Storia della cultura giuridica moderna, I. Assolutismo e codificazione del diritto, Bologna, Il Mulino, pp. 264-265.
-
[87]
Instruction (1769), art. 6, reproduite in « Une œuvre inédite de Diderot. Observations sur l’Instruction de S.M.I. aux députés pour la confection des lois (1774). Publiées avec une introduction de P. Ledieu et le texte de l’Instruction de Catherine II, Revue d’Histoire Economique et Sociale, 1920, n°3, pp. 273-411.
-
[88]
Montesquieu, De l’esprit des lois, Paris, C. Truc, 1961, Livre II, Ch. I, pp. 11-12.
-
[89]
Voyez, par exemple, le Projet de Code Pénal Lombard, art. 23 et 33, reproduit in A. Cavanna, La codificazione penale in Italia. Le origini lombarde, Milano, A. Giuffre, 1975.
-
[90]
On notera que Beccaria lui-même, dans son commentaire du Code pénal de Joseph II publié en 1791, introduit un bémol à son idéal d’égalité abstraite devant la peine. S’il en maintient le principe pour les peines criminelles, sans guère s’éloigner du raisonnement tenu dans son Des délits et des peines, le réformateur lombard estime que pour les « peines politiques », appelées à sanctionner des infractions moins graves, « la qualité de la personne est une donnée essentielle à prendre en considération dans le calcul de proportion de la peine » (C. Beccaria (1791), « Brevi riflessioni intorno al codico generale sopra i delitti e le pene per cio che riguarda i delitti politici », in Opere, S. Romagnoli (ed.), Firenze, Sansoni, 1958, p. 711).
-
[91]
J. Bentham, Traités de législation civile et pénale, Oeuvres de J. Bentham, jurisconsulte anglais, Ed. E. Dumont, T. II, Bruxelles, Coster et Cie, 1829, p. 30.
-
[92]
Projet de Code pénal Lombard, art. 10, reproduit in La codificazione penale in Italia. Le origini lombarde, A. Cavanna, Milano, A. Giuffre, 1975.
-
[93]
Allgemeines Landrecht für die Preussischen Staaten von 1794, Textausgabe mit einer Einfürhung von H. Hattenhauer und einer Bibliographie von G. Bernert, Alfred Metzner Verlag, Frankfurt am Main, Berlin, 1970, Titre XX, art. 5, art. 1024 et art. 1160.
-
[94]
Projet de Code pénal Lombard, art. 9, reproduit in La codificazione penale in Italia. Le origini lombarde, A. Cavanna, Milano, A. Giuffre, 1975.
-
[95]
L’article 23 précise que le juge peut, en respectant le principe de légalité, « à volonté déterminer la durée convenable du temps » d’après les durées minimale et maximale chaque fois fixées pour la peine (Code pénal de Joseph II).
-
[96]
Joseph II, Testament politique, T. I., op. cit., supra n. 78, p. 68.
-
[97]
D. Diderot, « Une œuvre inédite de Diderot. Observations sur l’Instruction de S.M.I. aux députés pour la confection des Lois » (1774), avec une introduction de P. Ledieu, Revue d’Histoire Économique et Sociale, 1920, n°3, pp. 273-411.
-
[98]
Diderot, « De La Commission », in Diderot et Catherine II, M. Tourneux, Genève, Slatkine Reprints, 1970, p. 148.
-
[99]
Pietro Leopoldo, Vedute sopra le pene, e punizione dei delitti, cité par M. Da Passano, I, « lavori preparatori » della « Leopoldina », in La « Leopoldina », criminalita e giustizia criminale del settecento europeo, L. Berlinguer (ed.), vol. I, Siena, Universita di Siena, 1986, pp. 151-215.
-
[100]
Ce point a fait l’objet d’une analyse plus poussée in Y. Cartuyvels, « Légalité pénale, délégation au juge et habilitation de l’exécutif : le jeu pluriel des sources en droit pénal », in Les sources du droit revisitées. Vol. II., Normes internes infraconstitutionnelles, I. Hachez et al. (dir.), Bruxelles, Anthemis-FUSL., 2012, pp. 55-104.
-
[101]
H. Donnedieu de Vabres, Traité de droit criminel et de législation comparée, Paris, Sirey, 1947, p. 26.
-
[102]
J. F. Chassaing, « Les trois codes français et l’évolution des principes fondateurs du droit pénal contemporain », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 1993, n°3, p. 450.
-
[103]
Sur ce point, voyez J.M. Carbasse, Introduction historique au droit pénal, Paris, PUF, 1990, n°199.
-
[104]
J. Bentham, « Traités de législation civile et pénale », in Œuvres de J. Bentham, jurisconsulte anglais, op. cit., supra n. 91, p. 30.
-
[105]
A. Chauveau et F. Helie, Théorie du Code Pénal, Paris, E. Legrand, T.VI, 1845, pp. 278.
-
[106]
H. Donnedieu de Vabres, Traité de droit criminel et de législation comparée, op. cit., supra n. 101, pp. 26-27.
-
[107]
Voyez J.F. Chassaing, « Les trois codes français et l’évolution des principes fondateurs du droit pénal contemporain », op. cit., supra n. 102, pp. 445-453.
-
[108]
Exposé des motifs du code pénal de 1810, cité par A. Chauveau et F. Helie, Théorie du Code Pénal, Paris, E. Legrand, 1845, T. VI, p. 279. Voyez aussi H. Donnedieu de Vabres, Traité de droit criminel et de législation comparée, op. cit., supra n. 101, p. 28.
-
[109]
A. Chauveau et F. Helie, Théorie du Code Pénal, op. cit., supra n. 108, t. VI, p. 281.
-
[110]
R. Saleilles, « L’individualisation de la peine », in L’individualisation de la peine. De Salleilles à aujourd’hui, R. Ottenhof (dir.), Toulouse, Erès, 2001, p. 62.
-
[111]
Ibidem, p. 63.
-
[112]
J.J. Haus, Principes généraux de droit pénal belge, Gand-Paris, Hoste-Thorin, 1874, T.I., p. 54.
-
[113]
Ibidem, p. 37.
-
[114]
Ibidem, p. 53. Haus rappelle, qu’à l’inverse des circonstances atténuantes, les circonstances aggravantes sont légales.
-
[115]
M. Foucault, « L’évolution de la notion d’« individu dangereux » dans la psychiatrie légale », Déviance et Société, 1981, n°4, pp. 418 et sv.
-
[116]
Sur ce point, voyez aussi J. Pratt, « Dangerousness and modern society », in Dangerous Offenders, Punishment and Social Order, M. Brown et J. Pratt (ed.), London, New-York, Routledge, 2000, pp. 35-47 ; D. Garland, « The Birth of the Welfare Sanction », British Journal of Law and Society, 1981, n°1, pp. 29-45.
-
[117]
C. Lombroso, L’Uomo bianco e l’uomo di colore, Padua, Sachetto, 1871, p. 10.
-
[118]
D. Salas, Une relecture de l’individualisation des peines, in L’individualisation de la peine. De Saleilles à aujourd’hui, R. Ottenhof (dir.),,op. cit., supra n. 110, p. 201.
-
[119]
A. Prins, La défense sociale et les transformations du droit pénal, Bruxelles, Misch et Thron, repr. Genève, Médecine et Hygième, 1986, pp. 74-75.
-
[120]
R. Saleilles, L’individualisation de la peine, in L’individualisation de la peine, R. Ottenhof (éd.), op. cit., supra n. 110, pp. 21-191.
-
[121]
Ibidem, p. 87.
-
[122]
Ibidem, p. 88.
-
[123]
Ibidem, p. 94.
-
[124]
Ibidem.
-
[125]
Ibidem, p. 95.
-
[126]
H. L. A. Hart, Le concept de droit, (trad. par M. van de Kerchove), Bruxelles, FUSL, 2005, pp. 14-15.
-
[127]
P. Martens, « L’évolution de la codification en Belgique », Journal des Tribunaux, 2004, n°6137, p. 450.
-
[128]
E. Bribosia,, I. Rorive (dir.), L’accommodement de la diversité religieuse. Regards croisés – Canada, Europe, Belgique, Bruxelles, éd. Peter Lang, coll. Études canadiennes n° 29, 2015.
-
[129]
Sur ce point, voy. A. Supiot, La Gouvernance par les nombres. Cours au Collège de France, 2012-2014, Paris, Fayard, 2015.
Introduction
1En 2014, la Revue interdisciplinaire d’études juridiques. Droit en contexte publiait un dossier intitulé « Penser par cas ». Ce dossier reprenait les actes d’une journée d’études consacrée à ce thème, organisée le 17 octobre 2014 par le Séminaire interdisciplinaire d’études juridiques [1]. Dans l’introduction au dossier, J. Van Meerbeeck partait d’un constat : si les juristes de droit continental « sont habitués à partir des règles pour penser le droit, règles qui ont vocation à résoudre tous les cas particuliers », cette évidence d’un droit de la règle ne va pas pour autant de soi [2]. Sorte d’impensé juridique dans notre tradition de droit occidental moderne, marquée par l’idéal d’une « loi parfaite » [3] ou le dogme d’un législateur rationnel, ce primat théorique du droit de la règle constituerait plutôt une exception dans le temps et dans l’espace. D’une part, il traduirait dans notre imaginaire juridique une rupture, historiquement datée, avec une tradition plus ancienne faisant une large place à la casuistique ou un « droit du cas ». D’autre part, il serait beaucoup moins présent dans le droit de la Common Law, lequel fait une place plus importante au cas avec un système fondé sur le précédent [4]. Enfin, il serait encore remis en question aujourd’hui dans le droit de la deuxième modernité [5], parfois qualifié de droit « post-moderne » [6], au sein duquel l’esprit de système, marqué par les idéaux d’unité et de simplicité, d’ordre et de verticalité, de hiérarchie et de linéarité, doit désormais composer avec les réalités d’un droit complexe et pluriel, l’enchevêtrement et la récursivité des sources [7].
2Je voudrais reprendre cette question en me glissant dans le fil de la perspective historique proposée par Jérémie van Meerbeeck dans son texte « Penser par cas… Et par principes » [8]. Autant dire d’emblée que je partage largement l’analyse proposée et que je voudrais simplement lui donner un éclairage un peu différent en mobilisant d’autres arguments et d’autres sources, notamment pénales, puisque c’est le champ que je connais le moins mal. Je procéderai en trois temps : tout d’abord, un détour par la pensée d’Aristote. Ce dernier est souvent présenté comme le père de la pensée par cas en raison de sa mobilisation des concepts de phronesis (prudence) et d’équité. Je voudrais montrer ici que sa conception de la justice, à travers les modèles de « justice corrective » (ou commutative) et de « justice distributive », traduisent une inflexion identique (1). Dans un deuxième temps, je reviendrai sur la « révolution scientifique » qui, au XVIIe siècle dans le monde des idées, au XVIIIe dans les textes juridiques, traduit le triomphe de l’esprit cartésien et propose une conception du droit comme science. Je m’interrogerai sur les raisons et les fondements, les objectifs et les modes de construction de ce droit scientifique qui cherchera à s’exprimer de manière concrète à travers la forme du Code, et d’abord du Code pénal, dans l’Europe des despotes éclairés de la deuxième moitié du XVIIIe siècle (2). Enfin, dans un troisième temps, j’essayerai de montrer que cet idéal d’un droit de la règle, fondé sur la Loi et la Raison, a très vite pris statut de « fiction », se laissant aussitôt déborder dans les textes juridiques – et sans doute encore plus dans la pratique judiciaire – par le retour d’un droit du cas. Mon argument est dès lors que si l’on assiste aujourd’hui à un retour marqué du droit du cas, ce n’est pas tant une nouvelle rupture à laquelle on assiste que le dévoilement d’un processus dialectique entre règle et cas dont la nouveauté tient plus dans l’ampleur qu’il prend que dans son surgissement (3).
