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Article de revue

Littérature et imaginaire juridique

Pages 161 à 179

Notes

  • [1]
    Cet article est une version revue et corrigée d’une leçon introductive dispensée à l’Université de Dundee en décembre 1997. (n.d.t. : certaines citations rapportées dans cet essai ont été librement traduites de l’anglais).
  • [2]
    MacIntyre, After Virtue, 1985, p. 263.
  • [3]
    Etzioni, The Spirit of Communauty, 1995.
  • [4]
    Sandel, Democracy’s Discontent, 1996, p. 3 et 201-202.
  • [5]
    Pour approfondir la conception arendtienne de la communauté, voyez The human condition, 1958.
  • [6]
    Sandel, op. cit., p. 350-351.
  • [7]
    Taylor, Sources of the self, 1989, spécialement aux p. 25-52, 376-378. Pour une thèse proche de celles liées à la croissance et la baisse des politiques imaginatives et conversationnelles, voyez Murdoch, Metaphysics as a Guide to Morals, 1993, spécialement p. 10-18, 51-77 et 147-184.
  • [8]
    Rorty, Contingency, Irony, and Solidarity, 1989, p. XIII-VI, 5-6, 23-43, 50-54 et 60-61.
  • [9]
    Sandel, op. cit., p. 350-351. De la même manière, Taylor se réfère à nos relations langagières en cours avec notre communauté historique. Cf. Taylor, op. cit., p. 37
  • [10]
    Karl Popper a mis à l’épreuve les présuppositions formalistes du déterminisme historique. Au contraire, il affirme clairement que l’histoire n’est pas prévisible parce qu’elle est écrite par différentes communautés dans différents contextes. Voir The Poverty of Historicism, 1991, p. V-VI, 47-53, 4-70 et 151-161. Thomas Kuhn, approuvant explicitement la thèse de Popper, a affirmé que l’histoire ne prouve jamais rien. L’historien est un interprète responsable de choisir entre des “paradigmes” afin de faire prendre un sens aux éléments d’un certain nombre de situations données. Cf. son The Structure of Scientific Revolutions, 1970 p. 146-73
  • [11]
    Pour une discussion passionnante de la théorie de l’histoire de Berlin et de sa relation avec la démocratie libérale, voyez Historical Inevitability, in Berlin, The Proper Study of Mankind, 1997.
  • [12]
    Dworkin, Law’s Empire, 1986, p. 189-90 et 413
  • [13]
    Cf. Dworkin, Freedom’s Law, 1996, p. 1-18
  • [14]
    Écrivant pour un public assez limité, Louis Montrose a suggéré que la “présence culturelle” d’Elisabeth était une “condition d’existence des possibilités imaginatives de la pièce”. Cf. Montrose, Shaping Fantasies : Figuration of a Gender and Power in Elizabethean Culture, in Representations, 1, 1983, p. 62.
  • [15]
    Taylor, op. cit., p. 275-289.
  • [16]
    Dans sa récente étude, The Poetics of English Nationhood, Claire MacEachern a également suggéré que la nation anglaise s’était constituée à la mort de Shakespeare.
  • [17]
    Bate, The Genius of Shakespeare, 1997, particulièrement les chapitres 6-8. Shakespeare devint d’ailleurs le “poète national” d’Angleterre, d’Ecosse, d’Allemagne et d’Amérique.
  • [18]
    L’idée qu’Henri est le prince idéal, éminemment anglais, lui a valu une popularité considérable durant la seconde guerre mondiale et les années qui suivirent. Le film de Laurence Olivier dans lequel il interprète Henry a été clairement dédié aux soldats de l’armée Britannique. 40 ans après, Wilson Knight, critique Shakespearien, a fait pareil en tentant de comparer la campagne du roi Henry en France et la guerre des Malouines. Pour un commentaire de ceci, cf. Holderness, Shakespeare Recycled, 1992, chapitres 1 et p. 180-183.
  • [19]
    La publication des pamphlets de Maprelate en 1587-89 a été le point de départ d’une opposition ouverte au “settlement” élisabéthain de 1559.
  • [20]
    Hooker, Of the Laws of Ecclesiastical Polity, 1989, p. 70 et 85.
  • [21]
    Ceci se retrouve également dans les écrits les plus puritains comme ceux de Richard Baxter (Holy Commonwealth) rédigés un siècle plus tard. Aylmer a carrément noté “Dieu est anglais” et l’Angleterre est “L’Israël de Dieu”. Le puritain William Whateley a même décrit l’Angleterre comme “le sceau de dieu, le bijou de Dieu… la seule et unique nation qui professe ouvertement et exclusivement la vraie religion de Dieu”. Cf. Collison, The Birthpangs of Protestant England, 1988, p. 7-10.
  • [22]
    Ibidem, p. 12-17.
  • [23]
    Hooker, op. cit., p. 133-136, 142, 167-168 et 217.
  • [24]
    La tâche d’un tel prince, comme le reconnut l’élève d’Erasme Charles V, était d’agir en vue du “Salut de tout le peuple chrétien”. Voir la lettre de Charles à Erasme, dans Erasme, The Education of a Christian Prince”, 1997, p. XX-XXI, Introduction.
  • [25]
    Erasme, Education, p. 13-17, 26, 46, 52, 79.
  • [26]
    Ibidem, p. 17, 21-22 et 26-27.
  • [27]
    Greenblatt, Invisible Ballets: Renaissance authority and its Subversion, Henry IV & Henry V, in Dollimore and Sinfild (eds), Political Shakespeare, 1985, p. 44.
  • [28]
    Avec le temps, il fut question de rituels et d’apparat. Arrivant aux portes de la ville, on se rappelle avoir vu la reine se joindre aux exhibitions théâtrales de la magistrature qui accompagnaient son arrivée. Le peuple d’York, on s’en souvient également, était d’ailleurs “merveilleusement ravi” par les gestes d’amour de sa souveraine tandis qu’à Warwick, elle remerciait le greffier de lui remettre en mémoire les tâches qui lui incombaient. Dans Talbert, The Problem of Order, 1962, p. 83, 84 et 88.
  • [29]
    Le monarque élisabéthain, tout comme l’affirme Thomas Elyot, doit être humain sans, pour autant, l’être trop. Pour une mise en discussion de la thèse médiévale, voir Kantorowicz, The King’s Two Bodies, 1957, particulièrement p. 42-78.
  • [30]
    Iser, Staging politics, 1993, p. 27-29.
  • [31]
    Voy. Kott, Shakespeare : Our Contemporary, 1967.
  • [32]
    Pour une critique de l’imagination constitutionnelle de Scott, voir Ward, The Jurisprudential Heart of Modlothian, in Scottish Literary Journal, 24, 1997, p. 25-39. Au sujet de l’affinité particulière entre Scott et Shakespeare concernant l’imagination politique et narrative, voir Gardner, In Defence of the Imagination, 1982, p. 63-4
  • [33]
    Voir Anderson, Imagined Communities, 1983, et Hobsbawn, Nations and Nationalism since 1780, 1992. Ceux-ci suggèrent que les idées de nationalisme et d’état-nation sont entièrement dépendantes de leur construction et maintiennent alors l’idée d’une “conscience nationale”.
  • [34]
    Kedourie, Nationalism, 1996, p. 56-66.
  • [35]
    Kristen A., Nations Without Nationalism, 1993.
  • [36]
    MacCormick, Beyond the Sovereign State, in Modern Law review, 1993, p. 1-18.
  • [37]
    Smith, Nations and Nationalism in a Global Era, 1995, p. 30-41 et 147-157.
  • [38]
    Voy. Ward, The margins of European Law, 1996, p. 4-9, 101-104.
  • [39]
    Voy. Derrida, Other Heading, 1992.
  • [40]
    Voir Rorty, Objectivity, relativity, and Truth, 1991, p. 175-202. Le manifeste de Rorty qui valorise l’ethnocentrisme comme constituant descriptif de la communauté moderne reste controversé. Cf. Bernstein, The New Constellation, 1991.
  • [41]
    Camus, Le Mythe de Sisyphe, 1975.
  • [42]
    Weinrib, Legal Formalism: on the Immanent Rationality of Law, in Yale Law Journal, 97, 1988. Il observe à la page 101 que, par essence, “dans ces systèmes de gouvernement fondés sur des relations juridiques, le formalisme est considéré comme une universalité dont le contenu est variable”.
  • [43]
    J. Habermas a émis l’idée qu’une conception “post-métaphysique” de la démocratie devait être fondée sur une meilleure appréciation de ce que toute participation est d’abord inhérente à la nature de la politique et, deuxièmement qu’il importe d’améliorer l’accessibilité des espaces publics en vue de la réalisation d’une “interaction communicative”. Sans aller aussi loin en réduisant l’idée de la communauté politique à une fiction narrative, l’éthique communicative magistralement soutenue par Habermas est fort proche de cette première conception. Cf. Habermas, Between Facts and Norms, 1996.
  • [44]
    Un tel modèle a été particulièrement mis en avant dans ces écoles de droit nourries des thèses des Réalistes américains et particulièrement de celles de Langdell et Holmes. Cf. Duxbury, Patterns of Jurisprudence, 1995, particulièrement les chapitres 1 et 2.
  • [45]
    Gabel et Kennedy, Roll Over Beethoven, in Stanford Law Review, 36, 1984, p. 33-34.
  • [46]
    Derrida, The force of Law : The Mystical Fondation of Authority, in Cardozo Law Review, 1990, p. 29-33.
  • [47]
    Selon Gabel, la formation juridique qui ne réussit pas à prendre en compte les aspects politiques liés à sa forme imaginative reste l’expression d’une “fausse conscience”. Cf. Gabel et Kennedy, op. cit., p. 35.
  • [48]
    Cf. Kennedy, Sexy Dressing Etc., 1993, p. 34-82. Cfr. également Mark Kelman, A Guide to Critical Legal Studies, 1984, p. 332.
  • [49]
    Voy Gabel et Kennedy, Roll over Beethoven, op. cit., p. 26.
  • [50]
    Singer The Player and The Cards: Nihilism and Legal Theory, in Yale Law Journal, 94, 1984, p. 60-65
  • [51]
    Nussbaum, Cultivating Humanity, 1997, p. XI.
  • [52]
    Ibidem, p. 8-11 et 85-6. Dans une série d’essais, Nussbaum a constamment insisté sur la formation narrative du discours politique contemporain. Voyez à ce propos Love’s Knowledge, 1990.
  • [53]
    Nussbaum, Poetic Justice, 1995.