1 – Aristote et la justice : sagesse pratique, équité et proportion
3Trois éléments peuvent à mon sens contribuer à faire d’Aristote « le premier jalon de la casuistique » [9]. Le premier est l’appel fait au concept de raison délibérante et à la vertu de sagesse pratique, dès lors qu’il s’agit de décider des choses contingentes ou des biens humains. Dans l’Éthique à Nicomaque, Aristote part en effet d’une distinction entre, d’une part, les choses qui sont nécessaires, « d’une nécessité absolue » et qui sont « éternellement » ce qu’elles sont. Ces choses-là sont l’objet de la science et ne supposent aucune délibération [10] ; d’autre part, les choses qui peuvent être autrement que ce qu’elles sont, parmi lesquelles on peut ranger les objets de la justice. Celles-là font appel à une raison délibérante, marquée par une vertu qui est la phronesis, que l’on traduit généralement par prudence ou sagesse pratique. En quoi consiste cette sagesse du « bon délibérateur » [11] ? Ce dernier, qui est homme d’action, devra pour bien délibérer avoir à la fois la connaissance de l’universel et celle des singuliers, car cette sagesse « dirige l’action et l’action a pour domaine les singuliers » [12]. Plus, s’il faut choisir entre la connaissance de l’universel et celle du particulier, c’est cette dernière que la sagesse pratique devra privilégier [13]. Le propre de la sagesse, dit encore Aristote, c’est de sauvegarder « le jugement pratique » [14], car elle vise l’individuel [15]. C’est encore une vertu qui passe par l’expérience [16]. D’entrée de jeu, on conçoit que, pour Aristote, cette sagesse pratique est affaire de rapport entre l’universel et le singulier, de calcul proportionnel plutôt que d’application mécanique.
4De manière plus précise, Aristote fait ensuite application de cette sagesse pratique à la justice légale, en privilégiant le concept d’équité. « Ce qui crée la difficulté, c’est que l’équité, tout en étant juste, ne se ramène pas à cette justice qui est la conformité à la loi, mais qu’elle est plutôt un correctif à la justice légale » [17]. Ceci s’explique par le fait que « la loi, à cause de son caractère universel, ne peut prévoir tous les cas particuliers », qu’elle est donc « incomplète » en raison de son universalité même. Autrement dit, il est une « part d’erreur qui n’est pas dans la loi, pas davantage dans celui qui fait la loi : elle est dans la nature même du cas envisagé » [18]. Dès lors, lorsqu’elle est mise en relation avec un cas singulier, la loi comme règle universelle est potentiellement source d’erreur et, si c’est le cas, « il est alors légitime (…) d’apporter un correctif (…) en édictant ce que le législateur édicterait lui-même s’il était là et ce qu’il aurait prescrit dans la loi s’il avait eu connaissance du cas en question » [19]. On conçoit donc aisément ici que sagesse délibérante et équité se complètent pour autoriser le juge, homme d’action et non homme de science, à corriger la loi si le cas particulier le requiert.
5Enfin, dans l’Éthique à Nicomaque toujours, Aristote évoque les notions du juste et de l’injuste. Abordant ces concepts « abstraitement considérés », il commence par souligner que la notion de juste correspond aux notions de « légal » et « d’égal ». L’homme juste est donc celui « qui respecte la loi » mais c’est aussi celui qui « sauvegarde l’égalité ». Aristote renvoie ici à deux modèles de justice particulière, la « justice distributive » et la « justice corrective ». Or, s’il oppose ces deux modèles de justice sur divers plans, il les unit dans un même souci de faire justice au cas. Très vite, les termes associés à la justice distributive – justice qui préside à la distribution des biens (honneurs, argent ou tout ce qui est réparti entre les membres de la communauté politique) [20] – nous renvoient à l’idée d’une égalité relative, mise en contexte, et non à une égalité absolue, formelle et abstraite. Il y a correspondance, dit-il, entre « les notions de juste et d’égal », mais la notion d’égal « implique celle de milieu » et donc « le juste doit être, lui aussi un certain milieu ». Le juste ou l’égal bien compris supposent donc d’établir une « certaine proportion », qualifiée par ailleurs de « géométrique » entre des termes différents, d’opérer une « distribution conformément au mérite », ce qui suppose que « si les individus ne sont pas égaux, ils ne recevront pas des parts égales » [21]. Ceci permet de conclure, nous dit Aristote, que le juste, c’est le proportionnel et que, « l’injuste, à l’inverse, c’est ce qui détruit la proportion » [22]. La seconde espèce de justice particulière évoquée par Aristote est la « justice corrective ». Est désignée là cette justice qui « trouve place dans les rapports mutuels et qui établit l’ordre dans les rapports entre individus ». Aristote évoque ici encore, à propos de cette seconde sorte de justice, un rapport d’égalité mais qui, cette fois, se détermine selon une proportion arithmétique : le juge doit ici s’efforcer de « rétablir l’égalité » entre un perdant et un gagnant quand le déséquilibre résulte d’une action injuste. Et dans cette action, l’idéal du juge, nous dit Aristote, n’est pas d’appliquer la loi de manière aveugle, mais bien d’être « le juste personnifié », un « médiateur » ou un « intermédiaire » entre les parties [23].
6Je retiens cinq enseignements de cette conception de la sagesse pratique, de l’équité et de la justice, qu’on peut utiliser avec fruit dans une réflexion sur le droit et à l’acte de juger. Premièrement, le particulier du cas n’est pas négation de l’universel de la règle. Seulement, la loi est incomplète en raison de son abstraction même et il est inévitable que, dans certains cas, elle « rate » la réalité d’une situation donnée. Il ne s’agit donc pas de nier la pertinence du principe de la règle ou de la loi au nom de son abstraction : même si elle renferme une part d’erreur, la loi peut tout à fait être « une bonne loi », applicable dans la majorité des cas [24]. Mais la nature du cas justifie, dans certains cas, de corriger la loi par un « jugement pratique » en tenant compte des circonstances pour respecter la finalité poursuivie par la règle. On n’est, me semble-t-il, pas très loin du concept de « raison pratique » rebaptisé en « raison communicationnelle » par Habermas, lorsque ce dernier critique une raison pure qui n’existe que comme chimère et la nécessité de miser sur une raison qui, d’emblée, « s’incarne à la fois dans les réseaux de l’activité communicationnelle et dans les structures du monde vécu » [25] des citoyens. Deuxièmement, il découle du concept de sagesse chez Aristote une conception qu’on qualifierait aujourd’hui d’« ouverte » de la règle de droit : si la « loi est toujours universelle », sur certains points, « il est impossible de s’exprimer correctement en demeurant au plan de l’universel » [26]. C’est que, comme le souligne Hart quelques bons siècles plus tard lorsqu’il évoque l’inéluctable « texture ouverte » de certaines règles juridiques, « il existe une limite, inhérente à la nature du langage, au pouvoir de nous guider que possèdent les formes générales d’expression du langage (…) Il y aura aussi des cas où le fait de savoir si ces expressions s’appliquent ou non, n’est pas clair [27] ». C’est là « le prix que l’on doit payer pour avoir recours à des termes généraux dans n’importe quelle forme de communication relative à des questions de fait » [28]. Dès lors, pour reprendre une jolie formule de Derrida, le jugement dans le cas particulier se situe régulièrement dans un entre-deux, « entre la règle et sa suspension » [29], médiation entre la règle et le cas. Troisièmement, émerge l’idée d’une pluralité complémentaire des sources du droit – la règle, les principes, l’équité – qu’il s’agit de combiner à partir du cas pour faire émerger la règle propre à ce dernier. En raison de l’incomplétude nécessaire de la loi comme universel, il s’agit, dans un certain nombre de cas singuliers, de réfléchir la règle à partir du cas pour respecter sa finalité. Une première intuition du jugement réfléchissant développé par Kant [30] ? Quatrièmement, l’opposition entre sagesse pratique et science. Aristote est très clair à cet égard : la sagesse, dit-il, n’est pas une science, parce qu’elle est action et que cette action porte sur des choses qui peuvent être autrement que ce qu’elles sont. Elle suppose « une connaissance tout humaine et pratique. Elle a pour objet les biens humains, c’est-à-dire ceux qui fournissent matière à délibération » [31]. La sagesse se distingue donc radicalement de la science, qui a pour objet le nécessaire et l’immuable et qui ne suppose pas de délibération. On est donc très loin de penser l’acte de rendre la justice comme science axiomatique débouchant sur une application mécanique de règles figées. Enfin, cinquièmement, le parallèle fait par Aristote entre le juge [32] et le médiateur est évidemment interpellant. Aujourd’hui, la médiation incarne un modèle de justice qui fait également appel à une « raison pratique » et qui se déploie à l’ombre, voire aux côtés de la loi. La médiation incarne un modèle alternatif de résolution des conflits qui conteste, au nom de son abstraction, une justice de la règle incapable de prendre en compte l’histoire vécue des parties. La réhabilitation contemporaine du « monde vécu » des justiciables et la place donnée à une argumentation raisonnée en situation en prise sur les réalités complexes et souvent voilées du cas ne sont pas sans écho avec cette conception aristotélicienne d’un juge médiateur qui cherche à rétablir l’équilibre entre les parties.
2 – Le droit de la règle, produit d’une révolution copernicienne en droit
7La tradition casuistique va largement dominer le monde du droit en Occident jusqu’au XVIIe siècle. A cette époque émerge une critique forte contre les multiples difficultés que soulèvent un droit du cas et le mode de raisonnement scolastique qui l’accompagne (A). En réaction, se déploie un mouvement théorique, porté par l’École du droit naturel moderne, en faveur de la création d’une science géométrique du droit, destinée à restaurer ordre et autorité dans les affaires de justice. Le Code, dont la première conceptualisation moderne est due à G.W. Leibniz, sera le vecteur de cette nouvelle approche du droit, portée par une rationalité géométrique et soucieuse de mettre fin à l’arbitraire et l’insécurité juridique qui résultent d’un droit du cas (B).
A – Les impasses de la scolastique médiévale ou les « défauts de la jurisprudence »
8C’est au début du XVIIe siècle qu’apparaît en Europe un mouvement de pensée qui opère une rupture radicale avec la casuistique, inaugurant le projet d’une « science du droit ». Il s’agit d’abord de répondre, comme le soulignera un juriste italien de Modène, Muratori, aux « défauts de la jurisprudence » [33]. C’est que la prudence chère à Aristote, auteur que l’on a redécouvert à l’époque en Occident et dont la doctrine fait largement autorité, se retourne contre elle-même pour déboucher sur un droit chaotique et incertain, des procès interminables et une jungle de décisions contradictoires. Comme plus tard on reprochera à l’arbitrage des juges de se transformer en arbitraire, on questionne ici une méthode casuistique peu propice à assurer la sécurité juridique et la prévisibilité des échanges que le développement des échanges économiques à l’échelle des États modernes en construction rend nécessaires.
9Plusieurs éléments expliquent ce désordre du droit débouchant sur un virage radical, parfois qualifié de « révolution copernicienne en droit » [34], et dans lequel Bachelard eût peut-être vu un exemple prototypique de « bipolarité des erreurs ». Dans le domaine des idées, la scolastique médiévale impose son mode de raisonnement sur le continent, en théologie et en philosophie, mais aussi en médecine et en droit. Propagée par l’École de Bologne, la méthode scolastique appliquée au droit se construit, soulignent B. Frydman et G. Haarscher, sur le fond d’un double héritage. D’une part, la tradition biblique qui repose sur le principe d’une loi révélée et dont elle retient « le principe de la Révélation et plus généralement de l’auctoritas, qualité attachée aux grands textes légués par la tradition » [35].
10Les grands textes du droit romain, dont le code-compilation de Justinien que l’on redécouvre au XIIe siècle, et le droit canon constituent ici un ius commune d’application variable selon les États mais qui fait autorité [36]. Or le droit romain de Justinien s’est construit de manière casuistique, avec une systématique classificatoire inductive, construite à partir de cas concrets et illustrant l’adage « ex facto ius oritur » (« le droit sort du fait »). D’autre part, se propage dans l’enseignement (du droit) un modèle emprunté aux Anciens et inspiré par l’héritage aristotélicien, qui fait plus appel à la rhétorique qu’à la logique. Au sein de l’Université, l’enseignement, en théologie, en philosophie, mais aussi en médecine ou en droit passe par les étapes de la lectio, de la quaestio et de la disputatio, une dernière étape capitale au cours de laquelle il convient « tantôt à l’appui de la thèse, tantôt à son encontre, d’accumuler le plus d’autorités possibles, de rassembler les citations et les précédents favorables » [37]. Dans la pratique judiciaire, ce modèle d’enseignement déteint sur l’architecture du procès. Celui-ci fournit le cadre et les règles d’une discussion instruite par les parties, discussion qui repose sur « la contradiction et le dialogue, la confrontation du pour et du contre, à l’occasion d’une joute oratoire » [38], au cours de laquelle il s’agit d’aligner les citations d’auteurs illustres et le renvoi aux précédents. Par ailleurs, cette méthodologie de la discussion est encouragée par la diversité de sources juridiques concurrentes qui se croisent et s’enchevêtrent, dans un pluralisme réticulaire qu’on n’oserait pas qualifier d’ordonné. Droit romain, droit canon, droit coutumier, droit de l’Empire, droits locaux, sources doctrinales, précédents constituent un patchwork de sources qui font le délice des plaideurs, mais pas nécessairement la sécurité juridique des justiciables ni la rapidité des procès. Sommé de trouver une voie au cœur d’un magma de références qui font chacune à leur manière autorité, le juge n’a pas la tâche facile pour trancher un cas autour duquel sont mobilisées des sources et autorités multiples aux raisonnement souvent contradictoires.