1On tâchera d’aborder dans ce texte les trois thèmes de la communauté politique, de la littérature et de l’éducation. Il nous faut cependant souligner, avant toute autre chose, que ces derniers nous paraissent inextricablement liées.

2Il nous semble opportun d’amener ensuite l’idée que le juriste œuvre toujours au sein d’une communauté et que celle-ci peut être pensée comme une construction narrative, c’est à dire, élaborée par et à travers le langage.

3Je désire également attirer l’attention du lecteur sur le fait que l’éducation au droit reste malgré tout relativement étrangère à la reconnaissance des responsabilités politiques corrélatives qu’une bonne compréhension de la loi et de la communauté politique semble requérir.

4Dans la première partie de cette contribution, je tâcherai de pousser un peu plus loin la compréhension de cette idée de communauté narrative, les deuxièmes et troisièmes parties étant alors consacrées à l’évocation de certains textes qui permettront d’illustrer, en exemple moderne, la fibre même dont sont tissées les communautés politiques.

5Finalement, j’en terminerai en proposant quelques observations ayant trait aux responsabilités que mobilise la formation juridique.

La communauté narrative

6On peut affirmer que c’est la perte du sens commun qui forme la racine des crises politiques actuelles. Alistair MacIntyre avance que le vingtième siècle a atteint un "point pivot" qui exige un raffermissement des politiques visant à promouvoir la formation d’une réelle communauté [2]. Le plus populaire des communautariens, Amitai Etzioni, parle, d’ailleurs clairement, d’un manque "d’esprit de communauté" [3]. Plus récemment, Michael Sandel a émis l’idée que cette crise de la démocratie moderne se trouvait enracinée dans un sentiment partagé de manque de pouvoir. La vie publique est, aussi bien en Amérique du Nord qu’en Europe, "hypothéquée" par un "mécontentement" généralisé fondé sur cette perception commune que "nous sommes pris dans un engrenage de structures de pouvoir impersonnelles défiant notre compréhension et notre contrôle" [4].

7L’investissement politique de la communauté n’est certes pas une découverte récente. Les communautariens ont à ce propos recours aux concepts aristotéliciens de vertu citoyenne définie par une participation politique à tous les niveaux de pouvoir.

8L’idée de participation est critique. Elle permet de mettre l’accent sur la difficulté de se sentir intégré dans notre démocratie lors même qu’elle nous semble principalement être définie par d’autres. Les prétentions formelles du libéralisme moderne ont modelé une distinction devenue classique entre sphère publique et privée et cherchent à légitimer cette fiction particulière par une constitution libérale moderne.

9En lieu et place de droits à la participation, on observe l’existence d’ un flux de ‘droits’ négatifs qui incitent à protéger sa propre sphère ‘privée’ de toute intervention de la sphère publique en ce domaine et, simultanément, de notre rôle dans ce dernier domaine. En effet, nous sommes bien titulaires de nombreux droits de ne pas participer à la chose publique mais de bien peu qui permettent d’y prendre une part active.

10La raison pour laquelle la vision communautarienne nous intéresse ici est qu’elle est la seule parmi les thèses reconstructivistes en politique à prendre au sérieux la textualité irréductible de sa propre constitution narrative, l’idée de communauté étant alors fondée sur celle qui veut que cette dernière se présente comme construction narrative, élaborée et améliorée par le travail de l’imagination.

11Les politiques de communauté reposent sur l’idée que toute constitution est un organisme vivant qui évolue avec le temps. Cette affirmation s’apprécie en relation étroite avec ce donné qu’est notre propre participation communicative et dramatique en ce domaine. Une communautarienne des premiers temps, Hanna Arendt, a souligné que les citoyens dignes de ce nom ne pouvaient l’être qu’ à la condition de faire preuve d’un certain sens civique et des responsabilités par un réel établissement au sein de la communauté dans laquelle ils vivent. Le bon citoyen est donc celui qui est potentiellement à même de bien gouverner [5].