11Face aux dérives sociales qu’entraîne ce jeu désordonné du droit, la réaction s’amorce. Plusieurs juristes éminents dénoncent de manière vigoureuse le manque de clarté et de prévisibilité du droit vivant ainsi que l’arbitraire que favorisent la complexité et l’enchevêtrement des sources en vigueur. Ainsi, en France, plusieurs auteurs critiquent, dès 1550 avec Charles Dumoulin, bientôt suivi par des auteurs comme Coquille, Pasquier ou encore François Hotman, l’incertitude qui résulte de la coexistence du droit de Justinien, du droit canon, des ordonnances royales et des coutumes. Prônant parfois la rupture avec le droit romain, ces auteurs plaident de façon croissante en faveur de l’adoption d’un droit unifié et systématisé, destiné à produire clarté et cohérence, à diminuer les procès et, last but not least, à favoriser l’unité politique [39]. Prenant appui sur les auteurs français précités, dont Hotman mais aussi Domat, un juriste italien du Duché de Modène, Ludovico Antonio Muratori, précise le constat. Auteur d’un ouvrage publié en 1742 qu’il intitule Dei difetti della Giurisprudenza [40], Muratori se lance dans une longue diatribe contre ce qu’il appelle les « défauts de la jurisprudence ». Certes, dit-il, il est des « défauts intrinsèques » à la jurisprudence, comme la généralité, la relative obscurité ou l’incomplétude des lois. Si ceux-ci compliquent la mission du juge, ils n’en sont pas moins inhérents à la vie juridique. De même, entre la majeure (la loi) et la mineure (le cas), l’application par un tiers (le juge) ne saurait être mécanique : des « pertes » sont inévitables, parce que le sens de la loi est « le fruit de la volonté et des intentions des hommes » et qu’il n’est donc pas toujours aisé à interpréter, que le cas est parfois complexe et que le juge reste un homme qui juge avec son esprit [41]. Par contre, estime Muratori, il est des « défauts extrinsèques à la jurisprudence » qui, d’une autre nature, peuvent et doivent être combattus avec la dernière énergie. Est visé ici le « déluge d’œuvres juridiques » que constituent les traités de doctrine de toutes sortes ; ce « fleuve » trop fluide qu’est devenu le droit romain, source d’une jurisprudence qui s’apparente à « une mer très vaste » dont se délectent les docteurs-interprètes ; la concurrence des sources et les abus de l’interprétation auxquels cet imbroglio juridique donne naissance [42].
12L’argument de Muratori, qui synthétise un sentiment dominant à l’époque, est intéressant à double titre. D’une part, sa critique annonce le tournant vers un droit de la règle au nom de l’incertitude que génère un droit trop obscur et complexe. D’autre part, sa distinction entre « défauts intrinsèques » et « défauts extrinsèques » de la jurisprudence souligne qu’entre le droit et le fait l’écart est indépassable et que le juste supposera toujours une forme d’ajustement de la règle à partir du cas, comme si la dialectique entre la règle et le cas était bien une caractéristique intrinsèque du droit. Muratori amorce ici une discussion sur la « texture ouverte » des normes juridiques, que reprendra H.L.A. Hart quelques siècles plus tard. On est frappé à cet égard, par la similitude des termes utilisés par les deux auteurs pour souligner les limites d’un droit construit par des humains et non par des dieux [43].
B – Vers un idéal « qualitatif » de la codification, emblème d’un modèle géométrique du droit
13La codification du droit va rapidement apparaître comme une technique à privilégier pour trouver une parade à ces « défauts extrinsèques » de la jurisprudence mis en exergue un peu partout sur le continent. Le processus se fera par étapes : un idéal de la codification structuré autour de la Raison se construit progressivement pour s’imposer de manière forte avec l’École du droit naturel moderne et, notamment, ses représentants germaniques.
1 – D’un code d’interprétations à un code-consolidation pour répondre à l’insécurité juridique
14Comment répondre aux défauts extrinsèques de la jurisprudence et atténuer certains défauts intrinsèques du droit ? On peut souligner ici une gradation dans l’intensité des réponses proposées. Certains, à l’instar de Muratori, se montrent prudents. Respectueux du droit romain, ils envisagent de compléter le ius commune d’inspiration romaine par un petit code de lois qui rassemblerait « toutes les décisions les plus fondées qui ne proviennent pas clairement des lois » [44]. Est donc envisagée comme remède la création d’un code compilant les interprétations les plus fondées portant sur des questions controversées et destiné à faire autorité.
15D’autres vont plus loin et envisagent, à travers la promulgation de codes de lois, de consolider la législation princière et d’assurer sa primauté progressive sur les autres sources de droit. L’objectif est ici à la fois juridique (assurer la sécurité juridique) et politique (imposer le pouvoir du souverain sur celui des corps intermédiaires). C’est ce que traduira l’irruption d’une première salve de codes-consolidation, notamment dans les provinces italiennes, dès le début du XVIIe siècle [45].
16Enfin, dès le XVIIe siècle, certains se prennent à penser à un retournement de l’adage romain « ius ex facto oritur » et à son remplacement par un autre adage « ex iure factum oritur » (c’est du droit que sort le fait). Pour sortir des impasses d’un droit qui fait trop de place au cas, les penseurs du iusnaturalisme moderne privilégient un nouveau modèle de droit qui substitue la déduction à l’induction. Fondée non plus sur l’espace de jeu créé par la multiplicité des sources, sur l’autorité des auteurs et le triomphe de la rhétorique argumentative, la règle juridique doit s’inscrire dans un système unifié et logico-déductif de règles fondées en raison, destiné à remettre de l’ordre dans le droit, à assurer sécurité et prévisibilité juridiques, à lutter contre l’arbitraire et les inégalités. Ici encore, le code apparaitra in fine comme le vecteur privilégié de ce droit « more geometrico », traduction d’un « idéal qualitatif » de codification qui marque un saut qualitatif avec la version antérieure du code consolidation [46].
2 – La tendance à l’unification du droit en France : dépasser l’arbitraire des juges par un droit de la règle
17Ce mouvement trouve rapidement un écho en France. On en trouve les prémisses chez Jean Bodin qui, dès 1580, pose les fondements d’une autre conception du droit, pensé comme système unifié et articulé de règles impératives. Reprenant l’objectif d’unification du droit de ces prédécesseurs Dumoulin ou Hotman, Bodin propose dans son « Exposé de droit universel » de rassembler le droit selon « un tableau strictement divisé » et une « classification régulière et continue ». Il souligne néanmoins qu’il restera bien une place au juge pour « ce qui ne figure pas dans la loi ou s’y trouve exposé avec trop d’obscurité, ou qui, dans le cas envisagé, paraît contraire à l’équité », même s’il met en garde contre un droit « procédant du bon plaisir de celui qui statue » [47]. Chez Bodin, l’espace de choix du juge est encore jugé indépassable. Mais son assimilation à une forme possible d’arbitraire, combinée à l’appel à un droit « universel » organisé selon un « tableau » établissant des divisions cohérentes entre ses parties, annonce clairement le modèle cartésien du droit à venir.
18Un peu plus tard, en France toujours, on trouve chez Pussort, oncle de Colbert et conseiller de Louis XIV, le projet d’ériger un code complet et unifié de lois. Ce code serait accompagné de l’interdiction « de citer aucune loi ou ordonnance autre que la nouvelle après sa publication ; de faire aucune note, commentaire, ni recueil d’arrêts à peine de punition » [48]. La volonté de mettre en place un système qui réduit le droit à la loi, qui met un frein à l’équité ou à l’ « arbitraire » des juges [49] s’accentue et avec elle se réduit la place faite au cas. En France toujours, c’est au XVIIe siècle chez Jean Domat qu’on trouve alors l’élaboration la plus nette d’une nouvelle science du droit qui fait appel à une logique déductive plus qu’inductive, à la règle plus qu’au cas. Dans son ouvrage de référence, les Loix civiles dans leur ordre naturel publié en 1694, Domat propose de composer une « science du droit naturel » en ramassant le droit dans un système logico-déductif de règles qui présenterait la rigueur, la clarté et la nécessité des vérités scientifiques. La référence, pour un juriste fasciné par le modèle de vérité des sciences exactes, est la géométrie. C’est sur un mode géométrique que doit se penser l’ordonnancement d’un droit naturel dont la source reste le droit romain défini comme « le dépôt des règles naturelles de l’équité » [50]. C’est la géométrie qui est la clé pour ranger le droit selon un « ordre vraiment naturel », de sorte qu’il demeure la traduction du « Souverain Bien », soit la traduction du plan divin pour l’univers [51]. On soulignera ici que la volonté de construire le droit comme science more geometrico répond chez Domat à cette fascination partagée avec d’autres à l’époque pour une organisation scientifique ou mathématique du monde à laquelle le droit doit participer. Certes, chez Domat, la raison naturelle reste inféodée à la volonté divine mais celle-ci ne fait pas obstacle à la science. Par ailleurs, il s’agit bien sûr aussi, dans une perspective plus pragmatique, de répondre aux désordres du droit causés par la multitude des sources, la logorrhée des commentaires, l’obscurité et les contradictions des textes et commentaires, bref tous ces défauts extrinsèques de la jurisprudence auxquels ouvre un droit du cas.
3 – L’École du Droit Naturel et du Droit des Gens : vers un conception géométrique du droit
19L’élaboration de ce droit comme système, qui privilégie l’abstraction et la déduction sur l’empirie et l’induction, se concrétise de manière beaucoup plus nette avec « l’École du Droit naturel et du droit des gens » dont les principaux représentants se trouvent dans l’Empire Germanique et aux Pays-Bas. Selon P. Dubouchet, c’est à Johannes Althusius, philosophe et juriste allemand, auteur d’un Traité de la Dicaelogique publié en 1617 [52], que l’on doit la « révolution copernicienne » qui consistera à penser le droit non plus comme une construction à partir de la réalité concrète (méthode casuistique) mais bien comme un système autonome de propositions juridiques agencées selon un plan logique et déductif [53]. Ce qu’introduit ici Althusius, c’est une construction du droit comme « langage », c’est-à-dire comme univers autoréférentiel de signes dans lequel un ensemble de signifiants détachés de leur signifiés concrets se renvoient les uns aux autres, classés en « tableaux » selon une structure pyramidale descendante qui procède par dichotomies successives [54].
20L’intuition sera reprise et développée par Grotius, père fondateur de l’École du Droit naturel. Dans son ouvrage sur Le droit de la guerre et de la paix, publié en 1625, Grotius cherche lui aussi à construire le droit comme système fondé, non plus sur la nature concrète des faits, mais sur des principes logiques construits par la seule raison, à l’image de ce qui se fait en physique où domine le raisonnement mathématique : « j’affirme, en effet, qu’ainsi que les mathématiques considèrent les figures, abstraction faite des corps, de même, en traitant du droit, j’ai détourné ma pensée du fait particulier » [55]. Le droit – et le droit naturel puisque c’est de lui qu’il s’agit – ne se construit donc plus à partir du ius commune d’inspiration romaine mais devient un système logique et hiérarchique de termes qui doit être traité « à la manière d’un géomètre qui se représente des lignes abstraites et idéales, sans les rattacher à aucune réalité » [56].