12La construction politique de la communauté exige une forme d’“engagement narratif”. La ‘political community’, comme le suggère Sandel, "dépend des récits par lesquels le peuple prend conscience de sa condition et interprète la vie quotidienne à laquelle celui-ci participe; au mieux, une délibération politique ne vise pas seulement l’expression de politiques concurrentes mais également celle d’interprétations concurrentes quant au caractère de la communauté, ou en considération de ses buts et finalités" [6].

13Une communauté démocratique s’envisage donc comme intimement liée à un imaginaire historique partagé, et, de la même manière, une politique communautaire sera celle qui se fonde sur ce sentiment de "constitutionnalisme narratif".

14Charles Taylor cherchait à établir cette conscience d’appartenir à une même communauté sur la prémisse qui veut que “nous intégrions nos vies dans un récit”. Reprenant l’injonction platonicienne classique, il avance que toute politique de communauté est fondée sur son alignement avec l’identité narrative en elle même.

15Un mode de vie décent exige notre participation active et constructive au sein d’ un débat politique, nécessaire "condition de cohésion sociale".

16L’ auteur précité note à juste titre que l’histoire du libéralisme moderne se confond avec celle de la disparition de sa discussion politique. La modernité semble s’être, en effet, fondée sur cette ambition précise. Or, il s’agit là d’un simple refus de la réalité des choses, les communautés sont, au contraire, organisées autour de leur mise en discours et toute littérature contribue bel et bien à préserver l’imagination politique. L’éventualité d’un retour à une politique de communauté dépend du réinvestissement de notre désir latent d’identité narrative, le "soi" étant dès lors conçu essentiellement comme forme narrative [7].

17Une telle conclusion présente une similarité frappante avec celle proposée par un philosophe contemporain d’un tout autre tendance, Richard Rorty. Le libéralisme post-moderne de Rorty fait preuve précisément du même engagement envers la communauté narrative et ses implications romantiques et démocratiques à fois stabilisées et déstabilisées par la contingence du langage. La communauté libérale post-moderne est celle qui est construite par une communauté de discutants informés du fait que la vérité politique ou morale est simplement celle qu’ils choisissent. Tel est donc l’esprit du pluralisme démocratique et romantique. La vérité ne contraint plus la libre discussion mais elle est, au contraire, construite par celle-ci. “Le monde ne parle plus, nous sommes les seuls à pouvoir le faire”. Ainsi on peut avancer que ce postulat selon lequel, le langage, toujours partagé, intersubjectif, façonné par une séquence de contingences infinies, se pose comme à la fois libérateur et mobilisateur. La vie n’est effectivement qu’une narration et nous sommes donc également les écrivains de nos propre contingences, les poètes de nos propres histoires [8].

18L’imagination n’est pas, par conséquent, un phénomène simplement littéraire. Parce qu’elle est narrative, celle-ci est également historique. Sandel conclut à ce propos que sans narration il n’y a pas de communauté possible entre le présent et le passé, et que s’expérimente par conséquent une véritable absence de responsabilité d’agir ensemble en vue de s’auto-gouverner [9]. Une telle idée a été partagée par nombre d’intellectuels historiens de notre temps [10].

19Pour Isaiah Berlin, l’histoire s’entend toujours comme “aptitude à décrire” et l’historien comme un de ceux qui comprennent que l’histoire nécessite “une projection imaginative de nous-mêmes dans le passé”. Plutôt que de chercher des vérités historiques scientifiques et immuables, l’historien, “homme de l’imaginaire”, envisage la nature essentiellement narrative de l’histoire et s’inspire de cette considération en vue de saisir les responsabilités politiques et morales entraînées par des exigences de même nature émises par des citoyens. On pourrait dire que la renaissance de la moralité démocratique constitutionnelle est fondée sur cela [11].

20Pour les libéraux comme Rorty ou Berlin la communauté politique est alors une construction de nature critique. Un autre exemple plus immédiatement juridique d’une vraie rencontre des thèses communautariennes et libérales peut être trouvé dans le concept d’integrity utilisé par Dworkin, concept à la fois littéraire et historique basé sur l’idée d’une communauté narrative. Dworkin suggère que l’interprétation légale soit assimilée à un exercice herméneutique bridé uniquement par les constructions narratives de la communauté au sein de laquelle l’interprète inscrit son action particulière. Ajoutons que la communauté dont il est question est à la fois créative et fidèle à une certaine ligne, limitée là aussi par une textualité propre, par une histoire ainsi que par une éthique politique spécifique.

21La communauté libérale est celle qui protège les droits intrinsèques de ses membres, tout en encourageant également leur participation démocratique. “L’integrity augmente et intensifie le rôle individuel des citoyens en développant les normes de base de leur communauté”, elle “met en lumière le fait que chaque citoyen doit pouvoir accepter d’être sollicité par tous tout en étant à son tour habilité à solliciter chacun; ce qui partage et accroît la charge morale liée à chaque décision politique adoptée en bonne et due forme”. La thèse de l’integrity fusionne donc les expériences politiques, morales et narratives qu’offre la vie et, ce faisant, propose une “attitude imaginative” pour envisager notre constitution [12].

22Le mot constitution implique, bien évidemment, un processus de constitution, ce qui suppose à son tour une activité narrative et un recours à l’histoire. Dans ces termes, une constitution devrait être comprise comme étant un produit de l’imagination. Elle cherche à condenser en elle les mœurs politiques et juridiques d’une communauté par le simple fait qu’à la base de celle-ci se trouve un texte écrit qui, à la fois décrit et prescrit un imaginaire juridique particulier. Entendue comme texte, la partie juridique de la constitution se comprend seulement comme une portion de ce processus enrichi du rôle créatif et actif de l’ensemble des citoyens qui la lisent, l’interprètent et façonnent le contexte au sein duquel le processus interprétatif est mené. Une constitution raconte donc une histoire, celle de l’évolution historique d’une moralité politique. Une telle conception herméneutique du constitutionnalisme libère et renforce toute participation démocratique citoyenne, en exigeant, cependant, que cette dernière contribue à l’élaboration des critères établis par une éthique politique narrative qui, donc, les définit et qu’ils définissent [13].

Une constitution narrative

23Ayant suggéré que la communauté et sa constitution soient comprises comme étant des constructions narratives ou littéraires et plus encore, issues de l’imagination, il nous paraît dès lors impossible de ne pas en apporter le moindre exemple. L’illustration que l’on compte mobiliser ici, bien que très brièvement dans le contexte de cet essai, est celle qui peut être tirée de l’œuvre de Shakespeare. Ce faisant, il ne nous échappe pas que l’utilisation d’une telle ressource donne vraisemblablement lieu à controverse. Shakespeare, considéré par la plupart comme un des grands intellectuels modernes, écrivait dans le but d’extraire une vision particulière du social et du politique durant une période de crise constitutionnelle. Et c’est précisément là que réside l’intérêt de notre réflexion. Signalons en passant que les mérites et démérites relatifs liés à la littérature shakespearienne ainsi que les vertus et les vices des canons littéraires y attachés ne seront pas relevants dans le cadre de cet article. Rappelons au passage que, par définition, un texte canonique est celui qui est situé au cœur de la construction narrative élaborée par une communauté culturelle. En comparaison de l’un quelconque ouvrage de droit constitutionnel que nous pourrions citer, ce que Shakespeare a écrit à ce propos nous semble bien plus important, particulièrement sur le terrain de la bonne réception et bonne compréhension de cette matière par le public.

24On peut cependant légèrement douter de l’extension que Shakespeare donne au pouvoir de l’imagination comme dynamique politique.

25Duke Theseus dans A Midsummer Nights Dream souligne cependant les accointances entre l’art d’exercer la magistrature et celui du poète. Tous deux sont voués à l’accomplissement de “stratagèmes” liés à la puissance de l’imagination” [5.1.12-18] [14].

26La compatibilité la plus pointue entre la magistrature et la poésie est évoquée à travers la figure de Prospero dans Tempest.

27Prospero, tout comme Theseus, reconnaît que le contrôle d’un État est dépendant de celui du discours. Comme l’épilogue de la pièce l’affirme, un magistrat est un acteur dont le succès dépend de son habileté à contenter le public [epil. 13], L’art de gouverner semble donc bien être synonyme de la mise en branle d’une politique de l’imagination.

28Le texte auquel je désire me rapporter de manière plus détaillée est celui d’Henry V. De plus, on se concentrera ici plus particulièrement sur le concept de communauté nationale. Cependant il semble clair à première vue que l’Angleterre de Shakespeare ne puisse être mise au nombre des États dont le discours constitutionnel puisse être décrit au moyen de la catégorie de communauté narrative. Les événements de 1649 et 1688, plus fameux peut-être en raison de la disparition de certains monarques et par ces descriptions euphoriques d’avancées démocratiques menées au Parlement, marquent bien plus l’assaut libéral contre les “politiques résiduelles” de la communauté narrative [15]. A la fin du 17e siècle, l’idée de communauté nationale a été réécrite, si bien que ce concept politique majeur de la modernité qu’est l’État-nation finira par lâcher du terrain [16]. Shakespeare a bien évidemment joué un rôle substantiel au cœur de cette évolution historique. D’ailleurs, son accession à la position éminente de poète national fut sans doute amenée par un nationalisme latent qui culmine avec Henry V. Au cours des 18e et 19e siècles, Shakespeare “fit figure de Dieu et Roi et fut considéré comme la personne phare du siècle des lumières ainsi que comme le garant de la communauté nouvellement créée dans les termes de l’État-nation” [17]. Le fait de considérer Shakespeare comme l’incarnation particulière de l’anglais protestant nationaliste est d’ailleurs toujours d’actualité [18].

29Henry V doit être apprécié par référence au contexte plus tardif d’anxiété constitutionnelle sous le règne d’Elisabeth. Ce sentiment d’angoisse prit de nombreuses formes, non seulement celle d’une éventuelle crise de succession, mais aussi de crainte liée au chaos dans les provinces autour de 1590 ou encore de problèmes d’ordre religieux résonnants des voix de Calvin et Knox. Au cœur de tout cela on pouvait, cependant, rapporter cette anxiété relative à la question anglicane. La visée d’un commonwealth chrétien se plaçait, évidemment, au centre de la construction politique d’une théologie thomiste. La réforme initiée par Henry fut d’ailleurs basée sur une alliance contre nature entre l’Église et l’État, l’une étant affectée par l’autre. Le Laws of Ecclesiastical Polity de Richard Hooker a d’ailleurs révélé un anglicanisme forteresse, sensible, peut-être trop, à la question de cette révolution théologique à mettre en œuvre [19].

30Le sort de cette possible fondation, comme le concevait Hooker, réside dans le fait d’apporter une image convaincante d’un prince pieux à la tête d’un commonwealth pieux. Empruntant les voies du modèle aristotélicien, Hooker recommande la formation d’une communauté nationale spécifiquement anglaise, caractérisée par une fusion entre l’Église et l’État sous cette forme nouvelle de l’Église d’Angleterre [20]. S’il y eu jamais une idéologie politique envisagée dans une forme narrative, ce fut bien le protestantisme [21]. L’anglais des premiers temps de l’époque moderne vivait d’ailleurs sa vie “dans les pages de la Bible”.

31Le souverain, l’Église, la communauté se concevaient exclusivement dans l’univers symbolique de la théologie [22].

32Avec le commonwealth sacré éclôt aussitôt le concept de Prince sacré. En effet, si seul un Anglais dévot peut être membre du commonwealth d’Hooker, alors seul un prince anglais pieux est à même de le diriger [23]. L’idéal du prince pieux jouissait d’une autorité considérable au début de la pensée politique moderne. Pour Erasme, l’éducation bonne et vertueuse du prince implique nécessairement qu’elle vise à en faire un prince quasi divin [24]. Henry VIII cru pouvoir endosser la peau d’un tel prince et dès lors justifier sa réforme sur cette base. Selon Erasme, une éducation chrétienne bien comprise repose sur une “élucidation” particulière de la réalité du Christ ainsi que de “l’esprit” particulier d’un commonwealth tourné vers Dieu. La première tâche d’un prince est donc de garantir que la constitution et les lois du commonwealth soient en accord avec la “justice et l’honneur” [25]. Par ailleurs, Erasme admettait parfaitement qu’une telle constitution idéale relève du domaine de l’imagination. Le prince divin est à la fois un “roi réel” et un “acteur” dont la prestation sera “imitée” par le peuple [26]. Ce statut particulier lié à la haute magistrature n’était certainement pas perdue de vue sous Elisabeth, qui eut d’ailleurs ces mots explicites : “Nous, en tant que princes, sommes exposés à la vue du monde entier” [27]. Ses progrès continus dans l’exercice de sa fonction furent d’ailleurs mis en forme afin de la présenter, elle et sa cour, sous le meilleur jour possible [28].

33Le modèle de souveraineté proposé par Shakespeare permet d’apprécier l’idée que gouverner puisse s’entendre comme une forme d’art, une habileté particulière à façonner l’imagination politique en décrivant le présent comme la prolongation effective d’un passé mythique. Au sein des deux parties qui composent Henry IV, le jeune Hal bénéficie d’une éducation particulière à la mise en scène étudiant les techniques pouvant être mises au service de l’imagination politique. Comme Warwick l’observe dans Henry IV, “the Prince but studies his companions/like a strange tongue, wherein to gain the langage/ Tis needful that the most immodest word/ Be look’d upon and learnt”, “In time he willCast off his followersbuttheir memory/ Shall as a pattern or a measure live” [4.4.67-71, 74-8]. L’imaginaire politique du futur Henry V semble bien être façonné par la mémoire.

34Henry assume son rôle ultime, comme un futur prince, et, ainsi que le comprend bien l’archevêque, semble parfaitement prêt à endosser le rôle de la magistrature suprême. “He can « steal his sweet and honey’d sentences/ So thet the art and practic of life/ Must be the mistress to his rhetoric »” [1.1.47-52], Même s’il semble clair que l’archevêque soit un homme douteux, de la veine de ceux qui tiennent de grands discours séduisants se fondant sur l’ordre naturel tout en étant déterminés à ruiner les chances d’une mise en place du commonwealth dans le but de servir leurs propres ambitions [1.2.183-204], cela n’ajoute ni ne retranche quoi que ce soit à la nature du gouvernement comme mise en œuvre de l’imagination politique. Shakespeare ne porte d’ailleurs aucun jugement moral, il se contente d’affirmer la forme nécessairement fictive de l’autorité. Les politiques menée par Henry V sont toujours revêtues d’une forme imaginaire. Comme le prologue l’affirme, la pièce présente “un royaume comme scène, des princes comme acteurs” [Prol. 3], La royauté, forme politique particulière, est donc un art qui fait une large place à l’imagination et au jeu d’acteurs. Comme ce roi le rêve durant la nuit avant Agincourt, c’est bel et bien une “cérémonie” qui fonde le pouvoir [4.1.245-6, 253]. Quoi qu’il arrive, depuis la découverte des conspirateurs, Cambridge, Scroop et Grey, en passant par l’épisode des vagabonds luttant contre d’ordinaires soldats à la veille de la bataille ou encore la demande en mariage faite à Katherine, Henry accomplit son rôle.