21L’École du droit naturel allemand, avec Pufendorf [57] mais surtout Wolff et Leibniz, poursuit dans la même veine, tout en entretenant des relations ambigües avec le droit romain, encore considéré comme le siège de la raison naturelle à l’époque. Dans son Principes du droit de la nature et des gens publié en 1758, Christian Wolff (1679-1754) développe à son tour une systématique juridique logico-déductive selon une méthode empruntée aux mathématiques. Il s’agit de construire le droit comme un ensemble de propositions fondées et dérivées de principes généraux, dont la filiation doit être chaque fois « démonstrativement déduite » [58] et qui sont placées « dans un ordre, dans une liaison dont elles ne peuvent être tirées sans rompre toute la chaîne » [59]. Wolff clarifie l’ambition de cette nouvelle structuration du droit qui fait appel aux concepts d’ordre et de système, de filiation et de dérivation, de mathématique et de géométrie, de démonstration et de chaîne.
22Quant à W. G. Leibniz (1646-1716), père spirituel de Christian Wolff, il va jouer un rôle central dans l’opérationnalisation de la science du droit dans la mesure où il sera le premier à lier ce projet scientifique à la création d’un code de lois. Leibniz introduit ici un saut dans l’histoire de la codification par la promotion de cet « idéal qualitatif » [60] du code qui connaîtra une concrétisation importante avec les codes pénaux absolutistes de la deuxième moitié du XVIIIe siècle [61]. Leibniz, inventeur du calcul infinitésimal, a surtout marqué l’histoire de la pensée par son génie mathématique et la fécondité de sa pensée philosophique. Curieusement, l’intérêt porté au droit par celui qui passe pour un philosophe mathématicien est resté largement méconnu. Or, Leibniz était juriste et, chronologiquement, il s’intéressera d’abord au droit. Fils d’un professeur de morale et de droit à l’Université de Leipzig, le jeune Leibniz se met dès l’âge de 15 ans à l’étude de la jurisprudence. Le droit et sa complexité l’attirent autant que le répugne l’instrumentalisation par les avocats des possibilités ouvertes par la casuistique dominante : « Je pénétrai de bonne heure dans les secrets de cette science ; car j’étais attiré par la fonction de juge et détestais les arguties des avocats ; c’est pour cette raison que je n’ai jamais voulu plaider… » [62]. Leibniz rédige une thèse de docteur en droit, intitulée De casibus perplexis in iure, dans laquelle il étudie le problème des antinomies et des cas difficiles en droit, proposant comme solution de se fonder sur les principes du droit, le droit positif et, si nécessaire, le droit naturel dont est issu le droit positif [63]. Assez vite, Leibniz se rapproche ensuite des milieux judiciaires, avant d’offrir ses services à divers Princes allemands pour aider à une remise en ordre du droit afin de remédier aux controverses et à l’incertitude du droit en vigueur.
23Estimant que la méthode casuistique n’est plus une méthode adaptée à son époque, Leibniz propose dans sa Nova Methodus [64], publiée en 1668, la création d’un nouveau Corpus officiel de lois prenant la forme d’un système concis et ordonné de règles. Pour atteindre cet objectif, Leibniz préconise une démarche en deux temps, qui associe une méthodologie inductive et une démarche déductive, soulignant les réserves que suscitent encore à l’époque une rupture avec le droit romain, toujours considéré par beaucoup comme la « raison écrite » et le siège du droit naturel. D’une part, Leibniz envisage une reconstruction du droit romain de Justinien, en rassemblant de manière ordonnée les dispositions conformes au droit naturel qui s’y trouvent et en éliminant les dispositions douteuses, inutiles, désuètes, ou qui seraient la traduction d’un droit arbitraire [65]. Mais la création de ce Corpus iuris reconcinatum n’a de sens pour Leibniz que s’il permet d’induire un corpus bref et concis de principes de droit naturel susceptibles d’en exprimer la ratio et dont on pourra, par la suite, déduire toutes les règles et toutes les solutions à apporter à tous les cas de la vie juridique. Démarche inductive ascendante et démarche déductive descendante se combinent dans l’idéal pour constituer, au final, un court « tableau » de lois conformes au droit naturel à partir duquel pourront se résoudre tous les cas. Dans une lettre adressée au principe Léopold le 1er août 1671, Leibniz écrit : « Le sommaire du droit romain (…) pourrait tenir sur une seule feuille de la taille d’une large carte hollandaise qui contiendrait toutes les règles principales assemblées de telle manière que de leur combinaison on pourrait décider de tous les cas amenés à se présenter et lire les fondements de toutes les actions, exceptions et répliques (…) » [66]. Le recours à la méthode algébrique et à un « art combinatoire » qui réduisent les controverses à un « strict calcul » doit permettre d’éviter nombre de querelles et d’assurer la sécurité juridique [67].
24Si la première étape de la démarche – le remaniement et l’élagage du droit romain pour en retenir un ensemble conforme aux principes du droit naturel – s’avère fastidieuse, la rédaction de la Ratio corporis Juris universi progresse à un meilleur rythme. Ces « Éléments de droit naturel » qui « résolvent tous les cas aussi facilement qu’un problème de géométrie par analyse et pourraient décider les controverses les plus agitées » [68] sont publiés en 1678, sans atteindre toutefois l’objectif ambitieux de son auteur. Promu juge à Hanovre la même année, Leibniz reprend son projet en participant à la rédaction d’un projet de Code Léopold qui s’inspire de la méthode qui a présidé à la rédaction des « Éléments de droit ». Le code est ici clairement promu comme vecteur d’un droit de la règle et Leibniz s’en explique dans trois textes consacrés à la codification qu’il publie, sans doute entre 1678 et 1680, à propos de ce projet de Code Léopold : « De la justice et du nouveau code », « Préface d’un nouveau code » et « Rationale Digestorum : préface » [69].
25Dans ces trois textes, on retrouve les principales critiques déjà formulées ailleurs sur l’état du droit et de la jurisprudence : vétusté et enchevêtrement de sources multiples du droit ; obscurité et contradictions des textes ; prolifération des commentaires, avec des « Academias » (Écoles) et des « Peritos » (spécialistes) ; conflits entre les « opinions communes » et l’autorité des juges interprètes qui ne s’en tiennent pas à la lettre de la loi mais invoquent l’intention du législateur quand ils ne recourent pas à l’interprétation par analogie… Autant de ces « défauts de la jurisprudence », déjà évoqués par Muratori, qui produisent confusion et « arguties », arbitraire et insécurité, inégalité et imprévisibilité [70]. La réponse pour Leibniz est claire : dans l’idéal, seul un code de lois bref, clair et complet (sufficientiam), expression d’un droit achevé et certain (finitum certumque) et traduction des principes de droit naturel peut restaurer ordre et sécurité dans les affaires de justice [71]. Concrètement, Leibniz semble envisager au sein du code un système hiérarchiquement ordonné à deux niveaux : un premier corps de principes de droit naturel, expression des « raisons morales des lois » [72], suivi d’un ensemble de lois positives conformes à ce corps de principes directeurs. Toutefois, la réalité du droit territorial de l’Empire l’amène à tempérer cet idéal qualitatif de la codification qui trouvera un écho dans les codes pénaux absolutistes de la fin de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. La réalité politique de l’Empire et la diversité des sources du droit en vigueur rendent peu réalistes l’idéal de complétude du Code et son statut de seule et unique source du droit. Les temps ne sont pas encore mûrs. Aussi, Leibniz, tout en privilégiant clairement un modèle de droit légal-rationnel, laisse-t-il encore une place à d’autres sources subalternes du droit. Néanmoins, la validité de ces dernières dépendra de leur reconnaissance expresse comme source supplétive de droit par le Code et de leur conformité aux principes du droit naturel contenu dans celui-ci [73]. Leibniz pose alors les « causes générales à partir desquelles le devoir du juge est établi ». La première est le Code ou le « droit de la République », soit le droit de l’État qui devient clairement la première source du droit, en tant qu’expression du pouvoir du prince mais aussi réceptacle des principes de droit naturel. En deuxième lieu viennent les dispositions nouvelles que le législateur impérial pourrait ajouter pour répondre à des cas non prévus par le code. La troisième cause est le droit local, auquel une place reste faite pour autant qu’il ne soit pas contraire au droit général et qu’il « soit renfermé sous une forme similaire à celle de notre code ». Enfin, vient la coutume, pour autant qu’elle soit solidement implantée et que sa non-observance soit ressentie comme une injustice. Pour mettre en œuvre ce droit nouveau, Leibniz fait encore appel à des juges doués de prudence, mais dont la prudence n’est sans doute pas du même ordre que celle prônée par Aristote. Le juge prudent, c’est le juge qui s’en tient à la lettre de la loi [74], ce que la rédaction précise des textes rendra possible. Exit donc une interprétation qui chercherait l’intention du législateur et à plus forte raison une interprétation « en équité », rendue par ailleurs inutile dès lors que les lois du Code seront elles-mêmes rédigées en équité. Subsisterait-il malgré tout quelque obscurité ou contradiction dans la loi, chose possible dès lors que « rien dans les choses humaines n’est parfait », il appartiendra au juge de renvoyer l’affaire à l’auteur des lois ou « à ceux auxquels nous commettrons ce soin ». Il est en effet exclu de concéder « à aucune personne privée la faculté de suppléer au droit » [75].
3 – La dialectique de la règle et du cas : un (im)pensé juridique indépassable ? L’exemple du droit pénal
26La mise en œuvre du projet codificateur dont les fondements sont posés par Leibniz va se concrétiser dans l’Europe des despotes éclairés de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Ce droit de la règle à caractère more geometrico va se construire d’abord en droit pénal, pour des raisons essentiellement politiques, dès lors que les souverains voient dans un droit pénal unifié un vecteur essentiel d’affirmation de leur pouvoir et de leur autorité (A). Si ce mouvement de codification pénale traduit bien l’utopie d’un droit fixe débarrassé du cas, force est de constater que, très vite, le refoulé casuistique resurgit, même si de manière timide, au sein même de l‘idéologie légaliste pour tempérer le fétichisme de la règle (B). Plus, la place faite au cas s’accroit dans les textes pénaux au XIXe siècle. D’une part, le souci du juste en situation pousse à croiser la règle et le cas, soulignant le caractère indépassable de la dialectique entre règle et cas au cœur même d’une branche du droit qui passe volontiers pour l’incarnation d’un droit de la règle. D’autre part, dans un contexte socio-politique et scientifique très différent, la place du cas s’affirme à la fin du XIXe siècle, mais cette fois pour déborder et mettre en cause le droit de la règle de l’extérieur, au nom d’un nouveau discours de vérité fondé sur les sciences positives (C).
A – La codification pénale absolutiste, expression en actes d’un droit more geometrico ou le fétichisme de la règle
27Je serai bref sur ce point, l’ayant abondamment traité ailleurs [76]. L’apparition de codes-système destinés à traduire dans la pratique l’ambition d’un modèle logico-déductif du droit en prise sur l’universel d’une morale de nature remonte à 1751. Cette année-là est publié en Prusse un Projet de Code général prussien à la demande de Frédéric II de Prusse. Son auteur, Samuel Cocceius, souligne « qu’il s’agit de poser sur chaque matière les principes les plus naturels, de donner des définitions claires et de déduire dans l’ordre le plus exact la cause, l’objet et les effets, les moyens de mettre fin aux affaires… ». Cocceius reprend lui aussi la métaphore de la « chaîne », soulignant qu’au sein du système codifié, les différentes parties du droit sont « liées entre elles comme les chaînons d’un chaîne » [77].
28Par la suite, ce sont plusieurs codes ou projets de codes généraux comportant une importante partie pénale ou des codes spécifiquement pénaux qui illustrent les avancées, parfois encore hésitantes et controversées, de ce nouveau modèle du droit de la règle, dont Bentham, considéré comme le grand théoricien de la codification, se fera le chantre par la suite : la Grande Instruction de Catherine II de Russie en 1767, le Code pénal toscan en 1786, le Code pénal de Joseph II en Autriche en 1787, un projet de Code pénal Lombard en 1791-1792, le Landrecht Prussien de 1794, sans oublier le Code pénal révolutionnaire français de 1791 constituent divers points d’orgue de ce mouvement de codification iusnaturaliste. On y prône, quel que soit le texte, une construction pyramidale et la réforme substantielle du droit en vigueur selon un modèle de droit légal-rationnel dans lequel le droit pénal codifié est, pour reprendre une expression de Joseph II, l’expression de « la Nature, la Raison, la Justice et la Vérité » [78]. Le projet iusnaturaliste, encouragé par les Lumières, débouche donc sur la rédaction de ces « corps complets de législation » qu’appelle Bentham de ses vœux. Ces codes apparaissent organisés sur un modèle logico-déductif, construits à partir d’une partie générale porteuse de principes généraux, suivie d’une deuxième partie composée d’une chaîne de titres, de chapitres et d’articles qui en sont la mise en œuvre dans des domaines particuliers. Est bien visée, de manière croissante au fil du siècle, une structuration more geometrico de la matière juridique et pénale, avec un ensemble de propositions si étroitement articulées que, peut-on lire dans le Projet de Code pénal Lombard, « vienne à se briser un seul anneau de la chaîne qui les relie, celle-ci se dénoue » [79].