35Henry est Roi et acteur, du début jusqu’à la fin, tout comme pouvait l’être Élisabeth. A travers Henry V, l’ambivalence inhérente à la nature performative du pouvoir est continuellement accentuée par le Chœur ; voix épique porteuse d’un idéal bousculant l’ordre établi de la réalité. Plus important, il se rapporte constamment à cette affirmation essentielle de la fiction constitutionnelle de cette “double nature” du roi : rencontre intime de la souveraineté divine et de la magistrature civile. Lorsqu’un soldat suggère que le caractère sacré d’Henry assurera la victoire, le Chœur se récrie : “le Roi n’est, après tout, qu’un homme comme tout autre” [4.1.100-2]. C’est un compromis [29] difficile mais intéressant. A chaque page, la pièce offre un fondement textuel à l’effort visionnaire d’un anglais d’exception bataillant pour le commonwealth et l’ idée d’un État-nation. Il s’agit là de la création d’une respublica d’Angleterre, nation entière unifiée par une grâce commune, élue par Dieu et ainsi constituée [30]. L’idée d’une nation unifiée ne pourra être cependant réalisée qu’à travers l’inventivité politique au moyen d’une détermination particulière et alternative à d’autres. Le commonwealth anglais d’Henry est à ce propos et en fin de compte déterminé par sa capacité à massacrer des milliers de catholiques français.

Fictions du nationalisme

36Henry V n’est pas seulement une pièce liée à l’époque, une simple étude de la théorie constitutionnelle au temps de la reine Elisabeth. C’est aussi un texte qui est lu par des milliers d’écoliers et d’étudiants chaque année et une fiction cinématographique regardé par des millions de personnes. Si Shakespeare est effectivement “un de nos contemporains”, il en va bien sur de même de sa “constitution” [31]. En ces temps de crise constitutionnelle, ou plus exactement de réforme, il est important de se rappeler que la force d’un ordre constitutionnel ne repose pas exclusivement sur un recueil de textes ou sur une jurisprudence mais également sur l’imagination populaire. L’évolution, et les perspectives d’avenir de l’État-nation britannique et de sa constitution dépendent bien plus de la bonne réception dans le public des œuvres de Shakespeare et particulièrement d’Henry V que de celles de Bagehot, Decey ou Hart.

37Le commonwealth qu’Élisabeth et Henry incarnent ainsi que son caractère anglo-protestant fortement marqué, est un pur produit de l’imagination narrative. Et ceci n’est pas affirmé ici en vue de diminuer d’une manière ou d’une autre le prestige d’Henry, de l’Angleterre ou encore, l’idéal d’un commonwealth sacralisé. Mais, il s’agit avant tout de suggérer que la constitution de Shakespeare est issue de l’imagination tout comme l’est la nôtre aujourd’hui. Toutes les communautés politiques sont crées et il en va ainsi de leur légitimité. Un des plus grands admirateurs de Shakespeare était d’ailleurs Sir Walter Scott. Ce dernier connu précisément une activité littéraire intense durant la période d’élévation canonique de Shakespeare, il tenait le “Bard” pour l’un des plus grands inventeurs de la nation Britannique. Évidemment, soit dit en passant, il est paradoxal que Scott ait eu recours à cet écrivain majeur de la littérature anglaise afin de soutenir sa propre tentative de préserver un cocon narratif écossais. Mais au cours du 18e siècle, Shakespeare était également considéré comme le poète national écossais.

38The Heart of Midlothian, une des tentatives les plus percutantes de Scott d’adapter les fondements de la constitution des Hanovre est d’ailleurs constellée d’allusions à Shakespeare. Pris par le désir apparemment contradictoire de maintenir une identité culturelle distincte tout en reprenant la constitution anglaise des Hanovre, Scott eut recours à “l’imagination historique”. Il eut tôt fait de réaliser que l’Écosse était avant tout un concept qui ne pourrait être préservé que sous la forme narrative. De la même manière, les romans de Waverley mettent précisément en scène une telle nation imaginaire; un équivalent écossais du commonwealth imaginé par l’anglais Shakespeare [32]. Tant pour Shakespeare que pour Scott l’idée de nation rencontre profondément l’idéal de la communauté. Tous deux ont d’ailleurs écrit à un moment où l’identité de la communauté politique était fragile et, tous deux finirent par conclure que la seule possibilité de revigorer celle-ci résidait dans le potentiel fictionnel du nationalisme et de l’imagination constitutionnelle. L’État-nation moderne répond donc au désir de voir exister une communauté imaginaire [33]. Elie Kedourie observe d’ailleurs avec perspicacité que bien qu’une constitution politique puisse tenir lieu à elle seule de légitimité politique, la puissance d’un État-nation semble bien être, en dernier ressort, équivalente à sa transcription littéraire au sein de l’imaginaire populaire [34]. Le nationalisme d’aujourd’hui entraîne la formation d’avis partagés. Pour beaucoup, il est synonyme d’une politique de haine et d’exclusion [35]. Pour certains, le temps des États-nations est d’ailleurs clairement révolu. Dans notre monde moderne, l’idée d’État-nation souverain ne semble donc plus être adaptée aux mœurs actuelles et, sans le placebo de la réalité pratique d’une souveraineté cohérente, on peut douter sérieusement de l’avenir à long terme d’un tel concept [36]. Pour d’autres, l’État-nation demeure, qu’on le veuille où non, la seule unité politique cohésive viable dans le monde post-moderne. Nier la réalité de l’État-nation reviendrait à nier la force de la « mémoire » historique [37].

39Pour beaucoup, il est à la mode d’évacuer l’État-nation du paysage conceptuel, tout en exposant cependant une philosophie politique vigoureusement nationaliste. Il semble alors possible qu’un nationaliste écossais puisse faire valoir la légitimité d’une nation écossaise autonome tout en ne reconnaissant pas le droit à l’Angleterre d’en être une. Une des particularités de l’imagination est de donner un statut réel à un objet tout en refusant qu’un autre puisse en bénéficier. Dans un contexte plus large, l’Union Éuropéenne table également sur ces notions d’électivité politique; les traités de l’Union et la citoyenneté européenne en sont la preuve. On crée des drapeaux, des hymnes et même une monnaie de l’Union, afin de donner l’illusion d’un État-nation européen [38]. L’Europe, comme la Grande-Bretagne, ne peut cependant guère compter sur une culture homogène ou une identité littéraire forte [39]. Sans enracinement profond dans l’imagination politique, ce caractère quasi naturel que Shakespeare ou Scott prêtent à leurs communautés imaginaires ne pourra jamais être soutenu sérieusement.

40Ce désir de constitution est, cependant, révélateur. On prétend à une constitution britannique et on en recherche une qui, dans le même temps, soit européenne parce qu’au fond, nous autres anglais sommes encore profondément romantiques. On cherchera à décrire la communauté dans laquelle nous vivons en termes d’affinités particulières irréductibles que nous pourrons alors traduire dans nos textes constitutionnels [40].