29Réduction du droit à la loi, idéal de complétude, souci de cohérence, structure linéaire, le code tel qu’il se construit dans le domaine pénal se fait le traducteur d’un idéal de perfection dont l’objectif est d’assurer la sécurité juridique et d’exprimer la vraie justice. Le code, dont la fonction est aussi politique dans la mesure où il confirme le monopole de l’État comme pouvoir de création de la loi, est bien porteur de ce droit de la règle, à une époque où l’autorité des juges a toujours mauvaise presse. On connaît Montesquieu et son refus d’accepter qu’en quelque manière que ce soit le juge fût « lui-même sa règle » [80], ou sa formule célèbre du juge « bouche de la loi ». On sait parfois moins que Beccaria, autre grand inspirateur de ces codes pénaux de l’ère classique, était tout aussi remonté contre le pouvoir d’interprétation des juges selon « l’esprit de la loi ». Se méfiant des résultats différents auquel on aboutirait selon « la bonne ou la mauvaise logique d’un juge » [81], Beccaria estimait en conséquence que si un système purement légaliste n’est pas parfait, « les inconvénients qui proviennent de l’observation rigoureuse de la lettre d’une loi pénale ne sauraient être mis en balance avec les désordres que provoque son interprétation » [82]. En outre, pour Beccaria, l’application stricte de la loi pénale était gage d’égalité pour les citoyens. Certes, Beccaria concédait-il que « l’égalité des châtiments ne peut être qu’extérieure ». Mais dès lors que la fonction de la peine est bien plus utilitariste et dissuasive pour le peuple que morale et rétributive pour l’auteur de l’infraction, « le châtiment ne se mesure pas à la sensibilité » du coupable [83] mais d’abord à son utilité sociale. Dura lex sed lex : le fétichisme de la règle s’impose, supprimant en théorie toute place pour le cas en raison du désordre, de l’inégalité et de l’imprévisibilité que ce droit du cas peut générer.
B – Derrière le droit de la loi, le retour du refoulé casuistique
30Face à l’abstraction de la règle, très vite cependant la réalité du cas reprend vigueur. L’utopie d’un droit rigide est très rapidement tempérée à ses marges sous l’effet d’un double phénomène. D’abord, l’opposition entre deux conceptions de la raison naturelle, l’une plus universaliste, l’autre plus historiciste. Ensuite, le souci de trouver une « juste proportion » à la peine, tant pour répondre à un idéal de justice qu’à des besoins de sécurité publique.
1 – Le fétichisme de la règle pénale : une utopie régulatrice tempérée de l’intérieur
31Si le fétichisme de la règle s’impose dans les discours doctrinaux comme dans les textes codificateurs à l’époque des Lumières, c’est peut-être plus au titre d’utopie régulatrice que de réalité factuelle. Très vite en effet, au plus fort de la revendication d’un droit abstrait en quête d’universalisme et de perfection, le particularisme refait surface pour questionner ce statut d’exception. Un premier symptôme en est le conflit qui émerge entre deux conceptions de cette rationalité more geometrico en prise sur la morale naturelle qui doit donner sa légitimité au droit de la règle. La première, dans la tradition inaugurée par Althusius, se veut universaliste : porté par une logique traduisant la pureté d’une raison mathématique, incarnation d’une vérité de nature fixe et immuable, le code est pensé comme le lieu où construire le meilleur droit possible. Il s’agit de construire un droit, dira Condorcet, fondé sur « des vérités universelles (…) les seules qui puissent être légitimement la base des Loix » [84] et qui, pour cela même, devient transposable à toutes les Nations. De ce côté, on trouve une tradition codificatrice qui porte les espoirs d’un Joseph II en Autriche ou de A. Verri en Toscane [85], les ambitions des révolutionnaires français qui voient, à l’image de Hegel, dans la Révolution et ses institutions un moment clé de la « Raison en marche ». En face, on trouve la défense d’une rationalité particulariste, tirée des sciences naturelles et inspirée par Montesquieu [86]. La raison codificatrice se fait ici nationale, respectueuse des expériences et des traditions, proposant d’ancrer le code dans l’histoire et la culture d’un pays, avec des lois conformes « à la disposition du peuple pour lesquelles elles sont faites » [87], au point que « c’est un très grand hasard si celles d’une nation peuvent convenir à une autre » [88]. Cette tradition-là, qui s’inscrit dans le fil des constructions d’un droit naturel puisant aux sources du droit romain, se repère dans le Nakaz de Catherine II de Russie, la Leopoldina toscane, le Projet de Code pénal Lombard ou encore le Landrecht prussien. Certes, la question n’est sans doute pas ici de faire une place au cas ou de réintroduire une dialectique entre la règle et le cas. Mais dans sa justification, cette deuxième approche iusnaturaliste, qui annonce le courant historiciste du XIXe siècle, souligne les difficultés politiques, les obstacles pratiques et le statut d’utopie d’un droit construit comme pur langage et déconnecté du droit vivant.
2 – Tempérer la règle et laisser une place au cas pour répondre à un idéal de justice et de sécurité
32Un second élément qui annonce le maintien d’une place pour le cas en creux du droit de la règle se perçoit dans les codes pénaux de l’époque. Le légalisme strict des délits et des peines s’infléchit, essentiellement au niveau des peines. En effet, si le principe de légalité des peines est affirmé, la plupart de Codes et Projets de code classiques introduisent, à l’exception du Code pénal révolutionnaire français de 1791, un régime de peines flexibles. Si la nature de la peine prévue est fixe, le degré de celle-ci oscille entre un minimum et un maximum, quand ce n’est pas le minimum ou le maximum seul qui est indiqué [89]. La flexibilité introduite ici a pour but de permettre au juge de doser le degré de la peine en fonction du cas particulier, en tenant compte des « circonstances objectives » qui configurent le cas et déterminent sa gravité réelle [90]. Bentham synthétise l’argument justificatif que l’on trouve dans la plupart de codes de l’époque, en soulignant qu’une loi inflexible pour tous « sous une apparence d’égalité (…) cacherait l’inégalité la plus monstrueuse ». Pour déterminer la peine adéquate, c’est-à-dire la peine géométriquement proportionnée, il faut tenir compte des circonstances diverses qui peuvent servir « de justification, d’extériorisation et d’aggravation pour les différents délits » [91]. Par ailleurs, et de manière complémentaire, le calcul de proportion de la peine au délit fait également place, dans plusieurs codes ou projets de code, à certaines « circonstances subjectives » liées à la personne du criminel, à côté de la gravité objective du délit. C’est par exemple le cas dans le Code pénal de Joseph II où l’on tiendra compte des « condamnations passées » et du danger de récidive pour obtenir la « juste proportion » entre le délit et la peine (Livre I, art. 14) ou plus encore dans le Projet de Code pénal lombard de 1792, lequel fait intervenir le degré de malice, les astuces utilisées pour rendre plus malaisée la découverte du délit, le danger de récidive ou la récidive elle-même, voire « tous les autres motifs qui peuvent justifier une imputabilité plus ou moins importante, sans oublier le sexe ou l’âge plus ou moins avancé du délinquant » [92]. En outre, aux marges du système pénal, émerge le principe de sanctions privatives de liberté à durée indéterminée, lorsqu’il s’agit d’assurer la protection d’un ordre sanitaire, moral et social au quotidien menacé par une population flottante de vagabonds, de mendiants et autres auteurs de petites infractions. Ce principe se retrouve dans le Code pénal de Joseph II en Autriche, au titre des « délits politiques » (L. II, art. 60) ou dans le Landrecht prussien de 1794. Ce dernier Code va d’ailleurs plus loin, introduisant une peine de sûreté à l’intention de condamnés – voleurs récidivistes et prostituées sont cités – qui peuvent devenir dangereux. Et la durée de cette peine après la peine devient fonction de la capacité retrouvée du condamné à mener une vie honnête [93]. On le voit, la flexibilisation de la règle punitive répond à la fois à un idéal de justice et à un calcul utilitariste d’efficacité. Elle se fonde aussi sur un principe qui doit guider le juge dans son rapport entre la règle et le cas qui est celui de la proportionnalité de la peine à la gravité objective et subjective du délit. Tant la quête d’une peine juste que celle d’une peine utile justifient de trianguler le rapport entre la règle et le cas par le recours à un principe d’équité qui prend ici la forme de la proportionnalité.
33Enfin, le souci d’une peine bien proportionnée au cas infléchit également le sort réservé à l’interprétation de la loi pénale par les juges. Beccaria, on le sait, était partisan d’une interprétation stricte et littérale de la loi pénale. Quand on lit les codes et projets de codes pénaux de l’époque, on s’aperçoit cependant que ce corollaire naturel du légalisme strict subit une inflexion, plus ou moins accentuée, selon les textes. Ainsi, le Projet de Code pénal Lombard de 1791-1792, à la rédaction duquel Beccaria a contribué, met l’accent sur l’interprétation littérale de la loi par le juge pénal : « Le juge est tenu de se tenir à la disposition littérale de la loi, là où est déterminé avec précision tant le genre que le degré de la peine pour le méfait commis. Il ne peut, sans lourde responsabilité, aggraver, adoucir ou changer la peine établie ; encore moins la supprimer totalement par une transaction entre le délinquant et la victime » [94]. La rigueur du principe s’affiche pleinement, proclamant la volonté d’encadrer totalement l’activité du juge, exception faite de la latitude déjà évoquée plus haut lorsqu’il s’agit pour le juge d’établir le degré de la peine. On retrouve le même mécanisme prévu quelques années plus tôt dans le Code pénal de Joseph II de 1787 en Autriche, avec la recommandation d’une « interprétation littérale » de la loi par le juge pénal pour autant que « la grandeur et le genre de la punition sont énoncés exactement et d’une manière expresse » (I, art. 14). Cependant, ici aussi émerge une ouverture timide aux spécificités du cas en ce qui concerne le degré de la peine [95], dans le but de répondre au souci évoqué par Joseph II « d’asseoir des décisions de justice distributive » [96].
34Par contre, deux autres textes liés à ce mouvement de codification pénale absolutiste traduisent un conscience plus aigüe de l’intrication entre droit de la règle et droit du cas. Le premier est un commentaire de Diderot à propos du légalisme strict envisagé par l’Instruction de Catherine II de Russie de 1769. Dans ses Observations sur L’Instruction de l’impératrice de Russie aux députés pour la confection des Loix [97], Diderot dénonce l’idéal de complétude d’un code soucieux de prévoir tous les cas et d’éviter à tout prix et en toute circonstance les pièges connus de l’interprétation. Cette prétention est illusoire : « Il n’y a aucune Loi qui puisse embrasser tous les cas possibles, aucune qui sous peine de la plus criante injustice, soit également applicable à tous les coupables » (art. 153). Prenant à témoin le problème des preuves imparfaites en matière criminelle, Diderot insiste : n’existe-t-il pas des circonstances, comme celles-là, « où la loi est nécessairement abandonnée à la discrétion du juge », car « un code exclut l’immensité des détails qui fixeroient la probabilité (des preuves) » (art. 177) ? Astreindre le juge à suivre la lettre de la loi, n’est-ce pas prendre le risque d’en faire « une bête féroce », dès lors qu’il est « des circonstances que la loi n’a point prévues, et dans les cas qu’elle a prévus, il y a des circonstances qui allègent ou aggravent le délit » ? Et Diderot de tirer une double conclusion qui souligne l’intrication de la règle et du cas. D’une part, s’il faut laisser une part de pouvoir créateur au juge, l’important est d’avoir de bons juges, car « les meilleures Lois sont vaines si le juge est mauvais et les plus mauvaises Lois peuvent être rectifiées par de bons juges » (art.153). D’autre part, s’il faut donner de l’espace au juge, il faut éviter de retomber dans l’excès inverse d’un système jurisprudentiel qui affaiblirait la force de la loi. Pour cela, Diderot propose trois choses : interdire les commentaires du Code, qui ne sont rien d’autre que des interprétations de la loi civile (art. 154) ; exclure, contrairement à ce que prévoyait l’Instruction, l’impression des décisions des tribunaux qui formeraient à la longue « une contre-autorité à la loi » (art. 101) ; confier pour « les questions épineuses de législation » – les cas difficiles, dirait-on aujourd’hui – l’interprétation créatrice à une commission des lois et non à un organe judiciaire [98]. Enfin, le Code pénal toscan de 1786 traduit sur cette question un conflit entre le Souverain Léopold II, acquis au projet de Lumières pénales, et ses conseillers plus traditionnels ou réalistes. Ces derniers pèseront de tout leur poids pour conserver au cœur du texte un rôle d’arbitre important laissé au « juge prudent ». Le compromis débouchera sur le maintien d’un espace d’arbitrage considérable pour le juge au niveau des peines, dans un texte qui fait régulièrement appel à sa « prudence » et à sa « raison », pour apprécier un fait et/ou déterminer l’intensité de la peine, tout en prévoyant un contrôle de son activité, sous la forme d’une obligation de motivation de ses décisions « arbitraires » et leur consignation dans un registre permettant la comparaison entre les diverses décisions portant sur des cas semblables. Ce système doit permettre d’avoir « une règle, laquelle soit constamment devant les yeux des juges, pour qu’ils puissent s’y conformer, comme nous entendons qu’ils s’y conforment, autant que cela sera possible, dans tous les cas semblables » [99]. De la règle au cas, du cas à la règle, le jeu de ping-pong se poursuit, à la recherche d’un point d’équilibre entre l’impérialisme autoritaire d’un droit rigide et la confusion désordonnée d’un droit du cas sans cadre.