41Avançants dans cette voie, nous pouvons éluder le “chaos de l’absurde” dont parle Camus et qui caractérise la réalité du monde moderne [41]. Nous nous imaginons partager quelque chose d’essentiel avec les autres et cherchons à nous en convaincre en écrivant des constitutions qui expriment nos mœurs politiques narratives.

42La constitution, et la loi qui en découle, se conçoivent toujours comme contexte spécifique. On peut, dès lors, et probablement à bon droit, critiquer de façon classique les positions communautariennes en les frappant d’ethnocentrisme. Mais nier la nature culturelle particulière d’un ordre légal spécifique revient à nier la réalité d’un monde où les oppositions violentes entre différentes cultures légales se font jour. En outre, tenter d’évacuer la spécificité culturelle de toute substance légale ne signifie pas renoncer pour autant à l’idée d’une certaine éthique légale. Nous sommes toujours fondés à exiger que cette dernière soit fondée sur la double idée kantienne de liberté et d’égalité, sans qu’il soit alors nécessaire de prescrire une politique en vue de la traduction précise de celles-ci [42]. Mais lorsque nous en appelons à de tels principes, nous recherchons également une tradition narrative et intellectuelle particulière.

43De telle sorte qu’une telle compréhension de ce qu’est la communauté ainsi que sa traduction constitutionnelle requiert une approche radicalement différente de celle qu’implique la pensée contemporaine, juridique et politique. Une fois que l’on considère que la constitution est une création de l’imagination, alors nous pouvons élaborer une compréhension alternative de la liberté et de la démocratie qui, comme avancé plus haut, semble beaucoup plus conforme à ce que l’on peut percevoir de notre monde. La démocratie, telle qu’entendue par la communauté narrative, n’est pas étroitement définie en termes d’élections périodiques ou, en d’autres mots, rapportée à la politique libérale, mais est liée à la réalité de nos vies publiques comme discutants au sein de la communauté politique [43]. C’est pour cette raison que le narrative communautarianism insiste sur le caractère essentiel de la constitution narrative du droit. Le juriste est engagé dans une communauté narrative, précisément parce qu’il en est membre, et le droit qu’il cherche à pratiquer constitue lui-même une entité textuelle, à la fois descriptive et prescriptive au regard de cette communauté.

L’éducation juridique dans la communauté narrative

44Indépendamment de ses implications au sein de la politique contemporaine, il me faut suggérer que la prise en compte de la communauté narrative, et donc la constitution narrative, demande un réinvestissement complémentaire de l’idée de droit et des études juridiques. Comme Franz Kafka l’a très bien observé, étudier le droit “c’est comme mâcher de la sciure”. L’apprentissage des règles ne se prête pas à l’exercice de facultés créatives. A première vue, il pourrait sembler que les concepts de droit et d’imagination ne soient pas naturellement proches à l’inverse de ceux de droit, de pouvoir ou encore d’argent qui le sont sans aucun doute. Droit et justice le sont de temps en temps mais pour ce qui est de l’imaginaire et du droit… J’ai déjà cherché à faire admettre dans cet essai que ce dernier est précisément un produit de l’imagination. Pour faire court, il existe seulement dans une telle sphère et se montre affecté d’un grand paradoxe lorsqu’il tente, notamment à travers son enseignement, de nier cette vérité irréductible.

45Plutôt que de compter sur la fluidité et les possibilités qu’offrent la nature imaginaire du droit, le juriste aura plus volontiers recours aux thèses du formalisme afin de nier les responsabilités politiques qu’implique une conception imaginative du droit. En bref et d’un point de vue pédagogique, plutôt que d’enseigner aux juristes potentiels à être des citoyens politiquement engagés en insistant constamment sur le contexte juridique dans lequel ceux-ci baignent, on en vient à évacuer le potentiel imaginatif et créateur de ceux-ci et à réduire leur formation à une inlassable étude de cas et de règles.

46La raison pour laquelle le droit peut faire si facilement du formalisme son bon prétexte est simple. Celui-ci, les juristes nous le disent, se présente avant tout comme un système de règles. Et le bon praticien est, en conséquence, celui qui se montre capable de voir d’avance quelles règles données sont les plus adaptées à une situation également donnée [44]. La prédominance du formalisme juridique a cependant été exposée à des attaques de plus en plus vives durant les dernières décades. Même si le mouvement des Critical Legal Studies est aujourd’hui retombé après avoir connu un énorme succès, leur critique demeure pertinente et est encore étudiée et enseignée. En 1984, Peter Gabel et Duncan Kennedy, ont soutenu de manière mémorable que la force du droit dépendait de sa capacité à maintenir l’illusion comme moyen d’expression nécessaire de la communauté politique et ont ainsi légitimé celle-ci comme prophétie autosuffisante. L’aspect formaliste que le constitutionnalisme libéral adopte, les mythologies liées au droit, l’égalité, etc. sont donc partagées par la communauté comme attributs imaginaires dont on est persuadé de la réalité. La légitimité dans la durée de tout ordre constitutionnel dépend de la capacité à maintenir collectivement cette hallucination [45]. Une décennie plus tard, Jacques Derrida évoquera la même chose. La force du droit, selon lui, dépend, en effet, d’ancrages mystiques au fondement de la conscience politique d’une communauté. Afin de voir sa raison d’être perdurer, une telle idée se doit d’être liée à un simulacre d’immutabilité qui, nécessairement, nie les contingences d’une justice individualisée [46]

47L’idéal du juriste détaché de tout engagement politique demeure cependant le pivot de l’éducation juridique moderne. Cet état de fait peut être expliqué en partie par la formation juridique moderne destinée à répondre aux exigences de la société de consommation. L’avocat représente effectivement les intérêts de son client mais plus rarement de la communauté à laquelle il appartient. Ou, pour le dire autrement, sa responsabilité est une responsabilité professionnelle, rarement sociale. Les juristes éprouvent une certaine fierté liée à leur statut professionnel et, d’une façon ou d’une autre, cela autorise un certain mode de vie où l’on finit par habiter une sorte de monde réifié dans lequel de réelles questions de justice et d’honnêteté peuvent être plus facilement ignorées [47]. L’université, comme l’ensemble de la profession juridique, consacre d’ailleurs beaucoup de son temps à essayer de perpétuer les fictions relatives à sa propre légitimité. Au lieu de chercher à adopter cette responsabilité politique que toute l’éducation juridique devrait pouvoir rendre familière, on tentera plutôt à enseigner des “vérités” juridiques. Cependant, celles-ci sont de telle nature que chaque exposé, chaque séance de travaux dirigés est bien plus un exercice profondément politique et littéraire [48]. L’étudiant en droit est facilement berné par les miroitements de cette illusion liée à l’existence de la vérité juridique. Peter Gabel commente cela avec regret en disant: “parce qu’il deviendra avocat, l’étudiant en droit pense qu’il lui faut transformer d’une manière ou d’une autre ses sentiments politiques ou sociaux en arguments juridiques”. En fait, “les gens commencent à traduire leurs sentiments politiques” en arguments juridiques jusqu’à ce qu’une mystérieuse dissociation ait lieu, de même nature que celle qui s’opère avec le juriste qui en vient à perdre son visage humain et à prendre inconsciemment l’apparence de l’automate juridique [49].