C – La tendance à l’individualisation de la peine au XIXe siècle : le cas en dedans et au-delà de la règle
35Le XIXe siècle se construit sur fond de l’héritage pénal des Lumières et de leur tournant légaliste. Rapidement cependant, la place timide laissée au cas par les codes pénaux de la fin du XVIIIe siècle s’amplifie, sous l’emprise d’un double mouvement qui donne corps aux intuitions de la fin du siècle précédent. D’une part, se déploie une pensée pénale néoclassique, soucieuse du « juste dû » et désireuse de réintroduire une dimension rétributive au cœur d’une pénologie classique essentiellement utilitariste. D’autre part, plus tard dans le siècle, émerge un mouvement positiviste marqué par un discours sécuritaire axé sur la défense de la société contre la dangerosité individuelle des déviants.
1 – La place du cas au XIXe siècle : la poussée néoclassique et le principe d’une juste rétribution de la faute par la peine [100]
36En bonne logique, le légalisme strict que traduit l’idéal d’un droit de la règle en matière pénale suppose des incriminations légales et un régime de peines fixes prévues par la loi pénale également. Dans la pratique, seul le Code pénal révolutionnaire français de 1791 envisagera un tel système qui, « plus encore que les idées de Beccaria, porte la marque de celles de Jean-Jacques Rousseau : la peine fixe, c’est la clause pénale du contrat social » [101]. Comme le souligne J. F. Chastaing, « le législateur de 1791, qui suit très rigoureusement la Déclaration des Droits de 1789, fait très exactement référence aux propositions de Beccaria qui voyait, jusqu’à la caricature, dans le droit pénal une règle du jeu social : chaque citoyen doit savoir quelle peine il se verra infliger s’il viole telle règle précise. La fonction du juge pénal est purement distributive : il échange une peine contre un délit, selon une règle préalablement établie » [102]. Avec l’établissement de tarifs uniques, quelles que soient les circonstances objectives ou subjectives entourant l’infraction, s’affiche la volonté de rompre avec la liberté créatrice ou l’« arbitraire » des juges. Assez clairement posée par les autres textes codificateurs en matière d’incriminations, la mise sous tutelle d’un droit du cas se construit ici, sur le papier tout au moins, de manière stricte au niveau des peines [103].
37Rapidement cependant, le Code pénal de 1810 corrige le tir, même si de manière modérée, pour trois raisons principales. Tout d’abord, comme le résumera d’une formule J. Bentham, on réalise que derrière une apparence d’égalité abstraite, la fixité des peines est susceptible de cacher « l’inégalité la plus monstrueuse » [104]. Il semble ensuite que la fixité des peines, associée à leur rigueur, « par son injustice même, enfantât l’impunité » [105]. Enfin, l’absence totale de souplesse posait problème dans la pratique, certaines peines prévues (comme la peine de fer) ne pouvant être exécutées en raison du manque d’établissements adéquats [106]. Comme c’est presque toujours le cas, c’est donc un double problème de légitimité et d’effectivité qui pousse à réformer et à assouplir une loi pénale dont la validité est doublement menacée.
38Hormis pour les infractions les plus graves, le Code pénal de 1810 introduit alors un principe de modulation de la peine (voire même, dans certains cas, des peines concurrentes de prison et d’amende), dans le souci de concilier le principe de légalité pénale et le particularisme propre de chaque infraction lié aux circonstances objectives de sa réalisation [107]. Le principe de l’individualisation de la peine est ici posé : il érige de facto le juge en acteur de codétermination de la peine, mais à l’intérieur du cadre des limites fixées par la loi. De même, le pouvoir du juge est accru par l’introduction timide de circonstances atténuantes dans quelques cas limités de « simples délits » [108]. L’extension de ce mécanisme aux faits qualifiés crimes sera envisagée, mais néanmoins rejetée : ceci reviendrait, estime-t-on, non plus à réduire la peine mais à en changer l’espèce et donc à substituer le juge au souverain, seul détenteur du droit de « commutation de la peine ». C’était aller trop loin au regard du principe de légalité des peines et de son corollaire, à une époque où on considère que la puissance créatrice du juge n’a pas à empiéter sur celle du législateur originaire [109].
39Dans le courant du XIXe siècle, le développement d’un droit pénal néo-classique, nettement plus sensible à la question d’une « juste » individualisation de la peine, accentue néanmoins le processus de délégation judiciaire dans la fixation de la peine. En France, une loi du 26 juin 1824 élargit le recours aux circonstances atténuantes, un mécanisme dont une loi du 28 avril 1832 vient fixer le principe général. Deux éléments contribuent à ce mouvement qui redonne du pouvoir au juge et de l’importance au cas. D’une part, l’excessive sévérité des peines inscrites dans le Code pénal utilitariste de 1810 favorise les acquittements sauvages. D’autre part, l’écart entre la « théorie légale » du code pénal, « construction juridique au sens extrême du mot, œuvre de juristes » [110], et « les réalités vivantes » auxquelles s’affronte la justice pénale s’enracine dans les consciences : le problème est celui d’une justice confrontée à des hommes qui ne sont pas des figures abstraites, mais à chaque fois « un homme qui se défendait, en mettant à nu toutes les circonstances de sa vie, tous les entrainements qu’il avait subis, tous les affolements qui avaient pu l’aveugler » [111]. Se pose alors la question de la juste rétribution de la faute par la peine et progresse la conviction que si des circonstances atténuent la gravité morale de l’acte, « il faut abandonner à la conscience éclairée du juge le pouvoir de les apprécier et de rétablir l’équilibre entre le châtiment et la faute, en réduisant la peine prévue par la loi » [112].
40Le souci de prendre en compte le cas pousse à déléguer un pouvoir plus important au juge. Mais cette délégation reste une délégation dans la loi, cadrée par une double limite. D’abord, l’espace de jeu concédé au juge ne concerne pas les incriminations [113]. Ensuite, la modalisation de la peine ne peut s’effectuer que vers le bas, permettant uniquement de diminuer le tarif légal et non pas de l’augmenter [114], ce qui serait considéré comme une transgression inacceptable du principe de légalité pénale. C’est précisément cette barrière-là que la deuxième version de l’individualisation va prétendre faire sauter.
2 – Droit et science : où la dangerosité conduit le cas au-delà la loi
41À la fin du XIXe siècle, la version à dominante morale et humaniste de l’individualisation de la peine est concurrencée par une autre lecture plus utilitaire. La criminologie naissante, qui à ses débuts prend les traits de l’anthropologie criminelle, propose elle aussi d’individualiser la peine et son exécution. Mais le proposition se décline moins sur fond d’un idéal de justice qu’à partir d’une nouvelle lecture scientifique du déviant perçu comme individu dangereux contre lequel il faut défendre la société. C’est désormais le risque social que représente le déviant qui devient le paramètre de la « défense sociale » contre le crime. Selon Foucault, ce glissement peut se lire comme la traduction dans le champ pénal du glissement d’abord opéré en droit civil d’une « responsabilité pour faute » à une « responsabilité sans faute » [115], mais avec des effets sensiblement différents. Cette évolution, qui correspond à un transfert de la gestion des risques de l’individu vers l’État [116], a pour résultat que la priorité assurantielle de la justice pénale n’est plus de punir un individu pour rétribuer sa faute morale ou dissuader ses imitateurs potentiels ; elle devient de protéger la société contre les risques de passage à l’acte criminel que représente un individu « prédisposé » au crime par sa nature et repéré comme tel par la science.
42Dans ce projet utilitariste d’individualisation de la réaction sociale à la déviance, le droit et ses fondements métaphysiques sont remplacés par la science positive comme source de légitimité. Là où le droit se perd dans les justifications spéculatives, la science produit une connaissance empiriquement vérifiable et se présente désormais, ainsi que le soulignera Lombroso, comme « la seule autorité de notre époque » [117]. C’est donc du côté de la science et non plus du droit, de l’ontologie de l’individu et non plus de son acte dans son rapport à la règle, qu’il faut se tourner pour évaluer la dangerosité, cartographier les groupes à risques et protéger la société contre le crime [118]. S’introduit dès lors l’idée, défendue en Belgique par A. Prins, que « pour choisir les mesures à prendre, c’est l’état permanent de l’individu qu’il faut considérer plus que son acte passager » [119] ou, pour le dire autrement, qu’il s’agit de juger un homme déviant qui a commis un acte illégal bien plus qu’un acte illégal commis par un citoyen.
43Entre la science et le droit, un conflit de légitimités émerge. Il traduit un nouveau rapport entre la règle et le cas qui, à terme, menace le principe même de la règle. Les représentants du monde juridique pénal ne s’y trompent pas et, dans son ouvrage consacré à L’individualisation de la peine [120] publié en 1898, Raymond Saleilles, pourtant sensible à divers aspects du projet de défense sociale, dénonce le caractère « presque effrayant » dans « ses applications pratiques » de cette nouvelle pénologie, dès lors que serait menée jusqu’à son terme sa « logique doctrinale, radicale et implacable ; logique qui fonctionne à rebours, comme cela arrive toujours de l’esprit logique et de l’esprit géométrique dans le domaine du droit » [121]. C’est que la menace plane sur le principe de légalité des incriminations : dès lors que « l’acte criminel n’est qu’un symptôme parmi d’autres d’une nature criminelle, pourquoi attendre la commission de l’acte pour intervenir » [122] ? Pourquoi, dans cette conception sécuritaire de la pénalité, ne reviendrait-il pas « au juge, éclairé par les progrès de la science, à fixer la notion de crime » [123] à partir du cas et non plus de la règle ? Et le risque de dérive n’est pas moindre du côté des peines. Si la peine n’est plus la sanction d’un acte mais une simple « mesure de prévention » à l’égard d’individus jugés dangereux, si elle n’est plus qu’une « sorte de traitement individuel », elle ne peut plus être fixée d’avance par la loi et « l’axiome juridique que la loi seule doit fixer le maximum de durée des peines n’a plus de sens » [124]. Autant dire, conclut Saleilles, « qu’il n’y a plus de droit pénal et que le code pénal peut être abrogé » [125].
44Ce tournant global vers une pénalité du cas arbitrée par la science, qui mettrait hors-jeu la référence au droit de la règle, sera jugé excessif et débouchera sur un compromis. Un peu partout en Europe, des lois de dangerosité émergent pour certaines figures spécifiques de la déviance, mais en complément du droit pénal (néo-classique). Ces lois, qui traduisent un débordement du droit de la règle par une science du cas, ont statut d’exception. Le débat, vigoureux à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, sur leur place et leur statut témoigne des difficultés à trouver l’équilibre entre la règle et le cas, l’intérêt social et les droits de l’individu, responsabilité et déterminisme, la logique du droit et l’autorité de la science.
Conclusion
45Depuis Aristote, le droit oscille entre la règle et le cas. Trop de cas, et c’est l’arbitraire, l’inégalité, le désordre et l’insécurité. A l’extrême, dès lors que domine une perspective utilitariste, c’est, en droit pénal, une mise entre parenthèse de la systématique juridique, de son langage argumentatif et de ses limites, au risque de voir érigée l’exception en principe ou, au contraire, se développer un ordre totalitaire légitimé par le discours de la science. Mais trop de rigidité dans la loi, c’est la menace d’un système aveuglé par les mirages de l’abstraction, l’utopie d’un monde lisse, le refus d’un droit en prise sur le vivant. Ou, pour le dire comme Hart, c’est refuser, au nom de l’idéal, l’inéluctable « texture ouverte » des règles juridiques en raison des limites imposées par le recours à des termes généraux et qui sont inhérentes à ce jeu de langage qu’est le droit [126].
46La révolution copernicienne du droit entamée au XVIIe siècle en réponse aux « défauts de la jurisprudence » traduit bien cette ambivalence ou la recherche d’un juste milieu entre les deux extrêmes de la règle et du cas. Dans un monde moderne fasciné par l’esprit de système et une rationalité more geometrico, des idéaux d’unité et de simplicité, les plateaux de la balance penchent vers le droit de la règle. Mais c’est aussitôt pour faire une place au droit du cas, afin d’éviter de faire du droit un phénomène contrefactuel et déconnecté du monde réel. Par la suite, l’évolution du droit pénal montre que la place faite au cas s’accroit, à mesure que le droit cherche à s’inscrire dans le réel des pratiques plus que dans l’abstraction d’un monde idéal. Et sans doute aujourd’hui, dans un monde marqué par la complexité et le pluralisme enchevêtré de sources du droit, le souci d’être en prise sur les individus et leurs demandes sociales, l’espace s’accroit-il pour le cas. Tant pour des motifs pragmatiques qu’en raison de choix éthiques, la pression en faveur d’un droit « sur mesure » gagne du terrain. Sur un plan général, l’idéal de codification est en crise, dans un monde dont certains soulignent le caractère baroque [127] et où le recours à la règle comme tiers fait face, pour le meilleur ou pour le pire, à la revendication d’ « accommodements raisonnables » [128] ; la place du juge-créateur et celle du juge contrôleur s’accroissent et, avec ce processus, grandit l’importance de la casuistique comme mode de construction du droit à partir du bas. Sur un plan plus spécifiquement pénal, le légalisme des incriminations tient à peu près bon, même si la multiplication d’incriminations aux contours flous contribue à donner au juge pénal un rôle de finisseur dans la définition de l’infraction, selon le modèle d’un jugement réfléchissant, à partir du cas. Par contre, la diversification des peines, tout comme la flexibilisation et la contractualisation de leur exécution, traduisent clairement une tendance à l’individualisation et une mise à distance du droit de la règle. De même, le recours à des modes d’Alternative Dispute Resolution qui se déploient à l’ombre de la règle pénale a pour objectif de faire plus de place au cas, dans une logique de négociation et de responsabilisation censée traduire la revanche du « monde vécu » des justiciables sur le « monde des systèmes » qu’incarne ici la justice pénale.
47Aujourd’hui, le cas regagne donc incontestablement du terrain, y compris dans cet emblème d’un droit de la règle « jupitérien » qu’est le droit pénal. La question est peut-être de savoir jusqu’où cette « suspension » de la règle, évoquée par Derrida, s’avère tenable. Faut-il attendre un retour du balancier devant le trop plein de complexité et d’indétermination qu’introduit ce droit pluriel et la place qu’il fait au cas ? Si c’était le cas, quel nouveau mythe serait mobilisé pour incarner l’idéal de perfection d’une règle appelée à subsumer le particularisme des cas ? C’est ici peut-être du côté d’une gouvernementalité algorithmique [129] que pourrait venir la réaction, comme en témoignent les évolutions, encore timides chez nous, d’une justice pénale actuarielle. Au règne du cas ne serait plus alors opposée la « raison des lois », mais bien la raison des chiffres et des moyennes, dans une nouvelle version de l’équilibre entre règle et cas, arbitrée cette fois par la religion des nombres.
Notes
-
[1]
Dossier « Penser par cas », R.I.E.J., Droit en contexte, 2014, n°73, pp. 75-171.
-
[2]
J. Van Meerbeeck, Introduction, R.I.E.J., Droit en contexte, 2014, n°73, p. 75.
-
[3]
F. Ost, « L’amour de la loi parfaite », in L’amour des lois. La crise des lois dans les sociétés démocratiques, J. Boulad Ayoud (dir.), Paris, L’Harmattan, 1996, pp. 52-77.
-
[4]
Sur ce point, voyez D. Fennelly, « Penser par cas : a common Law perspective », R.I.E.J., Droit en contexte, 2014, n°73, pp. 155-175.
-
[5]
A. Giddens, Les conséquences de la modernité, Paris, l’Harmattan, 1994.
-
[6]
J. Chevallier, L’État post-moderne, Paris, L.G.D.J., 2014.
-
[7]
F. Ost, M. van de Kerchove, De la Pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du droit, Bruxelles, FUSL, 2002.
-
[8]
J. Van Meerceeck, « Penser par cas… Et par principes », R.I.E.J., Droit en contexte, 2014, n°73, pp. 77-97.
-
[9]
Ibidem, p. 78.
-
[10]
Aristote, Éthique à Nicomaque, Introduction, traduction et commentaire par R. A. Gauthier et J.Y. Joly, T.I, 2e partie, Paris, 1970, p. 166.
-
[11]
Ibidem, p. 166.
-
[12]
Ibidem, p. 171.
-
[13]
Ibidem, p. 171
-
[14]
Ibidem, p. 167.
-
[15]
Ibidem, p. 173.
-
[16]
Ibidem, p. 172.
-
[17]
Ibidem, p. 157.
-
[18]
Ibidem, pp. 157-158.
-
[19]
Ibidem, p. 157.
-
[20]
Ibidem, p. 127.
-
[21]
Ibidem, pp. 128-130
-
[22]
Ibidem, p. 130
-
[23]
Ibidem, pp. 131-132
-
[24]
Ibidem, p. 157.
-
[25]
J. Habermas, Le discours philosophique de la modernité, Paris, Gallimard, 1988, p. 381.
-
[26]
Ibidem.
-
[27]
H. L. A. Hart, Le concept de droit, Trad. par M. van de Kerchove, Bruxelles, FUSL, 2002, p. 145.
-
[28]
Ibidem, p. 14.
-
[29]
J. Derrida, Force de loi. Le fondement mystique de l’autorité, Paris, Gallilée, 1994.
-
[30]
Sur ce jugement réfléchissant, Voyez F. Ost, « Penser par cas : la littérature comme laboratoire expérimental de la démarche juridique », RIEJ. Droit en contexte, 2014, n°73, pp. 99-131.
-
[31]
Aristote, op. cit., supra n. 10, p. 170.
-
[32]
Il y a ici une difficulté terminologique quant à l’utilisation du terme juge chez Aristote. Tantôt, il semble renvoyer au juge dans une activité judiciaire (cf. la justice corrective, p. 132), tantôt il renvoie au « magistrat », comme acteur politique. Mais dans ce dernier cas, les qualités attribuées à cet homme d’action qu’est le magistrat politique me semblent aisément transposables au juge judiciaire.
-
[33]
L. A. Muratori, (1742), « Dei difetti della giurisprudenza », in Opere, G. Falco, F. Forti (ed.), L. A. Muratori. Milano-Napoli, R. Ricciardi, 1964, pp. 863-898.
-
[34]
P. Dubouchet, Sémiotique juridique. introduction à une science du droit, Paris, PUF, 1990, p. 37.
-
[35]
B. Frydman, G. Haarscher, Philosophie du droit, Paris, Dalloz, 2e éd., 2002, p. 76.
-
[36]
Le droit de la Common Law, par exemple, fera ici de la résistance.
-
[37]
B. Frydman, G. Haarscher, op. cit., supra n. 36, p. 77.
-
[38]
Ibidem, p. 73.
-
[39]
Voyez Ch. Dumoulin, « Oratio Auctoris, de Concordia et Unione Consuetudinum Francia », in Omnia quae extant Opera, T.II, Paris, 1681, pp. 690-693 ; G. Coquille, Institution au droict des François, Paris, A. Langelier, 1612 ; E. Pasquier (1723), Les Œuvres, T.II, livre IX, Genève, 1971 ; F. Hotman, Antitribonian ou Discours d’un grand et renommé jurisconsulte de notre temps sur l’étude des lois, Bruxelles-Cologne, Dumarteau-De Dobbeleer, 1681.
-
[40]
L. A. Muratori, (1742), Dei difetti della giurisprudenza, in Opere, G. Falco, F. Forti (ed.), Milano-Napoli, R. Ricciardi, 1964, pp. 863-898.
-
[41]
Ibidem, p. 864.
-
[42]
Ibidem, p.866.
-
[43]
« Il existe une autre raison de ne pas caresser, même comme idéal, l’idée d’une règle à ce point détaillée que la question de savoir si elle s’applique ou non à un cas particulier serait toujours résolue d’avance… cette raison est que la nécessité d’un tel choix s’impose à nous par le fait que nous sommes des hommes et non des dieux » (H.L.A. Hart, Le concept de droit, op. cit., supra n. 27, p. 147).
-
[44]
L.A. Muratori, (1742), I primi disegni della Repubblica letteraria d’Italia esposti al pubblico da Lamindo Pritanio, in Opere, G. Falco, F. Forti (ed.), Milano-Napoli, R. Ricciardi, 1964, pp. 189-190.
-
[45]
Y. Cartuyvels, D’où vient le Code pénal ? Une approche généalogique des premiers codes pénaux absolutistes au XVIIIe siècle, Bruxelles, Montréal, Ottawa, De Boeck Université, PUM, PUO, 1996, pp. 47-60.
-
[46]
C. Varga, Utopias of rationality in the development of the idea of codification, Rivista internazionale di filosofia del diritto, T. IV, n°1, pp.21-38.
-
[47]
J. Bodin (1580), Exposé de droit universel, Paris, P.U.F., 1985, pp. 9-23, cité in J. Van Meerbeeck, op. cit., supra n. 8, p. 82.
-
[48]
Mémoire de Pussort, in H. Cauviere, L’idée de codification en France avant la rédaction du Code civil, Paris, 1910, p. 22.
-
[49]
Mémoire de Boucherat et Mémoire de Marillac, in Les efforts de la codification en France. Étude historique et psychologique, J. Van Kan, Paris, Rousseau, 1929, pp. 72 et 75.
-
[50]
J. Domat, Les Loix Civiles dans leur ordre naturel, T. I., Traité des Lois, Paris, 1777, Préface.
-
[51]
Ibidem, T.I., Traité des Loix, chap. I, art. V et VI.
-
[52]
J. Althusius, Dicaelogicae libri tres, totum et universum ius, quo utimur, methodice complectentes, 2e éd., Franfort, 1649.
-
[53]
P. Dubouchet, Sémiotique juridique. Introduction à une science du droit, Paris, P.U.F., p. 39. Cette paternité est contestable, d’autres estimant qu’elle reviendrait plutôt à Grotius et son ouvrage « De Jure Praedae » publié en 1604 (voy. B. Frydman, Le sens des lois. Histoire de l’interprétation et de la raison juridique, Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 242).
-
[54]
P. Dubouchet, op. cit., supra n. 53, p. 37-40.
-
[55]
Grotius (1625), Le droit de la guerre et de la paix, traduction de M.P. Pradier-Fodéré, Paris, Guillaume, 1867, p.55.
-
[56]
Ibidem, note de M.P. Pradier-Fodéré, p. 56.
-
[57]
Pufendorf (1672), De Iure Naturae et Gentium, Amsterdam, H. Schelte, 1745.
-
[58]
Ch. Wolff (1758), Principes du droit de la nature et des gens, par M. Formey, t.I, Amsterdam, rééd. Caen, 1988, pp. I-XXV.
-
[59]
Ibidem, pp. XLVII-XLVVVIII.
-
[60]
C. Varga, op. cit. supra n. 46, p. 21-38.
-
[61]
Sur ce mouvement de codification pénale, voyez Y. Cartuyvels, D’où vient le Code pénal ? Une approche généalogique des premiers codes pénaux absolutistes au XVIIIe siècle, op. cit. supra n. 45.