48Une telle approche de l’éducation au droit nie la réalité de toute communauté politique en tant que telle ainsi que la situation particulière du juriste au sein de celle-ci. Cela implique l’abrogation fondamentale de toute responsabilité morale et civique. La loi ne peut jamais nous dire ce qu’il faut valoriser, seule l’imagination politique y parvient. Celle-là est fondée sur des expériences politiques réelles et ne peut être distinguée de l’imaginaire que de telles expériences distillent. C’est l’imagination qui nous dit ce qu’il faut valoriser et c’est l’imaginaire qui, par conséquent, donne ses contours à la loi. Une éducation juridique imperméable à cette forme imaginaire ne peut espérer renforcer les juristes en vue d’affronter les responsabilités politiques auxquelles ils seront confrontés [50]. Bien trop souvent, je crains qu’en tant qu’éducateurs nous ne formions encore des juristes en ne réalisant pas que le “juriste” est un produit de notre imaginaire collectif, tout comme le sont notre constitution et notre nation.

49Martha Nussbaum a récemment suggéré que la prise en compte d’une politique narrative exige une réévaluation fondamentale du programme d’éducation juridique. Une telle formation devrait être fondée sur une “norme particulière de citoyenneté” [51]. L’ambition d’une éducation juridique libérale devrait être de chercher à libérer “l’esprit de la servitude de l’habitude et de la routine, en permettant aux gens d’évoluer comme citoyens du monde avec sensibilité et vigilance”. Il ne s’agit donc pas seulement de viser le développement de la profession juridique ou pire encore, de cabinets spécialisés. La possibilité de rapporter des “faits issus de la diversité et de la complexité du comportement des gens” est essentielle si ce projet ambitieux doit être réalisé. C’est précisément l’imaginaire narratif qui doit être revigoré, c’est à dire : “l’habileté à envisager ce que signifie être soi-même tout en étant dans la peau d’une personne différente, être un lecteur intelligent de l’histoire de cette personne et comprendre les émotions, les souhaits, les désirs qu’un tel individu puisse avoir”. L’aptitude la plus importante que l’étudiant en droit devrait pouvoir développer est cette faculté d’identifier la situation de l’individu au sein de la communauté narrative or, une telle compétence est entièrement dépendante de cette capacité particulière à susciter l’imagination politique dont elle donne les contours et par qui elle est définie [52]. La conception communautaire de la justice est fondée sur une “imagination compatissante” et la communauté juridique moderne devrait arriver à réaliser que la pratique juridique compte plus avec le respect et la compassion qu’avec des règles et des droits subjectifs [53].

50Il n’est pas ici simplement question de se plonger dans la littérature à titre purement illustratif. Il s’agit plus de nous permettre ainsi d’aborder la nécessaire prise en compte de cette forme narrative irréductible de la communauté qui est la nôtre. Il en va d’ailleurs de même pour les lois par lesquelles celle-ci cherche à se légitimer. Si nous arrivons à considérer, comme Shakespeare et Scott, que les politiques que nous menons sont effectivement nôtres car formulées, lues et interprétées par nous, nous pouvons également apprécier les responsabilités qu’une telle forme de démocratie implique. La thèse du narrative communautarianism selon laquelle la constitution est en effet un produit de l’imagination collective de la communauté, place le juriste dans une position d’habilitation particulière et, dès lors, de responsabilité. La loi est simplement une forme édictée par la communauté et qui cherche à la décrire. Le juriste, lui aussi, est un produit particulier de la loi et de cette communauté. La relation entre la loi, le juriste et la communauté est irréductiblement littéraire et l’homme de loi qui ne parvient pas à réaliser cela ne peut dès lors pas envisager les responsabilités qui lui incombent en tant que citoyen et qu’il lui faut assumer face à cette communauté. Comme Montaigne l’a très bien observé, les bons citoyens sont formés et non donnés. Il nous appartient donc, en tant qu’éveilleurs au droit, de reconnaître le caractère particulièrement engageant qu’une telle maxime implique.


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Date de mise en ligne : 08/09/2019

https://doi.org/10.3917/riej.042.0161

Notes

  • [1]
    Cet article est une version revue et corrigée d’une leçon introductive dispensée à l’Université de Dundee en décembre 1997. (n.d.t. : certaines citations rapportées dans cet essai ont été librement traduites de l’anglais).
  • [2]
    MacIntyre, After Virtue, 1985, p. 263.
  • [3]
    Etzioni, The Spirit of Communauty, 1995.
  • [4]
    Sandel, Democracy’s Discontent, 1996, p. 3 et 201-202.
  • [5]
    Pour approfondir la conception arendtienne de la communauté, voyez The human condition, 1958.
  • [6]
    Sandel, op. cit., p. 350-351.
  • [7]
    Taylor, Sources of the self, 1989, spécialement aux p. 25-52, 376-378. Pour une thèse proche de celles liées à la croissance et la baisse des politiques imaginatives et conversationnelles, voyez Murdoch, Metaphysics as a Guide to Morals, 1993, spécialement p. 10-18, 51-77 et 147-184.
  • [8]
    Rorty, Contingency, Irony, and Solidarity, 1989, p. XIII-VI, 5-6, 23-43, 50-54 et 60-61.
  • [9]
    Sandel, op. cit., p. 350-351. De la même manière, Taylor se réfère à nos relations langagières en cours avec notre communauté historique. Cf. Taylor, op. cit., p. 37
  • [10]
    Karl Popper a mis à l’épreuve les présuppositions formalistes du déterminisme historique. Au contraire, il affirme clairement que l’histoire n’est pas prévisible parce qu’elle est écrite par différentes communautés dans différents contextes. Voir The Poverty of Historicism, 1991, p. V-VI, 47-53, 4-70 et 151-161. Thomas Kuhn, approuvant explicitement la thèse de Popper, a affirmé que l’histoire ne prouve jamais rien. L’historien est un interprète responsable de choisir entre des “paradigmes” afin de faire prendre un sens aux éléments d’un certain nombre de situations données. Cf. son The Structure of Scientific Revolutions, 1970 p. 146-73
  • [11]
    Pour une discussion passionnante de la théorie de l’histoire de Berlin et de sa relation avec la démocratie libérale, voyez Historical Inevitability, in Berlin, The Proper Study of Mankind, 1997.
  • [12]
    Dworkin, Law’s Empire, 1986, p. 189-90 et 413
  • [13]
    Cf. Dworkin, Freedom’s Law, 1996, p. 1-18
  • [14]
    Écrivant pour un public assez limité, Louis Montrose a suggéré que la “présence culturelle” d’Elisabeth était une “condition d’existence des possibilités imaginatives de la pièce”. Cf. Montrose, Shaping Fantasies : Figuration of a Gender and Power in Elizabethean Culture, in Representations, 1, 1983, p. 62.
  • [15]
    Taylor, op. cit., p. 275-289.
  • [16]
    Dans sa récente étude, The Poetics of English Nationhood, Claire MacEachern a également suggéré que la nation anglaise s’était constituée à la mort de Shakespeare.
  • [17]
    Bate, The Genius of Shakespeare, 1997, particulièrement les chapitres 6-8. Shakespeare devint d’ailleurs le “poète national” d’Angleterre, d’Ecosse, d’Allemagne et d’Amérique.
  • [18]
    L’idée qu’Henri est le prince idéal, éminemment anglais, lui a valu une popularité considérable durant la seconde guerre mondiale et les années qui suivirent. Le film de Laurence Olivier dans lequel il interprète Henry a été clairement dédié aux soldats de l’armée Britannique. 40 ans après, Wilson Knight, critique Shakespearien, a fait pareil en tentant de comparer la campagne du roi Henry en France et la guerre des Malouines. Pour un commentaire de ceci, cf. Holderness, Shakespeare Recycled, 1992, chapitres 1 et p. 180-183.
  • [19]
    La publication des pamphlets de Maprelate en 1587-89 a été le point de départ d’une opposition ouverte au “settlement” élisabéthain de 1559.
  • [20]
    Hooker, Of the Laws of Ecclesiastical Polity, 1989, p. 70 et 85.
  • [21]
    Ceci se retrouve également dans les écrits les plus puritains comme ceux de Richard Baxter (Holy Commonwealth) rédigés un siècle plus tard. Aylmer a carrément noté “Dieu est anglais” et l’Angleterre est “L’Israël de Dieu”. Le puritain William Whateley a même décrit l’Angleterre comme “le sceau de dieu, le bijou de Dieu… la seule et unique nation qui professe ouvertement et exclusivement la vraie religion de Dieu”. Cf. Collison, The Birthpangs of Protestant England, 1988, p. 7-10.
  • [22]
    Ibidem, p. 12-17.
  • [23]
    Hooker, op. cit., p. 133-136, 142, 167-168 et 217.
  • [24]
    La tâche d’un tel prince, comme le reconnut l’élève d’Erasme Charles V, était d’agir en vue du “Salut de tout le peuple chrétien”. Voir la lettre de Charles à Erasme, dans Erasme, The Education of a Christian Prince”, 1997, p. XX-XXI, Introduction.
  • [25]
    Erasme, Education, p. 13-17, 26, 46, 52, 79.
  • [26]
    Ibidem, p. 17, 21-22 et 26-27.
  • [27]
    Greenblatt, Invisible Ballets: Renaissance authority and its Subversion, Henry IV & Henry V, in Dollimore and Sinfild (eds), Political Shakespeare, 1985, p. 44.
  • [28]
    Avec le temps, il fut question de rituels et d’apparat. Arrivant aux portes de la ville, on se rappelle avoir vu la reine se joindre aux exhibitions théâtrales de la magistrature qui accompagnaient son arrivée. Le peuple d’York, on s’en souvient également, était d’ailleurs “merveilleusement ravi” par les gestes d’amour de sa souveraine tandis qu’à Warwick, elle remerciait le greffier de lui remettre en mémoire les tâches qui lui incombaient. Dans Talbert, The Problem of Order, 1962, p. 83, 84 et 88.
  • [29]
    Le monarque élisabéthain, tout comme l’affirme Thomas Elyot, doit être humain sans, pour autant, l’être trop. Pour une mise en discussion de la thèse médiévale, voir Kantorowicz, The King’s Two Bodies, 1957, particulièrement p. 42-78.
  • [30]
    Iser, Staging politics, 1993, p. 27-29.
  • [31]
    Voy. Kott, Shakespeare : Our Contemporary, 1967.
  • [32]
    Pour une critique de l’imagination constitutionnelle de Scott, voir Ward, The Jurisprudential Heart of Modlothian, in Scottish Literary Journal, 24, 1997, p. 25-39. Au sujet de l’affinité particulière entre Scott et Shakespeare concernant l’imagination politique et narrative, voir Gardner, In Defence of the Imagination, 1982, p. 63-4
  • [33]
    Voir Anderson, Imagined Communities, 1983, et Hobsbawn, Nations and Nationalism since 1780, 1992. Ceux-ci suggèrent que les idées de nationalisme et d’état-nation sont entièrement dépendantes de leur construction et maintiennent alors l’idée d’une “conscience nationale”.
  • [34]
    Kedourie, Nationalism, 1996, p. 56-66.
  • [35]
    Kristen A., Nations Without Nationalism, 1993.
  • [36]
    MacCormick, Beyond the Sovereign State, in Modern Law review, 1993, p. 1-18.
  • [37]
    Smith, Nations and Nationalism in a Global Era, 1995, p. 30-41 et 147-157.
  • [38]
    Voy. Ward, The margins of European Law, 1996, p. 4-9, 101-104.
  • [39]
    Voy. Derrida, Other Heading, 1992.
  • [40]
    Voir Rorty, Objectivity, relativity, and Truth, 1991, p. 175-202. Le manifeste de Rorty qui valorise l’ethnocentrisme comme constituant descriptif de la communauté moderne reste controversé. Cf. Bernstein, The New Constellation, 1991.
  • [41]
    Camus, Le Mythe de Sisyphe, 1975.
  • [42]
    Weinrib, Legal Formalism: on the Immanent Rationality of Law, in Yale Law Journal, 97, 1988. Il observe à la page 101 que, par essence, “dans ces systèmes de gouvernement fondés sur des relations juridiques, le formalisme est considéré comme une universalité dont le contenu est variable”.
  • [43]
    J. Habermas a émis l’idée qu’une conception “post-métaphysique” de la démocratie devait être fondée sur une meilleure appréciation de ce que toute participation est d’abord inhérente à la nature de la politique et, deuxièmement qu’il importe d’améliorer l’accessibilité des espaces publics en vue de la réalisation d’une “interaction communicative”. Sans aller aussi loin en réduisant l’idée de la communauté politique à une fiction narrative, l’éthique communicative magistralement soutenue par Habermas est fort proche de cette première conception. Cf. Habermas, Between Facts and Norms, 1996.
  • [44]
    Un tel modèle a été particulièrement mis en avant dans ces écoles de droit nourries des thèses des Réalistes américains et particulièrement de celles de Langdell et Holmes. Cf. Duxbury, Patterns of Jurisprudence, 1995, particulièrement les chapitres 1 et 2.
  • [45]
    Gabel et Kennedy, Roll Over Beethoven, in Stanford Law Review, 36, 1984, p. 33-34.
  • [46]
    Derrida, The force of Law : The Mystical Fondation of Authority, in Cardozo Law Review, 1990, p. 29-33.
  • [47]
    Selon Gabel, la formation juridique qui ne réussit pas à prendre en compte les aspects politiques liés à sa forme imaginative reste l’expression d’une “fausse conscience”. Cf. Gabel et Kennedy, op. cit., p. 35.
  • [48]
    Cf. Kennedy, Sexy Dressing Etc., 1993, p. 34-82. Cfr. également Mark Kelman, A Guide to Critical Legal Studies, 1984, p. 332.
  • [49]
    Voy Gabel et Kennedy, Roll over Beethoven, op. cit., p. 26.
  • [50]
    Singer The Player and The Cards: Nihilism and Legal Theory, in Yale Law Journal, 94, 1984, p. 60-65
  • [51]
    Nussbaum, Cultivating Humanity, 1997, p. XI.
  • [52]
    Ibidem, p. 8-11 et 85-6. Dans une série d’essais, Nussbaum a constamment insisté sur la formation narrative du discours politique contemporain. Voyez à ce propos Love’s Knowledge, 1990.
  • [53]
    Nussbaum, Poetic Justice, 1995.

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