-
[62]
G.W. Leibniz, Nouvelles lettres et opuscules inédits, précédés d’une introduction, par A. Foucher du Careil, Paris, Durand, 1857, p. 383.
-
[63]
P. Dubouchet, op. cit., supra n. 53, p. 47.
-
[64]
G.W. Leibniz, Nova Methodus. discendae docendaeque jurisprudentiae cum subjuncto catalogo desideratorum in jurisprudentia, s. l., 1668.
-
[65]
G. Grua, La justice humaine selon Leibniz, Paris, PUF, 1956, pp. 254-255.
-
[66]
Lettre de Leibniz à Léopold du 1er août 1671, in H.E. Strakosch, State Absolutism and The Rule of law. The struggle for the codification of civil law in Austria, Sydney, p. 118.
-
[67]
Lettre de Leibniz à Spencer de juillet 1687, Ibidem, p. 118.
-
[68]
Lettre de Leibniz à Ferrand de janvier 1672, in G. Grua, op. cit., supra n.65, p. 258.
-
[69]
G.W. Leibniz, Trois textes sur le droit et la codification, Archives de Philosophie du Droit, 1986, T. 31, pp. 357-367.
-
[70]
G.W. Leibniz, Préface d’un nouveau Code, in ibidem, pp. 359-362.
-
[71]
Ibidem, Préface d’un nouveau Code, pp. 359-362 et Rationale Digestorum : préface, pp. 364-366.
-
[72]
Ibidem, Rationale Digestorum : préface, p. 367.
-
[73]
Le code doit en effet retirer « toute force à tous les statuts et à toutes les coutumes contraires à ce Code et qui ne sont pas nommément exceptées » Ibidem, préface d’un nouveau Code, p. 363.
-
[74]
« Et ainsi, pour que le droit soit tenu pour certain dans la République, il est préférable de retirer également aux jurisconsultes et aux juges, par un édit, tout pouvoir aussi bien de restreindre que d’étendre les termes de loi » (Ibidem, Rationale Digestorum : préface, p. 366).
-
[75]
Ibidem, Préface d’un nouveau code, pp. 362-363.
-
[76]
Voy. Y. Cartuyvels, D’où vient le Code pénal ? Une approche généalogique des premiers codes pénaux absolutistes au XVIIIe siècle, op. cit. supra n. 45.
-
[77]
Projet de Code Frédéric ou corps complet de Droit pour les États de sa Majesté le Roi de Prusse, 1751, introduction, §10-11 et Préface, §34.
-
[78]
Joseph II, Testament politique de l’empereur Joseph second, roi des Romains, 1791, T. I., p. 6.
-
[79]
A. Cavana, La codificazione penale in Italia. Le origine lombarde, Milano, A. Giuffre, 1975, p. 103.
-
[80]
Montesquieu, De l’esprit des lois, Paris, Garnier, 1871, p. 73.
-
[81]
C. Beccaria, Des délits et des peines, Paris, Flammarion, 1965, p. 68.
-
[82]
Ibidem, p. 68
-
[83]
Ibidem, p. 112.
-
[84]
Condorcet, « Nottes (sic) remises par le Marquis de Condorcet au Comte Louis de Durfort sur le Code criminel à Florence le 30 novembre 1786 », reproduit in M. Da Passano, « La giustizia penale e la riforma leopoldina in alcuni ineditti di Condorcet », in Materiali per una storia della cultura giuridica, G. Tarello (ed.), Vol. II, Bologna, Il Mulino, 1975, pp. 433.
-
[85]
A. Verri envisage, pour la Toscane, la création d’un code de législation à caractère universel adaptable dans toute l’Europe (A. Verri, « Ragionamento sulle leggi civili », in Il Caffe, II, Brescia, pp. 121 et sv., cité par V.P. Mortari, Tentativi di codificazione nel Granducato di Toscana, Rivista Italiana per le Scienze Giuridiche, 1956, vol. VI, pp. 357-358).
-
[86]
Sur cette opposition entre une raison naturelle faisant appel à la science mathématique et une autre faisant appel au modèle des sciences naturelles, voyez G. Tarello, Storia della cultura giuridica moderna, I. Assolutismo e codificazione del diritto, Bologna, Il Mulino, pp. 264-265.
-
[87]
Instruction (1769), art. 6, reproduite in « Une œuvre inédite de Diderot. Observations sur l’Instruction de S.M.I. aux députés pour la confection des lois (1774). Publiées avec une introduction de P. Ledieu et le texte de l’Instruction de Catherine II, Revue d’Histoire Economique et Sociale, 1920, n°3, pp. 273-411.
-
[88]
Montesquieu, De l’esprit des lois, Paris, C. Truc, 1961, Livre II, Ch. I, pp. 11-12.
-
[89]
Voyez, par exemple, le Projet de Code Pénal Lombard, art. 23 et 33, reproduit in A. Cavanna, La codificazione penale in Italia. Le origini lombarde, Milano, A. Giuffre, 1975.
-
[90]
On notera que Beccaria lui-même, dans son commentaire du Code pénal de Joseph II publié en 1791, introduit un bémol à son idéal d’égalité abstraite devant la peine. S’il en maintient le principe pour les peines criminelles, sans guère s’éloigner du raisonnement tenu dans son Des délits et des peines, le réformateur lombard estime que pour les « peines politiques », appelées à sanctionner des infractions moins graves, « la qualité de la personne est une donnée essentielle à prendre en considération dans le calcul de proportion de la peine » (C. Beccaria (1791), « Brevi riflessioni intorno al codico generale sopra i delitti e le pene per cio che riguarda i delitti politici », in Opere, S. Romagnoli (ed.), Firenze, Sansoni, 1958, p. 711).
-
[91]
J. Bentham, Traités de législation civile et pénale, Oeuvres de J. Bentham, jurisconsulte anglais, Ed. E. Dumont, T. II, Bruxelles, Coster et Cie, 1829, p. 30.
-
[92]
Projet de Code pénal Lombard, art. 10, reproduit in La codificazione penale in Italia. Le origini lombarde, A. Cavanna, Milano, A. Giuffre, 1975.
-
[93]
Allgemeines Landrecht für die Preussischen Staaten von 1794, Textausgabe mit einer Einfürhung von H. Hattenhauer und einer Bibliographie von G. Bernert, Alfred Metzner Verlag, Frankfurt am Main, Berlin, 1970, Titre XX, art. 5, art. 1024 et art. 1160.
-
[94]
Projet de Code pénal Lombard, art. 9, reproduit in La codificazione penale in Italia. Le origini lombarde, A. Cavanna, Milano, A. Giuffre, 1975.
-
[95]
L’article 23 précise que le juge peut, en respectant le principe de légalité, « à volonté déterminer la durée convenable du temps » d’après les durées minimale et maximale chaque fois fixées pour la peine (Code pénal de Joseph II).
-
[96]
Joseph II, Testament politique, T. I., op. cit., supra n. 78, p. 68.
-
[97]
D. Diderot, « Une œuvre inédite de Diderot. Observations sur l’Instruction de S.M.I. aux députés pour la confection des Lois » (1774), avec une introduction de P. Ledieu, Revue d’Histoire Économique et Sociale, 1920, n°3, pp. 273-411.
-
[98]
Diderot, « De La Commission », in Diderot et Catherine II, M. Tourneux, Genève, Slatkine Reprints, 1970, p. 148.
-
[99]
Pietro Leopoldo, Vedute sopra le pene, e punizione dei delitti, cité par M. Da Passano, I, « lavori preparatori » della « Leopoldina », in La « Leopoldina », criminalita e giustizia criminale del settecento europeo, L. Berlinguer (ed.), vol. I, Siena, Universita di Siena, 1986, pp. 151-215.
-
[100]
Ce point a fait l’objet d’une analyse plus poussée in Y. Cartuyvels, « Légalité pénale, délégation au juge et habilitation de l’exécutif : le jeu pluriel des sources en droit pénal », in Les sources du droit revisitées. Vol. II., Normes internes infraconstitutionnelles, I. Hachez et al. (dir.), Bruxelles, Anthemis-FUSL., 2012, pp. 55-104.
-
[101]
H. Donnedieu de Vabres, Traité de droit criminel et de législation comparée, Paris, Sirey, 1947, p. 26.
-
[102]
J. F. Chassaing, « Les trois codes français et l’évolution des principes fondateurs du droit pénal contemporain », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 1993, n°3, p. 450.
-
[103]
Sur ce point, voyez J.M. Carbasse, Introduction historique au droit pénal, Paris, PUF, 1990, n°199.
-
[104]
J. Bentham, « Traités de législation civile et pénale », in Œuvres de J. Bentham, jurisconsulte anglais, op. cit., supra n. 91, p. 30.
-
[105]
A. Chauveau et F. Helie, Théorie du Code Pénal, Paris, E. Legrand, T.VI, 1845, pp. 278.
-
[106]
H. Donnedieu de Vabres, Traité de droit criminel et de législation comparée, op. cit., supra n. 101, pp. 26-27.
-
[107]
Voyez J.F. Chassaing, « Les trois codes français et l’évolution des principes fondateurs du droit pénal contemporain », op. cit., supra n. 102, pp. 445-453.
-
[108]
Exposé des motifs du code pénal de 1810, cité par A. Chauveau et F. Helie, Théorie du Code Pénal, Paris, E. Legrand, 1845, T. VI, p. 279. Voyez aussi H. Donnedieu de Vabres, Traité de droit criminel et de législation comparée, op. cit., supra n. 101, p. 28.
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[109]
A. Chauveau et F. Helie, Théorie du Code Pénal, op. cit., supra n. 108, t. VI, p. 281.
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[110]
R. Saleilles, « L’individualisation de la peine », in L’individualisation de la peine. De Salleilles à aujourd’hui, R. Ottenhof (dir.), Toulouse, Erès, 2001, p. 62.
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[111]
Ibidem, p. 63.
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[112]
J.J. Haus, Principes généraux de droit pénal belge, Gand-Paris, Hoste-Thorin, 1874, T.I., p. 54.
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[113]
Ibidem, p. 37.
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[114]
Ibidem, p. 53. Haus rappelle, qu’à l’inverse des circonstances atténuantes, les circonstances aggravantes sont légales.
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[115]
M. Foucault, « L’évolution de la notion d’« individu dangereux » dans la psychiatrie légale », Déviance et Société, 1981, n°4, pp. 418 et sv.
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[116]
Sur ce point, voyez aussi J. Pratt, « Dangerousness and modern society », in Dangerous Offenders, Punishment and Social Order, M. Brown et J. Pratt (ed.), London, New-York, Routledge, 2000, pp. 35-47 ; D. Garland, « The Birth of the Welfare Sanction », British Journal of Law and Society, 1981, n°1, pp. 29-45.
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[117]
C. Lombroso, L’Uomo bianco e l’uomo di colore, Padua, Sachetto, 1871, p. 10.
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[118]
D. Salas, Une relecture de l’individualisation des peines, in L’individualisation de la peine. De Saleilles à aujourd’hui, R. Ottenhof (dir.),,op. cit., supra n. 110, p. 201.
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[119]
A. Prins, La défense sociale et les transformations du droit pénal, Bruxelles, Misch et Thron, repr. Genève, Médecine et Hygième, 1986, pp. 74-75.
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[120]
R. Saleilles, L’individualisation de la peine, in L’individualisation de la peine, R. Ottenhof (éd.), op. cit., supra n. 110, pp. 21-191.
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[121]
Ibidem, p. 87.
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[122]
Ibidem, p. 88.
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[123]
Ibidem, p. 94.
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[124]
Ibidem.
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[125]
Ibidem, p. 95.
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[126]
H. L. A. Hart, Le concept de droit, (trad. par M. van de Kerchove), Bruxelles, FUSL, 2005, pp. 14-15.
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[127]
P. Martens, « L’évolution de la codification en Belgique », Journal des Tribunaux, 2004, n°6137, p. 450.
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[128]
E. Bribosia,, I. Rorive (dir.), L’accommodement de la diversité religieuse. Regards croisés – Canada, Europe, Belgique, Bruxelles, éd. Peter Lang, coll. Études canadiennes n° 29, 2015.
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[129]
Sur ce point, voy. A. Supiot, La Gouvernance par les nombres. Cours au Collège de France, 2012-2014, Paris, Fayard, 2015.